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vendredi 18 novembre 2011

L'aube liturgique selon J. Walsh, 1909


 [La version française du texte anglais original est le fait de l'auteur de ce blog.]


Qu’est ce que l’aube ?

C’est un vêtement de lin blanc, aux manches étroitement ajustées, touchant presque le sol et maintenu à la taille par une ceinture.

Sous quels noms est-elle connue ?

Dans le passé, elle été connue sous des noms divers : tunica linea (tunique de lin) à cause de sa matière, tunica talaris et talaris (tunique talaire) de tali (talons) car elle va jusqu’aux pieds ; camisia (chemise) à cause de la nature de ce vêtement similaire à celle de la chemise ; alba (blanc), à cause de sa couleur ; alba romana (aube romaine) afin de la distinguer des tuniques plus courte en faveur en dehors de Rome

Quel est le nom unique qui survit aujourd’hui ?

Le nom « aube » ou alba (blanc) est presque le seul à survivre aujourd’hui

Existe-t-il une différence entre l’aube liturgique et les albæ vestes (vêtements blancs) des écrivains médiévaux ?

L’aube est ordinairement un vêtement ecclésiastique, bien que des laïcs en soient quelquefois revêtus dans les processions de la Fête-Dieu, notamment dans l’ancienne ville d’Aigues-Mortes, où des témoins en rapportent l’usage. Les albæ vestes sont, cependant, les vêtements blancs pris par les nouveaux-baptisés du Samedi Saint et sont portés jusqu’au dimanche de Quasimodo [Octave de Pâques], qui est connu, par conséquent, comme le dimanche in albis (deponendis), le dimanche (de l’abandon) des vêtements blancs. Il est possible que notre White Sunday [Dimanche Blanc anglo-saxon], le dimanche après les baptêmes de la Pentecôte, tienne son nom d’une pratique similaire. Ces vêtements étaient également appelés « chrismals ».

Quelle est l’origine de l’aube ?

Il est impossible de parler catégoriquement de l’origine de ce vêtement. Les liturgistes médiévaux qui soutenaient l’origine mosaïque des vêtements [liturgiques] imaginèrent trouver son équivalent dans le khetonet, une tunique de lin blanc évoquée dans le livre de l’Exode, chap. 28, v. 39. Mais une tunique de lin blanc faisait également partie du costume ordinaire des Romains et des Grecs sous l’Empire, et les auteurs les plus récents, comme Duchesne et Braun, pensent qu’il est inutile d’aller plus loin pour trouver l’origine de l’aube.

Où la trouve-t-on mentionnée pour la première fois comme un article du costume ordinaire ?

Dans un passage de Trebellius Pollio, qui évoque une alba subserica (une aube moitié en soie) mentionnée dans une lettre envoyée par Valérien à Zosime, procurateur de Syrie (260-270).

Quels étaient sa forme et son usage dans la vie quotidienne des citoyens romains ?

Parmi les vêtements portés quotidiennement par le citoyen romain, celui du dessous est la tunica talaris (tunique talaire) ou tunique longue. Elle était blanche et habituellement de laine. Elle était appelée talaris, ou longue, car étant une aube de cérémonie, on la distinguait de la tunique courte, utilisée lorsqu’un effort actif demandait plus de liberté. Les tuniques des sénateurs et des chevaliers étaient distinguées par deux bandes de pourpre, larges dans le premier cas (lati clavi), étroites dans le second (angusti clavi) qui traversaient chaque épaule, et descendaient devant et derrière aussi loin que le bas du vêtement.

La tunique était, à l’origine, un vêtement sans manche. Une époque plus luxueuse introduisit une nouvelle forme de tunique garnie de manches. L’ancienne tunique ou tunique sans manche fut appelée colobium, forme latinisée de l’adjectif grec signifiant « écourté » ou « réduit ». La tunique à manches fut nommée tunica mancata (tunique à manches longues) ou tunica dalmatica (tunique dalmacienne) du nom de la province de Dalmatie, à qui cette invention est attribuée.

Bien que l’usage de ce dernier vêtement, au début, ait été discrédité, car efféminé, il évinça, finalement, de la faveur populaire, son rival plus austère, car nous voyons, qu’en l’an 258, Saint Cyprien de Carthage portait une tunica dalmatica, avec au-dessus un byrrhus, ou manteau, lorsqu’il fut conduit au martyre. En une si grave crise, il est peu crédible que Cyprien ait porté un vêtement purement luxueux, comme il est peu crédible qu’il ait revêtu des vêtements ecclésiastiques.

Quelle comparaison peut-on faire entre l’aube liturgique et cette tunica dalmatica ?

Elle possède également des manches étroites descendant jusqu’au poignet. Les deux sont portées de la même façon, et descendent jusqu’au pied. Les fresques antiques représentent des ecclésiastiques qui portent des aubes ayant des ornements disposés comme les clavi (bandes) de la tunica talaris. Ces clavi, par leur largeur relative, distinguent les représentations du Christ de celles des Apôtres, et aident à différencier les figures d’ecclésiastiques de rangs différents.

Quand et par qui fut-elle retenue, pour la première fois, comme un vêtement pour la messe ?

Le pape Saint Sylvestre (253-257) ordonna, « que les diacres utilisent la dalmatica dans l’église, et que leurs mains gauches soient couvertes d’une étoffe [cloth] de laine et de lin mêlés » (Migne, Patrol., vol. 127, 1514). La couverture de la main gauche se réfère au manipule. Le pseudo-Alcuin nous dit que « l’usage des dalmaticæ (aubes à manches longues) fut institué par le pape Sylvestre, car, auparavant, on portait des colobiaMigne, vol. 101, 1243). Saint Isidore de Séville (560-636) s’y réfère également. (Migne, 82, 635). Les quatre premiers canons du concile de Carthage (400) ordonnent que le diacre porte une aube seulement « tempore oblationis tantum vel lectionis » (durant la messe ou la lecture liturgique). (Labbé, Sacrosancta Concilii (1671), vol. 2, col. 1203). Le premier concile de Narbonne (589) décrète que « ni le diacre, ni le sous-diacre, ni encore le lecteur ne se permettront de retirer leur aube jusqu’à ce que la messe soit terminée. » (Labbé, vol. 5, col. 1030)

Comment ce vêtement a-t-il varié dans son usage et dans sa forme ?

Jusqu’au milieu du XIIe siècle, tous les clercs portaient l’aube dans l’exercice de leurs fonctions sacrées, en assistant à la messe ou à un synode, et en portant la communion aux malades. Dans les monastères, non seulement les moines exerçant une fonction portaient l’aube, mais également ceux qui étaient assis dans les stalles. Depuis le XIIe siècle, le surplis a graduellement été substitué à l’aube, sauf pour le sous-diacre, le diacre, le prêtre et l’évêque en train de remplir leurs fonctions. À présent, elle est peu portée en dehors de la messe.

Dans la forme, le vêtement n’a pas changé, sauf dans l’élargissement ou le raccourcissement de ses dimensions latérales. Avant le IXe siècle, sa taille était généreuse, car par dessous, étaient portés la soutane et les vêtements intérieurs ; la soutane de cette époque était habituellement doublée de fourrure, ce qui faisait d’elle un vêtement lourd. On trouva, par expérience, que cette robe flottante, entravait sérieusement le prêtre dans certaines de ses fonctions, par exemple, l’administration du baptême par immersion. Une aube étroitement ajustée fut adoptée pour être utilisée en ces occasions, et cette aube de baptême devint l’origine de l’aube médiévale plus réduite dont l’usage général se répandit dans tous les offices de l’Église.

L’aube admet-elle maintenant des ornements ?

Elle admet de la dentelle pour ornement, et également une garniture de couleur derrière la manchette des manches (décret du 12 juillet 1892), bien que la Congrégation des Rites ait interdit cela par un précédent décret.

Quelle était l’ornementation des aubes dans les temps anciens ?

De riches et épaisses broderies décoraient le bord inférieur, les poignets et le cou. Au XIIIe siècle, la mode des « parements » fut en vogue. Il s’agissait de pièces rectangulaires de riche brocart, ou de broderie cousus sur le bord inférieur, les poignets, la poitrine ou le dos, ou les deux ensemble. Plus tard, sauf à Milan, dans le rite ambrosien, ces aubes disparurent avant l’introduction de la dentelle comme ornement.

Quelles sont la matière et la couleur de l’aube ?

Le corps et les manches doivent être de lin ; par conséquent le coton et la laine sont interdits. Selon un décret de la Sacrée Congrégation des Rites (15 mai 1819), les aubes et les amicts en coton, alors en vogue, ont été permis jusqu’à ce qu’ils soient hors d’usage. Leurs successeurs, doivent, cependant, être en lin. Le même privilège a été refusé pour les corporaux, les pales et les purificatoires. Pour l’Espagne, il a été décrété qu’une fibre végétale particulière, non pas du chanvre, mais une variété apparentée, était matière impropre. (Décret du 13 août 1895). Dans le vicariat de Chine, une fibre végétale nommée « hia-pou », de la même famille que le chanvre, a été permise à cause d’un long usage persistant, de la pauvreté et de la difficulté à se procurer du lin. (Décret du 27 juin 1898). La couleur doit être blanche. Des inventaires médiévaux montrent des aubes bleues, rouges et noires, et des aubes de soie, de velours et de drap d’or. Dans des cas isolés, l’usage de la soie et d’aubes colorées persiste encore en Orient et en Occident.

Quelle est la signification de l’aube ?

Selon le pape Innocent III (1198-1216), l’aube, à cause de la pureté de sa couleur, indique la nouveauté de la vie. Cela était illustré par la pratique de vêtir les nouveaux-baptisés de vêtements blancs avec ces mots : « Recevez ce vêtement blanc et sans tâche, que vous porterez devant le tribunal de Notre Seigneur Jésus-Christ, de telle sorte que vous puissiez posséder la vie éternelle. Amen. »

Les prêtres de l’Église latine revêtent l’aube en disant cette prière : « Purifie-moi, Seigneur, et purifie mon cœur afin que, lavé dans le sang de l'Agneau, je jouisse de la joie éternelle. »

Référence.

John Walsh, The Mass and Vestments of the Catholic Church, Liturgical, Doctrinal, Historical and Archæological, Troy, N. Y., Troy Times Art Press, 1909, p. 439-446.