Source :
« L.G.B.T.
: qu’en disent (vraiment) la BiBLE & la TRADiTiON ? – PARLONS
PEU, PARLONS DiEU.. Ep n°26 », Chaîne Youtube père
matthieu, 2
octobre 2022.
Description
de la vidéo
« L'homosexualité
et l'Église..
Est-ce
un péché d’être homosexuel (pratiquant) ?
Est-ce
que les gays et les lesbiennes qui sont en couples finiront en enfer
?
Les
catholiques sont-ils tous homophobes ? Est-ce qu’un jour on en
arrivera au mariage gay à l’Église ?
Et
si on prenait le temps, à partir des plus grands spécialistes de la
Bible et des théologiens les plus experts sur le sujet de creuser la
question de l’homosexualité dans les textes sacrés autant que
dans les traditions (le catéchisme de l’Église catholique).
Peut-on vraiment s’en
servir
pour condamner ceux qui vivent une relation affective sincère ?
Comment comprendre le mot « chasteté » ? Ou encore l’expression
« intrinsèquement désordonné » ?
00:00 Intro
2:57 L’homosexualité
dans la Bible
9:52 L’homosexualité
dans la Tradition
16:02
Pourquoi
cette question est délicate ?
18:29 Vivre
l’homosexualité dans l’Eglise
19:09 Quel
avenir pour l’institution ?
20:59 Conseils
de lecture »
Retranscription
« Quand un homme couche avec un
homme, comme on couche avec une femme, tous deux commettent une
abomination. Ils seront mis à mort et leur sang retombera sur eux. »
Ouaouh ! Avec ce genre de phrase, on
comprend pourquoi tant de croyants et de chrétiens,
particulièrement, semblent avoir, « comme qui dirait »,
un problème avec l'homosexualité. Pour certains, on dirait qu’il
n’y a rien de pire : un vrai péché, l'enfer assuré !
« Mais voyons, vous comprenez bien, mes braves gens, c'est
contre-nature, tout ça ! Éventuellement encore, s'ils ne l'ont
pas choisi, on peut pas vraiment leur en vouloir. Dieu les a
peut-être créés comme ça. Par contre, il faut absolument qu'ils
restent chastes – rapports sexuels interdits – sinon ce sont des
sodomites et, comme le dit très clairement la Bible, ils finiront
brûlés dans le feu qui ne s'éteint jamais pour l'éternité. »
Pour d'autres chrétiens, par contre et
heureusement, cette réalité peut être accueillie avec
bienveillance, confiance et espérance, sûrement, en fait, comme
l'aurait fait Jésus, s'il y avait été confronté.
Ce qui me fait toujours rire face à ce
genre de question, c'est que c'est un peu comme pour les théoriciens
de la Terre plate : vous n'entendrez jamais un astrophysicien
faire l'éloge de cette théorie. Par contre, tous ceux qui n’ont
pas fait le dixième des études, eux, ils savent ce que c'est que la
vérité. Je crois que c'est exactement du même ordre pour la
question de l'homosexualité dans l'Église.
En gros, pour tous ceux qui ont fait un
minimum d'études en théologie, qui savent réfléchir clairement,
ça n’est pas un péché. Par contre, pour tous ceux qui n'ont
jamais vraiment creusé, alors là, c'est évident : c'est
quelque chose que Dieu doit condamner ! Et il y en a même,
parmi eux, certains qui sont prêtres.
Et si, pour le coup, dans cet épisode,
on essayait de voir, avec un peu d'objectivité, ce qu'il en est de
l'homosexualité au regard de la Tradition chrétienne et de ce que
la Bible nous en enseigne. Ouvrons la et voyons, un peu, comment les
textes, qui semblent en parler, doivent être compris, si on veut que
ce soit avec honnêteté. Et voyons aussi ce que nous en dit la
Tradition et le Catéchisme notamment, qui reprend les
grands dogmes de 2000 ans de réflexion sur la question. Essayons de
comprendre pourquoi, dans notre calendrier des grands saints, on en
retrouve deux qui semblent avoir eu des mœurs contre-nature :un
qui était homosexuel déclaré et l'autre qui était
trans[sexuelle].
Et tentons aussi de percevoir ce qui est
délicat dans cette question, notamment face à la réalité du monde
dans lequel on vit aujourd'hui : la question de la construction
de notre identité, du lobbying L.G.B.T., ou encore la
dimension pulsion qu'on maîtrise pas tout le temps.
Et demandons-nous un peu quel avenir
l'Église pourrait envisager concernant ce sujet : chasteté
contrainte et forcée ou peut-être bénédiction dans certains cas
particuliers ?
Et pour tenter de répondre à tout ça
soyez sûr que je vais m'appuyer sur les meilleurs références qui
soient, les plus grands spécialistes des textes bibliques, les
théologiens qui ont le plus travaillé et publié sur la question,
ou encore les propos des instances dirigeantes de l'Église dans
certains pays, ce qu'on appelle la Conférence des Évêques, et même
sur ceux de Cardinaux et du Pape.
Essayons donc de mettre nos a priori
de côté et de dépoussiérer la question de l'homosexualité dans
la Tradition chrétienne avec un peu d'objectivité. Vous allez
voir : vous allez apprendre plein de trucs ! Parce que
comme je disais il y a un an – et je le confirme encore maintenant
– une relation affective entre deux personnes de même sexe n'est
pas un péché et comme on va le voir, nulle part c'est marqué…
*
*
*
I) Commençons donc
peut-être par voir, un peu, ce que nous en dit la Parole de Dieu.
Il n'y a que cinq fois, au total, dans l'entièreté de la Bible, où
il est fait référence, de près ou de loin, à la question de
rapport homosexuel ; plus, c'est vrai le passage de Sodome et
Gomorrhe, mais qui, très souvent, est mal interprété. Pas une
seule fois Jésus ne parle de la question ; ce qui en dit
sûrement long sur ce qu'il pensait de la chose. Et pour faire
simple, comme vous allez pouvoir vous-même le constater, aucun de
ces versets ne peut être pris pour condamner une vie affective
homosexuelle, surtout quand elle est vécue dans la fidélité et la
sincérité.
Le passage le plus connu, c'est celui que
je vous lisais au début qui vient du Lévitique, le troisième
grand livre de la Bible. En fait, c'est une partie de la Bible qui
recense tout un ensemble de règles. Ça va de prescriptions
alimentaires au type de coupe de cheveux autorisé ou non, notamment
pour les garçons, en passant par le commandement de tuer ceux qui ne
respectent pas le sabbat ou encore de mettre à mort les hommes qui
couchent avec d'autres hommes. Et c'est vrai, donc, dans ce livre, on
a deux passages qui disent, explicitement, que c'est une abomination.
Comment donc les comprendre ? Sûrement, tout simplement déjà,
en les remettant dans leur contexte. Ce ne sont pas les dix
commandements qui ont été dictés directement par Dieu à Moïse ;
ce sont des lois, des règles mises en place par des Lévites, pour,
d'une certaine façon préserver l'ordre social des Israélites. Un
certain nombre d’entre elles ont, d'ailleurs, disparu dans l'usage
courant, à notre époque. La question, notamment, de tuer ceux qui
ne respectent pas le Sabbat ou le Jour du Seigneur ou encore
l'interdit de porter des vêtements fait de deux fibres de tissu
différents. Ce sont un ensemble de prescriptions qui datent d'une
certaine époque, il y a environ 2500-3000, ans et qui ont valorisé
beaucoup le modèle « homme-femme », avant tout pour
assurer la stabilité et la pérennité du groupe. Les exégètes –
ceux qui étudient les textes de la Bible pour les remettre dans leur
historicité – s'accordent tous à dire que ces deux passages ne
font nullement allusion à la vie affective que peuvent connaître
deux gays ou deux lesbiennes. Ils visent, avant tout, à
réprimer l'acte de domination qui, notamment, dans des contextes
militaires, visait à violer l'ennemi pour lui retirer son honneur.
Ces deux petits versets ne concernent donc que le rapport génital
homosexuel entre deux hommes de même sexe, dans un contexte très
particulier. Il ne faudrait quand même pas faire l’amalgame avec
la réalité affective que vivent tous les couples homosexuels.
D'ailleurs les couples de femmes ne sont pas du tout concernés par
la question dans ces quelques passages bibliques.
Alors, après, vous me direz peut-être :
ouais, Mathieu mais bon, il y a toujours l'histoire de Sodome et
Gomorrhe. Allons voir, parce qu'on pense souvent que, si Dieu a
éradiqué la ville, c'est parce qu'ils étaient tous gays,
là-bas. C'est, d'ailleurs, de cette histoire que vient le mot
« sodomite ». Seulement, ça n’est pas du tout ce qui
est écrit dans la Bible. Genèse, premier livre de la Bible,
chapitre 19, verset 1 à 25 : c'est l'histoire de Loth qui
accueille deux Anges chez lui. Les habitants de Sodome sont
« vénères » ; ils viennent encercler sa maison
pour agresser ses deux hôtes. Et dans certaines traductions, on lit
qu’ils veulent s'unir à eux. Donc, déjà, on parle de gars qui
veulent violer des Anges et non pas des hommes. Et ensuite, c'est un
choix de traduction très orienté qui a été fait là dedans, parce
que, là encore, les spécialistes de l’hébreu biblique nous
disent que le terme employé, yada’
ne fait nulle part
ailleurs allusion à des rapports homosexuels. Ça signifierait
plutôt : « faire connaissance, se confronter ».
Donc, dans la symbolique, si Dieu déverse sa colère sur la ville,
ça n'est pas tant parce qu'elle ne serait remplie que d’homos ;
d'ailleurs, sinon, comment cette ville pourrait-elle se renouveler ?
Non ! C'est bien plutôt parce qu'ils viennent agresser son
protégé et ses deux messages. Comme quoi, une petite erreur ou un
choix de traduction peut créer de grands troubles pendant des
siècles et des siècles.
Et alors, parce que vous connaissez très
bien vos références, vous me direz : ouais, mais il y a encore
Saint Paul qui en parle au moins trois fois dans le Nouveau
Testament. Et c'est tout à fait vrai. Mais si, pour le coup, là
encore, on allait creuser : première aux Corinthiens, chapitre
6, verset 9 et 10 : « Ne vous y trompez pas, ni les
débauchés, ni les idolâtres, ni les adultères, ni les dépravés
et les sodomites, ni les voleurs et les profiteurs, etc, etc, aucun
de ceux-là ne recevra le royaume de Dieu en héritage. »
Intéressant donc ! Les dépravés, les sodomites... Mais que
nous dit le texte originel ? Précisément, on y parle de
malakoi ou malakos
au singulier, qu'on pourrait traduire par « doux » ou
« efféminé ». Donc, en gros, on a un Saint-Paul qui est
en train d'écrire à la communauté de Corinthe, qui est connue pour
ses mœurs assez débridés, pour pas dire dépravées, qui nous
explique, donc, qu'il ne faut être ni débauché, ni idolâtre, ni
voleur, ni doux. Comment comprendre ce terme, d'habitude élogieux,
dans ce contexte. Là encore, les spécialistes du grec ancien et
biblique, en particulier, nous expliquent qu'il faut sûrement plus
comprendre une question de mollesse, de passivité : ceux qui
tirent au flanc…
Mais, alors, parce que vous connaissez le
sujet, vous me direz : ouais, Mathieu mais juste après il y a
le mot arsenokoitai, et
c'est vrai, le même qu'on retrouve dans la première lettre à
Timothée, au chapitre 1, où on retrouve globalement la même liste
de débauches qu’il vaut mieux éviter. Et c'est sûr que, dans ce
mot arsenokoitai, on retrouve la racine
« coït ». On pourrait donc choisir de le traduire par
« un homme qui couche, qui a un coït avec un autre homme ».
Ok ! mais donc est-ce que, pour autant, on parle de relation
affective, amoureuse ? Rappelons un instant que saint Paul est
en train de s'adresser à des Grecs, dans l'Antiquité, là où on
avait l'habitude de pratiquer ce qu'on appelait la pédérastie. Et
c'était quoi ? : des anciens qui initiaient des plus
jeunes, très régulièrement des mineurs, à une certaine vie
sexuelle. Alors, question : est-ce que, dans ces deux textes,
c'est vraiment d'homosexualité dont saint Paul parlait ? ou
plutôt de pédocriminalité ? Là encore, ça ne parle que de
trucs entre hommes sous un angle éminemment sexuel, génital et dans
un contexte donc très particulier.
Et donc venons-en à la dernière
référence que nous offre la Bible sur cette question des rapports
homosexuels. C'est dans la lettre aux Romains. À la fin du chapitre
1, il dénonce les rapports contre-nature. Là encore donc, il
s'adresse à une communauté particulière, celle de Rome, connue
pour avoir certaines mœurs assez légères ; et il dénonce,
donc, à partir du verset 26, « les passions déshonorantes qui
sont contre-nature ». Une nouvelle fois, voyons ce qu'en disent
les exégètes : « L'Apôtre ne vise pas ici deux
personnes engagées dans une relation affective et amoureuse, mais
l'appétit sexuel dont s'enflamme certains hommes qui dégénèrent
dans des rapports de violence et de domination de l'autre. » Ça
vise autant les homos que les hétéros. J'aime beaucoup comment ce
théologien, Joël Pralon (Église et homosexualité : un accueil
difficile, Médiaspaul, 2020)
résume ce passage en disant : c’est un peu comme si saint
Paul disait aux Juifs : « Arrêtez de suivre bêtement une
règle comme si l'application d'une règle suffisait à vous rendre
pur ou à vous sauver. En plus, ça vous rend orgueilleux. Et c'est
comme s'il disait au païen : « Arrêtez vos pratiques
idolâtres qui vous détournent de votre vrai nature. »
Donc pour résumer : on aurait cinq
passages dans la Bible, plus celui de Sodome et Gomorrhe, qui sont
censés nous expliquer que l'homosexualité, par Dieu, est condamnée.
Or, ça ne parle jamais de la vie affective, mais toujours de la
dimension génitale et sexuelle, souvent dans un cadre de domination,
voire de pédocriminalité, en s'adressant donc à des communautés
qui sont connues pour avoir des pratiques de débauchés. Donc, je ne
sais pas si, honnêtement, on peut se servir de ça pour dire que
l'homosexualité est un péché…
II) Alors ouais, Mathieu
mais la Tradition ? Et ben, creusons ! Le
Catéchisme de l'Église catholique, donc le résumé,
un peu, de 2000 ans de Tradition, nous explique au numéro 2357 et
suivants : « L'Église a toujours déclaré que les actes
d'homosexualité sont intrinsèquement désordonnés. » Ok !
Donc, comment comprendre ? Ça n'est pas un péché mais c'est
intrinsèquement désordonné. Commençons peut-être par rappeler
que le mot « désordonné », ça n’est pas avant tout
un terme théologique. « Ordonné... au plan de Dieu »,
c'est-à-dire à la fécondité. En même temps donc, il y a des
actes tout à fait ordonnés qui peuvent être d’horribles crimes,
d'énormes péchés. Prenant pour exemple le viol conjugal, c'est
tout à fait ordonné à une certaine fécondité, le fait d'avoir
des enfants. Pour autant, je crois que c'est éminemment un péché.
Ouais... bon !, tu cherches à nous
embrouiller, Matthieu. La réalité, c'est qu'il y a bien marqué au
numéro 2359 que ces gens là, ils sont appelés à la chasteté.
Ok ! Alors expliquons le terme « chasteté ».
« Chaste » en latin, ça se dit castus et
l'inverse, c'est une question qui vous fait penser à « inceste »,
une relation, donc, au niveau de domination et d'emprise sur l'autre.
Ne pas être chaste, c'est donc juste rechercher son propre désir,
prendre pour soi, avoir une vision purement égoïste du désir et de
l'amour. Il faut donc se sortir de la tête que « chasteté »
voudrait dire abstinence ou continent. Tous les couples homo comme
hétéro sont invités à être chastes, à rechercher avant tout le
désir de l'autre. Donc, même le sacro-saint Catéchisme
de l'Église catholique ne dit pas qu'il faut que les gays
et les lesbiennes soient abstinents.
Par contre, il rappelle aussi au numéro
1790 que l'être humain doit toujours obéir au jugement de sa
conscience ; c'est ce que l'Église ne cesse de répéter. La
conscience est le temple de Dieu en nous. Est-ce qu'on doit donc
contraindre tous les homos à être abstinents ou les aider à
réfléchir leur vie affective avec discernement ? Ne faut-il
pas donc, avant tout, chercher à nous aider mutuellement et,
peut-être, les personnes homosexuelles, particulièrement, à nous
rapprocher graduellement et résolument de la perfection chrétienne.
ça n'est pas moi qui le dit mais le numéro 259. Eh ouais, c'est
écrit que même les homos sont appelés à la sainteté, et pas
forcément dans l'abstinence, mais dans la chasteté.
D'ailleurs, je vous le disais en
préambule de cette vidéo. Et je trouve ça toujours rigolo :
on a donc deux saints dans notre calendrier, qui sont connus l'un
pour avoir été gay et l'autre trans[sexuelle]. Lisez-donc
saint Ælred de Rievaulx, Le Miroir de la
charité ou L'Amitié spirituelle. Vous
serez franchement étonné de la façon dont il parle de son
bien-aimé Simon, le jour où il est décédé, à écrire à quel
point ses baisers, ses embrassements vont lui manquer. Alors, ça
n'est pas forcément sous un angle sexuel et, au contraire même, au
vu des témoignages qu'on a de lui, on pense qu'il a vécu dans une
vraie abstinence. Mais c'est quand même sympa de noter qu'on a un
des saints de notre calendrier qui disait ouvertement qu’il était
gay.
Et l'autre, c'est sainte Théodora ou
saint Théodore, [c’est] selon – qu'on a fêté, il y a peu de
temps d'ailleurs – qui, en fait, fut une femme qui a eu besoin de
se réfugier dans un monastère et qui, pour le coup, se déguisa en
homme. Elle y resta des années et des années, fut même élu Père
Abbé, et à sa mort, on se rendit compte qu'en fait, c’était pas
un garçon… Pourtant elle, ou il, a été canonisée. C'est fou,
quand même, comme notre Église d'hier était parfois moins coincée
que la notre d'aujourd'hui.
Pour résumer la façon dont l’Église,
en deux millénaire, a abordé la question de l'homosexualité, les
mots du pape François peuvent être une excellente clé.
Souvenez-vous, quand il s'était fait interviewer sur le sujet, il
avait répondu que, si les gens vivent dans une vraie fidélité et
une entière sincérité, « qui suis-je pour juger ? ».
Et je crois que c'est ça qu'il développait dans ce grand texte
Amoris laetitia, en français, « la joie ou l'allégresse
de l'amour » en disant, au numéro 250, qu'il « faut
offrir aux personnes ayant des tendances homosexuelles
l'accompagnement qui puisse les aider à réaliser pleinement la
volonté de Dieu dans leur vie. »
Ne pas juger donc, mais accueillir pour
conduire vers Dieu et c'est sûrement pour ça que la chasteté, et
encore moins l'abstinence, ne peut être brandie comme une
obligation. « Imposer aux personnes homosexuelles l'abstinence
sans ouvrir de débat, c'est tout simplement les jeter dans le
gouffre de la culpabilisation. » (Joël Pralon) C'est les
condamner à vivre quelque chose qu'ils n'ont pas choisi et donc, par
conséquent, ça ne peut pas être la même chose que le vœu de
chasteté que vivent les bonnes Sœurs ou la promesse de célibat que
font les Prêtres, qui là, pour le coup, est choisi librement. Donc
attention au mot « désordonné » ou encore au mot
« chasteté » qu’on prend parfois pour ce que ça n'est
pas.
Valorisons donc plutôt le fait
d'accompagner avec « gradualité », c'est à dire au
rythme de la personne qu'on souhaite aider. C'est ce que disait déjà
les Évêques de Suisse en 1979. Écoutez, c'est beau, franchement,
surtout pour un texte qui a déjà 40 ans. « Il faut considérer
comme un progrès, dans le cas d'une vraie homophilie, le fait qu'une
solide liaison se développe, bien que celle-ci ne correspondent pas
à l'idéal proprement chrétien de la sexualité. »
Accompagner, en évitant de juger donc, et en sachant reconnaître la
beauté, le vrai. Parce que combien de couples homosexuels vivent,
quand même, éminemment, des valeurs chrétiennes du mariage :
que ce soit la fidélité, la liberté, le fait que c'est pour toute
la vie, ce qu'on appelle l'indissolubilité, ou même la fécondité
– ça peut être à travers des enfants adoptés, mais ça peut
être aussi à travers leur fécondité sociale, par leur divers
engagements. Pour résumer, donc, comme dit si bien le cardinal
Schönborn : « Regardons d'abord la personne dont la
dignité va au-delà de sa tendance sexuelle, tendance qui, en
elle-même, n'est pas un péché. »
Brandir en premier le Catéchisme
sans même d'ailleurs savoir toujours le lire, c'est risquer
d'enfermer, de condamner les gens. Et je doute, au fond, que ce soit
ça qui puisse réellement les aider à avancer vers toujours plus de
Dieu, toujours plus de Bonne Nouvelle dans leur réalité.
Peut-être qu'il faudrait donc, comme dit
Joël Pralon, revoir certaines formulations du Catéchisme
et aussi accepter, comme dit un autre théologien assez calé sur le
sujet, Alain Thomasset, que la théologie soit tout simplement
clarifiée sur cette question. Parce que, rappelons-le, la théologie
est une science éminemment vivante qui a toujours besoin de
s'actualiser par rapport à la réalité de ce que nous, on vit, au
quotidien, de faire en sorte que, à chaque époque, dans chaque cas
particulier, on puisse vraiment vivre ce à quoi on est appelé.
III) Mais alors, n’allez pas croire,
non plus, que je fais l'apologie de l'homosexualité. D'ailleurs si
pour la plupart des gens, ça n'est pas choisi, on ne peut pas
vraiment faire d'apologie. Et osons reconnaître qu'il y a
quand même certains aspects délicats et complexes autour de cette
question.
Sûrement déjà, il faut accepter qu'on
a, peut-être, pour beaucoup d'entre nous, des peurs inconscientes
autour de cette interrogation, des trucs du genre que : « Ça
pourrait être mauvais pour la société, conduire à certaines
formes de criminalité », ou encore : « Ça pourrait
même peut-être me contaminer. » Et donc, avec tous ces
oripeaux autour de la réflexion, on a parfois du mal à creuser avec
objectivité.
Reconnaissons-le aussi, on fait parfois
l'amalgame entre une vie débridée, qu'elle soit d'ailleurs hétéro
ou homo, et une vie fidèle, selon les valeurs du mariage. Et
pourtant, combien de couples gays et lesbien, réussissent à
vivre éminemment ce à quoi le Christ nous appelle ?
Ce qui est complexe, aussi, dans
l'identité de genre ou l'orientation sexuelle, c'est que ça se
construit. Dans ce passage entre l'enfance et le monde des adultes,
ça n'est pas toujours évident pour tous les adolescents. Certains
peuvent se sentir attirés par des copains du même sexe sans pour
autant être homosexuels. Il faudrait pas risquer de se fixer sur une
orientation qui n'est pas vraiment désirée.
Donc à la fois un sujet tabou, en
société, mais même pour, peut-être, beaucoup d'individus parmi
nous, parce que ça a fait partie de notre construction, et plus que
ça, rajoutons le lobbying gay L.G.B.T. qui est vraiment
présent en ce moment. Parmi ces groupes de pression, on dirait que
certains voudraient que le monde entier soit homo.
Et là encore, forcément, ça biaise le
débat et la compréhension, à laquelle – cerise sur le gâteau – se rajoute la complexité des pulsions, qui est double, à la fois
parce que, si c'est condamné psychologiquement, ça a un certains
attrait. Donc condamnation rime souvent avec excitation des pulsions.
Et l'autre truc, par rapport à ses
instincts qu’on porte tous, c'est l'aspect d'expérience. Un peu,
au fond, comme la meilleure des drogues, le sexe, quand on y a goûté,
ça donne envie de réessayer, soit homo ou hétéro, d’ailleurs.
Et donc, pour discerner notre orientation vraiment désirée, bah,
c'est peut-être pas ce qui est le plus approprié. Et là, on
retombe sur la question de la chasteté : apprendre à aimer
l'autre pour ce qu'il est.
Donc, faut le reconnaître : quand
même, pas facile, comme sujet.
La Bible ne semble donc pas le condamner,
mais ça paraît pas pour autant l'idéal de sexualité qui est
préconisé. La Tradition nous le présente avec des mots un peu
compliqués qui ont besoin d'être interprétés, cette question de
« désordonné », de chasteté. Et en même temps, donc,
un sujet pas forcément facile à aborder avec objectivité, dans la
société, comme peut-être, pour nous-mêmes.
IV) Aussi, comment,
donc, vivre la question de l'homosexualité dans l'Église ?
Déjà, il faut savoir qu'il y a trois associations qui se sont
érigées pour aider que ce soit les personnes homosexuelles ou les
personnes qui, parmi leurs proches, ont des homosexuels et qui sont
tous chrétiens ou cherchent à vivre selon l'Évangile. On a Devenir
un en Christ mais aussi la Communion Béthanie et
enfin David et Jonathan. Si
l'homosexualité est donc un sujet qui fait partie de votre société
et que vous êtes chrétien, je ne peux que vous enjoindre à aller
visiter les trois sites de ces associations. Je suis sûr que vous y
trouverez tout plein de réponses à vos questions.
Après, sûrement qu'il nous faut tous
individuellement savoir accueillir sans juger en offrant à l'autre,
avec gradualité, un vrai chemin pour avancer vers tout ce que
Dieu lui promet.
Et, enfin, peut-être aussi, pour
l'institution ?, vous me demanderez. Et pour le coup, je dois
reconnaître que je n'ai sûrement pas les compétences théologiques
pour savoir, si un jour, le mariage homosexuel pourrait avoir lieu
dans l'Église. Mais ce qui est sûr, ce qui pose question, c'est
qu’on a régulièrement des bénédictions, que ce soit de
personnes, de lieux, de chiens, de tout plein de trucs. C’'est
quand même bizarre qu’on se refuse encore à offrir la bénédiction
de Dieu à deux personnes qui voudraient vivre ensemble des valeurs
que le Christ lui-même nous a léguées. Il y a à la fois beaucoup
de personnes homosexuelles parmi les chrétiens, et même parmi les
Prêtres, et aussi régulièrement, un certains refoulement. Et
d'autres encore qui vivent un catholicisme très identitaire, avec
des idées bien arrêtées. Je vais peut-être mal le dire, mais je
suis pas sûr qu'on soit tous prêts, si la théologie permettait, à
ce que Rome, aujourd'hui, reconnaisse le mariage gay. Et
donc, sûrement qu'on peut comprendre que quelques-uns, haut
placés, préfèrent peut-être ne pas trop creuser le sujet. On
verra bien ce que l'avenir nous réserve, aussi bien l'avancée de la
théologie, que la réalité de notre sociologie.
Est-ce que vous avez eu cette info qui
est sortie il y a deux jours : l'Église catholique de la
Belgique flamande vient de mettre en place une célébration de
prière pour les couples homosexuels qui s'engagent dans une union
aimante et fidèle. N'est-ce pas fou quand même, aujourd'hui, ce
sont des Évêques, c'est-à-dire le plus haut degré dans la
Hiérarchie de l’Église, qui vont autrement plus loin que ce que
j'avais pu dire, quand j'expliquais que c'était pas forcément un
péché que d'avoir une relation affective sincère lorsqu'on est
gay.
Rendons
grâce pour cette avancée. La théologie n'est pas une
science figée. Et peut-être, prions pour tous ces couples qu’ils
soient hétéros ou homo, que le Seigneur leur offre la grâce de
vivre un amour vrai, sincère, et fait de fidélité.
J'espère qu’à travers ces quelques
minutes, même si la vidéo aura peut-être duré un soupçon plus de
temps que d'habitude, vous aurez perçu, avec un petit peu plus
d'objectivité, la réalité de ce sujet dans l'Église.
V) Et peut-être quelques petits
conseils de lecture, pour finir.
Déjà le Catéchisme de
l'Église catholique et en intégralité : pas seulement les
parties qui semblent condamner, parce qu'il me semble quand même que
le leitmotiv de ce bouquin, c'est avant tout : ne pas juger.
Pour continuer, dans le même esprit et
toujours de façon très catholique, Amoris laetitia, un très
beau texte de François qui nous redit donc, éminemment, ce à quoi
on est tous appelés : la joie de l'amour.
Ensuite sous l'angle théologique et
homosexualité, très bien résumé : Joël Pralon, Église
et homosexualité ;
on retrouve un peu l'essentiel de la recherche et du constat où on
en est aujourd'hui.
Et aussi de Michel Salamolard, Les
Homosexuels, coll.
« Que penser de… ? », Éd.
Fidélité, 2017, tout simplement. Deux ouvrages vraiment bien
fait argumentés et qui peuvent aider à discerner.
Au niveau exégèse biblique, Thomas
Römer, c'est le maître tout simplement. Et là, pour le coup, sur
cette question, je vous conseille l'ouvrage [en coll. avec Loyse
Bonjour], L'homosexualité dans le Proche-Orient ancien et
dans la Bible, Genève
: Labor et Fides,
2016. (...)
Et enfin, dans un autre ordre d'idée,
mais tout aussi enrichissant Sodoma de Frédéric Martel,
Babelio, 2019. On pourrait le résumer en disant tout simplement :
la réalité de l'homosexualité dans le clergé.
J'espère que vous aurez aimé cette
vidéo et que vous comprendrez que le but était vraiment de vous
donner matière à réflexion. Il ne faut, bien entendu, pas chercher
à déformer la Bible ou la Tradition, ni même à « plaire au
monde », comme certains disent. Mais toujours nous aider à
mieux creuser comment « être Jésus pour les autres »
et, « en vérité », pas idéalisé. En tout cas, qui que
vous soyez, hétéro ou homo, chrétien ou athée, que Dieu
tout-puissant vous aide à avancer vers toujours plus de sainteté.
Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit.
Réponse
détaillée et critique
par
« prophetesamuel »
[La
mise en forme de ce document a été changée par l’auteur de ce
blogue. On été également ajoutés, entre crochets certains
compléments et corrections, dont les retranscription de certaines
des vidéos citées, réalisées sur YouTube par le P. Jasseron. Enfin, l’adresse URL de certains hyperliens a
été changée.]
Au sein même
de l’Église s’est formé un courant, constitué par des groupes
de pression aux appellations diverses et de dimensions variées, qui
tâche de se faire passer comme le représentant de toutes les
personnes homosexuelles qui sont catholiques. En fait, ses adhérents
sont pour la plupart des gens qui ignorent l’enseignement de
l’Église ou cherchent d’une manière ou d’une autre à le
saper. On tente de réunir sous l’égide du Catholicisme des
personnes homosexuelles qui n’ont aucune intention d’abandonner
leur comportement homosexuel. Une des tactiques utilisées consiste à
affirmer, d’un ton de protestation, que toute critique ou réserve
à l’égard des personnes homosexuelles, de leur activité et de
leur style de vie, est purement et simplement une forme de
discrimination injuste. On assiste même, en certaines nations, à
une véritable tentative de manipulation de l’Église pour obtenir
le soutien, souvent bien intentionné, de ses pasteurs en faveur d’un
changement des normes de la législation civile. Et cela, en vue de
mettre celle-ci en accord avec les conceptions de ces groupes de
pression selon lesquels l’homosexualité est une chose parfaitement
inoffensive sinon tout à fait bonne. Bien que la pratique de
l’homosexualité représente une menace sérieuse pour la vie et le
bien-être d’un grand nombre de personnes, les protagonistes de ce
courant ne renoncent pas à leur action et refusent de prendre en
considération l’étendue du risque qui y est impliqué.
Congrégation pour la Doctrine de la Foi,
Homosexualitatis problema, n. 9
Ces
considérations étant faites, la Congrégation désire demander aux
Évêques d’être spécialement vigilants vis-à-vis de programmes
qui tendraient, même en prétendant en paroles ne pas le faire, à
exercer une pression sur l’Église pour qu’elle change sa
doctrine. L’examen attentif des déclarations publiques qui y sont
contenues et des activités qu’ils promeuvent, révèle une
ambiguïté étudiée à travers laquelle on cherche à égarer les
pasteurs et les fidèles. On présentera par exemple la doctrine du
Magistère, mais seulement comme si elle était une source
facultative dans la formation de la conscience individuelle. On ne
reconnaît pas le caractère spécifique de son autorité. Certains
groupes utilisent même le mot » catholique » pour désigner ou
bien leur organisation ou bien ceux à qui ils entendent s’adresser,
sans pour autant défendre et promouvoir la doctrine du Magistère,
mais au contraire, en l’attaquant quelquefois ouvertement. Leurs
membres peuvent bien prétendre vouloir conformer leur vie à
l’enseignement de Jésus ; en fait ils abandonnent l’enseignement
de son Église. Ce comportement contradictoire ne peut en aucune
manière recevoir le soutien des Évêques.
Ibid., n. 14
Sommaire
I – L’Homosexualité dans la
Tradition et dans le Magistère de l’Église
• 1 – Le Témoignage de la
Tradition
• 2 – Considérations sur
l’Autorité du Magistère
• 3 – Le Catéchisme de
l’Église Catholique
• 4 – Homosexualitatis
problema
• 5 – Autres documents
• 6 – Le Responsum
• 7 – Qui suis-je pour juger ?
• 8 – Amoris Laetitia
• 9 – L’Homosexualité, pas un
crime mais un péché
• 10 – Les Conférences des
Évêques et Théologiens
• 11 – La Loi Naturelle
• 12 – La Tradition évolue ?
• 13 – Autres considérations
• 14 – La Conscience dans le
Catéchisme
• 15 – Conclusion générale
II – L’Homosexualité dans la Bible
• 1 – Considérations générale
• 2 – Jésus ; les relations
affectives
• 3 – Le Lévitique
• 4 – Sodome et Gomorrhe
• 5 – 1 Corinthiens et 1 Timothée
• 6 – La lettre aux Romains
III – La Transidentité et
l’Homosexualité chez les Saints
• 1 – Sainte Théodora
d’Alexandrie
• 2 – Saint Ælred de Rievaulx
IV – L’Homosexualité dans l’Église
: Sodoma
• 1 – Décryptage du livre
• 2 – Comment considérer le Pape
François
• 3 – Décryptage de l’auteur
• 4 – Comment réagir dans une
Église en crise
V – Conclusion
I – L’Homosexualité
dans la Tradition et dans le Magistère de l’Église
Nous
ferons ici une critique détaillée de la vidéo du P. Matthieu sur
l’homosexualité qu’il a posté sur YouTube
(« L.G.B.T.
: qu’en disent (vraiment) la BiBLE & la TRADiTiON ? – PARLONS
PEU, PARLONS DiEU.. Ep n°26
»), et qui est son étude la plus aboutie sur le sujet (plus que sur
Tik Tok).
Nous pourrons ainsi réfuter par là ses avis et interventions en
général sur l’homosexualité, d’abord du point de vue de la
Tradition et de l’Église.
1 – Le Témoignage de la Tradition
Nous commençons directement. Le P.
Matthieu nous dit que le Catéchisme est le résumé de 2000
ans de tradition. Cependant la Tradition ne se limite nullement au
Catéchisme. Il faut compter dans la Tradition les écrits des
Pères, des Docteurs, des Papes et tous les Conciles, notamment
œcuméniques. Nous ferons donc chronologiquement et de manière
non-exhaustive la liste des condamnations ou mentions comme péché
des actes homosexuels par la Tradition. Ce sont certes des documents
d’autorité variable (saint Thomas et un Concile œcuménique n’ont
pas la même autorité), et les théologiens pris individuellement ne
sont pas infaillibles mais :
Il faut
considérer que l’enseignement infaillible du Magistère ordinaire
et universel n’est pas seulement proposé dans la déclaration
explicite d’une doctrine à croire ou à tenir pour définitive,
mais il est aussi exprimé par une doctrine implicitement contenue
dans une pratique de la foi de l’Église, dérivant de la
révélation ou, de toute façon, nécessaire pour le salut éternel,
attestée par la Tradition ininterrompue : cet
enseignement infaillible est objectivement proposé par tout le corps
épiscopal, entendu au sens diachronique, et pas nécessairement au
seul sens synchronique. En outre, l’intention du Magistère
ordinaire et universel de proposer une doctrine comme définitive
n’est généralement pas liée à des formulations techniques d’une
solennité particulière; il suffit qu’elles soient claires par la
teneur des paroles employées et par leur contexte.
Note
doctrinale illustrant la formule conclusive de la Professio
fidei,
29
juin 1998, note 17.
On
peut donc dire que le consensus de la Tradition sur un point de foi
ou de morale est inattaquable (tout en considérant qu’elle ne peut
contredire le Magistère). On peut commencer par citer le Concile
d’Ancyre (314) :
De ceux qui
ont pourri ou pourrissent encore dans la fornication avec des bêtes
ou avec des mâles. Ceux qui ont commis des actes de
bestialité et étant moralement lépreux ont rendu les autres aussi
lépreux, le saint Concile ordonne que ceux-là prient avec les
possédés.
Puis
le Liber
Gomorrhianus (vers 1050)
du Docteur
de l’Église Pierre Damien qui condamnait les divers vices
contre-nature. Léon IX (malgré, il semble, quelques difficultés)
lui a écrit dans sa lettre Ad
splendidum nitentis de
1054 (trouvable [sic]
dans le Denzinger,
n.
687) :
Il convient
que, comme tu le désires, nous fassions intervenir notre autorité
apostolique de manière à enlever aux lecteurs tout doute inquiet,
et pour qu’il soit établi pour tous que tout ce que contient
cet écrit [le Liber Gomorrhianus], qui s’oppose
au feu diabolique comme de l’eau, a plu à notre jugement.
Afin donc que ne se répande pas, impunie, la licence d’un désir
immonde, il est nécessaire qu’elle soit repoussée par le blâme
de la sévérité apostolique qui convient, et que soit entreprise
une tentative de rigueur à leur égard.
Voici, tous
ceux qui se souillent par l’une des abominations des quatre sortes
qui sont mentionnées, sont chassés de tous les degrés de l’Église
immaculée par la censure équitable qui est prévue, et cela selon
le jugement des saints canons comme selon le nôtre. Mais parce que
nous agissons avec une grande humanité, nous voulons et commandons,
confiants en la divine miséricorde, que ceux qui, soit avec leurs
mains, soit entre eux, ont fait jaillir leur semence, ou qui l’ont
répandue entre les cuisses, et qui ne l’ont pas fait par une
longue habitude ou avec plusieurs, s’ils ont réfréné leur
sensualité et s’ils ont expié leurs actes infâmes par une juste
pénitence, soient admis dans ces mêmes degrés dans lesquels ils ne
seraient pas demeurés pour toujours s’ils étaient demeurés dans
leur forfait ; aux autres doit être enlevé l’espoir de retrouver
leur rang : à ceux qui, soit pendant longtemps avec eux-mêmes ou
avec d’autres, soit avec plusieurs, même pendant peu de temps, se
seront souillés par l’une des deux abominations que tu décris, ou
qui – chose abominable à dire et à entendre – se sont mis sur
le dos d’autrui.
Si
quelqu’un devait oser juger notre décret de sanction apostolique
ou aboyer contre lui, qu’il sache qu’agissant ainsi il met en
péril son propre rang.
De
même, le IIIe
Concile
du Latran (1179) au canon 11 :
Tous ceux qui
seront convaincus de se livrer à cette incontinence contre nature,
qui attire la colère de Dieu contre ceux qui lui résistent et a
consumé 5 villes par le feu, seront chassés du clergé s’ils sont
clercs ou relégués dans des monastères pour y faire pénitence ;
s’ils sont laïcs, ils seront frappés d’excommunication et
désormais retranchés de l’assemblée des fidèles.
Saint Thomas d’Aquin, Docteur commun de
l’Église :
Il [le vice
contre-nature] peut se produire de plusieurs manières.
D’une
première manière, lorsqu’en l’absence de toute union charnelle,
pour se procurer le plaisir vénérien, on provoque la pollution : ce
qui appartient au péché d’impureté que certains appellent
masturbation.
D’une autre
manière, lorsque l’on accomplit l’union chamelle avec un être
qui n’est pas de l’espèce humaine : ce qui s’appelle
bestialité.
D’une
troisième manière, lorsqu’on a des rapports sexuels avec une
personne qui n’est pas du sexe complémentaire, par exemple homme
avec homme ou femme avec femme : ce qui se nomme vice de Sodome.
D’une
quatrième manière, lorsqu’on n’observe pas le mode naturel de
l’accouplement, soit en n’utilisant pas l’organe voulu soit en
employant des pratiques monstrueuses et bestiales pour s’accoupler.
Somme
Théologique, IIa
IIae,
q.154, a.11
(Le
péché contre-nature), co.
Voir
aussi le commentaire de la lettre aux Romains (Chapitre I, Leçon
8)
Le
Concile de Trente, 6e
session (13 janvier 1547), Chapitre 15 sur
la Justification :
Contre les
esprits rusés de certains hommes qui, « par de doux discours et des
bénédictions, séduisent les cœurs simples » Rm 16-18, il faut
affirmer que la grâce de la justification, qui a été reçue, se
perd non seulement par l’infidélité, par laquelle se perd aussi
la foi elle- même, mais aussi par n’importe quel péché
mortel, bien qu’alors ne se perde pas la foi. On défend ainsi
la doctrine de la Loi divine qui exclut du Royaume de Dieu non
seulement les infidèles, mais aussi les fidèles fornicateurs,
adultères, efféminés, sodomites [masculorum
concubitores], voleurs, avares, ivrognes, médisants, rapaces 1
Co 6,9-10 et tous les autres qui commettent des péchés mortels
dont, avec l’aide de la grâce divine, ils peuvent s’abstenir et
à cause desquels ils sont séparés de la grâce du Christ.
Puis
la Constitution
Horrendum
illud scelus de saint Pie
V du 30 août 1568 :
Cet
effroyable crime à cause duquel des Villes souillées et avilies
furent brûlées par le redoutable jugement de Dieu, Nous marque de
la douleur la plus cruelle et remue si lourdement Notre âme, que
nous consacrons toute notre attention, autant qu’il est possible, à
l’arrêter.
§. 1.
Raisonnablement, il est reconnu comme établi par le Concile du
Latran que les Clercs qui ont été surpris souffrir de cette
incontinence qui est contre nature, à cause de laquelle la colère
de Dieu vient sur les fils de la défiance, soient écartés du
Clergé ou obligés de faire pénitence dans des Monastères.
§. 2. Mais
en vérité, afin que ne s’affermisse pas avec plus d’assurance
l’influence d’un tel acte déshonorant, par l’espoir de
l’impunité qui constitue l’attrait le plus grand [portant] à
pécher, Nous avons décidé que le glaive séculier vengeur
des lois civils détournerait de façon certaine ces Clercs accusés
de ce crime abominable, [Clercs] desquels nous devons tirer vengeance
le plus lourdement, [Clercs] qui ne s’effrayent pas de
l’anéantissement de [leur] âme.
C’est
étrange pour une Église du passé qui aurait été soi-disant moins
coincée (certains jugements anciens du magistère portés plus haut
peuvent paraître inaudibles à certains de nos lecteurs, de toute
façon nous ne nous attarderons pas spécifiquement sur eux, et nous
renvoyons à Gaudium
et Spes, n.7 et Donum
Veritatis, n. 24).
2 – Considérations
sur l’Autorité du Magistère
Tant
que nous sommes dans la tradition, nous citerons le décret du
Saint-Office de 1907 Lamentabili
Sane Exitu pour partir sur
de bonnes bases (ces propositions sont condamnées) :
6. – Dans
les définitions doctrinales l’Église enseignée et l’Église
enseignante collaborent de telle sorte qu’il ne reste à l’Église
enseignante qu’à sanctionner les opinions communes de l’Église
enseignée.
7. –
L’Église, lorsqu’elle proscrit des erreurs, ne peut exiger des
fidèles qu’ils adhèrent par un assentiment intérieur aux
jugements qu’elle a rendus.
8. – On
doit estimer exempts de toute faute ceux qui ne tiennent aucun compte
des condamnations portées par la Sacrée Congrégation de l’Index
ou par les autres Sacrées Congrégations Romaines.
57. –
L’Église se montre hostile aux progrès des sciences naturelles et
théologiques.
58. – La
vérité n’est pas plus immuable que l’homme lui-même, car elle
évolue avec lui, en lui et par lui.
59. – Le
Christ n’a pas enseigné un corps déterminé de doctrine,
applicable à tous les temps et à tous les hommes, mais il a plutôt
inauguré un certain mouvement religieux adapté ou qui doit être
adapté à la diversité des temps et des lieux.
63. –
L’Église se montre incapable de défendre efficacement la morale
évangélique, parce qu’elle se tient obstinément attachée à des
doctrines immuables qui ne peuvent se concilier avec les progrès
actuels.
64. – Le
progrès des sciences exige que l’on réforme les concepts de la
doctrine chrétienne sur Dieu, sur la Création, sur la Révélation,
sur la Personne du Verbe Incarné, sur la Rédemption.
Nous citerons aussi l’Instruction de la
Congrégation pour la Doctrine de la Foi Donum Veritatis (p.
16) :
Ce qui
concerne la morale peut être l’objet du magistère authentique,
car l’Évangile, qui est Parole de vie, inspire et dirige tout le
domaine de l’agir humain. Le Magistère a donc la tâche de
discerner, par des jugements normatifs pour la conscience des
fidèles, les actes qui sont en eux-mêmes conformes aux
exigences de la foi et en promeuvent l’expression dans la vie, et
ceux qui au contraire, de par leur malice intrinsèque, sont
incompatibles avec ces exigences. En raison du lien qui existe
entre l’ordre de la création et l’ordre de la rédemption,
et en raison de la nécessité de connaître et observer toute la
loi morale en vue du salut, la compétence du Magistère s’étend
aussi à ce qui regarde la loi naturelle.
D’ailleurs,
la Révélation elle-même contient des enseignements moraux qui de
soi pourraient être connus par la raison naturelle, mais auxquels la
condition pécheresse de l’homme rend l’accès difficile. C’est
une doctrine de foi que ces règles morales peuvent être
infailliblement enseignées par le Magistère.
Nous conseillons de lire l’Instruction
en entier pour ceux qui veulent approfondir, qui parle aussi de la
liberté encadrée de la théologie en lien avec le magistère.
3 – Le Catéchisme
de l’Église Catholique
Maintenant que cela est dit, allons voir
ce que dit le Catéchisme, car « ces questions ne sont pas
posées au même degré » aujourd’hui. Le P. Matthieu sous-entend
que désordonné ne veut pas dire « interdit ». Mais pourtant, que
nous dit le Catéchisme :
La luxure est
un désir désordonné ou une jouissance déréglée du plaisir
vénérien. Le plaisir sexuel est moralement désordonné,
quand il est recherché pour lui-même, isolé des finalités de
procréation et d’union. (n. 2351)
Le désordre (surtout quand il est
intrinsèque) est donc présenté comme une affaire morale. La
mention du viol conjugal par le P. Jasseron est hors-sujet. Le n.
2356 décrit très bien la gravité de ce fait, en dehors de ces
problèmes d’actes désordonnés, puisqu’il suffit de mentionner
la violation de la justice, de la charité, de la liberté, du
respect, ce qui en fait un acte intrinsèquement mauvais. Quant au n.
2357 que le P. Matthieu a cité, il démontre clairement
l’inscription de ce désordre dans la Tradition :
S’appuyant
sur la Sainte Écriture, qui les présente comme des dépravations
graves (cf. Gn 19, 1-29 ; Rm 1, 24-27 ; 1 Co 6, 10 ; 1 Tm 1, 10), la
Tradition a toujours déclaré que » les actes d’homosexualité
sont intrinsèquement désordonnés. (C.D.F., décl. Persona
humana, n. 8)
Le P. Matthieu nous dit ensuite que les
homosexuels sont appelés à la chasteté, mais pas forcément dans
la continence. Cependant, il faut entendre chasteté de diverses
manières, et pas seulement au sens large que définit le P. Matthieu
(p. 2349) :
La chasteté
doit qualifier les personnes suivant leurs différents états de
vie : les unes dans la virginité ou le célibat consacré,
manière éminente de se livrer plus facilement à Dieu d’un cœur
sans partage ; les autres, de la façon que détermine pour tous la
loi morale et selon qu’elles sont mariées ou célibataires.
(C.D.F., décl. Persona humana, n. 11)
Les personnes
mariées sont appelées à vivre la chasteté conjugale ; les
autres pratiquent la chasteté dans la continence : Il existe
trois formes de la vertu de chasteté : l’une des épouses, l’autre
du veuvage, la troisième de la virginité. Nous ne louons pas l’une
d’elles à l’exclusion des autres. C’est en quoi la discipline
de l’Église est riche. (S. Ambroise, vid. 23 : PL 153, col. 255A)
Les paragraphes 2357 à 2359 sont là
justement pour déterminer cet état de vie. Et la fin du n. 2357,
que le P. Matthieu ignore, il nous semble, délibérément, dit
explicitement ceci :
Ils (les
actes homosexuels) sont contraires à la loi naturelle. Ils ferment
l’acte sexuel au don de la vie. Ils ne procèdent pas d’une
complémentarité affective et sexuelle véritable. Ils ne
sauraient recevoir d’approbation en aucun cas.
Et même s’il fallait entendre la
chasteté au sens large, il faut citer le très explicite paragraphe
2396: « Parmi les péchés gravement contraires à la
chasteté, il faut citer la masturbation, la fornication, la
pornographie et les pratiques homosexuelles. »
Il est donc évident que l’Église
appelle les homosexuels à la continence dans le Catéchisme.
La reconnaissance des actes homosexuels comme péché est
parfaitement claire.
4 –
Homosexualitatis problema
Mais
il faut aussi citer ce document de l’Église, Homosexualitatis
problema. C’est un
document officiel, venant de la Congrégation pour la Doctrine de la
Foi du 1er octobre 1986 et ayant été approuvé par le Pape saint
Jean-Paul II :
Obéissant au
Seigneur qui l’a fondée et qui lui a fait don de la vie
sacramentelle, l’Église célèbre dans le sacrement du mariage le
dessein divin d’union, amoureuse et donatrice de vie, entre l’homme
et la femme. Ce n’est que dans la relation conjugale que l’usage
des facultés sexuelles peut être moralement droit. Aussi, quand
elle fait un usage homosexuel de ses facultés, la personne
agit de façon immorale.
Opter pour
une activité sexuelle avec une personne du même sexe revient à
annuler le riche symbole et la signification pour ne rien dire des
fins – du dessein de la sexualité selon l’intention du Créateur.
L’activité homosexuelle n’exprime pas la complémentarité d’une
union capable de transmettre la vie et ainsi, elle est en
contradiction avec la vocation d’une existence vécue sous la forme
de ce don de soi dans lequel l’Évangile voit l’essence même de
la vie chrétienne. Cela ne signifie pas que les personnes
homosexuelles ne soient pas souvent généreuses et capables du don
d’elles-mêmes, mais quand elles entretiennent une activité
homosexuelle, elles cultivent en elles une inclination sexuelle
désordonnée, foncièrement caractérisée par la
complaisance de soi. Comme dans tout désordre moral, l’activité
homosexuelle entrave la réalisation et la satisfaction personnelle,
parce qu’elle est contraire à la Sagesse créatrice de Dieu. En
rejetant des opinions erronées concernant l’homosexualité,
l’Église ne limite pas, mais défend plutôt la liberté et la
dignité de la personne entendues d’une façon réaliste et
authentique.
L’enseignement
de l’Église, aujourd’hui, est donc en continuité organique avec
la vision de la Sainte Écriture et avec la Tradition constante.
Même si le monde d’aujourd’hui est, à bien des égards,
fortement changé, la Communauté chrétienne est consciente du lien
profond et durable qui la relie aux générations qui l’ont
précédée » marquées du signe de la foi.
Homosexualitatis
problema, n. 7 et 8
On voit donc encore ici que le mot «
désordonné » n’est pas qu’un simple constat mais est
déterminant dans l’immoralité de l’acte. Et l’Église sait
qu’elle est dans la continuité de l’Écriture et de la Tradition
que le P. Matthieu essaie de tourner à sa façon. Le P. Matthieu
nous cite encore le Catéchisme, disant que les personnes sont
invitées à réaliser la volonté de Dieu dans leur vie (p. 2358).
Rien de plus vrai que cela. Mais il faut l’appliquer dans le juste
enseignement de l’Église. Toujours selon la C.D.F. :
On
prétend que dans certains cas la tendance homosexuelle n’est pas
le résultat d’une option délibérée et que la personne
homosexuelle n’a pas le choix, qu’elle est contrainte à ce
comportement homosexuel. En conséquence, affirme-t-on, n’étant
pas vraiment libre, son action en ce cas ne comporterait pas de
faute.
À
ce propos, il est nécessaire de se reporter a la sagesse
traditionnelle de la morale de l’Église, qui met en garde contre
toute généralisation dans le jugement des cas particuliers. De
fait, dans tel ou tel cas il peut y avoir eu dans le passé et il
peut encore subsister des circonstances telles qu’elles réduisent
ou même enlèvent la culpabilité de quelqu’un ; d’autres
circonstances au contraire peuvent l’augmenter. De toute façon, on
doit éviter la supposition, injustifiée et dégradante, que le
comportement homosexuel des personnes homosexuelles est toujours et
absolument compulsif, et dès lors irresponsable. En réalité, il
faut aussi reconnaître à ceux qui ont une tendance homosexuelle la
liberté fondamentale qui caractérise la personne humaine et lui
confère sa dignité particulière. En raison de cette liberté,
comme en tout renoncement au mal, l’effort humain, éclairé et
soutenu par la grâce de Dieu, pourra leur permettre d’éviter
l’activité homosexuelle.
Que
doit faire dès lors une personne homosexuelle qui cherche à suivre
le Seigneur ? Fondamentalement, ces personnes sont appelées à
réaliser la volonté de Dieu dans leur vie, en unissant au
sacrifice de la croix du Seigneur les souffrances et les difficultés
qu’elles peuvent éprouver du fait de leur condition. Pour le
croyant, la croix est un sacrifice fécond, puisque de cette mort
surgissent la vie et la rédemption. Même si on peut prévoir la
dérision dont sera l’objet chez certains pareille invitation à
porter la croix et à comprendre de cette manière la souffrance du
chrétien, il convient de se rappeler que telle est la voie du salut
pour tous ceux qui suivent le Christ.
Homosexualitatis
problema, n. 11 et 12
Cela confirme que l’Église enseigne
bel et bien que les personnes homosexuelles doivent vivre la
chasteté, mais dans la continence, contrairement à ce qu’affirme
le P. Matthieu (comment l’Église pourrait-elle d’ailleurs
approuver ces relations qui ne sont pas dans le cadre du mariage, le
fait que certains ne respectent pas cela n’étant pas un argument).
Et que c’est par ce chemin qu’ils pourront réaliser la volonté
de Dieu dans leur vie :
Néanmoins il
est facile de mal comprendre cette invitation, en la considérant
seulement comme un effort inutile de renoncement à soi. La croix est
un renoncement à soi, mais dans l’abandon à la volonté de Dieu
lui-même qui de la mort fait surgir la vie et rend ceux qui mettent
en lui leur confiance, capables de pratiquer la vertu au lieu du
vice. Pour célébrer en vérité le Mystère Pascal, il est
nécessaire de laisser celui-ci s’imprimer dans le tissu de la vie
quotidienne. Refuser le sacrifice de sa propre volonté dans
l’obéissance à la volonté du Seigneur, c’est en réalité
faire obstacle au salut. De même que la Croix est au cœur de la
manifestation de l’amour rédempteur de Dieu pour nous en Jésus,
la façon dont des hommes et des femmes homosexuels se conforment au
sacrifice du Seigneur par le renoncement à soi constituera pour eux
une source de don de soi qui les sauvera d’une forme de vie
risquant constamment de les détruire.
Les personnes
homosexuelles sont appelées, comme tout chrétien, à vivre la
chasteté. Si elles s’attachent assidûment à comprendre la nature
de l’appel personnel de Dieu à leur égard, elles seront en état
de célébrer plus fidèlement le sacrement de pénitence et de
recevoir la grâce du Seigneur qui y est généreusement offerte,
pour pouvoir, en le suivant, se convertir plus pleinement.
Homosexualitatis
problema, n. 12
Sur la possibilité d’observer les
commandements de Dieu, voir le chapitre
11 du décret de
[sic]
la Justification du Concile de Trente et le canon
18 sur la Justification.
5 – Autres
documents
La
C.D.F. a aussi publié quelques autres documents de pastorale sur la
situation des homosexuels. Nous citerons aussi nécessairement le
Compendium
de la Doctrine Sociale de l’Église
(2004) qui est aussi très explicite au n. 228 :
Un problème
particulier lié aux unions de fait a trait à la demande de
reconnaissance juridique des unions homosexuelles, qui fait toujours
plus l’objet d’un débat public. Seule une anthropologie
répondant à la pleine vérité de l’homme peut donner une réponse
appropriée à ce problème, qui présente différents aspects, tant
sur le plan social que sur le plan ecclésial. C’est à la lumière
de cette anthropologie « qu’apparaît (…) incongrue la
volonté d’attribuer une réalité « conjugale » à
l’union entre des personnes du même sexe. En premier lieu s’y
oppose l’impossibilité objective de faire fructifier le mariage à
travers la transmission de la vie, selon le projet de Dieu inscrit
dans la structure même de l’être humain. En outre, l’absence
des présupposés pour cette complémentarité interpersonnelle que
le Créateur a voulue, tant sur le plan physique et biologique que
sur celui éminemment psychologique, entre l’homme et la femme,
constitue un obstacle. Ce n’est que dans l’union entre deux
personnes sexuellement différentes que peut s’accomplir le
perfectionnement de l’individu, dans une synthèse d’unité et de
complémentarité psycho- physique mutuelle ».
La personne
homosexuelle doit être pleinement respectée dans sa dignité et
encouragée à suivre le plan de Dieu avec un engagement particulier
dans l’exercice de la chasteté. Un tel respect ne signifie pas
la légitimation de comportements non conformes à la loi morale, ni
encore moins la reconnaissance d’un droit au mariage entre
personnes du même sexe, entraînant l’assimilation de leur union à
la famille. « Si, du point de vue juridique, le mariage entre
deux personnes de sexe différent était considéré seulement comme
une des formes de mariage possible, l’idée de mariage subirait un
changement radical, et ce, au détriment grave du bien commun.
En mettant sur un plan analogue l’union homosexuelle, le mariage ou
la famille, l’État agit arbitrairement et entre en contradiction
avec ses propres devoirs.
Et la
déclaration Persona
humana (1975) de la C.D.F.
:
De nos jours,
à l’encontre de l’enseignement constant du Magistère et du sens
moral du peuple chrétien, quelques-uns en sont venus, en se fondant
sur des observations d’ordre psychologique, à juger avec
indulgence, voire même à excuser complètement, les relations
homosexuelles chez certains sujets.
Ils font une
distinction — et, semble-t-il, avec raison — entre les
homosexuels dont la tendance provenant d’une Éducation faussée,
d’un manque d’évolution sexuelle normale, d’une habitude
prise, de mauvais exemples ou d’autres causes analogues est
transitoire ou du moins non incurable, et les homosexuels qui sont
définitivement tels par une sorte d’instinct inné ou de
constitution pathologique jugée incurable. Or, quant à cette
seconde catégorie de sujets, certains concluent que leur tendance
est à tel point naturelle qu’elle doit être considérée comme
justifiant, pour eux, des relations homosexuelles dans une sincère
communion de vie et d’amour analogue au mariage en tant
qu’ils se sentent incapables de supporter une vie solitaire.
Certes,
dans l’action pastorale, ces homosexuels doivent être
accueillis avec compréhension et soutenus dans l’espoir de
surmonter leurs difficultés personnelles et leur inadaptation
sociale. Leur culpabilité sera jugée avec prudence. Mais
nulle méthode pastorale ne peut être employée qui, parce que ces
actes seraient estimés conformes à la condition de ces personnes,
leur accorderait une justification morale. Selon l’ordre moral
objectif, les relations homosexuelles sont des actes dépourvus de
leur règle essentielle et indispensable. Elles sont
condamnées dans la Sainte Écriture comme de graves dépravations et
présentées même comme la triste conséquence d’un refus de Dieu.
Ce jugement de l’Écriture ne permet pas de conclure que tous ceux
qui souffrent de cette anomalie en sont personnellement responsables,
mais il atteste que les actes d’homosexualité sont
intrinsèquement désordonnés et qu’ils ne peuvent en
aucun cas recevoir quelque approbation.
Persona
humana, n. 8
Voir
aussi l’Instruction
de la Congrégation pour
l’Éducation Catholique du 4 novembre 2005, sur
les critères de discernement vocationnel au sujet des personnes
présentant des tendances homosexuelles en vue de l’admission au
séminaire et aux Ordres sacrés,
n.
2. Elle contredit explicitement un Tik
Tok du P. Matthieu sur la
question.
[Répondre
à @amandine.mtz #pourtoi #pretre #lgbt #chretien
#celibat
perematthieu
matthieu†
2021-1-12
« Est-ce
qu’un homme homosexuel peut rentrer dans les ordres ? Le pire,
c’est que je suis sûr que vous êtes encore nombreux à vous poser
ce genre de question. Bon, dites vous bien une chose, mes amis :
on nous invite à être chastes, continents, même. Et le jour où on
est devenus prêtres, on a été ordonnés, eh ben, on s’est
engagés au célibat. Donc la question de l’« identité
sexuelle », on s’en bat les c…, enfin, c’est pas la
question, quoi ! Non ! Si nous, les prêtres catholiques de
l’Église catholique et romaine, on a choisi, justement, d’épouser
le célibat dans la continence et la chasteté, c’est pas forcément
le cas dans toutes les Églises, et même les Églises catholiques.
Si vous allez en Orient, vous pourriez trouver là-bas des prêtres
mariés. Non ! Si nous on l’a choisi, c’est pas parce que
l’Église, comme ça, d’une façon un peu dictatoriale, il y a
mille ans, aurait choisi que, ben, voilà, pour des raisons de
patrimoine, pour des raisons de rumeurs sur les familles de machin,
de ceci, de cela… Non ! Si moi, Matthieu, j’ai choisi cette
vie, d’épouser le célibat, c’est parce que je pense que cela
correspond à ce qu’a vécu Jésus-Christ. Et puis, ben, d’une
certaine façon, c’est un moyen de me donner totalement à lui en
étant disponible à tous. »]
Tout cela répond aussi au P. Matthieu
sur le fait que des personnes homosexuelles sont capables de s’aimer,
et qu’elles n’ont pas choisi leur situation.
6 – Le Responsum
Mais
il faut maintenant parler du Pape François et de ses interventions
sur le sujet. Il faut déjà souligner, ce que P. Matthieu a aussi
ignoré, il nous semble, délibérément, que le Pape François a
approuvé le Responsum
de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi (22 février 2021) sur
l’interdiction de la bénédiction des couples homosexuels :
En même
temps, l’Église rappelle que Dieu lui-même ne cesse de bénir
chacun de ses enfants en pèlerinage dans ce monde, car pour Lui «
nous sommes plus importants que tous les péchés que nous pouvons
commettre ». Mais Il ne bénit pas et ne peut pas bénir le péché
: Il bénit l’homme pécheur, afin que celui-ci reconnaisse qu’il
fait partie de son dessein d’amour et se laisse changer par Lui.
Car Il « nous prend comme nous sommes, mais ne nous laisse jamais
comme nous sommes.
Nous
remarquerons que ce document cite Amoris
Laetitia, ce qui met déjà
le doute sur l’interprétation du P. Matthieu de cette exhortation
apostolique. Le
commentaire du Responsum
dit notamment :
La question
disputée intervient dans le cadre de la « volonté sincère
d’accueil et d’accompagnement des personnes homosexuelles,
auxquelles sont proposés des cheminements de croissance dans la foi
» (Note explicative), comme l’a indiqué le Saint-Père François,
à l’issue de deux Assemblées synodales sur la famille : « afin
que ceux qui manifestent une tendance homosexuelle puissent
bénéficier de l’aide nécessaire pour comprendre et réaliser
pleinement la volonté de Dieu dans leur vie » (Exhortation
apostolique Amoris Laetitia, n. 250). Il s’agit d’une
invitation à évaluer avec un discernement approprié les projets et
les propositions pastorales proposés à cet égard. Dans ce cadre,
il y a aussi les bénédictions données aux unions de personnes du
même sexe. Il est dès lors demandé si l’Église a le pouvoir de
donner sa bénédiction : c’est la formule contenue dans le
quaesitum.
Il dit aussi, confirmant le vrai
enseignement de l’Église sur la question :
Nous en
arrivons ainsi à la deuxième raison : l’ordre qui rend apte à
recevoir le don est fonction des « desseins de Dieu inscrits dans la
Création et pleinement révélés par le Christ Seigneur ».
Desseins auxquels ne répondent pas les « relations ou partenariats,
même stables, qui impliquent une pratique sexuelle hors mariage »,
c’est-à-dire « hors de l’union indissoluble d’un homme et
d’une femme, ouverte en soi à la transmission de la vie ». C’est
le cas des unions entre personnes du même sexe. Pas seulement de
celles-ci, cependant, comme si le problème ne se posait que pour de
telles unions, mais de toute union qui entraîne l’exercice de
la sexualité en dehors du mariage, ce qui est illicite du point
de vue moral, selon l’enseignement continu du Magistère de
l’Église.
Je vous invite à vous reporter aux trois
documents de la Congrégation de la Doctrine de la Foi
(Homosexualitatis problema, le Responsum et son
commentaire) qui expliquent très bien l’enseignement de l’Église
sur le sujet et ses raisons. Certains diront que le Pape l’a fait à
contre cœur selon certaines sources. Si c’était le cas, c’est
bien plus par souci pastoral (voir plus loin) que car il serait
contre le propos du document.
7 – « Qui
suis-je pour juger ? »
Mais citons maintenant en entier ce qu’a
dit le Pape dans l’avion :
Ilze
Scamparini :
Je voudrais
demander la permission de poser une question un peu délicate : Une
autre image a fait un peu le tour du monde : celle de Mgr Ricca,
ainsi que des informations sur sa vie privée. Je voudrais savoir,
Sainteté, ce que vous comptez faire sur cette question ? Comment
affronter cette question et comment Sa Sainteté entend-elle
affronter la question du lobby gay ?
Pape
François :
En ce qui
concerne Mgr Ricca : j’ai fait ce que le Droit Canonique demande de
faire : une investigatio previa. De cette investigatio,
il n’y a rien de ce dont on l’accuse ; nous n’avons rien
trouvé. Voilà la réponse. Mais je voudrais ajouter autre chose
là-dessus : je vois que souvent dans l’Église, au-delà de ce cas
et aussi dans ce cas, on va chercher les « péchés de jeunesse »,
par exemple, et on les publie. Pas les délits, eh ? Les délits
c’est autre chose : l’abus sur mineurs est un délit. Non, les
péchés. Mais si une personne, laïque ou Prêtre ou sœur, a fait
un péché, et ensuite s’est convertie, le Seigneur pardonne, et
quand le Seigneur pardonne, le Seigneur oublie et cela est important
pour notre vie. Quand nous allons nous confesser et que nous disons
vraiment : « J’ai péché en ceci », le Seigneur oublie ; et
nous, nous n’avons pas le droit de ne pas oublier, parce que nous
courrons alors le risque que le Seigneur n’oublie pas nos péchés.
C’est un danger. C’est important : une théologie du péché.
Souvent je pense à saint Pierre : il a fait l’un des pires péchés,
celui de renier le Christ ; et avec ce péché il a été fait Pape.
Nous devons y penser beaucoup. Mais, revenant à votre question plus
concrète : en ce cas j’ai fait l’investigatio previa et
nous n’avons rien trouvé. Ça c’est la première demande.
Ensuite, vous parlez du lobby gay. Bah ! On écrit
beaucoup sur le lobby gay. Je n’ai encore trouvé
personne au Vatican qui me donne sa carte d’identité avec « gay
». On dit qu’il y en a. Je crois que lorsqu’on se trouve avec
une telle personne on doit distinguer le fait d’être « gay
», du fait de faire un lobby ; parce que les lobbies, tous ne
sont pas bons. Celui-ci est mauvais. Si une personne est gay
et cherche le Seigneur, fait preuve de bonne volonté, qui suis-je
pour la juger ? Le Catéchisme de l’Église
catholique l’explique de manière très belle, mais il dit,
attendez un peu comment il dit… il dit : « Nous ne devons pas
mettre en marge ces personnes pour cela, elles doivent être
intégrées dans la société ». Le problème n’est pas d’avoir
cette tendance, non, nous devons être frères, car ceci est une
chose, mais s’il y a autre chose, autre chose. Le problème est de
faire de cette tendance, un lobby : lobby des avares,
lobby des politiciens, lobby des maçons, beaucoup de
lobby. Voilà le problème le plus grave pour moi. Et je vous
remercie beaucoup pour avoir fait cette demande. Merci beaucoup !
Conférence
de Presse du 28 juillet 2013 de retour des J.M.J. de Rio
Le
fr.
Paul-Adrien avait très bien
expliqué cette phrase mais il est bon de la remettre dans le
contexte. Le Pape François commence par parler du péché et comment
le Seigneur l’oublie quand on revient vers lui. Il parle ensuite
des personnes gays.
Or, l’Église fait bien la distinction entre actes et personnes
homosexuelles (comme les documents cités plus haut le confirment).
Il fait d’ailleurs bien ici la distinction entre « gays
» et appartenir à un lobby,
qu’il considère comme un problème. Si le Pape François ne dit
pas explicitement ici que les actes homosexuels sont des péchés, il
parle quand même du péché avant d’aborder la question et
considère les lobbys
(comme le lobby
gay)
comme problématiques.
Quand le Pape François dit qu’il n’est
personne pour juger, il parle en tant qu’homme et a raison : seul
Dieu scrute les cœurs et les reins de ces hommes là. Nous sommes
tous pêcheurs et quand nous venons vers lui Dieu efface nos péchés
par sa grande miséricorde. Mais, comme nous le verrons après, cette
« bonne volonté », le fait de suivre sa conscience doit être
guidé par une juste loi, et ne pas être ignorante. En tout cas ce
qui est sûr, c’est que la paraphrase du P. Matthieu est
définitivement fausse et vicieuse. Le Pape n’a jamais dit qu’il
n’était personne pour juger si deux personnes homosexuelles
vivaient un amour sincère et fidèle entre eux (nous reviendrons
rapidement sur cette question dans la dernière partie de notre
travail).
Nous nous permettrons aussi de
retranscrire l’interview de Frédéric Martel de Federico
Lombardi, ancien directeur de la salle de presse du Saint-Siège, que
nous trouvons très pertinente, en partant du principe qu’il l’a
vraiment dit (nous n’ignorons pas le propos du livre de Martel, ni
tout ce que dit le reste du chapitre mais nous y reviendrons).
- Quand le
Pape François a prononcé ces mots : « Qui suis-je pour juger ? »,
j’étais à côté du saint-père. Ma réaction a été un peu
mélangée, disons mixte. Vous savez, François est très spontané,
il parle très librement. Il a accepté les questions sans les
connaître à l’avance, sans préparation. Lorsque François parle
en roue libre, pendant quatre-vingt-dix minutes dans un avion, sans
notes, avec soixante-dix journalistes, c’est spontané, c’est
très honnête. Mais ce qu’il dit n’est pas nécessairement un
élément de la doctrine, c’est une conversation et il faut la
prendre comme telle. C’est un problème d’herméneutique. […]
Ce que je veux dire, c’est que cette phrase n’atteste pas un
choix ou un changement de doctrine. Mais elle a eu un aspect très
positif : elle part des situations personnelles. C’est une
approche de proximité, d’accompagnement, de pastorale. Mais ça ne
veut pas dire que cela [être gay] est bon ; ça veut dire que
le Pape ne se sent pas juge de ça.
- C’est une
formule jésuite ? De la jésuitique ?
- Oui, si
vous voulez, c’est une parole jésuite. C’est le choix de la
miséricorde, de la pastorale, la voie des situations personnelles.
C’est une parole de discernement, [François] cherche un chemin. Il
dit en quelque sorte : « Je suis avec toi pour faire un chemin. »
Mais François répond à une situation individuelle [le cas de Mgr
Ricca] par une réponse pastorale ; sur la doctrine, il reste
fidèle.
Frédéric
Martel, Sodoma
(éd. de poche), p. 124-125
Plus
ambigu, mais voir aussi l’entretien
du père Antonio Spadaro avec le Pape François du 26/09/2013 dans
l’Osservatore Romano,
où le Pape revient sur cette phrase.
Cette pastorale est d’ailleurs très
proche de ce que François développe dans Amoris Laetitia.
8 – Amoris
Laetitia
Venons-en d’ailleurs à ce document,
que le Vatican utilise, nous l’avons vu, tout en interdisant le
fait de bénir des unions homosexuelles :
250. L’Église
fait sienne l’attitude du Seigneur Jésus qui, dans un amour sans
limite, s’est offert pour chaque personne sans exceptions. Avec les
Père synodaux, j’ai pris en considération la situation des
familles qui vivent l’expérience d’avoir en leur sein des
personnes manifestant une tendance homosexuelle, une expérience loin
d’être facile tant pour les parents que pour les enfants. C’est
pourquoi, nous désirons d’abord et avant tout réaffirmer que
chaque personne, indépendamment de sa tendance sexuelle, doit
être respectée dans sa dignité et accueillie avec respect, avec le
soin d’éviter « toute marque de discrimination injuste » et
particulièrement toute forme d’agression et de violence. Il
s’agit, au contraire, d’assurer un accompagnement respectueux des
familles, afin que leurs membres qui manifestent une tendance
homosexuelle puissent bénéficier de l’aide nécessaire pour
comprendre et réaliser pleinement la volonté de Dieu dans leur vie.
251. Au cours
des débats sur la dignité et la mission de la famille, les Pères
synodaux ont fait remarquer qu’en ce qui concerne le « projet
d’assimiler au mariage les unions entre personnes homosexuelles, il
n’y a aucun fondement pour assimiler ou établir des analogies,
même lointaines, entre les unions homosexuelles et le dessein de
Dieu sur le mariage et la famille ». Il est inacceptable que «
les Églises locales subissent des pressions en ce domaine et que les
organismes internationaux conditionnent les aides financières aux
pays pauvres à l’introduction de lois qui instituent le “mariage”
entre des personnes de même sexe ».
Nous ne pouvons que nous étonner du fait
que le P. Matthieu ignore, il nous semble, délibérément le n. 251.
Quant au n. 250 il ne contredit en rien ni le Catéchisme
(qu’il cite), ni la Congrégation pour la Doctrine de la Foi. Nous
devons agir avec une grande charité et prudence avec les personnes
homosexuelles, avec bienveillance, confiance et espérance comme nous
le dit si bien le P. Matthieu, en accompagnant chaque personne à son
rythme. Mais nous ne pouvons pas reconnaître que leurs unions
puissent avoir le moindre lien avec la notion de mariage et de
famille. Et, en découle indirectement, les actes homosexuels n’étant
pas dans le cadre d’un mariage, sont illégitimes, de la manière
dont cela a été développé dans d’autres documents de l’Église.
9 –
L’Homosexualité, pas un crime mais un péché
De
manière inédite pendant l’écriture de notre réponse, une
interview
du Pape François par l’agence Associated
Press (du 25/01/2023) est
sortie où il parle des personnes homosexuelles avec sa bienveillance
propre, dénonçant leur criminalisation et disant ceci (traduction
d’Aleteia)
:
Nous sommes
tous des enfants de Dieu. Et Dieu nous aime dans l’état où nous
sommes et avec la force avec laquelle chacun de nous lutte pour sa
propre dignité. Être homosexuel n’est pas un délit. Ce n’est
pas un délit. – « Oui, mais c’est un péché ». –
Distinguons d’abord le péché du délit. Mais c’est aussi un
péché que le manque de charité envers le prochain. Alors, chaque
homme et chaque femme doit avoir une fenêtre dans sa vie où ils
puissent mettre leur espérance et où ils puissent voir la dignité
de Dieu. Être homosexuel n’est pas un délit, c’est une
condition humaine.
Le
site outreach.faith
a publié le 27 janvier une lettre du Pape précisant ses propos avec
une grande prudence, sachant la délicatesse de la question dans
l’Église aujourd’hui (traduction du Figaro):
Quand je dis
que c’est un péché, je me réfère simplement à l’enseignement
moral catholique, qui dit que tout acte sexuel en dehors du
mariage est un péché. Bien sûr, on doit toujours considérer les
circonstances, qui peuvent diminuer ou éliminer une faute. Comme
vous pouvez le voir, je répétais quelque chose de général.
J’aurais dû dire: « c’est un péché, comme tout acte sexuel
en dehors du mariage ».
(Il fait ensuite référence à la
matière et à l’intention dans l’acte en renvoyant encore à la
morale catholique)
Ce ne sont pas les propos d’une
interview, d’une conférence de presse ou d’une lettre
privée qui fondent l’enseignement moral de l’Église. Le Pape
François renvoie à l’enseignement moral catholique, et plusieurs
fois ailleurs au Catéchisme qu’il considère clairement
comme faisant autorité, et nous avons vu en détail ce qu’il
disait sur le sujet (même s’il limite ici le péché des actes
homosexuels comme étant en dehors du mariage). Ce qui évolue, c’est
la façon d’accueillir les personnes homosexuelles, la pastorale à
leur égard et un plus grand désir d’inclusion, éliminer toute
forme de discrimination ou de criminalisation injuste (évolution
cohérente depuis saint Pie V cité plus haut). Nous pouvons donc
être fixés sur l’avis du Pape François sur l’homosexualité.
10 – Les
Conférences des Évêques et Théologiens
Le P.
Jasseron nous cite encore un texte des Évêques de Suisse de 1979.
Ce texte n’a aucune autorité universelle et ne peut donc pas être
utilisé, des Évêques pouvant se tromper et être corrigés par le
Vatican. Par exemple le synode de Pistoie, condamné par Pie
VI en 1794. Et, ce texte contredisant ce qu’enseigne la
Congrégation pour la Doctrine de la Foi et l’enseignement de
l’Église en général, il est nul pour notre sujet. Cela vaut
encore pour la décision des Évêques de Flandre et pour le synode
allemand, que le Pape François juge à l’heure actuel de manière
défavorable (pour les relations entre le Pape et les Évêques, voir
Lumen
Gentium,
n.
22).
C’est
pareil pour les théologiens (et des associations que le P. Matthieu
conseille). Il est bon qu’ils jouissent d’une certaine liberté
mais en étant en accord avec l’Église (pour plus de précisions,
voir Donum Veritatis),
sinon ils se trompent et risquent de donner une fausse image de la
doctrine catholique qui peut être dangereuse, ce que fait sur
certains points par exemple Alain Thomasset (que ce soit ou non un
important théologien). Nous nous permettrons de citer l’encyclique
Veritatis
Splendor (6 août 1993),
sur la morale, de saint Jean-Paul II qui est très pertinente pour
notre sujet dans cet extrait :
Le Concile
Vatican II a invité les spécialistes à s’appliquer, « avec un
soin particulier à perfectionner la théologie morale dont la
présentation scientifique, plus nourrie de la doctrine de la Sainte
Écriture, mettra en lumière la grandeur de la vocation des fidèles
dans le Christ et leur obligation de porter du fruit dans la charité
pour la vie du monde ». Le même Concile a invité les théologiens,
« tout en respectant les méthodes et les règles propres aux
sciences théologiques, à chercher la manière toujours plus adaptée
pour communiquer la doctrine aux hommes de leur temps : car autre
chose est le dépôt même ou les vérités de la foi, autre chose la
façon selon laquelle ces vérités sont exprimées, à condition
toutefois d’en sauvegarder le sens et la signification ». De là
l’invitation suivante, qui s’applique à tous les fidèles mais
qui s’adresse particulièrement aux théologiens : « Que les
croyants vivent donc en très étroite union avec les autres hommes
de leur temps et qu’ils s’efforcent de comprendre à fond leurs
façons de penser et de sentir, telles qu’elles s’expriment par
la culture ».
Les efforts
de nombreux théologiens, soutenus par les encouragements du Concile,
ont déjà porté leurs fruits, par des réflexions intéressantes et
utiles sur les vérités de la foi qu’il faut croire et appliquer
dans la vie, présentées sous des formes qui répondent davantage à
la sensibilité et aux interrogations des hommes de notre temps.
L’Église, et en particulier les Évêques, auxquels Jésus Christ
a confié avant tout le ministère d’enseignement, accueillent ces
efforts avec gratitude et encouragent les théologiens à poursuivre
leur labeur, animés par une profonde et authentique « crainte du
Seigneur, principe de savoir » (Pr 1, 7).
En même
temps, dans le cadre des débats théologiques post-conciliaires, se
sont toutefois répandues certaines interprétations de la morale
chrétienne qui ne sont pas compatibles avec la « saine doctrine »
(2 Tm 4, 3). Il est évident que le Magistère de l’Église
n’entend pas imposer aux fidèles un système théologique
particulier, encore moins un système philosophique, mais, pour «
garder saintement et exposer avec fidélité » la Parole de Dieu, il
a le devoir de déclarer l’incompatibilité de certaines
orientations de la pensée théologique ou de telle ou telle
affirmation philosophique avec la vérité révélée.
Veritatis
Splendor, n. 29
C’est ce qu’a fait la Congrégation
pour la Doctrine de la Foi dans Homosexualitatis problema.
11 – La Loi
Naturelle
Et bien que la théologie ne soit pas une
science figée (tant qu’elle ne contredit ni les Saintes Écritures,
ni la Tradition, ni le Magistère), la question de l’homosexualité
appartient à l’ordre de la loi naturelle, parmi les autres
questions concernant la sexualité. Citons indirectement Persona
humana de la C.D.F. (n. 5) ici :
Ce
même principe, que l’Église tient de la révélation divine et de
son interprétation authentique de la loi naturelle, fonde aussi
sa doctrine traditionnelle, selon laquelle l’usage de la fonction
sexuelle n’a son vrai sens et sa rectitude morale que dans le
mariage légitime.
Pour
comprendre la loi naturelle, voir le Compendium
de la Doctrine Sociale
de l’Église, n.
138-143.
[n.
140 : L'exercice de la liberté implique la référence à une
loi morale naturelle, à caractère universel, qui précède et unit
tous les droits et les devoirs. La loi naturelle « n'est autre que
la lumière de l'intelligence insufflée en nous par Dieu. Grâce à
elle nous connaissons ce qu'il faut accomplir et ce qu'il faut
éviter. Cette lumière ou cette loi, Dieu l'a donnée à la création
» et consiste en la participation à sa loi éternelle, qui
s'identifie à Dieu lui- même. Cette loi est appelée naturelle
parce que la raison qui la promulgue appartient en propre à la
nature humaine. Elle est universelle, s'étend à tous les hommes
dans la mesure où elle est établie par la raison. Dans ses
préceptes principaux, la loi divine et naturelle est exposée dans
le Décalogue et désigne les normes primordiales et essentielles qui
règlent la vie morale. Elle a pour pivot l'aspiration et la
soumission à Dieu, source et juge de tout bien, ainsi que le sens de
l'autre comme égal à soi-même. La loi naturelle exprime la dignité
de la personne et jette les bases de ses droits et de ses devoirs
fondamentaux.]
Nous citerons encore Veritatis
Splendor pour réfuter le P. Matthieu :
Aujourd’hui,
cependant, il paraît nécessaire de relire l’ensemble de
l’enseignement moral de l’Église, dans le but précis de
rappeler quelques vérités fondamentales de la doctrine catholique,
qui risquent d’être déformées ou rejetées dans le contexte
actuel. En effet, une nouvelle situation est apparue dans la
communauté chrétienne elle-même, qui a connu la diffusion de
nombreux doutes et de nombreuses objections, d’ordre humain et
psychologique, social et culturel, religieux et même proprement
théologique, au sujet des enseignements moraux de l’Église. Il ne
s’agit plus d’oppositions limitées et occasionnelles, mais d’une
mise en discussion globale et systématique du patrimoine moral,
fondée sur des conceptions anthropologiques et éthiques
déterminées. Au point de départ de ces conceptions, on note
l’influence plus ou moins masquée de courants de pensée qui en
viennent à séparer la liberté humaine de sa relation nécessaire
et constitutive à la vérité. Ainsi, on repousse la doctrine
traditionnelle de la loi naturelle, de l’universalité et de la
validité permanente de ses préceptes ;
certains enseignements moraux de l’Église sont simplement déclarés
inacceptables ; on estime que le Magistère lui-même ne peut
intervenir en matière morale que pour « exhorter les consciences »
et « pour proposer les valeurs » dont chacun s’inspirera ensuite,
de manière autonome, dans ses décisions et dans ses choix de vie.
[…]
Veritatis
Splendor, n. 4
Cependant,
désirant maintenir la vie morale dans un contexte chrétien,
certains théologiens moralistes ont introduit une nette distinction,
contraire à la doctrine catholique, entre un ordre éthique, qui
n’aurait qu’une origine humaine et une valeur seulement
terrestre, et un ordre du salut, pour lequel n’auraient
d’importance que certaines intentions et certaines attitudes
intérieures envers Dieu et le prochain. En conséquence, on en est
venu à nier l’existence, dans la Révélation divine, d’un
contenu moral spécifique et déterminé, de validité
universelle et permanente : la Parole de Dieu se limiterait
à proposer une exhortation, une parénèse générale, que la raison
autonome aurait seule ensuite le devoir de préciser par des
déterminations normatives véritablement « objectives »,
c’est-à-dire appropriées à la situation historique concrète.
Naturellement, une telle conception de l’autonomie entraîne aussi
la négation de la compétence doctrinale spécifique de l’Église
et de son Magistère sur les normes morales précises concernant ce
qu’on appelle le « bien humain » : elles n’appartiendraient
pas au contenu propre de la Révélation et ne seraient pas en
elles-mêmes importantes pour le salut.
On ne peut
pas ne pas voir qu’une telle interprétation de l’autonomie de la
raison humaine comporte des thèses incompatibles avec la doctrine
catholique.
Dans ce
contexte, il est absolument nécessaire de clarifier, à la lumière
de la Parole de Dieu et de la Tradition vivante de l’Église, les
notions fondamentales de liberté humaine et de loi morale, de même
que les rapports profonds qui les lient étroitement. C’est
seulement ainsi que l’on pourra répondre aux requêtes légitimes
de la rationalité humaine, en intégrant les éléments valables de
certains courants de la théologie morale actuelle, sans porter
atteinte au patrimoine moral de l’Église par des thèses résultant
d’une conception erronée de l’autonomie.
Veritatis
Splendor, n. 37
Nous citerons une fois de plus, pour
finir, la déclaration Persona humana de la C.D.F. :
4. C’est
donc à tort que beaucoup prétendent aujourd’hui que, pour servir
de règle aux actions particulières, on ne peut trouver ni dans la
nature humaine ni dans la loi révélée d’autre norme absolue et
immuable que celle qui s’exprime dans la loi générale de la
charité et du respect de la dignité humaine. Comme preuve de cette
assertion, ils avancent que, dans ce qu’on appelle couramment
normes de la loi naturelle ou préceptes de la Sainte Écriture, on
ne doit voir que des expressions données d’une forme de culture
particulière en un certain moment de l’histoire.
Mais en
réalité, la Révélation divine et, dans son ordre propre, la
sagesse philosophique, en faisant ressortir des exigences
authentiques de l’humanité, manifestent nécessairement, par là
même, l’existence de lois immuables inscrites dans les éléments
constitutifs de la nature humaine et qui se révèlent identiques en
tous les êtres doués de raison.
De plus, le
Christ a institué son Église comme « colonne et support de la
vérité » (1 Tm 3, 15). Avec l’assistance de l’Esprit-Saint,
elle conserve sans cesse et transmet sans erreur les vérités de
l’ordre moral, et elle interprète authentiquement non seulement la
loi positive révélée, « mais aussi les principes de l’ordre
moral qui dérivent de la nature humaine elle-même » et qui
concernent le plein développement et la sanctification de l’homme.
Or, de fait, l’Église tout au long de son histoire a constamment
tenu un certain nombre de préceptes de la loi naturelle comme ayant
une valeur absolue et immuable, et a vu dans leur transgression une
contradiction à la doctrine et à l’esprit de l’Évangile.
12 – La Tradition
évolue[t-elle] ?
Le P. Matthieu nous répondra sûrement
en mentionnant l’évolution concernant la peine de mort et les
rapports aux autres religions, qu’il a développé dans sa vidéo
YouTube
sur la morale
(et d’autres
évolutions plus ou moins vraies dont il a parlé sur Tik
Tok, l’héliocentrisme, la
traite des noirs, le statut des juifs ou le suicide). Cela dépasse
le cadre de notre étude, mais nous parlerons ici rapidement de la
peine de mort qui se rapproche plus de notre sujet (pour Nostra
Ætate, nous vous
renvoyons à la vidéo d’Archidiacre
sur « Vatican
II et les religions du monde »). Nous citerons la Lettre
aux Évêques à propos de la nouvelle formulation du n. 2267 du
Catéchisme
de l’Église Catholique
sur la peine de mort de la
C.D.F. (1er
août 2018) :
La nouvelle
formulation du n.2267 du Catéchisme de l’Église Catholique,
approuvée par le Pape François, se situe dans la continuité du
Magistère précédent et atteste un développement cohérent de la
doctrine catholique. Dans le sillage de l’enseignement de
Jean-Paul II dans Evangelium Vitae, cette formulation affirme
que la suppression de la vie d’un criminel, comme punition d’un
délit, est inadmissible, parce qu’elle attente à la dignité de
la personne, laquelle n’est pas perdue même après des crimes très
graves. On parvient également à cette conclusion en prenant en
compte la nouvelle compréhension des sanctions pénales appliquées
par l’État moderne, lesquelles doivent tendre avant tout à la
réhabilitation et à la réintégration sociale du criminel. Enfin,
étant donné que la société actuelle dispose de systèmes de
détention plus efficaces, la peine de mort n’est plus nécessaire
pour protéger la vie des personnes innocentes. Certes, il demeure
que l’autorité publique a le devoir de défendre la vie des
citoyens, comme l’a toujours enseigné le Magistère et comme le
confirment les numéros 2265 et 2266 du Catéchisme de l’Église
Catholique.
Tout cela
montre que la nouvelle formulation du n. 2267 du Catéchisme
s’inscrit dans un développement authentique de la doctrine, qui
ne contredit pas les enseignements antérieurs du Magistère.
Ceux-ci, en effet, peuvent s’expliquer à la lumière de la
grave responsabilité des pouvoirs publics quant à la sauvegarde du
bien commun, dans un contexte social où les sanctions pénales
étaient comprises de manière différente et se pratiquaient dans
des conditions où il était plus difficile de garantir que le
criminel ne puisse réitérer son crime.
Dans la
nouvelle formulation, on ajoute que la conscience du fait que la
peine de mort était inadmissible s’est développée « à la
lumière de l’Évangile ». En effet, l’Évangile aide à
mieux comprendre l’ordre de la création que le Fils de Dieu a
assumé, purifié et porté à sa plénitude ; il nous invite aussi à
la miséricorde et à la patience du Seigneur, qui donne à chacun le
temps de se convertir.
Une
remarque : la C.D.F. prend saint Vincent de Lérins (Commonitorium,
23) comme référence. Il est évident qu’il doit y avoir un
progrès dans la religion, et un considérable, « Qui serait assez
ennemi de l’humanité, assez hostile à Dieu, pour essayer de s’y
opposer ? ». Mais il dit encore ceci :
Il est
légitime que, avec le développement des temps, ces anciens dogmes
de la philosophie céleste soient dégrossis, limés, polis,
mais il est criminel qu’ils soient altérés, criminel qu’ils
soient tronqués, criminel qu’ils soient mutilés. Ils peuvent
recevoir plus d’évidence, plus de lumière et de précision,
oui ; mais il est indispensable qu’ils gardent leur plénitude,
leur intégrité, leur sens propre. Car si l’on tolérait une
seule fois cette licence de l’erreur impie, je tremble de dire quel
danger s’ensuivrait de détruire, d’anéantir la religion. Sitôt
qu’on aura cédé sur un point quelconque du dogme catholique, un
autre suivra, puis un autre encore, puis d’autres et d’autres
encore seront abandonnés, d’une façon en quelque sorte coutumière
et licite. De plus, une fois les parties rejetées une à une,
qu’arrivera-t-il à la fin, sinon que le tout sera rejeté de même
? Et, d’autre part, si l’on commence à mêler le nouveau à
l’ancien, les idées étrangères aux idées domestiques, le
profane au sacré, nécessairement cette habitude se propagera
partout, si bien qu’ensuite, dans l’Église, il ne demeurera plus
rien d’intact, rien d’inentamé, rien d’inviolé, rien
d’immaculé, mais qu’il y aura une maison de passe des erreurs
impies et scandaleuses, précisément là où se trouvait auparavant
un sanctuaire de la chaste et incorruptible vérité. Puisse la
piété divine détourner un pareil forfait de la pensée des
fidèles, et que ce délire soit celui des impies ! L’Église du
Christ, elle, gardienne attentive et prudente des dogmes qui lui ont
été donnés en dépôt, n’y change jamais rien, n’ajoute rien,
n’enlève rien ; elle ne retranche pas ce qui est nécessaire,
ni n’ajoute de superflu ; elle ne laisse pas perdre ce qui est à
elle, ni n’usurpe ce qui est à autrui ; mais, avec tout son
savoir-faire, elle s’applique à ce seul point, en traitant avec
fidélité et sagesse des doctrines anciennes : perfectionner et
polir ce qui, dès l’antiquité, a reçu sa première forme et sa
première ébauche ; consolider, affermir ce qui a déjà son relief
et son évidence ; garder ce qui a été déjà confirmé et défini.
La
nouvelle formulation sur la peine de mort est cohérente car elle a
n’a jamais été considérée comme un bien positivement et fidèle
à l’idéal évangélique, mais comme un « moindre mal » pour la
société ou l’individu (un mal au sens de malheur regrettable,
mais pas péché en cas de nécessité réelle pour
la protection du bien commun, cette nécessité n’étant
plus à jour pour le Pape). De plus il y a eu un développement
cohérent de la doctrine depuis au moins saint Jean-Paul II (la
dignité de la personne étant assez clairement énoncée au moins
depuis le Concile). Il ne contredit donc pas la loi naturelle mais
affine toujours plus sa compréhension et son application, l’Église
devant « scruter les signes des temps et les interpréter à la
lumière de l’évangile » (Gaudium
et Spes 4). (Rm 13,4 sur
l’autorité qui détient le glaive n’est pas spécifiquement
déterminant).
Or, l’Église a toujours professée
positivement que la pratique homosexuelle était un péché, un péché
contre-nature. Aucun Pape n’a laissé sous-entendre le contraire.
Il n’y aurait aucun développement cohérent dans la doctrine,
accroissement naturel du dogme pour mieux comprendre la loi
naturelle. Et surtout il n’y a pas de fondement dans l’Évangile
et les Écritures, au contraire même (nous vous renvoyons à la
seconde partie de notre étude). Ça n’a jamais été pour un
moindre mal que l’Église a déclaré que l’homosexualité était
un péché, ou alors il faut prouver le contraire. Ce serait donc une
erreur sérieuse de pouvoir considérer une évolution sur ce
plan-là, conformément à ce que nous avons cités de saint Vincent
de Lérins. Même si la façon de poser la question de
l’homosexualité a évolué, le principe du péché reste le même
et ne peut pas juste changer en fonction des circonstances, c’est
autre part qu’il faut chercher une évolution (dans la pastorale,
ce qui explique le changement de ton du Magistère). De toute façon,
c’est à l’Église de fixer cela, et sa doctrine morale est très
claire. Ce que nous avons cité de Veritatis Splendor et
Persona humana fait donc ici clairement autorité.
13 – Autres
considérations
Nous
ne parlerons pas du sensus
fidei, puisqu’il doit
toujours, de toute façon, se faire uni aux pasteurs de l’Église
et à leur enseignement (cf. Lumen
Gentium n.
12, Mysterium
Ecclesiae n.
2).
Les propos du cardinal Schönborn
s’éclairent avec tout ce que nous avons dit, et ne vont pas contre
l’enseignement de l’Église (du moins dans ce que le P. Matthieu
a cité).
Disons encore quelques remarques sur des
propos du P. Jasseron. L’Église, selon lui, ne creuserait pas
assez, car tout le monde ne serait pas prêt à ces changements. Mais
voyons ce que dit encore Homosexualitatis problema :
La position
de la morale catholique est fondée sur la raison humaine illuminée
par la foi et guidée consciemment par l’intention de faire la
volonté de Dieu, notre Père. Ainsi, l’Église est à la fois à
l’écoute des découvertes scientifiques et en mesure d’en
transcender l’horizon, sûre que sa vision plus complète respecte
le caractère complexe de la personne humaine qui, dans ses
dimensions spirituelle et corporelle, est créée par Dieu et, par sa
grâce, promise à la vie éternelle. C’est uniquement dans ce
cadre qu’on peut donc comprendre clairement en quel sens le
phénomène de l’homosexualité, avec ses multiples dimensions et
son retentissement sur la société et la vie ecclésiale, fait
l’objet d’un souci pastoral spécial de l’Église. De ses
ministres il est dès lors requis une étude attentive, un
engagement concret et une réflexion honnête, théologiquement
équilibrée. […]
Homosexualitatis
problema, n.
2
Une des
dimensions essentielles d’une pastorale authentique consiste à
identifier les causes qui ont amené la confusion par rapport à
l’enseignement de l’Église. Parmi ces causes, il faut signaler
avant tout une exégèse nouvelle de l’Écriture Sainte, selon
laquelle la Bible n’aurait rien à dire en matière
d’homosexualité, ou même qu’elle lui donnerait d’une certaine
manière une approbation tacite, ou bien, finalement, que les
prescriptions morales qu’elle offre seraient tellement
conditionnées par la culture et par l’histoire qu’elles ne
pourraient plus être appliquées à la vie contemporaine. De telles
opinions, gravement erronées et déviantes, requièrent donc une
vigilance spéciale. […]
Homosexualitatis
problema, n.
4
L’Église
ne peut manquer de se préoccuper de tout cela et maintient donc
fermement à ce sujet sa position claire, qui ne peut être modifiée
sous la pression de la législation civile ou de la mode du moment.
Elle s’inquiète sincèrement aussi de tous ceux qui ne se
sentent pas représentés par les mouvements en faveur de
l’homosexualité, comme de ceux qui pourraient être tentés de
croire à leur propagande trompeuse. Elle est consciente que
l’opinion selon laquelle l’homosexualité serait équivalente à
l’expression sexuelle de l’amour conjugal ou aussi acceptable
qu’elle, a un impact direct sur la conception que la société a de
la nature et des droits de la famille, et met ceux-ci sérieusement
en danger.
Homosexualitatis
problema, n.
9
Voir aussi [les] paragraphes 13 à 18 sur
la responsabilité des pasteurs.
Le fait que plusieurs documents soient
sortis sur ce sujet, notamment celui-ci qui expose clairement, bien
que de façon exhaustive, la question par la Bible et la perspective
catholique, prouve bien que l’Église ne se désintéresse pas du
tout de cette question. Amoris Laetitia (n. 251)
dit bien qu’il y a eu des débats sur le sujet. Donc si, les hauts
responsables du Vatican creusent pour découvrir la vérité :
« Vous
connaîtrez la vérité et la vérité fera de vous des hommes libres
» (Jn 8, 32), a dit le Seigneur Jésus. L’Écriture nous convie à
confesser la vérité dans la charité (cf. Ep 4, 15). Dieu qui est à
la fois la vérité et l’amour, appelle l’Église à se mettre au
service de tout homme, femme et enfant avec la sollicitude pastorale
de notre Seigneur miséricordieux.
Homosexualitatis
problema, n. 18
Le P.
Matthieu dit quelque chose de profondément faux en disant que seules
des personnes n’ayant pas fait le dixième des études pensent que
l’homosexualité est un péché. Le Cardinal Ratzinger, un des plus
grands théologiens du XXe
siècle et futur Pape, était préfet de la Congrégation pour la
Doctrine de la Foi quand plusieurs documents sur l’homosexualité
sont sortis, notamment l’important Homosexualitatis
problema, il y a donc
nécessairement participé. Frédéric Martel dit même dans Sodoma,
que le P. Matthieu prend comme référence, qu’il a été l’un
des théologiens a avoir le plus étudié le sujet (éd. de poche, p.
796. Nous n’ignorons pas que des théologiens importants ont aussi
développés des thèses différentes, notamment Adriano Oliva,
président de la Commission léonine, en se servant dans son livre
Amours,
à tort semble-t-il, de saint Thomas d’Aquin). Mais si le P.
Matthieu parlait là d’orientation homosexuelle il a bel et bien
raison, aucun théologien sérieux ne considérera que l’attirance
en soi est un péché, mais alors sa formulation portait à
ambiguïté.
14 – La conscience
dans le Catéchisme
Pour finir sur la question de la
Tradition et de ce que dit l’Église, le P. Matthieu parle de la
conscience dans le Catéchisme. Nous citerons les n. 1790 à
1794 :
L’être
humain doit toujours obéir au jugement certain de sa
conscience. S’il agissait délibérément contre ce dernier, il se
condamnerait lui-même. Mais il arrive que la conscience morale
soit dans l’ignorance et porte des jugements erronés sur des actes
à poser ou déjà commis.
Cette
ignorance peut souvent être imputée à la responsabilité
personnelle. Il en va ainsi, » lorsque l’homme se soucie peu de
rechercher le vrai et le bien et lorsque l’habitude du péché rend
peu à peu la conscience presque aveugle » (GS 16). En ces
cas, la personne est coupable du mal qu’elle commet.
L’ignorance
du Christ et de son Évangile, les mauvais exemples donnés par
autrui, la servitude des passions, la prétention à une autonomie
mal entendue de la conscience, le refus de l’autorité de
l’Église et de son enseignement, le manque de conversion et de
charité peuvent être à l’origine des déviations du jugement
dans la conduite morale. Si – au contraire – l’ignorance est
invincible, ou le jugement erroné sans responsabilité du sujet
moral, le mal commis par la personne ne peut lui être imputé. Il
n’en demeure pas moins un mal, une privation, un désordre. Il
faut donc travailler à corriger la conscience morale de ses erreurs.
La conscience
bonne et pure est éclairée par la foi véritable. Car la charité
procède en même temps » d’un cœur pur, d’une bonne
conscience et d’une foi sans détours » (1 Tm 1, 5 ; cf. 3, 9 ; 2
Tm 1, 3 ; 1 P 3, 21 ; Ac 24, 16).
Plus la
conscience droite l’emporte, plus les personnes et les groupes
s’éloignent d’une décision aveugle et tendent à se conformer
aux règles objectives de la moralité (GS 16).
Tout cela s’accorde à ce que dit
l’Église sur l’homosexualité et la morale en général. Mais
nous citerons surtout, une fois de plus, Veritatis Splendor
(n. 32) :
Dans certains
courants de la pensée moderne, on en est arrivé à exalter la
liberté au point d’en faire un absolu, qui serait la source des
valeurs. C’est dans cette direction que vont les doctrines qui
perdent le sens de la transcendance ou celles qui sont explicitement
athées. On a attribué à la conscience individuelle des
prérogatives d’instance suprême du jugement moral, qui détermine
d’une manière catégorique et infaillible le bien et le mal. À
l’affirmation du devoir de suivre sa conscience, on a indûment
ajouté que le jugement moral est vrai par le fait même qu’il
vient de la conscience. Mais, de cette façon, la nécessaire
exigence de la vérité a disparu au profit d’un critère de
sincérité, d’authenticité, d’« accord avec soi-même », au
point que l’on en est arrivé à une conception radicalement
subjectiviste du jugement moral.
Comme on peut
le saisir d’emblée, la crise au sujet de la vérité n’est pas
étrangère à cette évolution. Une fois perdue l’idée d’une
vérité universelle quant au Bien connaissable par la raison
humaine, la conception de la conscience est, elle aussi,
inévitablement modifiée : la conscience n’est plus considérée
dans sa réalité originelle, c’est-à-dire comme un acte de
l’intelligence de la personne, qui a pour rôle d’appliquer la
connaissance universelle du bien dans une situation déterminée et
d’exprimer ainsi un jugement sur la juste conduite à choisir ici
et maintenant ; on a tendance à attribuer à la conscience
individuelle le privilège de déterminer les critères du bien et du
mal, de manière autonome, et d’agir en conséquence. Cette
vision ne fait qu’un avec une éthique individualiste, pour
laquelle chacun se trouve confronté à sa vérité,
différente de la vérité des autres. Poussé dans ses conséquences
extrêmes, l’individualisme débouche sur la négation de l’idée
même de nature humaine.
Ces
différentes conceptions sont à l’origine des mouvements de pensée
qui soutiennent l’antagonisme entre loi morale et conscience,
entre nature et liberté.
Voir aussi Gaudium et Spes,
n. 16-17.
C’est
aussi ce que développait rapidement le P. Matthieu dans sa vidéo
sur la morale à 3:15.
Quant aux paragraphes
du Catéchisme
qui disent de ne pas juger, nous en attendons les références du P.
Jasseron, lui qui en tronquant les citations, dit qu’on ne sait pas
toujours le lire.
15 – Conclusion
générale
Nous pouvons conclure que oui, l’Église
et la Tradition condamnent bel et bien l’homosexualité
contrairement à ce qu’affirme le P. Matthieu. Nous finirons cette
première partie en citant une fois de plus la C.D.F. :
Il est
évident, d’autre part, que la transmission claire et efficace de
la doctrine de l’Église à tous les fidèles et à la société
dans son ensemble, dépend dans une large mesure de l’enseignement
correct et de la fidélité de ceux qui exercent le ministère
pastoral. Les Évêques ont la responsabilité particulièrement
grave de veiller à ce que leurs collaborateurs dans le ministère,
et surtout les Prêtres, soient exactement informés et
personnellement bien disposés à transmettre à tous l’enseignement
de l’Église dans son intégralité. La sollicitude spéciale et la
bonne volonté manifestée par beaucoup de Prêtres et de religieux
dans le ministère pastoral auprès des personnes homosexuelles sont
dignes d’admiration, et la Congrégation espère qu’elles ne
diminueront pas. Ces pasteurs, pleins de zèle, doivent être
convaincus qu’ils suivent fidèlement la volonté du Seigneur quand
ils encouragent les personnes homosexuelles à mener une vie chaste
et quand ils leur rappellent la dignité incomparable que Dieu leur a
donnée également.
Homosexualitatis
problema, n. 13
Et cette belle citation du Pape saint
Jean-Paul II (que Frédéric Martel détourne fallacieusement dans
Sodoma, éd. de poche, p. 481) :
En hommes
ayant reçu « la parole de vérité et la puissance de Dieu » (2 Co
6, 7), en véritables prédicateurs de la loi de Dieu, en pasteurs
pleins de compassion, vous avez eu raison de dire aussi que : «
L’activité homosexuelle…, à distinguer de la tendance
homosexuelle, est moralement mauvaise. » Par la clarté de cette
vérité, vous avez fait la preuve de ce qu’est la véritable
charité du Christ ; vous n’avez pas trahi ceux qui, à cause de
l’homosexualité, se trouvent confrontés à des problèmes moraux
pénibles, comme cela aurait été le cas si, au nom de la
compréhension et de la pitié, ou pour toute autre raison, vous
aviez offert de faux espoirs à nos frères ou à nos sœurs. Bien au
contraire, par votre témoignage rendu à la vérité de l’humanité
dans le plan de Dieu, vous avez fait preuve d’un authentique amour
fraternel, en montrant la véritable dignité, la véritable dignité
humaine de ceux qui se tournent vers l’Église du Christ pour
recevoir la lumière qui vient de la parole de Dieu.
Discours
du Pape Jean-Paul II aux Évêques des États-Unis,
05/10/1979, n.
6
II –
L’Homosexualité dans la Bible
Nous avons vu ce que disait le P.
Matthieu sur l’Église et la Tradition concernant l’homosexualité.
Il est temps de voir ce qu’il dit sur la Bible. N’étant pas des
exégètes professionnels, nous nous servirons de notre bon sens et
des sources à notre disposition qui sont les suivantes :
– Thomas
Römer, Loyse Bonjour, L’homosexualité
dans le Proche-Orient ancien et la Bible, coll.
« Essais
bibliques », Genève
(2e éd.)
: Labor et Fides, 2016. .
Thomas
Christian Römer est un théologien allemand, naturalisé suisse.
Il a effectué des études de théologie à Heidelberg, Tubingue
et Paris. Titulaire d’une licence en théologie de l’Université
de Heidelberg en 1980 et d’un doctorat en théologie de
l’Université de Genève en 1988. Il enseigne ensuite l’Hébreu
biblique et l’ougaritique à l’Université de Genève. En 1988 il
obtient son doctorat en présentant une thèse sur les Patriarches
dans la tradition deutéronomique. Il continue d’enseigner à
l’Université de Genève jusqu’en 1993. Depuis il est professeur
d’Ancien Testament à la Faculté de théologie et de sciences des
religions de l’Université de Lausanne (UNIL), ainsi qu’à
l’Institut romand des sciences bibliques (IRSB) qui lui est
rattaché. Il a été nommé professeur au Collège de France en
2007. Il a également participé au film La Bible dévoilée (DVD aux
Éditions Montparnasse en 2006).
Loyse
Bonjour, théologienne, travaille pour la Fondation Terre des
hommes et est assistante pour l’enseignement des sciences humaines
à l’École Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL).
– Innocent
Himbaza, Adrien Schenker, Jean-Baptiste Edart, Clarifications
sur l’homosexualité dans la Bible,
coll. « Lire
la Bible », Paris : Cerf, 2007
Innocent
Himbaza, né au Rwanda, est pasteur de l’Église évangélique
réformée du canton de Fribourg (Suisse). Il enseigne l’exégèse
et la théologie de l’Ancien Testament, ainsi que la littérature
juive de l’époque hellénistique et romaine à la Faculté de
théologie de l’université de Fribourg.
Adrian
Schenker est dominicain, ancien professeur d’Écriture sainte à
l’université de Fribourg en Suisse. Ses travaux portent sur
l’histoire du droit, la théologie et l’histoire du texte de la
Bible. Il coordonne actuellement le comité éditorial de la «
Biblia Hebraica Quinta
» (Deutsche Bibelgesellschaft,
Stuttgart).
Jean-Baptiste
Edart, Prêtre du diocèse de Rouen, membre de la communauté de
l’Emmanuel, est bibliste, enseignant à Rome à l’Institut
Jean-Paul II pour les études sur le mariage et la famille. Il est
spécialiste de l’anthropologie biblique et de la théologie
paulinienne.
Dans
la bibliographie
proposée par le P. Matthieu, nous n’avons pas lu l’ouvrage
de Joël Pralong. Ce Prêtre n’étant pas particulièrement exégète
nous n’en tiendrons pas compte, mais si le P. Matthieu a des
passages de cet auteur (ou de Michel
Salamolard) à nous opposer, qu’il les communique et nous en
tiendrons compte.
1 – Considérations
générales
Commençons par préciser trois points
majeurs : d’abord, ce que dit l’Église de manière générale
concernant l’exégèse biblique sur l’homosexualité, dans la
lettre de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi
Homosexualitatis problema (que nous citerons plusieurs fois
comme autorité par rapport aux sciences exégétiques), n. 4 et 5 :
Une des
dimensions essentielles d’une pastorale authentique consiste à
identifier les causes qui ont amené la confusion par rapport à
l’enseignement de l’Église. Parmi ces causes, il faut signaler
avant tout une exégèse nouvelle de l’Écriture Sainte, selon
laquelle la Bible n’aurait rien à dire en matière
d’homosexualité, ou même qu’elle lui donnerait d’une certaine
manière une approbation tacite, ou bien, finalement, que les
prescriptions morales qu’elle offre seraient tellement
conditionnées par la culture et par l’histoire qu’elles ne
pourraient plus être appliquées à la vie contemporaine. De
telles opinions, gravement erronées et déviantes, requièrent
donc une vigilance spéciale.
Il est vrai
que la littérature biblique doit aux diverses époques où elle fut
écrite une bonne partie de ses modes de pensée et d’expression
(cf. Dei Verbum, n. 12). Il est sûr que l’Église
d’aujourd’hui proclame l’Évangile à un monde très différent
du monde antique. D’autre part, le monde dans lequel le Nouveau
Testament fut rédigé était déjà notablement changé, par exemple
en ce qui concerne la situation dans laquelle furent écrites ou
composées les Écritures Saintes du peuple hébreu.
Toutefois ce
qu’il faut remarquer, c’est que, en présence de cette diversité
notable, il n’y a pas moins, au sein des Écritures elles-mêmes,
une évidente harmonie sur le comportement homosexuel. C’est
pourquoi la doctrine de l’Église sur ce point ne s’appuie pas
seulement sur des phrases isolées dont on peut tirer des arguments
théologiques discutables, mais bien sur le fondement
solide d’un témoignage constant de la Bible. La Communauté
croyante d’aujourd’hui, en continuité ininterrompue avec les
Communautés juives et chrétiennes au sein desquelles les anciennes
Écritures ont été rédigées, continue à se nourrir de ces mêmes
Écritures et de l’Esprit de Vérité dont elles sont la Parole.
Il est tout autant essentiel de reconnaître que les textes sacrés
ne sont pas réellement compris quand on les interprète d’une
manière qui contredit la Tradition vivante de l’Église. Pour être
correcte, l’interprétation de l’Écriture doit être en accord
effectif avec cette Tradition.
Le Concile
Vatican II s’exprime ainsi à cet égard : « Il
est donc clair, dit-il, que la sainte Tradition, la sainte Écriture
et le Magistère de l’Église, par une très sage disposition de
Dieu, sont tellement reliés et solidaires entre eux qu’aucune de
ces réalités ne subsiste sans les autres, et que toutes ensemble,
chacune à sa façon, sous l’action du seul Esprit-Saint,
contribuent efficacement au salut des âmes » (Dei
Verbum, n. 10).
Remarquons aussi que le n. 2357 du C.E.C.
et le même document (Homosexualitatis problema,
n. 8) disent que la
Tradition et l’enseignement de l’Église sur cette question
s’appuient sur et en continuité de l’Écriture.
Nous
citerons un peu plus la Constitution dogmatique Dei
Verbum du Concile Vatican
II :
La charge
d’interpréter de façon authentique la Parole de Dieu, écrite ou
transmise, a été confiée au seul Magistère vivant de l’Église
dont l’autorité s’exerce au nom de Jésus Christ. Pourtant,
ce Magistère n’est pas au-dessus de la Parole de Dieu, mais il est
à son service, n’enseignant que ce qui a été transmis, puisque
par mandat de Dieu, avec l’assistance de l’Esprit Saint, il
écoute cette Parole avec amour, la garde saintement et l’expose
aussi avec fidélité, et puise en cet unique dépôt de la foi tout
ce qu’il propose à croire comme étant révélé par Dieu. (n. 10)
[…]
Cependant,
puisque Dieu, dans la Sainte Écriture, a parlé par des hommes à la
manière des hommes, il faut que l’interprète de la Sainte
Écriture, pour voir clairement ce que Dieu lui-même a voulu nous
communiquer, cherche avec attention ce que les hagiographes ont
vraiment voulu dire et ce qu’il a plu à Dieu de faire passer par
leurs paroles. Pour découvrir l’intention des hagiographes, on
doit, entre autres choses, considérer aussi les « genres
littéraires ». Car c’est de façon bien différente que la vérité
se propose et s’exprime en des textes diversement historiques, ou
prophétiques, ou poétiques, ou même en d’autres genres
d’expression. Il faut, en conséquence, que l’interprète cherche
le sens que l’hagiographe, en des circonstances déterminées, dans
les conditions de son temps et de sa culture, employant les genres
littéraires alors en usage, entendait exprimer et a, de fait,
exprimé. En effet, pour vraiment découvrir ce que l’auteur sacré
a voulu affirmer par écrit, il faut faire minutieusement attention
soit aux manières natives de sentir, de parler ou de raconter
courantes au temps de l’hagiographe, soit à celles qu’on
utilisait à cette époque dans les rapports humains. Cependant,
puisque la Sainte Écriture doit être lue et interprétée à la
lumière du même Esprit que celui qui la fit rédiger, il ne faut
pas, pour découvrir exactement le sens des textes sacrés, porter
une moindre attention au contenu et à l’unité de toute
l’Écriture, eu égard à la Tradition vivante de toute l’Église
et à l’analogie de la foi. Il appartient aux exégètes de
s’efforcer, suivant ces règles, de pénétrer et d’exposer plus
profondément le sens de la Sainte Écriture, afin que, par leurs
études en quelque sorte préalables, mûrisse le jugement de
l’Église. Car tout ce qui concerne la manière d’interpréter
l’Écriture est finalement soumis au jugement de l’Église, qui
exerce le ministère et le mandat divinement reçus de garder la
Parole de Dieu et de l’interpréter. (n. 12)
Nous citerons aussi le décret
Lamentabili sane exitu (03/07/1907) condamnant les principales
erreurs modernistes (ces propositions sont condamnées) :
2. –
L’interprétation des Livres Saints par l’Église n’est sans
doute pas à dédaigner ; elle est néanmoins subordonnée au
jugement plus approfondi et à la correction des exégètes.
12. –
L’exégète, s’il veut s’adonner utilement aux études
bibliques, doit avant tout écarter toute opinion préconçue sur
l’origine surnaturelle de l’Écriture Sainte et ne pas
l’interpréter autrement que les autres documents purement humains.
Cette dernière proposition nous amène
au deuxième point : Thomas Römer, que le P. Matthieu utilise comme
référence, « le maître », un grand exégète biblique il est
vrai, est un rationaliste protestant. Il dit des choses qui ne sont
certainement pas acceptables pour un catholique, comme (dans son
livre sur l’homosexualité dans la Bible) un Dieu monothéiste qui
ne date que d’après l’exil, alors qu’il y avait un ancien
couple divin avec des Ashera en Israël. Il dit aussi que les textes
du Pentateuque sont très tardifs et nie évidemment une unité
morale du corpus biblique. Si le P. Matthieu veut l’utiliser comme
référence, il doit aussi prendre cela en considération. Nous ne
nous arrêterons pas à ça et nous jouerons le jeu du P. Matthieu en
citant Römer comme référence (ce qu’il est en soi, mais pas
absolue). Le deuxième ouvrage que nous avons cité en bibliographie
nous sera aussi utile (ouvrage sérieux par trois universitaires,
deux catholiques, un protestant), les deux livres étant
complémentaires.
Quant au troisième point le voici : il
n’y a pas de consensus exégétique sur cette question
(contrairement à ce qu’affirme le P. Matthieu, bien qu’il y ait
quelques bases acceptées par tous), étant beaucoup utilisée de
manière idéologique de l’un ou l’autre parti. Les auteurs de
ces ouvrages en tenant compte et faisant autorité, nous les citerons
sans crainte mais il sera facile de trouver d’autres auteurs disant
d’autres choses. Néanmoins il est sage d’accorder de la
crédibilité à certains auteurs plus que d’autres. Si quelqu’un
trouve une étude plus approfondie, tant mieux. Ceci n’est pas le
plus important, car la vérité sur ces questions doit nécessairement
se conformer aux enseignements du Magistère. Notre étude ne visera
qu’à le confirmer contre le P. Matthieu, avec ce que nous avons
posés dans la première partie concernant la tradition. Et il est de
toute façon impossible de parler et de réfuter si besoin tous les
exégètes existant.
2 – Jésus ; les
relations affectives
Venons-en aux propos de la vidéo : le P.
Matthieu commence par nous dire que Jésus n’en parle pas, ce qui
en dirait long sur ce qu’il pense de la chose. C’est ce qui est
dit au chapitre 4 du livre de Römer (p. 113), qui insiste sur la
miséricorde de Jésus-Christ et ce serait aussi ce qu’évoque un
séminariste qu’aurait interviewé Frédéric Martel dans
Sodoma (éd. de poche, p. 742). Une première chose cloche :
Römer nous dit p. 114 que Jésus était convaincu que la fin du
monde arriverait bientôt, ce qui serait la cause du fait qu’il ne
se préoccupe pas de ces questions. Or, c’est une vision moderniste
des choses qui ignore la divinité du Christ, et qui devrait donc
donner du discrédit sur cet avis d’un point de vue catholique
(erreurs 32 à 34 de Lamentabili). Ensuite, ce n’est pas parce que
Jésus ne parle pas d’une chose dans l’écriture qu’elle n’est
pas immorale (Jésus n’a pas parlé de l’avortement) ou qu’il
ne l’a pas enseigné, les évangiles ne disant en soi explicitement
pas tout (Jn 21,25). Enfin, la loi et la miséricorde ne sont
certainement pas incompatibles, Dieu condamnant le péché, pas le
pêcheur, et la miséricorde anticipant le jugement. Jean-Baptiste
Edart développe bien cela des pages 116 à 120. Nous finirons par le
citer (p. 113) :
Nous avons
constaté que les évangiles ne permettent pas de dire que Jésus
manifeste la moindre approbation des actes homosexuels. Il ne dit et
ne fait rien d’explicite sur ce sujet. La seule démarche
permettant d’interpréter avec justesse ce silence est de se
référer à son arrière-fond culturel immédiat : le judaïsme du
Ier siècle. Or, nous avons vu comment celui-ci juge les actes à
caractère homosexuel comme contraires à la Loi de Dieu, s’appuyant
pour cela tant sur les commandements du Lévitique que sur le
récit de Sodome et Gomorrhe. Jésus ne s’est pas démarqué de cet
enseignement, alors qu’il n’a pas hésité à le faire sur
d’autres points (voir Mt 23 et Mc 7). Le silence du Christ sur
ce sujet ne peut donc être interprété que par son accord avec la
tradition d’Israël sur ce point. D’ailleurs, il est fort
probable qu’il n’ait pas eu à rencontrer directement cette
question en milieu juif, ce comportement n’ayant socialement aucune
visibilité étant donné l’interdit existant.
Le P. Matthieu nous dit ensuite qu’aucun
de ces versets ne peut condamner une vie affective homosexuelle,
vécue dans la fidélité et la sincérité. Ce n’est pas le propos
de la Bible. La Bible condamne toujours l’homosexualité d’un
point de vue sexuel (il n’y avait pas ou peu conscience d’une «
attirance » homosexuelle), dans le passage de Sodome et Gomorrhe, le
Lévitique et saint Paul. C’est donc à l’Église de fixer
ce qu’il faut sur cette question, maintenant que la modernité pose
cette problématique d’une attirance innée. Les actes en soi étant
proscrits, autant par la Bible que par la Loi naturelle, les
conséquences s’en suivent, il ne peut pas y avoir de vie conjugale
entre personnes homosexuelles, car cela présuppose une vie sexuelle
ce qui est un péché. Néanmoins l’Église parle dans le
Catéchisme de l’Église Catholique d’amitié
désintéressée, qui peut potentiellement compenser. Mais en tout
cas il ne peut y avoir aucune comparaison avec le mariage naturel et
hétérosexuel institué par Dieu (Amoris Laetitia, 251). Mais
revenons aux saintes Écritures.
3 – Le Lévitique
Le P.
Matthieu va maintenant nous parler du Lévitique.
Il a raison de dire que ce sont des prescriptions qui datent d’une
certaine époque, car le Christ est venu avec la loi du cœur (cf. Jr
31,33) où les deux principaux commandements sont remis au centre
(cf. Mt 22, 40). Il est même vrai que Dieu pouvait permettre, dans
la Genèse, des états comme la polygamie qui sont pourtant immoraux
sous la Nouvelle Alliance. Mais toute la loi n’a pas été abolie,
au contraire Jésus est venu pour l’accomplir, notamment en ce qui
concerne la morale, la loi naturelle étant immuable. Ce passage du
Lévitique
fait partie de ce qu’on appelle le Code de Sainteté, et c’est
Dieu qui parle, c’est précisé au début du chapitre (Lv 18,1-5).
Ces règles sont donc bien dictées par Dieu, d’une manière
différente que les 10 commandements certes. Ce ne sont pas les
lévites qui les ont instituées, mais Dieu lui-même (même si ce
n’était pas le cas ce livre reste tout de même inspiré). Il est
vrai que c’est pour préserver l’ordre social des israélites.
Néanmoins, les raisons données pour ces règles sont encore suivies
par l’Église Catholique aujourd’hui : l’acte conjugal est
naturellement ordonné à la procréation (Casti
Connubii, Gaudium
et Spes 50, Humanae
Vitae, 12, Compendium
de la Doctrine Sociale de
l’Église, 218
et 230).
C’est le commandement de Dieu, d’être féconds, dans la Genèse
(1,28), même si ce n’est évidemment pas le seul but du mariage.
Voilà ce qu’en pense Römer (p. 52-53) :
Dans ce
cadre, les lois touchant à la sexualité définissent clairement la
sexualité dans le contexte du pur et de l’impur. Ainsi, coucher
avec une femme qui a ses règles est interdit. D’ailleurs, le
seul but de la sexualité semble être, dans ces textes, la
procréation. On y observe une certaine méfiance vis-à-vis de
la sexualité, méfiance qui n’est cependant pas partagée par tous
les auteurs bibliques, comme le montre notamment la célébration du
plaisir sexuel dans le Cantique des Cantiques. Pour le milieu
sacerdotal, la sexualité, cependant, ne devient légitime que dans
le cadre de la procréation. Selon le récit de la création qui se
trouve au premier chapitre de la Bible, la tâche de l’homme
consiste dans l’administration du monde créé et dans la
procréation : « Soyez féconds, et multipliez-vous » (Gn
1,28). C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre les lois du
Lévitique contre l’homosexualité. Ces lois veulent
interdire les relations homosexuelles, en même temps que d’autres
rapports sexuels illicites au sein d’une famille ou d’un clan. Et
rappelons-le, pour les auteurs de ces textes, cette “gestion de la
sexualité” fait partie de la nouvelle identité du judaïsme
naissant à l’époque perse. Le rapport sexuel entre deux hommes
n’est ainsi pas le seul comportement à être interdit. Toute
relation qui, selon les auteurs, aurait été empruntée aux sociétés
voisines, se trouve impitoyablement condamnée : la zoophilie,
l’inceste, l’adultère ou les relations sexuelles avec une femme
pendant ses menstruations. Les interdits de Lévitique 18 et
20 ne se focalisent pas sur les relations sexuelles entre deux hommes
; celles-ci se trouvent intégrées dans une construction idéologique
globale qui tente de définir l’identité d’Israël par une idée
de séparation et en interprétant l’acte sexuel dans le contexte
de la théologie sacerdotale, c’est-à-dire comme moyen de
procréation.
Néanmoins, Adrien Schenker développe de
manière plus affinée. Tout en soulignant le fait que le contexte
n’est absolument pas le même dans le Lévitique et
aujourd’hui, ce qui fait que beaucoup critiquent l’exigence
éthique de l’Église de l’ouverture à la fécondation (p. 53),
et confirmant le fait que ces textes ne parlent pas de l’individu
particulier et d’un amour réciproque, il dit ceci (p. 72) :
Deuxièmement,
il faut redire que ces deux passages regardent moins l’individu en
quête de bonheur que le bien de la famille. Ils estiment que
l’homosexualité pratiquée menacerait la cohésion d’une
communauté humaine déjà exposée sans elle à de nombreuses
pressions désintégrantes. Devant la précarité de cette communauté
qui est pourtant vitale pour la subsistance des individus, il ne faut
pas risquer d’y introduire des ferments supplémentaires
d’anarchie, comme pourraient l’être les relations amoureuses
entre ses membres masculins, en plus de ceux qui existent déjà dans
les relations entre hommes et femmes. Mais celles-là sont de toute
manière indispensables pour assurer l’avenir de la famille et de
ses membres anciens grâce aux nouvelles naissances.
Mais fait intéressant, il questionne
plus loin (p. 72-73) :
Cinquièmement,
la théologie biblique, entendue ici au sens de la théologie
contenue explicitement ou implicitement dans la Bible, conduit
souvent à une question critique posée à la pensée humaine
contemporaine. Dans le cas de l’homosexualité pratiquée, la
question que la Bible peut soulever, à la lumière de l’analyse de
Lv 18 et 20, vis-à-vis de la pensée moderne : est-ce que
l’homosexualité vécue et reconnue publiquement ne
contribue-t-elle pas à la fragmentation d’une société déjà
trop portée à la désintégration ? Lv 18, 20 ne suggèrent-ils pas
également une conception qui voit la sexualité dans une perspective
à la fois personnelle et communautaire ? Ces questions doivent être
approfondies dans un dialogue entre plusieurs disciplines qui
dépassent le cadre limité de cette étude exégétique.
La question se pose, à la lumière de
plusieurs documents de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi et
dans la lignée de la Doctrine Sociale de l’Église. Pour revenir
au Lévitique, la confusion des rôles qui est un argument de
plus qui justifie cette condamnation de l’homosexualité est
développé chez Römer (p. 42-53) et chez Schenker (p. 49-73).
Continuons.
Le P. Matthieu nous dit qu’il faut
comprendre les propos du Lévitique comme des actes de
domination pour violer l’ennemi en lui retirant son honneur,
notamment dans des contextes militaires, en citant Römer comme
référence. Ce propos est bel et bien dans le livre de Römer, mais
à la page 60, en parlant du mépris le plus total d’hospitalité
dans le récit de Sodome et Gomorrhe. C’est donc tout à fait hors
sujet, rien à voir avec le Lévitique. Au contraire, Römer
admet (p. 42-43) que contrairement au reste de la littérature du
Proche-Orient qui condamne la violence dans les relations
homosexuelles, ici c’est bien l’acte en lui-même qui est en
cause (pour les raisons que nous avons dites).
Le P. Jasseron fait remarquer que ces
versets ne parlent pas des relations entre femmes. C’est ce que
fait effectivement remarquer Römer à la page 53, ce n’est pas
explicitement condamné pour diverses raisons idéologiques (selon
lui). Néanmoins Schenker dit bien à la fin de son chapitre après
avoir parlé de cette question (p. 72) : « C’est pourquoi on
peut affirmer avec probabilité que, selon la Bible, l’union
homosexuelle entre femmes est interdite elle aussi. »
Pas besoin de développer plus, nous vous
renvoyons à nos sources. Nous n’avons pas à commenter l’accord
des exégètes sur le fait que ça ne concerne pas la vie affective
de deux gays ou deux lesbiennes, c’est évident et hors
sujet. Le P. Matthieu nous embrouille en mettant en avant cette
question, le texte ne parle pas de cette réalité affective, mais
les actes sexuels étant condamnés pour des raisons tout à fait
valables, et par Dieu, plusieurs conséquences en découlent, nous en
avons parlé rapidement plus haut. La C.D.F. confirme bien la
condamnation de ce passage (p. 6) :
Dans le Lévitique 18, 22 et 20,
13, quand sont décrites les conditions nécessaires pour appartenir
au Peuple élu, l’auteur exclut du Peuple de Dieu ceux qui ont un
comportement homosexuel.
4 – Sodome et
Gomorrhe
Parlons maintenant de Sodome et Gomorrhe.
Le P. Matthieu nous dit que les habitants de Sodome veulent violer
des anges, mais pas des hommes. Pourtant, ils ne savaient pas que
c’étaient des anges, donc l’argument est invalide. Néanmoins,
Jude 7 nous laisse bien un doute (mais Römer interprète ce verset
comme concernant la fornication, p. 63).
Le P. Matthieu nous dit ensuite que le
mot yada’ en hébreu ne signifie nulle part ailleurs des
relations homosexuelles, et que cela veut dire : « faire
connaissance, se confronter ». Premièrement c’est faux, Jg 19, 22
(que Römer ignore mais que Himbaza identifie clairement aux rapports
homosexuels, p. 21). Ensuite, le P. Matthieu n’a pas tout dit ce
que disait Römer qui parle justement de cette interprétation en la
remettant un peu en question (p. 57-58) :
Il est vrai
que le verbe hébreu yada’ (« connaître ») peut exprimer
d’une manière euphémique les rapports sexuels (“Adam connut
Eve…”). Il est donc possible d’appliquer cette interprétation
aussi pour le récit de Genèse 19. Pourtant, certains commentaires
nient cette connotation pour l’histoire de Sodome, objectant que le
mot yada’ désigne parfois des rapports sexuels, mais
uniquement lorsqu’ils sont de nature hétérosexuelle. Pour les
rapports homosexuels, qui ne sont cependant mentionnés que deux
fois (Lv 18,22 ; 20,13), la Bible hébraïque utiliserait shakan
(“coucher”). Le verbe yada’ pourrait ainsi, en Genèse
19,5, simplement signifier « faire connaissance avec ». Loth, qui
est expressément appelé « étranger » par les
habitants, aurait outrepassé ses droits en accueillant deux inconnus
dont les intentions pouvaient être hostiles et dont les identités
n’avaient apparemment pas été contrôlées. Cette explication
donnerait une raison suffisante à la demande : « Où sont les
hommes qui sont venus chez toi ? Fais-les sortir pour que nous
puissions voir qui ils sont. »
Si une
telle interprétation peut se défendre pour le seul verset 5, elle
semble exclue pour la suite. La réaction de Loth, qui offre ses deux
filles vierges, montre bien que les hommes de Sodome tentent une
agression d’ordre sexuel. Doit-on pourtant qualifier cette
demande comme étant exclusivement liée à un acte homosexuel ? En
effet, l’initiative de Loth met quelque peu en question la présumée
homosexualité des Sodomites, puisque Loth veut leur offrir ses
filles en échange. D’autant plus qu’il n’est logiquement guère
concevable que tous les habitants de Sodome (v. 4) soient
homosexuels.
Si la
narration insiste d’abord sur le fait que tous les habitants de
Sodome participent à l’agression – « les gens de la ville, les
gens de Sodome, du plus jeune au plus vieux, le peuple entier sans
exception » – , c’est probablement avant tout pour signifier que
même les futurs gendres de Loth sont parmi les agresseurs et que la
destruction de la ville au sujet de laquelle Abraham avait interrogé
Yhwh au chapitre précédent est entièrement justifiée. Ce n’est
donc pas en premier lieu la présumée homosexualité des habitants
de Sodome qui va provoquer le jugement, mais une agression
collective, un acte de violence sexuelle gratuite, qui ne respecte
pas le devoir de l’accueil de l’étranger et de l’hospitalité.
Voici ce que dit, quant à lui, Innocent
Himbaza en comparant ce texte avec Juges 19, page 26 (ce que fait
aussi rapidement Römer) :
Ni Gn 19 ni
Jg 19 ne mettent l’homosexualité en avant ; celle-ci n’est pas
l’objet de ces textes. Par contre, pour donner une illustration du
lourd péché de Sodome pour Gn 19 et de l’infamie commise en
Israël pour Jg 19, ces récits incluent des actes à caractère
homosexuel. Le refus de l’hospitalité est exprimé, entre autres,
par l’intention d’accomplir des actes à caractère homosexuel
sur les visiteurs. En soi, les expressions hébraïques utilisées al
tare’u (ne commettez pas le mal) en Gn 19,7 et Jg 19,23 ainsi
que lo ta’asu devar hanevalah hazzot (ne commettez pas cette
infamie/folie) peuvent s’appliquer à n’importe quel acte
répréhensible et donc aussi à plusieurs contextes. Cependant,
dans les deux récits, le contexte s’oriente clairement vers les
actes sexuels, puisque les hôtes proposent de livrer des femmes à
la place des hommes, apparemment comme un moindre mal. « Ne
commets pas cette infamie » fut également la mise en garde de
Tamar, fille de David, avant d’être violée par son demi-frère
Amnon (2 S 13,12-14). Les intentions homosexuelles des habitants
de ces localités font donc partie de ce qui est réprouvé par les
récits qui nous occupent.
Et p. 46 :
Si l’on
veut s’arrêter à l’homosexualité, tout en observant ces deux
textes dans leur intention propre, on dira que les comportements
homosexuels font partie de ce qui constitue le péché des Sodomites
comme celui des hommes de Guivéa. On dira également que les deux
textes réprouvent ce genre de comportement. Dire que ces textes
ne disent rien des comportements homosexuels nous semble une
interprétation idéologique.
Même si le fond de ce texte est
l’agression à cause du manque d’hospitalité, l’homosexualité
n’en reste pas moins réprouvée. Néanmoins, ce n’est qu’à
partir du IIe siècle avant J-C qu’on a commencé à
identifier le péché de Sodome à un en particulier, la Bible en
parlant quelques fois de manière générale. Une vraie première
mention explicite chez les juifs de l’homosexualité considérée
comme le péché de Sodome se trouve chez Philon d’Alexandrie au
Ier siècle et chez les chrétiens chez Méthode d’Olympe (IIe-IIIe
siècle), le Banquet, 5ème discours, n.122. Pour approfondir ces
thèmes, je vous renvoie à nos sources, une fois de plus. Voici
d’ailleurs ce que dit la C.D.F. (n. 6) :
Ainsi, la
détérioration due au péché se poursuit dans l’histoire des
hommes de Sodome (cf. Gn 19, 1-11). Il ne peut y avoir de doute
sur le jugement moral qui y est exprimé à l’encontre des
relations homosexuelles.
Mais il y a aussi le troisième Concile
du Latran, autorité magistèrielle et que nous avons déjà cité
dans la première partie, qui en parle (canon 11) :
Tous ceux qui
seront convaincus de se livrer à cette incontinence contre nature,
qui attire la colère de Dieu contre ceux qui lui résistent et a
consumé cinq villes par le feu, seront chassés du
clergé s’ils sont clercs ou relégués dans des monastères pour y
faire pénitence ; s’ils sont laïcs, ils seront frappés
d’excommunication et désormais retranchés de l’assemblée des
fidèles.
Et toujours Horrendum illus scelus
:
Cet
effroyable crime à cause duquel des Villes souillées et avilies
furent brûlées par le redoutable jugement de Dieu, Nous marque
de la douleur la plus cruelle et remue si lourdement Notre âme, que
nous consacrons toute notre attention, autant qu’il est possible, à
l’arrêter.
Pour
mentionner rapidement des Pères de l’Église sur la question (en
plus de saint Augustin et saint Thomas), saint Jean Chrysostome, 4e
homélie sur l’épître aux
Romains, et saint Grégoire le Grand, Morales
sur Job, Livre xiv,
23.
D’autres propos de Römer, par exemple
dans Sodoma, éd de poche, p. 349-353, s’éclairent avec ce
que nous venons de dire, ou bien ne font pas grandes difficultés.
Avant de passer au Nouveau Testament,
nous vous invitons à lire Innocent Himbaza des pages 29 à 45 où il
répond sur la question de David et Jonathan, que le P. Matthieu ne
manquera sûrement pas de nous opposer. Il est dommage qu’Himbaza
ne parle pas des relations avec l’épopée de Gilgamesh, ce qui
aurait pu donner des éléments de réponse à la comparaison que
fait Römer p. 100-111 (que nous ne jugeons absolument pas décisive).
Mais au vu du reste de notre étude et de ce que dit Himbaza, il ne
nous semble pas pertinent de nous attarder sur cette question. De la
même manière sur les relations entre Jésus et Jean (qu’examine
Jean-Baptiste Edart, p. 110-113).
5 – 1 Corinthiens
et 1 Timothée
Passons maintenant aux propos de saint
Paul. Nous commençons avec 1 Corinthiens 6,9 et 1 Timothée 1,10. Le
P. Matthieu nous parle de malakos en grec, comme pouvant
signifier doux ou efféminé, ici désignant une certaine forme de
paresse. C’est en effet ce que dit Römer dans son étude très
rapide des textes de saint Paul, page 118, ce mot pourrait décrire
une attitude un peu molle. Mais Jean-Baptiste Edart n’est pas de
cet avis, et développe bien plus (p. 78) :
Malakos
signifie littéralement « doux, soyeux, délicat ». Dans
une relation homosexuelle, il désigne le partenaire passif. Il a une
connotation très péjorative. La difficulté de ce terme pris en
lui-même est qu’il renvoie à différentes réalités : prostitué
masculin, travesti, homme efféminé, etc. Il peut donc être compris
ou dans un sens très étroit (prostitué masculin) ou très large
(homme efféminé prenant excessivement soin de son apparence), ce
qui rend difficile toute identification.
Le contexte
littéraire nous aide. Celui-ci, clairement connoté sexuellement,
invalide l’interprétation trop large. Il s’agit bien ici d’un
comportement sexuel. Il nous faut recourir aux sources
extra-bibliques pour préciser le sens.
Philon
d’Alexandrie emploie malakia pour désigner le comportement
de partenaires homosexuels passifs soucieux de leur apparence
efféminée pour plaire à leur amant masculin. De même, dans sa
description des hommes de Sodome, Philon emploie le terme malakotês
pour caractériser l’attitude des hommes pénétrés. Ces deux
récurrences montrent que malakos ne renvoie pas uniquement à
des prostitués, mais qu’il peut désigner tout partenaire passif
dans une relation homosexuelle masculine. Il est impossible à
notre avis de définir plus précisément la nature de ces malakoi
à ce point de notre étude.
Le P. Matthieu nous parle ensuite de
arsenokoitai, en identifiant ce terme avec la pédérastie.
Tout en passant de nouveau sur le hors sujet des relations
affectives, nous remarquons que ni Römer, ni Edart ne limitent ce
terme à ce sens, ce qui décrédibilise l’identification faite par
le P. Matthieu. Römer, p. 118-119 :
Le second
terme, arsenokoites, est un terme rarement utilisé dans le
grec de la koinè, langue dans laquelle sont rédigés les écrits du
Nouveau Testament ; on ne le trouve que dans les deux passages de 1
Corinthiens 6,19 et 1 Timothée 1,10. Selon le dictionnaire, ce terme
signifie quelque chose comme « homme de mœurs contre nature ».
C’est un mot composé de arsen, « mâle », et koité,
« lit », « couche ». Étymologiquement, arsenokoites a
donc une connotation sexuelle indéniable, mais qui ne renvoie pas
forcément à l’homosexualité, ni à la pédérastie, mais peut
désigner tout comportement sexuel jugé inacceptable. Certains
auteurs pensent qu’il s’agit d’une désignation pour des
prostitués dont les clients sont aussi bien des femmes que des
hommes, mais cette hypothèse demeure assez spéculative.
Apparemment, Paul est le premier auteur à utiliser ce terme.
S’agit-il d’une tentative de traduire en grec l’expression de
Lévitique 20,13 (« un homme couchant avec un homme ») ? Il
se peut que Paul, influencé par la culture juive dont il est issu,
crée une sorte de néologisme. De toute façon, la traduction «
pédéraste » est inappropriée ; ce terme a sans doute une
signification qui dépasse celle des relations initiatiques et
sexuelles entre un adolescent et un homme adulte, relations bien
attestées dans la culture grecque antique.
Edart, p. 78-79 :
L’analyse
de arsenokoites permet de lever l’ambiguïté. Ce terme
signifie littéralement « couchant (koitê : « lit couche »,
keisthai : « être couché ») avec un homme (arsên :
« mâle ») ». Formé par l’association de deux mots présents en
Lv 18,22 et 20,13, il est très probablement apparu dans un contexte
judéo-hellénistique. Le texte grec de Lv 18,22 dit : “Avec un
homme (arsenos) tu ne coucheras (koimêthêsê) pas
comme on couche (koitên) avec une femme. C’est une abomination.”
Lv 20,13 est plus explicite encore : « Celui qui couche (koimêthê)
avec un homme (arsenos) [comme] on couche (koitên)
avec une femme : c’est une abomination qu’ils ont tous deux
commise, ils devront mourir, leur sang retombera sur eux. » Dans le
texte grec, «homme» (arsenos) et «couché» (koitên)
se suivent immédiatement, facilitant ainsi la formation du
néologisme. Cette construction trouve un écho dans la tradition
rabbinique. Les rabbins utilisent l’expression hébraïque «coucher
avec un mâle» (miškab zâkûr) tirée du texte hébreu de
Lv 18,22 et 20,13 pour exprimer la relation homosexuelle. Ces
derniers ne limitent pas cela à la pédérastie. Tous ces
éléments nous paraissent suffisants pour affirmer que ce terme
renvoie explicitement en 1 Co 6,9 à des hommes ayant le rôle actif
dans des relations à caractère homosexuel. L’usage post-biblique
de ce terme confirme ce sens. La traduction latine de la Vulgate :
masculorum concubitores (hommes couchant avec des mâles)
exprime bien le fait que le terme ne prêtait pas à ambiguïté au
IVe siècle.
Jean-Baptiste Edart, page 81, conclut en
disant :
Cette étude
de 1 Co 6,9 et 1 Tim 1,10 nous permet de légitimement voir dans
malakos le partenaire passif d’une union homosexuelle et
dans arsenokoites le partenaire actif. Le jugement formulé
par Paul à leur égard est clair : ils n’ont pas accès au Royaume
de Dieu. Il s’agit donc d’actes considérés comme gravissimes,
offensant directement la Loi divine. Cet enseignement de Paul est
cohérent avec le judaïsme du Ier siècle ap. J.-C. Paul n’établit
pas de distinction liée à des questions d’orientation sexuelle ou
de spécificité dans l’acte sexuel posé (pédérastie, viol,
etc.). C’est l’acte en lui-même qui est condamné. En dire plus
maintenant est impossible.
On peut aussi apporter comme argument que
le Concile de Trente (6e session, Chapitre 15), cité dans
la première partie a pris le passage en utilisant le terme «
sodomites » :
On défend
ainsi la doctrine de la Loi divine qui exclut du Royaume de Dieu non
seulement les infidèles, mais aussi les fidèles fornicateurs,
adultères, efféminés, sodomites [masculorum
concubitores], voleurs, avares, ivrognes, médisants, rapaces 1
Co 6,9-10 et tous les autres qui commettent des péchés mortels
dont, avec l’aide de la grâce divine, ils peuvent s’abstenir et
à cause desquels ils sont séparés de la grâce du Christ.
Le P. Matthieu ne peut donc pas conclure
ces passages en disant qu’ils ne condamnent pas les actes
homosexuels.
6 – La lettre aux
Romains
Nous passons à la lettre aux Romains. Le
P. Jasseron nous dit que la communauté de Rome était connue pour
ses mœurs un peu légères. Nous attendons les références car au
contraire, Rm 1,8 dit qu’on publie la foi des romains dans le monde
entier. Cette communauté ne semble donc avoir rien de spécifiquement
dépravé. Le P. Matthieu cite Romains 1, 26 en tronquant le verset
27 qui est le plus explicite, parlant bien de relations d’hommes à
hommes, ce qui est accepté par tous les exégètes (Edart, p. 83,
presque tous considèrent que ça concerne aussi les femmes). Donc,
dans un premier temps, ce passage concerne seulement les homosexuels
et non les hétérosexuels (ou indirectement en tant que le viol ou
la fornication peuvent être aussi des péchés fruits de
l’idolâtrie). Ensuite, il cite Joël Pralong pour dire que ce
passage condamne l’appétit sexuel qui fait dégénérer les hommes
dans des rapports de violence et de domination. Nous citerons
rapidement le père Jean-Baptiste Edart, mais nous vous invitons à
lire tout son chapitre sur le Nouveau Testament (p. 75-122) qui fait
un long développement sur ce passage de l’épître aux Romains (p.
81-103) et répond à certaines opinions de Römer (et établit bien
les relations entre homosexualité, nature selon le plan divin et
idolâtrie, Pralong essayant de tourner cette dernière donnée à sa
façon dans le contexte selon ce que nous cite le P. Matthieu). p.
104-105 :
Cet
enracinement dans l’intention divine manifestée dans la création
est perceptible dans la nature sexuée de la personne humaine
(corporelle et spirituelle) est, en soi, la réponse aux trois des
quatre positions évoquées au début de notre étude. La première
affirmait que Paul ne prenait en considération qu’un certain type
de relations sexuelles, manifestant une violence envers un plus
faible. Si la condamnation des actes homosexuels repose sur la
théologie de la création, il ne peut plus être question de
rapports imposés, qui seraient condamnables, ou choisis qui seraient
acceptables. C’est tout acte homosexuel qui est contre-nature,
c’est-à-dire opposé à la volonté divine, qu’il soit entre
hommes ou entre femmes. D’ailleurs, outre cet argument, rien
dans le texte ne permet de soutenir la thèse de la relation sexuelle
imposée par force. Il est clairement énoncé que les femmes
changent leurs rapports naturels pour un rapport contre-nature, de
même pour les hommes. Le texte souligne la libre initiative des
hommes livrés par Dieu à leurs passions. La précision apportée
sur le changement opéré montre que la pointe du texte est entre une
relation hétérosexuelle, qui est naturelle, et une relation
homosexuelle, contre-nature.
Joël Pralong n’ayant pas, aux
dernières nouvelles, autorité dans l’exégèse, nous nous
permettrons de pas insister plus que cela sur ce qu’il dit.
Concluons en disant que Rm 1,32 dénonce ceux qui font ces actes
(avec toute la liste qui suit), mais aussi ceux qui les approuvent,
ce qui est le cas notamment du P. Matthieu.
Voilà ce que dit la C.D.F. sur saint
Paul en général (n. 6) :
Sur le fond
de cette législation théocratique, saint Paul développe une
perspective eschatologique, à l’intérieur de laquelle il propose
à nouveau la même doctrine, comptant parmi ceux qui n’entreront
pas dans le Royaume de Dieu notamment celui qui agit en homosexuel
(cf. 1 Co 6, 9). Dans un autre passage de ses lettres, se fondant
encore sur les traditions morales de ses prédécesseurs, mais se
plaçant dans le contexte nouveau de la confrontation du
Christianisme et de la société païenne de son temps, saint Paul
prend le comportement homosexuel comme exemple de la cécité dans
laquelle est tombée l’humanité. Se substituant à l’harmonie
originaire entre le Créateur et ses créatures, la grave déviation
de l’idolâtrie a amené toutes sortes d’excès dans le domaine
moral. Saint Paul voit précisément dans les relations homosexuelles
l’exemple le plus clair de cette disharmonie (cf. Rm 1, 18-32).
Enfin, en pleine continuité avec l’enseignement biblique, dans la
liste de ceux qui agissent contrairement à la saine doctrine sont
mentionnés explicitement parmi les pécheurs ceux qui commettent des
actes homosexuels (cf. 1 Tm 1, 10).
(Est aussi développé plus haut au même
paragraphe la théologie biblique de la création qui explique la
condamnation de l’homosexualité pour rendre le tout cohérent)
Nous nous permettrons donc de conclure
que oui, la Bible condamne bel et bien l’homosexualité. Non
seulement la Bible, mais aussi l’Église et la Tradition. Vous
pourrez néanmoins trouver dans la première partie de notre
réfutation des éléments de nuance sur la pastorale vis-à-vis des
homosexuels. La Bible, comme nous l’avons dit, est là pour
condamner des actes contraires à la nature, et non une réalité
psychologique. Mais nous en avons assez dit sur le sujet.
III – La
Transidentité et l’Homosexualité chez les Saints
Après avoir vu l’homosexualité dans
la Tradition et l’Église, puis dans la Bible, nous passons aux
deux saints que cite le P. Matthieu.
1 – Sainte Théodora
d’Alexandrie
Nous commençons par Théodora
d’Alexandrie. Nous avons trouvé très peu d’informations en
français sur cette sainte. Mais voici deux biographies que nous
avons pu trouver sur Internet :
Elle était
mariée à Alexandrie en Égypte. Mais, un jour, elle commit
l’adultère. Prise de remords, elle se fit pénitente,
s’habilla en homme pour entrer au monastère dont elle devint
d’ailleurs plus tard le Père Abbé. Elle fut accusée de relations
coupables par une femme qui venait d’avoir un enfant. Plutôt que
de révéler son identité, elle accepta de quitter le monastère,
gardant l’enfant avec elle, l’élevant avec patience. Ce n’est
qu’à sa mort qu’on découvrit que le moine Théodore,
injustement accusé, était Théodora, une sainte femme.
« Sainte
Théodora »,
nominis.cef.fr
Sainte
Théodora, vécut à Alexandrie sous le règne de l’empereur Zénon
(vers 472). Elle était mariée à un certain Paphnuce, homme pieux
et de bonne renommée. Mais un jour, sous l’instigation du diable,
Théodora commit l’adultère. À peine venait-elle de pécher que
l’aiguillon de sa conscience la fit cruellement souffrir. Elle
n’osa pas rentrer chez elle et se rendit dans un couvent voisin, où
elle demanda à l’abbesse de faire lire l’Évangile au hasard. En
ouvrant l’Évangile, on tomba sur ces paroles : Ce que j’ai
écrit, je l’ai écrit (Jn 19, 24). Réalisant que son péché
était connu de Dieu et brûlant de faire pénitence au plus
vite, Théodora changea ses vêtements, s’habilla en homme et
demanda à être reçue comme novice, sous le nom de Théodore, au
monastère masculin situé à dix-huit milles d’Alexandrie. L’abbé
du monastère, pensant qu’il s’agissait d’un eunuque et
constatant son ardeur à embrasser la vie monastique, l’accepta
sans tarder et la revêtit du saint Habit angélique. Pendant huit
ans, la bienheureuse Théodora fit preuve d’un zèle remarquable
dans toutes les œuvres de l’ascèse, accomplissant les tâches les
plus viles et passant toutes ses nuits dans les larmes et les prières
ardentes, afin que le Seigneur lui pardonne son péché et lui fasse
retrouver la grâce de la chasteté. Un jour, comme elle avait été
envoyée à Alexandrie pour chercher de l’huile, elle rencontra son
époux, qui la recherchait depuis des années. Mais celui-ci ne la
reconnut pas, tant les labeurs de l’ascèse avaient transformé son
aspect corporel. Cette rencontre fut pour Théodora une occasion pour
redoubler ses combats, et elle ne mangea plus qu’une fois par
semaine. Élevée ainsi au-dessus des nécessités corporelles et
tout adonnée à la prière de repentir, elle acquit une telle faveur
auprès de Dieu qu’elle accomplit des miracles. Sa conduite
exemplaire suscitait l’admiration de tous, mais faisait trembler de
rage le démon, qui voyait sa proie lui échapper. Cet insatiable
ennemi du bien ne s’avoua pas vaincu. Ayant suggéré à certains
moines jaloux de répandre la rumeur selon laquelle le jeune Théodore
était tombé dans la fornication avec une femme d’un village
voisin, ces derniers amenèrent même le nourrisson à la porte du
monastère. Comme Théodora ne répondait rien à ces accusations, ne
voulant pas dévoiler sa véritable identité et estimant que cette
épreuve était un châtiment voulu par Dieu, elle fut expulsée du
monastère. Prenant l’enfant avec elle, comme s’il était le
sien, elle s’installa à proximité dans une petite cabane, où
elle vécut dans un dénuement extrême, luttant contre le froid
l’hiver, contre la chaleur l’été, et résistant vaillamment aux
tentations sans nombre que lui infligèrent les démons. Au bout de
sept ans, l’abbé du monastère lui permit de rejoindre la
communauté. Mais loin de se reposer de ses labeurs, Théodora
intensifia ses veilles, ses jeûnes et ses prières, et elle montrait
une obéissance et une patience encore plus grandes qu’auparavant.
Elle avait pris avec elle l’enfant, et lui enseignait comment
acquérir les vertus évangéliques et la prière perpétuelle. Au
bout de quelque temps, ayant exhorté une dernière fois celui qui
était, en vérité, devenu son fils selon l’Esprit, elle
s’endormit en paix. Au moment de sa mort, l’abbé eut une vision
: il vit une femme revêtue de vêtements lumineux, s’élever dans
les airs et rejoindre le chœur des Justes et des saints. Tous
reconnurent alors en pleurant leur méprise et rendirent gloire à
Dieu d’avoir accompli parmi eux une si grande merveille. En effet,
pour guérir la passion, Théodora avait non seulement combattu de
front les tentations de la chair en vivant secrètement au milieu des
hommes, mais, fortifiée par la grâce, elle avait même dépassé
ses compagnons par l’ascèse et les labeurs. Bien que revêtue d’un
corps, elle avait atteint l’impassibilité et la pureté des anges.
orthodoxie.com
Une source est donnée à cette
biographie : le Synaxaire du Père Macaire de Simonos Petras.
Avec
ce que nous savons, nous partirons du principe que la légende du
travestissement (elle a tout l’air d’en être une, voir Acta
Sanctorum, Septembre, III,
p. 788-791) est vraie même si elle n’est pas retenue au
Martyrologe Romain (selon Rioult,
42 :22). Si elle n’est pas vraie, cela décrédibilise le
développement du P. Matthieu, étant un conte populaire, et l’Église
n’en tenant de toute façon pas compte.
Parler d’une femme trans ou d’une
dysphorie de genre est absolument anachronique dans ce contexte.
Théodora ne va pas dans un monastère car elle se considère comme
un homme dans une réflexion existentielle. Elle y va en guise de
pénitence, prise de remords pour avoir commis un péché grave,
l’adultère. Sinon elle n’aurait pas attendu ces remords pour
entrer au monastère en se déguisant en homme, et ne se serait pas
mariée. On nous objectera sûrement : mais pourquoi s’être
spécifiquement travesti en homme jusqu’à devenir le Père Abbé ?
Avec le peu que nous avons, nous n’avons pas la réponse, et il est
clair que cette raison se trouve dans son acte même de pénitence.
Même si ce n’était pas le cas, tout en rappelant que c’est très
sûrement une légende populaire, cela ne prouve rien positivement.
Il est anachronique d’essayer de trouver des éléments
psychologiques de ce genre dans une histoire de cette sorte, dans un
contexte entièrement différent. Ce que nous avons dit nous semble
bien assez probable pour dire que sainte Théodora n’a rien à voir
avec la transidentité. Si le P. Matthieu ou d’autres veulent
prouver que c’était au contraire le cas, c’est à eux que
reviennent la charge de la preuve. Ce que nous disons sur sainte
Théodora vaut pour toutes les autres saintes (ou considérées
saintes chez les orthodoxes), avec des histoires similaires (Cf.
Saintes Euphrosyne-Smaragde, Pélagie, Athanasie, Anne-Euphimien,
Euphrosyne la Jeune, Matrone-Babylas, Suzanne-Jean, Eugénie,
Apollinaria-Dorothée, Marie-Marin et Anastasie la patricienne.
Cf aussi Callisthène.)
2 – Saint Ælred de
Rievaulx
Nous passons à saint Ælred de Rievaulx
(le P. Matthieu tient sûrement cette accusation gratuite de Sodoma,
éd de poche, p. 315, l’auteur disant la même chose de saint
Bernard de Clairvaux, p. 57, et peut-être de quelques associations «
catholiques » homosexuelles). Précisons en premier lieu qu’il
était moine, et est même devenu Abbé. Il serait totalement déplacé
d’affirmer qu’un moine qui a choisi rigoureusement la chasteté
(et qui en fait l’éloge dans ses écrits) et surtout qui est
considéré comme saint (contrairement à un Julien Green) puisse
avoir des amants ou amantes, et encore moins des affinités sexuelles
(le P. Matthieu admet cette dernière chose, et heureusement). Mais
passons cela.
Mentionnons que saint Ælred était un
érudit, il connaissait Cicéron, Platon, Denys l’Aréopagite et
saint Augustin. Platon et saint Augustin sont eux assez critiques des
actes homosexuels (Saint Augustin dans ses Confessions,
Livre III, Chapitre VIII,
dont il savait de longs passages par cœur, et la Cité
de Dieu, Livre XVI, Chapitre
XXX
en parlant de Sodome. Platon, rapidement dans le Phèdre
et dans les Lois,
636c,
bien qu’il transparaisse explicitement de l’homo-érotisme dans
des écrits comme le Banquet). Ses ouvrages laissent transparaître
qu’il avait une bonne connaissance de la morale et des vices, en
parlant régulièrement. Pourquoi en rejeter un (le vice de Sodome),
explicitement connu à son époque, en particulier ? Venons-en donc à
ses écrits. Comme précisé dans l’Amitié
Spirituelle, l’amitié
ou « l’amour d’amitié », qui est explicitement spirituelle
dans ses écrits, ne se comprend qu’à la lumière du Christ, et
dépasse donc ce qu’ont pu penser les païens (comme Cicéron),
dans une plus grande perfection, notamment dans la chasteté, et en
évitant les vices de la luxure :
[Necesse
est ergo mentem, cui nequam hic spiritus insederit, quibusdam furiis
agitari, et ignitis luxuriæ stimulis impetitam, al quæque flagitia
ebriam et vagabundam, soluto freno totius honestatis, impelli,
restinctoque semel conceptæ passionis incendio, in aliud nihilominus
æstu vehementiore succendi. Perabsurdum est ergo in hujusmodi
voluptate rationalis mentis requiem aucupari; præsertim cum a divina
justitia nunquam majorem pœnam in præsenti vita legamus irrogari,
quam cum propriis desideriis quilibet traditur maculandus, dicente
Scriptura: Et non audivit popumeus vocem meam; et Israel non intendit
mihi : et dimisi eos secundum desideria cordis eorum (Psal. LXXX).
Speculum
Caritatis, lib.
i,
cap. xxvi]
Celui qui est
agité par l’esprit impur et tourmenté par les ardeurs de la
luxure se condamne au vagabondage du cœur. Ivre de plaisirs, il perd
toute retenue. Dès qu’un incendie est éteint, un autre se rallume
véhément pour un nouvel objet de passion. N’est-ce pas le comble
de l’absurdité pour l’esprit de chercher son repos dans ce genre
de volupté ? Il n’y a pire châtiment, lisons-nous dans
l’Écriture, que d’être condamné par Dieu à se vautrer dans
ses passions. « Et mon peuple ne m’a pas écouté, dit le
Seigneur, alors je l’ai livré aux désirs de son cœur » (Ps.,
80).
Le
Miroir de la Charité,
I,26
Et à la lumière de la raison :
[Deinde
quidquid illud est, cujus se fructu beari posse confingit, sine omni
ambiguitate sibi eligit ad fruendum. Quam utique electionem amor
facit: nam ea vi sua, sive natura, quam superius amorem diximus,
anima rationalis id facit. Habet nempe amor semper comitem rationem,
non qua semper rationabiliter amet; sed qua, ea quæ eligit, ab bis
quæ reprobat, vivaci circumspectione discernat. Denique rationis est
inter Creatorem et creaturam, inter temporalia et ærterna, inter
amara et dulcia, inter aspera et delectabilia discernere; amoris
autem quod voluerit ad fruendum eligere. Porro et ipsa electio amor
dicitur, et est quidam actus animæ; sed, cum amor ipse quo eligit,
semper bonum sit, hæc tamen electio, quæ et amor nihilominus
appellatur, necesse est ut bona vel mala sit, ac per hoc bonus vel
malus amor sit. Nam si experientia cujuslibet delectationis illecta,
vel certe quolibet errore decepta mens, ea quibus minime fruendum est
eligat ad fruendum, profecto infeliciter amat. Frui autem dicimus,
cum delectatione et gaudio uti.
Speculum
Caritatis,
lib. iii,
cap. viii]
Mais quel que
soit l’objet dans lequel on croit trouver le bonheur, on n’hésite
pas à le choisir et on veut le posséder. C’est l’amour en tant
que faculté d’aimer qui détermine ce choix. C’est une décision
de l’âme raisonnable. L’amour s’accompagne toujours de raison,
non que tout amour soit raisonnable, mais parce que pour choisir un
objet ou en repousser un autre, la raison en fait un rapide examen.
C’est donc à la raison de discerner Créateur et créatures, temps
et éternité, choses amères et douces, âpres ou agréables, et
c’est à l’amour de choisir ce dont il veut jouir. Le choix est
donc déjà de l’amour. Comme acte de l’âme, cet amour est
toujours chose bonne ; mais l’objet du choix étant nécessairement
bon ou mauvais, il rend l’amour bon ou mauvais. Si donc l’esprit,
entraîné par l’expérience d’un plaisir ou trompé par
l’erreur, choisit des objets dont il est mal de jouir, il aime pour
son malheur. Nous appelons jouir le fait de posséder quelque chose
avec plaisir et dans la joie. (M. C., III, 8)
Attardons-nous
maintenant sur ce que cite le P. Matthieu, au chapitre 34 du livre 1
du Miroir
de la Charité. C’est un
chapitre vraiment magnifique, qui illustre à merveille l’amitié
spirituelle telle que développée par saint Ælred, une réelle
admiration, une réelle affection allant jusqu’aux larmes, et nous
vous invitons à le lire. Voici le passage précis que cite le P.
Matthieu (109) :
[Ecce
quid perdidi: ecce quid amisi. Quo abisti, o exemplar vitæ meæ,
compositio morum meorum ? Quo abisti, quo recessisti ? Quid faciam?
Quo me vertam ? Quem mihi jam sequendum proponam? Quomodo
avulsus es ab amplexibus meis, subtractus oculis meis?
Amplexabar te, dilecte frater; non carne, sed corde.
Osculabar te, non oris attactu, sed mentis affectu.
Dilexi te, qui me ab ipso initio conversionis meæ in amicitiam
suscepisti, qui te mihi præ cæteris familiarem exhibuisti, qui in
ipsis visceribus animæ tuæ me Hugoni associasti. Tanta enim tibi
erat circa utrosque dilectio, tam similis affectio,
tam una devotio, ut, sicut mihi videor ex verbis tuis collegisse,
neutrum alteri tuus præferret affectus, quamvis
ejus sanctitatem mihi omnino præferendam certa ratio judicaret.
Speculum
Caritatis, lib. i,
cap. xxxiv]
Voilà ce que
j’ai perdu, voilà ce qui m’a été enlevé ! Où t’en es-tu
allé, ô modèle de ma vie, harmonisation de mes habitudes de vie ?
Où t’en es-tu allé ? Où es-tu parti ? Que vais-je faire ? Vers
qui vais-je me tourner ? Qui vais-je suivre ? Comment as-tu été
arraché à mes embrassements, soustrait à mes baisers, dérobé à
mes regards ? Car je t’étreignais, frère bien-aimé, non
de corps mais de cœur. Je t’embrassais non par contact des
lèvres mais affection de l’âme. Je t’ai aimé, toi qui me
pris en amitié dès le début de ma conversion, qui te montras plus
familier avec moi qu’avec d’autres, qui m’associas à ton
Hugues au plus intime de ton âme. Tu nous chérissais tous deux si
fort, tu avais pour nous une si semblable affection, un si
égal dévouement que, d’après ce que j’ai conclu de tes
paroles, l’élan affectif en toi ne se portait pas plus vers
l‘un que vers l’autre bien que, au jugement de la saine
raison, tu aurais dû te porter davantage vers lui à cause de sa
sainteté.
Deux constats : les embrassements et les
baisers n’étaient pas physiques et corporels comme le laisse
faussement entendre le P. Matthieu, mais spirituels, de cœur et par
l’affection de l’âme (comme en 112), pour signifier la forte
amitié. C’est d’ailleurs tout à fait cohérent avec ce qu’il
dit sur le baiser spirituel dans l’Amitié Spirituelle
(livre 2) :
[Est
igitur osculum corporale, osculum spiritale, osculum intellectuale.
Osculum corporale impressione fit labiorum; osculum spiritale
conjunctione animorum; osculum intellectuale per Dei spiritum,
infusione gratiarum. Osculum proinde corporale non nisi certis et
honestis causis aut offerendum est, aut recipiendum: verbi gratia in
signum reconciliationis, quando fiunt amici, qui prius fuerant
inimici adinvicem. In signum pacis, sicut communicaturi in Ecclesia,
interiorem pacem exteriori osculo demonstrant. In signum dilectionis,
sicut inter sponsum et sponsam fieri permittitur; vel sicut ab
amicis, post diuturnam absentiam, et porrigitur et suscipitur. In
signum catholicæ unitatis, sicut fit cum hospes suscipitur. Sed
sicut plerique aqua, igni, ferro, cibo et aere, quæ naturaliter bona
sunt, in sua crudelitatis vel voluptatis satellitium abutuntur; ita
perversi et turpes, etiam hoc bono, quod ad ea significanda quæ
diximus, lex naturalis instituit, sua quodammodo flagitia condire
nituntur : ipsum osculum turpitudine tanta foedantes, ut
sic osculari nil sit aliud quam adulterari. Quod
quam sit detestandum, quam abominandum, quam fugiendum, quam
aversandum, quilibet honestus intelligit. Porro osculum
spiritale proprie amicorum est, qui sub una amicitiæ lege
tenentur: non enim fit oris attactu, sed mentis affectu :
non conjunctione labiorum, sed commistione spirituum, castificante
omnia Dei spiritu, et ex sui participatione cœlestem immittente
saporem. Hoc osculum dixerim Christi, quod ipse tamen porrigit non
ore proprio sed alieno; illum sacratissimum amantibus inspirans
affectum, ut illis videatur quasi unam animam in diversis esse
corporibus; dicantque cum Propheta: Ecce
quam bonum et quam jucundum, habitare fratres in unum
(Psal. cxxxii).
Huic ergo osculo assuefacta mens, et a Christo totam hanc dulcedinem
adesse non ambigens, quasi secum reputans et dicens: O si ipsemet
accessisset; ad illud intellectuale suspirat, et cum maximo desiderio
clamans: Osculetur me,
dicit, osculo oris sui
(Cant. i);
ut jam terrenis affectibus mitigatis, et omnibus, quæ de mundo sunt,
cogitationibus desideriisque sopitis, in solius Christi delectetur
osculo, et quiescat amplexu, exsultans et dicens : Lœva
ejus sub capite meo, et dextera illius amplexabitur me
(Cant. ii).
De
spirituali amicitia, lib.
ii]
On distingue
le baiser naturel, le baiser spirituel et le baiser intellectuel. [Le
baiser naturel se fait pas la pression des lèvres]. Le baiser
naturel ne doit être donné ou reçu que pour des raisons sérieuses
et honnêtes : en signe de réconciliation, quand deviennent amis
ceux qui étaient hostiles l’un à l’autre ; en signe de paix,
ainsi qu’on le donne dans l’Église pour démontrer la paix
intérieure par un baiser extérieur ; en signe d’amour ainsi qu’il
est permis entre époux, entre amis après une longue absence ; en
signe d’unité catholique quand on reçoit un hôte. Mais comme
l’eau, le feu, le fer, la nourriture et l’air qui sont choses
bonnes en elles-mêmes, sont abusées par l’effet de la cruauté ou
de la volupté, ainsi les pervers et les malhonnêtes cherchent à
user comme condiment de leurs vices de ce bien que la loi naturelle a
institué pour signifier ce que nous avons dit, au point qu’un
baiser n’est rien d’autre qu’un adultère. Ce que tout homme
honnête juge détestable, abominable, doit fuir et combattre.
Tandis que le baiser spirituel est le propre des amis tenus sous
la loi d’une amitié, elle n’est pas l’union des lèvres, mais
l’union des esprits. L’esprit de Dieu rendant toutes choses
plus chastes, et mêlant la saveur céleste à sa participation.
J’appellerai très justement ce baiser, le baiser du Christ, qui se
manifeste non par lui-même mais par un autre, inspirant à ceux qui
l’aiment cette affection très sainte, afin qu’ils paraissent une
âme en plusieurs corps et disent comme le prophète : O ! qu’il
est doux, qu’il est heureux pour des frères d’habiter ensemble.
(Ps. 132. I.) L’esprit s’étant habitué à ce baiser et
n’hésitant pas à ramener au Christ la douceur, se disant et
répétant : O si j’y parvenais ! et soupirant à ce baiser
intellectuel l’appelant d’un grand désir : « Il m’a baisé du
baiser de sa bouche ». De sorte que les affections terrestres
s’effaçant, et toutes les pensées et les désirs du monde
disparaissant, il ne se délecte plus qu’en le baiser du seul
Christ, et repose dans ses bras, exultant et disant : « Sa gauche
est sous ma tête, et de la droite il m’embrasse. » (Cant.
Des Cant.. II, 6)
Saint Ælred parle d’ailleurs de
l’amour entre le Christ et Simon d’une manière également très
appuyée, sans que personne n’ose qualifier de gay la
relation au Christ, dans le même chapitre du Miroir de la Charité
(100) [en fait : livre I, chap. 34]:
[(…) ;
qui instar primi illius patriarchæ egressus de
terra tua, et de cognatione tua, et de domo patris tui (Gen. xii),
ibas qua ignorabas, veniebas quo nesciebas. Sed sciebat ille, qui te
ducebat, qui tenerum adhuc cor tuum flamma suæ dilectionis
succenderat, et tu in olorem unguentorum illius currebas. Præcessit
te ille speciosus forma præ filiis hominum, ille unctus oleo lætitiæ
præ consortibus suis (Psal. xliv),
unctus spiritu sapientiæ et intellectus, spiritu consilii et
fortitudinis, spiritu scientiæ et pietatis (Isai. xxi);
et tu in odorem unguentorum istorum currebas (Cant. i).
(...) Fugiebat pius puer a facie patris sui, sed magis ad faciem
patris sui. Voluit quidem oblivisci populum suum, et domium patris
sui, ut concupisceret Res, Regis filius, decorem suum, et essent duo
in spiritu uno, quatenus ejus fieret pater per gratiam, qui illius
est per naturam.
Speculum
Caritatis,
lib. i,
cap. xxxiv]
Comme le
premier des patriarches, tu es sorti de ton pays, de ta parenté, de
la maison de ton père ; tu as marché par des chemins inconnus, tu
es venu vers un lieu que tu ignorais. Mais il les connaissait celui
qui te conduisait et qui avait embrasé ton cœur encore tendre de
la flamme de son amour ; et toi, tu courais à l’odeur de ses
parfums. Il t’a précédé, lui le plus beau des enfants des
hommes, lui qui a été oint d’une huile d’allégresse de
préférence à ses compagnons, oint de l’esprit de sagesse et
d’intelligence, de l’esprit de conseil et de force, de l’esprit
de science et de piété ; et toi, tu courais à l’odeur de ces
parfums-là. […] Le pieux enfant fuyait de devant la face de
son père, mais c’était bien davantage pour s’enfuir vers celle
de son Père. Il voulait oublier son peuple et la maison de son père
afin que le Roi, le Fils du Roi, s’éprenne de sa beauté et
qu’ils soient deux en un seul esprit au point que Celui qui est par
nature le Père du Roi devienne par grâce son Père à lui.
Le deuxième constat est que Ælred parle
d’une tierce personne, Hugues, que Simon aimait autant que lui.
Comment peut-on considérer une relation d’amants dans ces
conditions ? À moins qu’on ose considérer qu’il y ait une
homophilie libre et généralisée du monastère, ce qui serait
inadmissible. Il est bien plus cohérent de considérer une amitié
spirituelle forte entre ces trois hommes, telle qu’elle a été
décrite plus haut…
Citons encore un passage du même
chapitre (104) [en fait : livre I, chap. 34]:
[Flevit
patriarcha Jacob filium suum (Gen. xxxvii):
flevit Joseph patrem suum (Gen. l):
flevit sanctus David Jonathan charissimum suum (ii
Reg. i).
Omnia hæc mihi unus Simon fuit. Filius ætate, pater sanctitate,
amicus charitate. Plora ergo, miser, charissimum patrem tuum, plora
amantissimum filium tuum, plora dulcissimum amicum luum. (...) Pater
mi, frater mi, fili mi, quis mihi det, ut -ego moriar tecum?
Speculum
Caritatis,
lib. i,
cap. xxxiv]
Le patriarche
Jacob a pleuré son fils, Joseph a pleuré son père, saint David a
pleuré son très cher Jonathan. Tout cela, Simon à lui seul l’a
été pour moi : un fils par l’âge, un père par la sainteté, un
ami par la charité. Pleure donc, malheureux, pleure ton père très
cher, pleure ton fils très aimant, pleure ton très doux ami. […]
Mon père, mon frère, mon fils, qui me donnera de mourir avec toi ?
Il compare ici son amour pour Simon à
celui d’un père pour son fils et d’un fils pour son père, en
citant Joseph et Jacob (Rachel un peu plus loin en 105). Il semble
difficile après ces comparaisons de suggérer une relation d’amants.
David et Jonathan étant cités avec ces patriarches, ce n’est pas
un argument pour suggérer une telle possibilité.
Quant il demande comment il pourra vivre
sans Simon (par exemple en 98), tout cela s’explique de manière
cohérente par la forte union des âmes que ce chapitre développe.
Cela se rapproche de citations de saint Bernard mais surtout de saint
Augustin, qui avait aussi une forte affection pour son ami et a eu du
mal à supporter sa mort. Il raconte ses grands troubles dans ses
Confessions (au livre IV), que saint Ælred connaissait bien.
Et pourtant personne ne dira que saint Augustin était homosexuel, il
a d’ailleurs eu une concubine qu’il aimait avec qui il a eu un
fils avant son baptême en plus d’avoir explicitement considéré
comme péché (voir plus haut) les actes contre-nature.
Ce que nous avons dit sur saint Ælred
suffit. Le P. Matthieu a donc entièrement tort d’affirmer que ce
saint disait ouvertement qu’il était gay, nous l’avons
démontrés.
À la limite peut-on (si l’on veut
forcer le trait, malgré ce que nous avons dit) douter d’une
attirance homosexuelle, qui expliquerait tant d’affections pour
Simon. Il est impossible de le prouver et ses écrits ne revendiquent
absolument rien d’explicite, même les passages exprimant le plus
d’affection (ou alors qu’on nous le démontre). L’Église ne
l’a évidemment pas reconnu saint pour ça, mais pour sa vie
exemplaire et ses écrits développant d’une manière grandiose
l’amitié chrétienne et la grandeur de la charité. Utiliser ce
saint en illustration est donc complètement hors-sujet dans la vidéo
du P. Matthieu.
Ici n’est pas le lieu pour répondre à
certains propos de John Boswell sur saint Ælred.
Concluons cette partie en affirmant que
ni sainte Théodora, ni saint Ælred n’avaient de mœurs
contre-nature, et que le P. Matthieu tourne idéologiquement à sa
façon ces deux personnalités pour appuyer son propos.
IV –
L’Homosexualité dans l’Église : Sodoma
Nous
prenons le temps de faire cette partie sur le livre de Frédéric
Martel, le P. Matthieu l’ayant proposé à la lecture dans la
courte bibliographie à la fin de sa vidéo. Nous l’avons cité
quelques fois au cours de cette étude. En le lisant, nous avons
compris qu’il était majeur pour arriver à des positions telles
que celles du P. Matthieu, et très dangereux pour les catholiques.
Si nous n’en parlons pas, nous savons pertinemment d’avance qu’il
sera sur sa faim. Ici n’est pas le débat pour savoir s’il est
fiable. Le livre précise dans ses Sources que l’enquête s’est
déroulée pendant quatre années en 1500 entretiens (parmi lesquels
41 cardinaux et 200 Prêtres catholiques et séminaristes) dans une
trentaine de pays, et que l’auteur a même pu loger plusieurs fois
à l’intérieur du Vatican. Un document
de 300 pages avec l’ensemble des sources est disponible en
ligne. L’auteur a répondu à de nombreuses objections (Fiertés
et préjugés : la révolution gay,
p. 889-920). Néanmoins ça ne veut pas dire que le livre ne peut
être soumis aux critiques, et je pense que chaque chapitre peut être
discuté sur plusieurs points (et il y a déjà eu de très bonnes
critiques). Ce que nous étudierons ici, c’est la pertinence de
proposer ce livre au grand public, et exposer ce que le P. Matthieu a
lu et ose conseiller à ses abonnés (nous utilisons l’édition de
poche comme référence).
1 – Décryptage du
livre
La thèse de ce livre est que le Vatican
serait composé d’une grande majorité d’homosexuels parmi ses
cardinaux, prélats, nonces et Prêtres. Non seulement ils sont
homosexuels mais vivraient pour une grande part une double vie
cachée, de nombreux cardinaux ayant des escorts et les ramenant sans
vergogne au Vatican, les nonces voyageant pour la prostitution. Ceux
qui condamneraient l’homosexualité seraient même les homosexuels
les plus pratiquants, étant donc entièrement hypocrites et
décrédibilisant l’enseignement moral de l’Église à ce sujet.
Cette homosexualité cachée et non assumée serait même la matrice
d’énormément de scandales dans l’Église, de liens avec les
dictatures d’extrême droite en passant par Vatileaks jusqu’aux
plus grands scandales d’abus sexuels dans l’Église. Les
solutions seraient donc pour l’auteur d’abolir le célibat des
Prêtres qui ne fait que créer des séminaires d’homosexuels
refoulés depuis au moins 80 ans, et de virer tout l’enseignement
moral ancien et rigide de l’Église pour évoluer, une ligne que
représenterait le Pape François en opposition à son prédécesseur
Benoît XVI alias le cardinal Ratzinger. Bref, l’institution qui se
vante de prêcher la vérité, serait en fait l’institution la plus
mensongère qui existe…
On trouve d’ailleurs mentionnés saint
Ælred et Römer sur l’homosexualité biblique, sources communes au
P. Jasseron.
Les accusations sont vraiment très
graves. Ce livre ne propose pas que la supposée « réalité de
l’homosexualité dans le clergé » dont parle le P. Matthieu. Il
dénonce une hypocrisie ambiante de l’Église partout dans le monde
et surtout au Vatican, une Église enseignant des préceptes mais
accomplissant entièrement l’inverse, une église pleine de
corruption, de cardinaux très influents ayant soif de pouvoir et de
sexe, de très nombreux Prêtres menant une double vie et étant
malheureux ou en révolte contre l’Église. Les Papes même
auraient cachées ou auraient laissés de côté des affaires d’abus
alors qu’elles étaient de mieux en mieux confirmées. Un simple
catholique non averti lisant ces choses a de quoi perdre la foi (ce
n’est pas une question de cacher la vérité, mais tous les fidèles
n’ont pas besoin, à cause de leur vie spirituelle et pour ne pas
faire scandale à son frère pour qui le Christ est mort, cf. 1 Co 8,
11, d’être informés de toutes les casseroles de l’Église, si
elles sont bien réelles) ! Que faire d’une Église qui est
complètement dépendante de l’homosexualité de ses rangs ? Quelle
est la légitimité de l’Église si ses pasteurs ont été pendant
des décennies voir des siècles des hypocrites conservateurs, et si
elle est obligée d’écouter des journalistes pour se remettre sur
le droit chemin ? Les promesses du Christ ont-elles été suspendues
pendant ce millénaire où le célibat a été imposé à tout
l’Occident ? Et même si le Pape François permet à l’Église de
se renouveler, quelle est la force de son autorité, si elle est
obligée de se repenser en suivant la mode des contingences des
temps, et la pression toute humaine des sociétés ? L’une des
principales choses que nous nous sommes dites en lisant ce livre est
: le P. Matthieu est absolument inconscient de proposer cette lecture
à ses abonnées…
De plus, ce livre, même s’il essaie
d’apporter de la nuance à plusieurs endroits, crée une binarité
idéologique effrayante dans l’Église. Les pontificats hypocrites
et homophobes, censurant les théologiens et utilisant dans la
société leur influence pour un ultra-conservatisme, anticommunistes
et anti-théologie de la libération sous Jean-Paul II et Benoît XVI
opposés au pontificat de François de la miséricorde, intransigeant
avec les anciens cardinaux hypocrites, faisant évoluer la pastorale
et laissant faire les Évêques et Prêtres gay-friendly,
pro-théologie de la Libération. Ainsi François, même s’il est
loin d’être parfait, serait le début d’une espérance pour une
église qui évolue et qui accepte pleinement les divorcés remariés,
les femmes ordonnées, l’usage du préservatif et évidemment les
homosexuels. Tout catholique devrait se révolter devant de tels
propos, devant une telle thèse de rupture (ayant montrés rapidement
dans la première partie de notre étude que François ne voulait pas
rompre avec la doctrine morale de l’Église). Alors même que
François a énormément de respect pour ses prédécesseurs jusqu’à
saint Paul VI et même saint Jean XXIII. Alors que même le P.
Matthieu a déjà cité avec respect et bienveillance dans ses vidéos
YouTube et Tik Tok Benoît XVI, et que saint Jean-Paul
II est considéré comme une grande figure paternelle du catholicisme
de la seconde moitié du XXe siècle. Il y là encore de
quoi entièrement déstabiliser et perdre les catholiques
non-avertis, qui voient l’Église avant 2013 tragique et
diabolisée.
2 – Comment
considérer le Pape François
Ce
qu’il faut, c’est ne pas considérer la rupture mais la
continuité. François milite pour une théologie de la libération
spécifique, non communiste ou militante et réactionnaire, mais une
Église des pauvres et des périphéries. Il ne fait que reprendre
l’Évangile et ne contredit en rien ses prédécesseurs. Depuis des
siècles l’Église s’occupe des plus pauvres c’est au cœur
même de l’Évangile mais François en a fait un point central de
son pontificat. Il ne veut pas faire évoluer la doctrine morale, il
reste fidèle au Catéchisme,
et s’il le fait dans de rares cas (comme pour la peine de mort)
c’est dans la pleine continuité du Magistère selon les critères
de saint Vincent de Lérins dans le Commonitorium,
chapitre 23 (voir plus haut). Ce qu’il veut, c’est une pastorale
des cas concrets, il suffit de lire Amoris
Laetitia pour se rendre compte
que sa casuistique présuppose l’enseignement moral intègre de
l’Église. François a pu, en Argentine ou au Vatican, avoir
certaines positions plus ou moins floues sur les unions civiles. En
tout cas il s’est toujours montré défavorable au mariage, et ce
livre le confirme. Même s’il a pu s’afficher, pour diverses
raisons, avec des personnes aux « mœurs désordonnées », il ne
faut pas en déduire qu’il les approuve ou cherche à changer la
morale de l’Église, ce serait une fausse interprétation. Il ne
faut pas oublier qu’il est une personnalité publique et politique
à côté de sa fonction d’Évêque de Rome, il ne peut pas agir
parfaitement dans les moindres détails, et doit trouver des
compromis dans certaines situations (que ferions-nous à sa place,
avec toute une pression médiatique derrière, tous les jours ?).
Quant au fait que le Pape approuverait le préservatif ou une réforme
de Humanae Vitae
(cf. p. 574), nous vous renvoyons à Yves Chiron, Françoisphobie,
p. 205-210. Le Pape n’est pas là pour tout réformer, mais faire
avancer l’Église dans sa propre identité, c’est-à-dire
l’Évangile et la miséricorde. Il a simplement sa propre façon de
faire, on pourrait dire, jésuite (comme tous les Papes ont eu leur
propre façon de faire et leurs propres idéaux).
(Nous
vous renvoyons plus particulièrement sur ce sujet à l’article
d’Archidiacre
: « 41
calomnies honteuses contre le Pape François »,
à la 27e
calomnie : « Il aurait approuvé les actes homosexuels », notamment
concernant la récente Conférence
de Presse au cours du vol de retour du Voyage Apostolique au
Soudan du Sud du 5 février
2023)
3 – Décryptage de
l’auteur
Parlons un peu de l’auteur. Passant à
côté de ses intentions nous le citerons (p. 951) :
Mes évangiles
s’appellent désormais Hamlet et Angels in America,
et je n’ai pas peur d’écrire que le Don Juan
de Molière compte plus pour moi que l’Évangile selon saint Jean.
Je donnerais même la Bible tout entière en échange de Shakespeare
et, pour moi, une seule page de Rimbaud vaut plus que toute l’œuvre
de Joseph Ratzinger ! Et d’ailleurs, je n’ai jamais placé aucune
bible dans le tiroir de ma table de nuit mais Une saison en enfer,
dans l’édition de la Pléiade qui, avec son papier bible,
ressemble à un missel.
Et dans Fiertés et préjugés (p.
918) :
L’institution catholique qui est, intrinsèquement, une
organisation du mensonge a besoin de beaucoup de vaticanistes pour
servir sa propagande.
Il
dit même que les propos de l’Ancien Testament, Parole de Dieu,
sont anachroniques, périmés, archaïques, indéfendables, des
sornettes (p. 351-352), et que les Papes ont menti sur
l’homosexualité dans la Bible (p. 353). Que la Congrégation pour
la Doctrine de la Foi est homophobe et schizophrène. Que les habits
de Benoît XVI sont ridicules (p. 771-776). En prenant compte que les
témoignages rapportés peuvent être utiles et même s’il dit
n’être pas anticlérical, conseiller publiquement le livre d’un
auteur qui tient de tels propos n’est pas acceptable pour un
Prêtre, et encore moins prendre son avis ou ses déductions
orientées comme autorité, ou comme pouvant forger un avis éclairé
sur le sujet (si le Pape François a vraiment lu ce livre et l’a
trouvé bon selon la source pour ne pas dire rumeur anonyme de Crux,
ça ne change rien, c’est sûrement à cause des faits qu’il
expose).
Le livre dit d’ailleurs que l’Église
a sous Benoît XVI et saint Jean-Paul II souvent condamnée la
pratique homosexuelle, et que c’est aussi dans le Catéchisme.
Or, le P. Matthieu dit que ce n’est nulle part présent dans la
tradition de l’Église et dans le Catéchisme, alors que
c’est explicitement faux comme nous l’avons déjà largement
démontré. En lisant ce livre il a forcément été au courant de
l’existence de Persona humana et Homosexualitatis
problema, que nous avons plusieurs fois cités dans cette étude,
et que Frédéric Martel critique beaucoup, raillant la doctrine
morale de l’Église tout au long de son ouvrage. Le P. Matthieu a
forcément été influencé par les avis de Frédéric Martel, qui
nous l’avons vu ne prend absolument pas au sérieux la doctrine et
donc l’autorité morale de l’Église (alors qu’elle a bel et
bien autorité sur les mœurs, Lumen Gentium,
n. 25 et Veritatis
Splendor).
Il pense que son interprétation morale
de la Bible est au-dessus de l’Église, qui ne saurait pas
reconnaître la soi-disant « évidence » de l’homosexualité de
David et Jonathan, de Jésus et du disciple qu’il aimait ainsi que
du centurion et de son serviteur (p. 486-487). Il essaie de conclure
ses recherches sur l’homophilie de Benoît XVI en mentionnant un
supposé et ridicule lapsus, comme si c’était décisif (p.
804-805). Mais ne nous attardons pas plus sur le propos du livre.
4 – Comment réagir
dans une Église en crise
La vraie question qui se pose c’est :
comment réagir si les accusations sont bel et bien fondées ? Nous
pouvons nous référer au docteur de l’Église saint Pierre Damien,
témoin de la corruption de l’Église en son temps (notamment au
niveau de l’homosexualité), et qui a écrit son Liber
Gomorrhianus que nous avons déjà mentionné et que Frédéric
Martel cite rapidement (p. 431-432). La ressemblance des mœurs est
frappante avec ce qui est décrit dans Sodoma. Et pourtant,
Pierre Damien n’a pas cherché à remettre en question la loi
morale, mais a plutôt cherché à la confirmer, en demandant des
mesures sérieuses et strictes concernant le clergé. Même si l’on
part de loin, même si réellement l’hypocrisie a pu s’installer
dans les plus hauts rangs de l’Église (comme ça a pu en effet
arriver quelques fois au Moyen-Age et à la Renaissance, même chez
les Papes) il faut lutter pour réformer toujours plus l’Église
avec rigueur vers plus de vérité et de perfection, en tant qu’elle
reste fidèle à elle-même. Mais il ne faut pas chercher des
solutions dans le monde, dans la pression sociale, en acceptant le
péché ou les contingences du monde moderne pour qui le célibat des
Prêtres ou l’acte sexuel à fin nécessairement procréative est
un scandale. Car la croix aussi est scandale pour les juifs et folie
pour les païens (cf. 1 Co 1,23). Même si le livre de Martel
témoigne de la « réalité de l’homosexualité dans le clergé »,
c’est d’autant plus une raison de lutter pour que la vérité et
les bonnes mœurs gagnent ce combat, et inviter à ne pas désespérer,
en priorité les personnes homosexuelles que l’on doit accueillir
et exhorter avec espérance. Ce qui est arrivé est arrivé, c’est
aujourd’hui que l’Église doit briller parmi les nations, et
annoncer la morale, la loi naturelle, sans hypocrisie et double vie,
car nous sommes le Corps du Christ. Nous pouvons maintenant conclure
notre étude.
V – Conclusion
Que
dire de la vidéo du P. Matthieu ? Elle est gravement maladroite et
malhonnête, fausse sur la grande majorité de ses points que ce soit
dans la Tradition, le Magistère, la Bible ou la vie des Saints, je
pense que nous l’avons suffisamment démontré. Si nous avons pris
le temps de faire ce travail, c’est pour rétablir la vérité sur
la question de l’homosexualité dans l’Église. Sans réponse
vraiment pertinente et détaillée, beaucoup pourraient croire que ce
que dit le P. Matthieu est définitif avec les arguments qu’il a
apporté sur Tik
Tok et YouTube,
or c’est absolument faux.
[perematthieu
matthieu†
2021-8-25
Répondre
à @jnr933 😘🙏🏼🕊 #gay #péché❓sur
<https://www.tiktok.com/@perematthieu/video/7000377014310014213>
jnr933 :
« J’espère que le conseil national des prêtres verra votre
vidéo et vous retirera votre fonction de prêtre ! »
« Des
gens qui souhaitent que je me fasse virer parce que je dis que
l’homosexualité n’est pas un péché, il semble y en avoir un
paquet. Par contre des gens qui sont capables de m’apporter des
arguments rationnels pour me démontrer que ce que j’ai dit est
faux et, pourquoi pas même, me démontrer que, dans la Bible ou le
Catéchisme de l’Église,
c’est bien montré que l’homosexualité est un péché, ça, j’en
ai pas trouvé. Alors, à tous les homophobes refoulés qui se
cachent derrière la religion, laissez-moi vous dire cette phrase du
Pape François : « Si une personne gay
cherche Dieu et fait preuve de bonne volonté, qui suis-je pour la
juger ? » A
priori,
si on était face à un péché aussi caractérisé, comment le Pape,
le représentant de l’Église, pourrait tenir de tels propos ?
Ou encore pour ceux qui douteraient de mon honnêteté en matière
d’interprétation biblique, écoutez donc ce qu’en dit le
président de l’Association des Théologiens pour les Questions
Morales, le P. Alain
Thomasset : « Si plusieurs textes bibliques condamnent
l’homosexualité, ils restent néanmoins difficiles à interpréter,
étant donné le contexte culturel. » Et un soupçon plus loin,
il continue en disant : « Le bien, vécu dans une
union stable pour certains “homosexuels” ne mérite-t-il pas
d’être reconnu ? » Truc de ouf ou quoi ?! Le
patron des théologiens sur cette question qui dit qu’il faut
s’interroger. Certains diront, boh !, c’est de la théologie,
et tout… Mais moi, j’ai une question pour tous ceux qui disent
que « bon, être homosexuel, c’est pas bien grave, le vrai
péché, c’est de pratiquer l’acte homosexuel... » Moi,
j’aimerais savoir : à partir de quand commence l’acte
homosexuel ? [Avec
un ton et des manières exagérément efféminés] À
partir du moment où on se tient la main, où on se fait un p’tit
bisou, où on se caresse… les parties génitales, peut-être…, ou
qu’on a un rapport bucco-génital, ou plus !? Parce que, je
suis désolé si je vais de nouveau casser un mythe, les amis, mais
la sod...bip !, c’est un fantasme d’hétéro. Ce n’est une
pratique partagée que par une minorité de couples homosexuels
hommes. Et donc, j’ai une question à vous, chers amis qui
condamnez l’homosexualité. Est-ce que, lorsque vous rencontrez des
amis à vous, qui sont peut-être engagés dans l’Église locale,
qui cherchent à avoir une vie sainte, mais qui s’aiment alors
qu’ils sont de même sexe, qui vivent sous le même toit et qui
font sûrement pas que de se tenir la main de temps en temps, est-ce
que vous leur posez des questions sur leur vie sexuelle, pour pouvoir
leur montrer à partir de quand est-ce que ce qu’ils font, ça
devient une « abomination » ?! Et pour ceux qui
voudraient réorienter la question sur l’acte sexuel avant le
mariage, et bien, moi, je voudrais demander honnêtement à tous les
couples hétérosexuels mariés : combien d’entre eux ont
respecté ? À aucun moment, Jésus ne parle de près ou de loin
de la question de l’homosexualité. Ça en dit sûrement long sur
l’intérêt que notre religion devrait porter à la question.
Est-ce que l’essentiel de son message, au fond, c’était pas tant
de condamner, mais d’aimer l’autre tel qu’il est, et sans
toujours vouloir chercher à le changer. »]
Nous n’avons aucune haine contre le P.
Matthieu. Nous l’invitons d’ailleurs au dialogue, en toute
honnêteté et dans la charité filiale (pour répondre par exemple à
des objections qu’il a encore en tête). Mais nous demandons qu’il
revienne publiquement sur ses affirmations sur l’homosexualité,
c’est son devoir envers la vérité et envers l’Église. Son
influence égare en effet beaucoup de gens, et nous savons que notre
travail sera vraiment insuffisant, car la majorité préférera
toujours des propos agréables et dans leur sens. Mais si nous
arrivons à faire remettre en question plusieurs âmes de bonne
volonté, nous serons contents. Nous nous excusons si vous n’y avez
pas trouvé assez de références scripturaires…
Ce travail est une réfutation, nous
avons souvent utilisé des arguments d’autorité de l’Église,
justifier démonstrativement son autorité morale est une autre
histoire. Nous vous invitons à lire l’encyclique Veritatis
Splendor en entier pour comprendre les enjeux derrière la morale
catholique. Si nous n’avons pas approfondi d’autres sujets en
lien avec l’homosexualité, c’est aussi car nous ne pouvions pas
tout dire. Nous n’avons pas non plus étudié de bout en bout le
rapport du Pape François à la morale, ni toutes les questions de
morale sexuelle. Ni toutes les erreurs qu’a pu malencontreusement
dire le P. Matthieu en général sur YouTube et Tik Tok.
Ce
n’était pas non plus le lieu d’étudier tous les arguments
militants des catholiques L.G.B.T.
ou les théologiens qui ont parlés de l’homosexualité (et il y en
a beaucoup, surtout par les temps qui courent), notamment ceux qui la
soutiennent dans l’Église comme Adriano Oliva (nous avons discuté
de sa thèse avec un théologien en concluant qu’elle avait pas mal
de failles) ou d’autres. Il est impossible de réfuter toutes les
erreurs existantes une par une. Néanmoins ce que nous avons dit peut
être une bonne entrée pour leur répondre spécifiquement, mais
cela dépasse encore le cadre de notre étude (en espérant que le P.
Matthieu n’ira pas frontalement y puiser encore et encore pour
trouver des arguments contournant la doctrine de l’Église). Nous
n’avons pas non plus parlé de l’ouvrage Christianisme, tolérance
sociale et homosexualité, Les
homosexuels en Europe occidentale des débuts de l’ère chrétienne
au XIVe
siècle de John Boswell,
qui semble au niveau historique assez important également.
Nous n’avons pas non plus parlé des
situations concrètes des personnes homosexuelles, des témoignages
de plusieurs d’entre eux en souffrance, que nous écoutons
volontiers avec grande charité (tout en n’acceptant pas, en
vérité, les attentes de progrès sur la morale et le militantisme
de plusieurs). Des auteurs comme Joël Pralong s’y connaissent
certainement très bien, malgré leurs écarts du magistère.
Reconnaître le péché n’est évidemment pas condamner la personne
et il faut blâmer les personnes rejetant ou harcelant les
homosexuels (ainsi que les communautés ecclésiales). Mais c’est
sûrement d’ailleurs à cause de ces témoignages, de tous ces
messages d’amour, d’espérance et de soutien que le P. Matthieu a
reçus qu’il s’est embourbé dans cette voie, et même si c’est
compréhensible, il aurait du agir avec prudence plutôt que
d’utiliser sa popularité comme bouclier pour ses erreurs, et se
faire pasteur en vérité de ces âmes…
Nous
n’en voulons pas au P. Matthieu malgré quelques propos un peu secs
que nous avons pu prononcer au cours de cette étude, néanmoins nous
le répétons avec charité, nous demandons qu’il ouvre les yeux et
qu’il retire publiquement ce qu’il a dit. Nous sommes ouverts au
dialogue autant qu’il le faudra. Et bien sûr nous ne soutenons pas
toutes les vagues de haine qu’il a subi, même s’il a pu
provoquer. Il s’était excusé dans un Tik
Tok déjà pour certains
propos déplacés. Nous croyons réellement qu’il peut être
sincère.
Le P. Matthieu est Prêtre, celui qui
écrit ces lignes jeune étudiant en théologie de 18 ans. Il est
bien plus âgé que nous, il connaît les situations concrètes des
gens de sa paroisse, il sait par son expérience la vie des
personnes, même homosexuelles. C’est une grande grâce pour les
pasteurs, néanmoins cela ne change rien à leur respect dû à la
doctrine morale de l’Église. Qu’il use donc de charité, comme
le Pape François le fait, mais en la basant sur la vérité, pour
aider ces personnes dans leurs situations concrètes, tout en
discernant le péché (pour le coup, les actes homosexuels) et en
leur faisant répondre à la volonté de Dieu, peut-être par une
amitié désintéressée. Qu’il use de cette même charité sur les
réseaux sociaux, en commençant par s’excuser pour ses propos.
Un
dernier argument qu’il pourra utiliser contre nous, est le fait
qu’il se dise soutenu par sa hiérarchie (ce qu’il a fait dans un
Tik
Tok par exemple).
Admettons, car il a en effet beaucoup de contacts, bien que la
Conférence des Évêques de France ait clairement dit sur Twitter
qu’elle désapprouvait certaines de ses vidéos qui dénaturaient
le message de l’Église.
[perematthieu
matthieu†
2022-10-17
sur
<https://www.tiktok.com/@perematthieu/video/7155540361736228102>
« Combien
de temps encore avant qu’on me demande d’arrêter d’être
Prêtre. Certains voudraient me voir sanctionné, d’autres me
considèrent possédé et d’autres encore me traitent d’hérétique.
C’est tous les jours que je m’en prends plein la figure. Par mes
frères et mes sœurs qui semblent mieux savoir que bien d’autres
quelle est la volonté de Dieu. Mais si Rome continue régulièrement
de faire appel à moi et si j’ai le soutien de mon Évêque et de
l’essentiel des confrères, peut-être que, finalement, ce sont eux
les haters [=haineux] et
leurs idées de Dieu qui sont dans l’erreur. Mais alors, ce sont
aussi eux les plus petits, les plus fragiles, au fond, ceux dont il
faut prendre le plus soin. Donc, que faire ? Porter plainte
contre tous ceux qui le mériteraient ? Laisser tomber et tout
arrêter ? Ou juste continuer et accepter de se faire traîner
dans la boue, calomnier, injurier… Après tout, je suis encore loin
d’être un saint, mais n’est-ce pas ce qui est arrivé à
tellement d’entre eux ? Si moi aussi, c’est ce que je veux,
c’est peut-être alors ce qu’il me faut supporter. Et donc,
inlassablement continuer de prier pour eux et toujours leur offrir de
se rencontrer. Après tout, n’est-ce pas ce que Jésus aurait
fait ? »]
[Communiqué,
Diocèse de Sens &, Auxerre
sur
<https://www.yonne.catholique.fr/actualites/diocese/communique>,
26 août 2021
« Ainsi
que le relevait déjà le pape Benoît XVI, dès 2010, “il est
demandé aux prêtres la capacité d'être présents dans le monde
numérique dans la fidélité constante au message évangélique,
pour exercer leur rôle d'animateurs de communautés s’exprimant
désormais, toujours plus souvent, au milieu des “voix” provenant
du monde numérique, et d’annoncer l'évangile en se servant, à
coté des moyens traditionnels, de l'apport de la nouvelle génération
des moyens audiovisuels (photos, vidéo, animations, blog, sites web)
qui représentent des occasions inédites de dialogue et même des
outils indispensables pour l’évangélisation et la catéchèse.”
(Message pour la 44e Journée mondiale
des communications sociales, 16 mai) Répondant à cet appel, de
nombreux prêtres sont effectivement présents sur le “continent
numérique”. Parmi eux, l’Abbé Matthieu Jasseron, prêtre du
diocèse de Sens & Auxerre développe depuis plusieurs mois une
présence sur le réseau social TikTok. Or, comme nombre de
prêtres, l’Abbé Jasseron s’y exprime à titre personnel, sans
en avoir reçu la mission particulière. Mais l’audience qu’il a
pu rencontrer donnant un retentissement particulier à ses
interventions, il importe que ces dernières puissent bénéficier
d’un concours de compétences plus large pour pouvoir engager
l’Église. Cette préoccupation rejoint notamment l’initiative du
Service national Jeunes et Vocations qui a réuni, il y a peu,
quelques prêtres développant une présence pastorale sur internet
et cherchant à ce qu’elle soit la mieux ajustée. Un processus
sera donc mis en place afin de poursuivre cette œuvre pastorale de
façon à ce qu’elle “montre Dieu vivant et agissant dans la
réalité quotidienne et présente la sagesse religieuse du passé
comme une richesse à laquelle puiser pour vivre dignement
l'aujourd'hui et construire l’avenir avec justesse (Ibid.).” »]
[twitter.com,
sur
<https://twitter.com/Eglisecatho/status/1431271563991687171>
27 août 2021
« La
CEF désapprouve certaines de ces vidéos qui dénaturent le message
de l’Eglise. Elle alerte sur le fait que leur succès d’audience
ne signifie pas qu’elles soient justes.
https://yonne.catholique.fr/actualites/communique ».]
Qu’est-ce que ça change ? Au
contraire, d’autant plus que les gens lui font confiance pour son
audience qui peut redonner la foi à beaucoup de gens par son style
propre, le P. Matthieu à un devoir de vérité. Mais en aucun cas ça
ne sous-entend que les Évêques ou organismes du Vatican qui le
soutiennent approuvent ses propos sur l’homosexualité, ou qu’il
le prouve (même si c’était le cas pour certains à tout hasard ça
ne changerait rien à ce que nous avons dit, car il est d’abord
responsable de ses propos devant Dieu). Néanmoins, tous ces gens
approuvent l’initiative pastorale du P. Matthieu qui en effet porte
beaucoup de fruits mais malheureusement aussi beaucoup d’épines à
cause de choses fausses pour plaire au monde (il dit lui-même dans
sa vidéo YouTube sur l’homosexualité qu’il ne faut pas
plaire au monde). Alors nous invitons encore une fois le P. Matthieu
à se reprendre ! Il a un grand potentiel qu’il exploite déjà et
nous n’en doutons pas (et il fait parfois de bonnes vidéos,
réellement) ! Mais qu’il l’utilise à bon escient ! Peut-être
même le P. Matthieu pourrait-il contribuer encore plus à
l’inclusion en vérité des personnes homosexuelles dans l’Église
en France, à un meilleur discernement de leurs situations concrètes
dans notre monde, en accueillant et annonçant l’évangile avant de
dénoncer le péché, et alors là il sera vraiment utile à l’Église
et à l’Évangile, aux âmes pour qui le Christ est mort et qu’il
lui a confié dans son ministère. Comme répétait Notre Seigneur
Jésus-Christ : que celui qui peut entendre entende !
Nous vous remercions pour la lecture de
ce travail, diffusez-le autour de vous dans les milieux catholiques
ou à ceux qui se sont laissé avoir par les arguments du P.
Matthieu, et s’il-vous-plaît faites en sortes que le P. Matthieu
puisse le lire. Nous devons absolument le mettre en face de ses
propres contradictions, il ne doit pas pouvoir s’échapper des
critiques une fois encore. Merci aux quelques personnes qui nous ont
aidées ou conseillées (TheSwissKnife, Célinien, Archidiacre,
Domino Fidelis). Et que la charité triomphe, qu’elle triomphe,
mais dans la vérité !
Sursum Corda ! [Hauts
les cœurs !]
Mise
à jour du 25 août 2023 concernant la dernière
vidéo du P. Matthieu sur l’homosexualité :
P. Matthieu répond à un commentaire
comparant homosexualité pédocriminalité et nécrophilie, accusant
d’oser comparer des désirs pervers avec une relation sincère, le
désir avec l’amour.
[perematthieu
matthieu†
2023-8-19
Ce
que vous êtes capables de donner comme amour vaut tellement plus que
toutes vos pulsions
Répondre
au commentaire
de Trini G : « C’est
compliqué je sais mais si on tolère les relations s3xuelles g@y,
pourquoi pas celles avec des mineurs ou animaux ou objets y compris
les cadavres ? Ces impulsions sont aussi réelles et pleines
d’amour. »
« Homosexualité,
pédocriminalité et nécrophilie. J’suis assez sceptique sur
l’idée qu’on puisse comparer une relation affective sincère
avec des pulsions perverses. Croire que l’amour vécu fidèlement
entre deux personnes du même sexe est du même ordre qu’un viol
sur mineur ou sur cadavre, c’est confondre un désir, qui plus est
éminemment malveillant, avec l’amour, le vrai qui n’a rien d’un
instinct mais qui est plutôt de l’ordre du choix. C’est si
triste que notre époque ne nous apprenne pas mieux à faire la
différence entre désirer et aimer, entre vouloir tout pouvoir –
même les trucs les plus mauvais – et se donner les moyens du
bonheur – le vrai – dans la durée. Aimer, c’est pas seulement
profiter, jouir, c’est, avant tout, s’offrir pour que l’autre
puisse prendre plaisir e grandir. Comme la liberté, au fond, c’est
pas avant tout faire ce qu’on veut ; c’est sûrement
permettre à chacun les moyens d’être heureux dans la contingence
de ce qu’il est. On a souvent, comme ça, des idées toutes faites
sur pas mal de choses… Méfions-nous en parce qu’il y en a un qui
ne se remet jamais en question et qui offre des réponses simples à
toutes nos interrogations. Il s’appelle le diable. »]
Nous répondrons simplement : le choix ni
le consentement ne sont tout ce qui compte, et sexuellement
consommées ces relations restent contre-nature (avec la zoophilie et
la masturbation comme nous avons eu l’occasion de le citer avec
saint Thomas et Pierre Damien), bien que sous des modes différents.
Ainsi l’homosexualité, socialement, ne nécessite pas
criminalisation, et se rapproche plus que le reste, bien que toujours
virtuellement, d’une forme d’amour réciproque et complémentaire,
mais cela reste non seulement une matière de péché (comme nous
avons pu le démontrer), mais entraîne le partenaire dedans,
offensant donc Notre Seigneur. Ainsi, bien d’un plaisir charnel,
même avec de bons sentiments (et pour certains nous osons vouloir
l’admettre), sort un simulacre d’amour qui cache effectivement
bien une matière de péché (ce plaisir bien ordonné dans des
rapports normaux n’étant lui pas matière de péché, nous
renvoyons à la théologie du corps du Pape saint Jean-Paul II). Cela
n’a donc rien d’une « réponse toute simple », puisque ces
conclusions partent de bonnes connaissances et réflexions ordonnées
au magistère de morale matrimoniale.
Crédit
image : Miniature de la vidéo
du P. Matthieu.
Contact Discord : Atroce2018#2768
Autres réponses au P. Matthieu sur
l’Homosexualité :
- fr.
Paul Adrien : « L’HOMOSEXUALITÉ,
l’EGLISE ET TIKTOK (PEREMATTHIEU »
- P.
Horovitz : « Réponse
au P. Matthieu Jasseron, diocèse d’Auxerre, sur l’homosexualité,
P. Matthieu sur tiktok »
-
Abbé Rioult : « L’abbé
Rioult répond au P. Matthieu » (Nous n’approuvons pas
ses insultes contre le P. Matthieu, ses avis contre François et
Vatican II et ses montages déplacés)
merci à archidiacre !
Source du document
: https
://archidiacre.wordpress.com/2023/02/08/reponse-detaillee-et-critique-au-pere-matthieu-sur-la-question-de-lhomosexualite