Il
y a beaucoup de recherches curieuses dans le traité suivant sur le chapeau et les autres couvertures de la tête, tant sacrées que
profanes. Ce n'est pas seulement par nécessité que l'on couvre la tête
pour la préserver des injures de l'air, c'est aussi par décence.
Tiare papale |
Les Égyptiens et les Juifs ne couvraient ordinairement leur tête que dans
le deuil, et dans l'affliction. Les Romains avaient aussi le plus
souvent la tête nue, ou s'ils la couvraient, c'était avec leur
robe ou avec leur manteau, et n'avaient rien qui fût fait exprès pour
couvrir la tête. Les Perses au contraire avaient la tête couverte.
Hérodote remarque qu'on distinguait les crânes des Perses de ceux des Égyptiens, en ce que ceux des premiers étaient minces et faciles à
rompre, au lieu que ceux des Égyptiens étaient plus épais et plus
durs parce que ceux-ci ne couvraient point leur tête. Pline rapporte
aussi qu'avoir la tête nue affermit le crâne, Synésius dit que le crâne
des têtes rasées et chauves s'affermit, au lieu que celles qui sont
couvertes de cheveux sont plus délicates. Néanmoins dans le temps, et dans les lieux mêmes où l'usage était d'avoir la tête nue,
plusieurs la couvraient. Les Romains et les Hébreux se couvraient la
tête dans les actes de religion. Les chrétiens au contraire la
découvrent pendant la prière et le sacrifice. Cet usage souffre
toutefois des exceptions. Les évêques chez les Arméniens se couvrent la
tête en célébrant, d'un double amict. Il y a plusieurs églises où on
laisse l'amict sur la tête pendant une partie de la messe. Hildebert
dans son Poème du sacrifice de la messe dit que quand on lit l'Évangile,
le peuple quitte ses bâtons, se tient debout et découvre sa tête : « Plebs baculos ponit, stat, retegitque caput. » Cela semble supposer que pendant les autres prières, ils pouvaient avoir la tête couverte.
Dans quelques endroits,
c'est une marque de respect de se découvrir, et c'est ainsi qu'on se
salue ; dans d'autres on a toujours la tête couverte, et l'on salue en
s'inclinant, ou en mettant la main à la bouche.
La tête est
naturellement couverte de cheveux , mais outre cette couverture
naturelle, il y en a plusieurs autres artificielles.
On couvrait la tête
des baptisés d'un voile on d'un bonnet blanc aussitôt après l'onction.
Les femmes étaient toujours voilées en public dans la plupart des nations. Cet usage était plus général pour les femmes mariées ; car en
plusieurs endroits, il était permis aux filles d'aller en public la face
découverte. Tertullien voulait que les filles et les femmes
indifféremment fussent voilées en tout temps, et dans leurs maisons comme en public. Les voiles des femmes étaient de différentes couleurs. La
plus ordinaire était le rouge, d'où ils ont été appelés flammeum. On les a aussi nommés mitres, étoles, rubans. Ils ne couvraient pas seulement la tête, mais encore une partie du corps. Les femmes avaient aussi des manteaux longs et larges qui couvraient la tête. Les Grecs les appellent θερίσπος [therispos] ou πίπλος [piplos] et ils ont encore plusieurs autres noms comme maphorte, caliptre, etc. Les femmes ne coupaient point leurs cheveux ; et il y en avait qui se coiffaient par étages, comme il est remarqué dans Juvénal : « Tot premit ordinibus, tot adhuc compagibus altum ædificat caput. »Dans le concile de Gangre [vers 340 ou 355], il est défendu aux
femmes de couper leurs cheveux ; et saint Jérôme déclame contre celles
qui le faisaient. Cependant c'était un usage fort commun dans les monastères d'Orient de couper les cheveux des vierges qui se
consacraient à Dieu. Ces vierges étaient toutes voilées, et
recevoient le voile de la main de l'évêque ; ce voile est aussi appelé mitra, mitella et flammeum. Voilà
pour ce qui regarde les couvertures de tête des femmes.
Quant à celles
des hommes, les Romains couvraient souvent leur tête avec leur robe, ou
avec leur manteau ; ils avaient aussi quelquefois des chapeaux et des
bonnets, pileos et galeros qui
étaient faits de peaux, ou de laine. Les Thessaliens et les
Macédoniens avaient des chapeaux à bord ; les Athéniens appelaient leur
couverture de tête des crobiles ; les Parthes portaient des tiares semblables
aux turbans des Turcs ; les Perses des chapeaux sans bord ; les Éthiopiens
des chapeaux avec un large bord ; les empereurs romains étant à l'armée
ou en campagne, couvraient leurs têtes d'un chapeau à la lacédémonienne;
les Grecs portaient ordinairement un simple chapeau ; mais ils avaient
d'autres ornements dans les cérémonies, comme le diadème et la tiare qu'ils appelaient cidaris.
Les magistrats, les princes et les seigneurs étaient aussi distingués
par leurs couvertures de têtes.
Les docteurs portent à présent un bonnet, birretum ; il était d'une forme
ronde en quelques endroits, il est presque partout quarré. Théophile
Raynaud fait ici une digression contre ceux qui achètent ce bonnet de docteur, sans le mériter, et taxe de péché mortel ceux qui le donnent
pour de l'argent à des ignorants, il traite cette question, si le bonnet doctoral est préférable au capuchon monastique.
Il vient ensuite
aux ornements dont les prêtres couvrent leurs têtes dans les fonctions
sacrées ; après avoir parlé de ceux des prêtres des païens, il décrit la tiare du grand-prêtre des Juifs, et les mitres ordinaires des autres sacrificateurs, et vient enfin aux ornements qui servent
de couverture de tête aux papes, aux cardinaux, aux évêques, aux prêtres et autres clercs. Le pape porte trois couronnes d'or sur une
mitre. Boniface VIII. est le premier qui ait inventé cet ornement. Le pape se sert ordinairement pour couvrir sa tête de ce qu'on appelle camelocus ou cameloxis, qui
est une espèce de bonnet en forme de casque. Les cardinaux ont un
chapeau, et un bonnet rouge. Innocent IV est le premier qui les leur
a attribués en 1244. Théophile Raynaud fait tous ses efforts pour
montrer que cette couleur convient aux cardinaux. Les évêques portent la
mitre, et les abbés aussi par privilège. Cette mitre fendue a
quelque rapport aux chapeaux cornus des prêtres des païens. On croit que
saint Célestin envoya une mitre à saint Cyrille. Les mitres étaient
anciennement de toile ou de laine blanche sans aucun ornement. On les a
faites depuis de toiles d'or et d'argent, et on les a ornées de
pierreries. Les évêques portaient un chapeau ou un bonnet vert ou
violet. Les prêtres et les autres clercs portent un bonnet quarté, et les laïques n'en devraient point porter régulièrement.
La
couverture la plus ordinaire des moines est la coule ou le capuchon qui était la couverture ordinaire des enfants ; il couvrait la tête et les
épaules. On en faisait de toile, de peau et de laine ; d'abord il
n'était que de la forme de la tête, on l'a ensuite allongé, et il y a
eu bien des disputes parmi les Frères mineurs touchant la mesure de leur
capuchon.
On couvrait les têtes des morts d'un suaire qui enveloppait
aussi tout le corps.
Il est certain que les saints n'ont point de
couverture sur leur tête : cependant les peintres les représentent avec
une couronne rayonnée, comme il y en avait fur les statues des dieux et des empereurs parmi les païens. Cette couronne est une figure de
leur gloire. Théophile Raynaud explique en détail toutes ces couvertures
de tête en donne des raisons mystiques, que nous n'avons pas jugé
à propos de rapporter.
Note
L'auteur rapporte ce que dit le jésuite Théophile Raynaud (1584-1663) dans l'ensemble de son œuvre.
Référence
L. Ellies Dupin, Nouvelle Bibliothèque des auteurs ecclésiastiques, nouvelle édition revue, corrigée et augmentée, t. XVII, Jean Brœdelet, Utrecht (Pays-Bas), 1731, p. 72-74.
L'orthographe a été modernisée par l'auteur de ce blog.