Rechercher dans ce blogue

dimanche 12 février 2017

Tous les saints s'entre-devront quelque chose, selon S. Thérèse de Lisieux.

 
Une novice lui disait :

« Vous êtes bien heureuse d'être choisie pour indiquer aux âmes la ''voie d'enfance'' » !

Elle répondit :

« Pourquoi en serais-je heureuse ? pourquoi désirerais-je que le bon Dieu se serve de moi plutôt que d'une autre ? Pourvu que son règne s'établisse dans les âmes, peu importe l'instrument. D'ailleurs, il n'a besoin de personne.

« Je regardais, il y a quelque temps, la mèche d'une petite veilleuse presque éteinte. Une de nos sœurs y approcha son cierge ; et, par ce cierge, tous ceux de la communauté se trouvèrent allumés. Je fis alors cette réflexion : qui donc pourrait se glorifier de ses œuvres ? Ainsi, par la faible lueur de cette lampe, il serait possible d'embraser l'univers. Nous croyons souvent recevoir les grâces et les lumières divines par le moyen de cierges brillants ; mais d'où ces cierges tiennent-ils leur flamme ? Peut-être de la prière d'une âme humble et toute cachée, sans éclat apparent, sans vertu reconnue, abaissée à ses propres yeux, près de s'éteindre.

« Oh! que nous verrons de mystères plus tard! Combien de fois ai-je pensé que je devais peut-être toutes les grâces dont j'ai été comblée aux instances d'une petite âme que je ne connaîtrai qu'au ciel !

« C'est la volonté du bon Dieu qu'en ce monde les âmes se communiquent entre elles les dons célestes par la prière, afin que, rendues dans leur patrie, elles puissent s'aimer d'un amour de reconnaissance, d'une affection bien plus grande encore que celle de la famille la plus idéale de la terre.

« Là, nous ne rencontrerons pas de regards indifférents, parce que tous les saints s'entre-devront quelque chose.

« Nous ne verrons plus de regards envieux ; d'ailleurs le bonheur de chacun des élus sera celui de tous. Avec les martyrs, nous ressemblerons aux martyrs ; avec les docteurs, nous serons comme les docteurs ; avec les vierges, comme les vierges ; et de même que les membres d'une même famille sont fiers les uns des autres, ainsi le serons-nous de nos frères, sans la moindre jalousie.

« Qui sait même si la joie que nous éprouverons en voyant la gloire des grands saints, en sachant que, par un secret ressort de la Providence, nous y avons contribué, qui sait si cette joie ne sera pas aussi intense, et plus douce peut-être, que la félicité dont ils seront eux-mêmes en possession ?

« Et, de leur côté, pensez-vous que les grands saints, voyant ce qu'ils doivent à de toutes petites âmes, ne les aimeront pas d'un amour incomparable? Il y aura là, j'en suis sûre, des sympathies délicieuses et surprenantes. Le privilégié d'un apôtre, d'un grand docteur, sera peut-être un petit pâtre ; et l'ami intime d'un patriarche, un simple petit enfant. Oh ! que je voudrais être dans ce royaume d'amour ! »

Référence

S. Thérèse de l'Enfant Jésus, Conseils et souvenirs

Dieu peut libérer le coeur raidi et convulsé, selon Romano Guardini


Le retour du fils prodigue, par Rembrandt, 1668
Dieu peut donner une nouvelle pureté au cœur souillé qui se tourne vers lui avec repentir. Dans l'être desséché comme un champs sans pluie. Il peut dégager les sources intérieures.

Quelquefois, tout y est blessé par la nostalgie ou par la douleur, ou par ces déchirures de tout l'être qu'aucun médecin ne saurait guérir, mais auxquelles le salutaire « doigt de Dieu » peut remédier.

Lui seul a le pouvoir de libérer ce qui est raidi et convulsé : la mauvaise volonté, le défi, la haine, l'endurcissement dans le mal, l'indifférence, la dureté, la froideur, la détresse muette qui sent avec désespoir que cet état est terrible et ne peut cependant en sortir.

Non, nous ne pouvons pas sortir de nous-mêmes. Il doit venir, l'Esprit libérateur, et nous conduire à travers la prison que nous sommes pour nous-mêmes jusqu'au large divin ! Il doit détendre ce qui est raidi, faire fondre la glace, et lui seul, souverain conseiller qui connaît tous les chemins, peut frayer une voie dans le chaos intérieur qui n'a ni porte ni issue. Il peut faire que l'on recommence à marcher, que, de nouveau, un but et une voie apparaissent. 

Référence

Romano Guardini, Le Dieu vivant, Artège, Perpignan, 2010, p. 137 (première traduction française : 1956).

mardi 10 janvier 2017

L'autel, le tabernacle et les lumières dans l'églises, selon M. de Corny, 1858


L'autel principal doit être élevé de trois marches, y compris le marche-pied.

Les rubricistes indiquent ce nombre de marches, et, effectivement, s'il y en avait plus ou moins de trois, le diacre et le sous-diacre ne pourraient pas se placer de la façon que réclament les règles tracées a chacun d'eux. Allégoriquement, on peut le rattacher à ces trois vertus principales qui servent à l'homme de degrés pour l'élever à Dieu. Il faut noter ici que nous nommons marche-pied la marche d'en haut, celle que le cérémonial appelle suppedaneum, et que quelques auteurs désignent par le nom de pallier.

On appelle vulgairement en France autels à la romaine les autels placés en avant du chœur et orientés dans le sens de l'église, de telle sorte que le clergé se trouve derrière l'autel : tel est, par exemple, l'autel de l'église de Saint-Sulpice à Paris. Cette dénomination est erronée. Les autels construits d'après l'ancienne tradition romaine, tels que ceux des grandes basiliques de Rome, sont placés, il est vrai, au bas du chœur, mais ils sont orientés dans un sens opposé à l'église, de telle sorte que le prêtre, en disant la messe, regarde le peuple et la grande porte de l'église. « Si altare sit ad orientem versus populum (dit la rubrique), celebrans versa facie ad populum, non vertit humeros ad altare cum dicturus est ''Dominus vobiscum ; orate, fratres ; ite, missa est'', vel daturus benedictionem : sed osculato altari in medio, ibi, expansis et junctis manibus ut supra, salutat populum et dat benedictionem [si l'autel est [tourné] vers l'orient, en direction du peuple, le célébrant, le visage tourné vers le peuple, ne tourne pas les épaules vers l'autel lorsqu'il a dit ''Le Seigneur est avec vous ; priez, frères ; allez, c'est l'envoi'', ou lorsqu'il a donné la bénédiction : mais alors qu'il a baisé l'autel au milieu, là, ayant étendu et joint les mains comme ci-dessus, il salue le peuple et donne la bénédiction]. » Le peuplé est alors derrière l'autel, et c'est devant le clergé que se célèbrent les mystères : dans une cathédrale, le siège de l'évêque serait alors sous l'abside en face de l'autel. Tel est le véritable autel a la romaine. Les autels derrière lesquels se trouve le clergé ont été introduits par les religieux qui, en assistant à l'office, ne voulaient pas être vus du peuple, et qui, comme les Dominicains, dérobaient même totalement au peuple la vue du chœur par des rideaux tirés aux côtés de l'autel. Il ne convient pas de suivre ce modèle dans les églises du clergé séculier, et surtout dans les cathédrales ; car l'esprit de la rubrique est que les cérémonies du sacrifice s'accomplissent devant le clergé, et pour les cathédrales, le cérémonial rend cela absolument nécessaire. Il y a des églises où l'on a accolé au bas du chœur deux autels : l'un regardant l'orient, l'autre tourné vers l'occident. Nous ne croyons pas cette combinaison fondée sur la tradition. Toujours est-il qu'il faudrait, dans ce cas-la, chanter la grand'messe à l'autel du côté duquel se trouve le clergé.

Comme tout autel, il doit être recouvert de trois nappes. La nappe de dessus ne doit pas seulement recouvrir la table de l'autel ; par les deux extrémités, elle doit tomber jusqu'à terre.

À la partie antérieure de l'autel, on adapte une tenture ou parement, que la rubrique nomme pallium, dont la couleur doit être, autant que possible, en rapport avec l'office, et dont la forme est assez semblable à celle des parements noirs qui étaient demeurés usités en France pour les offices funèbres. Toutefois, ce parement ne doit pas être garni d'une corniche de bois faisant saillie ; le cadre qui le soutient doit être placé sous l'étoffe.

(…) Le cérémonial des évêques, livre 1, chapitre 12, n°11, veut que les nappes totem altaris planitiem et latera contegant [couvrent toute la surface et les côtés de l'autel]. Elles sont, en effet, destinées, d'après les expressions usitées dans leur bénédiction, ad tegendum involvendumque altare [à couvrir et envelopper l'autel]. C'est le parement de couleur qui, cachant l'autel par-devant, achève de l'envelopper et complète la signification mystérieuse des nappes. Spirituellement, l'autel ainsi voilé, c'est Jésus-Christ invisible maintenant au monde et manifesté seulement en la personne de ses membres (...).

Sur l'autel doit être comme objet principal une croix avec des chandeliers de chaque côté. Une croix petite et peu apparente ne pourrait suffire. Cependant, s'il existait au-dessus de l'autel un grand crucifix, peint ou sculpté, il ne serait pas nécessaire de placer une autre croix entre les chandeliers.

(…) bien que la rubrique demande simplement une croix et que la Congrégtion des Rites eût décidé qu'une croix nue pouvait suffire, Benoît XIV enseigne qu'il faut s'en tenir à l'usage commun, et si bien justifié, qui veut sur la croix l'image du crucifix.

Quant au nombre des chandeliers, six est celui qui convient pour les messes solennelles.

Il ne parait pas convenable de le dépasser. Quand l'évêque officie, d'après une tradition qui a sa source dans l'Apocalypse et dans le mystère des nombres, on ajoute un septième chandelier ; mais que signifierait ce cierge supplémentaire, s'il se trouvait onzième ou treizième ? Il ne doit donc y avoir sur l'autel des cathédrales que six cierges. Il n'y en a pas d'avantage sur l'autel papal : on jugera par là de ce qui convient aux autres églises. (...)

Le cérémonial recommande une disposition dans laquelle les chandeliers différeraient de hauteur. Les moins élevés seraient aux coins de l'autel, les plus élevés seraient les plus rapprochés du crucifix, et le crucifix lui-même, ayant une base ou un piédestal arrivant à la hauteur des deux chandeliers voisins, devrait les dominer de la grandeur de la croix.

(…)

Au-dessus de l'autel, on place un dais ou baldaquin. Le cérémonial le prescrit formellement pour les cathédrales, et les décrets de la Congrégation des Rites approuvent qu'on le fasse aussi pour les autres autels et les autres églises. Cela doit surtout s'observer pour l'autel où réside le Saint-Sacrement.

Le Saint-Sacrement ne peut être déposé dans une église qu'à un seul autel choisi de façon à faciliter le culte de ce sacrement adorable, mais de façon aussi à ce que les cérémonies n'en soient pas gênées.

Les grands offices, en effet, ne doivent pas avoir lieu là où est la réserve du Saint-Sacrement, car la multiplicité des génuflexions qui seraient alors nécessaires et la prohibition de tourner directement le dos à l'autel apporteraient beaucoup d'embarras dans la cérémonie.

Voilà pourquoi, dans les cathédrales, on doit choisir, pour cette réserve, un autel différent du maître-autel, et dans les églises paroissiales où c'est ordinairement au maître-autel que le Saint-Sacrement réside, il faut l'en retirer pour un office pontifical ou pour toute autre grande cérémonie.

(…) Autrefois, en France , il y avait, dans les grandes églises, une chapelle pour le Saint-Sacrement qu'on appelait chapelle de la communion.

Le tabernacle, qui sera en bois doré ou en marbre et fermera à clef, doit être, à l'intérieur, revêtu de soie blanche ; le ciboire où sont les saintes hosties doit être aussi revêtu d'un voile blanc.

À l'extérieur, le tabernacle, quand il renferme les saintes espèces, se recouvre d'un conopée ou tenture de soie, qu'il est à propos de mettre, comme le parement de l'autel, en rapport avec la couleur de l'office.

Ce mot de conopée désigne une sorte de rideau ou courtine de soie abritant un lieu digne d'un respect particulier. (…) Le rituel prescrit d'en mettre un sur le tabernacle où est le Saint-Sacrement. (…) et c‘est là-même le signe qui avertit de la présence du Saint-Sacrement ; car les lampes peuvent s'allumer en l'honneur d'un saint et devant un autel ordinaire, tandis que le conopée ne s'applique jamais à un tabernacle vide. Toutefois, le rituel n'en marque pas la couleur, et Barufaldi a cru qu'il fallait lui donner la couleur blanche, ainsi qu'au voile qui recouvre le ciboire. Mais les rubricistes, après Gavantus, décident qu'il faut lui donner la couleur du jour, tout comme au parement antérieur, parce qu'il appartient a l'ornement de l'autel ; et cette opinion est si généralement reçue, et elle est suivie si constamment dans les grandes églises, qu'il faut s'y conformer, (...). Quand l'autel sera paré de noir, on mettra un conopée violet au tabernacle, auquel il ne convient pas d'adapter de signes de mort. (Gavantus et auctores.) Quant à la forme du conopée, on pourra la varier un peu selon la forme du tabernacle auquel on l'adapte.

Il est très convenable de peindre ou de sculpter sur la porte du tabernacle une image ou emblème du Sauveur, et cette porte ne peut être masquée par un vase de fleurs ou chose semblable. On ne doit rien renfermer dans le tabernacle que la réserve du Saint-Sacrement, et on ne doit placer dessus ni fleurs, ni statues de saints, ni reliques, mais le seul crucifix.

Devant chaque autel, et surtout devant les autels principaux, il serait convenable de disposer des lampes ; mais il est absolument prescrit d'en suspendre au moins une qui brûle jour et nuit devant le tabernacle du Saint-Sacrement.

Sur l'autel, on ne doit rien déposer que ce qui est prescrit par les rubriques. Il ne faut y placer ni le rituel, ni les lunettes, si ce n'est pour un instant, ni encore moins le mouchoir ou la barrette du prêtre. Il ne faut pas non plus attacher le manuterge à la nappe. (...)

Hors le temps de la messe, l'autel doit être recouvert d'un tapis ou voile en étoffe propre et convenable, et l'on ne doit pas y laisser les tableaux où sont inscrites quelques oraisons de la messe et qu'en France, on nomme vulgairement canons.

Le mode d'orner un autel le plus conforme au cérémonial, c'est de placer entre les chandeliers des reliquaires ou des statues de saints ; mais le cérémonial admet aussi qu'on le décore avec des fleurs.

Si l'on place des statues ou des reliques de saints sur l'autel, il faut mettre celles des saints dont la dignité est le plus élevée le plus près du crucifix, et considérer comme place d'honneur le côté de l'évangile, c'est-à-dire la droite du crucifix, par rapport au côté de l'épître, qui est la gauche du crucifix. On peut remarquer ici que le côté gauche de l'autel est celui de l'épître, et le côté droit celui de l'évangile. (…)

Au bas des marches du maître-autel qui descendent du côté de l'épître, il faut placer une crédence, c'est-à-dire une table plus longue que large, et qui doit être tournée non pas dans le même sens que l'autel, mais de manière à faire équerre avec lui. 1, 20 mètre de longueur sur 60 cm de largeur, est la mesure qu'on peut ordinairement lui donner.

On la recouvre, pour la messe haute, d'une nappe qui l'enveloppe entièrement et qui tombe de tous côtés jusqu'à terre.

Pour les messes basses, où cette crédence n'est pas nécessaire, il suffit d'avoir le lieu convenable pour y déposer la clochette, les burettes et le manuterge.

Du côté de l'épître encore, près des marches de l'autel, mais ordinairement un peu en avant d'elles, on établit le siège du célébrant : ce siège ne doit pas être un fauteuil, mais bien un banc qui peut avoir un dossier, et qu'on recouvre, surtout aux jours de fête, d'une étoffe verte ou d'une tapisserie. Il doit être assez long pour que trois personnes s'y puissent asseoir aux messes solennelles.

On couvre le pavé du chœur de tapis verts et les marches de l'autel d'un tapis plus riche.

À quelque distance en avant, selon la commodité des lieux, doivent se trouver les places du clergé, stalles ou bancs. (…)

Nous avons déjà dit que, dans les grand'messes, il était convenable d'allumer six cierges sur l'autel. Quatre cependant peuvent suffire.

Aux messes basses, on n'en doit allumer que deux, quelle que soit la dignité du célébrant, fût-il abbé, chanoine, dignitaire, ou vicaire-général. 

Toutefois, à la messe paroissiale ou de communauté aux jours de grande fête, ou si, dans une véritable solennité, on ne pouvait chanter la messe, à la messe basse qui serait célébrée au lieu de messe haute, on pourrait allumer plusieurs cierges.

En présence du Saint-Sacrement exposé, il doit y avoir toujours un assez grand nombre de cierges sans cesse allumés. L'instruction de Clément XI, en vigueur à Rome et en beaucoup de lieux, en porte le minimum à vingt. Ailleurs, on en demande au moins douze. 

On n'est pas tenu à exposer le Saint-Sacrement, mais on est tenu à ne l'exposer qu'avec un éclat convenable.

Nous avons parlé du cierge de l'élévation qu'on allume aux messes basses, depuis l'élévation jusqu'après la communion.

À l'élévation des grand'messes, ou des messes basses célébrées pour tenir lieu de messe solennelle, aux saluts et aux processions du Saint-Sacrement, des céroféraires portent et soutiennent des torches.

Aux offices funèbres, on allume des cierges autour du catafalque ou du corps du défunt, et on en distribue au clergé et quelquefois aux assistants.

Tous ces cierges, ceux qu'on bénit à la Chandeleur, ou qu'on brûle devant les images et les reliques des saints, et en général tous ceux qu'on allume comme acte de culte et pour suivre la tradition de l’Église, doivent être de cire.

La cire est un des symboles les plus expressifs fournis par la nature à l’Église pour exprimer allégoriquement l'humanité sainte de Jésus-Christ. Les plus anciens docteurs s'étendent sur la virginité des abeilles et sur la pureté de cette substance tirée du suc le plus exquis des fleurs, et ils rapprochent ces circonstances de la conception du Sauveur dans le chaste sein de Marie. La blancheur de la cire, laborieusement obtenue, signifie encore la gloire de Jésus-Christ, résultat de ses souffrances ; enfin, la flamme s'élançant du sein de cette colonne de cire qu'elle consume, c'est la divinité de Jésus-Christ se manifestant à travers ses œuvres et par le sacrifice même de son humanité, et illuminant le monde. Il ne peut être permis de troubler tous ces augustes symboles auxquels une place si importante appartient dans notre culte, et de composer les cierges avec la graisse, qui a toujours exprimé la vie de la chair et les instincts terrestres. (…)

Les cierges doivent être allumés avant et éteints après les offices par les acolytes, ou par le servant avant et après la messe basse.

On les allume ou on les éteint en commençant par le côté de l'évangile et par ceux qui seraient plus voisins de la croix.

Il faut, du reste, prendre le feu qui servira à allumer les cierges à quelque lampe dont la flamme serve déjà à l'exercice du culte.

On sait avec quelle rigueur il était défendu dans l'ancienne loi d'employer un feu profane pour l'usage de l'autel. Les raisons allégoriques de cette règle étaient trop saillantes pour que l’Église n'ait pas, elle aussi, attaché de l'importance à l'origine du feu servant à son culte. Le Samedi-saint encore, nous tirons avec cérémonie le feu d'une pierre, image de Jésus-Christ, et nous le bénissons solennellement. (...)

Outre les cierges, on allume dans l'église des lampes, lesquelles doivent brûler continuellement, même lorsqu'il y a des cierges allumés ; les lampes, en effet, sont un autre genre de luminaire qui se cumule avec les cierges.

Outre la lampe, ou les lampes en nombre impair qui brûlent devant le Saint-Sacrement, le cérémonial indique qu'il doit y en avoir une allumée devant le maître-autel, quand le Saint-Sacrement n'y réside pas, et engage à en allumer aussi devant les autres autels ou devant les images ou reliques des saints.

Référence

M. de Corny, Cérémonial romain rédigé d'après les sources authentiques, 3e édition revue et corrigée, Maison Méquignon Junior, Jouby, successeur, Paris ; Comoy et Gilliet, imprimeurs, Moulins, 1858, p. 1-13 et 30-34

lundi 9 janvier 2017

L'usage de quelques vêtements liturgiques, selon M. de Corny, 1858



La chasuble sert exclusivement à la célébration de la messe, sauf les exceptions qui concernent les chapitres et les cathédrales. On ne peut pas la prendre pour les saluts ni pour porter le Saint-Sacrement, car la chape est alors positivement prescrite.

(...)

L'étole s'emploie pour l'administration des sacrements, pour les bénédictions, pour les funérailles et pour la célébration de la messe. Le prêtre s'en revêt aussi pour recevoir la Sainte-Communion.

On peut, si c'est l'usage, s'en servir en prêchant ; mais on ne peut l'employer pour chanter les vêpres ou un office, quelque solennel qu'il soit, ni lorsqu'il s'agit simplement de présider à une cérémonie, ni comme signe de la charge curiale ou marque de juridiction.

(…) Dans beaucoup de diocèses de France, un usage de ce genre autorise à se servir de l'étole pour les prédications de la messe, désignées sous le nom de prône.

Les décrets les plus formels de la Congrégation des Rites , sanctionnés tout spécialement par l'autorité pontificale, tracent ces règles, en prescrivant aux Ordinaires d'éliminer toute coutume opposée, qui ne doit être regardée que comme un abus.

L'étole, en effet, dans l'économie de la liturgie, est un insigne d'ordre, qu'on revêt dans les actes où le caractère sacré est requis, et elle n'est pas insigne de juridiction, d'office ou d'autorité. Toutes les fois qu'on l'emploie avec l'aube, elle doit être croisée sur la poitrine. 
 
(…)

La chape est destinée à rehausser l'éclat de certaines cérémonies autres que la messe. On doit l'employer pour les processions et bénédictions du Saint-Sacrement, pour les processions solennelles, pour les vêpres chantées solennellement. Dans ce dernier cas, quelques-uns des prêtres ou clercs qui assistent le célébrant s'en revêtent également.

En général, toutes les fois que le célébrant est revêtu de la chape, il doit avoir à ses côtés des assistants qui en soulèvent les bords quand il marche ou quand il agit des deux bras, ou au moins le bord de droite quand il agit du bras droit.

(…)

L'habit de chœur, dont tous les clercs doivent user à l'église, est le surplis à larges manches, par-dessus une soutane touchant les talons par derrière et non pas relevée, et la barrette.

Le rochet, qui se distingue du surplis par ses manches étroites, est le vêtement des évêques et des prélats, et les chanoines n'en usent que par privilège et concession du Saint-Siège.

Les chanoines, du reste, ne doivent porter l'habit de chœur qui leur est propre que dans la cathédrale on collégiale dont ils sont chanoines, ou bien quand ils accompagnent et assistent l'évêque, et aux autres occasions où ils agiraient capitulairement. 

Hors ces cas, ils doivent porter l'habit de chœur commun à tous les clercs.

Les insignes canoniaux ont été établis par l’Église pour relever les fonctions canoniales, et non pas pour décorer les personnes des chanoines. Tout ainsi que le prêtre se revêt de la chasuble et des autres ornements sacerdotaux pour célébrer le saint sacrifice, le chanoine, pour faire dans la cathédrale cet office public, qui est la prière solennelle de l'Église, prend la mosette ou la cappa ; mais ces actes achevés, le prêtre ne conserve point sa chasuble pour des fonctions différentes ou pour ses actions personnelles, et le membre du chapitre n'a point à prendre les insignes du canonicat pour aller prêcher, faire le curé, le catéchiste, etc. Ces principes sont fort clairs, et il n'est pas étonnant que la Congrégation des Rites ait constamment répondu en ce sens aux consultations qui lui étaient proposées. (...)

Il ne doit y avoir qu'un seul habit de chœur dans une église, et les chantres et les enfants doivent eux aussi porter le surplis et non pas l'aube ni le surplis sans manches. L'usage de la calotte, qui n'est permis aux clercs et aux prêtres qu'avec des restrictions, ne peut convenir à ces enfants ; à plus forte raison, ne peut-on, par un étrange abus, leur donner la calotte et la barrette rouge, qui constituent un insigne dans l’Église. Ils ne peuvent se couvrir la tête que d'une barrette noire. Pour la couleur de la soutane, on peut conserver l'usage des églises. À Rome même, on admet pour les élèves des séminaires, ces diverses couleurs de vêtements, permises autrefois à tous les clercs.

Aux yeux de l’Église, on fait partie ou du clergé ou du peuple. Elle tolère, il est vrai, pour suppléer au petit nombre des clercs, que plusieurs laïcs soient introduits parmi eux, et fassent quelques-unes de leurs fonctions en portant leur habit ; mais, à ce moment, elle les accepte comme s'ils appartenaient réellement au clergé et non pas comme faisant un ordre intermédiaire : on ne peut donc pas leur constituer un costume spécial. Dans les pays du nord, où souvent on usait de fourrures, le vêtement de chœur qu'on mettait par-dessus, prit le nom de superpelliceum (super pelliceas vestes) ou surpelis et ensuite surplis. En Italie, on l'appelait cotta. Ces deux dénominations ont été conservées dans la langue liturgique, la première ayant prévalu dans le missel et le rituel, la seconde dans le cérémonial des évêques. La forme s'en est aussi un peu diversifiée selon les pays. En Italie, il est très court et fort plissé, soit pour le corps, soit pour les manches. Mais partout où l'on pratique la liturgie avec intelligence et fidélité, on n'a jamais songé à le décomposer en surplis solennel et surplis vulgaire, surplis des clercs et surplis des laïcs.

Quant à la barrette, elle doit être complètement noire, ainsi que la calotte. Lorsqu'on porte, comme à Rome, la barrette à trois cornes, l'angle dépourvu de corne se place au-dessus de l'oreille gauche. La barrette complète le costume ecclésiastique de chœur ; et lors même qu'on ne doit point avoir l'occasion de la mettre sur sa tête, par exemple à cause de l'exposition du Saint-Sacrement, on doit la porter à la main.

(…) En Italie, la barrette à quatre cornes est propre aux docteurs ; mais ils ne la portent que dans les actes académiques, et un prêtre docteur ne peut s'en servir à l'église (S. R. C. in Venusina, 7 decemb. 1844).


Référence

M. de Corny, Cérémonial romain rédigé d'après les sources authentiques, 3e édition revue et corrigée, Maison Méquignon Junior, Jouby, successeur, Paris ; Comoy et Gilliet, imprimeurs, Moulins, 1858, p. 18-30

lundi 12 décembre 2016

Comment, par la passion, le Christ a réconcilié les hommes avec Dieu, selon S. Thomas d'Aquin

Le Christ-Prêtre en Croix, 
Église Notre-Dame-de-la-Miséricorde
d' Ars-sur-Formans


Objections

1. Il n'y a pas de réconciliation entre amis. Or Dieu nous a toujours aimés : « Tu aimes tout ce qui existe et tu ne hais rien de ce que tu as fait (Sagesse 11, 25). »

2. La même réalité ne peut être à la fois principe et effet ; c'est pourquoi la grâce, qui est principe de mérite n'est pas méritoire.

Or l'amour de Dieu est le principe de la passion du Christ, comme le montre S. Jean (3, 16) : « Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique. »

Il ne semble donc pas que par la passion du Christ nous avons été réconciliés avec Dieu de telle sorte qu'il ait commencé de nous aimer à nouveau.

3. La passion du Christ a été accomplie par les meurtriers du Christ qui, de ce fait, ont gravement offensé Dieu.

La passion est donc pour Dieu un motif d'indignation plus que de réconciliation.

En sens contraire, il y a cette parole de S. Paul (Romains 5, 10) : « Nous avons été réconciliés avec Dieu par la mort de son Fils. »


Réponse

La passion du Christ est la cause de notre réconciliation avec Dieu sous deux rapports :

En tant qu'elle écarte le péché, par lequel les hommes sont constitués ennemis de Dieu, selon le livre de la Sagesse (14, 9) : « Dieu déteste également l'impie et son impiété », et selon le Psaume (5, 7) : « Tu hais tous les malfaisants. »

En tant qu'elle est un sacrifice souverainement agréable à Dieu

Car l'effet propre du sacrifice, c'est de nous rendre Dieu favorable. Ainsi un homme pardonne une offense commise contre lui, à cause d'un service agréable qu'on lui rend.

Aussi est-il écrit (1 Samuel 26, 19) : « Si c'est le Seigneur qui t'excite contre moi, qu'il soit apaisé par l'odeur d'un sacrifice. »

Et pareillement, que le Christ ait souffert volontairement, ce fut un si grand bien que Dieu, à cause de ce si grand bien trouvé dans la nature humaine, s'est apaisé au sujet de toute offense du genre humain, pour tous ceux qui s'unissent de la manière qu'on a indiquée au Christ qui a souffert.


Solutions

1. Dieu aime dans tous les hommes la nature que lui-même a faite. Mais il les hait quant à la faute commise contre lui, selon l'Ecclésiastique (12, 6) : « Le Très-Haut a les pécheurs en haine. »

2. On ne dit pas que le Christ nous a réconciliés avec Dieu en ce sens qu'il aurait commencé de nous aimer à nouveau, puisqu'il est écrit dans Jérémie (31, 3) : « Je t'ai aimé d'un amour éternel. »

C'est parce que la passion du Christ a supprimé toute cause de haine, aussi bien en enlevant le péché qu'en le compensant par un bien plus agréable.

3. Si les meurtriers du Christ étaient des hommes, de même le Christ mis à mort.

Or la charité du Christ souffrant a été plus grande que l'iniquité des meurtriers.

Et c'est pourquoi la passion du Christ a été plus puissante pour réconcilier Dieu avec tout le genre humain que pour provoquer sa colère.


Référence

S. Thomas d'Aquin, Somme théologique, 3e partie, question 49, article 4.

dimanche 11 décembre 2016

Comment, par la passion, le Christ a délivré les hommes du péché, selon S. Thomas d'Aquin



Le Christ-Prêtre en Croix, 
Église Notre-Dame-de-la-Miséricorde
d' Ars-sur-Formans


Objections


1. Délivrer des péchés est propre à Dieu, selon Isaïe (43, 25) : « C'est moi qui efface tes iniquités, par égard pour moi. » 

Or le Christ n'a pas souffert en tant que Dieu, mais en tant qu'homme. 

Donc nous ne sommes pas délivrés du péché par sa passion.

2. Le corporel n'agit pas sur le spirituel. 

Or la passion du Christ est corporelle, tandis que le péché n'existe que dans l'âme, qui est une créature spirituelle. 

La passion du Christ n'a donc pas pu nous purifier du péché.

3. Nul ne peut être délivré du péché qu'il n'a pas commis, mais qu'il commettra dans la suite.

Donc, puisque beaucoup de péchés ont été commis après la passion du Christ et qu'il s'en commet tous les jours, il apparaît que nous ne sommes pas délivrés du péché par la passion du Christ.

4. Une fois posée la cause suffisante pour produire un effet, rien d'autre n'est requis. 

Or, pour la rémission des péchés, on requiert encore le baptême et la pénitence. 

Il semble donc que la passion du Christ ne soit pas cause suffisante de la rémission des péchés.

5. Il est écrit dans les Proverbes (10, 12) : « La charité couvre toutes les offenses.» Et aussi (15, 27, de la Vulgate) : « Les péchés sont purifiés par la miséricorde et la foi. » 

Or la foi a beaucoup d'autres objets, et la charité beaucoup d'autres motifs que la passion du Christ.

En sens contraire, il est écrit dans l'Apocalypse (1, 5) : « Il nous a aimés et il nous a lavés de nos péchés dans son sang. »


Réponse

La passion du Christ est la cause propre de la rémission des péchés de trois manières.

Par mode d'excitation à la charité.

Car selon S. Paul (Romains 6, 8) : « La preuve que Dieu nous aime, c'est que, dans le temps où nous étions encore pécheurs, le Christ est mort pour nous. » 

Or, par la charité, nous obtenons le pardon des péchés, suivant cette parole (Luc 7, 47) : « Ses nombreux péchés lui ont été remis parce qu'elle a beaucoup aimé. »

2° Par mode de rédemption.  

En effet, le Christ est notre tête. Par la passion, qu'il a subie en vertu de son obéissance et de son amour, il nous a délivrés de nos péchés, nous qui sommes ses membres, comme si sa passion était le prix de notre rachat. 

C'est comme si un homme, au moyen d'une œuvre méritoire accomplie par sa main, se rachetait du péché commis par ses pieds. 

Car, de même que le corps naturel est un, alors qu'il consiste en membres divers, l'Église tout entière, Corps mystique du Christ, est comptée pour une seule personne avec sa tête, qui est le Christ.

3° Par mode d'efficience. 

La chair dans laquelle le Christ a souffert sa passion est l'instrument de sa divinité, et c'est en raison de sa divinité que ses souffrances et ses actions agissent dans la vertu divine, en vue de chasser le péché.


Solutions

1. Le Christ n'a pas souffert en tant que Dieu. 

Cependant sa chair a été l'instrument de sa divinité. 

De ce fait sa passion a eu, comme on vient de le dire, la vertu divine de remettre les péchés.

2. La passion du Christ est corporelle. 

Cependant elle reçoit une vertu spirituelle de la divinité à laquelle sa chair a été unie comme instrument. 

Par cette vertu la passion du Christ est cause de la rémission des péchés.

3. Par sa passion le Christ nous a délivrés de nos péchés par mode de causalité.  

Elle institue en effet la cause de notre libération, cause par laquelle peuvent être remis, à tout moment, n'importe quels péchés, présents ou futurs, comme un médecin qui ferait un remède capable de guérir n'importe quelle maladie, même dans l'avenir.

4. La passion du Christ, nous venons de le dire, est comme la cause préalable de la rémission des péchés. 

Il est pourtant nécessaire qu'on l'applique à chacun, pour que ses propres péchés soient effacés. Cela se fait par le baptême, la pénitence et les autres sacrements, qui tiennent leur vertu de la passion du Christ, comme on le dira plus loin.

5. C'est aussi par la foi que la passion du Christ nous est appliquée, afin que nous en percevions les fruits, d'après S. Paul (Romains 9, 25) : « Dieu a destiné le Christ à servir de propitiation par la foi en son sang. » 

Or, la foi par laquelle nous sommes purifiés du péché, n'est pas la foi informe, qui peut subsister même avec le péché, mais la foi informée par la charité

La passion du Christ nous est donc appliquée non seulement quant à l'intelligence, mais aussi quant à l'affectivité.

Et de cette manière encore, c'est par la vertu de la passion du Christ que les péchés sont remis.


Référence

S. Thomas d'Aquin, Somme théologique, 3e partie, question 49, article 1.

Honorer et aimer le Fils de Dieu dans le Saint-Sacrement


Le Christ-Prêtre en Croix,
Église Notre-Dame-de-la-Miséricorde
d' Ars-sur-Formans
Les Princes des ténèbres s'assemblent contre le Fils de Dieu au très Saint-Sacrement.

Les Princes des ténèbres, dans la profonde nuit qui fait la partie principale de leur empire, sortent de leurs cavernes, sans pourtant se séparer de leurs tourments. Les feux qui les dévorent les suivent partout. Ils sortent, dis-je, et volent par toute la terre pour assembler leurs suppôts, et leurs détestables coopérateurs, afin de combattre la gloire du Fils de Dieu dans l'adorable Eucharistie, qui est le principal objet de leur aversion, étant le mystère qui attache plus d'âmes à Dieu. 

Le Fils de Dieu a été l'occasion de leur ruine en leur création, parce qu'ils n'ont pas voulu Lui rendre leurs hommages comme il leur avait été commandé, et ces mauvais anges sont au désespoir de voir que les hommes se sauvent et vont occuper leurs places dans le Ciel, à cause des pieux sentiments qu'ils ont d'honorer et d'adorer l'Homme-Dieu sur les Autels. C'est pourquoi ils font ce qu'ils peuvent pour en abolir le culte.
  
Une grande ferveur à honorer le Fils de Dieu au Saint-Sacrement.

Toutes les âmes réparatrices de l'honneur du Fils de Dieu au Saint-Sacrement, doivent, en qualité de victimes, opposer à la malheureuse volonté des démons une grande ferveur, pour souhaiter que tous les hommes s'emploient à honorer le Fils de Dieu, comme il le mérite. 

Et si une haine infernale contre cet Homme-Dieu presse les démons à faire tant d'efforts contre Lui, le vœu que la victime a fait, et la résolution que tant de saintes âmes ont prises de L'honorer, les obligent à contribuer de tout ce qu'elles sont, et de tout ce qu'elles ont, pour Le faire adorer de tous les hommes.

L'oubli de Jésus dans la plupart des chrétiens.

Par rapport à la Passion du corps naturel de Jésus vivant sur la terre, on peut voir les mêmes démarches et les mêmes insultes des démons, pour L'attaquer et Lui faire injure dans le Saint-Sacrement de l'autel. 

Les trois apôtres bien-aimés s'endorment au Jardin des Olives, et Jésus sur nos autels, où Il vit d'une vie mystique, dans un être sacramentel, pour prier pour nous, n'a pas un des chrétiens durant la nuit qui L'accompagne, ou qui veille auprès de Lui. 

L’Église avait ce sentiment dans ses premiers siècles, quand elle s'assemblait pendant la nuit. Après les persécutions, elle continua encore cette assiduité pendant plusieurs siècles. 

Mais maintenant la lâcheté est devenue si grande qu'on peut dire que ce Roi, ce Prêtre, cet Époux n'a ni gardes, ni assistants, ni épouses qui aient la fidélité, la dévotion, ou l'amour de veiller avec lui.

« Non potuistis una hora vigilare mecum. »

[« Vous n'avez pas pu veiller une heure avec moi. »
 
(Évangile selon S. Matthieu 16, 40)]

Référence

Occupation intérieure pour les âmes associées à l'adoration perpétuelle du Très-Saint-Sacrement de l'autel, Josse et Delespine, Paris ; Dehansy, Saint-Nicolas, 1758, p. 17-20.

L'édition du texte a été modernisée par l'auteur de ce blog.

samedi 12 novembre 2016

Comment l'âme se trouve divinisée, par S. Alphonse Rodriguez, XVIIe siècle


S. Alphonse Rodriguez
(...) Ceci ne dura pas bien longtemps parce que, comme elle éprouvait beaucoup de facilité, des consolations et un grand profit spirituel à méditer sur les Mystères de la Passion de Notre-Seigneur, il lui sembla bon de s'adonner davantage à la considération des souffrances de Jésus-Christ, qui lui inspiraient une tendre compassion, plutôt qu'aux autres exercices. 

Elle méditait en particulier sur l'Ecce homo, sur Jésus portant sa croix, pendant que la foule le conduit au supplice avec des cris et des vociférations ; sur la rencontre du Fils et de la Mère et la manière dont ils se regardèrent ; ou bien encore elle contemplait le mystère du crucifiement du Sauveur et son élévation en croix et la scène qui se passa alors entre la Mère et le Fils ; enfin la descente de la croix et la manière dont le corps de Jésus fut reçu par sa mère bien-aimée. 

À cette oraison, elle employait le matin, deux heures, suivies d'un quart d'heure d'actions de grâces ; ensuite elle entendait la messe. Durant le jour, elle s'entretenait avec ferveur avec son Dieu ; le soir, elle faisait une méditation semblable à celle du matin. 

Dieu lui enseigna encore diverses manières de prier ; car, d'elle-même, elle n'aurait pas su trouver le chemin par où Dieu voulait la conduire. L'une d'elle consistait en ce que, après s'être exercée sur un Mystère, en discourant de façon en être bien pénétrée, elle devenait tellement enflammée de l'amour de Jésus-Christ, que, tout discours cessant, elle se bornait à demeurer en la présence de son Dieu et elle y jouissait de ses divines communications. Cette manière de prier qui se nomme contemplation, se passait ainsi à son égard : son âme étant vivement occupée de Notre-Seigneur, se sentait blessée d'amour en contemplant ce qu'il souffrait pour elle ; alors, le Seigneur la mettait en son cœur, ou il lui communiquait de grandes lumières concernant sa douloureuse passion et les souffrances de toute sorte qu'il y endura.

Mais nul ne saurait dire et expliquer ce que Jésus-Christ lui communiquait de ses vertus et de ses dons spirituels, lorsqu'il lui donnait de ressentir en elle même, dans l'âme et dans le corps, ses propres souffrances. Alors cette personne se sentait des pieds à la tête, crucifiée avec Jésus-Christ, qui lui communiquait une partie de ses souffrances. De là résultait qu'elle se trouvait embrasée d'amour, étroitement unie à son Sauveur et comme transformée et transfigurée en lui, tant était ardent leur amour réciproque, et tant était grande la part que Jésus-Christ lui communiquait de ses souffrances.

4. En outre, de même que dans le mode d'oraison dont il a été parlé, cette personne était attirée par Jésus-Christ dans son divin cœur et là, dans cette solitude, en recevait de merveilleuses communications d'une façon toute spirituelle et sans aucun bruit de paroles ; de même, dans le mode d'oraison que je vais dire, Notre-Seigneur se communiquait grandement à elle. 

Ce mode était le suivant : en contemplant ce divin Maître cloué sur la croix, son âme, blessée de l'amour de ce souverain Seigneur, l'attirait à elle par la force de son amour, comme l'aimant attire le fer, et le mettait au plus profond de son cœur. Pendant qu'elle était ainsi en sa présence, Notre-Seigneur lui faisait part de ce qu'il est et de ce qu'il a, de son amour, de ses souffrances, de ses vertus ; il lui faisait aussi ressentir ses souffrances ; enfin il se communiquait tellement à elle qu'elle en venait à être comme transformée en lui et divinisée. Elle éprouvait d'une manière très sensible cette visite et cette présence de Jésus-Christ Notre-Seigneur en elle. La transformation en lui durait habituellement plusieurs jours de suite ; en particulier, quand elle recevait le Très-Saint Sacrement de l'autel.

Ces deux transformations de l'âme en Dieu, se comprendront à l'aide de la comparaison suivante : Dieu agit sur l'âme comme le feu sur le fer de même que, lorsque le fer est dans un foyer ardent, le feu se communique au fer, au point que le fer devienne feu ou plutôt à la fois fer et feu, mais feu par participation, non par nature ; de même aussi, quand le Seigneur met l'âme en son cœur, qui est un foyer d'amour, il l'embrase à un tel point de cet amour, qu'en vertu de la grâce et de l'amour de Jésus-Christ, elle se trouve divinisée, unie et transformée en lui, soit que le Seigneur mette l'âme en lui, soit que l'âme attire le Seigneur en son cœur par la grandeur de son amour. De là, l'âme tire un grand profit.

Cette personne en vint ainsi a être tellement remplie de la personne de Jésus-Christ Notre-Seigneur, qu'elle allait par les rues de la ville, absorbée en Jésus crucifié sans voir les gens autrement que comme des ombres.


Référence

Vie admirable de saint Alphonse Rodríguez, coadjuteur temporel de la Compagnie de Jésus : d'après les mémoires écrits de sa main, par ordre de ses supérieurs, traduite de l'espagnol par Octave Duhil de Benazé, jésuite, 1890, p. 4-7

vendredi 16 septembre 2016

L'interprétation de la Rédemption par le Christ, selon Albert Ritschl



Albert Ritschl

Pour lui [Albert Ritschl], le Christ est essentiellement notre Rédempteur, parce qu'il est le révélateur du Dieu-Père. Car Dieu est amour, l'amour invincible et permanent, et l'homme se trompe quand il se croit l'objet de l'inimitié divine. Son péché n'est, en réalité, qu'une faiblesse et Dieu est tout prêt à lui accorder le pardon. Les maux de la vie ne sont pas des châtiments, mais une conséquence fatale de la marche du monde, tout au plus des corrections paternelles pour nous ramener à Dieu. Toutes ces vérités, obscurcies dans la conscience humaine, ont été, au contraire, présentes et vivantes dans la conscience filiale de Jésus, cependant que sa vie tout entière en était le splendide commentaire. C'est à ce titre qu'il nous sauve, parce qu'il nous rend la confiance et l'amour ; il n'est pas venu réconcilier Dieu avec les hommes, mais les hommes avec Dieu. Sa mort, à cet égard, n'a point de signification spéciale ; mais elle couronne l'œuvre de sa vie, en ce qu'elle nous offre un exemple de la plus profonde communion religieuse avec Dieu dans les plus dures épreuves. La foi initie chaque chrétien aux mêmes sentiments, et c'est en cela que consiste notre Rédemption. Comme Schleiermacher, Ritschl enseigne que cette grâce ne saurait être appropriée que par l'intermédiaire de l'Église : ce qui leur vaut à tous deux le reproche de catholicisme.

Référence

Jean Rivière, Le dogme de la Rédemption, étude théologique, 2e édition, J. Gabalda, Paris, 1914, p. 472-473.