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lundi 25 mars 2024

Comment envisager et vivre la Messe catholique, selon Louis-Marie Chauvet (vision plutôt réformiste de la Liturgie sacrée)

 

Vous trouverez ci-dessous la retranscription, adaptée à l’écrit, de l’ensemble des interventions successives de M. l’abbé Louis-Marie Chauvet, lors de l'émission Au risque de la foi, animée par Régis Burnet et diffusée sur la chaîne de télévision KTO. M. l'abbé Chauvet est professeur émérite de théologie des Sacrements à l'Institut catholique de Paris et actuel Prêtre coopérateur au service du Groupement paroissial Notre-Dame 95  (paroisses d’Eaubonne, Saint-Prix, Montlignon et Margency), dans le diocèse de Pontoise.

On peut dire de M. l'abbé Chauvet, qu'il a eu beaucoup d'influence, en France, sur la façon, — nouvelle —, d'envisager et de vivre la Liturgie sacrée, façon qui s'est voulue en rupture avec celle qui avait cours avant 1964, année de la première Instruction Inter Œcumenici, publiée par le Conseil pour l’exécution de la Constitution sur la Liturgie, institué par le Pape Paul vi.


M. l'abbé Louis-Marie Chauvet, en septembre 2020

L'importance de l'accueil, c'est évident. Moi, je me réjouis de voir, dans ma paroisse, puis un peu partout aujourd'hui, qu’ il y a des hommes et des femmes qui sont là, qui distribuent une feuille de chants, qui font un sourire, qui, éventuellement, invitent à avancer un peu plus haut. Et, du coup, on a le sentiment qu’on est accueilli par une société de frères, par un groupe de frères et de sœurs, d'une certaine manière : on se sent chez soi. Je veux dire que chacun doit pouvoir se sentir chez lui. Cet accueil est, évidemment, primordial, puisque nous allons célébrer tous ensemble et que la première partie, justement, c'est, vraiment, de constituer l'acteur de la Liturgie, acteur qui va être cette assemblée, ce « nous » que nous allons constituer. Moi je suis très sensible à cela.

Ce besoin, d'un certain nombre, de pouvoir se recueillir, on le comprend tout à fait. Il faut l'honorer. Mais en même temps, on comprend aussi le souci de saluer les autres parce que, finalement, c'est ensemble qu'on va célébrer l’Eucharistie. Et on n’y vient pas de manière simplement individualiste. C’est une chose à laquelle, personnellement, je suis très sensible. Cela dépend des sensibilités. Mais quand des gens arrivent sans saluer qui que ce soit, sous prétexte qu’ils viennent rencontrer « Jésus ! Jésus ! Jésus ! », à mon avis, là, on peut on peut s'interroger. Ils en ont le droit. Mais on peut s'interroger. En revanche, sans faire de l'église un chant de foire — surtout pas — qu'il y ait, d'abord, le souci de rencontrer autrui. Parce que la Messe nous dit, finalement : « Tu rencontres Dieu à travers le visage d'autrui ; tu rencontres le Christ en faisant Église avec les autres. » C'est, évidemment, pour moi, important. Dans le contexte actuel qui est assez marqué — je ne suis pas du tout original en disant cela — par ce qu'on appelle l'individualisme, c'est quelque chose qui n'est pas évident.

Le début de la Messe, pour moi, si je viens aux fondamentaux, par-delà le Kyrie, le Gloria, l’oraison, etc., c'est vraiment de constituer l'acteur de la Liturgie, c'est-à-dire le « nous » : « nous Te célébrons », « nous Te supplions », « nous Te rendons grâce », « nous Te demandons », « nous », ces premières personnes du pluriel...On peut dire que la Liturgie, c’est du théâtre : il y aura une scène, des acteurs, un programme, des objets, etc. Tout est prévu. Donc, il n’y a plus qu'à suivre. À la différence du théâtre, l'acteur principal est dans la nef, dans la salle : c'est le « nous » de l'Assemblée. Si le Prêtre est là, c'est pour présider cette assemblée et pour la rendre « acteur ». Moi j'insiste beaucoup là-dessus. On connaît l'adage : « Un seul préside — au nom de l'ordination — tous célèbrent ». Je la complète en disant : « Un seul préside afin que tous célèbrent ». Quand on commence la Messe, on dit: « Le Seigneur soit avec vous » ou bien: « La grâce de Jésus, notre Seigneur... », c'est à dire qu’on dit : « C'est le Christ qui nous rassemble. » S'il est vrai que c'est le Christ qui nous rassemble, qui, ensuite, va parler à son peuple, comme le dit Vatican II [cf. la Constitution Sacrosanctum Concilium, sur la Liturgie sacrée, n. 7 et 33], qui va faire l’Eucharistie, tous ceux qui sont membres du Christ, tous les Chrétiens, sont acteurs, actifs, par Lui, avec Lui, en Lui. L'Église est à la fois le fruit de la Messe, et en même temps, elle en est la condition. Dès le début, c'est cette Église qui se constitue. Moi, je suis très sensible à cela. D’où l’importance du mot « accueil » : s’accueillir les uns les autres.

Lorsque le chant d'entrée, par exemple, est extrêmement joyeux, comme cela arrive assez souvent, moi, comme Prêtre, accueilli avec les servants et servantes d'autel, je peux enclencher sur lui : ce n’est pas la peine de dire qu'on est dans la joie, puisqu'on vient de le manifester. Le chant est tellement joyeux qu’on est déjà dans la Messe et que l'acteur est déjà constitué, parce que chacun a participé avec le meilleur de lui-même, sa voix qui est belle ou qui n’est pas belle, qu'importe. L'important, c'est de sentir ce mouvement. Moi, je suis très, très sensible à cela.

La prière pénitentielle, c’est le fait de se mettre en disposition. Cela n’est pas très difficile, à mon avis, à accueillir. Je pense que chacun peut vivre ce moment. D'ailleurs, je sens que les gens vivent très bien ce moment où on se recueille humblement devant Dieu. Moi, j'aime bien m'incliner, quand on dit, par exemple, le « Je confesse », à moins qu'il y ait des invocations qui soient enchaînées sur un « Seigneur, prend pitié ». Quant aux « Gloire à Dieu », ils sont maintenant souvent jubilants, etc. Mais l'important, au terme de cela, pour moi, c'est la prière. C'est l'horizon qui vient là : recueillons-nous pour la prière. Cette prière peut être belle et très intense. La difficulté de notre Liturgie romaine est qu'elle est très sobre. Dans ses prières, il n’y a pas de redondance, pas de redit. Du coup, les phrases sont courtes et les mots sont forts. Donc il m'arrive souvent de dire à mes frères et sœurs : « Vous avez entendu ce que je viens de demander en votre nom, ce que nous avons demandé, ce que vous avez demandé à travers moi ? » Parce que c'est « nous », encore une fois : les gens ne font pas que s'unir intérieurement à ce que dit le Prêtre. Bien sûr, c'est cela qu'ils font concrètement. Mais c'est plus que cela qu’ être acteur : cela veut dire que le Prêtre est le porteur de ce que nous prions. Répéter la prière que je viens de dire, éventuellement faire répéter une phrase ou deux de cette prière, cela donne quelque chose !… Ce n’est pas prévu dans les rubriques ! C’est là qu’il faut un minimum de liberté. Je trouve cela très bien.

La Liturgie, c'est du live ! Donc elle va dépendre beaucoup de la manière de faire. La même Prière Eucharistique, avec les mêmes mots, dites par tel Prêtre ou par tel autre, va être reçue de manière très différente. La question est toujours où situer le curseur : entre du « trop froid » et du « trop chaud ». Le « trop froid », c'est le fait que j'exécute strictement le code rubrical. C'est « l'étiquette de cours », etc. Pourquoi pas ? Le « trop chaud », c'est le fait de l'explosion, de la fête dionysiaque, etc., qu’on invente, etc. Nous sommes dans une culture où, notamment, les jeunes sont très en demande de cela ; ils vivent dans une culture du spectacle, etc. Alors, il ne faut pas trop en rajouter du côté du « trop chaud ». Mais, en même temps, je pense qu'il y a un minimum de liberté à prendre qui est, vraiment, au service de la Liturgie catholique, telle que la souhaite l'Église. Par exemple, pour les lectures, moi, j'aime bien faire une introduction, à condition, évidemment qu’elle ne soit pas plus longue que la lecture et qu'elle ne soit pas un cours de théologie, ni un cours d’exégèse. Mais, par exemple, le jour où on fête le Corps du Christ, par exemple le dimanche, et où il est question du « Pain descendu du Ciel », on va nous lire le livre de l'Exode. On a intérêt à dire aux gens : « Si vous voulez comprendre ce que veut dire Jésus, écoutez bien cette lecture, parce que c'est la clé d'intelligence. » Voilà l'introduction. Quelque chose comme cela. Personnellement, et je ne suis pas le seul —, je fais cela fréquemment. Et les retours sont là. Pour la Prière Eucharistique, par exemple : « Vraiment il est juste et bon, pour Ta gloire et notre salut », moi j'ajoute : « et pour » parce que cela rejoint les deux dimensions de la Messe. Et puis, on détache les choses en les prononçant. Cela devient autre chose. Mais je n’improvise pas une Prière Eucharistique. On a connu cela autrefois. Dans les années 1970, les prières qu'on a appelé, après coup, « sauvages ». C'était l'époque de Vatican II, c'était une autre époque. Je comprends très bien qu'il y ait eu une réaction, ensuite, contre cela. Cela s'était d'ailleurs bien apaisé à la fin des années 1990. Et puis, à nouveau, des querelles ont ressurgi, un peu, à mon avis inutiles. Voilà : c’est comme cela. La Liturgie est un lieu de communion, mais aussi de tension, on le sait bien, parce que il y est question de sensibilité, d'affect, puisque la participation se fait à travers le corps, à travers les sens.

À propos de formation, actuellement, je sens que, par rapport à la période antérieure, on est plutôt en déficit de formation sur la Liturgie et je le regrette. Les gens n'ont plus de repères ; ils ne savent plus où ils en sont. Le livre que j'ai écrit, si j'ai mis : Retour aux fondamentaux, c'est vraiment pour rappeler ces choses les plus fondamentales qui sont trop oubliées, qui sont méconnues. Comme Prêtre — je me mets dedans — on finit par prendre des habitudes qui deviennent de la routine . On ne se rend plus compte qu’on a des attitudes ou des tons de voix qui, finalement, ne conviennent pas. Le problème, c'est que nous, Prêtres, nous risquons toujours d'avoir tellement serré le rapport entre la fonction et la personne que les gens ne peuvent plus se permettre de critiquer la fonction sans que le Prêtre le ressentent comme une atteinte à sa personne. Et c'est dramatique. Le phénomène actuel — que je comprends — de sacralisation ou de sur-sacralisation, peut favorise cela. On n’est pas obligé de tomber dans une sorte de hiérarchie, de hiératisme rigide qui fait que toutes les Messes seraient absolument pareilles. C’est cela, la question du curseur.

Pour moi, ce qui est en jeu, avec le problème de la langue liturgique, c’est l’espace d'audibilité. Même, en français, dans les nouvelles traductions que l’on a faites, je trouve que certaines sont malheureuses — il y a des choses très heureuses ! —, parce que, par exemple, les oraisons d’ouverture qui étaient, la plupart d’entre elles, plus simples dans leur formulation antérieure sont devenues plus complexes parce qu’on a voulu calquer de plus près le latin. Du coup, cela rajoute de la difficulté à cet espace d’audibilité qui fait qu'un certain nombre de personnes — moi, je suis très sensible à cela —, ne s'y retrouvent plus. Leur problème ce n’est pas le latin ou même le français, c'est : « on ne comprend pas ce que cela veut dire parce que c'est un jargon tellement spécialisé. » C'est pour cela que notre rôle de Prêtre, — moi je le comprends beaucoup comme cela —, c'est de pouvoir dire les choses de telle manière que cela facilite l'audibilité de ce qui est dit. J'entends bien célébrer la Messe de l'Église : ce n’est pas ma propriété. Surtout pas. J’ai le Missel sous les yeux. Il est trop gros, d'ailleurs, actuellement, parce que, quand il trône sur un petit autel, on a l'impression qu'on vient de célébrer le Missel. C’est quand même embêtant ! On n'a pas besoin, non plus, d'une immense pierre sacrificielle, il ne faut pas exagérer. Je pense qu’une table bien faite suffit. On a ce qu'il faut dans les églises maintenant. Généralement, c'est pas mal quand même, de ce point de vue-là. Les aménagements qui ont été faits depuis Vatican II ont été généralement plutôt heureux. On en est plus à l'immense autel qui était une sorte de grande pierre sacrificielle.Le problème se situe là aujourd'hui. C’est un problème culturel. Dans mon petit livre, j’ai intitulé l’'introduction : « On n'a pas le choix, ça mute ! », parce qu’on est dans un phénomène qui n’est pas simplement d'évolution mais de mutation. Du coup, comment être en prise par rapport à cela ? Comment nourrir nos frères et sœurs chrétiens dans cette culture postmoderne ?

Je ne sais pas s’il faut instituer des lecteurs comme tel. Pourquoi pas ? Mais, pour moi, ce n’est pas l'urgence. Ce qui est sûr, c'est qu'il faut former les lecteurs. On ne demande pas à quelqu'un qu'on ne connaît pas, comme cela, de proclamer, — c'est le terme qui convient — la Parole de Dieu. Il y a une formation à faire et le déficit de formation liturgique dont je parlais porte aussi là-dessus. Ceci étant, au cœur de la Messe, il y a deux parties — d'ailleurs c'est ce que dit « le Concile » [=de Vatican II] — et elles forment un seul acte de culte. Moi, j'aime bien citer à ce propos Vatican II, Dei Verbum, n. 21 : l'Église qui prend le Pain de vie sur la table aussi bien de la Parole de Dieu que du Corps du Christ pour l'offrir au fidèle « L'Église a toujours vénéré les Divines Écritures tout comme le Corps lui-même du Seigneur, lorsque, surtout dans la Liturgie sacrée, elle ne cesse de prendre le pain de vie à la table tant de la parole de Dieu que du Corps du Christ, et de l’offrir aux fidèles. ». Déjà, faire réaliser à mes frères et sœurs chrétiens que ce qu'ils vont entendre, c'est une nourriture, c'est le Pain de vie : ce n’est pas moins que cela. Le texte, d'ailleurs, dit que l'Église a toujours vénéré les Écritures comme elle l'a toujours fait pour le Corps Lui-même du Seigneur. On voit bien qu'il y a une gradation avec le « Lui-même ». La locution pronominale insiste là-dessus. Mais au départ, c'est le Pain de vie, et c'est très important. Il va de soi, dans cette perspective, que communier au Corps eucharistique du Christ sans avoir d'abord communié à la Parole, cela frise le non-sens. C'est tout à fait évident. Deuxièmement, on voit bien qu'il y a une gradation qui va du même Pain de vie sous deux formes, la première conduisant à la seconde et jamais l'inverse. Pourquoi je dis cela ? Parce que cela nous dit ce que c'est un Sacrement, ce qu’est l'Eucharistie en l'occurrence. Mais cela vaut pour tout Sacrement : le geste sacramentel est toujours précédé d'une ou plusieurs lectures de la Parole de Dieu. Cela veut dire tout simplement que si j'observe ce que l'Église a fait toujours et dans toutes les traditions, — à savoir : pas de geste sacramentel sans annonce d'abord de la Parole de Dieu —, cela vaut même pour la Confession. Cela veut dire que le Sacrement n'est pas autre chose que le déploiement de de la Parole de Dieu. La Parole de Dieu est en demande de devenir Événement. Elle est, d'ailleurs, du point de vue biblique, d'autant plus Parole qu'elle devient Événement, ce qui permet au Prophète Amos de dire qu'il a vu la Parole de Dieu. Du coup, on comprend pourquoi, quand le Prêtre lève le livre — moi, je lève le livre — en disant : « Acclamons la Parole de Dieu ! », les gens ne répondent pas : « Louange à Toi ! » au beau livre — il est magnifique pourtant ! — mais : « à Toi, Seigneur Jésus ! ». Comment faire comprendre que c'est Lui, la Personne du Seigneur Jésus qui est Parole, parce que la Parole veut devenir Événement. Le Sacrement, c'est cela. J'expliquais cela l'autre jour à des mariés : ce que vous avez choisi comme texte que vous allez entendre lors de votre mariage, cela va se déployer sur vous en Événement avec la remise des alliances. Quand la Parole vient se déployer, dans un Baptême, sur le corps du petit bébé que je baptise, ou bien, plus encore, quand elle vous rentre dans le corps, — parce que la Communion, c'est ruminer la Parole en tant que parole d'Amour sauveur —, c’est indépassable. On comprend pourquoi il y a des Sacrements, c'est-à-dire que l'Écriture elle-même, en tant que Parole de Dieu est en demande de ce que l’on a appelé plus tard les Sacrements.

Quel est le cœur de la Messe ? Le cœur, c'est le récit de l'Institution : « La veille de sa Passion, Jésus prit le pain... », en tant qu'il est encadré par deux prières qui sont des prières d'épiclèse, de demande de l'Esprit Saint. Quel est le sommet ? Je dirais la Messe, c’est d'abord un mémorial, donc on pourrait dire que c’est : « Faisant mémoire... ». Mais le sommet, moi j'aime bien le voir dans la doxologie finale, quand le Prêtre lève le Pain et la Coupe et chante : « Par Lui, avec Lui, et en Lui... », et que l'Assemblée répond par un « Amen ! », pas « en petite culotte courte », mais un vrai, qui se déploie vraiment. C’est fantastique, ce moment-là, quand toute l’Assemblée fait vibrer les voûtes de l'église. L'Église, elle est là ! La prière eucharistique est une prière d'acclamation bien avant d'être une prière d'adoration : on acclame le Christ vivant et on en est témoins en faveur du monde et au milieu de ce monde. Être les témoins de cela et autant que possible, la vivante mémoire de Lui, de ce pourquoi Dieu, en Lui, a donné sa vie, quelle chose magnifique ! C'est le sommet.

Puis la finalité, c'est la communion. Donc je distinguerais ce qui est au cœur : le récit de l’Institution et les épiclèses ; le sommet, ce serait plutôt la doxologie ; mais la finalité, c’est la Communion, évidemment. La finalité, en effet, cela n’est pas rien.

La doxologie, c’est quand même quelque chose. J'ai été très frustré dans une Messe, récemment, où il y avait des jeunes, des orchestres, etc., des chants « Glorious », c'était super ! Et alors, on a eu droit à une toute petite doxologie de trois fois rien. Cela m'a frustré. L’intelligence de la Liturgie… La Liturgie ne s'adresse pas d'abord à l'intellect — on en est d'accord. Mais cela doit manifester que c'est objectivement intelligent et subjectivement intelligible. L'intelligence de la Liturgie, c'est quand même de manifester cela : il y a des moments qui sont particulièrement importants. La Prière Eucharistique aboutit à cet acclamation et elle dit ce qu'est l’Eucharistie, action de grâce et acclamation du Christ toujours vivant.

Je reviens à l'importance de la formation à la Liturgie. De ce point de vue-là, Desiderio desideravi du Pape est une chose absolument capitale, actuellement. En plus, dans sa finale, il le dit très bien — moi, je suis presque jaloux de ne pas avoir inventé la formule —, il s'agit de former à la Liturgie afin de pouvoir être formé par la Liturgie. Cela, c'est l’objectif.

C’est un paradoxe formidable : la Messe commence quand cela se termine ! La missa, c’était l’envoi, comme les missi dominici — j’ai appris cela à l’école primaire — les envoyés de Charlemagne. Mittere, la missa, l’envoi, il s’agissait de l’envoi des catéchumènes et des énergumènes, comme aurait ajouté Brassens… C’était cela, effectivement : ceux qui ne pouvaient pas participer, qui ne pouvait pas communier. Du coup, on les envoyait et l’Eucharistie commençait après. C’est-à-dire que la Messe commence au moment de l’envoi de certains. Il y a un paradoxe. C’est d’ailleurs, très étonnant, parce qu’il y a eu une époque où il y avait tant de gens qui ne communiaient pas qu’ils partaient après l’homélie de l’Évêque. Je vois que les Pères de l’Église ont dû se fâcher un peu. C’est allé très vite pour que les gens ne communient plus. Ambroise de Milan, qui a baptisé Augustin, dit à ses nouveaux baptisés : « Ne faites pas comme là-bas en Orient où personne ne communie, si ce n'est une fois par an. » Effectivement, les gens avaient pris l'habitude de partir. Donc il a fallu se réapproprier la Communion. Je n'oublie pas que, dans mon enfance, beaucoup de gens communiaient peu. Le sentiment que l'on était pécheur — et on en a peut-être trop rajouté de ce que de ce point de vue là — était tellement fort que, du coup, les gens se sentaient indignes de communier. Il y a un vieux fonds janséniste, mais pas seulement.

Maintenant, on a mieux que le « Allez dans la paix du Christ ! » Dans la nouvelle traduction en français du Missel romain, il y a cette possibilité qui est magnifique : « Allez en paix et glorifiez Dieu par votre vie ! » Cela, c'est capital. Je dis cela maintenant presque tout le temps parce que je trouve que c'est essentiel : c'est vraiment « l'envoi ». Ce n’est pas un rite de conclusion. Le mot « conclusion » est fonctionnel. Il s'agit, bien sûr, fonctionnellement de conclure, mais il s'agit d'un envoi parce que cela permet de rappeler à nos frères et sœurs chrétiens que, s'ils sont venus à la Messe, c'est bien — il faut qu'il continuent — mais c'est en vue d'autre chose. La Messe n'a pas sa finalité en elle-même. « Laus Dei, ipse cantator ». Je me permets de citer cette formule d'Augustin : c'est ta vie qui va être la louange de Dieu ; c'est le chanteur qui est la louange de Dieu. Ma grand-mère aurait ajouté — elle n’avait pas lu saint Paul en grec ou en latin — : c'est ta vie qui doit devenir sacrifice spirituel (Rm12, 1) « pour la gloire de Dieu et pour le salut du monde » ; et tout se joue là.


Référence : « La Messe », chaîne Youtube KTO TV, émission Au risque de la foi, 24 septembre 2023, disponible sur <https://www.youtube.com/watch?v=sleW7hSIp7Y>.

Bibliographie : Chauvet Louis-Marie, La Messe autrement dit : retour aux fondamentaux, Salvator, 2023.

mardi 19 septembre 2023

L’appréciation de l’homosexualité dans l’Église catholique, réponse détaillée et critique au P. Jasseron, du diocèse de Sens et Auxerre, par « prophetesamuel »




Source : « L.G.B.T. : qu’en disent (vraiment) la BiBLE & la TRADiTiON ? – PARLONS PEU, PARLONS DiEU.. Ep n°26 », Chaîne Youtube père matthieu, 2 octobre 2022.

 

Description de la vidéo


« L'homosexualité et l'Église..
Est-ce un péché d’être homosexuel (pratiquant) ?
Est-ce que les gays et les lesbiennes qui sont en couples finiront en enfer ?
Les catholiques sont-ils tous homophobes ? Est-ce qu’un jour on en arrivera au mariage gay à l’Église ?
Et si on prenait le temps, à partir des plus grands spécialistes de la Bible et des théologiens les plus experts sur le sujet de creuser la question de l’homosexualité dans les textes sacrés autant que dans les traditions (le catéchisme de l’Église catholique). Peut-on vraiment s’en servir pour condamner ceux qui vivent une relation affective sincère ? Comment comprendre le mot « chasteté » ? Ou encore l’expression « intrinsèquement désordonné » ?
00:00 Intro
2:57 L’homosexualité dans la Bible
9:52 L’homosexualité dans la Tradition
16:02 Pourquoi cette question est délicate ?
18:29 Vivre l’homosexualité dans l’Eglise
19:09 Quel avenir pour l’institution ?
20:59 Conseils de lecture »


Retranscription


« Quand un homme couche avec un homme, comme on couche avec une femme, tous deux commettent une abomination. Ils seront mis à mort et leur sang retombera sur eux. »

Ouaouh ! Avec ce genre de phrase, on comprend pourquoi tant de croyants et de chrétiens, particulièrement, semblent avoir, « comme qui dirait », un problème avec l'homosexualité. Pour certains, on dirait qu’il n’y a rien de pire : un vrai péché, l'enfer assuré ! « Mais voyons, vous comprenez bien, mes braves gens, c'est contre-nature, tout ça ! Éventuellement encore, s'ils ne l'ont pas choisi, on peut pas vraiment leur en vouloir. Dieu les a peut-être créés comme ça. Par contre, il faut absolument qu'ils restent chastes – rapports sexuels interdits – sinon ce sont des sodomites et, comme le dit très clairement la Bible, ils finiront brûlés dans le feu qui ne s'éteint jamais pour l'éternité. »

Pour d'autres chrétiens, par contre et heureusement, cette réalité peut être accueillie avec bienveillance, confiance et espérance, sûrement, en fait, comme l'aurait fait Jésus, s'il y avait été confronté.

Ce qui me fait toujours rire face à ce genre de question, c'est que c'est un peu comme pour les théoriciens de la Terre plate : vous n'entendrez jamais un astrophysicien faire l'éloge de cette théorie. Par contre, tous ceux qui n’ont pas fait le dixième des études, eux, ils savent ce que c'est que la vérité. Je crois que c'est exactement du même ordre pour la question de l'homosexualité dans l'Église.

En gros, pour tous ceux qui ont fait un minimum d'études en théologie, qui savent réfléchir clairement, ça n’est pas un péché. Par contre, pour tous ceux qui n'ont jamais vraiment creusé, alors là, c'est évident : c'est quelque chose que Dieu doit condamner ! Et il y en a même, parmi eux, certains qui sont prêtres.

Et si, pour le coup, dans cet épisode, on essayait de voir, avec un peu d'objectivité, ce qu'il en est de l'homosexualité au regard de la Tradition chrétienne et de ce que la Bible nous en enseigne. Ouvrons la et voyons, un peu, comment les textes, qui semblent en parler, doivent être compris, si on veut que ce soit avec honnêteté. Et voyons aussi ce que nous en dit la Tradition et le Catéchisme notamment, qui reprend les grands dogmes de 2000 ans de réflexion sur la question. Essayons de comprendre pourquoi, dans notre calendrier des grands saints, on en retrouve deux qui semblent avoir eu des mœurs contre-nature :un qui était homosexuel déclaré et l'autre qui était trans[sexuelle].

Et tentons aussi de percevoir ce qui est délicat dans cette question, notamment face à la réalité du monde dans lequel on vit aujourd'hui : la question de la construction de notre identité, du lobbying L.G.B.T., ou encore la dimension pulsion qu'on maîtrise pas tout le temps.

Et demandons-nous un peu quel avenir l'Église pourrait envisager concernant ce sujet : chasteté contrainte et forcée ou peut-être bénédiction dans certains cas particuliers ?

Et pour tenter de répondre à tout ça soyez sûr que je vais m'appuyer sur les meilleurs références qui soient, les plus grands spécialistes des textes bibliques, les théologiens qui ont le plus travaillé et publié sur la question, ou encore les propos des instances dirigeantes de l'Église dans certains pays, ce qu'on appelle la Conférence des Évêques, et même sur ceux de Cardinaux et du Pape.

Essayons donc de mettre nos a priori de côté et de dépoussiérer la question de l'homosexualité dans la Tradition chrétienne avec un peu d'objectivité. Vous allez voir : vous allez apprendre plein de trucs ! Parce que comme je disais il y a un an – et je le confirme encore maintenant – une relation affective entre deux personnes de même sexe n'est pas un péché et comme on va le voir, nulle part c'est marqué…

* *

*

I) Commençons donc peut-être par voir, un peu, ce que nous en dit la Parole de Dieu. Il n'y a que cinq fois, au total, dans l'entièreté de la Bible, où il est fait référence, de près ou de loin, à la question de rapport homosexuel ; plus, c'est vrai le passage de Sodome et Gomorrhe, mais qui, très souvent, est mal interprété. Pas une seule fois Jésus ne parle de la question ; ce qui en dit sûrement long sur ce qu'il pensait de la chose. Et pour faire simple, comme vous allez pouvoir vous-même le constater, aucun de ces versets ne peut être pris pour condamner une vie affective homosexuelle, surtout quand elle est vécue dans la fidélité et la sincérité.

Le passage le plus connu, c'est celui que je vous lisais au début qui vient du Lévitique, le troisième grand livre de la Bible. En fait, c'est une partie de la Bible qui recense tout un ensemble de règles. Ça va de prescriptions alimentaires au type de coupe de cheveux autorisé ou non, notamment pour les garçons, en passant par le commandement de tuer ceux qui ne respectent pas le sabbat ou encore de mettre à mort les hommes qui couchent avec d'autres hommes. Et c'est vrai, donc, dans ce livre, on a deux passages qui disent, explicitement, que c'est une abomination. Comment donc les comprendre ? Sûrement, tout simplement déjà, en les remettant dans leur contexte. Ce ne sont pas les dix commandements qui ont été dictés directement par Dieu à Moïse ; ce sont des lois, des règles mises en place par des Lévites, pour, d'une certaine façon préserver l'ordre social des Israélites. Un certain nombre d’entre elles ont, d'ailleurs, disparu dans l'usage courant, à notre époque. La question, notamment, de tuer ceux qui ne respectent pas le Sabbat ou le Jour du Seigneur ou encore l'interdit de porter des vêtements fait de deux fibres de tissu différents. Ce sont un ensemble de prescriptions qui datent d'une certaine époque, il y a environ 2500-3000, ans et qui ont valorisé beaucoup le modèle « homme-femme », avant tout pour assurer la stabilité et la pérennité du groupe. Les exégètes – ceux qui étudient les textes de la Bible pour les remettre dans leur historicité – s'accordent tous à dire que ces deux passages ne font nullement allusion à la vie affective que peuvent connaître deux gays ou deux lesbiennes. Ils visent, avant tout, à réprimer l'acte de domination qui, notamment, dans des contextes militaires, visait à violer l'ennemi pour lui retirer son honneur. Ces deux petits versets ne concernent donc que le rapport génital homosexuel entre deux hommes de même sexe, dans un contexte très particulier. Il ne faudrait quand même pas faire l’amalgame avec la réalité affective que vivent tous les couples homosexuels. D'ailleurs les couples de femmes ne sont pas du tout concernés par la question dans ces quelques passages bibliques.

Alors, après, vous me direz peut-être : ouais, Mathieu mais bon, il y a toujours l'histoire de Sodome et Gomorrhe. Allons voir, parce qu'on pense souvent que, si Dieu a éradiqué la ville, c'est parce qu'ils étaient tous gays, là-bas. C'est, d'ailleurs, de cette histoire que vient le mot « sodomite ». Seulement, ça n’est pas du tout ce qui est écrit dans la Bible. Genèse, premier livre de la Bible, chapitre 19, verset 1 à 25 : c'est l'histoire de Loth qui accueille deux Anges chez lui. Les habitants de Sodome sont « vénères » ; ils viennent encercler sa maison pour agresser ses deux hôtes. Et dans certaines traductions, on lit qu’ils veulent s'unir à eux. Donc, déjà, on parle de gars qui veulent violer des Anges et non pas des hommes. Et ensuite, c'est un choix de traduction très orienté qui a été fait là dedans, parce que, là encore, les spécialistes de l’hébreu biblique nous disent que le terme employé, yada’ ne fait nulle part ailleurs allusion à des rapports homosexuels. Ça signifierait plutôt : « faire connaissance, se confronter ». Donc, dans la symbolique, si Dieu déverse sa colère sur la ville, ça n'est pas tant parce qu'elle ne serait remplie que d’homos ; d'ailleurs, sinon, comment cette ville pourrait-elle se renouveler ? Non ! C'est bien plutôt parce qu'ils viennent agresser son protégé et ses deux messages. Comme quoi, une petite erreur ou un choix de traduction peut créer de grands troubles pendant des siècles et des siècles.

Et alors, parce que vous connaissez très bien vos références, vous me direz : ouais, mais il y a encore Saint Paul qui en parle au moins trois fois dans le Nouveau Testament. Et c'est tout à fait vrai. Mais si, pour le coup, là encore, on allait creuser : première aux Corinthiens, chapitre 6, verset 9 et 10 : « Ne vous y trompez pas, ni les débauchés, ni les idolâtres, ni les adultères, ni les dépravés et les sodomites, ni les voleurs et les profiteurs, etc, etc, aucun de ceux-là ne recevra le royaume de Dieu en héritage. » Intéressant donc ! Les dépravés, les sodomites... Mais que nous dit le texte originel ? Précisément, on y parle de malakoi ou malakos au singulier, qu'on pourrait traduire par « doux » ou « efféminé ». Donc, en gros, on a un Saint-Paul qui est en train d'écrire à la communauté de Corinthe, qui est connue pour ses mœurs assez débridés, pour pas dire dépravées, qui nous explique, donc, qu'il ne faut être ni débauché, ni idolâtre, ni voleur, ni doux. Comment comprendre ce terme, d'habitude élogieux, dans ce contexte. Là encore, les spécialistes du grec ancien et biblique, en particulier, nous expliquent qu'il faut sûrement plus comprendre une question de mollesse, de passivité : ceux qui tirent au flanc…

Mais, alors, parce que vous connaissez le sujet, vous me direz : ouais, Mathieu mais juste après il y a le mot arsenokoitai, et c'est vrai, le même qu'on retrouve dans la première lettre à Timothée, au chapitre 1, où on retrouve globalement la même liste de débauches qu’il vaut mieux éviter. Et c'est sûr que, dans ce mot arsenokoitai, on retrouve la racine « coït ». On pourrait donc choisir de le traduire par « un homme qui couche, qui a un coït avec un autre homme ». Ok ! mais donc est-ce que, pour autant, on parle de relation affective, amoureuse ? Rappelons un instant que saint Paul est en train de s'adresser à des Grecs, dans l'Antiquité, là où on avait l'habitude de pratiquer ce qu'on appelait la pédérastie. Et c'était quoi ? : des anciens qui initiaient des plus jeunes, très régulièrement des mineurs, à une certaine vie sexuelle. Alors, question : est-ce que, dans ces deux textes, c'est vraiment d'homosexualité dont saint Paul parlait ? ou plutôt de pédocriminalité ? Là encore, ça ne parle que de trucs entre hommes sous un angle éminemment sexuel, génital et dans un contexte donc très particulier.

Et donc venons-en à la dernière référence que nous offre la Bible sur cette question des rapports homosexuels. C'est dans la lettre aux Romains. À la fin du chapitre 1, il dénonce les rapports contre-nature. Là encore donc, il s'adresse à une communauté particulière, celle de Rome, connue pour avoir certaines mœurs assez légères ; et il dénonce, donc, à partir du verset 26, « les passions déshonorantes qui sont contre-nature ». Une nouvelle fois, voyons ce qu'en disent les exégètes : « L'Apôtre ne vise pas ici deux personnes engagées dans une relation affective et amoureuse, mais l'appétit sexuel dont s'enflamme certains hommes qui dégénèrent dans des rapports de violence et de domination de l'autre. » Ça vise autant les homos que les hétéros. J'aime beaucoup comment ce théologien, Joël Pralon (Église et homosexualité : un accueil difficile, Médiaspaul, 2020) résume ce passage en disant : c’est un peu comme si saint Paul disait aux Juifs : « Arrêtez de suivre bêtement une règle comme si l'application d'une règle suffisait à vous rendre pur ou à vous sauver. En plus, ça vous rend orgueilleux. Et c'est comme s'il disait au païen : « Arrêtez vos pratiques idolâtres qui vous détournent de votre vrai nature. »

Donc pour résumer : on aurait cinq passages dans la Bible, plus celui de Sodome et Gomorrhe, qui sont censés nous expliquer que l'homosexualité, par Dieu, est condamnée. Or, ça ne parle jamais de la vie affective, mais toujours de la dimension génitale et sexuelle, souvent dans un cadre de domination, voire de pédocriminalité, en s'adressant donc à des communautés qui sont connues pour avoir des pratiques de débauchés. Donc, je ne sais pas si, honnêtement, on peut se servir de ça pour dire que l'homosexualité est un péché…

II) Alors ouais, Mathieu mais la Tradition ? Et ben, creusons ! Le Catéchisme de l'Église catholique, donc le résumé, un peu, de 2000 ans de Tradition, nous explique au numéro 2357 et suivants : « L'Église a toujours déclaré que les actes d'homosexualité sont intrinsèquement désordonnés. » Ok ! Donc, comment comprendre ? Ça n'est pas un péché mais c'est intrinsèquement désordonné. Commençons peut-être par rappeler que le mot « désordonné », ça n’est pas avant tout un terme théologique. « Ordonné... au plan de Dieu », c'est-à-dire à la fécondité. En même temps donc, il y a des actes tout à fait ordonnés qui peuvent être d’horribles crimes, d'énormes péchés. Prenant pour exemple le viol conjugal, c'est tout à fait ordonné à une certaine fécondité, le fait d'avoir des enfants. Pour autant, je crois que c'est éminemment un péché.

Ouais... bon !, tu cherches à nous embrouiller, Matthieu. La réalité, c'est qu'il y a bien marqué au numéro 2359 que ces gens là, ils sont appelés à la chasteté. Ok ! Alors expliquons le terme « chasteté ». « Chaste » en latin, ça se dit castus et l'inverse, c'est une question qui vous fait penser à « inceste », une relation, donc, au niveau de domination et d'emprise sur l'autre. Ne pas être chaste, c'est donc juste rechercher son propre désir, prendre pour soi, avoir une vision purement égoïste du désir et de l'amour. Il faut donc se sortir de la tête que « chasteté » voudrait dire abstinence ou continent. Tous les couples homo comme hétéro sont invités à être chastes, à rechercher avant tout le désir de l'autre. Donc, même le sacro-saint Catéchisme de l'Église catholique ne dit pas qu'il faut que les gays et les lesbiennes soient abstinents.

Par contre, il rappelle aussi au numéro 1790 que l'être humain doit toujours obéir au jugement de sa conscience ; c'est ce que l'Église ne cesse de répéter. La conscience est le temple de Dieu en nous. Est-ce qu'on doit donc contraindre tous les homos à être abstinents ou les aider à réfléchir leur vie affective avec discernement ? Ne faut-il pas donc, avant tout, chercher à nous aider mutuellement et, peut-être, les personnes homosexuelles, particulièrement, à nous rapprocher graduellement et résolument de la perfection chrétienne. ça n'est pas moi qui le dit mais le numéro 259. Eh ouais, c'est écrit que même les homos sont appelés à la sainteté, et pas forcément dans l'abstinence, mais dans la chasteté.

D'ailleurs, je vous le disais en préambule de cette vidéo. Et je trouve ça toujours rigolo : on a donc deux saints dans notre calendrier, qui sont connus l'un pour avoir été gay et l'autre trans[sexuelle]. Lisez-donc saint Ælred de Rievaulx, Le Miroir de la charité ou L'Amitié spirituelle. Vous serez franchement étonné de la façon dont il parle de son bien-aimé Simon, le jour où il est décédé, à écrire à quel point ses baisers, ses embrassements vont lui manquer. Alors, ça n'est pas forcément sous un angle sexuel et, au contraire même, au vu des témoignages qu'on a de lui, on pense qu'il a vécu dans une vraie abstinence. Mais c'est quand même sympa de noter qu'on a un des saints de notre calendrier qui disait ouvertement qu’il était gay.

Et l'autre, c'est sainte Théodora ou saint Théodore, [c’est] selon – qu'on a fêté, il y a peu de temps d'ailleurs – qui, en fait, fut une femme qui a eu besoin de se réfugier dans un monastère et qui, pour le coup, se déguisa en homme. Elle y resta des années et des années, fut même élu Père Abbé, et à sa mort, on se rendit compte qu'en fait, c’était pas un garçon… Pourtant elle, ou il, a été canonisée. C'est fou, quand même, comme notre Église d'hier était parfois moins coincée que la notre d'aujourd'hui.

Pour résumer la façon dont l’Église, en deux millénaire, a abordé la question de l'homosexualité, les mots du pape François peuvent être une excellente clé. Souvenez-vous, quand il s'était fait interviewer sur le sujet, il avait répondu que, si les gens vivent dans une vraie fidélité et une entière sincérité, « qui suis-je pour juger ? ». Et je crois que c'est ça qu'il développait dans ce grand texte Amoris laetitia, en français, « la joie ou l'allégresse de l'amour » en disant, au numéro 250, qu'il « faut offrir aux personnes ayant des tendances homosexuelles l'accompagnement qui puisse les aider à réaliser pleinement la volonté de Dieu dans leur vie. »

Ne pas juger donc, mais accueillir pour conduire vers Dieu et c'est sûrement pour ça que la chasteté, et encore moins l'abstinence, ne peut être brandie comme une obligation. « Imposer aux personnes homosexuelles l'abstinence sans ouvrir de débat, c'est tout simplement les jeter dans le gouffre de la culpabilisation. » (Joël Pralon) C'est les condamner à vivre quelque chose qu'ils n'ont pas choisi et donc, par conséquent, ça ne peut pas être la même chose que le vœu de chasteté que vivent les bonnes Sœurs ou la promesse de célibat que font les Prêtres, qui là, pour le coup, est choisi librement. Donc attention au mot « désordonné » ou encore au mot « chasteté » qu’on prend parfois pour ce que ça n'est pas.

Valorisons donc plutôt le fait d'accompagner avec « gradualité », c'est à dire au rythme de la personne qu'on souhaite aider. C'est ce que disait déjà les Évêques de Suisse en 1979. Écoutez, c'est beau, franchement, surtout pour un texte qui a déjà 40 ans. « Il faut considérer comme un progrès, dans le cas d'une vraie homophilie, le fait qu'une solide liaison se développe, bien que celle-ci ne correspondent pas à l'idéal proprement chrétien de la sexualité. » Accompagner, en évitant de juger donc, et en sachant reconnaître la beauté, le vrai. Parce que combien de couples homosexuels vivent, quand même, éminemment, des valeurs chrétiennes du mariage : que ce soit la fidélité, la liberté, le fait que c'est pour toute la vie, ce qu'on appelle l'indissolubilité, ou même la fécondité – ça peut être à travers des enfants adoptés, mais ça peut être aussi à travers leur fécondité sociale, par leur divers engagements. Pour résumer, donc, comme dit si bien le cardinal Schönborn : « Regardons d'abord la personne dont la dignité va au-delà de sa tendance sexuelle, tendance qui, en elle-même, n'est pas un péché. »

Brandir en premier le Catéchisme sans même d'ailleurs savoir toujours le lire, c'est risquer d'enfermer, de condamner les gens. Et je doute, au fond, que ce soit ça qui puisse réellement les aider à avancer vers toujours plus de Dieu, toujours plus de Bonne Nouvelle dans leur réalité.

Peut-être qu'il faudrait donc, comme dit Joël Pralon, revoir certaines formulations du Catéchisme et aussi accepter, comme dit un autre théologien assez calé sur le sujet, Alain Thomasset, que la théologie soit tout simplement clarifiée sur cette question. Parce que, rappelons-le, la théologie est une science éminemment vivante qui a toujours besoin de s'actualiser par rapport à la réalité de ce que nous, on vit, au quotidien, de faire en sorte que, à chaque époque, dans chaque cas particulier, on puisse vraiment vivre ce à quoi on est appelé.

III) Mais alors, n’allez pas croire, non plus, que je fais l'apologie de l'homosexualité. D'ailleurs si pour la plupart des gens, ça n'est pas choisi, on ne peut pas vraiment faire d'apologie. Et osons reconnaître qu'il y a quand même certains aspects délicats et complexes autour de cette question.

Sûrement déjà, il faut accepter qu'on a, peut-être, pour beaucoup d'entre nous, des peurs inconscientes autour de cette interrogation, des trucs du genre que : « Ça pourrait être mauvais pour la société, conduire à certaines formes de criminalité », ou encore : « Ça pourrait même peut-être me contaminer. » Et donc, avec tous ces oripeaux autour de la réflexion, on a parfois du mal à creuser avec objectivité.

Reconnaissons-le aussi, on fait parfois l'amalgame entre une vie débridée, qu'elle soit d'ailleurs hétéro ou homo, et une vie fidèle, selon les valeurs du mariage. Et pourtant, combien de couples gays et lesbien, réussissent à vivre éminemment ce à quoi le Christ nous appelle ?

Ce qui est complexe, aussi, dans l'identité de genre ou l'orientation sexuelle, c'est que ça se construit. Dans ce passage entre l'enfance et le monde des adultes, ça n'est pas toujours évident pour tous les adolescents. Certains peuvent se sentir attirés par des copains du même sexe sans pour autant être homosexuels. Il faudrait pas risquer de se fixer sur une orientation qui n'est pas vraiment désirée.

Donc à la fois un sujet tabou, en société, mais même pour, peut-être, beaucoup d'individus parmi nous, parce que ça a fait partie de notre construction, et plus que ça, rajoutons le lobbying gay L.G.B.T. qui est vraiment présent en ce moment. Parmi ces groupes de pression, on dirait que certains voudraient que le monde entier soit homo.

Et là encore, forcément, ça biaise le débat et la compréhension, à laquelle – cerise sur le gâteau – se rajoute la complexité des pulsions, qui est double, à la fois parce que, si c'est condamné psychologiquement, ça a un certains attrait. Donc condamnation rime souvent avec excitation des pulsions.

Et l'autre truc, par rapport à ses instincts qu’on porte tous, c'est l'aspect d'expérience. Un peu, au fond, comme la meilleure des drogues, le sexe, quand on y a goûté, ça donne envie de réessayer, soit homo ou hétéro, d’ailleurs. Et donc, pour discerner notre orientation vraiment désirée, bah, c'est peut-être pas ce qui est le plus approprié. Et là, on retombe sur la question de la chasteté : apprendre à aimer l'autre pour ce qu'il est.

Donc, faut le reconnaître : quand même, pas facile, comme sujet.

La Bible ne semble donc pas le condamner, mais ça paraît pas pour autant l'idéal de sexualité qui est préconisé. La Tradition nous le présente avec des mots un peu compliqués qui ont besoin d'être interprétés, cette question de « désordonné », de chasteté. Et en même temps, donc, un sujet pas forcément facile à aborder avec objectivité, dans la société, comme peut-être, pour nous-mêmes.

IV) Aussi, comment, donc, vivre la question de l'homosexualité dans l'Église ? Déjà, il faut savoir qu'il y a trois associations qui se sont érigées pour aider que ce soit les personnes homosexuelles ou les personnes qui, parmi leurs proches, ont des homosexuels et qui sont tous chrétiens ou cherchent à vivre selon l'Évangile. On a Devenir un en Christ mais aussi la Communion Béthanie et enfin David et Jonathan. Si l'homosexualité est donc un sujet qui fait partie de votre société et que vous êtes chrétien, je ne peux que vous enjoindre à aller visiter les trois sites de ces associations. Je suis sûr que vous y trouverez tout plein de réponses à vos questions.

Après, sûrement qu'il nous faut tous individuellement savoir accueillir sans juger en offrant à l'autre, avec gradualité, un vrai chemin pour avancer vers tout ce que Dieu lui promet.

Et, enfin, peut-être aussi, pour l'institution ?, vous me demanderez. Et pour le coup, je dois reconnaître que je n'ai sûrement pas les compétences théologiques pour savoir, si un jour, le mariage homosexuel pourrait avoir lieu dans l'Église. Mais ce qui est sûr, ce qui pose question, c'est qu’on a régulièrement des bénédictions, que ce soit de personnes, de lieux, de chiens, de tout plein de trucs. C’'est quand même bizarre qu’on se refuse encore à offrir la bénédiction de Dieu à deux personnes qui voudraient vivre ensemble des valeurs que le Christ lui-même nous a léguées. Il y a à la fois beaucoup de personnes homosexuelles parmi les chrétiens, et même parmi les Prêtres, et aussi régulièrement, un certains refoulement. Et d'autres encore qui vivent un catholicisme très identitaire, avec des idées bien arrêtées. Je vais peut-être mal le dire, mais je suis pas sûr qu'on soit tous prêts, si la théologie permettait, à ce que Rome, aujourd'hui, reconnaisse le mariage gay. Et donc, sûrement qu'on peut comprendre que quelques-uns, haut placés, préfèrent peut-être ne pas trop creuser le sujet. On verra bien ce que l'avenir nous réserve, aussi bien l'avancée de la théologie, que la réalité de notre sociologie.

Est-ce que vous avez eu cette info qui est sortie il y a deux jours : l'Église catholique de la Belgique flamande vient de mettre en place une célébration de prière pour les couples homosexuels qui s'engagent dans une union aimante et fidèle. N'est-ce pas fou quand même, aujourd'hui, ce sont des Évêques, c'est-à-dire le plus haut degré dans la Hiérarchie de l’Église, qui vont autrement plus loin que ce que j'avais pu dire, quand j'expliquais que c'était pas forcément un péché que d'avoir une relation affective sincère lorsqu'on est gay.

Rendons grâce pour cette avancée. La théologie n'est pas une science figée. Et peut-être, prions pour tous ces couples qu’ils soient hétéros ou homo, que le Seigneur leur offre la grâce de vivre un amour vrai, sincère, et fait de fidélité.

J'espère qu’à travers ces quelques minutes, même si la vidéo aura peut-être duré un soupçon plus de temps que d'habitude, vous aurez perçu, avec un petit peu plus d'objectivité, la réalité de ce sujet dans l'Église.

V) Et peut-être quelques petits conseils de lecture, pour finir.

Déjà le Catéchisme de l'Église catholique et en intégralité : pas seulement les parties qui semblent condamner, parce qu'il me semble quand même que le leitmotiv de ce bouquin, c'est avant tout : ne pas juger.

Pour continuer, dans le même esprit et toujours de façon très catholique, Amoris laetitia, un très beau texte de François qui nous redit donc, éminemment, ce à quoi on est tous appelés : la joie de l'amour.

Ensuite sous l'angle théologique et homosexualité, très bien résumé : Joël Pralon, Église et homosexualité ; on retrouve un peu l'essentiel de la recherche et du constat où on en est aujourd'hui.

Et aussi de Michel Salamolard, Les Homosexuels, coll. « Que penser de… ? », Éd. Fidélité, 2017, tout simplement. Deux ouvrages vraiment bien fait argumentés et qui peuvent aider à discerner.

Au niveau exégèse biblique, Thomas Römer, c'est le maître tout simplement. Et là, pour le coup, sur cette question, je vous conseille l'ouvrage [en coll. avec Loyse Bonjour], L'homosexualité dans le Proche-Orient ancien et dans la Bible, Genève : Labor et Fides, 2016. (...)

Et enfin, dans un autre ordre d'idée, mais tout aussi enrichissant Sodoma de Frédéric Martel, Babelio, 2019. On pourrait le résumer en disant tout simplement : la réalité de l'homosexualité dans le clergé.

J'espère que vous aurez aimé cette vidéo et que vous comprendrez que le but était vraiment de vous donner matière à réflexion. Il ne faut, bien entendu, pas chercher à déformer la Bible ou la Tradition, ni même à « plaire au monde », comme certains disent. Mais toujours nous aider à mieux creuser comment « être Jésus pour les autres » et, « en vérité », pas idéalisé. En tout cas, qui que vous soyez, hétéro ou homo, chrétien ou athée, que Dieu tout-puissant vous aide à avancer vers toujours plus de sainteté. Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit.





Réponse détaillée et critique

par « prophetesamuel »



[La mise en forme de ce document a été changée par l’auteur de ce blogue. On été également ajoutés, entre crochets certains compléments et corrections, dont les retranscription de certaines des vidéos citées, réalisées sur YouTube par le P. Jasseron. Enfin, l’adresse URL de certains hyperliens a été changée.]

Au sein même de l’Église s’est formé un courant, constitué par des groupes de pression aux appellations diverses et de dimensions variées, qui tâche de se faire passer comme le représentant de toutes les personnes homosexuelles qui sont catholiques. En fait, ses adhérents sont pour la plupart des gens qui ignorent l’enseignement de l’Église ou cherchent d’une manière ou d’une autre à le saper. On tente de réunir sous l’égide du Catholicisme des personnes homosexuelles qui n’ont aucune intention d’abandonner leur comportement homosexuel. Une des tactiques utilisées consiste à affirmer, d’un ton de protestation, que toute critique ou réserve à l’égard des personnes homosexuelles, de leur activité et de leur style de vie, est purement et simplement une forme de discrimination injuste. On assiste même, en certaines nations, à une véritable tentative de manipulation de l’Église pour obtenir le soutien, souvent bien intentionné, de ses pasteurs en faveur d’un changement des normes de la législation civile. Et cela, en vue de mettre celle-ci en accord avec les conceptions de ces groupes de pression selon lesquels l’homosexualité est une chose parfaitement inoffensive sinon tout à fait bonne. Bien que la pratique de l’homosexualité représente une menace sérieuse pour la vie et le bien-être d’un grand nombre de personnes, les protagonistes de ce courant ne renoncent pas à leur action et refusent de prendre en considération l’étendue du risque qui y est impliqué.
Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Homosexualitatis problema, n. 9
Ces considérations étant faites, la Congrégation désire demander aux Évêques d’être spécialement vigilants vis-à-vis de programmes qui tendraient, même en prétendant en paroles ne pas le faire, à exercer une pression sur l’Église pour qu’elle change sa doctrine. L’examen attentif des déclarations publiques qui y sont contenues et des activités qu’ils promeuvent, révèle une ambiguïté étudiée à travers laquelle on cherche à égarer les pasteurs et les fidèles. On présentera par exemple la doctrine du Magistère, mais seulement comme si elle était une source facultative dans la formation de la conscience individuelle. On ne reconnaît pas le caractère spécifique de son autorité. Certains groupes utilisent même le mot » catholique » pour désigner ou bien leur organisation ou bien ceux à qui ils entendent s’adresser, sans pour autant défendre et promouvoir la doctrine du Magistère, mais au contraire, en l’attaquant quelquefois ouvertement. Leurs membres peuvent bien prétendre vouloir conformer leur vie à l’enseignement de Jésus ; en fait ils abandonnent l’enseignement de son Église. Ce comportement contradictoire ne peut en aucune manière recevoir le soutien des Évêques.
Ibid., n. 14


Sommaire


I – L’Homosexualité dans la Tradition et dans le Magistère de l’Église

1 – Le Témoignage de la Tradition

2 – Considérations sur l’Autorité du Magistère

3 – Le Catéchisme de l’Église Catholique

4 – Homosexualitatis problema

5 – Autres documents

6 – Le Responsum

7 – Qui suis-je pour juger ?

8 – Amoris Laetitia

9 – L’Homosexualité, pas un crime mais un péché

10 – Les Conférences des Évêques et Théologiens

11 – La Loi Naturelle

12 – La Tradition évolue ?

13 – Autres considérations

14 – La Conscience dans le Catéchisme

15 – Conclusion générale

II – L’Homosexualité dans la Bible

1 – Considérations générale

2 – Jésus ; les relations affectives

3 – Le Lévitique

4 – Sodome et Gomorrhe

5 – 1 Corinthiens et 1 Timothée

6 – La lettre aux Romains

III – La Transidentité et l’Homosexualité chez les Saints

1 – Sainte Théodora d’Alexandrie

2 – Saint Ælred de Rievaulx

IV – L’Homosexualité dans l’Église : Sodoma

1 – Décryptage du livre

2 – Comment considérer le Pape François

3 – Décryptage de l’auteur

4 – Comment réagir dans une Église en crise

V – Conclusion


I – L’Homosexualité dans la Tradition et dans le Magistère de l’Église

Nous ferons ici une critique détaillée de la vidéo du P. Matthieu sur l’homosexualité qu’il a posté sur YouTubeL.G.B.T. : qu’en disent (vraiment) la BiBLE & la TRADiTiON ? – PARLONS PEU, PARLONS DiEU.. Ep n°26 »), et qui est son étude la plus aboutie sur le sujet (plus que sur Tik Tok). Nous pourrons ainsi réfuter par là ses avis et interventions en général sur l’homosexualité, d’abord du point de vue de la Tradition et de l’Église.

1 – Le Témoignage de la Tradition

Nous commençons directement. Le P. Matthieu nous dit que le Catéchisme est le résumé de 2000 ans de tradition. Cependant la Tradition ne se limite nullement au Catéchisme. Il faut compter dans la Tradition les écrits des Pères, des Docteurs, des Papes et tous les Conciles, notamment œcuméniques. Nous ferons donc chronologiquement et de manière non-exhaustive la liste des condamnations ou mentions comme péché des actes homosexuels par la Tradition. Ce sont certes des documents d’autorité variable (saint Thomas et un Concile œcuménique n’ont pas la même autorité), et les théologiens pris individuellement ne sont pas infaillibles mais :

Il faut considérer que l’enseignement infaillible du Magistère ordinaire et universel n’est pas seulement proposé dans la déclaration explicite d’une doctrine à croire ou à tenir pour définitive, mais il est aussi exprimé par une doctrine implicitement contenue dans une pratique de la foi de l’Église, dérivant de la révélation ou, de toute façon, nécessaire pour le salut éternel, attestée par la Tradition ininterrompue : cet enseignement infaillible est objectivement proposé par tout le corps épiscopal, entendu au sens diachronique, et pas nécessairement au seul sens synchronique. En outre, l’intention du Magistère ordinaire et universel de proposer une doctrine comme définitive n’est généralement pas liée à des formulations techniques d’une solennité particulière; il suffit qu’elles soient claires par la teneur des paroles employées et par leur contexte.
Note doctrinale illustrant la formule conclusive de la Professio fidei,
29 juin 1998, note 17.

On peut donc dire que le consensus de la Tradition sur un point de foi ou de morale est inattaquable (tout en considérant qu’elle ne peut contredire le Magistère). On peut commencer par citer le Concile d’Ancyre (314) :

De ceux qui ont pourri ou pourrissent encore dans la fornication avec des bêtes ou avec des mâles. Ceux qui ont commis des actes de bestialité et étant moralement lépreux ont rendu les autres aussi lépreux, le saint Concile ordonne que ceux-là prient avec les possédés.

Puis le Liber Gomorrhianus (vers 1050) du Docteur de l’Église Pierre Damien qui condamnait les divers vices contre-nature. Léon IX (malgré, il semble, quelques difficultés) lui a écrit dans sa lettre Ad splendidum nitentis de 1054 (trouvable [sic] dans le Denzinger, n. 687) :

Il convient que, comme tu le désires, nous fassions intervenir notre autorité apostolique de manière à enlever aux lecteurs tout doute inquiet, et pour qu’il soit établi pour tous que tout ce que contient cet écrit [le Liber Gomorrhianus], qui s’oppose au feu diabolique comme de l’eau, a plu à notre jugement. Afin donc que ne se répande pas, impunie, la licence d’un désir immonde, il est nécessaire qu’elle soit repoussée par le blâme de la sévérité apostolique qui convient, et que soit entreprise une tentative de rigueur à leur égard.
Voici, tous ceux qui se souillent par l’une des abominations des quatre sortes qui sont mentionnées, sont chassés de tous les degrés de l’Église immaculée par la censure équitable qui est prévue, et cela selon le jugement des saints canons comme selon le nôtre. Mais parce que nous agissons avec une grande humanité, nous voulons et commandons, confiants en la divine miséricorde, que ceux qui, soit avec leurs mains, soit entre eux, ont fait jaillir leur semence, ou qui l’ont répandue entre les cuisses, et qui ne l’ont pas fait par une longue habitude ou avec plusieurs, s’ils ont réfréné leur sensualité et s’ils ont expié leurs actes infâmes par une juste pénitence, soient admis dans ces mêmes degrés dans lesquels ils ne seraient pas demeurés pour toujours s’ils étaient demeurés dans leur forfait ; aux autres doit être enlevé l’espoir de retrouver leur rang : à ceux qui, soit pendant longtemps avec eux-mêmes ou avec d’autres, soit avec plusieurs, même pendant peu de temps, se seront souillés par l’une des deux abominations que tu décris, ou qui – chose abominable à dire et à entendre – se sont mis sur le dos d’autrui.
Si quelqu’un devait oser juger notre décret de sanction apostolique ou aboyer contre lui, qu’il sache qu’agissant ainsi il met en péril son propre rang.

De même, le IIIe Concile du Latran (1179) au canon 11 :

Tous ceux qui seront convaincus de se livrer à cette incontinence contre nature, qui attire la colère de Dieu contre ceux qui lui résistent et a consumé 5 villes par le feu, seront chassés du clergé s’ils sont clercs ou relégués dans des monastères pour y faire pénitence ; s’ils sont laïcs, ils seront frappés d’excommunication et désormais retranchés de l’assemblée des fidèles.

Saint Thomas d’Aquin, Docteur commun de l’Église :

Il [le vice contre-nature] peut se produire de plusieurs manières.
D’une première manière, lorsqu’en l’absence de toute union charnelle, pour se procurer le plaisir vénérien, on provoque la pollution : ce qui appartient au péché d’impureté que certains appellent masturbation.
D’une autre manière, lorsque l’on accomplit l’union chamelle avec un être qui n’est pas de l’espèce humaine : ce qui s’appelle bestialité.
D’une troisième manière, lorsqu’on a des rapports sexuels avec une personne qui n’est pas du sexe complémentaire, par exemple homme avec homme ou femme avec femme : ce qui se nomme vice de Sodome.
D’une quatrième manière, lorsqu’on n’observe pas le mode naturel de l’accouplement, soit en n’utilisant pas l’organe voulu soit en employant des pratiques monstrueuses et bestiales pour s’accoupler.
Somme Théologique, IIa IIae, q.154, a.11 (Le péché contre-nature), co.

Voir aussi le commentaire de la lettre aux Romains (Chapitre I, Leçon 8)

Le Concile de Trente, 6e session (13 janvier 1547), Chapitre 15 sur la Justification :

Contre les esprits rusés de certains hommes qui, « par de doux discours et des bénédictions, séduisent les cœurs simples » Rm 16-18, il faut affirmer que la grâce de la justification, qui a été reçue, se perd non seulement par l’infidélité, par laquelle se perd aussi la foi elle- même, mais aussi par n’importe quel péché mortel, bien qu’alors ne se perde pas la foi. On défend ainsi la doctrine de la Loi divine qui exclut du Royaume de Dieu non seulement les infidèles, mais aussi les fidèles fornicateurs, adultères, efféminés, sodomites [masculorum concubitores], voleurs, avares, ivrognes, médisants, rapaces 1 Co 6,9-10 et tous les autres qui commettent des péchés mortels dont, avec l’aide de la grâce divine, ils peuvent s’abstenir et à cause desquels ils sont séparés de la grâce du Christ.

Puis la Constitution Horrendum illud scelus de saint Pie V du 30 août 1568 :

Cet effroyable crime à cause duquel des Villes souillées et avilies furent brûlées par le redoutable jugement de Dieu, Nous marque de la douleur la plus cruelle et remue si lourdement Notre âme, que nous consacrons toute notre attention, autant qu’il est possible, à l’arrêter.
§. 1. Raisonnablement, il est reconnu comme établi par le Concile du Latran que les Clercs qui ont été surpris souffrir de cette incontinence qui est contre nature, à cause de laquelle la colère de Dieu vient sur les fils de la défiance, soient écartés du Clergé ou obligés de faire pénitence dans des Monastères.
§. 2. Mais en vérité, afin que ne s’affermisse pas avec plus d’assurance l’influence d’un tel acte déshonorant, par l’espoir de l’impunité qui constitue l’attrait le plus grand [portant] à pécher, Nous avons décidé que le glaive séculier vengeur des lois civils détournerait de façon certaine ces Clercs accusés de ce crime abominable, [Clercs] desquels nous devons tirer vengeance le plus lourdement, [Clercs] qui ne s’effrayent pas de l’anéantissement de [leur] âme.

C’est étrange pour une Église du passé qui aurait été soi-disant moins coincée (certains jugements anciens du magistère portés plus haut peuvent paraître inaudibles à certains de nos lecteurs, de toute façon nous ne nous attarderons pas spécifiquement sur eux, et nous renvoyons à Gaudium et Spes, n.7 et Donum Veritatis, n. 24).

2 – Considérations sur l’Autorité du Magistère

Tant que nous sommes dans la tradition, nous citerons le décret du Saint-Office de 1907 Lamentabili Sane Exitu pour partir sur de bonnes bases (ces propositions sont condamnées) :

6. – Dans les définitions doctrinales l’Église enseignée et l’Église enseignante collaborent de telle sorte qu’il ne reste à l’Église enseignante qu’à sanctionner les opinions communes de l’Église enseignée.
7. – L’Église, lorsqu’elle proscrit des erreurs, ne peut exiger des fidèles qu’ils adhèrent par un assentiment intérieur aux jugements qu’elle a rendus.
8. – On doit estimer exempts de toute faute ceux qui ne tiennent aucun compte des condamnations portées par la Sacrée Congrégation de l’Index ou par les autres Sacrées Congrégations Romaines.
57. – L’Église se montre hostile aux progrès des sciences naturelles et théologiques.
58. – La vérité n’est pas plus immuable que l’homme lui-même, car elle évolue avec lui, en lui et par lui.
59. – Le Christ n’a pas enseigné un corps déterminé de doctrine, applicable à tous les temps et à tous les hommes, mais il a plutôt inauguré un certain mouvement religieux adapté ou qui doit être adapté à la diversité des temps et des lieux.
63. – L’Église se montre incapable de défendre efficacement la morale évangélique, parce qu’elle se tient obstinément attachée à des doctrines immuables qui ne peuvent se concilier avec les progrès actuels.
64. – Le progrès des sciences exige que l’on réforme les concepts de la doctrine chrétienne sur Dieu, sur la Création, sur la Révélation, sur la Personne du Verbe Incarné, sur la Rédemption.

Nous citerons aussi l’Instruction de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi Donum Veritatis (p. 16) :

Ce qui concerne la morale peut être l’objet du magistère authentique, car l’Évangile, qui est Parole de vie, inspire et dirige tout le domaine de l’agir humain. Le Magistère a donc la tâche de discerner, par des jugements normatifs pour la conscience des fidèles, les actes qui sont en eux-mêmes conformes aux exigences de la foi et en promeuvent l’expression dans la vie, et ceux qui au contraire, de par leur malice intrinsèque, sont incompatibles avec ces exigences. En raison du lien qui existe entre l’ordre de la création et l’ordre de la rédemption, et en raison de la nécessité de connaître et observer toute la loi morale en vue du salut, la compétence du Magistère s’étend aussi à ce qui regarde la loi naturelle.
D’ailleurs, la Révélation elle-même contient des enseignements moraux qui de soi pourraient être connus par la raison naturelle, mais auxquels la condition pécheresse de l’homme rend l’accès difficile. C’est une doctrine de foi que ces règles morales peuvent être infailliblement enseignées par le Magistère.

Nous conseillons de lire l’Instruction en entier pour ceux qui veulent approfondir, qui parle aussi de la liberté encadrée de la théologie en lien avec le magistère.

3 – Le Catéchisme de l’Église Catholique

Maintenant que cela est dit, allons voir ce que dit le Catéchisme, car « ces questions ne sont pas posées au même degré » aujourd’hui. Le P. Matthieu sous-entend que désordonné ne veut pas dire « interdit ». Mais pourtant, que nous dit le Catéchisme :

La luxure est un désir désordonné ou une jouissance déréglée du plaisir vénérien. Le plaisir sexuel est moralement désordonné, quand il est recherché pour lui-même, isolé des finalités de procréation et d’union. (n. 2351)

Le désordre (surtout quand il est intrinsèque) est donc présenté comme une affaire morale. La mention du viol conjugal par le P. Jasseron est hors-sujet. Le n. 2356 décrit très bien la gravité de ce fait, en dehors de ces problèmes d’actes désordonnés, puisqu’il suffit de mentionner la violation de la justice, de la charité, de la liberté, du respect, ce qui en fait un acte intrinsèquement mauvais. Quant au n. 2357 que le P. Matthieu a cité, il démontre clairement l’inscription de ce désordre dans la Tradition :

S’appuyant sur la Sainte Écriture, qui les présente comme des dépravations graves (cf. Gn 19, 1-29 ; Rm 1, 24-27 ; 1 Co 6, 10 ; 1 Tm 1, 10), la Tradition a toujours déclaré que » les actes d’homosexualité sont intrinsèquement désordonnés. (C.D.F., décl. Persona humana, n. 8)

Le P. Matthieu nous dit ensuite que les homosexuels sont appelés à la chasteté, mais pas forcément dans la continence. Cependant, il faut entendre chasteté de diverses manières, et pas seulement au sens large que définit le P. Matthieu (p. 2349) :

La chasteté doit qualifier les personnes suivant leurs différents états de vie : les unes dans la virginité ou le célibat consacré, manière éminente de se livrer plus facilement à Dieu d’un cœur sans partage ; les autres, de la façon que détermine pour tous la loi morale et selon qu’elles sont mariées ou célibataires. (C.D.F., décl. Persona humana, n. 11)
Les personnes mariées sont appelées à vivre la chasteté conjugale ; les autres pratiquent la chasteté dans la continence : Il existe trois formes de la vertu de chasteté : l’une des épouses, l’autre du veuvage, la troisième de la virginité. Nous ne louons pas l’une d’elles à l’exclusion des autres. C’est en quoi la discipline de l’Église est riche. (S. Ambroise, vid. 23 : PL 153, col. 255A)

Les paragraphes 2357 à 2359 sont là justement pour déterminer cet état de vie. Et la fin du n. 2357, que le P. Matthieu ignore, il nous semble, délibérément, dit explicitement ceci :

Ils (les actes homosexuels) sont contraires à la loi naturelle. Ils ferment l’acte sexuel au don de la vie. Ils ne procèdent pas d’une complémentarité affective et sexuelle véritable. Ils ne sauraient recevoir d’approbation en aucun cas.

Et même s’il fallait entendre la chasteté au sens large, il faut citer le très explicite paragraphe 2396: « Parmi les péchés gravement contraires à la chasteté, il faut citer la masturbation, la fornication, la pornographie et les pratiques homosexuelles. »

Il est donc évident que l’Église appelle les homosexuels à la continence dans le Catéchisme. La reconnaissance des actes homosexuels comme péché est parfaitement claire.

4 – Homosexualitatis problema

Mais il faut aussi citer ce document de l’Église, Homosexualitatis problema. C’est un document officiel, venant de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi du 1er octobre 1986 et ayant été approuvé par le Pape saint Jean-Paul II :

Obéissant au Seigneur qui l’a fondée et qui lui a fait don de la vie sacramentelle, l’Église célèbre dans le sacrement du mariage le dessein divin d’union, amoureuse et donatrice de vie, entre l’homme et la femme. Ce n’est que dans la relation conjugale que l’usage des facultés sexuelles peut être moralement droit. Aussi, quand elle fait un usage homosexuel de ses facultés, la personne agit de façon immorale.
Opter pour une activité sexuelle avec une personne du même sexe revient à annuler le riche symbole et la signification pour ne rien dire des fins – du dessein de la sexualité selon l’intention du Créateur. L’activité homosexuelle n’exprime pas la complémentarité d’une union capable de transmettre la vie et ainsi, elle est en contradiction avec la vocation d’une existence vécue sous la forme de ce don de soi dans lequel l’Évangile voit l’essence même de la vie chrétienne. Cela ne signifie pas que les personnes homosexuelles ne soient pas souvent généreuses et capables du don d’elles-mêmes, mais quand elles entretiennent une activité homosexuelle, elles cultivent en elles une inclination sexuelle désordonnée, foncièrement caractérisée par la complaisance de soi. Comme dans tout désordre moral, l’activité homosexuelle entrave la réalisation et la satisfaction personnelle, parce qu’elle est contraire à la Sagesse créatrice de Dieu. En rejetant des opinions erronées concernant l’homosexualité, l’Église ne limite pas, mais défend plutôt la liberté et la dignité de la personne entendues d’une façon réaliste et authentique.
L’enseignement de l’Église, aujourd’hui, est donc en continuité organique avec la vision de la Sainte Écriture et avec la Tradition constante. Même si le monde d’aujourd’hui est, à bien des égards, fortement changé, la Communauté chrétienne est consciente du lien profond et durable qui la relie aux générations qui l’ont précédée » marquées du signe de la foi.
Homosexualitatis problema, n. 7 et 8

On voit donc encore ici que le mot « désordonné » n’est pas qu’un simple constat mais est déterminant dans l’immoralité de l’acte. Et l’Église sait qu’elle est dans la continuité de l’Écriture et de la Tradition que le P. Matthieu essaie de tourner à sa façon. Le P. Matthieu nous cite encore le Catéchisme, disant que les personnes sont invitées à réaliser la volonté de Dieu dans leur vie (p. 2358). Rien de plus vrai que cela. Mais il faut l’appliquer dans le juste enseignement de l’Église. Toujours selon la C.D.F. :

On prétend que dans certains cas la tendance homosexuelle n’est pas le résultat d’une option délibérée et que la personne homosexuelle n’a pas le choix, qu’elle est contrainte à ce comportement homosexuel. En conséquence, affirme-t-on, n’étant pas vraiment libre, son action en ce cas ne comporterait pas de faute.
À ce propos, il est nécessaire de se reporter a la sagesse traditionnelle de la morale de l’Église, qui met en garde contre toute généralisation dans le jugement des cas particuliers. De fait, dans tel ou tel cas il peut y avoir eu dans le passé et il peut encore subsister des circonstances telles qu’elles réduisent ou même enlèvent la culpabilité de quelqu’un ; d’autres circonstances au contraire peuvent l’augmenter. De toute façon, on doit éviter la supposition, injustifiée et dégradante, que le comportement homosexuel des personnes homosexuelles est toujours et absolument compulsif, et dès lors irresponsable. En réalité, il faut aussi reconnaître à ceux qui ont une tendance homosexuelle la liberté fondamentale qui caractérise la personne humaine et lui confère sa dignité particulière. En raison de cette liberté, comme en tout renoncement au mal, l’effort humain, éclairé et soutenu par la grâce de Dieu, pourra leur permettre d’éviter l’activité homosexuelle.
Que doit faire dès lors une personne homosexuelle qui cherche à suivre le Seigneur ? Fondamentalement, ces personnes sont appelées à réaliser la volonté de Dieu dans leur vie, en unissant au sacrifice de la croix du Seigneur les souffrances et les difficultés qu’elles peuvent éprouver du fait de leur condition. Pour le croyant, la croix est un sacrifice fécond, puisque de cette mort surgissent la vie et la rédemption. Même si on peut prévoir la dérision dont sera l’objet chez certains pareille invitation à porter la croix et à comprendre de cette manière la souffrance du chrétien, il convient de se rappeler que telle est la voie du salut pour tous ceux qui suivent le Christ.
Homosexualitatis problema, n. 11 et 12

Cela confirme que l’Église enseigne bel et bien que les personnes homosexuelles doivent vivre la chasteté, mais dans la continence, contrairement à ce qu’affirme le P. Matthieu (comment l’Église pourrait-elle d’ailleurs approuver ces relations qui ne sont pas dans le cadre du mariage, le fait que certains ne respectent pas cela n’étant pas un argument). Et que c’est par ce chemin qu’ils pourront réaliser la volonté de Dieu dans leur vie :

Néanmoins il est facile de mal comprendre cette invitation, en la considérant seulement comme un effort inutile de renoncement à soi. La croix est un renoncement à soi, mais dans l’abandon à la volonté de Dieu lui-même qui de la mort fait surgir la vie et rend ceux qui mettent en lui leur confiance, capables de pratiquer la vertu au lieu du vice. Pour célébrer en vérité le Mystère Pascal, il est nécessaire de laisser celui-ci s’imprimer dans le tissu de la vie quotidienne. Refuser le sacrifice de sa propre volonté dans l’obéissance à la volonté du Seigneur, c’est en réalité faire obstacle au salut. De même que la Croix est au cœur de la manifestation de l’amour rédempteur de Dieu pour nous en Jésus, la façon dont des hommes et des femmes homosexuels se conforment au sacrifice du Seigneur par le renoncement à soi constituera pour eux une source de don de soi qui les sauvera d’une forme de vie risquant constamment de les détruire.
Les personnes homosexuelles sont appelées, comme tout chrétien, à vivre la chasteté. Si elles s’attachent assidûment à comprendre la nature de l’appel personnel de Dieu à leur égard, elles seront en état de célébrer plus fidèlement le sacrement de pénitence et de recevoir la grâce du Seigneur qui y est généreusement offerte, pour pouvoir, en le suivant, se convertir plus pleinement.
Homosexualitatis problema, n. 12

Sur la possibilité d’observer les commandements de Dieu, voir le chapitre 11 du décret de [sic] la Justification du Concile de Trente et le canon 18 sur la Justification.

5 – Autres documents

La C.D.F. a aussi publié quelques autres documents de pastorale sur la situation des homosexuels. Nous citerons aussi nécessairement le Compendium de la Doctrine Sociale de l’Église (2004) qui est aussi très explicite au n. 228 :

Un problème particulier lié aux unions de fait a trait à la demande de reconnaissance juridique des unions homosexuelles, qui fait toujours plus l’objet d’un débat public. Seule une anthropologie répondant à la pleine vérité de l’homme peut donner une réponse appropriée à ce problème, qui présente différents aspects, tant sur le plan social que sur le plan ecclésial. C’est à la lumière de cette anthropologie « qu’apparaît (…) incongrue la volonté d’attribuer une réalité « conjugale » à l’union entre des personnes du même sexe. En premier lieu s’y oppose l’impossibilité objective de faire fructifier le mariage à travers la transmission de la vie, selon le projet de Dieu inscrit dans la structure même de l’être humain. En outre, l’absence des présupposés pour cette complémentarité interpersonnelle que le Créateur a voulue, tant sur le plan physique et biologique que sur celui éminemment psychologique, entre l’homme et la femme, constitue un obstacle. Ce n’est que dans l’union entre deux personnes sexuellement différentes que peut s’accomplir le perfectionnement de l’individu, dans une synthèse d’unité et de complémentarité psycho- physique mutuelle ».
La personne homosexuelle doit être pleinement respectée dans sa dignité et encouragée à suivre le plan de Dieu avec un engagement particulier dans l’exercice de la chasteté. Un tel respect ne signifie pas la légitimation de comportements non conformes à la loi morale, ni encore moins la reconnaissance d’un droit au mariage entre personnes du même sexe, entraînant l’assimilation de leur union à la famille. « Si, du point de vue juridique, le mariage entre deux personnes de sexe différent était considéré seulement comme une des formes de mariage possible, l’idée de mariage subirait un changement radical, et ce, au détriment grave du bien commun. En mettant sur un plan analogue l’union homosexuelle, le mariage ou la famille, l’État agit arbitrairement et entre en contradiction avec ses propres devoirs.

Et la déclaration Persona humana (1975) de la C.D.F. :

De nos jours, à l’encontre de l’enseignement constant du Magistère et du sens moral du peuple chrétien, quelques-uns en sont venus, en se fondant sur des observations d’ordre psychologique, à juger avec indulgence, voire même à excuser complètement, les relations homosexuelles chez certains sujets.
Ils font une distinction — et, semble-t-il, avec raison — entre les homosexuels dont la tendance provenant d’une Éducation faussée, d’un manque d’évolution sexuelle normale, d’une habitude prise, de mauvais exemples ou d’autres causes analogues est transitoire ou du moins non incurable, et les homosexuels qui sont définitivement tels par une sorte d’instinct inné ou de constitution pathologique jugée incurable. Or, quant à cette seconde catégorie de sujets, certains concluent que leur tendance est à tel point naturelle qu’elle doit être considérée comme justifiant, pour eux, des relations homosexuelles dans une sincère communion de vie et d’amour analogue au mariage en tant qu’ils se sentent incapables de supporter une vie solitaire.
Certes, dans l’action pastorale, ces homosexuels doivent être accueillis avec compréhension et soutenus dans l’espoir de surmonter leurs difficultés personnelles et leur inadaptation sociale. Leur culpabilité sera jugée avec prudence. Mais nulle méthode pastorale ne peut être employée qui, parce que ces actes seraient estimés conformes à la condition de ces personnes, leur accorderait une justification morale. Selon l’ordre moral objectif, les relations homosexuelles sont des actes dépourvus de leur règle essentielle et indispensable. Elles sont condamnées dans la Sainte Écriture comme de graves dépravations et présentées même comme la triste conséquence d’un refus de Dieu. Ce jugement de l’Écriture ne permet pas de conclure que tous ceux qui souffrent de cette anomalie en sont personnellement responsables, mais il atteste que les actes d’homosexualité sont intrinsèquement désordonnés et qu’ils ne peuvent en aucun cas recevoir quelque approbation.
Persona humana, n. 8

Voir aussi lInstruction de la Congrégation pour l’Éducation Catholique du 4 novembre 2005, sur les critères de discernement vocationnel au sujet des personnes présentant des tendances homosexuelles en vue de l’admission au séminaire et aux Ordres sacrés, n. 2. Elle contredit explicitement un Tik Tok du P. Matthieu sur la question.

[Répondre à @amandine.mtz  #pourtoi #pretre #lgbt #chretien #celibat
perematthieu
matthieu† 2021-1-12
« Est-ce qu’un homme homosexuel peut rentrer dans les ordres ? Le pire, c’est que je suis sûr que vous êtes encore nombreux à vous poser ce genre de question. Bon, dites vous bien une chose, mes amis : on nous invite à être chastes, continents, même. Et le jour où on est devenus prêtres, on a été ordonnés, eh ben, on s’est engagés au célibat. Donc la question de l’« identité sexuelle », on s’en bat les c…, enfin, c’est pas la question, quoi ! Non ! Si nous, les prêtres catholiques de l’Église catholique et romaine, on a choisi, justement, d’épouser le célibat dans la continence et la chasteté, c’est pas forcément le cas dans toutes les Églises, et même les Églises catholiques. Si vous allez en Orient, vous pourriez trouver là-bas des prêtres mariés. Non ! Si nous on l’a choisi, c’est pas parce que l’Église, comme ça, d’une façon un peu dictatoriale, il y a mille ans, aurait choisi que, ben, voilà, pour des raisons de patrimoine, pour des raisons de rumeurs sur les familles de machin, de ceci, de cela… Non ! Si moi, Matthieu, j’ai choisi cette vie, d’épouser le célibat, c’est parce que je pense que cela correspond à ce qu’a vécu Jésus-Christ. Et puis, ben, d’une certaine façon, c’est un moyen de me donner totalement à lui en étant disponible à tous. »]

Tout cela répond aussi au P. Matthieu sur le fait que des personnes homosexuelles sont capables de s’aimer, et qu’elles n’ont pas choisi leur situation.

6 – Le Responsum

Mais il faut maintenant parler du Pape François et de ses interventions sur le sujet. Il faut déjà souligner, ce que P. Matthieu a aussi ignoré, il nous semble, délibérément, que le Pape François a approuvé le Responsum de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi (22 février 2021) sur l’interdiction de la bénédiction des couples homosexuels :

En même temps, l’Église rappelle que Dieu lui-même ne cesse de bénir chacun de ses enfants en pèlerinage dans ce monde, car pour Lui « nous sommes plus importants que tous les péchés que nous pouvons commettre ». Mais Il ne bénit pas et ne peut pas bénir le péché : Il bénit l’homme pécheur, afin que celui-ci reconnaisse qu’il fait partie de son dessein d’amour et se laisse changer par Lui. Car Il « nous prend comme nous sommes, mais ne nous laisse jamais comme nous sommes.

Nous remarquerons que ce document cite Amoris Laetitia, ce qui met déjà le doute sur l’interprétation du P. Matthieu de cette exhortation apostolique. Le commentaire du Responsum dit notamment :

La question disputée intervient dans le cadre de la « volonté sincère d’accueil et d’accompagnement des personnes homosexuelles, auxquelles sont proposés des cheminements de croissance dans la foi » (Note explicative), comme l’a indiqué le Saint-Père François, à l’issue de deux Assemblées synodales sur la famille : « afin que ceux qui manifestent une tendance homosexuelle puissent bénéficier de l’aide nécessaire pour comprendre et réaliser pleinement la volonté de Dieu dans leur vie » (Exhortation apostolique Amoris Laetitia, n. 250). Il s’agit d’une invitation à évaluer avec un discernement approprié les projets et les propositions pastorales proposés à cet égard. Dans ce cadre, il y a aussi les bénédictions données aux unions de personnes du même sexe. Il est dès lors demandé si l’Église a le pouvoir de donner sa bénédiction : c’est la formule contenue dans le quaesitum.

Il dit aussi, confirmant le vrai enseignement de l’Église sur la question :

Nous en arrivons ainsi à la deuxième raison : l’ordre qui rend apte à recevoir le don est fonction des « desseins de Dieu inscrits dans la Création et pleinement révélés par le Christ Seigneur ». Desseins auxquels ne répondent pas les « relations ou partenariats, même stables, qui impliquent une pratique sexuelle hors mariage », c’est-à-dire « hors de l’union indissoluble d’un homme et d’une femme, ouverte en soi à la transmission de la vie ». C’est le cas des unions entre personnes du même sexe. Pas seulement de celles-ci, cependant, comme si le problème ne se posait que pour de telles unions, mais de toute union qui entraîne l’exercice de la sexualité en dehors du mariage, ce qui est illicite du point de vue moral, selon l’enseignement continu du Magistère de l’Église.

Je vous invite à vous reporter aux trois documents de la Congrégation de la Doctrine de la Foi (Homosexualitatis problema, le Responsum et son commentaire) qui expliquent très bien l’enseignement de l’Église sur le sujet et ses raisons. Certains diront que le Pape l’a fait à contre cœur selon certaines sources. Si c’était le cas, c’est bien plus par souci pastoral (voir plus loin) que car il serait contre le propos du document.

7 – « Qui suis-je pour juger ? »

Mais citons maintenant en entier ce qu’a dit le Pape dans l’avion :

Ilze Scamparini :
Je voudrais demander la permission de poser une question un peu délicate : Une autre image a fait un peu le tour du monde : celle de Mgr Ricca, ainsi que des informations sur sa vie privée. Je voudrais savoir, Sainteté, ce que vous comptez faire sur cette question ? Comment affronter cette question et comment Sa Sainteté entend-elle affronter la question du lobby gay ?
Pape François :
En ce qui concerne Mgr Ricca : j’ai fait ce que le Droit Canonique demande de faire : une investigatio previa. De cette investigatio, il n’y a rien de ce dont on l’accuse ; nous n’avons rien trouvé. Voilà la réponse. Mais je voudrais ajouter autre chose là-dessus : je vois que souvent dans l’Église, au-delà de ce cas et aussi dans ce cas, on va chercher les « péchés de jeunesse », par exemple, et on les publie. Pas les délits, eh ? Les délits c’est autre chose : l’abus sur mineurs est un délit. Non, les péchés. Mais si une personne, laïque ou Prêtre ou sœur, a fait un péché, et ensuite s’est convertie, le Seigneur pardonne, et quand le Seigneur pardonne, le Seigneur oublie et cela est important pour notre vie. Quand nous allons nous confesser et que nous disons vraiment : « J’ai péché en ceci », le Seigneur oublie ; et nous, nous n’avons pas le droit de ne pas oublier, parce que nous courrons alors le risque que le Seigneur n’oublie pas nos péchés. C’est un danger. C’est important : une théologie du péché. Souvent je pense à saint Pierre : il a fait l’un des pires péchés, celui de renier le Christ ; et avec ce péché il a été fait Pape. Nous devons y penser beaucoup. Mais, revenant à votre question plus concrète : en ce cas j’ai fait l’investigatio previa et nous n’avons rien trouvé. Ça c’est la première demande. Ensuite, vous parlez du lobby gay. Bah ! On écrit beaucoup sur le lobby gay. Je n’ai encore trouvé personne au Vatican qui me donne sa carte d’identité avec « gay ». On dit qu’il y en a. Je crois que lorsqu’on se trouve avec une telle personne on doit distinguer le fait d’être « gay », du fait de faire un lobby ; parce que les lobbies, tous ne sont pas bons. Celui-ci est mauvais. Si une personne est gay et cherche le Seigneur, fait preuve de bonne volonté, qui suis-je pour la juger ? Le Catéchisme de l’Église catholique l’explique de manière très belle, mais il dit, attendez un peu comment il dit… il dit : « Nous ne devons pas mettre en marge ces personnes pour cela, elles doivent être intégrées dans la société ». Le problème n’est pas d’avoir cette tendance, non, nous devons être frères, car ceci est une chose, mais s’il y a autre chose, autre chose. Le problème est de faire de cette tendance, un lobby : lobby des avares, lobby des politiciens, lobby des maçons, beaucoup de lobby. Voilà le problème le plus grave pour moi. Et je vous remercie beaucoup pour avoir fait cette demande. Merci beaucoup !
Conférence de Presse du 28 juillet 2013 de retour des J.M.J. de Rio

Le fr. Paul-Adrien avait très bien expliqué cette phrase mais il est bon de la remettre dans le contexte. Le Pape François commence par parler du péché et comment le Seigneur l’oublie quand on revient vers lui. Il parle ensuite des personnes gays. Or, l’Église fait bien la distinction entre actes et personnes homosexuelles (comme les documents cités plus haut le confirment). Il fait d’ailleurs bien ici la distinction entre « gays » et appartenir à un lobby, qu’il considère comme un problème. Si le Pape François ne dit pas explicitement ici que les actes homosexuels sont des péchés, il parle quand même du péché avant d’aborder la question et considère les lobbys (comme le lobby gay) comme problématiques.

Quand le Pape François dit qu’il n’est personne pour juger, il parle en tant qu’homme et a raison : seul Dieu scrute les cœurs et les reins de ces hommes là. Nous sommes tous pêcheurs et quand nous venons vers lui Dieu efface nos péchés par sa grande miséricorde. Mais, comme nous le verrons après, cette « bonne volonté », le fait de suivre sa conscience doit être guidé par une juste loi, et ne pas être ignorante. En tout cas ce qui est sûr, c’est que la paraphrase du P. Matthieu est définitivement fausse et vicieuse. Le Pape n’a jamais dit qu’il n’était personne pour juger si deux personnes homosexuelles vivaient un amour sincère et fidèle entre eux (nous reviendrons rapidement sur cette question dans la dernière partie de notre travail).

Nous nous permettrons aussi de retranscrire l’interview de Frédéric Martel de Federico Lombardi, ancien directeur de la salle de presse du Saint-Siège, que nous trouvons très pertinente, en partant du principe qu’il l’a vraiment dit (nous n’ignorons pas le propos du livre de Martel, ni tout ce que dit le reste du chapitre mais nous y reviendrons).

- Quand le Pape François a prononcé ces mots : « Qui suis-je pour juger ? », j’étais à côté du saint-père. Ma réaction a été un peu mélangée, disons mixte. Vous savez, François est très spontané, il parle très librement. Il a accepté les questions sans les connaître à l’avance, sans préparation. Lorsque François parle en roue libre, pendant quatre-vingt-dix minutes dans un avion, sans notes, avec soixante-dix journalistes, c’est spontané, c’est très honnête. Mais ce qu’il dit n’est pas nécessairement un élément de la doctrine, c’est une conversation et il faut la prendre comme telle. C’est un problème d’herméneutique. […] Ce que je veux dire, c’est que cette phrase n’atteste pas un choix ou un changement de doctrine. Mais elle a eu un aspect très positif : elle part des situations personnelles. C’est une approche de proximité, d’accompagnement, de pastorale. Mais ça ne veut pas dire que cela [être gay] est bon ; ça veut dire que le Pape ne se sent pas juge de ça.
- C’est une formule jésuite ? De la jésuitique ?
- Oui, si vous voulez, c’est une parole jésuite. C’est le choix de la miséricorde, de la pastorale, la voie des situations personnelles. C’est une parole de discernement, [François] cherche un chemin. Il dit en quelque sorte : « Je suis avec toi pour faire un chemin. » Mais François répond à une situation individuelle [le cas de Mgr Ricca] par une réponse pastorale ; sur la doctrine, il reste fidèle.
Frédéric Martel, Sodoma (éd. de poche), p. 124-125

Plus ambigu, mais voir aussi l’entretien du père Antonio Spadaro avec le Pape François du 26/09/2013 dans l’Osservatore Romano, où le Pape revient sur cette phrase.

Cette pastorale est d’ailleurs très proche de ce que François développe dans Amoris Laetitia.

8 – Amoris Laetitia

Venons-en d’ailleurs à ce document, que le Vatican utilise, nous l’avons vu, tout en interdisant le fait de bénir des unions homosexuelles :

250. L’Église fait sienne l’attitude du Seigneur Jésus qui, dans un amour sans limite, s’est offert pour chaque personne sans exceptions. Avec les Père synodaux, j’ai pris en considération la situation des familles qui vivent l’expérience d’avoir en leur sein des personnes manifestant une tendance homosexuelle, une expérience loin d’être facile tant pour les parents que pour les enfants. C’est pourquoi, nous désirons d’abord et avant tout réaffirmer que chaque personne, indépendamment de sa tendance sexuelle, doit être respectée dans sa dignité et accueillie avec respect, avec le soin d’éviter « toute marque de discrimination injuste » et particulièrement toute forme d’agression et de violence. Il s’agit, au contraire, d’assurer un accompagnement respectueux des familles, afin que leurs membres qui manifestent une tendance homosexuelle puissent bénéficier de l’aide nécessaire pour comprendre et réaliser pleinement la volonté de Dieu dans leur vie.
251. Au cours des débats sur la dignité et la mission de la famille, les Pères synodaux ont fait remarquer qu’en ce qui concerne le « projet d’assimiler au mariage les unions entre personnes homosexuelles, il n’y a aucun fondement pour assimiler ou établir des analogies, même lointaines, entre les unions homosexuelles et le dessein de Dieu sur le mariage et la famille ». Il est inacceptable que « les Églises locales subissent des pressions en ce domaine et que les organismes internationaux conditionnent les aides financières aux pays pauvres à l’introduction de lois qui instituent le “mariage” entre des personnes de même sexe ».

Nous ne pouvons que nous étonner du fait que le P. Matthieu ignore, il nous semble, délibérément le n. 251. Quant au n. 250 il ne contredit en rien ni le Catéchisme (qu’il cite), ni la Congrégation pour la Doctrine de la Foi. Nous devons agir avec une grande charité et prudence avec les personnes homosexuelles, avec bienveillance, confiance et espérance comme nous le dit si bien le P. Matthieu, en accompagnant chaque personne à son rythme. Mais nous ne pouvons pas reconnaître que leurs unions puissent avoir le moindre lien avec la notion de mariage et de famille. Et, en découle indirectement, les actes homosexuels n’étant pas dans le cadre d’un mariage, sont illégitimes, de la manière dont cela a été développé dans d’autres documents de l’Église.

9 – L’Homosexualité, pas un crime mais un péché

De manière inédite pendant l’écriture de notre réponse, une interview du Pape François par l’agence Associated Press (du 25/01/2023) est sortie où il parle des personnes homosexuelles avec sa bienveillance propre, dénonçant leur criminalisation et disant ceci (traduction d’Aleteia) :

Nous sommes tous des enfants de Dieu. Et Dieu nous aime dans l’état où nous sommes et avec la force avec laquelle chacun de nous lutte pour sa propre dignité. Être homosexuel n’est pas un délit. Ce n’est pas un délit. – « Oui, mais c’est un péché ». – Distinguons d’abord le péché du délit. Mais c’est aussi un péché que le manque de charité envers le prochain. Alors, chaque homme et chaque femme doit avoir une fenêtre dans sa vie où ils puissent mettre leur espérance et où ils puissent voir la dignité de Dieu. Être homosexuel n’est pas un délit, c’est une condition humaine.

Le site outreach.faith a publié le 27 janvier une lettre du Pape précisant ses propos avec une grande prudence, sachant la délicatesse de la question dans l’Église aujourd’hui (traduction du Figaro):

Quand je dis que c’est un péché, je me réfère simplement à l’enseignement moral catholique, qui dit que tout acte sexuel en dehors du mariage est un péché. Bien sûr, on doit toujours considérer les circonstances, qui peuvent diminuer ou éliminer une faute. Comme vous pouvez le voir, je répétais quelque chose de général. J’aurais dû dire: « c’est un péché, comme tout acte sexuel en dehors du mariage ».

(Il fait ensuite référence à la matière et à l’intention dans l’acte en renvoyant encore à la morale catholique)

Ce ne sont pas les propos d’une interview, d’une conférence de presse ou d’une lettre privée qui fondent l’enseignement moral de l’Église. Le Pape François renvoie à l’enseignement moral catholique, et plusieurs fois ailleurs au Catéchisme qu’il considère clairement comme faisant autorité, et nous avons vu en détail ce qu’il disait sur le sujet (même s’il limite ici le péché des actes homosexuels comme étant en dehors du mariage). Ce qui évolue, c’est la façon d’accueillir les personnes homosexuelles, la pastorale à leur égard et un plus grand désir d’inclusion, éliminer toute forme de discrimination ou de criminalisation injuste (évolution cohérente depuis saint Pie V cité plus haut). Nous pouvons donc être fixés sur l’avis du Pape François sur l’homosexualité.

10 – Les Conférences des Évêques et Théologiens

Le P. Jasseron nous cite encore un texte des Évêques de Suisse de 1979. Ce texte n’a aucune autorité universelle et ne peut donc pas être utilisé, des Évêques pouvant se tromper et être corrigés par le Vatican. Par exemple le synode de Pistoie, condamné par Pie VI en 1794. Et, ce texte contredisant ce qu’enseigne la Congrégation pour la Doctrine de la Foi et l’enseignement de l’Église en général, il est nul pour notre sujet. Cela vaut encore pour la décision des Évêques de Flandre et pour le synode allemand, que le Pape François juge à l’heure actuel de manière défavorable (pour les relations entre le Pape et les Évêques, voir Lumen Gentium, n. 22).

C’est pareil pour les théologiens (et des associations que le P. Matthieu conseille). Il est bon qu’ils jouissent d’une certaine liberté mais en étant en accord avec l’Église (pour plus de précisions, voir Donum Veritatis), sinon ils se trompent et risquent de donner une fausse image de la doctrine catholique qui peut être dangereuse, ce que fait sur certains points par exemple Alain Thomasset (que ce soit ou non un important théologien). Nous nous permettrons de citer l’encyclique Veritatis Splendor (6 août 1993), sur la morale, de saint Jean-Paul II qui est très pertinente pour notre sujet dans cet extrait :

Le Concile Vatican II a invité les spécialistes à s’appliquer, « avec un soin particulier à perfectionner la théologie morale dont la présentation scientifique, plus nourrie de la doctrine de la Sainte Écriture, mettra en lumière la grandeur de la vocation des fidèles dans le Christ et leur obligation de porter du fruit dans la charité pour la vie du monde ». Le même Concile a invité les théologiens, « tout en respectant les méthodes et les règles propres aux sciences théologiques, à chercher la manière toujours plus adaptée pour communiquer la doctrine aux hommes de leur temps : car autre chose est le dépôt même ou les vérités de la foi, autre chose la façon selon laquelle ces vérités sont exprimées, à condition toutefois d’en sauvegarder le sens et la signification ». De là l’invitation suivante, qui s’applique à tous les fidèles mais qui s’adresse particulièrement aux théologiens : « Que les croyants vivent donc en très étroite union avec les autres hommes de leur temps et qu’ils s’efforcent de comprendre à fond leurs façons de penser et de sentir, telles qu’elles s’expriment par la culture ».
Les efforts de nombreux théologiens, soutenus par les encouragements du Concile, ont déjà porté leurs fruits, par des réflexions intéressantes et utiles sur les vérités de la foi qu’il faut croire et appliquer dans la vie, présentées sous des formes qui répondent davantage à la sensibilité et aux interrogations des hommes de notre temps. L’Église, et en particulier les Évêques, auxquels Jésus Christ a confié avant tout le ministère d’enseignement, accueillent ces efforts avec gratitude et encouragent les théologiens à poursuivre leur labeur, animés par une profonde et authentique « crainte du Seigneur, principe de savoir » (Pr 1, 7).
En même temps, dans le cadre des débats théologiques post-conciliaires, se sont toutefois répandues certaines interprétations de la morale chrétienne qui ne sont pas compatibles avec la « saine doctrine » (2 Tm 4, 3). Il est évident que le Magistère de l’Église n’entend pas imposer aux fidèles un système théologique particulier, encore moins un système philosophique, mais, pour « garder saintement et exposer avec fidélité » la Parole de Dieu, il a le devoir de déclarer l’incompatibilité de certaines orientations de la pensée théologique ou de telle ou telle affirmation philosophique avec la vérité révélée.
Veritatis Splendor, n. 29

C’est ce qu’a fait la Congrégation pour la Doctrine de la Foi dans Homosexualitatis problema.

11 – La Loi Naturelle

Et bien que la théologie ne soit pas une science figée (tant qu’elle ne contredit ni les Saintes Écritures, ni la Tradition, ni le Magistère), la question de l’homosexualité appartient à l’ordre de la loi naturelle, parmi les autres questions concernant la sexualité. Citons indirectement Persona humana de la C.D.F. (n. 5) ici :

Ce même principe, que l’Église tient de la révélation divine et de son interprétation authentique de la loi naturelle, fonde aussi sa doctrine traditionnelle, selon laquelle l’usage de la fonction sexuelle n’a son vrai sens et sa rectitude morale que dans le mariage légitime.

Pour comprendre la loi naturelle, voir le Compendium de la Doctrine Sociale de l’Église, n. 138-143.

[n. 140 : L'exercice de la liberté implique la référence à une loi morale naturelle, à caractère universel, qui précède et unit tous les droits et les devoirs. La loi naturelle « n'est autre que la lumière de l'intelligence insufflée en nous par Dieu. Grâce à elle nous connaissons ce qu'il faut accomplir et ce qu'il faut éviter. Cette lumière ou cette loi, Dieu l'a donnée à la création » et consiste en la participation à sa loi éternelle, qui s'identifie à Dieu lui- même. Cette loi est appelée naturelle parce que la raison qui la promulgue appartient en propre à la nature humaine. Elle est universelle, s'étend à tous les hommes dans la mesure où elle est établie par la raison. Dans ses préceptes principaux, la loi divine et naturelle est exposée dans le Décalogue et désigne les normes primordiales et essentielles qui règlent la vie morale. Elle a pour pivot l'aspiration et la soumission à Dieu, source et juge de tout bien, ainsi que le sens de l'autre comme égal à soi-même. La loi naturelle exprime la dignité de la personne et jette les bases de ses droits et de ses devoirs fondamentaux.]

Nous citerons encore Veritatis Splendor pour réfuter le P. Matthieu :

Aujourd’hui, cependant, il paraît nécessaire de relire l’ensemble de l’enseignement moral de l’Église, dans le but précis de rappeler quelques vérités fondamentales de la doctrine catholique, qui risquent d’être déformées ou rejetées dans le contexte actuel. En effet, une nouvelle situation est apparue dans la communauté chrétienne elle-même, qui a connu la diffusion de nombreux doutes et de nombreuses objections, d’ordre humain et psychologique, social et culturel, religieux et même proprement théologique, au sujet des enseignements moraux de l’Église. Il ne s’agit plus d’oppositions limitées et occasionnelles, mais d’une mise en discussion globale et systématique du patrimoine moral, fondée sur des conceptions anthropologiques et éthiques déterminées. Au point de départ de ces conceptions, on note l’influence plus ou moins masquée de courants de pensée qui en viennent à séparer la liberté humaine de sa relation nécessaire et constitutive à la vérité. Ainsi, on repousse la doctrine traditionnelle de la loi naturelle, de l’universalité et de la validité permanente de ses préceptes ; certains enseignements moraux de l’Église sont simplement déclarés inacceptables ; on estime que le Magistère lui-même ne peut intervenir en matière morale que pour « exhorter les consciences » et « pour proposer les valeurs » dont chacun s’inspirera ensuite, de manière autonome, dans ses décisions et dans ses choix de vie. […]
Veritatis Splendor, n. 4
Cependant, désirant maintenir la vie morale dans un contexte chrétien, certains théologiens moralistes ont introduit une nette distinction, contraire à la doctrine catholique, entre un ordre éthique, qui n’aurait qu’une origine humaine et une valeur seulement terrestre, et un ordre du salut, pour lequel n’auraient d’importance que certaines intentions et certaines attitudes intérieures envers Dieu et le prochain. En conséquence, on en est venu à nier l’existence, dans la Révélation divine, d’un contenu moral spécifique et déterminé, de validité universelle et permanente : la Parole de Dieu se limiterait à proposer une exhortation, une parénèse générale, que la raison autonome aurait seule ensuite le devoir de préciser par des déterminations normatives véritablement « objectives », c’est-à-dire appropriées à la situation historique concrète. Naturellement, une telle conception de l’autonomie entraîne aussi la négation de la compétence doctrinale spécifique de l’Église et de son Magistère sur les normes morales précises concernant ce qu’on appelle le « bien humain » : elles n’appartiendraient pas au contenu propre de la Révélation et ne seraient pas en elles-mêmes importantes pour le salut.
On ne peut pas ne pas voir qu’une telle interprétation de l’autonomie de la raison humaine comporte des thèses incompatibles avec la doctrine catholique.
Dans ce contexte, il est absolument nécessaire de clarifier, à la lumière de la Parole de Dieu et de la Tradition vivante de l’Église, les notions fondamentales de liberté humaine et de loi morale, de même que les rapports profonds qui les lient étroitement. C’est seulement ainsi que l’on pourra répondre aux requêtes légitimes de la rationalité humaine, en intégrant les éléments valables de certains courants de la théologie morale actuelle, sans porter atteinte au patrimoine moral de l’Église par des thèses résultant d’une conception erronée de l’autonomie.
Veritatis Splendor, n. 37

Nous citerons une fois de plus, pour finir, la déclaration Persona humana de la C.D.F. :

4. C’est donc à tort que beaucoup prétendent aujourd’hui que, pour servir de règle aux actions particulières, on ne peut trouver ni dans la nature humaine ni dans la loi révélée d’autre norme absolue et immuable que celle qui s’exprime dans la loi générale de la charité et du respect de la dignité humaine. Comme preuve de cette assertion, ils avancent que, dans ce qu’on appelle couramment normes de la loi naturelle ou préceptes de la Sainte Écriture, on ne doit voir que des expressions données d’une forme de culture particulière en un certain moment de l’histoire.
Mais en réalité, la Révélation divine et, dans son ordre propre, la sagesse philosophique, en faisant ressortir des exigences authentiques de l’humanité, manifestent nécessairement, par là même, l’existence de lois immuables inscrites dans les éléments constitutifs de la nature humaine et qui se révèlent identiques en tous les êtres doués de raison.
De plus, le Christ a institué son Église comme « colonne et support de la vérité » (1 Tm 3, 15). Avec l’assistance de l’Esprit-Saint, elle conserve sans cesse et transmet sans erreur les vérités de l’ordre moral, et elle interprète authentiquement non seulement la loi positive révélée, « mais aussi les principes de l’ordre moral qui dérivent de la nature humaine elle-même » et qui concernent le plein développement et la sanctification de l’homme. Or, de fait, l’Église tout au long de son histoire a constamment tenu un certain nombre de préceptes de la loi naturelle comme ayant une valeur absolue et immuable, et a vu dans leur transgression une contradiction à la doctrine et à l’esprit de l’Évangile.

12 – La Tradition évolue[t-elle] ?

Le P. Matthieu nous répondra sûrement en mentionnant l’évolution concernant la peine de mort et les rapports aux autres religions, qu’il a développé dans sa vidéo YouTube sur la morale (et d’autres évolutions plus ou moins vraies dont il a parlé sur Tik Tok, l’héliocentrisme, la traite des noirs, le statut des juifs ou le suicide). Cela dépasse le cadre de notre étude, mais nous parlerons ici rapidement de la peine de mort qui se rapproche plus de notre sujet (pour Nostra Ætate, nous vous renvoyons à la vidéo d’Archidiacre sur « Vatican II et les religions du monde »). Nous citerons la Lettre aux Évêques à propos de la nouvelle formulation du n. 2267 du Catéchisme de l’Église Catholique sur la peine de mort de la C.D.F. (1er août 2018) :

La nouvelle formulation du n.2267 du Catéchisme de l’Église Catholique, approuvée par le Pape François, se situe dans la continuité du Magistère précédent et atteste un développement cohérent de la doctrine catholique. Dans le sillage de l’enseignement de Jean-Paul II dans Evangelium Vitae, cette formulation affirme que la suppression de la vie d’un criminel, comme punition d’un délit, est inadmissible, parce qu’elle attente à la dignité de la personne, laquelle n’est pas perdue même après des crimes très graves. On parvient également à cette conclusion en prenant en compte la nouvelle compréhension des sanctions pénales appliquées par l’État moderne, lesquelles doivent tendre avant tout à la réhabilitation et à la réintégration sociale du criminel. Enfin, étant donné que la société actuelle dispose de systèmes de détention plus efficaces, la peine de mort n’est plus nécessaire pour protéger la vie des personnes innocentes. Certes, il demeure que l’autorité publique a le devoir de défendre la vie des citoyens, comme l’a toujours enseigné le Magistère et comme le confirment les numéros 2265 et 2266 du Catéchisme de l’Église Catholique.
Tout cela montre que la nouvelle formulation du n. 2267 du Catéchisme s’inscrit dans un développement authentique de la doctrine, qui ne contredit pas les enseignements antérieurs du Magistère. Ceux-ci, en effet, peuvent s’expliquer à la lumière de la grave responsabilité des pouvoirs publics quant à la sauvegarde du bien commun, dans un contexte social où les sanctions pénales étaient comprises de manière différente et se pratiquaient dans des conditions où il était plus difficile de garantir que le criminel ne puisse réitérer son crime.
Dans la nouvelle formulation, on ajoute que la conscience du fait que la peine de mort était inadmissible s’est développée « à la lumière de l’Évangile ». En effet, l’Évangile aide à mieux comprendre l’ordre de la création que le Fils de Dieu a assumé, purifié et porté à sa plénitude ; il nous invite aussi à la miséricorde et à la patience du Seigneur, qui donne à chacun le temps de se convertir.

Une remarque : la C.D.F. prend saint Vincent de Lérins (Commonitorium, 23) comme référence. Il est évident qu’il doit y avoir un progrès dans la religion, et un considérable, « Qui serait assez ennemi de l’humanité, assez hostile à Dieu, pour essayer de s’y opposer ? ». Mais il dit encore ceci :

Il est légitime que, avec le développement des temps, ces anciens dogmes de la philosophie céleste soient dégrossis, limés, polis, mais il est criminel qu’ils soient altérés, criminel qu’ils soient tronqués, criminel qu’ils soient mutilés. Ils peuvent recevoir plus d’évidence, plus de lumière et de précision, oui ; mais il est indispensable qu’ils gardent leur plénitude, leur intégrité, leur sens propre. Car si l’on tolérait une seule fois cette licence de l’erreur impie, je tremble de dire quel danger s’ensuivrait de détruire, d’anéantir la religion. Sitôt qu’on aura cédé sur un point quelconque du dogme catholique, un autre suivra, puis un autre encore, puis d’autres et d’autres encore seront abandonnés, d’une façon en quelque sorte coutumière et licite. De plus, une fois les parties rejetées une à une, qu’arrivera-t-il à la fin, sinon que le tout sera rejeté de même ? Et, d’autre part, si l’on commence à mêler le nouveau à l’ancien, les idées étrangères aux idées domestiques, le profane au sacré, nécessairement cette habitude se propagera partout, si bien qu’ensuite, dans l’Église, il ne demeurera plus rien d’intact, rien d’inentamé, rien d’inviolé, rien d’immaculé, mais qu’il y aura une maison de passe des erreurs impies et scandaleuses, précisément là où se trouvait auparavant un sanctuaire de la chaste et incorruptible vérité. Puisse la piété divine détourner un pareil forfait de la pensée des fidèles, et que ce délire soit celui des impies ! L’Église du Christ, elle, gardienne attentive et prudente des dogmes qui lui ont été donnés en dépôt, n’y change jamais rien, n’ajoute rien, n’enlève rien ; elle ne retranche pas ce qui est nécessaire, ni n’ajoute de superflu ; elle ne laisse pas perdre ce qui est à elle, ni n’usurpe ce qui est à autrui ; mais, avec tout son savoir-faire, elle s’applique à ce seul point, en traitant avec fidélité et sagesse des doctrines anciennes : perfectionner et polir ce qui, dès l’antiquité, a reçu sa première forme et sa première ébauche ; consolider, affermir ce qui a déjà son relief et son évidence ; garder ce qui a été déjà confirmé et défini.

La nouvelle formulation sur la peine de mort est cohérente car elle a n’a jamais été considérée comme un bien positivement et fidèle à l’idéal évangélique, mais comme un « moindre mal » pour la société ou l’individu (un mal au sens de malheur regrettable, mais pas péché en cas de nécessité réelle pour la protection du bien commun, cette nécessité n’étant plus à jour pour le Pape). De plus il y a eu un développement cohérent de la doctrine depuis au moins saint Jean-Paul II (la dignité de la personne étant assez clairement énoncée au moins depuis le Concile). Il ne contredit donc pas la loi naturelle mais affine toujours plus sa compréhension et son application, l’Église devant « scruter les signes des temps et les interpréter à la lumière de l’évangile » (Gaudium et Spes 4). (Rm 13,4 sur l’autorité qui détient le glaive n’est pas spécifiquement déterminant).

Or, l’Église a toujours professée positivement que la pratique homosexuelle était un péché, un péché contre-nature. Aucun Pape n’a laissé sous-entendre le contraire. Il n’y aurait aucun développement cohérent dans la doctrine, accroissement naturel du dogme pour mieux comprendre la loi naturelle. Et surtout il n’y a pas de fondement dans l’Évangile et les Écritures, au contraire même (nous vous renvoyons à la seconde partie de notre étude). Ça n’a jamais été pour un moindre mal que l’Église a déclaré que l’homosexualité était un péché, ou alors il faut prouver le contraire. Ce serait donc une erreur sérieuse de pouvoir considérer une évolution sur ce plan-là, conformément à ce que nous avons cités de saint Vincent de Lérins. Même si la façon de poser la question de l’homosexualité a évolué, le principe du péché reste le même et ne peut pas juste changer en fonction des circonstances, c’est autre part qu’il faut chercher une évolution (dans la pastorale, ce qui explique le changement de ton du Magistère). De toute façon, c’est à l’Église de fixer cela, et sa doctrine morale est très claire. Ce que nous avons cité de Veritatis Splendor et Persona humana fait donc ici clairement autorité.

13 – Autres considérations

Nous ne parlerons pas du sensus fidei, puisqu’il doit toujours, de toute façon, se faire uni aux pasteurs de l’Église et à leur enseignement (cf. Lumen Gentium n. 12, Mysterium Ecclesiae n. 2).

Les propos du cardinal Schönborn s’éclairent avec tout ce que nous avons dit, et ne vont pas contre l’enseignement de l’Église (du moins dans ce que le P. Matthieu a cité).

Disons encore quelques remarques sur des propos du P. Jasseron. L’Église, selon lui, ne creuserait pas assez, car tout le monde ne serait pas prêt à ces changements. Mais voyons ce que dit encore Homosexualitatis problema :

La position de la morale catholique est fondée sur la raison humaine illuminée par la foi et guidée consciemment par l’intention de faire la volonté de Dieu, notre Père. Ainsi, l’Église est à la fois à l’écoute des découvertes scientifiques et en mesure d’en transcender l’horizon, sûre que sa vision plus complète respecte le caractère complexe de la personne humaine qui, dans ses dimensions spirituelle et corporelle, est créée par Dieu et, par sa grâce, promise à la vie éternelle. C’est uniquement dans ce cadre qu’on peut donc comprendre clairement en quel sens le phénomène de l’homosexualité, avec ses multiples dimensions et son retentissement sur la société et la vie ecclésiale, fait l’objet d’un souci pastoral spécial de l’Église. De ses ministres il est dès lors requis une étude attentive, un engagement concret et une réflexion honnête, théologiquement équilibrée. […]
Homosexualitatis problema, n. 2
Une des dimensions essentielles d’une pastorale authentique consiste à identifier les causes qui ont amené la confusion par rapport à l’enseignement de l’Église. Parmi ces causes, il faut signaler avant tout une exégèse nouvelle de l’Écriture Sainte, selon laquelle la Bible n’aurait rien à dire en matière d’homosexualité, ou même qu’elle lui donnerait d’une certaine manière une approbation tacite, ou bien, finalement, que les prescriptions morales qu’elle offre seraient tellement conditionnées par la culture et par l’histoire qu’elles ne pourraient plus être appliquées à la vie contemporaine. De telles opinions, gravement erronées et déviantes, requièrent donc une vigilance spéciale. […]
Homosexualitatis problema, n. 4
L’Église ne peut manquer de se préoccuper de tout cela et maintient donc fermement à ce sujet sa position claire, qui ne peut être modifiée sous la pression de la législation civile ou de la mode du moment. Elle s’inquiète sincèrement aussi de tous ceux qui ne se sentent pas représentés par les mouvements en faveur de l’homosexualité, comme de ceux qui pourraient être tentés de croire à leur propagande trompeuse. Elle est consciente que l’opinion selon laquelle l’homosexualité serait équivalente à l’expression sexuelle de l’amour conjugal ou aussi acceptable qu’elle, a un impact direct sur la conception que la société a de la nature et des droits de la famille, et met ceux-ci sérieusement en danger.
Homosexualitatis problema, n. 9

Voir aussi [les] paragraphes 13 à 18 sur la responsabilité des pasteurs.

Le fait que plusieurs documents soient sortis sur ce sujet, notamment celui-ci qui expose clairement, bien que de façon exhaustive, la question par la Bible et la perspective catholique, prouve bien que l’Église ne se désintéresse pas du tout de cette question. Amoris Laetitia (n. 251) dit bien qu’il y a eu des débats sur le sujet. Donc si, les hauts responsables du Vatican creusent pour découvrir la vérité :

« Vous connaîtrez la vérité et la vérité fera de vous des hommes libres » (Jn 8, 32), a dit le Seigneur Jésus. L’Écriture nous convie à confesser la vérité dans la charité (cf. Ep 4, 15). Dieu qui est à la fois la vérité et l’amour, appelle l’Église à se mettre au service de tout homme, femme et enfant avec la sollicitude pastorale de notre Seigneur miséricordieux.
Homosexualitatis problema, n. 18

Le P. Matthieu dit quelque chose de profondément faux en disant que seules des personnes n’ayant pas fait le dixième des études pensent que l’homosexualité est un péché. Le Cardinal Ratzinger, un des plus grands théologiens du XXe siècle et futur Pape, était préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi quand plusieurs documents sur l’homosexualité sont sortis, notamment l’important Homosexualitatis problema, il y a donc nécessairement participé. Frédéric Martel dit même dans Sodoma, que le P. Matthieu prend comme référence, qu’il a été l’un des théologiens a avoir le plus étudié le sujet (éd. de poche, p. 796. Nous n’ignorons pas que des théologiens importants ont aussi développés des thèses différentes, notamment Adriano Oliva, président de la Commission léonine, en se servant dans son livre Amours, à tort semble-t-il, de saint Thomas d’Aquin). Mais si le P. Matthieu parlait là d’orientation homosexuelle il a bel et bien raison, aucun théologien sérieux ne considérera que l’attirance en soi est un péché, mais alors sa formulation portait à ambiguïté.

14 – La conscience dans le Catéchisme

Pour finir sur la question de la Tradition et de ce que dit l’Église, le P. Matthieu parle de la conscience dans le Catéchisme. Nous citerons les n. 1790 à 1794 :

L’être humain doit toujours obéir au jugement certain de sa conscience. S’il agissait délibérément contre ce dernier, il se condamnerait lui-même. Mais il arrive que la conscience morale soit dans l’ignorance et porte des jugements erronés sur des actes à poser ou déjà commis.
Cette ignorance peut souvent être imputée à la responsabilité personnelle. Il en va ainsi, » lorsque l’homme se soucie peu de rechercher le vrai et le bien et lorsque l’habitude du péché rend peu à peu la conscience presque aveugle » (GS 16). En ces cas, la personne est coupable du mal qu’elle commet.
L’ignorance du Christ et de son Évangile, les mauvais exemples donnés par autrui, la servitude des passions, la prétention à une autonomie mal entendue de la conscience, le refus de l’autorité de l’Église et de son enseignement, le manque de conversion et de charité peuvent être à l’origine des déviations du jugement dans la conduite morale. Si – au contraire – l’ignorance est invincible, ou le jugement erroné sans responsabilité du sujet moral, le mal commis par la personne ne peut lui être imputé. Il n’en demeure pas moins un mal, une privation, un désordre. Il faut donc travailler à corriger la conscience morale de ses erreurs.
La conscience bonne et pure est éclairée par la foi véritable. Car la charité procède en même temps » d’un cœur pur, d’une bonne conscience et d’une foi sans détours » (1 Tm 1, 5 ; cf. 3, 9 ; 2 Tm 1, 3 ; 1 P 3, 21 ; Ac 24, 16).
Plus la conscience droite l’emporte, plus les personnes et les groupes s’éloignent d’une décision aveugle et tendent à se conformer aux règles objectives de la moralité (GS 16).

Tout cela s’accorde à ce que dit l’Église sur l’homosexualité et la morale en général. Mais nous citerons surtout, une fois de plus, Veritatis Splendor (n. 32) :

Dans certains courants de la pensée moderne, on en est arrivé à exalter la liberté au point d’en faire un absolu, qui serait la source des valeurs. C’est dans cette direction que vont les doctrines qui perdent le sens de la transcendance ou celles qui sont explicitement athées. On a attribué à la conscience individuelle des prérogatives d’instance suprême du jugement moral, qui détermine d’une manière catégorique et infaillible le bien et le mal. À l’affirmation du devoir de suivre sa conscience, on a indûment ajouté que le jugement moral est vrai par le fait même qu’il vient de la conscience. Mais, de cette façon, la nécessaire exigence de la vérité a disparu au profit d’un critère de sincérité, d’authenticité, d’« accord avec soi-même », au point que l’on en est arrivé à une conception radicalement subjectiviste du jugement moral.
Comme on peut le saisir d’emblée, la crise au sujet de la vérité n’est pas étrangère à cette évolution. Une fois perdue l’idée d’une vérité universelle quant au Bien connaissable par la raison humaine, la conception de la conscience est, elle aussi, inévitablement modifiée : la conscience n’est plus considérée dans sa réalité originelle, c’est-à-dire comme un acte de l’intelligence de la personne, qui a pour rôle d’appliquer la connaissance universelle du bien dans une situation déterminée et d’exprimer ainsi un jugement sur la juste conduite à choisir ici et maintenant ; on a tendance à attribuer à la conscience individuelle le privilège de déterminer les critères du bien et du mal, de manière autonome, et d’agir en conséquence. Cette vision ne fait qu’un avec une éthique individualiste, pour laquelle chacun se trouve confronté à sa vérité, différente de la vérité des autres. Poussé dans ses conséquences extrêmes, l’individualisme débouche sur la négation de l’idée même de nature humaine.
Ces différentes conceptions sont à l’origine des mouvements de pensée qui soutiennent l’antagonisme entre loi morale et conscience, entre nature et liberté.

Voir aussi Gaudium et Spes, n. 16-17.

C’est aussi ce que développait rapidement le P. Matthieu dans sa vidéo sur la morale à 3:15. Quant aux paragraphes du Catéchisme qui disent de ne pas juger, nous en attendons les références du P. Jasseron, lui qui en tronquant les citations, dit qu’on ne sait pas toujours le lire.

15 – Conclusion générale

Nous pouvons conclure que oui, l’Église et la Tradition condamnent bel et bien l’homosexualité contrairement à ce qu’affirme le P. Matthieu. Nous finirons cette première partie en citant une fois de plus la C.D.F. :

Il est évident, d’autre part, que la transmission claire et efficace de la doctrine de l’Église à tous les fidèles et à la société dans son ensemble, dépend dans une large mesure de l’enseignement correct et de la fidélité de ceux qui exercent le ministère pastoral. Les Évêques ont la responsabilité particulièrement grave de veiller à ce que leurs collaborateurs dans le ministère, et surtout les Prêtres, soient exactement informés et personnellement bien disposés à transmettre à tous l’enseignement de l’Église dans son intégralité. La sollicitude spéciale et la bonne volonté manifestée par beaucoup de Prêtres et de religieux dans le ministère pastoral auprès des personnes homosexuelles sont dignes d’admiration, et la Congrégation espère qu’elles ne diminueront pas. Ces pasteurs, pleins de zèle, doivent être convaincus qu’ils suivent fidèlement la volonté du Seigneur quand ils encouragent les personnes homosexuelles à mener une vie chaste et quand ils leur rappellent la dignité incomparable que Dieu leur a donnée également.
Homosexualitatis problema, n. 13

Et cette belle citation du Pape saint Jean-Paul II (que Frédéric Martel détourne fallacieusement dans Sodoma, éd. de poche, p. 481) :

En hommes ayant reçu « la parole de vérité et la puissance de Dieu » (2 Co 6, 7), en véritables prédicateurs de la loi de Dieu, en pasteurs pleins de compassion, vous avez eu raison de dire aussi que : « L’activité homosexuelle…, à distinguer de la tendance homosexuelle, est moralement mauvaise. » Par la clarté de cette vérité, vous avez fait la preuve de ce qu’est la véritable charité du Christ ; vous n’avez pas trahi ceux qui, à cause de l’homosexualité, se trouvent confrontés à des problèmes moraux pénibles, comme cela aurait été le cas si, au nom de la compréhension et de la pitié, ou pour toute autre raison, vous aviez offert de faux espoirs à nos frères ou à nos sœurs. Bien au contraire, par votre témoignage rendu à la vérité de l’humanité dans le plan de Dieu, vous avez fait preuve d’un authentique amour fraternel, en montrant la véritable dignité, la véritable dignité humaine de ceux qui se tournent vers l’Église du Christ pour recevoir la lumière qui vient de la parole de Dieu.
Discours du Pape Jean-Paul II aux Évêques des États-Unis, 05/10/1979, n. 6

 


II – L’Homosexualité dans la Bible

Nous avons vu ce que disait le P. Matthieu sur l’Église et la Tradition concernant l’homosexualité. Il est temps de voir ce qu’il dit sur la Bible. N’étant pas des exégètes professionnels, nous nous servirons de notre bon sens et des sources à notre disposition qui sont les suivantes :

Thomas Römer, Loyse Bonjour, L’homosexualité dans le Proche-Orient ancien et la Bible, coll. « Essais bibliques », Genève (2e éd.) : Labor et Fides, 2016. .

Thomas Christian Römer est un théologien allemand, naturalisé suisse. Il a effectué des études de théologie à Heidelberg, Tubingue et Paris. Titulaire d’une licence en théologie de l’Université de Heidelberg en 1980 et d’un doctorat en théologie de l’Université de Genève en 1988. Il enseigne ensuite l’Hébreu biblique et l’ougaritique à l’Université de Genève. En 1988 il obtient son doctorat en présentant une thèse sur les Patriarches dans la tradition deutéronomique. Il continue d’enseigner à l’Université de Genève jusqu’en 1993. Depuis il est professeur d’Ancien Testament à la Faculté de théologie et de sciences des religions de l’Université de Lausanne (UNIL), ainsi qu’à l’Institut romand des sciences bibliques (IRSB) qui lui est rattaché. Il a été nommé professeur au Collège de France en 2007. Il a également participé au film La Bible dévoilée (DVD aux Éditions Montparnasse en 2006).

Loyse Bonjour, théologienne, travaille pour la Fondation Terre des hommes et est assistante pour l’enseignement des sciences humaines à l’École Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL).

Innocent Himbaza, Adrien Schenker, Jean-Baptiste Edart, Clarifications sur l’homosexualité dans la Bible, coll. « Lire la Bible », Paris : Cerf, 2007

Innocent Himbaza, né au Rwanda, est pasteur de l’Église évangélique réformée du canton de Fribourg (Suisse). Il enseigne l’exégèse et la théologie de l’Ancien Testament, ainsi que la littérature juive de l’époque hellénistique et romaine à la Faculté de théologie de l’université de Fribourg.

Adrian Schenker est dominicain, ancien professeur d’Écriture sainte à l’université de Fribourg en Suisse. Ses travaux portent sur l’histoire du droit, la théologie et l’histoire du texte de la Bible. Il coordonne actuellement le comité éditorial de la « Biblia Hebraica Quinta » (Deutsche Bibelgesellschaft, Stuttgart).

Jean-Baptiste Edart, Prêtre du diocèse de Rouen, membre de la communauté de l’Emmanuel, est bibliste, enseignant à Rome à l’Institut Jean-Paul II pour les études sur le mariage et la famille. Il est spécialiste de l’anthropologie biblique et de la théologie paulinienne.

Dans la bibliographie proposée par le P. Matthieu, nous n’avons pas lu l’ouvrage de Joël Pralong. Ce Prêtre n’étant pas particulièrement exégète nous n’en tiendrons pas compte, mais si le P. Matthieu a des passages de cet auteur (ou de Michel Salamolard) à nous opposer, qu’il les communique et nous en tiendrons compte.

1 – Considérations générales

Commençons par préciser trois points majeurs : d’abord, ce que dit l’Église de manière générale concernant l’exégèse biblique sur l’homosexualité, dans la lettre de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi Homosexualitatis problema (que nous citerons plusieurs fois comme autorité par rapport aux sciences exégétiques), n. 4 et 5 :

Une des dimensions essentielles d’une pastorale authentique consiste à identifier les causes qui ont amené la confusion par rapport à l’enseignement de l’Église. Parmi ces causes, il faut signaler avant tout une exégèse nouvelle de l’Écriture Sainte, selon laquelle la Bible n’aurait rien à dire en matière d’homosexualité, ou même qu’elle lui donnerait d’une certaine manière une approbation tacite, ou bien, finalement, que les prescriptions morales qu’elle offre seraient tellement conditionnées par la culture et par l’histoire qu’elles ne pourraient plus être appliquées à la vie contemporaine. De telles opinions, gravement erronées et déviantes, requièrent donc une vigilance spéciale.
Il est vrai que la littérature biblique doit aux diverses époques où elle fut écrite une bonne partie de ses modes de pensée et d’expression (cf. Dei Verbum, n. 12). Il est sûr que l’Église d’aujourd’hui proclame l’Évangile à un monde très différent du monde antique. D’autre part, le monde dans lequel le Nouveau Testament fut rédigé était déjà notablement changé, par exemple en ce qui concerne la situation dans laquelle furent écrites ou composées les Écritures Saintes du peuple hébreu.
Toutefois ce qu’il faut remarquer, c’est que, en présence de cette diversité notable, il n’y a pas moins, au sein des Écritures elles-mêmes, une évidente harmonie sur le comportement homosexuel. C’est pourquoi la doctrine de l’Église sur ce point ne s’appuie pas seulement sur des phrases isolées dont on peut tirer des arguments théologiques discutables, mais bien sur le fondement solide d’un témoignage constant de la Bible. La Communauté croyante d’aujourd’hui, en continuité ininterrompue avec les Communautés juives et chrétiennes au sein desquelles les anciennes Écritures ont été rédigées, continue à se nourrir de ces mêmes Écritures et de l’Esprit de Vérité dont elles sont la Parole. Il est tout autant essentiel de reconnaître que les textes sacrés ne sont pas réellement compris quand on les interprète d’une manière qui contredit la Tradition vivante de l’Église. Pour être correcte, l’interprétation de l’Écriture doit être en accord effectif avec cette Tradition.
Le Concile Vatican II s’exprime ainsi à cet égard : « Il est donc clair, dit-il, que la sainte Tradition, la sainte Écriture et le Magistère de l’Église, par une très sage disposition de Dieu, sont tellement reliés et solidaires entre eux qu’aucune de ces réalités ne subsiste sans les autres, et que toutes ensemble, chacune à sa façon, sous l’action du seul Esprit-Saint, contribuent efficacement au salut des âmes » (Dei Verbum, n. 10).

Remarquons aussi que le n. 2357 du C.E.C. et le même document (Homosexualitatis problema, n. 8) disent que la Tradition et l’enseignement de l’Église sur cette question s’appuient sur et en continuité de l’Écriture.

Nous citerons un peu plus la Constitution dogmatique Dei Verbum du Concile Vatican II :

La charge d’interpréter de façon authentique la Parole de Dieu, écrite ou transmise, a été confiée au seul Magistère vivant de l’Église dont l’autorité s’exerce au nom de Jésus Christ. Pourtant, ce Magistère n’est pas au-dessus de la Parole de Dieu, mais il est à son service, n’enseignant que ce qui a été transmis, puisque par mandat de Dieu, avec l’assistance de l’Esprit Saint, il écoute cette Parole avec amour, la garde saintement et l’expose aussi avec fidélité, et puise en cet unique dépôt de la foi tout ce qu’il propose à croire comme étant révélé par Dieu. (n. 10) […]
Cependant, puisque Dieu, dans la Sainte Écriture, a parlé par des hommes à la manière des hommes, il faut que l’interprète de la Sainte Écriture, pour voir clairement ce que Dieu lui-même a voulu nous communiquer, cherche avec attention ce que les hagiographes ont vraiment voulu dire et ce qu’il a plu à Dieu de faire passer par leurs paroles. Pour découvrir l’intention des hagiographes, on doit, entre autres choses, considérer aussi les « genres littéraires ». Car c’est de façon bien différente que la vérité se propose et s’exprime en des textes diversement historiques, ou prophétiques, ou poétiques, ou même en d’autres genres d’expression. Il faut, en conséquence, que l’interprète cherche le sens que l’hagiographe, en des circonstances déterminées, dans les conditions de son temps et de sa culture, employant les genres littéraires alors en usage, entendait exprimer et a, de fait, exprimé. En effet, pour vraiment découvrir ce que l’auteur sacré a voulu affirmer par écrit, il faut faire minutieusement attention soit aux manières natives de sentir, de parler ou de raconter courantes au temps de l’hagiographe, soit à celles qu’on utilisait à cette époque dans les rapports humains. Cependant, puisque la Sainte Écriture doit être lue et interprétée à la lumière du même Esprit que celui qui la fit rédiger, il ne faut pas, pour découvrir exactement le sens des textes sacrés, porter une moindre attention au contenu et à l’unité de toute l’Écriture, eu égard à la Tradition vivante de toute l’Église et à l’analogie de la foi. Il appartient aux exégètes de s’efforcer, suivant ces règles, de pénétrer et d’exposer plus profondément le sens de la Sainte Écriture, afin que, par leurs études en quelque sorte préalables, mûrisse le jugement de l’Église. Car tout ce qui concerne la manière d’interpréter l’Écriture est finalement soumis au jugement de l’Église, qui exerce le ministère et le mandat divinement reçus de garder la Parole de Dieu et de l’interpréter. (n. 12)

Nous citerons aussi le décret Lamentabili sane exitu (03/07/1907) condamnant les principales erreurs modernistes (ces propositions sont condamnées) :

2. – L’interprétation des Livres Saints par l’Église n’est sans doute pas à dédaigner ; elle est néanmoins subordonnée au jugement plus approfondi et à la correction des exégètes.
12. – L’exégète, s’il veut s’adonner utilement aux études bibliques, doit avant tout écarter toute opinion préconçue sur l’origine surnaturelle de l’Écriture Sainte et ne pas l’interpréter autrement que les autres documents purement humains.

Cette dernière proposition nous amène au deuxième point : Thomas Römer, que le P. Matthieu utilise comme référence, « le maître », un grand exégète biblique il est vrai, est un rationaliste protestant. Il dit des choses qui ne sont certainement pas acceptables pour un catholique, comme (dans son livre sur l’homosexualité dans la Bible) un Dieu monothéiste qui ne date que d’après l’exil, alors qu’il y avait un ancien couple divin avec des Ashera en Israël. Il dit aussi que les textes du Pentateuque sont très tardifs et nie évidemment une unité morale du corpus biblique. Si le P. Matthieu veut l’utiliser comme référence, il doit aussi prendre cela en considération. Nous ne nous arrêterons pas à ça et nous jouerons le jeu du P. Matthieu en citant Römer comme référence (ce qu’il est en soi, mais pas absolue). Le deuxième ouvrage que nous avons cité en bibliographie nous sera aussi utile (ouvrage sérieux par trois universitaires, deux catholiques, un protestant), les deux livres étant complémentaires.

Quant au troisième point le voici : il n’y a pas de consensus exégétique sur cette question (contrairement à ce qu’affirme le P. Matthieu, bien qu’il y ait quelques bases acceptées par tous), étant beaucoup utilisée de manière idéologique de l’un ou l’autre parti. Les auteurs de ces ouvrages en tenant compte et faisant autorité, nous les citerons sans crainte mais il sera facile de trouver d’autres auteurs disant d’autres choses. Néanmoins il est sage d’accorder de la crédibilité à certains auteurs plus que d’autres. Si quelqu’un trouve une étude plus approfondie, tant mieux. Ceci n’est pas le plus important, car la vérité sur ces questions doit nécessairement se conformer aux enseignements du Magistère. Notre étude ne visera qu’à le confirmer contre le P. Matthieu, avec ce que nous avons posés dans la première partie concernant la tradition. Et il est de toute façon impossible de parler et de réfuter si besoin tous les exégètes existant.

2 – Jésus ; les relations affectives

Venons-en aux propos de la vidéo : le P. Matthieu commence par nous dire que Jésus n’en parle pas, ce qui en dirait long sur ce qu’il pense de la chose. C’est ce qui est dit au chapitre 4 du livre de Römer (p. 113), qui insiste sur la miséricorde de Jésus-Christ et ce serait aussi ce qu’évoque un séminariste qu’aurait interviewé Frédéric Martel dans Sodoma (éd. de poche, p. 742). Une première chose cloche : Römer nous dit p. 114 que Jésus était convaincu que la fin du monde arriverait bientôt, ce qui serait la cause du fait qu’il ne se préoccupe pas de ces questions. Or, c’est une vision moderniste des choses qui ignore la divinité du Christ, et qui devrait donc donner du discrédit sur cet avis d’un point de vue catholique (erreurs 32 à 34 de Lamentabili). Ensuite, ce n’est pas parce que Jésus ne parle pas d’une chose dans l’écriture qu’elle n’est pas immorale (Jésus n’a pas parlé de l’avortement) ou qu’il ne l’a pas enseigné, les évangiles ne disant en soi explicitement pas tout (Jn 21,25). Enfin, la loi et la miséricorde ne sont certainement pas incompatibles, Dieu condamnant le péché, pas le pêcheur, et la miséricorde anticipant le jugement. Jean-Baptiste Edart développe bien cela des pages 116 à 120. Nous finirons par le citer (p. 113) :

Nous avons constaté que les évangiles ne permettent pas de dire que Jésus manifeste la moindre approbation des actes homosexuels. Il ne dit et ne fait rien d’explicite sur ce sujet. La seule démarche permettant d’interpréter avec justesse ce silence est de se référer à son arrière-fond culturel immédiat : le judaïsme du Ier siècle. Or, nous avons vu comment celui-ci juge les actes à caractère homosexuel comme contraires à la Loi de Dieu, s’appuyant pour cela tant sur les commandements du Lévitique que sur le récit de Sodome et Gomorrhe. Jésus ne s’est pas démarqué de cet enseignement, alors qu’il n’a pas hésité à le faire sur d’autres points (voir Mt 23 et Mc 7). Le silence du Christ sur ce sujet ne peut donc être interprété que par son accord avec la tradition d’Israël sur ce point. D’ailleurs, il est fort probable qu’il n’ait pas eu à rencontrer directement cette question en milieu juif, ce comportement n’ayant socialement aucune visibilité étant donné l’interdit existant.

Le P. Matthieu nous dit ensuite qu’aucun de ces versets ne peut condamner une vie affective homosexuelle, vécue dans la fidélité et la sincérité. Ce n’est pas le propos de la Bible. La Bible condamne toujours l’homosexualité d’un point de vue sexuel (il n’y avait pas ou peu conscience d’une « attirance » homosexuelle), dans le passage de Sodome et Gomorrhe, le Lévitique et saint Paul. C’est donc à l’Église de fixer ce qu’il faut sur cette question, maintenant que la modernité pose cette problématique d’une attirance innée. Les actes en soi étant proscrits, autant par la Bible que par la Loi naturelle, les conséquences s’en suivent, il ne peut pas y avoir de vie conjugale entre personnes homosexuelles, car cela présuppose une vie sexuelle ce qui est un péché. Néanmoins l’Église parle dans le Catéchisme de l’Église Catholique d’amitié désintéressée, qui peut potentiellement compenser. Mais en tout cas il ne peut y avoir aucune comparaison avec le mariage naturel et hétérosexuel institué par Dieu (Amoris Laetitia, 251). Mais revenons aux saintes Écritures.

3 – Le Lévitique

Le P. Matthieu va maintenant nous parler du Lévitique. Il a raison de dire que ce sont des prescriptions qui datent d’une certaine époque, car le Christ est venu avec la loi du cœur (cf. Jr 31,33) où les deux principaux commandements sont remis au centre (cf. Mt 22, 40). Il est même vrai que Dieu pouvait permettre, dans la Genèse, des états comme la polygamie qui sont pourtant immoraux sous la Nouvelle Alliance. Mais toute la loi n’a pas été abolie, au contraire Jésus est venu pour l’accomplir, notamment en ce qui concerne la morale, la loi naturelle étant immuable. Ce passage du Lévitique fait partie de ce qu’on appelle le Code de Sainteté, et c’est Dieu qui parle, c’est précisé au début du chapitre (Lv 18,1-5). Ces règles sont donc bien dictées par Dieu, d’une manière différente que les 10 commandements certes. Ce ne sont pas les lévites qui les ont instituées, mais Dieu lui-même (même si ce n’était pas le cas ce livre reste tout de même inspiré). Il est vrai que c’est pour préserver l’ordre social des israélites. Néanmoins, les raisons données pour ces règles sont encore suivies par l’Église Catholique aujourd’hui : l’acte conjugal est naturellement ordonné à la procréation (Casti Connubii, Gaudium et Spes 50, Humanae Vitae, 12, Compendium de la Doctrine Sociale de l’Église, 218 et 230). C’est le commandement de Dieu, d’être féconds, dans la Genèse (1,28), même si ce n’est évidemment pas le seul but du mariage. Voilà ce qu’en pense Römer (p. 52-53) :

Dans ce cadre, les lois touchant à la sexualité définissent clairement la sexualité dans le contexte du pur et de l’impur. Ainsi, coucher avec une femme qui a ses règles est interdit. D’ailleurs, le seul but de la sexualité semble être, dans ces textes, la procréation. On y observe une certaine méfiance vis-à-vis de la sexualité, méfiance qui n’est cependant pas partagée par tous les auteurs bibliques, comme le montre notamment la célébration du plaisir sexuel dans le Cantique des Cantiques. Pour le milieu sacerdotal, la sexualité, cependant, ne devient légitime que dans le cadre de la procréation. Selon le récit de la création qui se trouve au premier chapitre de la Bible, la tâche de l’homme consiste dans l’administration du monde créé et dans la procréation : « Soyez féconds, et multipliez-vous » (Gn 1,28). C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre les lois du Lévitique contre l’homosexualité. Ces lois veulent interdire les relations homosexuelles, en même temps que d’autres rapports sexuels illicites au sein d’une famille ou d’un clan. Et rappelons-le, pour les auteurs de ces textes, cette “gestion de la sexualité” fait partie de la nouvelle identité du judaïsme naissant à l’époque perse. Le rapport sexuel entre deux hommes n’est ainsi pas le seul comportement à être interdit. Toute relation qui, selon les auteurs, aurait été empruntée aux sociétés voisines, se trouve impitoyablement condamnée : la zoophilie, l’inceste, l’adultère ou les relations sexuelles avec une femme pendant ses menstruations. Les interdits de Lévitique 18 et 20 ne se focalisent pas sur les relations sexuelles entre deux hommes ; celles-ci se trouvent intégrées dans une construction idéologique globale qui tente de définir l’identité d’Israël par une idée de séparation et en interprétant l’acte sexuel dans le contexte de la théologie sacerdotale, c’est-à-dire comme moyen de procréation.

Néanmoins, Adrien Schenker développe de manière plus affinée. Tout en soulignant le fait que le contexte n’est absolument pas le même dans le Lévitique et aujourd’hui, ce qui fait que beaucoup critiquent l’exigence éthique de l’Église de l’ouverture à la fécondation (p. 53), et confirmant le fait que ces textes ne parlent pas de l’individu particulier et d’un amour réciproque, il dit ceci (p. 72) :

Deuxièmement, il faut redire que ces deux passages regardent moins l’individu en quête de bonheur que le bien de la famille. Ils estiment que l’homosexualité pratiquée menacerait la cohésion d’une communauté humaine déjà exposée sans elle à de nombreuses pressions désintégrantes. Devant la précarité de cette communauté qui est pourtant vitale pour la subsistance des individus, il ne faut pas risquer d’y introduire des ferments supplémentaires d’anarchie, comme pourraient l’être les relations amoureuses entre ses membres masculins, en plus de ceux qui existent déjà dans les relations entre hommes et femmes. Mais celles-là sont de toute manière indispensables pour assurer l’avenir de la famille et de ses membres anciens grâce aux nouvelles naissances.

Mais fait intéressant, il questionne plus loin (p. 72-73) :

Cinquièmement, la théologie biblique, entendue ici au sens de la théologie contenue explicitement ou implicitement dans la Bible, conduit souvent à une question critique posée à la pensée humaine contemporaine. Dans le cas de l’homosexualité pratiquée, la question que la Bible peut soulever, à la lumière de l’analyse de Lv 18 et 20, vis-à-vis de la pensée moderne : est-ce que l’homosexualité vécue et reconnue publiquement ne contribue-t-elle pas à la fragmentation d’une société déjà trop portée à la désintégration ? Lv 18, 20 ne suggèrent-ils pas également une conception qui voit la sexualité dans une perspective à la fois personnelle et communautaire ? Ces questions doivent être approfondies dans un dialogue entre plusieurs disciplines qui dépassent le cadre limité de cette étude exégétique.

La question se pose, à la lumière de plusieurs documents de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi et dans la lignée de la Doctrine Sociale de l’Église. Pour revenir au Lévitique, la confusion des rôles qui est un argument de plus qui justifie cette condamnation de l’homosexualité est développé chez Römer (p. 42-53) et chez Schenker (p. 49-73). Continuons.

Le P. Matthieu nous dit qu’il faut comprendre les propos du Lévitique comme des actes de domination pour violer l’ennemi en lui retirant son honneur, notamment dans des contextes militaires, en citant Römer comme référence. Ce propos est bel et bien dans le livre de Römer, mais à la page 60, en parlant du mépris le plus total d’hospitalité dans le récit de Sodome et Gomorrhe. C’est donc tout à fait hors sujet, rien à voir avec le Lévitique. Au contraire, Römer admet (p. 42-43) que contrairement au reste de la littérature du Proche-Orient qui condamne la violence dans les relations homosexuelles, ici c’est bien l’acte en lui-même qui est en cause (pour les raisons que nous avons dites).

Le P. Jasseron fait remarquer que ces versets ne parlent pas des relations entre femmes. C’est ce que fait effectivement remarquer Römer à la page 53, ce n’est pas explicitement condamné pour diverses raisons idéologiques (selon lui). Néanmoins Schenker dit bien à la fin de son chapitre après avoir parlé de cette question (p. 72) : « C’est pourquoi on peut affirmer avec probabilité que, selon la Bible, l’union homosexuelle entre femmes est interdite elle aussi. »

Pas besoin de développer plus, nous vous renvoyons à nos sources. Nous n’avons pas à commenter l’accord des exégètes sur le fait que ça ne concerne pas la vie affective de deux gays ou deux lesbiennes, c’est évident et hors sujet. Le P. Matthieu nous embrouille en mettant en avant cette question, le texte ne parle pas de cette réalité affective, mais les actes sexuels étant condamnés pour des raisons tout à fait valables, et par Dieu, plusieurs conséquences en découlent, nous en avons parlé rapidement plus haut. La C.D.F. confirme bien la condamnation de ce passage (p. 6) :

Dans le Lévitique 18, 22 et 20, 13, quand sont décrites les conditions nécessaires pour appartenir au Peuple élu, l’auteur exclut du Peuple de Dieu ceux qui ont un comportement homosexuel.

4 – Sodome et Gomorrhe

Parlons maintenant de Sodome et Gomorrhe. Le P. Matthieu nous dit que les habitants de Sodome veulent violer des anges, mais pas des hommes. Pourtant, ils ne savaient pas que c’étaient des anges, donc l’argument est invalide. Néanmoins, Jude 7 nous laisse bien un doute (mais Römer interprète ce verset comme concernant la fornication, p. 63).

Le P. Matthieu nous dit ensuite que le mot yada’ en hébreu ne signifie nulle part ailleurs des relations homosexuelles, et que cela veut dire : « faire connaissance, se confronter ». Premièrement c’est faux, Jg 19, 22 (que Römer ignore mais que Himbaza identifie clairement aux rapports homosexuels, p. 21). Ensuite, le P. Matthieu n’a pas tout dit ce que disait Römer qui parle justement de cette interprétation en la remettant un peu en question (p. 57-58) :

Il est vrai que le verbe hébreu yada’ (« connaître ») peut exprimer d’une manière euphémique les rapports sexuels (“Adam connut Eve…”). Il est donc possible d’appliquer cette interprétation aussi pour le récit de Genèse 19. Pourtant, certains commentaires nient cette connotation pour l’histoire de Sodome, objectant que le mot yada’ désigne parfois des rapports sexuels, mais uniquement lorsqu’ils sont de nature hétérosexuelle. Pour les rapports homosexuels, qui ne sont cependant mentionnés que deux fois (Lv 18,22 ; 20,13), la Bible hébraïque utiliserait shakan (“coucher”). Le verbe yada’ pourrait ainsi, en Genèse 19,5, simplement signifier « faire connaissance avec ». Loth, qui est expressément appelé « étranger » par les habitants, aurait outrepassé ses droits en accueillant deux inconnus dont les intentions pouvaient être hostiles et dont les identités n’avaient apparemment pas été contrôlées. Cette explication donnerait une raison suffisante à la demande : « Où sont les hommes qui sont venus chez toi ? Fais-les sortir pour que nous puissions voir qui ils sont. »
Si une telle interprétation peut se défendre pour le seul verset 5, elle semble exclue pour la suite. La réaction de Loth, qui offre ses deux filles vierges, montre bien que les hommes de Sodome tentent une agression d’ordre sexuel. Doit-on pourtant qualifier cette demande comme étant exclusivement liée à un acte homosexuel ? En effet, l’initiative de Loth met quelque peu en question la présumée homosexualité des Sodomites, puisque Loth veut leur offrir ses filles en échange. D’autant plus qu’il n’est logiquement guère concevable que tous les habitants de Sodome (v. 4) soient homosexuels.
Si la narration insiste d’abord sur le fait que tous les habitants de Sodome participent à l’agression – « les gens de la ville, les gens de Sodome, du plus jeune au plus vieux, le peuple entier sans exception » – , c’est probablement avant tout pour signifier que même les futurs gendres de Loth sont parmi les agresseurs et que la destruction de la ville au sujet de laquelle Abraham avait interrogé Yhwh au chapitre précédent est entièrement justifiée. Ce n’est donc pas en premier lieu la présumée homosexualité des habitants de Sodome qui va provoquer le jugement, mais une agression collective, un acte de violence sexuelle gratuite, qui ne respecte pas le devoir de l’accueil de l’étranger et de l’hospitalité.

Voici ce que dit, quant à lui, Innocent Himbaza en comparant ce texte avec Juges 19, page 26 (ce que fait aussi rapidement Römer) :

Ni Gn 19 ni Jg 19 ne mettent l’homosexualité en avant ; celle-ci n’est pas l’objet de ces textes. Par contre, pour donner une illustration du lourd péché de Sodome pour Gn 19 et de l’infamie commise en Israël pour Jg 19, ces récits incluent des actes à caractère homosexuel. Le refus de l’hospitalité est exprimé, entre autres, par l’intention d’accomplir des actes à caractère homosexuel sur les visiteurs. En soi, les expressions hébraïques utilisées al tare’u (ne commettez pas le mal) en Gn 19,7 et Jg 19,23 ainsi que lo ta’asu devar hanevalah hazzot (ne commettez pas cette infamie/folie) peuvent s’appliquer à n’importe quel acte répréhensible et donc aussi à plusieurs contextes. Cependant, dans les deux récits, le contexte s’oriente clairement vers les actes sexuels, puisque les hôtes proposent de livrer des femmes à la place des hommes, apparemment comme un moindre mal. « Ne commets pas cette infamie » fut également la mise en garde de Tamar, fille de David, avant d’être violée par son demi-frère Amnon (2 S 13,12-14). Les intentions homosexuelles des habitants de ces localités font donc partie de ce qui est réprouvé par les récits qui nous occupent.

Et p. 46 :

Si l’on veut s’arrêter à l’homosexualité, tout en observant ces deux textes dans leur intention propre, on dira que les comportements homosexuels font partie de ce qui constitue le péché des Sodomites comme celui des hommes de Guivéa. On dira également que les deux textes réprouvent ce genre de comportement. Dire que ces textes ne disent rien des comportements homosexuels nous semble une interprétation idéologique.

Même si le fond de ce texte est l’agression à cause du manque d’hospitalité, l’homosexualité n’en reste pas moins réprouvée. Néanmoins, ce n’est qu’à partir du IIe siècle avant J-C qu’on a commencé à identifier le péché de Sodome à un en particulier, la Bible en parlant quelques fois de manière générale. Une vraie première mention explicite chez les juifs de l’homosexualité considérée comme le péché de Sodome se trouve chez Philon d’Alexandrie au Ier siècle et chez les chrétiens chez Méthode d’Olympe (IIe-IIIe siècle), le Banquet, 5ème discours, n.122. Pour approfondir ces thèmes, je vous renvoie à nos sources, une fois de plus. Voici d’ailleurs ce que dit la C.D.F. (n. 6) :

Ainsi, la détérioration due au péché se poursuit dans l’histoire des hommes de Sodome (cf. Gn 19, 1-11). Il ne peut y avoir de doute sur le jugement moral qui y est exprimé à l’encontre des relations homosexuelles.

Mais il y a aussi le troisième Concile du Latran, autorité magistèrielle et que nous avons déjà cité dans la première partie, qui en parle (canon 11) :

Tous ceux qui seront convaincus de se livrer à cette incontinence contre nature, qui attire la colère de Dieu contre ceux qui lui résistent et a consumé cinq villes par le feu, seront chassés du clergé s’ils sont clercs ou relégués dans des monastères pour y faire pénitence ; s’ils sont laïcs, ils seront frappés d’excommunication et désormais retranchés de l’assemblée des fidèles.

Et toujours Horrendum illus scelus :

Cet effroyable crime à cause duquel des Villes souillées et avilies furent brûlées par le redoutable jugement de Dieu, Nous marque de la douleur la plus cruelle et remue si lourdement Notre âme, que nous consacrons toute notre attention, autant qu’il est possible, à l’arrêter.

Pour mentionner rapidement des Pères de l’Église sur la question (en plus de saint Augustin et saint Thomas), saint Jean Chrysostome, 4e homélie sur l’épître aux Romains, et saint Grégoire le Grand, Morales sur Job, Livre xiv, 23.

D’autres propos de Römer, par exemple dans Sodoma, éd de poche, p. 349-353, s’éclairent avec ce que nous venons de dire, ou bien ne font pas grandes difficultés.

Avant de passer au Nouveau Testament, nous vous invitons à lire Innocent Himbaza des pages 29 à 45 où il répond sur la question de David et Jonathan, que le P. Matthieu ne manquera sûrement pas de nous opposer. Il est dommage qu’Himbaza ne parle pas des relations avec l’épopée de Gilgamesh, ce qui aurait pu donner des éléments de réponse à la comparaison que fait Römer p. 100-111 (que nous ne jugeons absolument pas décisive). Mais au vu du reste de notre étude et de ce que dit Himbaza, il ne nous semble pas pertinent de nous attarder sur cette question. De la même manière sur les relations entre Jésus et Jean (qu’examine Jean-Baptiste Edart, p. 110-113).

5 – 1 Corinthiens et 1 Timothée

Passons maintenant aux propos de saint Paul. Nous commençons avec 1 Corinthiens 6,9 et 1 Timothée 1,10. Le P. Matthieu nous parle de malakos en grec, comme pouvant signifier doux ou efféminé, ici désignant une certaine forme de paresse. C’est en effet ce que dit Römer dans son étude très rapide des textes de saint Paul, page 118, ce mot pourrait décrire une attitude un peu molle. Mais Jean-Baptiste Edart n’est pas de cet avis, et développe bien plus (p. 78) :

Malakos signifie littéralement « doux, soyeux, délicat ». Dans une relation homosexuelle, il désigne le partenaire passif. Il a une connotation très péjorative. La difficulté de ce terme pris en lui-même est qu’il renvoie à différentes réalités : prostitué masculin, travesti, homme efféminé, etc. Il peut donc être compris ou dans un sens très étroit (prostitué masculin) ou très large (homme efféminé prenant excessivement soin de son apparence), ce qui rend difficile toute identification.
Le contexte littéraire nous aide. Celui-ci, clairement connoté sexuellement, invalide l’interprétation trop large. Il s’agit bien ici d’un comportement sexuel. Il nous faut recourir aux sources extra-bibliques pour préciser le sens.
Philon d’Alexandrie emploie malakia pour désigner le comportement de partenaires homosexuels passifs soucieux de leur apparence efféminée pour plaire à leur amant masculin. De même, dans sa description des hommes de Sodome, Philon emploie le terme malakotês pour caractériser l’attitude des hommes pénétrés. Ces deux récurrences montrent que malakos ne renvoie pas uniquement à des prostitués, mais qu’il peut désigner tout partenaire passif dans une relation homosexuelle masculine. Il est impossible à notre avis de définir plus précisément la nature de ces malakoi à ce point de notre étude.

Le P. Matthieu nous parle ensuite de arsenokoitai, en identifiant ce terme avec la pédérastie. Tout en passant de nouveau sur le hors sujet des relations affectives, nous remarquons que ni Römer, ni Edart ne limitent ce terme à ce sens, ce qui décrédibilise l’identification faite par le P. Matthieu. Römer, p. 118-119 :

Le second terme, arsenokoites, est un terme rarement utilisé dans le grec de la koinè, langue dans laquelle sont rédigés les écrits du Nouveau Testament ; on ne le trouve que dans les deux passages de 1 Corinthiens 6,19 et 1 Timothée 1,10. Selon le dictionnaire, ce terme signifie quelque chose comme « homme de mœurs contre nature ». C’est un mot composé de arsen, « mâle », et koité, « lit », « couche ». Étymologiquement, arsenokoites a donc une connotation sexuelle indéniable, mais qui ne renvoie pas forcément à l’homosexualité, ni à la pédérastie, mais peut désigner tout comportement sexuel jugé inacceptable. Certains auteurs pensent qu’il s’agit d’une désignation pour des prostitués dont les clients sont aussi bien des femmes que des hommes, mais cette hypothèse demeure assez spéculative. Apparemment, Paul est le premier auteur à utiliser ce terme. S’agit-il d’une tentative de traduire en grec l’expression de Lévitique 20,13 (« un homme couchant avec un homme ») ? Il se peut que Paul, influencé par la culture juive dont il est issu, crée une sorte de néologisme. De toute façon, la traduction « pédéraste » est inappropriée ; ce terme a sans doute une signification qui dépasse celle des relations initiatiques et sexuelles entre un adolescent et un homme adulte, relations bien attestées dans la culture grecque antique.

Edart, p. 78-79 :

L’analyse de arsenokoites permet de lever l’ambiguïté. Ce terme signifie littéralement « couchant (koitê : « lit couche », keisthai : « être couché ») avec un homme (arsên : « mâle ») ». Formé par l’association de deux mots présents en Lv 18,22 et 20,13, il est très probablement apparu dans un contexte judéo-hellénistique. Le texte grec de Lv 18,22 dit : “Avec un homme (arsenos) tu ne coucheras (koimêthêsê) pas comme on couche (koitên) avec une femme. C’est une abomination.” Lv 20,13 est plus explicite encore : « Celui qui couche (koimêthê) avec un homme (arsenos) [comme] on couche (koitên) avec une femme : c’est une abomination qu’ils ont tous deux commise, ils devront mourir, leur sang retombera sur eux. » Dans le texte grec, «homme» (arsenos) et «couché» (koitên) se suivent immédiatement, facilitant ainsi la formation du néologisme. Cette construction trouve un écho dans la tradition rabbinique. Les rabbins utilisent l’expression hébraïque «coucher avec un mâle» (miškab zâkûr) tirée du texte hébreu de Lv 18,22 et 20,13 pour exprimer la relation homosexuelle. Ces derniers ne limitent pas cela à la pédérastie. Tous ces éléments nous paraissent suffisants pour affirmer que ce terme renvoie explicitement en 1 Co 6,9 à des hommes ayant le rôle actif dans des relations à caractère homosexuel. L’usage post-biblique de ce terme confirme ce sens. La traduction latine de la Vulgate : masculorum concubitores (hommes couchant avec des mâles) exprime bien le fait que le terme ne prêtait pas à ambiguïté au IVe siècle.

Jean-Baptiste Edart, page 81, conclut en disant :

Cette étude de 1 Co 6,9 et 1 Tim 1,10 nous permet de légitimement voir dans malakos le partenaire passif d’une union homosexuelle et dans arsenokoites le partenaire actif. Le jugement formulé par Paul à leur égard est clair : ils n’ont pas accès au Royaume de Dieu. Il s’agit donc d’actes considérés comme gravissimes, offensant directement la Loi divine. Cet enseignement de Paul est cohérent avec le judaïsme du Ier siècle ap. J.-C. Paul n’établit pas de distinction liée à des questions d’orientation sexuelle ou de spécificité dans l’acte sexuel posé (pédérastie, viol, etc.). C’est l’acte en lui-même qui est condamné. En dire plus maintenant est impossible.

On peut aussi apporter comme argument que le Concile de Trente (6e session, Chapitre 15), cité dans la première partie a pris le passage en utilisant le terme « sodomites » :

On défend ainsi la doctrine de la Loi divine qui exclut du Royaume de Dieu non seulement les infidèles, mais aussi les fidèles fornicateurs, adultères, efféminés, sodomites [masculorum concubitores], voleurs, avares, ivrognes, médisants, rapaces 1 Co 6,9-10 et tous les autres qui commettent des péchés mortels dont, avec l’aide de la grâce divine, ils peuvent s’abstenir et à cause desquels ils sont séparés de la grâce du Christ.

Le P. Matthieu ne peut donc pas conclure ces passages en disant qu’ils ne condamnent pas les actes homosexuels.

6 – La lettre aux Romains

Nous passons à la lettre aux Romains. Le P. Jasseron nous dit que la communauté de Rome était connue pour ses mœurs un peu légères. Nous attendons les références car au contraire, Rm 1,8 dit qu’on publie la foi des romains dans le monde entier. Cette communauté ne semble donc avoir rien de spécifiquement dépravé. Le P. Matthieu cite Romains 1, 26 en tronquant le verset 27 qui est le plus explicite, parlant bien de relations d’hommes à hommes, ce qui est accepté par tous les exégètes (Edart, p. 83, presque tous considèrent que ça concerne aussi les femmes). Donc, dans un premier temps, ce passage concerne seulement les homosexuels et non les hétérosexuels (ou indirectement en tant que le viol ou la fornication peuvent être aussi des péchés fruits de l’idolâtrie). Ensuite, il cite Joël Pralong pour dire que ce passage condamne l’appétit sexuel qui fait dégénérer les hommes dans des rapports de violence et de domination. Nous citerons rapidement le père Jean-Baptiste Edart, mais nous vous invitons à lire tout son chapitre sur le Nouveau Testament (p. 75-122) qui fait un long développement sur ce passage de l’épître aux Romains (p. 81-103) et répond à certaines opinions de Römer (et établit bien les relations entre homosexualité, nature selon le plan divin et idolâtrie, Pralong essayant de tourner cette dernière donnée à sa façon dans le contexte selon ce que nous cite le P. Matthieu). p. 104-105 :

Cet enracinement dans l’intention divine manifestée dans la création est perceptible dans la nature sexuée de la personne humaine (corporelle et spirituelle) est, en soi, la réponse aux trois des quatre positions évoquées au début de notre étude. La première affirmait que Paul ne prenait en considération qu’un certain type de relations sexuelles, manifestant une violence envers un plus faible. Si la condamnation des actes homosexuels repose sur la théologie de la création, il ne peut plus être question de rapports imposés, qui seraient condamnables, ou choisis qui seraient acceptables. C’est tout acte homosexuel qui est contre-nature, c’est-à-dire opposé à la volonté divine, qu’il soit entre hommes ou entre femmes. D’ailleurs, outre cet argument, rien dans le texte ne permet de soutenir la thèse de la relation sexuelle imposée par force. Il est clairement énoncé que les femmes changent leurs rapports naturels pour un rapport contre-nature, de même pour les hommes. Le texte souligne la libre initiative des hommes livrés par Dieu à leurs passions. La précision apportée sur le changement opéré montre que la pointe du texte est entre une relation hétérosexuelle, qui est naturelle, et une relation homosexuelle, contre-nature.

Joël Pralong n’ayant pas, aux dernières nouvelles, autorité dans l’exégèse, nous nous permettrons de pas insister plus que cela sur ce qu’il dit. Concluons en disant que Rm 1,32 dénonce ceux qui font ces actes (avec toute la liste qui suit), mais aussi ceux qui les approuvent, ce qui est le cas notamment du P. Matthieu.

Voilà ce que dit la C.D.F. sur saint Paul en général (n. 6) :

Sur le fond de cette législation théocratique, saint Paul développe une perspective eschatologique, à l’intérieur de laquelle il propose à nouveau la même doctrine, comptant parmi ceux qui n’entreront pas dans le Royaume de Dieu notamment celui qui agit en homosexuel (cf. 1 Co 6, 9). Dans un autre passage de ses lettres, se fondant encore sur les traditions morales de ses prédécesseurs, mais se plaçant dans le contexte nouveau de la confrontation du Christianisme et de la société païenne de son temps, saint Paul prend le comportement homosexuel comme exemple de la cécité dans laquelle est tombée l’humanité. Se substituant à l’harmonie originaire entre le Créateur et ses créatures, la grave déviation de l’idolâtrie a amené toutes sortes d’excès dans le domaine moral. Saint Paul voit précisément dans les relations homosexuelles l’exemple le plus clair de cette disharmonie (cf. Rm 1, 18-32). Enfin, en pleine continuité avec l’enseignement biblique, dans la liste de ceux qui agissent contrairement à la saine doctrine sont mentionnés explicitement parmi les pécheurs ceux qui commettent des actes homosexuels (cf. 1 Tm 1, 10).

(Est aussi développé plus haut au même paragraphe la théologie biblique de la création qui explique la condamnation de l’homosexualité pour rendre le tout cohérent)

Nous nous permettrons donc de conclure que oui, la Bible condamne bel et bien l’homosexualité. Non seulement la Bible, mais aussi l’Église et la Tradition. Vous pourrez néanmoins trouver dans la première partie de notre réfutation des éléments de nuance sur la pastorale vis-à-vis des homosexuels. La Bible, comme nous l’avons dit, est là pour condamner des actes contraires à la nature, et non une réalité psychologique. Mais nous en avons assez dit sur le sujet.


III – La Transidentité et l’Homosexualité chez les Saints

Après avoir vu l’homosexualité dans la Tradition et l’Église, puis dans la Bible, nous passons aux deux saints que cite le P. Matthieu.

1 – Sainte Théodora d’Alexandrie

Nous commençons par Théodora d’Alexandrie. Nous avons trouvé très peu d’informations en français sur cette sainte. Mais voici deux biographies que nous avons pu trouver sur Internet :

Elle était mariée à Alexandrie en Égypte. Mais, un jour, elle commit l’adultère. Prise de remords, elle se fit pénitente, s’habilla en homme pour entrer au monastère dont elle devint d’ailleurs plus tard le Père Abbé. Elle fut accusée de relations coupables par une femme qui venait d’avoir un enfant. Plutôt que de révéler son identité, elle accepta de quitter le monastère, gardant l’enfant avec elle, l’élevant avec patience. Ce n’est qu’à sa mort qu’on découvrit que le moine Théodore, injustement accusé, était Théodora, une sainte femme.
« Sainte Théodora », nominis.cef.fr
Sainte Théodora, vécut à Alexandrie sous le règne de l’empereur Zénon (vers 472). Elle était mariée à un certain Paphnuce, homme pieux et de bonne renommée. Mais un jour, sous l’instigation du diable, Théodora commit l’adultère. À peine venait-elle de pécher que l’aiguillon de sa conscience la fit cruellement souffrir. Elle n’osa pas rentrer chez elle et se rendit dans un couvent voisin, où elle demanda à l’abbesse de faire lire l’Évangile au hasard. En ouvrant l’Évangile, on tomba sur ces paroles : Ce que j’ai écrit, je l’ai écrit (Jn 19, 24). Réalisant que son péché était connu de Dieu et brûlant de faire pénitence au plus vite, Théodora changea ses vêtements, s’habilla en homme et demanda à être reçue comme novice, sous le nom de Théodore, au monastère masculin situé à dix-huit milles d’Alexandrie. L’abbé du monastère, pensant qu’il s’agissait d’un eunuque et constatant son ardeur à embrasser la vie monastique, l’accepta sans tarder et la revêtit du saint Habit angélique. Pendant huit ans, la bienheureuse Théodora fit preuve d’un zèle remarquable dans toutes les œuvres de l’ascèse, accomplissant les tâches les plus viles et passant toutes ses nuits dans les larmes et les prières ardentes, afin que le Seigneur lui pardonne son péché et lui fasse retrouver la grâce de la chasteté. Un jour, comme elle avait été envoyée à Alexandrie pour chercher de l’huile, elle rencontra son époux, qui la recherchait depuis des années. Mais celui-ci ne la reconnut pas, tant les labeurs de l’ascèse avaient transformé son aspect corporel. Cette rencontre fut pour Théodora une occasion pour redoubler ses combats, et elle ne mangea plus qu’une fois par semaine. Élevée ainsi au-dessus des nécessités corporelles et tout adonnée à la prière de repentir, elle acquit une telle faveur auprès de Dieu qu’elle accomplit des miracles. Sa conduite exemplaire suscitait l’admiration de tous, mais faisait trembler de rage le démon, qui voyait sa proie lui échapper. Cet insatiable ennemi du bien ne s’avoua pas vaincu. Ayant suggéré à certains moines jaloux de répandre la rumeur selon laquelle le jeune Théodore était tombé dans la fornication avec une femme d’un village voisin, ces derniers amenèrent même le nourrisson à la porte du monastère. Comme Théodora ne répondait rien à ces accusations, ne voulant pas dévoiler sa véritable identité et estimant que cette épreuve était un châtiment voulu par Dieu, elle fut expulsée du monastère. Prenant l’enfant avec elle, comme s’il était le sien, elle s’installa à proximité dans une petite cabane, où elle vécut dans un dénuement extrême, luttant contre le froid l’hiver, contre la chaleur l’été, et résistant vaillamment aux tentations sans nombre que lui infligèrent les démons. Au bout de sept ans, l’abbé du monastère lui permit de rejoindre la communauté. Mais loin de se reposer de ses labeurs, Théodora intensifia ses veilles, ses jeûnes et ses prières, et elle montrait une obéissance et une patience encore plus grandes qu’auparavant. Elle avait pris avec elle l’enfant, et lui enseignait comment acquérir les vertus évangéliques et la prière perpétuelle. Au bout de quelque temps, ayant exhorté une dernière fois celui qui était, en vérité, devenu son fils selon l’Esprit, elle s’endormit en paix. Au moment de sa mort, l’abbé eut une vision : il vit une femme revêtue de vêtements lumineux, s’élever dans les airs et rejoindre le chœur des Justes et des saints. Tous reconnurent alors en pleurant leur méprise et rendirent gloire à Dieu d’avoir accompli parmi eux une si grande merveille. En effet, pour guérir la passion, Théodora avait non seulement combattu de front les tentations de la chair en vivant secrètement au milieu des hommes, mais, fortifiée par la grâce, elle avait même dépassé ses compagnons par l’ascèse et les labeurs. Bien que revêtue d’un corps, elle avait atteint l’impassibilité et la pureté des anges.
orthodoxie.com

Une source est donnée à cette biographie : le Synaxaire du Père Macaire de Simonos Petras.

Avec ce que nous savons, nous partirons du principe que la légende du travestissement (elle a tout l’air d’en être une, voir Acta Sanctorum, Septembre, III, p. 788-791) est vraie même si elle n’est pas retenue au Martyrologe Romain (selon Rioult, 42 :22). Si elle n’est pas vraie, cela décrédibilise le développement du P. Matthieu, étant un conte populaire, et l’Église n’en tenant de toute façon pas compte.

Parler d’une femme trans ou d’une dysphorie de genre est absolument anachronique dans ce contexte. Théodora ne va pas dans un monastère car elle se considère comme un homme dans une réflexion existentielle. Elle y va en guise de pénitence, prise de remords pour avoir commis un péché grave, l’adultère. Sinon elle n’aurait pas attendu ces remords pour entrer au monastère en se déguisant en homme, et ne se serait pas mariée. On nous objectera sûrement : mais pourquoi s’être spécifiquement travesti en homme jusqu’à devenir le Père Abbé ? Avec le peu que nous avons, nous n’avons pas la réponse, et il est clair que cette raison se trouve dans son acte même de pénitence. Même si ce n’était pas le cas, tout en rappelant que c’est très sûrement une légende populaire, cela ne prouve rien positivement. Il est anachronique d’essayer de trouver des éléments psychologiques de ce genre dans une histoire de cette sorte, dans un contexte entièrement différent. Ce que nous avons dit nous semble bien assez probable pour dire que sainte Théodora n’a rien à voir avec la transidentité. Si le P. Matthieu ou d’autres veulent prouver que c’était au contraire le cas, c’est à eux que reviennent la charge de la preuve. Ce que nous disons sur sainte Théodora vaut pour toutes les autres saintes (ou considérées saintes chez les orthodoxes), avec des histoires similaires (Cf. Saintes Euphrosyne-Smaragde, Pélagie, Athanasie, Anne-Euphimien, Euphrosyne la Jeune, Matrone-Babylas, Suzanne-Jean, Eugénie, Apollinaria-Dorothée, Marie-Marin et Anastasie la patricienne. Cf aussi Callisthène.)

2 – Saint Ælred de Rievaulx

Nous passons à saint Ælred de Rievaulx (le P. Matthieu tient sûrement cette accusation gratuite de Sodoma, éd de poche, p. 315, l’auteur disant la même chose de saint Bernard de Clairvaux, p. 57, et peut-être de quelques associations « catholiques » homosexuelles). Précisons en premier lieu qu’il était moine, et est même devenu Abbé. Il serait totalement déplacé d’affirmer qu’un moine qui a choisi rigoureusement la chasteté (et qui en fait l’éloge dans ses écrits) et surtout qui est considéré comme saint (contrairement à un Julien Green) puisse avoir des amants ou amantes, et encore moins des affinités sexuelles (le P. Matthieu admet cette dernière chose, et heureusement). Mais passons cela.

Mentionnons que saint Ælred était un érudit, il connaissait Cicéron, Platon, Denys l’Aréopagite et saint Augustin. Platon et saint Augustin sont eux assez critiques des actes homosexuels (Saint Augustin dans ses Confessions, Livre III, Chapitre VIII, dont il savait de longs passages par cœur, et la Cité de Dieu, Livre XVI, Chapitre XXX en parlant de Sodome. Platon, rapidement dans le Phèdre et dans les Lois, 636c, bien qu’il transparaisse explicitement de l’homo-érotisme dans des écrits comme le Banquet). Ses ouvrages laissent transparaître qu’il avait une bonne connaissance de la morale et des vices, en parlant régulièrement. Pourquoi en rejeter un (le vice de Sodome), explicitement connu à son époque, en particulier ? Venons-en donc à ses écrits. Comme précisé dans l’Amitié Spirituelle, l’amitié ou « l’amour d’amitié », qui est explicitement spirituelle dans ses écrits, ne se comprend qu’à la lumière du Christ, et dépasse donc ce qu’ont pu penser les païens (comme Cicéron), dans une plus grande perfection, notamment dans la chasteté, et en évitant les vices de la luxure :

[Necesse est ergo mentem, cui nequam hic spiritus insederit, quibusdam furiis agitari, et ignitis luxuriæ stimulis impetitam, al quæque flagitia ebriam et vagabundam, soluto freno totius honestatis, impelli, restinctoque semel conceptæ passionis incendio, in aliud nihilominus æstu vehementiore succendi. Perabsurdum est ergo in hujusmodi voluptate rationalis mentis requiem aucupari; præsertim cum a divina justitia nunquam majorem pœnam in præsenti vita legamus irrogari, quam cum propriis desideriis quilibet traditur maculandus, dicente Scriptura: Et non audivit popumeus vocem meam; et Israel non intendit mihi : et dimisi eos secundum desideria cordis eorum (Psal. LXXX).
Speculum Caritatis, lib. i, cap. xxvi]
Celui qui est agité par l’esprit impur et tourmenté par les ardeurs de la luxure se condamne au vagabondage du cœur. Ivre de plaisirs, il perd toute retenue. Dès qu’un incendie est éteint, un autre se rallume véhément pour un nouvel objet de passion. N’est-ce pas le comble de l’absurdité pour l’esprit de chercher son repos dans ce genre de volupté ? Il n’y a pire châtiment, lisons-nous dans l’Écriture, que d’être condamné par Dieu à se vautrer dans ses passions. « Et mon peuple ne m’a pas écouté, dit le Seigneur, alors je l’ai livré aux désirs de son cœur » (Ps., 80).
Le Miroir de la Charité, I,26

Et à la lumière de la raison :

[Deinde quidquid illud est, cujus se fructu beari posse confingit, sine omni ambiguitate sibi eligit ad fruendum. Quam utique electionem amor facit: nam ea vi sua, sive natura, quam superius amorem diximus, anima rationalis id facit. Habet nempe amor semper comitem rationem, non qua semper rationabiliter amet; sed qua, ea quæ eligit, ab bis quæ reprobat, vivaci circumspectione discernat. Denique rationis est inter Creatorem et creaturam, inter temporalia et ærterna, inter amara et dulcia, inter aspera et delectabilia discernere; amoris autem quod voluerit ad fruendum eligere. Porro et ipsa electio amor dicitur, et est quidam actus animæ; sed, cum amor ipse quo eligit, semper bonum sit, hæc tamen electio, quæ et amor nihilominus appellatur, necesse est ut bona vel mala sit, ac per hoc bonus vel malus amor sit. Nam si experientia cujuslibet delectationis illecta, vel certe quolibet errore decepta mens, ea quibus minime fruendum est eligat ad fruendum, profecto infeliciter amat. Frui autem dicimus, cum delectatione et gaudio uti.
Speculum Caritatis, lib. iii, cap. viii]
Mais quel que soit l’objet dans lequel on croit trouver le bonheur, on n’hésite pas à le choisir et on veut le posséder. C’est l’amour en tant que faculté d’aimer qui détermine ce choix. C’est une décision de l’âme raisonnable. L’amour s’accompagne toujours de raison, non que tout amour soit raisonnable, mais parce que pour choisir un objet ou en repousser un autre, la raison en fait un rapide examen. C’est donc à la raison de discerner Créateur et créatures, temps et éternité, choses amères et douces, âpres ou agréables, et c’est à l’amour de choisir ce dont il veut jouir. Le choix est donc déjà de l’amour. Comme acte de l’âme, cet amour est toujours chose bonne ; mais l’objet du choix étant nécessairement bon ou mauvais, il rend l’amour bon ou mauvais. Si donc l’esprit, entraîné par l’expérience d’un plaisir ou trompé par l’erreur, choisit des objets dont il est mal de jouir, il aime pour son malheur. Nous appelons jouir le fait de posséder quelque chose avec plaisir et dans la joie. (M. C., III, 8)

Attardons-nous maintenant sur ce que cite le P. Matthieu, au chapitre 34 du livre 1 du Miroir de la Charité. C’est un chapitre vraiment magnifique, qui illustre à merveille l’amitié spirituelle telle que développée par saint Ælred, une réelle admiration, une réelle affection allant jusqu’aux larmes, et nous vous invitons à le lire. Voici le passage précis que cite le P. Matthieu (109) :

[Ecce quid perdidi: ecce quid amisi. Quo abisti, o exemplar vitæ meæ, compositio morum meorum ? Quo abisti, quo recessisti ? Quid faciam? Quo me vertam ? Quem mihi jam sequendum proponam? Quomodo avulsus es ab amplexibus meis, subtractus oculis meis? Amplexabar te, dilecte frater; non carne, sed corde. Osculabar te, non oris attactu, sed mentis affectu. Dilexi te, qui me ab ipso initio conversionis meæ in amicitiam suscepisti, qui te mihi præ cæteris familiarem exhibuisti, qui in ipsis visceribus animæ tuæ me Hugoni associasti. Tanta enim tibi erat circa utrosque dilectio, tam similis affectio, tam una devotio, ut, sicut mihi videor ex verbis tuis collegisse, neutrum alteri tuus præferret affectus, quamvis ejus sanctitatem mihi omnino præferendam certa ratio judicaret.
Speculum Caritatis, lib. i, cap. xxxiv]
Voilà ce que j’ai perdu, voilà ce qui m’a été enlevé ! Où t’en es-tu allé, ô modèle de ma vie, harmonisation de mes habitudes de vie ? Où t’en es-tu allé ? Où es-tu parti ? Que vais-je faire ? Vers qui vais-je me tourner ? Qui vais-je suivre ? Comment as-tu été arraché à mes embrassements, soustrait à mes baisers, dérobé à mes regards ? Car je t’étreignais, frère bien-aimé, non de corps mais de cœur. Je t’embrassais non par contact des lèvres mais affection de l’âme. Je t’ai aimé, toi qui me pris en amitié dès le début de ma conversion, qui te montras plus familier avec moi qu’avec d’autres, qui m’associas à ton Hugues au plus intime de ton âme. Tu nous chérissais tous deux si fort, tu avais pour nous une si semblable affection, un si égal dévouement que, d’après ce que j’ai conclu de tes paroles, l’élan affectif en toi ne se portait pas plus vers l‘un que vers l’autre bien que, au jugement de la saine raison, tu aurais dû te porter davantage vers lui à cause de sa sainteté.

Deux constats : les embrassements et les baisers n’étaient pas physiques et corporels comme le laisse faussement entendre le P. Matthieu, mais spirituels, de cœur et par l’affection de l’âme (comme en 112), pour signifier la forte amitié. C’est d’ailleurs tout à fait cohérent avec ce qu’il dit sur le baiser spirituel dans l’Amitié Spirituelle (livre 2) :

[Est igitur osculum corporale, osculum spiritale, osculum intellectuale. Osculum corporale impressione fit labiorum; osculum spiritale conjunctione animorum; osculum intellectuale per Dei spiritum, infusione gratiarum. Osculum proinde corporale non nisi certis et honestis causis aut offerendum est, aut recipiendum: verbi gratia in signum reconciliationis, quando fiunt amici, qui prius fuerant inimici adinvicem. In signum pacis, sicut communicaturi in Ecclesia, interiorem pacem exteriori osculo demonstrant. In signum dilectionis, sicut inter sponsum et sponsam fieri permittitur; vel sicut ab amicis, post diuturnam absentiam, et porrigitur et suscipitur. In signum catholicæ unitatis, sicut fit cum hospes suscipitur. Sed sicut plerique aqua, igni, ferro, cibo et aere, quæ naturaliter bona sunt, in sua crudelitatis vel voluptatis satellitium abutuntur; ita perversi et turpes, etiam hoc bono, quod ad ea significanda quæ diximus, lex naturalis instituit, sua quodammodo flagitia condire nituntur : ipsum osculum turpitudine tanta foedantes, ut sic osculari nil sit aliud quam adulterari. Quod quam sit detestandum, quam abominandum, quam fugiendum, quam aversandum, quilibet honestus intelligit. Porro osculum spiritale proprie amicorum est, qui sub una amicitiæ lege tenentur: non enim fit oris attactu, sed mentis affectu : non conjunctione labiorum, sed commistione spirituum, castificante omnia Dei spiritu, et ex sui participatione cœlestem immittente saporem. Hoc osculum dixerim Christi, quod ipse tamen porrigit non ore proprio sed alieno; illum sacratissimum amantibus inspirans affectum, ut illis videatur quasi unam animam in diversis esse corporibus; dicantque cum Propheta: Ecce quam bonum et quam jucundum, habitare fratres in unum (Psal. cxxxii). Huic ergo osculo assuefacta mens, et a Christo totam hanc dulcedinem adesse non ambigens, quasi secum reputans et dicens: O si ipsemet accessisset; ad illud intellectuale suspirat, et cum maximo desiderio clamans: Osculetur me, dicit, osculo oris sui (Cant. i); ut jam terrenis affectibus mitigatis, et omnibus, quæ de mundo sunt, cogitationibus desideriisque sopitis, in solius Christi delectetur osculo, et quiescat amplexu, exsultans et dicens : Lœva ejus sub capite meo, et dextera illius amplexabitur me (Cant. ii).
De spirituali amicitia, lib. ii]
On distingue le baiser naturel, le baiser spirituel et le baiser intellectuel. [Le baiser naturel se fait pas la pression des lèvres]. Le baiser naturel ne doit être donné ou reçu que pour des raisons sérieuses et honnêtes : en signe de réconciliation, quand deviennent amis ceux qui étaient hostiles l’un à l’autre ; en signe de paix, ainsi qu’on le donne dans l’Église pour démontrer la paix intérieure par un baiser extérieur ; en signe d’amour ainsi qu’il est permis entre époux, entre amis après une longue absence ; en signe d’unité catholique quand on reçoit un hôte. Mais comme l’eau, le feu, le fer, la nourriture et l’air qui sont choses bonnes en elles-mêmes, sont abusées par l’effet de la cruauté ou de la volupté, ainsi les pervers et les malhonnêtes cherchent à user comme condiment de leurs vices de ce bien que la loi naturelle a institué pour signifier ce que nous avons dit, au point qu’un baiser n’est rien d’autre qu’un adultère. Ce que tout homme honnête juge détestable, abominable, doit fuir et combattre. Tandis que le baiser spirituel est le propre des amis tenus sous la loi d’une amitié, elle n’est pas l’union des lèvres, mais l’union des esprits. L’esprit de Dieu rendant toutes choses plus chastes, et mêlant la saveur céleste à sa participation. J’appellerai très justement ce baiser, le baiser du Christ, qui se manifeste non par lui-même mais par un autre, inspirant à ceux qui l’aiment cette affection très sainte, afin qu’ils paraissent une âme en plusieurs corps et disent comme le prophète : O ! qu’il est doux, qu’il est heureux pour des frères d’habiter ensemble. (Ps. 132. I.) L’esprit s’étant habitué à ce baiser et n’hésitant pas à ramener au Christ la douceur, se disant et répétant : O si j’y parvenais ! et soupirant à ce baiser intellectuel l’appelant d’un grand désir : « Il m’a baisé du baiser de sa bouche ». De sorte que les affections terrestres s’effaçant, et toutes les pensées et les désirs du monde disparaissant, il ne se délecte plus qu’en le baiser du seul Christ, et repose dans ses bras, exultant et disant : « Sa gauche est sous ma tête, et de la droite il m’embrasse. » (Cant. Des Cant.. II, 6)

Saint Ælred parle d’ailleurs de l’amour entre le Christ et Simon d’une manière également très appuyée, sans que personne n’ose qualifier de gay la relation au Christ, dans le même chapitre du Miroir de la Charité (100) [en fait : livre I, chap. 34]:

[(…) ; qui instar primi illius patriarchæ egressus de terra tua, et de cognatione tua, et de domo patris tui (Gen. xii), ibas qua ignorabas, veniebas quo nesciebas. Sed sciebat ille, qui te ducebat, qui tenerum adhuc cor tuum flamma suæ dilectionis succenderat, et tu in olorem unguentorum illius currebas. Præcessit te ille speciosus forma præ filiis hominum, ille unctus oleo lætitiæ præ consortibus suis (Psal. xliv), unctus spiritu sapientiæ et intellectus, spiritu consilii et fortitudinis, spiritu scientiæ et pietatis (Isai. xxi); et tu in odorem unguentorum istorum currebas (Cant. i). (...) Fugiebat pius puer a facie patris sui, sed magis ad faciem patris sui. Voluit quidem oblivisci populum suum, et domium patris sui, ut concupisceret Res, Regis filius, decorem suum, et essent duo in spiritu uno, quatenus ejus fieret pater per gratiam, qui illius est per naturam.
Speculum Caritatis, lib. i, cap. xxxiv]
Comme le premier des patriarches, tu es sorti de ton pays, de ta parenté, de la maison de ton père ; tu as marché par des chemins inconnus, tu es venu vers un lieu que tu ignorais. Mais il les connaissait celui qui te conduisait et qui avait embrasé ton cœur encore tendre de la flamme de son amour ; et toi, tu courais à l’odeur de ses parfums. Il t’a précédé, lui le plus beau des enfants des hommes, lui qui a été oint d’une huile d’allégresse de préférence à ses compagnons, oint de l’esprit de sagesse et d’intelligence, de l’esprit de conseil et de force, de l’esprit de science et de piété ; et toi, tu courais à l’odeur de ces parfums-là. […] Le pieux enfant fuyait de devant la face de son père, mais c’était bien davantage pour s’enfuir vers celle de son Père. Il voulait oublier son peuple et la maison de son père afin que le Roi, le Fils du Roi, s’éprenne de sa beauté et qu’ils soient deux en un seul esprit au point que Celui qui est par nature le Père du Roi devienne par grâce son Père à lui.

Le deuxième constat est que Ælred parle d’une tierce personne, Hugues, que Simon aimait autant que lui. Comment peut-on considérer une relation d’amants dans ces conditions ? À moins qu’on ose considérer qu’il y ait une homophilie libre et généralisée du monastère, ce qui serait inadmissible. Il est bien plus cohérent de considérer une amitié spirituelle forte entre ces trois hommes, telle qu’elle a été décrite plus haut…

Citons encore un passage du même chapitre (104) [en fait : livre I, chap. 34]:

[Flevit patriarcha Jacob filium suum (Gen. xxxvii): flevit Joseph patrem suum (Gen. l): flevit sanctus David Jonathan charissimum suum (ii Reg. i). Omnia hæc mihi unus Simon fuit. Filius ætate, pater sanctitate, amicus charitate. Plora ergo, miser, charissimum patrem tuum, plora amantissimum filium tuum, plora dulcissimum amicum luum. (...) Pater mi, frater mi, fili mi, quis mihi det, ut -ego moriar tecum?
Speculum Caritatis, lib. i, cap. xxxiv]
Le patriarche Jacob a pleuré son fils, Joseph a pleuré son père, saint David a pleuré son très cher Jonathan. Tout cela, Simon à lui seul l’a été pour moi : un fils par l’âge, un père par la sainteté, un ami par la charité. Pleure donc, malheureux, pleure ton père très cher, pleure ton fils très aimant, pleure ton très doux ami. […] Mon père, mon frère, mon fils, qui me donnera de mourir avec toi ?

Il compare ici son amour pour Simon à celui d’un père pour son fils et d’un fils pour son père, en citant Joseph et Jacob (Rachel un peu plus loin en 105). Il semble difficile après ces comparaisons de suggérer une relation d’amants. David et Jonathan étant cités avec ces patriarches, ce n’est pas un argument pour suggérer une telle possibilité.

Quant il demande comment il pourra vivre sans Simon (par exemple en 98), tout cela s’explique de manière cohérente par la forte union des âmes que ce chapitre développe. Cela se rapproche de citations de saint Bernard mais surtout de saint Augustin, qui avait aussi une forte affection pour son ami et a eu du mal à supporter sa mort. Il raconte ses grands troubles dans ses Confessions (au livre IV), que saint Ælred connaissait bien. Et pourtant personne ne dira que saint Augustin était homosexuel, il a d’ailleurs eu une concubine qu’il aimait avec qui il a eu un fils avant son baptême en plus d’avoir explicitement considéré comme péché (voir plus haut) les actes contre-nature.

Ce que nous avons dit sur saint Ælred suffit. Le P. Matthieu a donc entièrement tort d’affirmer que ce saint disait ouvertement qu’il était gay, nous l’avons démontrés.

À la limite peut-on (si l’on veut forcer le trait, malgré ce que nous avons dit) douter d’une attirance homosexuelle, qui expliquerait tant d’affections pour Simon. Il est impossible de le prouver et ses écrits ne revendiquent absolument rien d’explicite, même les passages exprimant le plus d’affection (ou alors qu’on nous le démontre). L’Église ne l’a évidemment pas reconnu saint pour ça, mais pour sa vie exemplaire et ses écrits développant d’une manière grandiose l’amitié chrétienne et la grandeur de la charité. Utiliser ce saint en illustration est donc complètement hors-sujet dans la vidéo du P. Matthieu.

Ici n’est pas le lieu pour répondre à certains propos de John Boswell sur saint Ælred.

Concluons cette partie en affirmant que ni sainte Théodora, ni saint Ælred n’avaient de mœurs contre-nature, et que le P. Matthieu tourne idéologiquement à sa façon ces deux personnalités pour appuyer son propos.


IV – L’Homosexualité dans l’Église : Sodoma

Nous prenons le temps de faire cette partie sur le livre de Frédéric Martel, le P. Matthieu l’ayant proposé à la lecture dans la courte bibliographie à la fin de sa vidéo. Nous l’avons cité quelques fois au cours de cette étude. En le lisant, nous avons compris qu’il était majeur pour arriver à des positions telles que celles du P. Matthieu, et très dangereux pour les catholiques. Si nous n’en parlons pas, nous savons pertinemment d’avance qu’il sera sur sa faim. Ici n’est pas le débat pour savoir s’il est fiable. Le livre précise dans ses Sources que l’enquête s’est déroulée pendant quatre années en 1500 entretiens (parmi lesquels 41 cardinaux et 200 Prêtres catholiques et séminaristes) dans une trentaine de pays, et que l’auteur a même pu loger plusieurs fois à l’intérieur du Vatican. Un document de 300 pages avec l’ensemble des sources est disponible en ligne. L’auteur a répondu à de nombreuses objections (Fiertés et préjugés : la révolution gay, p. 889-920). Néanmoins ça ne veut pas dire que le livre ne peut être soumis aux critiques, et je pense que chaque chapitre peut être discuté sur plusieurs points (et il y a déjà eu de très bonnes critiques). Ce que nous étudierons ici, c’est la pertinence de proposer ce livre au grand public, et exposer ce que le P. Matthieu a lu et ose conseiller à ses abonnés (nous utilisons l’édition de poche comme référence).

1 – Décryptage du livre

La thèse de ce livre est que le Vatican serait composé d’une grande majorité d’homosexuels parmi ses cardinaux, prélats, nonces et Prêtres. Non seulement ils sont homosexuels mais vivraient pour une grande part une double vie cachée, de nombreux cardinaux ayant des escorts et les ramenant sans vergogne au Vatican, les nonces voyageant pour la prostitution. Ceux qui condamneraient l’homosexualité seraient même les homosexuels les plus pratiquants, étant donc entièrement hypocrites et décrédibilisant l’enseignement moral de l’Église à ce sujet. Cette homosexualité cachée et non assumée serait même la matrice d’énormément de scandales dans l’Église, de liens avec les dictatures d’extrême droite en passant par Vatileaks jusqu’aux plus grands scandales d’abus sexuels dans l’Église. Les solutions seraient donc pour l’auteur d’abolir le célibat des Prêtres qui ne fait que créer des séminaires d’homosexuels refoulés depuis au moins 80 ans, et de virer tout l’enseignement moral ancien et rigide de l’Église pour évoluer, une ligne que représenterait le Pape François en opposition à son prédécesseur Benoît XVI alias le cardinal Ratzinger. Bref, l’institution qui se vante de prêcher la vérité, serait en fait l’institution la plus mensongère qui existe…

On trouve d’ailleurs mentionnés saint Ælred et Römer sur l’homosexualité biblique, sources communes au P. Jasseron.

Les accusations sont vraiment très graves. Ce livre ne propose pas que la supposée « réalité de l’homosexualité dans le clergé » dont parle le P. Matthieu. Il dénonce une hypocrisie ambiante de l’Église partout dans le monde et surtout au Vatican, une Église enseignant des préceptes mais accomplissant entièrement l’inverse, une église pleine de corruption, de cardinaux très influents ayant soif de pouvoir et de sexe, de très nombreux Prêtres menant une double vie et étant malheureux ou en révolte contre l’Église. Les Papes même auraient cachées ou auraient laissés de côté des affaires d’abus alors qu’elles étaient de mieux en mieux confirmées. Un simple catholique non averti lisant ces choses a de quoi perdre la foi (ce n’est pas une question de cacher la vérité, mais tous les fidèles n’ont pas besoin, à cause de leur vie spirituelle et pour ne pas faire scandale à son frère pour qui le Christ est mort, cf. 1 Co 8, 11, d’être informés de toutes les casseroles de l’Église, si elles sont bien réelles) ! Que faire d’une Église qui est complètement dépendante de l’homosexualité de ses rangs ? Quelle est la légitimité de l’Église si ses pasteurs ont été pendant des décennies voir des siècles des hypocrites conservateurs, et si elle est obligée d’écouter des journalistes pour se remettre sur le droit chemin ? Les promesses du Christ ont-elles été suspendues pendant ce millénaire où le célibat a été imposé à tout l’Occident ? Et même si le Pape François permet à l’Église de se renouveler, quelle est la force de son autorité, si elle est obligée de se repenser en suivant la mode des contingences des temps, et la pression toute humaine des sociétés ? L’une des principales choses que nous nous sommes dites en lisant ce livre est : le P. Matthieu est absolument inconscient de proposer cette lecture à ses abonnées…

De plus, ce livre, même s’il essaie d’apporter de la nuance à plusieurs endroits, crée une binarité idéologique effrayante dans l’Église. Les pontificats hypocrites et homophobes, censurant les théologiens et utilisant dans la société leur influence pour un ultra-conservatisme, anticommunistes et anti-théologie de la libération sous Jean-Paul II et Benoît XVI opposés au pontificat de François de la miséricorde, intransigeant avec les anciens cardinaux hypocrites, faisant évoluer la pastorale et laissant faire les Évêques et Prêtres gay-friendly, pro-théologie de la Libération. Ainsi François, même s’il est loin d’être parfait, serait le début d’une espérance pour une église qui évolue et qui accepte pleinement les divorcés remariés, les femmes ordonnées, l’usage du préservatif et évidemment les homosexuels. Tout catholique devrait se révolter devant de tels propos, devant une telle thèse de rupture (ayant montrés rapidement dans la première partie de notre étude que François ne voulait pas rompre avec la doctrine morale de l’Église). Alors même que François a énormément de respect pour ses prédécesseurs jusqu’à saint Paul VI et même saint Jean XXIII. Alors que même le P. Matthieu a déjà cité avec respect et bienveillance dans ses vidéos YouTube et Tik Tok Benoît XVI, et que saint Jean-Paul II est considéré comme une grande figure paternelle du catholicisme de la seconde moitié du XXe siècle. Il y là encore de quoi entièrement déstabiliser et perdre les catholiques non-avertis, qui voient l’Église avant 2013 tragique et diabolisée.

2 – Comment considérer le Pape François

Ce qu’il faut, c’est ne pas considérer la rupture mais la continuité. François milite pour une théologie de la libération spécifique, non communiste ou militante et réactionnaire, mais une Église des pauvres et des périphéries. Il ne fait que reprendre l’Évangile et ne contredit en rien ses prédécesseurs. Depuis des siècles l’Église s’occupe des plus pauvres c’est au cœur même de l’Évangile mais François en a fait un point central de son pontificat. Il ne veut pas faire évoluer la doctrine morale, il reste fidèle au Catéchisme, et s’il le fait dans de rares cas (comme pour la peine de mort) c’est dans la pleine continuité du Magistère selon les critères de saint Vincent de Lérins dans le Commonitorium, chapitre 23 (voir plus haut). Ce qu’il veut, c’est une pastorale des cas concrets, il suffit de lire Amoris Laetitia pour se rendre compte que sa casuistique présuppose l’enseignement moral intègre de l’Église. François a pu, en Argentine ou au Vatican, avoir certaines positions plus ou moins floues sur les unions civiles. En tout cas il s’est toujours montré défavorable au mariage, et ce livre le confirme. Même s’il a pu s’afficher, pour diverses raisons, avec des personnes aux « mœurs désordonnées », il ne faut pas en déduire qu’il les approuve ou cherche à changer la morale de l’Église, ce serait une fausse interprétation. Il ne faut pas oublier qu’il est une personnalité publique et politique à côté de sa fonction d’Évêque de Rome, il ne peut pas agir parfaitement dans les moindres détails, et doit trouver des compromis dans certaines situations (que ferions-nous à sa place, avec toute une pression médiatique derrière, tous les jours ?). Quant au fait que le Pape approuverait le préservatif ou une réforme de Humanae Vitae (cf. p. 574), nous vous renvoyons à Yves Chiron, Françoisphobie, p. 205-210. Le Pape n’est pas là pour tout réformer, mais faire avancer l’Église dans sa propre identité, c’est-à-dire l’Évangile et la miséricorde. Il a simplement sa propre façon de faire, on pourrait dire, jésuite (comme tous les Papes ont eu leur propre façon de faire et leurs propres idéaux).

(Nous vous renvoyons plus particulièrement sur ce sujet à l’article d’Archidiacre : « 41 calomnies honteuses contre le Pape François », à la 27e calomnie : « Il aurait approuvé les actes homosexuels », notamment concernant la récente Conférence de Presse au cours du vol de retour du Voyage Apostolique au Soudan du Sud du 5 février 2023)

3 – Décryptage de l’auteur

Parlons un peu de l’auteur. Passant à côté de ses intentions nous le citerons (p. 951) :

Mes évangiles s’appellent désormais Hamlet et Angels in America, et je n’ai pas peur d’écrire que le Don Juan de Molière compte plus pour moi que l’Évangile selon saint Jean. Je donnerais même la Bible tout entière en échange de Shakespeare et, pour moi, une seule page de Rimbaud vaut plus que toute l’œuvre de Joseph Ratzinger ! Et d’ailleurs, je n’ai jamais placé aucune bible dans le tiroir de ma table de nuit mais Une saison en enfer, dans l’édition de la Pléiade qui, avec son papier bible, ressemble à un missel.

Et dans Fiertés et préjugés (p. 918) :

 L’institution catholique qui est, intrinsèquement, une organisation du mensonge a besoin de beaucoup de vaticanistes pour servir sa propagande.

Il dit même que les propos de l’Ancien Testament, Parole de Dieu, sont anachroniques, périmés, archaïques, indéfendables, des sornettes (p. 351-352), et que les Papes ont menti sur l’homosexualité dans la Bible (p. 353). Que la Congrégation pour la Doctrine de la Foi est homophobe et schizophrène. Que les habits de Benoît XVI sont ridicules (p. 771-776). En prenant compte que les témoignages rapportés peuvent être utiles et même s’il dit n’être pas anticlérical, conseiller publiquement le livre d’un auteur qui tient de tels propos n’est pas acceptable pour un Prêtre, et encore moins prendre son avis ou ses déductions orientées comme autorité, ou comme pouvant forger un avis éclairé sur le sujet (si le Pape François a vraiment lu ce livre et l’a trouvé bon selon la source pour ne pas dire rumeur anonyme de Crux, ça ne change rien, c’est sûrement à cause des faits qu’il expose).

Le livre dit d’ailleurs que l’Église a sous Benoît XVI et saint Jean-Paul II souvent condamnée la pratique homosexuelle, et que c’est aussi dans le Catéchisme. Or, le P. Matthieu dit que ce n’est nulle part présent dans la tradition de l’Église et dans le Catéchisme, alors que c’est explicitement faux comme nous l’avons déjà largement démontré. En lisant ce livre il a forcément été au courant de l’existence de Persona humana et Homosexualitatis problema, que nous avons plusieurs fois cités dans cette étude, et que Frédéric Martel critique beaucoup, raillant la doctrine morale de l’Église tout au long de son ouvrage. Le P. Matthieu a forcément été influencé par les avis de Frédéric Martel, qui nous l’avons vu ne prend absolument pas au sérieux la doctrine et donc l’autorité morale de l’Église (alors qu’elle a bel et bien autorité sur les mœurs, Lumen Gentium, n. 25 et Veritatis Splendor).

Il pense que son interprétation morale de la Bible est au-dessus de l’Église, qui ne saurait pas reconnaître la soi-disant « évidence » de l’homosexualité de David et Jonathan, de Jésus et du disciple qu’il aimait ainsi que du centurion et de son serviteur (p. 486-487). Il essaie de conclure ses recherches sur l’homophilie de Benoît XVI en mentionnant un supposé et ridicule lapsus, comme si c’était décisif (p. 804-805). Mais ne nous attardons pas plus sur le propos du livre.

4 – Comment réagir dans une Église en crise

La vraie question qui se pose c’est : comment réagir si les accusations sont bel et bien fondées ? Nous pouvons nous référer au docteur de l’Église saint Pierre Damien, témoin de la corruption de l’Église en son temps (notamment au niveau de l’homosexualité), et qui a écrit son Liber Gomorrhianus que nous avons déjà mentionné et que Frédéric Martel cite rapidement (p. 431-432). La ressemblance des mœurs est frappante avec ce qui est décrit dans Sodoma. Et pourtant, Pierre Damien n’a pas cherché à remettre en question la loi morale, mais a plutôt cherché à la confirmer, en demandant des mesures sérieuses et strictes concernant le clergé. Même si l’on part de loin, même si réellement l’hypocrisie a pu s’installer dans les plus hauts rangs de l’Église (comme ça a pu en effet arriver quelques fois au Moyen-Age et à la Renaissance, même chez les Papes) il faut lutter pour réformer toujours plus l’Église avec rigueur vers plus de vérité et de perfection, en tant qu’elle reste fidèle à elle-même. Mais il ne faut pas chercher des solutions dans le monde, dans la pression sociale, en acceptant le péché ou les contingences du monde moderne pour qui le célibat des Prêtres ou l’acte sexuel à fin nécessairement procréative est un scandale. Car la croix aussi est scandale pour les juifs et folie pour les païens (cf. 1 Co 1,23). Même si le livre de Martel témoigne de la « réalité de l’homosexualité dans le clergé », c’est d’autant plus une raison de lutter pour que la vérité et les bonnes mœurs gagnent ce combat, et inviter à ne pas désespérer, en priorité les personnes homosexuelles que l’on doit accueillir et exhorter avec espérance. Ce qui est arrivé est arrivé, c’est aujourd’hui que l’Église doit briller parmi les nations, et annoncer la morale, la loi naturelle, sans hypocrisie et double vie, car nous sommes le Corps du Christ. Nous pouvons maintenant conclure notre étude.


V – Conclusion

Que dire de la vidéo du P. Matthieu ? Elle est gravement maladroite et malhonnête, fausse sur la grande majorité de ses points que ce soit dans la Tradition, le Magistère, la Bible ou la vie des Saints, je pense que nous l’avons suffisamment démontré. Si nous avons pris le temps de faire ce travail, c’est pour rétablir la vérité sur la question de l’homosexualité dans l’Église. Sans réponse vraiment pertinente et détaillée, beaucoup pourraient croire que ce que dit le P. Matthieu est définitif avec les arguments qu’il a apporté sur Tik Tok et YouTube, or c’est absolument faux.

[perematthieu
matthieu† 2021-8-25
Répondre à @jnr933 😘🙏🏼🕊 #gay #péché❓sur <https://www.tiktok.com/@perematthieu/video/7000377014310014213>
jnr933 : « J’espère que le conseil national des prêtres verra votre vidéo et vous retirera votre fonction de prêtre ! »
« Des gens qui souhaitent que je me fasse virer parce que je dis que l’homosexualité n’est pas un péché, il semble y en avoir un paquet. Par contre des gens qui sont capables de m’apporter des arguments rationnels pour me démontrer que ce que j’ai dit est faux et, pourquoi pas même, me démontrer que, dans la Bible ou le Catéchisme de l’Église, c’est bien montré que l’homosexualité est un péché, ça, j’en ai pas trouvé. Alors, à tous les homophobes refoulés qui se cachent derrière la religion, laissez-moi vous dire cette phrase du Pape François :  « Si une personne gay cherche Dieu et fait preuve de bonne volonté, qui suis-je pour la juger ? » A priori, si on était face à un péché aussi caractérisé, comment le Pape, le représentant de l’Église, pourrait tenir de tels propos ? Ou encore pour ceux qui douteraient de mon honnêteté en matière d’interprétation biblique, écoutez donc ce qu’en dit le président de l’Association des Théologiens pour les Questions Morales, le P. Alain Thomasset : « Si plusieurs textes bibliques condamnent l’homosexualité, ils restent néanmoins difficiles à interpréter, étant donné le contexte culturel. » Et un soupçon plus loin, il continue en disant : « Le bien, vécu dans une union stable pour certains “homosexuels” ne mérite-t-il pas d’être reconnu ? » Truc de ouf ou quoi ?! Le patron des théologiens sur cette question qui dit qu’il faut s’interroger. Certains diront, boh !, c’est de la théologie, et tout… Mais moi, j’ai une question pour tous ceux qui disent que « bon, être homosexuel, c’est pas bien grave, le vrai péché, c’est de pratiquer l’acte homosexuel... » Moi, j’aimerais savoir : à partir de quand commence l’acte homosexuel ? [Avec un ton et des manières exagérément efféminés] À partir du moment où on se tient la main, où on se fait un p’tit bisou, où on se caresse… les parties génitales, peut-être…, ou qu’on a un rapport bucco-génital, ou plus !? Parce que, je suis désolé si je vais de nouveau casser un mythe, les amis, mais la sod...bip !, c’est un fantasme d’hétéro. Ce n’est une pratique partagée que par une minorité de couples homosexuels hommes. Et donc, j’ai une question à vous, chers amis qui condamnez l’homosexualité. Est-ce que, lorsque vous rencontrez des amis à vous, qui sont peut-être engagés dans l’Église locale, qui cherchent à avoir une vie sainte, mais qui s’aiment alors qu’ils sont de même sexe, qui vivent sous le même toit et qui font sûrement pas que de se tenir la main de temps en temps, est-ce que vous leur posez des questions sur leur vie sexuelle, pour pouvoir leur montrer à partir de quand est-ce que ce qu’ils font, ça devient une « abomination » ?! Et pour ceux qui voudraient réorienter la question sur l’acte sexuel avant le mariage, et bien, moi, je voudrais demander honnêtement à tous les couples hétérosexuels mariés : combien d’entre eux ont respecté ? À aucun moment, Jésus ne parle de près ou de loin de la question de l’homosexualité. Ça en dit sûrement long sur l’intérêt que notre religion devrait porter à la question. Est-ce que l’essentiel de son message, au fond, c’était pas tant de condamner, mais d’aimer l’autre tel qu’il est, et sans toujours vouloir chercher à le changer. »]

Nous n’avons aucune haine contre le P. Matthieu. Nous l’invitons d’ailleurs au dialogue, en toute honnêteté et dans la charité filiale (pour répondre par exemple à des objections qu’il a encore en tête). Mais nous demandons qu’il revienne publiquement sur ses affirmations sur l’homosexualité, c’est son devoir envers la vérité et envers l’Église. Son influence égare en effet beaucoup de gens, et nous savons que notre travail sera vraiment insuffisant, car la majorité préférera toujours des propos agréables et dans leur sens. Mais si nous arrivons à faire remettre en question plusieurs âmes de bonne volonté, nous serons contents. Nous nous excusons si vous n’y avez pas trouvé assez de références scripturaires…

Ce travail est une réfutation, nous avons souvent utilisé des arguments d’autorité de l’Église, justifier démonstrativement son autorité morale est une autre histoire. Nous vous invitons à lire l’encyclique Veritatis Splendor en entier pour comprendre les enjeux derrière la morale catholique. Si nous n’avons pas approfondi d’autres sujets en lien avec l’homosexualité, c’est aussi car nous ne pouvions pas tout dire. Nous n’avons pas non plus étudié de bout en bout le rapport du Pape François à la morale, ni toutes les questions de morale sexuelle. Ni toutes les erreurs qu’a pu malencontreusement dire le P. Matthieu en général sur YouTube et Tik Tok.

Ce n’était pas non plus le lieu d’étudier tous les arguments militants des catholiques L.G.B.T. ou les théologiens qui ont parlés de l’homosexualité (et il y en a beaucoup, surtout par les temps qui courent), notamment ceux qui la soutiennent dans l’Église comme Adriano Oliva (nous avons discuté de sa thèse avec un théologien en concluant qu’elle avait pas mal de failles) ou d’autres. Il est impossible de réfuter toutes les erreurs existantes une par une. Néanmoins ce que nous avons dit peut être une bonne entrée pour leur répondre spécifiquement, mais cela dépasse encore le cadre de notre étude (en espérant que le P. Matthieu n’ira pas frontalement y puiser encore et encore pour trouver des arguments contournant la doctrine de l’Église). Nous n’avons pas non plus parlé de l’ouvrage Christianisme, tolérance sociale et homosexualité, Les homosexuels en Europe occidentale des débuts de l’ère chrétienne au XIVe siècle de John Boswell, qui semble au niveau historique assez important également.

Nous n’avons pas non plus parlé des situations concrètes des personnes homosexuelles, des témoignages de plusieurs d’entre eux en souffrance, que nous écoutons volontiers avec grande charité (tout en n’acceptant pas, en vérité, les attentes de progrès sur la morale et le militantisme de plusieurs). Des auteurs comme Joël Pralong s’y connaissent certainement très bien, malgré leurs écarts du magistère. Reconnaître le péché n’est évidemment pas condamner la personne et il faut blâmer les personnes rejetant ou harcelant les homosexuels (ainsi que les communautés ecclésiales). Mais c’est sûrement d’ailleurs à cause de ces témoignages, de tous ces messages d’amour, d’espérance et de soutien que le P. Matthieu a reçus qu’il s’est embourbé dans cette voie, et même si c’est compréhensible, il aurait du agir avec prudence plutôt que d’utiliser sa popularité comme bouclier pour ses erreurs, et se faire pasteur en vérité de ces âmes…

Nous n’en voulons pas au P. Matthieu malgré quelques propos un peu secs que nous avons pu prononcer au cours de cette étude, néanmoins nous le répétons avec charité, nous demandons qu’il ouvre les yeux et qu’il retire publiquement ce qu’il a dit. Nous sommes ouverts au dialogue autant qu’il le faudra. Et bien sûr nous ne soutenons pas toutes les vagues de haine qu’il a subi, même s’il a pu provoquer. Il s’était excusé dans un Tik Tok déjà pour certains propos déplacés. Nous croyons réellement qu’il peut être sincère.

Le P. Matthieu est Prêtre, celui qui écrit ces lignes jeune étudiant en théologie de 18 ans. Il est bien plus âgé que nous, il connaît les situations concrètes des gens de sa paroisse, il sait par son expérience la vie des personnes, même homosexuelles. C’est une grande grâce pour les pasteurs, néanmoins cela ne change rien à leur respect dû à la doctrine morale de l’Église. Qu’il use donc de charité, comme le Pape François le fait, mais en la basant sur la vérité, pour aider ces personnes dans leurs situations concrètes, tout en discernant le péché (pour le coup, les actes homosexuels) et en leur faisant répondre à la volonté de Dieu, peut-être par une amitié désintéressée. Qu’il use de cette même charité sur les réseaux sociaux, en commençant par s’excuser pour ses propos.

Un dernier argument qu’il pourra utiliser contre nous, est le fait qu’il se dise soutenu par sa hiérarchie (ce qu’il a fait dans un Tik Tok par exemple). Admettons, car il a en effet beaucoup de contacts, bien que la Conférence des Évêques de France ait clairement dit sur Twitter qu’elle désapprouvait certaines de ses vidéos qui dénaturaient le message de l’Église.

[perematthieu
matthieu† 2022-10-17
sur <https://www.tiktok.com/@perematthieu/video/7155540361736228102>
« Combien de temps encore avant qu’on me demande d’arrêter d’être Prêtre. Certains voudraient me voir sanctionné, d’autres me considèrent possédé et d’autres encore me traitent d’hérétique. C’est tous les jours que je m’en prends plein la figure. Par mes frères et mes sœurs qui semblent mieux savoir que bien d’autres quelle est la volonté de Dieu. Mais si Rome continue régulièrement de faire appel à moi et si j’ai le soutien de mon Évêque et de l’essentiel des confrères, peut-être que, finalement, ce sont eux les haters [=haineux] et leurs idées de Dieu qui sont dans l’erreur. Mais alors, ce sont aussi eux les plus petits, les plus fragiles, au fond, ceux dont il faut prendre le plus soin. Donc, que faire ? Porter plainte contre tous ceux qui le mériteraient ? Laisser tomber et tout arrêter ? Ou juste continuer et accepter de se faire traîner dans la boue, calomnier, injurier… Après tout, je suis encore loin d’être un saint, mais n’est-ce pas ce qui est arrivé à tellement d’entre eux ? Si moi aussi, c’est ce que je veux, c’est peut-être alors ce qu’il me faut supporter. Et donc, inlassablement continuer de prier pour eux et toujours leur offrir de se rencontrer. Après tout, n’est-ce pas ce que Jésus aurait fait ? »]

 

[Communiqué, Diocèse de Sens &, Auxerre
sur <https://www.yonne.catholique.fr/actualites/diocese/communique>,
26 août 2021
« Ainsi que le relevait déjà le pape Benoît XVI, dès 2010, “il est demandé aux prêtres la capacité d'être présents dans le monde numérique dans la fidélité constante au message évangélique, pour exercer leur rôle d'animateurs de communautés s’exprimant désormais, toujours plus souvent, au milieu des “voix” provenant du monde numérique, et d’annoncer l'évangile en se servant, à coté des moyens traditionnels, de l'apport de la nouvelle génération des moyens audiovisuels (photos, vidéo, animations, blog, sites web) qui représentent des occasions inédites de dialogue et même des outils indispensables pour l’évangélisation et la catéchèse.” (Message pour la 44e Journée mondiale des communications sociales, 16 mai) Répondant à cet appel, de nombreux prêtres sont effectivement présents sur le “continent numérique”. Parmi eux, l’Abbé Matthieu Jasseron, prêtre du diocèse de Sens & Auxerre développe depuis plusieurs mois une présence sur le réseau social TikTok. Or, comme nombre de prêtres, l’Abbé Jasseron s’y exprime à titre personnel, sans en avoir reçu la mission particulière. Mais l’audience qu’il a pu rencontrer donnant un retentissement particulier à ses interventions, il importe que ces dernières puissent bénéficier d’un concours de compétences plus large pour pouvoir engager l’Église. Cette préoccupation rejoint notamment l’initiative du Service national Jeunes et Vocations qui a réuni, il y a peu, quelques prêtres développant une présence pastorale sur internet et cherchant à ce qu’elle soit la mieux ajustée. Un processus sera donc mis en place afin de poursuivre cette œuvre pastorale de façon à ce qu’elle “montre Dieu vivant et agissant dans la réalité quotidienne et présente la sagesse religieuse du passé comme une richesse à laquelle puiser pour vivre dignement l'aujourd'hui et construire l’avenir avec justesse (Ibid.).” »]

[twitter.com,
sur <https://twitter.com/Eglisecatho/status/1431271563991687171>
27 août 2021
« La CEF désapprouve certaines de ces vidéos qui dénaturent le message de l’Eglise. Elle alerte sur le fait que leur succès d’audience ne signifie pas qu’elles soient justes. https://yonne.catholique.fr/actualites/communique ».]

Qu’est-ce que ça change ? Au contraire, d’autant plus que les gens lui font confiance pour son audience qui peut redonner la foi à beaucoup de gens par son style propre, le P. Matthieu à un devoir de vérité. Mais en aucun cas ça ne sous-entend que les Évêques ou organismes du Vatican qui le soutiennent approuvent ses propos sur l’homosexualité, ou qu’il le prouve (même si c’était le cas pour certains à tout hasard ça ne changerait rien à ce que nous avons dit, car il est d’abord responsable de ses propos devant Dieu). Néanmoins, tous ces gens approuvent l’initiative pastorale du P. Matthieu qui en effet porte beaucoup de fruits mais malheureusement aussi beaucoup d’épines à cause de choses fausses pour plaire au monde (il dit lui-même dans sa vidéo YouTube sur l’homosexualité qu’il ne faut pas plaire au monde). Alors nous invitons encore une fois le P. Matthieu à se reprendre ! Il a un grand potentiel qu’il exploite déjà et nous n’en doutons pas (et il fait parfois de bonnes vidéos, réellement) ! Mais qu’il l’utilise à bon escient ! Peut-être même le P. Matthieu pourrait-il contribuer encore plus à l’inclusion en vérité des personnes homosexuelles dans l’Église en France, à un meilleur discernement de leurs situations concrètes dans notre monde, en accueillant et annonçant l’évangile avant de dénoncer le péché, et alors là il sera vraiment utile à l’Église et à l’Évangile, aux âmes pour qui le Christ est mort et qu’il lui a confié dans son ministère. Comme répétait Notre Seigneur Jésus-Christ : que celui qui peut entendre entende !

Nous vous remercions pour la lecture de ce travail, diffusez-le autour de vous dans les milieux catholiques ou à ceux qui se sont laissé avoir par les arguments du P. Matthieu, et s’il-vous-plaît faites en sortes que le P. Matthieu puisse le lire. Nous devons absolument le mettre en face de ses propres contradictions, il ne doit pas pouvoir s’échapper des critiques une fois encore. Merci aux quelques personnes qui nous ont aidées ou conseillées (TheSwissKnife, Célinien, Archidiacre, Domino Fidelis). Et que la charité triomphe, qu’elle triomphe, mais dans la vérité !

Sursum Corda ! [Hauts les cœurs !]

Mise à jour du 25 août 2023 concernant la dernière vidéo du P. Matthieu sur l’homosexualité :

P. Matthieu répond à un commentaire comparant homosexualité pédocriminalité et nécrophilie, accusant d’oser comparer des désirs pervers avec une relation sincère, le désir avec l’amour.

[perematthieu
matthieu† 2023-8-19
Ce que vous êtes capables de donner comme amour vaut tellement plus que toutes vos pulsions 
Répondre au commentaire de Trini G : « C’est compliqué je sais mais si on tolère les relations s3xuelles g@y, pourquoi pas celles avec des mineurs ou animaux ou objets y compris les cadavres ? Ces impulsions sont aussi réelles et pleines d’amour. »
« Homosexualité, pédocriminalité et nécrophilie. J’suis assez sceptique sur l’idée qu’on puisse comparer une relation affective sincère avec des pulsions perverses. Croire que l’amour vécu fidèlement entre deux personnes du même sexe est du même ordre qu’un viol sur mineur ou sur cadavre, c’est confondre un désir, qui plus est éminemment malveillant, avec l’amour, le vrai qui n’a rien d’un instinct mais qui est plutôt de l’ordre du choix. C’est si triste que notre époque ne nous apprenne pas mieux à faire la différence entre désirer et aimer, entre vouloir tout pouvoir – même les trucs les plus mauvais – et se donner les moyens du bonheur – le vrai – dans la durée. Aimer, c’est pas seulement profiter, jouir, c’est, avant tout, s’offrir pour que l’autre puisse prendre plaisir e grandir. Comme la liberté, au fond, c’est pas avant tout faire ce qu’on veut ; c’est sûrement permettre à chacun les moyens d’être heureux dans la contingence de ce qu’il est. On a souvent, comme ça, des idées toutes faites sur pas mal de choses… Méfions-nous en parce qu’il y en a un qui ne se remet jamais en question et qui offre des réponses simples à toutes nos interrogations. Il s’appelle le diable. »]

Nous répondrons simplement : le choix ni le consentement ne sont tout ce qui compte, et sexuellement consommées ces relations restent contre-nature (avec la zoophilie et la masturbation comme nous avons eu l’occasion de le citer avec saint Thomas et Pierre Damien), bien que sous des modes différents. Ainsi l’homosexualité, socialement, ne nécessite pas criminalisation, et se rapproche plus que le reste, bien que toujours virtuellement, d’une forme d’amour réciproque et complémentaire, mais cela reste non seulement une matière de péché (comme nous avons pu le démontrer), mais entraîne le partenaire dedans, offensant donc Notre Seigneur. Ainsi, bien d’un plaisir charnel, même avec de bons sentiments (et pour certains nous osons vouloir l’admettre), sort un simulacre d’amour qui cache effectivement bien une matière de péché (ce plaisir bien ordonné dans des rapports normaux n’étant lui pas matière de péché, nous renvoyons à la théologie du corps du Pape saint Jean-Paul II). Cela n’a donc rien d’une « réponse toute simple », puisque ces conclusions partent de bonnes connaissances et réflexions ordonnées au magistère de morale matrimoniale.

Crédit image : Miniature de la vidéo du P. Matthieu.

Contact Discord : Atroce2018#2768

Autres réponses au P. Matthieu sur l’Homosexualité :

- fr. Paul Adrien : « L’HOMOSEXUALITÉ, l’EGLISE ET TIKTOK (PEREMATTHIEU »

- P. Horovitz : « Réponse au P. Matthieu Jasseron, diocèse d’Auxerre, sur l’homosexualité, P. Matthieu sur tiktok »

- Abbé Rioult : « L’abbé Rioult répond au P. Matthieu » (Nous n’approuvons pas ses insultes contre le P. Matthieu, ses avis contre François et Vatican II et ses montages déplacés)


merci à archidiacre !


Source du document https ://archidiacre.wordpress.com/2023/02/08/reponse-detaillee-et-critique-au-pere-matthieu-sur-la-question-de-lhomosexualite