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mardi 13 novembre 2012

Le style parental et ses corrélats, selon N. Darling, 1999



Les psychologues du développement se sont intéressés à la façon dont les parents ont de l'influence sur le développement des capacités sociales et instrumentales des enfants, depuis, au moins, les années 1920. L'une des approches les plus solides en ce domaine est l'étude de ce que l'on a appelé le « style parental » (''parenting style'').

Cette synthèse définit le style parental, en explore les quatre types et examine les conséquences, pour les enfants, de ces différents styles.

Définition du style parental

L'investissement parental (''parenting'') est une activité complexe incluant nombre de comportements spécifiques qui œuvrent, tous et chacun, à influencer le devenir de l'enfant. Bien que des comportements parentaux spécifiques, tels que la fessée ou la lecture à voix haute, puissent influencer le développement de l'enfant, le fait de se concentrer seulement sur tel comportement particulier peut être trompeur. Beaucoup d'auteurs ont noté que les pratiques parentales particulières sont moins importantes pour prédire le bien-être de l'enfant que le schéma général de l'investissement parental. La plupart des chercheurs qui tentent de décrire le milieu parental général s'appuient sur le concept de Diana Baumrind, le style parental. Ce concept de style parental est utilisé pour saisir les façons variables et ordinaires dont les parents tentent de contrôler et socialiser leurs enfants (Baumrind, 1991). Deux point sont cruciaux dans la compréhension de cette définition.

Premièrement, le style parental est censé décrire les variations normales de l'investissement parental. Autrement dit, la typologie des styles parentaux que Baumrind a développée n'est pas censée inclure l'investissement parental déviant, tel qu'il peut être observé dans les familles abusives ou négligentes.

Deuxièmement, Baumrind admet que l'investissement parental normal tourne autour des problèmes de contrôle. Bien que les parents puissent différer par la manière dont ils contrôlent ou socialisent leurs enfants et par la mesure avec laquelle ils le font, il est admis que le rôle premier de tous les parents est d'influencer, éduquer et contrôler leurs enfants.

Le style parental comprend deux éléments importants de l'investissement parental : la réceptivité (''responsiveness'') parentale et l'exigence (''demandingness'') parentale (Maccoby et Martin, 1983).

La réceptivité parentale (également appelée chaleur ou soutien parental) fait référence à « la mesure avec laquelle les parents encouragent intentionnellement l'individualité, l'autorégulation et l'affirmation de soi, en se montrant à l'écoute, en soutenant et consentant aux besoins et demandes particulières des enfants » (Baumrind, 1991, p. 62).

L'exigence parentale (également appelée contrôle comportemental) fait référence aux appels que les parents lancent aux enfants afin qu'ils s'intègrent à la famille toute entière, par leurs exigences en matière de maturité, leur surveillance, les efforts de discipline et la volonté d'affronter l'enfant désobéissant » (Baumrind, 1991, p. 61-62).

Quatre styles parentaux

Vouloir catégoriser les parents selon leur niveau bas ou élevé d'exigence et de réceptivité conduit à créer une typologie de quatre styles parentaux : le style indulgent, le style autoritaire, le style usant d'autorité, et le style non engagé (Maccoby et Martin, 1983). Chacun de ces styles parentaux reflète différents schémas, émergeant naturellement, de valeurs, de pratiques et et comportements parentaux (Baumrind, 1991) et un équilibre précis de réceptivité et d'exigence.

Les parents indulgents (appelés également « permissifs » ou « non-directifs » « sont plus réceptif qu'ils ne sont exigeants. Ils ne sont pas traditionnels et se montrent tolérants, ils n'exigent pas un comportement de maturité, permettent une large autorégulation et évitent l'affrontement » (Baumrind, 1991, p. 62). Les parents indulgents peuvent être, de plus, partagés en deux types :
les parents démocrates qui, bien que tolérants, sont plus conscients, plus impliqués, et plus orientés vers l'enfant
▪ et les parents non-directifs.

Les parents autoritaires (''authoritarian'') sont très exigeants et directifs, mais ne sont pas réceptifs. «  Ils sont tournés vers l'obéissance et le statut, et s'attendent à ce que leurs ordres soient suivis sans explication » (Baumrind, 1991, p. 62). Ces parents organisent des environnements ordonnés et structurés, présentant des règles clairement établis. Les parent autoritaires peuvent être partagés en deux types :
les parents non-autoritaires et directifs, qui sont directifs mais ne se montrent pas envahissants ou autocrates dans l'usage de leur pouvoir,
▪ et les parents autoritaires et directifs, qui se montrent très envahissants.

Les parents usant d'autorité (''authoritative'') sont à la fois exigeants et réceptifs. «  Ils surveillent et transmettent des normes claires de conduite à leurs enfants. Ils se montrent assurés, mais ne sont ni envahissants, ni restrictifs. Leurs méthodes de discipline favorisent le soutien plutôt que la punition. Ils veulent que leurs enfants se montrent assurés autant que socialement responsables, autorégulés autant que coopérants.

Les parents non engagés sont peu réceptifs et peu exigeants. Dans les cas extrêmes, ce style parental peut englober à la fois des parents rejetant-négligents et des parents négligents, même si la plupart des parents de ce type appartiennent au type normal.

Parce que le style parental est une typologie plutôt qu'une combinaison linéaire de réceptivité et d'exigence, chaque style parental est à la fois plus que la somme de ses parties et différent de cette même somme (Baumrind, 1991). En plus de différer par la réceptivité et l'exigence, les styles parentaux varient quant à la mesure selon laquelle ils intègrent une troisième dimension : le contrôle psychologique.

Le contrôle psychologique « fait référence aux tentatives de contrôle qui s'immiscent dans le développement psychologique et émotionnel de l'enfant » (Barber 1996, p. 3296), au travers de pratiques comme l'induction de culpabilité, le retrait d'amour ou le fait de faire honte. L'une des clés de différenciation entre l'investissement parental autoritaire et celui qui use d'autorité est celle du contrôle psychologique.

Les parents autoritaires et ceux qui usent d'autorité, pareillement, exigent beaucoup de leurs enfants ; ils s'attendent à ce qu'ils se comportent d'une façon convenable et qu'ils obéissent aux règles parentales. Cependant, les parents autoritaires, attendent également de leurs enfants qu'ils acceptent leurs jugements, leurs valeurs et leurs objectifs, sans poser de question. À l'opposé, les parents usant d'autorité, sont plus ouverts au fait de donner et de recevoir, dans leurs rapports avec leurs enfants ; ils fournissent souvent des explications. Ainsi, bien que les parents usant d'autorité et les parents autoritaires favorisent également un haut contrôle comportemental, les parents usant d'autorité utilisent peu le contrôle psychologique, tandis que les parents autoritaires le font beaucoup.

Les conséquences pour les enfants

Il a été montré que le style parental permet de prédire le bien-être de l'enfant en matière de capacités sociales, de résultats scolaires, de développement psychosocial et de problèmes de comportement. Les recherches basées sur les entretiens avec les parents, les déclarations des enfants et l'observation des parents ont systématiquement montré que :

Les enfants et les adolescents dont les parents usent d'autorité se considèrent eux-mêmes et sont classés par les évaluations objectives comme plus capables socialement et instrumentalement que ceux dont les parents n'usent pas d'autorité (Baumrind, 1991; Weiss et Schwarz, 1996; Miller et al., 1993).

Les enfants et les adolescents dont les parents sont non-engagés se comportent plus mal dans tous les domaines.

En général, la réceptivité parentale permet de prédire des capacités sociales et un bon fonctionnement psychosocial, tandis que l'exigence parentale est corrélée aux capacités instrumentales et au contrôle comportemental (c'est-à-dire résultat scolaires et déviance).

Ces résultats indiquent que :

Les enfants et les adolescents issus de familles autoritaires (exigence importante mais faible réceptivité) ont tendance à réussir d'une manière modérée à l'école et à ne pas montrer de problèmes de comportement, mais ils ont des aptitudes sociales plus pauvres, une estime d'eux-mêmes plus basse et de hauts niveaux de dépression.

Les enfants et les adolescents issus de familles indulgentes (réceptivité importante, faible exigence) sont plus susceptibles de montrer des problèmes de comportements et de moins bien réussir à l'école, mais ils ont une plus haute estime d'eux-mêmes, de meilleures aptitudes sociales et des niveaux plus bas de dépression.

En parcourant la littérature sur le style parental, l'on est frappé par la constance avec laquelle l'éducation usant d'autorité est corrélée à la fois à des capacités instrumentales et sociales et à de plus bas niveaux de problèmes comportementaux, chez les filles et les garçons, et à toutes les étapes du développement.

Les bénéfices de l'investissement parental usant d'autorité et les effets délétères de l'investissement parental non-engagé sont évidents dès les années préscolaires et continuent tout au long de l'adolescence, jusqu'à l'âge jeune adulte.

Bien que l'on puisse trouver des différences de détail dans les capacités mises en œuvre par chaque groupe, les plus grandes différences sont celles détectées entre les enfants dont les parents sont non-engagés et ceux dont les parents sont plus impliqués.

Les différences entre les enfants issus de familles usant d'autorité et les autres enfants sont également constantes, mais un peu plus minces (Weiss et Schwarz, 1996). De la même façon que les parents usant d'autorité semblent être capables d'équilibrer leurs exigences de conformisme avec le respect de l'individualité de leurs enfants, les enfants issus de familles usant d'autorité semblent être capables d'équilibrer les demandes de conformisme extérieur et les exigences de réussite avec leurs besoins d'individualisation et d'autonomie.

Les enfants présentant un T.D.A.H. [trouble du déficit de l'attention avec hyperactivité] ou un T.O.P [trouble oppositionnel avec provocation], ainsi que d'autres troubles du comportements sont particulièrement vulnérables à une basse estime d'eux-mêmes. Ils ont fréquemment des problèmes scolaires, ont du mal à se faire des amis et restent à la traîne de leur pairs du point de vue du développement psychosocial. Ils sont plus susceptibles que les autres enfants de malmener et d'être malmenés. Les parents d'enfants présentant des problèmes de comportement éprouvent de plus hauts niveaux stress liés à l'éducation des enfants, et il peut alors être plus difficile pour eux d'être réceptifs à leurs enfants de façon positive, constante et soutenante.


L'influence du sexe, de l'ethnie et du type de famille

Il est important de distinguer les différences dans la distribution des corrélats du style parental dans les différentes sous-populations. Bien qu'aux États-Unis, l'investissement parental usant d'autorité soit le plus répandu parmi les familles intactes de classe moyenne et d'ascendance européenne, la relation entre l'autorité et le devenir de l'enfant est assez similaire parmi tous les groupes. Il existe, cependant, des exceptions à cette affirmation générale :

1°) l'exigence semble moins crucial pour le bien-être des filles que pour celui des garçons (Weiss et Schwarz, 1996), et

2°) l'investissement parental usant d'autorité permet de prédire un bon devenir psychosocial et des problèmes de comportement chez les adolescents de tous les groupes ethniques étudiés (Américains d'origine africaine, asiatique, européenne et hispanique) ; mais il est associé à la réussite scolaire seulement chez les Américains d'origine européenne, et dans une moindre mesure, chez les Américains d'origine hispanique (Steinberg, Dornbusch et Brown, 1992 ; Steinberg, Darling et Fletcher, 1995). Chao (1994) et d'autres (Darling et Steinberg, 1993) ont donné comme argument le fait que les différences ethniques observées dans l'association entre le style parental et le devenir de l'enfant peuvent être dues aux différences de contexte social, de pratiques parentales ou au sens culturel que revêtent les dimensions spécifiques du style parental.

Conclusion

Le style parental fournit un indicateur solide du fonctionnement parental permettant de prédire le bien-être de l'enfant à travers un large spectre d'environnements et parmi diverses communautés d'enfants.

La réceptivité parental et l'exigence parentale sont, tous deux, des composants importants d'un bon investissement parental.

L'investissement parental usant d'autorité et faisant l'équilibre entre des exigences parentales élevées et claires, une réceptivité émotionnelle et la reconnaissance de l'autonomie de l'enfant constitue l'un des indicateur familial les plus constants de capacité, de la petite enfance à l'adolescence.

Cependant, malgré la longue et solide tradition de recherche sur le thème du style parental, un certain nombre de problèmes restent en suspens. Les plus important d'entre eux sont des problèmes de définition, les changement développementaux de la manifestation et des corrélats des styles parentaux, et les processus sous-jacents des bénéfices de l'investissement parental usant d'autorité (Cf. Schwarz et al., 1985; Darling et Steinberg, 1993; Baumrind, 1991; et Barber, 1996).


Pour plus d'information

B. K. BARBER, « Parental psychological control : Revisiting a neglected construct », in Child Development, n° 67 (6), 1996, p. 3296-3319.

D. BAUMRIND, « 
Rearing competent children », in W. Damon (Dir.), Child development today and tomorrow, Jossey-Bass, San Francisco, 1989, p. 349-378.

D. BAUMRIND, « The influence of parenting style on adolescent competence and substance use », in Journal of Early Adolescence, n°11 (1), 1991, p. 56-95.

R. K. CHAO, « 
Beyond parental control and authoritarian parenting style : Understanding Chinese parenting through the cultural notion of training, in Child Development, n° 65 (4), 1991, p. 1111-1119.

N.
DARLING et L. STEINBERG, « Parenting style as context: An integrative model », in Psychological Bulletin, n° 113(3), 1993, p. 487-496.

E. E. MACCOBY, et J. A. MARTIN, « 
Socialization in the context of the family : Parent–Child interaction », in P. H. MUSSEN (Dir.) et E. M. HETHERINGTON (Dir. vol. ), Handbook of child psychology : Vol. 4. Socialization, personality, and social development, 4e éd., Wiley, New-York, 1983, p. 1-101.

N. B. MILLER, P. A. COWAN, C. P. COWAN et E. M.
HETHERINGTON, « Externalizing in preschoolers and early adolescents : A cross-study replication of a family model », in Developmental Psychology, 29 (1), 1993, p. 3-18.

J. C. SCHWARZ, M. L. BARTON-HENRY et T. PRUZINSKY, « 
Assessing child-rearing behaviors : A comparison of ratings made by mother, father, child, and sibling on the CRPBI », in Child Development, n°56 (2), 1985, p. 462-479.

L. STEINBERG, N. DARLING et A. C. FLETCHER, « 
Authoritative parenting and adolescent adjustment : An ecological journey », in P. MOEN, G. H. ELDER, Jr., et K. LUSCHER (Dir.), Examining lives in context: Perspectives on the ecology of human development, American Psychological Assn, Washington, DC, 1995, p. 423-466.

L. STEINBERG, S. M. DORNBUSCH et B. B. BROWN, « 
Ethnic differences in adolescent achievement : An ecological perspective », in American Psychologist, n°47(6), 1992, p. 723-729.

L. H. WEISS et J. C. SCHWARZ, « 
The relationship between parenting types and older adolescents’ personality, academic achievement, adjustment, and substance use », in Child Development, n°67 (5), 1996, p. 2101-2114.

Référence

Nancy DARLING (Ph.D., M.S.), « Parenting Style and its Correlates », Eric Digest, ERIC Clearinghouse on Elementary and Early Childhood Education, Champaign (Illinois), mars 1999. La version française de ce texte est le fait de l'auteur de ce blog.