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samedi 31 décembre 2011

Ne nous fais pas entrez en tentation, selon Tertullien

 
À propos de la demande contenue dans la prière évangélique « Notre Père » : ne non inducas in tentationam, « ne nous fais pas entrer en tentation ». 

Voici ce qu'en dit Tertullien (v. 155-220), berbère carthaginois de langue latine, converti au christianisme et considéré comme un Père de l'Église. La version française est le fait de l'auteur de ce blog.


Adjecit ad plenitudinem tam expeditæ orationis, ut non de remittendis tantum, sed etiam de avertendis in totum delictis supplicaremus, NE NOS INDUCAS IN TENTATIONEM, id est ne nos patiaris induci, ab eo utique  qui tentat. Cæterum absit ut Dominus tentare videatur, quasi aut ignoret fidem cujusque, aut dejicere gestiens. Diaboli est et infirmitas et malitia. Nam et Abrahamum non tentandæ fidei gratia, sacrificare de filio jusserat, sed probandæ, ut per eum faceret exemplum præcepto suo, quo mox præcepturus erat, neque pignora Deo cariora habenda. Ipse a diabolo tentatus, præsidem et artificem tentationis demonstravit. Hunc locum posterioribus confirmat: Orate, dicens, ne tentemini (Luc., XXII, 46). Adeo tentati sunt Dominum deserendo, qui somno potius indulserant quam orationi. Eo respondet clausula interpretans quid sit: Ne nos deducas in tentationem. Hoc est enim: SED DEVEHE NOS A MALO

Il ajoute au développement complet de cette prière si facile, que nous priions non seulement au sujet des fautes qu'il faut remettre, mais également au sujet des fautes qu'il faut éloigner totalement, NE NOUS CONDUIS PAS DANS L'ÉPREUVE, c'est-à-dire ne nous permets pas d'être conduits par celui, de toute façon, qui éprouve. D'ailleurs, loin de nous l'idée que le Seigneur soit vu comme [capable] d'éprouver, comme s'il ignorait la foi de chacun, ou comme s'il brûlait de la saper. La maladie et la méchanceté sont choses du diable. En effet, Il avait commandé à Abraham d'offrir son fils en sacrifice, non pour éprouver sa foi, mais pour la démontrer, afin, par lui, de donner un exemple au précepte qu'il allait bientôt donner, qui est de n'avoir pas de garanties plus précieuses que Dieu. Lui-même a été éprouvé par le diable, Il a montré [du doigt] celui qui préside à l'épreuve et en est l'artisan. Il confirme ce point, plus loin : Priez, dit-Il, afin de ne pas être éprouvé (Luc 12, 46). Tant et si bien, qu' abandonnant le Seigneur, ils furent éprouvés, ceux qui se sont adonnés au sommeil plutôt qu'à la prière. C'est ce qu'assure la conclusion qui explique que ceci : ne nous plonge pas dans l'épreuve, veut dire en effet : OUI, MAIS EMPORTE-NOUS LOIN DU MAL.

Référence.

Quintus Septimus Florens Tertullianus, dit Tertullien, Liber de Oratione [Le livre de la prière], chapitre VIII, Migne - Patrologia Latina - Volumen 001 : Col [1163B] - [1164A].

mardi 13 décembre 2011

La chamarre épiscopale et la soutane, 1908

[La version française du texte anglais original est le fait de l'auteur de ce blog.]


La chamarre, simarre (Latin, chimera, crimera, chimæra ; Anglais, chimere ; Italien, zimarra ; Espagnol, zamarra, etc.).

Pour décrire ce vêtement, il a été fait usage de l’article savant paru dans Transactions of the St. Paul's Ecclesiological Society du Rév. N. F. Robinson, « The black chimere of Anglican Prelates : a plea for its retention and proper use » (1898), vol. IV. p. 181-220 ; mais l’auteur s’est construit un jugement indépendant à partir du matériel ici rassemblé (27).

Diez suppose que le mot est d’origine espagnole, et peut-être basque, et qu’il signifie à l’origine « pelisse de peau de mouton » ou « robe d’intérieur ». L’espagnol zammarra signifie toujours « pelisse ». En anglais [cassock], il remonte au XIVe siècle. On l’utilise pour désigner deux vêtements, 1) une soutane à manches porté sous le rochet à manche, et 2) un vêtement de dessus sans manche, généralement ouvert sur le devant mais que l’on peut fermer en retournant les revers. Fermé de cette manière, il ressemblerait exactement à une soutane croisée sans manche.

Il semble, cependant, avoir été quelquefois totalement fermé sur le devant jusqu’à quelques pouces du col du rochet, comme c’est le cas sur les effigies de Mgr Rudd de Saint David’s ( 1614), à Llangathen, et de Mgr Bennett ( en 1617), en la Cathédrale de Hereford. Ce vêtement est apparemment le même que le tabard universitaire, et par conséquent, n’est pas propre aux prélats. Il fait partie de la même catégorie de vêtements ajustés que la tunique, le colobium, la dalmatique, et la soutane, qui ne sont pas des « vêtements couvrants », comme la chape et la chasuble. C’est, en fait, un pardessus. (28) Mais, comme la chape et la chasuble, il s’agit, proprement, d’un vêtement d’extérieur, et comme elles, il est devenu, en pratique, chez nous [Angleterre], un habit liturgique d’intérieur, qui a, depuis plusieurs siècles, en ce qui concerne les évêques, presque supplanté et généralement pris la place de la chape et de la chasuble. Un changement similaire s’est produit dans l’Église d’Orient, où une dalmatique à manches longues, le sakkos, a largement supplanté, pour les évêques, le phelonion.

La couleur de la chamarre n’était, en aucune façon, toujours noire, et, s’il faut suivre l’usage universitaire, il serait bon, lorsque l’on porte l’écarlate, de porter une soutane écarlate à manches, sur elle, un rochet à manches, et par-dessus, une chamarre écarlate sans manche. Par-dessus encore (ou comme son substitut), on pourrait porter une chape écarlate avec un chaperon fourré de blanc, tel qu’elle est encore portée dans les universités et par les évêques de la Chambre des Lords, lors de l’ouverture du Parlement. Mais l’écarlate et le noir n’étaient, en aucune façon, les seules couleurs utilisées pour la chamarre et le tabard. L’archevêque Scrope fut décapité portant une sous-chamarre bleue ; le vert, le violet, le brun-obscur, etc., sont tous mentionnés comme des couleurs de la chamarre (loc. cit., p. 194-197). Cranmer est représenté avec une chamarre vert foncée sur son portrait par Gerbicus Flicius, désormais à la National Portrait Gallery, daté de 1546, peut-être en tant que docteur en théologie (ib. 216).

Pour finir, nous pourrions évoquer la soutane que nous avons incidemment décrite comme une sous-chamarre ou un sous-tabard à manches. Certains de ses synonymes sont camisia vestis, toga talaris, tunica talaris, vestis promissa, vestis subtanea ou subtana ; It. sottana ; Angl. cassock. Car le mot lui-même et ses formes italienne, espagnole et française casacca, casaca et casaque (dérivées sans doute, comme casula, de casa= maison), est plutôt d’usage civil et domestique. C’était un long manteau avec des manches plutôt serrées, une jupe descendant, au début, jusqu’aux talons, et porté par les hommes comme par les femmes ; son nom en anglais archaïque est spécialement appliqué à l’habit porté par les soldats et les cavaliers. Voyez l’article sur Mgr Rudd de St. David's, et Macalister's Eccl. Vestments, p. 138, 1896. L’utilisation du mot [anglais] cassock en tant que terme de vocabulaire ecclésiastique est plutôt tardive. On le trouve dans le canon 74 de 1604, dont, le commentant, M. Mackenzie dit que « Cassock à l’époque d’Henri VIII replaça le vieux nom de subtanea ou vestis talaris. »

Mais il ne donne aucune référence pour cette affirmation. Le terme usuel de la période médiévale tardive, en Angleterre, était apparemment toga talaris ou tunica talaris. Lorsqu’on ressentit l’incommodité d’un vêtement si long dans la vie civile, il resta, naturellement, en usage chez les ecclésiastiques qui bougent avec plus de facilité et de dignité que les autres citoyens. La soutane peut, bien sûr, avoir été portée sous l’aube longue en tant qu’élément du costume liturgique, mais dans un tel cas, elle apparaît difficilement sur une effigie. Elle est, cependant, constamment visible sur ces effigies ou monuments d’ecclésiastiques, qui les représentent soit avec la soutane même, soit dans leur habit de chœur comprenant le surplis , l’aumusse, avec ou sans la chape. Bien des exemples sont représentés ou donnés comme référence par M. H. Bloxam, Vestments, p. 66-81, Herbert Druitt, Costume on Brasses, p. 85, 103-107, et H. W. Macklin, Brasses of England, p. 115 et suiv. Cet usage peut être retracé jusque vers 1400.

On peut ajouter que la soutane croisée est la forme antique en Angleterre. La soutane droite continentale avec une long rang de petits boutons, fut, dit-on, premièrement introduite par Mgr Harris de Llandaff (1729-1738 ; Walcot, loc. cit., p. 105 n). La bande ou ceinture autour de la taille est peut-être une commodité moderne. Voyez, cependant, Druitt, Costume, etc., p. 103, pour un exemple précoce de boutons et ceinture sur une soutane (vers 1400). Le caftan oriental qui est pratiquement le même vêtement, est également porté avec une ceinture.

Notes

(27) M. Robinson est dans l’erreur lorsqu’il dit que Mgr Hooper portait une chamarre écarlate lors de son sacre. Il fut sacré dans l’habit porté par les évêques assistants, c’est-à-dire une chape et un surplis de lin, comme le Register de Cranmer au fol. 332 l’indique : voyez ci-dessous le chapitre III, 3. Sans aucun doute, comme Parker, il revêtit son rochet et sa chamarre, comme habit ou robe d’extérieur, après son sacre, et prêchait également comme cela dans les occasions citées par Strupe.

(28) Un correspondant écrit : « Il s’agit presque exactement de l’habit quotidien des évêques en Lombardie. Il existe une grande photographie de l’évêque de Novara, posant dans le port de bateaux à vapeur d’Intra, sur le Lac Majeur, qui pourrait presque être celle d’un évêque anglais, excepté le fait que les manches du rochet ne sont pas si amples et pas si resserrées au poignet, et qu’il y a trop de chaîne pour la croix pectorale. »

Référence.

Report of the Sub-Comitee of the Upper House of the Convocation of Canterbury Appointed to Draw Up A Historical Memorandum on The Ornaments of Church and his Ministers, Society for Promoting Christian Knowledge, Londres, 1908, n°416, p. 31.

vendredi 2 décembre 2011

L'habit ecclésiastique et universitaire au Moyen Âge selon R. T. GÜNTHER, 1914.

[La version française du texte anglais original est le fait de l'auteur de ce blog.]


La description des costumes des cuivres les plus anciens nous a été fournie par M. Brightman, duquel je suis débiteur pour son aide importante et pour la note suivante sur le costume universitaire de la période qui a été fréquemment mal interprétée par les experts :

« L'habit médiéval clérical et donc universitaire comporte :

(i) une sous-tunique (subtunica, tunica), la « soutane » moderne ;
(ii) une sur-tunique (tunica, supertunica, toga, gona), la « robe » moderne ;
(iii) une capuche (caputium), constituée d'une cape enveloppant les épaules presque jusqu'au coudes, et d'une partie sur la tête, avec un « bec » (liripipium, tippetum [« pointu »]) tombant à l'arrière.

À cela, les bénéficiers, les dignités et les diplômés ajoutaient (iv) un habit (habitus), qui était de plusieurs formes :

1. la cappa qui était de plusieurs coupes : 

a. la cappa clausa, la cappa magna moderne et la « robe parlementaire » des prélats, portée à l'université par les docteurs en théologie et en droit canon, et à laquelle était attachée la capuche, ou qui était plutôt elle-même une immense capuche, dont la cape touchait les pieds, avec une fente au-devant à travers laquelle on passait les bras ;

b. la chamarre (chimæra, pallium), une cappa avec deux fentes latérales pour les bras, portée par les licenciés de théologie et de droit canon et par les docteurs en médecine et droit civil ; [il s'agit de] l'actuel « habit d’assemblée » des docteurs d'Oxford et de la chamarre des évêques [anglicans], prescrit par les Décrétales de Grégoire IX et toujours portée par les évêques anglais ;

c. la cappa manicata, une chamarre à longues manches qui n'étaient déjà plus portées au XVe siècle et qu'on laissait pendre lâchement depuis les épaules, cependant qu'on passait les bras à travers les fentes latérale; [elle fut] portée par les docteurs en droit civil et survécut à Cambridge jusqu'à la fin du XVIIe siècle (voir la planche de Loggan dans Cantabrigia Illustrata).

d. la cappa nigra, une petite chamarre portée par les maîtres ès arts.
 
2. le tabard (tabardum), une tunique aux courtes manches en forme de pointe, [tenue] caractéristique des licenciés mais portée par les [diplômés] de degrés supérieurs par commodité, et, évidemment, de la couleur [propre] de leur faculté.

La capuche du genre ordinaire était portée sur tous ces habits à l'exception du premier. La capuche des diplômés était doublée et bordée de fourrure, ou, à partir du premier quart du XVe siècle, en été (c'est-à-dire de Pâques jusqu'à la Toussaint), de soie, si on le souhaitait ; la robe et l'habit pouvait être, et était communément, doublée et bordée de la même façon.


Les auteurs des ouvrages sur les cuivres monumentaux ont adopté une terminologie qui leur est propre, basée sur une certaine mécompréhension des faits. Ils ont appelée la tunique du dessus « soutane », ce qui est une erreur ; ils ont séparé la capuche de sa cape et l’on appelé « tippet », alors que le « tippet [en français : cornette] » est une chose tout à fait différente, puisqu’elle est l’ « écharpe » moderne [du clergé anglican, notamment], dérivée du liripipion, et non pas de la cape, de la capuche ; tandis que la chamarre a été dite « rochet », ce qui est absurde, et la cappa nigra, « un tabard sans manche », ce qui montre que, même si, sans doute, cela décrit l’aspect superficiel de la cappa nigra après le milieu du XVe siècle, on ignore son nom, et probablement également son origine. »


Référence.

R. T. GÜNTHER, « A Description of Brasses and other Funeral Monuments in the Chapel of Magdalen College, XIII-XIVth Century », Préface, p.V-VII, Magdalen College, juin 1914, in William Dunn MACRAY, Register of the Members of St. Mary Magdalen College, Oxford, New Series Fellows, Vol. VIII : Indexes, Humphrey Milford, Oxford University Press, Londres, 1915.