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vendredi 23 novembre 2012

La calotte ecclésiastique, selon X. Barbier de Montault, 1877


I. — Autrefois, la calotte était souple et profonde ; elle n'épousait pas la forme de la tète. Depuis une centaine d'années, elle est ferme et arrondie ; elle prend juste sur la tête, ce qui la rend à la fois plus chaude et plus élégante.

Cette forme modifiée étant universellement adoptée, il n'est plus loisible d'en préférer une autre qui n'a pas sa raison d'être. En fait de costume, l’Église ne se laisse pas influencer par l'archéologie, dont les regards sont tournés vers le passé d'une manière trop persistante, comme s'il n'y avait rien ailleurs. Ainsi donc la clémentine à oreilles a fait son temps. La forme mondaine n'est pas pour cela plus acceptable et, pour plus d'un motif, le clergé devrait s'abstenir, surtout à l'église, du bonnet grec qui menace sérieusement de faire invasion et qui ne convient point à des Latins.

Les fabricants romains excellent à faire les calottes ecclésiastiques, et le chapelier du pape, qui est aussi celui du Sacré-Collège et de la prélature, montre en ce genre un talent tout particulier. 

La calotte romaine, un peu moins profonde que la française, exige des soins que nous ne donnons pas aux nôtres, qui peuvent être coupées et cousues par la première couturière venue. Il faut d'abord une poupée de bois, qui a l'aspect d'une tête. On y tend une peau d'un seul morceau, de manière qu'elle en prenne exactement le contour et ne fasse pas le moindre pli ; sur cette peau est appliquée la calotte elle-même, qui se compose de huit côtes triangulaires. En France, où l'on ne met que six côtes, la calotte bâille et on est obligé de l'ourler d'un galon au rebord inférieur, afin qu'elle serre mieux la tête. Précaution inutile. À Rome, les côtes se recouvrent mutuellement et chacune est fixée par une piqûre, laquelle se répète tout autour.

Au sommet est une petite boucle en ganse, qui sert à prendre et mettre la calotte; rien n'autorise à cet endroit une houppette de soie effilée, comme on le fait en quelques pays, par exemple, en Lombardie, Autriche. 

La peau, qui forme doublure, a l'avantage de rendre la calotte rigide. On ne s'aperçoit bien de cela qu'aux offices pontificaux, lorsque la calotte épiscopale est posée sur un plateau ; souple et à plis, elle n'y ferait pas si bonne figure. Il est évident que la question de goût a dû entrer pour quelque chose dans cette combinaison. 

Toutefois, la peau a un inconvénient : elle échauffe la tête et, par la sueur qui ne s'évapore pas, tend à faire tomber les cheveux, au moins à la partie antérieure. Quoi qu'il en soit, serait-ce bien à nous, Français, à nous plaindre, nous qui avions inventé, apparemment, pour une plus grande durée, la calotte en cuir bouilli, dont il ne reste désormais que de rares spécimens, conservés par quelques vieux chantres et curés ? 

II. — Le cuir bouilli finira par disparaître, comme aussi le bonnet de soie qui ressemble à un bas, le tricot et le velours. Le tricot est toujours grossier, même fait au petit fer, à moins qu'il ne se fasse au métier, mais alors il n'a plus assez de consistance, si on ne lui fait un rebord toujours disgracieux. 

Quant au velours, il appartient en propre au pape. Personne autre à Rome n'oserait l'usurper et l'on se rappelle l'étonnement (je dirais presque le scandale) causé par l'outrecuidauce d'un cardinal étranger qui, malgré les remontrances des maîtres de cérémonies, s'est obstiné à paraître à la cour avec une calotte de velours rouge. Que le clergé français, qui a trop tacitement adopté le velours à l'instigation sans doute des fabricants, en fasse donc désormais son deuil ! Ceux qui tiennent à cette étoffe auront du moins la consolation de la porter encore en culotte, suivant une tradition presque immémoriale qui n'a aucun inconvénient, puisque sous la soutane elle ne paraît pas. C'est ainsi que devraient toujours faire ceux qui ont encore au cœur quelque dilection pour des pratiques démodées ; qu'ils les cachent et nous respecterons l'incognito prudent. 

Les seules matières autorisées pour la calotte sont le drap et la soie. Il y a calotte d'hiver et calotte d'été ; la première, plus épaisse, à cause de la saison, se fait en drap fin ; la seconde, en soie, plus ordinairement en satin. Pour mettre à l'aise les ecclésiastiques qui ne se prêtent cas à ces minuties de détail et qui ne tiennent point à avoir une calotte de rechange, je m'empresse de leur dire qu'ils peuvent se contenter d'une seule calotte, mais alors on la prend plus volontiers en soie. Les religieux eux-mêmes en portent de la sorte, quoique, par état, ils aient renoncé à la soie, mais, à Rome, on juge que cet accessoire n'a pas, dans l'espèce, une importance suffisante et l'usage a prévalu sur la prohibition générale. 

III. — La forme et la matière étant déterminées, passons à la couleur qui varie selon le degré hiérarchique. La calotte admet cinq couleurs : blanc, rouge, violet, noir, brun. 

Le blanc est réservé au pape, mais pas d'une manière exclusive, car certains ordres religieux, comme les camaldules et les chartreux dont les vêtements sont blancs, portent des calottes de même couleur, à cette différence près que, pour eux, elle est toujours en laine.
Le pape Pie VI porte la calotte blanche

Depuis Pie VI, qui avait une belle chevelure poudrée, les papes ont constamment gardé la calotte de soie blanche, unie et sans aucun ornement. Auparavant, elle était affectée à l'octave de Pâques et aux offices pontificaux, où elle servait sous la mitre. 


La calotte usuelle était rouge, en satin l'été, en velours l'hiver et, pour cette saison seulement, garnie d'une étroite bordure de fourrure blanche. Pie IX a repris accidentellement l'usage du camauro, car tel est le nom de cette coiffure papale, dont la forme a aussi quelque chose de l'antiquité : cependant, excepté les cas de froid intense ou de maladie, cette calotte spéciale semble abandonnée. 

Les cardinaux ont la calotte rouge, comme premier insigne de leur dignité. Elle leur est remise solennellement par un garde-noble du palais apostolique. Espérons que bientôt nos enfants de chœur cesseront de s'en parer indûment. 

Pie IX a concédé, en 1867, la calotte violette aux évêques, mais combien en France l'avaient déjà prise, pour assortir au costume, sans attendre l'induit pontifical qui, seul, pouvait les dispenser du noir ! Deux défauts ont déjà modifié le type romain et je les signale pour qu'ils soient évités de ceux qui aiment la règle. Les piqûres doivent se faire en soie violette et non en soie rouge, qui ici n'est pas de mise : seulement, la doublure peut être, comme à la barrette, en rouge cramoisi, pourvu qu'il ne déborde pas à l'extérieur. Si l'on bordait d'un galon, il ne pourrait être que violet. La seconde erreur est une houppette verte, je ne sais vraiment pas sur quel principe on se fonde pour l'y implanter. La boucle terminale est simplement en ganse violette. 

 Le type de la calotte violette, lors de l'indult, a été fourni par le Vatican : on doit le respecter tel quel et ne pas l'altérer en aucune façon. Si, en dix ans, on l'a déjà ainsi substantiellement modifié, que sera-ce dans cinquante ans, où le souvenir de la concession ne sera plus connu que des seuls érudits ! 

Le reste du clergé, même la prélature à tous les degrés, n'a droit qu'à la calotte noire, unie, sans ornement d'aucune sorte, avec doublure de même couleur : cependant l'usage tolère pour les prélats de mantelletta un dessous cramoisi, et violet pour les prélats de mantellone. On peut donc sans scrupule se conformer à cette distinction qui établit des degrés dans les dignités respectives. 

Les franciscains de l'observance, qui emploient dans leurs vêtements la laine non teinte, ont parfois une calotte assortie ; cependant ils n'est pas rare de les rencontrer avec la calotte tout à fait noire, comme les autres réguliers qui ne considèrent pas en cela la cou leur de leur habit, autrement elle devrait être bleue pour les sylvestrins et brune pour les carmes. 

IV. — La calotte suppose la tonsure. Donc, à priori, elle sera systématiquement refusée à quiconque n'est pas tonsuré. Dans cette catégorie, se classent les sacristains, chantres, enfants de chœur, bedeaux, etc., en un mot, tous les laïques qui ont un emploi à l'église. J'en dirai autant des membres des confréries qui ont l'usage du sac. Leur tête restera nue ou, dans des cas déterminés, ils prendront la barrette. 
 
Cette loi est même étendue, dans toute sa sévérité, aux séminaristes, lors même qu'ils sont tonsurés et cela à cause de leur infériorité et sujétion. En Italie, on l'observe fidèlement. Un décret de la congrégation des Rites, précisant un point sur lequel on la consultait, a formellement interdit aux séminaristes le port de la calotte à la cathédrale et pendant les saints offices : on le trouvera dans la collection de Gardellini et dans mon recueil, ce qui me dispense de le citer.

X. Barbier de Montault, prélat de la Maison de Sa Sainteté.

Référence

La semaine du clergé, bibliothèque universelle du prêtre, nouvelle édition, tome X, partie II, n°43, 5e année, 15 août 1877, Société de librairie ecclésiastique et religieuse, Paris, 1899, p. 1361-1363.

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