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samedi 29 juillet 2017

Le vrai sens de la liberté et en particulier de la liberté religieuse, selon le Bienheureux Paul VI, 1971


Audience publique, 18 août 1971
 
 
Le Bienheureux Paul VI - Portrait officiel
 

 
Chers Fils et Filles,


Nous avons déjà réfléchi ensemble sur les multiples enseignements du Concile. 
 
Rappelons, aujourd’hui, à votre attention les documents de Vatican II consacrés à la liberté religieuse (Dignitatis Humanæ), ce don naturel qui rend l’homme maître et responsable de ses propres actions.

Que de choses ont été dites et écrites à propos de la liberté ! 
 
Elle a été tantôt exaltée, revendiquée, tantôt niée, ramenée même à une illusion psychologique, victime d’un déterminisme implacable.

Dans tous les domaines de l’activité humaine, et surtout dans les milieux politiques, elle est une valeur inestimable que l’on veut sauvegarder à tout prix, mais que l’on n’hésite pas à réfuter par des systèmes de répression les plus variés. 
 
La liberté représente l’un des thèmes les plus prenants de la culture moderne, domaine où les hommes sont censés prendre position, mais où, hélas, ils finissent par se séparer plutôt que de s’unir dans cette marche vers le progrès historique et spirituel de la civilisation.

Quel est en réalité le véritable sens du mot « liberté » ? 
 
Il indique : maîtrise de soi, pouvoir d’option, autonomie (Liberum est quod causa sui est [: « Est libre ce qui est la cause de soi »], S. Thomas d'Aquin, Somme théologique, première partie, question 83, article 1 ; cf. Siracide 15,14 [: « Au commencement il a créé l'homme, et il l'a laissé dans la main de son conseil »]), et en appelle à la volonté

Tandis que l’intelligence est liée à la connaissance, la volonté l’est à l’action ; mais, si elle veut être humaine et non pas esclave des instincts, c’est dans la raison qu’elle doit motiver son choix et ce dernier sera alors orienté vers le bien (cf. Jean 8,32 ; S. Thomas d'Aquin, Somme théologique, deuxième partie de la première partie, question 17, article 1, ad 2). 

La liberté ne constitue pas une fin en soi ; elle nous guide dans la recherche des valeurs essentielles du Bien absolu et de notre bien.

Cette analyse psychologique du rapport raison-volonté revêt une extrême importance et mérite d’être approfondie afin que l’on puisse découvrir l’une des tares dont nous a marqués le péché originel. Le lien étroit entre raison et volonté n’est pas des plus parfaits, notre pensée et notre action ne sont pas toujours cohérentes (cf. Romains 7,15).

Nous voudrions, ici, analyser le processus par lequel la grâce pénètre mystérieusement dans notre âme, afin d’éveiller notre esprit, nos connaissances, d’orienter et d’affermir notre volonté, tout en gardant le profond respect de la liberté humaine : c’est là l’un des problèmes les plus complexes de la théologie ; S. Augustin lui a consacré des pages admirables.


L’usage extérieur de la liberté

Mais ce qui retient, aujourd’hui, notre attention, ce n’est pas cette délicate introspection de la liberté ; c’est plutôt l’usage extérieur, social et politique que l’on en fait. 
 
La liberté est pour certains un dogme, pour d’autres un danger. La marche vers l’épanouissement de cette liberté est parsemée d’obstacles. 
 
Un idéalisme noble et courageux — qui est d’ailleurs proche de notre pensée — pousse l’homme à la destruction de tout ce qui est susceptible d’arrêter le développement de sa personnalité et de son activité : esclavage, absence de droits civils, misère, ignorance. Bien des hommes, au courage lucide, luttent de nos jours pour cette cause. 
 
Mais il nous est tout aussi facile de constater que, parfois, l’usage de la liberté engendre le désordre : répression, désintégration de la communauté, etc. 
 
Si, sous prétexte de liberté, nous agissons à notre guise, nous verrons alors la décadence de la société et l’ordre moral laisser la place à la violence des instincts et des passions. 
 
C’est là que surgit, la contestation par l’Église des principes du libéralisme, dont elle reconnaît certains aspects positifs. 
 
Elle le condamne : 
 
- pour son agnosticisme à l’égard du transcendant ; 
 
- pour son optimisme quant à la valeur d’une lutte inévitable, où triomphe trop souvent la violence des forts surtout dans les domaines économiques et sociaux, 
 
- pour son naturalisme qui, aux dépens de la morale, favorise l’indifférence théorique à l’égard des souffrances du prochain
 
- Le Magistère condamne enfin le libéralisme pour son refus instinctif des lois, cause d’agitation sociale et source de révolution et de totalitarisme.


Les enseignements du Concile

Malgré cela, l’Église « a choisi la liberté ». Le Concile a voulu reconnaître à l’homme cette prérogative essentielle qu’est la liberté. 
 
La raison profonde de la liberté de l’homme réside encore dans sa dignité : La vraie liberté est en l’homme un signe privilégié de l’image divine. Car Dieu a voulu le « laisser à son propre conseil (Siracide 15,14) pour qu’il puisse de lui-même chercher son Créateur et, en adhérant librement à lui, s’achever ainsi dans une bienheureuse plénitude » (Gaudium et Spes, n° 17). Privons l’homme de sa libre adhésion à Dieu et nous ôtons tout sens à sa liberté. 
 
De plus, les hommes ne doivent subir aucune contrainte de la part de l’État dans leur rapport avec Dieu, le domaine religieux ne relevant pas de la compétence des autorités civiles. C’est, là, le principe fondamental du Décret Conciliaire sur la liberté religieuse. 
 
Nous vous exhortons à faire bon usage de cette liberté : depuis toujours et aujourd’hui plus clairement encore, l’Église Catholique ne cesse de la prêcher et invite ardemment les chrétiens à accorder à la foi la place primordiale qui lui revient, en allant, s’il le faut, jusqu’au sacrifice de leur propre vie
 
Certes, nous savons bien qu’en ce qui concerne cette conception de la liberté, nombre de pages de l’histoire de l’Église méritent réserves et explications. Elles relèvent d’un contexte historique plus attentif à la mentalité de l’époque qu’aux valeurs de l’Évangile.


Conscience et responsabilité

Réjouissons-nous d’un nouvel enseignement, plus conforme à l’esprit du Christ
 
Veillons à ce que la liberté, ce bien si précieux, demeure toujours le reflet de Dieu en nous. La conscience doit être son guide, il est vrai, mais que cette conscience soit éclairée par les véritables valeurs divines et humaines : la vérité nous rend libres
 
La liberté elle, doit pouvoir s’exercer sans entraves, mais le bien doit être son but ; c’est ce que nous appelons sens de responsabilité et du devoir
 
La liberté est un privilège personnel mais elle n’en doit pas moins respecter les droits d’autrui. Elle ne peut se séparer de la charité qui, 
 
- non seulement nous soumet aux pouvoirs civils (cf. Romains 1,7) 
 
- mais nous interdit même ce qui est licite, dans la mesure ou il peut porter atteinte à notre prochain : la charité nous dépouille de tout égoïsme et transforme notre liberté personnelle en offrande à Dieu et en amour d’autrui. 
 
Avec notre Bénédiction Apostolique.
 
 
RemarqueLa mise en forme du texte est le fait de l'auteur de ce blogue, afin de mieux faire apparaître la structure de la pensée du Saint-Père.
 

Le danger d'un christianisme sécularisé, selon le Bienheureux Paul VI, 1970




Audience publique, 19 août 1970
 
 
Le Bienheureux Paul VI - Portrait officiel


(...) Mais aujourd'hui une autre forme de substitution de Dieu, du Christ, de la foi, de la religion est à la mode : c'est celle qui nous pousse non plus à refuser les bienfaits de la religion elle-même, spécialement de la religion chrétienne, mais plutôt à obtenir ces bienfaits pour l'homme moderne en les distinguant et en les séparant de leur racine, c'est-à-dire du rapport avec le monde divin. 
 
On dit souvent, séparation de la source verticale, pour lui conférer une origine et un terme dans une ligne horizontale ; non plus référence à Dieu mais à l'homme
 
Pour donner au christianisme une formulation qui plaise à la mentalité sécularisée, laïciste, hostile à la transcendance et à la Réalité mystérieuse du Dieu vivant et du Christ, Verbe incarné et notre Sauveur dans l'Esprit Saint, on a essayé d'interpréter le christianisme selon des critères purement humains
 
Beaucoup se rappellent encore un article célèbre écrit immédiatement après la guerre par un philosophe idéaliste connu : « Pourquoi nous ne pouvons pas ne pas nous dire chrétiens », article dans lequel était explicitement reconnu au christianisme le mérite irréfutable d'avoir assuré à la doctrine de l'esprit des valeurs nouvelles et inextinguibles. 
 
Mais le christianisme authentique est absorbé et donc substitué par l'immanentisme idéaliste. 
 
Aujourd'hui on parle des penseurs qui offrent une réinterprétation séculière de la foi chrétienne comme d'un christianisme sans religion où le Christ a une grande place, mais comme homme. Dieu disparaît.  
 
On y dit des choses belles et profondes qui charment les chrétiens de notre temps, doctrinalement sécularisés, et donc négateurs de la vérité religieuse que l’Église défend et répand éternellement : ce sont souvent des pages impressionnantes, comme des rosés merveilleuses mais séparées de leur racine ; ils vivent bien, affirmant des valeurs morales appréciables, mais comment ces dernières peuvent-elles être expliquées alors qu'elles sont séparées de leur vraie racine et réduites à une mesure purement humaine? 
 
Et combien de temps pourront-elles durer pour sauver l'homme au niveau duquel elles sont descendues ?  : « L'espace d'un matin » (cf. Giuseppe De Rosa, Civiltà cattolica, 1970, cahier n° 2877 (2 mai 1970) et n° 2878 (16 mai 1970). 
 
Dieu, le Christ, l’Église ne peuvent pas être impunément remplacés
 
Essayons de surmonter cette tentation, en retrouvant dans notre foi catholique la certitude, la plénitude, le salut qu'elle seule peut donner
 
Avec notre Bénédiction Apostolique.
 
 
RemarqueLa mise en forme du texte est le fait de l'auteur de ce blogue, afin de mieux faire apparaître la structure de la pensée du Saint-Père.

Le renouveau de l'Église doit se faire dans la fidélité à sa tradition authentique et autorisée, selon le Bienheureux Paul VI, 1970






Audience publique du 12 août 1970

Le Bienheureux Paul VI - Portrait officiel


Chers fils et filles,

La religion ? Il faut la renouveler. C'est la conviction de tous ceux qui s'en occupent encore aujourd'hui, qu'ils soient à l'extérieur de son expression concrète — une foi, une observance, une communauté — ou qu'ils soient au contraire à l'intérieur d'une profession de foi, d'une discussion religieuse. 

 
Toute la question est de savoir ce que l'on entend par renouvellement ! Il faut renouveler sa propre conscience religieuse. C'est plutôt là une question qu'une objection, mais c'est une question polymorphe, polyvalente, c'est-à-dire qu'elle se présente sous des aspects très divers, avec des principes, des méthodes de travail des conclusions. différentes et facilement opposées entre elles. 

Le renouveau religieux peut être conçu comme : 

- un processus continu de perfectionnement

- ou comme un processus expéditif de dissolution

- ou encore comme une tentative de nouvelle interprétation, selon des critères donnés.


La religion est vie

Le thème est actuel. Nous avons tous accueilli la parole prestigieuse de « aggiornamento », comme un programme : programme du concile et de l'après-concile, programme personnel et communautaire. 

Signe évident que, justement au cœur de l'orthodoxie, doivent agir comme un ferment vital (cf. Matthieu 13, 33), 

- l'impulsion d'une nouvelle vie, 

- la respiration animatrice de la conscience, 

- la tension morale,

- l'expression actuelle et, comme l'amour, toujours originale.

La religion est vie et, comme notre vie biologique, elle doit être subjectivement en un continuel renouvellement, une continuelle purification, un continuel accroissement

Toute la discipline de l'esprit nous le rappelle ; S. Paul ne cesse de le répéter « l'homme intérieur se renouvelle de jour en jour » (2 Corinthiens 4,16) ; « dépouiller le vieil homme, qui va se corrompant au fil des convoitises décevantes, pour vous renouveler par une transformation spirituelle de votre jugement et revêtir l'homme nouveau » (Éphésiens 4,22-23), « nous grandirons de toutes manières vers celui qui est la tête (le Christ) » (Éphésiens 4,15), toujours « en progressant dans la science de Dieu » (Colossiens 1,10), etc.

Ces exhortations incessantes constituent bien des éléments de ce que nous offre la vision originelle du fait religieux ; 

- elles signifient qu'il naît d'un minuscule commencement et qu'il doit se développer : rappelez-vous la parabole du semeur (Lu 8,5 ; Luc 8,11) ; 

- elles signifient que lui aussi est sujet aux décadences et aux perversions : rappelez-vous la polémique du Christ avec les Pharisiens (Mt 23,14) ; 

- qu'il a souvent besoin de réformes, et toujours de perfectionnement, et qu'il atteindra sa plénitude dans la vie future seulement

Tout cela est bien connu des disciples de la Parole divine, de l'école de la liturgie et de la vie ecclésiale. Donc volontiers nous acceptons l’« aggiornamento », et nous cherchons à en interpréter la signification et à en accueillir les conséquences rénovatrices.  

Primo dans l'intérieur des âmes (Éphésiens 4,23), et ensuite, si c'est nécessaire, dans les lois extérieures.


Le changement n'est pas un but en soi


Mais ce renouveau n'est certes pas sans danger

Le premier danger est celui du changement, voulu pour lui-même, ou en hommage au transformisme du monde moderne, du changement incompatible avec la tradition de l'Église, à laquelle on ne peut renoncer.

L'Église est la continuité du Christ dans le temps. Nous ne pouvons nous séparer d'elle, de même qu'une branche, qui veut s'épanouir dans les fleurs nouvelles du printemps, ne peut se détacher de la plante, de la racine, d'où elle tire sa vitalité. 

C'est un des points capitaux de l'histoire contemporaine du christianisme, un point décisif : ou dans l'adhésion fidèle et féconde avec la tradition authentique et autorisée de l'Église, ou dans la séparation mortelle. 

Le contact normal avec le Christ ne peut se faire pour celui qui veut s'accrocher à Lui selon des chemins qu'Il a lui-même choisis, en créant un vide doctrinal et historique entre l'Église présente et l'annonce primitive de l'Évangile

« L'esprit souffle où il veut » (Jean 3,8), bien sûr, le Seigneur l'a dit, mais le Seigneur a lui aussi institué un fil conducteur : « Recevez l'Esprit Saint » a-t-il dit après sa Résurrection à ses disciples, « ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis, ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus » (Jeann 20,23). 

Le Christ, certainement, demeure l'unique source, l'unique « vraie vigne », mais sa vie nous atteint à travers les branches vitales issues d'elle (cf. Jean 15,1 sq ; Luc 10,16).
L'Église n'est pas un rideau de séparation, qui met une distance, un obstacle dogmatique et légal entre le Christ et son disciple du XXe siècle

- Elle est le canal, le véhicule, le développement normal qui unit ; 

- elle est la garantie de l'authenticité, du voisinage de la présence du Christ parmi nous. « Je suis avec vous », a dit le Christ en prenant congé des Onze et en ouvrant devant eux la succession des temps «jusqu'à la fin du monde » (Matthieu 28,20).
On ne peut imaginer un christianisme nouveau pour le renouveler, il lui faut être tenacement fidèle

Et cette stabilité dans l'être, avec sa continuité dans le mouvement et sans le développement, cette cohérence existentielle, propre à tout vivant, ne peut pas être qualifiée de réactionnaire, d'obscurantiste, d'archaïque, de sclérosée, de bourgeoise, de cléricale, ou de n'importe quel titre méprisant, comme le fait pourtant une certaine littérature moderne, à cause de la phobie du passé, de la méfiance devant tout ce que le magistère de l'Église présente comme objet de foi. 

La vérité est ainsi : elle demeure. La Réalité divine, qui y est contenue, ne peut être modelée selon le bon plaisir d'un chacun, elle s'impose

Tel est le mystère ; celui qui a le privilège d'y entrer par la foi et la charité en jouit avec délices, il a une certaine expérience ineffable de l'effusion de l'Esprit Saint.


Progresser, oui ; démolir, non


Quelqu'un posera la question : mais alors il n'y a plus rien à renouveler ? L'immobilisme devient la loi ?

Non, la vérité demeure, mais elle est exigeante, il faut la connaître, l'étudier, la purifier dans ses expressions humaines : quel renouveau tout cela comporte ! 

La vérité demeure mais elle est féconde, personne ne peut dire l'avoir totalement comprise et définie dans les formules qui restent cependant intangibles dans leur signification ; elle peut présenter bien des aspects qui méritent la recherche ; elle projette sa lumière sur des domaines divers, qui intéressent le progrès de notre doctrine.

La vérité demeure, mais elle a besoin d'être traduite, formulée selon la capacité de compréhension de ses disciples, et ceux-ci sont des hommes d'âges différents, de cultures et de civilisations diverses. 

La religion admet donc un perfectionnement, un accroissement, un approfondissement, une science toujours tendue dans l'effort sublime d'une meilleure compréhension, ou d'une formulation plus heureuse.
Pluralisme alors ? 

Oui, un pluralisme qui tienne compte des recommandations du Concile (Optatam totius, n°16 ; Gravissimum Educationis, n° 7 et 10) et dans la mesure où il se réfère aux modes par lesquels les vérités de la foi sont énoncées, et non à leur contenu, comme l'a affirmé avec tant de force et de clarté notre vénéré prédécesseur le pape Jean XXIII, dans son célèbre discours d'ouverture du Concile (cf. Acta Apostolicae Sedis, 1962, p. 790, p. 792), en référence, tacite mais évidente, à la formule classique du Commonitorium de S. Vincent de Lérins (mort en 450) : 

 « Les vérités de la foi peuvent être exprimées de différentes manières, mais « avec la même signification » (Denzinger-Schönmetzer n° 2802). 

Le pluralisme ne peut engendrer de doutes, d'équivoques, de contradictions ; il ne doit pas légitimer un subjectivisme d'opinions en matière dogmatique, qui compromettrait l'identité et donc l'unité de la foi.

Progresser, oui, enrichir la culture, favoriser la recherche ; mais démolir, non.

Nous aurions tant d'autres choses à dire sur le thème du renouveau religieux, sur le progrès théologique, par exemple, sur les relations entre la doctrine religieuse et le milieu, soit historique, soit culturel (thème aujourd'hui très ressenti et très délicat), sur les enseignements moraux de l'Église et les mœurs changeantes des hommes, etc. 


Mais que suffise cette fois l'accent mis sur ce grand thème du renouveau religieux, afin qu'il soit lui aussi l'objet de votre réflexion stimulante, et qu'il vous fasse apprécier l'effort que l'Église est en train de faire ces temps-ci avec une grande fidélité et une bonté pastorale, afin de donner à la foi une protection jalouse et une ouverture aimante. Et aussi pour que ne manquent pas aux maîtres de la foi, évêques, théologiens, catéchistes, votre adhésion et votre reconnaissance. 

Avec notre Bénédiction Apostolique.


Remarque : La mise en forme du texte est le fait de l'auteur de ce blogue, afin de mieux faire apparaître la structure de la pensée du Saint-Père.

mercredi 26 juillet 2017

La crise de la vérité, selon le Bienheureux Paul VI, 1970

 
 
(Audience publique du 20 mai 1970 - extrait) 


Le Bienheureux Paul VI - Portrait officiel



(...) Mais aujourd'hui la vérité est en crise. À la vérité objective, qui nous fait connaître la réalité, se substitue la vérité subjective : l'expérience, la conscience, la libre opinion personnelle, quand ce n'est pas la critique de notre capacité de connaître, de penser d'une manière valable. 
 
La vérité philosophique cède à l'agnosticisme, au scepticisme, au « snobisme » du doute systématique et négatif
 
On étudie, on cherche, et chez certains, plus pour démolir que pour trouver. On préfère le vide.  
 
L'Évangile nous prévient : « Les hommes ont préféré les ténèbres à la lumière » (Jean 3,19). 
 
Et avec la crise de la vérité philosophique (oh, où est notre saine rationalité, notre philosophia perennis ?), la vérité religieuse s'est écroulée chez beaucoup, qui n'ont pas su soutenir les grandes et évidentes affirmations de la science de Dieu, de la théologie naturelle, et encore moins celles de la théologie de la révélation ; les yeux se sont voilés puis aveuglés ; et on a osé prendre cet aveuglement pour la mort de Dieu.

Ainsi la vérité chrétienne subit aujourd'hui des secousses et des crises terribles. 
 
- Ne supportant plus l'enseignement du magistère, instauré par le Christ pour garder et développer sa doctrine, celle de Dieu, il y a des personnes qui cherchent une foi facile en vidant la foi intégrale et vraie, de ces vérités qui ne semblent pas acceptables pour la mentalité moderne et choisissant à leur propre gré une vérité quelconque, considérée comme admissible (selected faith) ; 
 
- d'autres cherchent une foi nouvelle, spécialement pour ce qui est de l'Église, en essayant de la conformer aux idées de la sociologie moderne et de l'histoire profane (et répètent l'erreur d'autrefois en modelant la structure canonique de l'Église sur les institutions historiques existantes) ; 
 
- d'autres voudraient avoir confiance en une foi purement naturaliste et philanthropique, une foi utile et fondée sur les valeurs authentiques de la foi elle-même, celles de la charité, mais tournée vers le culte de l'homme et oublieuse de la valeur première, l'amour et le culte de Dieu
 
- et d'autres enfin, avec une certaine défiance à l'égard des exigences dogmatiques de la foi, avec le prétexte du pluralisme qui permet d'étudier les richesses inépuisables des vérités divines et de les exprimer dans la diversité de langage et de mentalité, voudraient légitimer des expressions ambiguës et incertaines de la foi, se contenter de sa recherche pour se soustraire à son affirmation, demander à l'opinion des fidèles ce qu'ils veulent croire, en leur attribuant un charisme discutable de compétence et d'expérience qui met la vérité de la foi à la merci des arbitres les plus étranges et les plus changeants. (...).
 

Remarque : La mise en forme du texte est le fait de l'auteur de ce blogue, afin de mieux faire apparaître la structure de la pensée du Saint-Père.
 

La Passion se renouvelle dans la vie de l'Église, selon le Bienheureux Paul VI, 1969



La Passion du Christ vécue par l’Église
(Audience publique, 2 avril 1969)



Le Bienheureux Paul VI - Portrait officiel
 


Chers Fils et Filles,
Ces jours-ci sont pour vous, chers visiteurs, des jours de repos, de distraction, de fête ; vous venez à Rome durant cette semaine, et profitez, pour la plupart, des vacances scolaires ou professionnelles qui vous sont accordées à l'occasion de Pâques. 
Mais si vous voulez, comme le démontre votre présence à cette audience, participer quelque peu à l'état d'âme de l'Église durant cette semaine qui précède la célébration du plus grand événement de l'histoire et du destin de l'humanité, c'est-à-dire la résurrection du Seigneur Jésus, vous trouverez l'Église non en fête, mais tout entière plongée dans une méditation grave et douloureuse, celle de la Passion du Christ, de ses souffrances ineffables, de sa Croix, de sa mort. 
Méditation très douloureuse, car elle oblige son esprit à voir dans le Christ — le premier-né de l'humanité (cf. Romains 8,29 ; Colossiens 1,15) — les mystères les plus obscurs et les plus révoltants, et cependant très réels, ceux de la douleur, du péché, de la mort. Cette méditation ne se fait pas seulement en référence à Jésus et à l'inconcevable tragédie de la fin de sa vie terrestre, mais aussi en référence à nous, à chacun de nous, dans un rapport direct et inévitable au point de répéter et même de renouveler d'une façon mystique en nous ce drame infini jusqu'à ce que nous le saisissions — dans la mesure de nos possibilités — comme le drame par excellence, le sacrifice de l'agneau de Dieu. Il est encore le sacrifice de l'amour incomparable du Christ pour nous, et en même temps comme la source très aimée de notre destinée, c'est-à-dire de notre Rédemption.
Fils très chers, comprenez-Nous (cf. 2 Corinthiens 1,2). 
L'Église, dans cette liturgie mystérieuse, est prise d'une immense peine. Elle rappelle, elle répète dans ses rites, elle revit dans ses sentiments la Passion du Christ. Elle-même en prend conscience, en souffre, en pleure. Ne troublez pas son deuil, ne détournez pas sa pensée, ne vous moquez pas de son remords, ne prenez pas son angoisse pour de la folie. Vous aussi, accompagnez de votre silence son cri de douleur ; plaignez-la ; honorez-la de votre participation à son affliction spirituelle.
À cette invitation, que chaque fidèle ressent dans son cœur en cet instant solennel et rempli d'amertume, « dies magna et amara valde », comme le chante la liturgie avec une émotion toute lyrique, Nous pouvons ajouter deux considérations.

La Croix au centre du christianisme
La première, comme il est de coutume dans nos rencontres hebdomadaires, nous ramène aux enseignements du Concile.
On a très justement noté qu'à partir du Concile s'est diffusée dans l'Église et dans le monde une vague de sérénité et d'optimisme ; un christianisme réconfortant et positif, pourrions-Nous dire ; un christianisme ami de la vie, des hommes, des valeurs terrestres même, de notre société, de notre histoire.
Nous pourrions presque voir dans le Concile une intention de rendre le christianisme acceptable et aimable, un christianisme indulgent et ouvert, dépouillé de tout rigorisme médiéval, et de toute interprétation pessimiste sur les hommes, leurs habitudes, leurs transformations et leurs exigences. Ceci est vrai.
Mais prenons garde. Le Concile n'a pas oublié que la Croix se trouve au centre du christianisme. 
Lui aussi s'est montré rigoureusement fidèle à la parole de saint Paul : « Que ne soit pas réduite à néant la Croix du Christ » (1 Corinthiens 1,17) ; lui aussi, comme l'Apôtre, s'est dit à lui-même : « Je n'ai rien voulu savoir parmi vous, sinon Jésus-Christ, et Jésus-Christ crucifié » (1 Corinthiens 2,2).
Nous pourrions rappeler combien les pages conciliaires sont empreintes des grandes lignes théologiques, mystiques et ascétiques destinées à associer les fidèles à la Passion du Seigneur (que l'on regarde par exemple, dans la grande constitution dogmatique sur l'Église Lumen gentium les numéros 7, 8, 11, 34, 49...) ; que cette citation suffise : « Comme c'est dans la pauvreté et la persécution que le Christ a opéré la Rédemption, l'Église elle aussi est donc appelée à entrer dans cette même voie pour communiquer aux hommes les fruits du salut... » (ib., n°8).

La Passion se renouvelle dans la vie de l'Église
Ici se présente à notre esprit une deuxième considération qui dérive de la première, c'est-à-dire du rapport qui existe entre le Christ souffrant et son Église, entre la Tête et le Corps mystique, entre l’Évangile de la Passion du Seigneur et l'histoire douloureuse de l'Église,
- non seulement par le témoignage qu'elle Lui rend par son enseignement et sa prédication ;

- non seulement par l'imitation que l'exemple héroïque et généreux du Christ imprime sur les chrétiens, les poussant à Le suivre (cf. Abelard) ;

- non seulement par la communication sacramentelle qui confère à chaque fidèle une assimilation mystique à la mort et à la résurrection du Seigneur (cf. Romains 6,3) ;

- mais d'une certaine manière, elle se renouvelle, se reproduit, se répète ;

et non seulement dans chacun des disciples du Christ (cf. Colossiens 1,24) : « Je complète en ma chair, dit saint Paul, ce qui manque aux épreuves du Christ »), 
 
mais dans l'Église entière, considérée comme communauté, comme ensemble des membres du Christ, comme sa vie prolongée dans l'histoire et ainsi perpétuée.

Cette Passion se perpétue et dure encore. Et dans cette période de Pâques, l'Église, plus qu'à tout autre moment, prend conscience de ses douleurs, les sent, les subit, les accepte humblement, cherche à les sanctifier, et à en tirer la preuve de son identité au Christ Seigneur et Maître, de son amour désireux de confondre ses propres peines avec celles du Crucifié (cf. le thème revenant sans cesse dans le « Stabat Mater ») ; elle cherche enfin à transformer ses propres défaites en mérites de pénitence, de purification, de rédemption, de plus grande vertu, de plus grand courage, de plus grande espérance.

Les souffrances actuelles de l'Église
En est-il ainsi ? L'Église souffre-t-elle aujourd'hui ? Fils, Fils très chers ! Oui, aujourd'hui l'Église est en proie à de grandes souffrances ! mais comment ? Après le Concile ? Oui, après le Concile ! Le Seigneur la met à l'épreuve.
- L'Église souffre, vous le savez, de l'opprimant manque de liberté légitime dans tant de pays du monde.
- Elle souffre à cause de l'abandon de la part de tant de catholiques de la fidélité que mériterait une tradition séculaire, et que l'effort pastoral plein de compréhension et d'amour devrait obtenir.
- Elle souffre surtout du soulèvement inquiet, critique, indocile et démolisseur de tant de ses fils, les préférés — prêtres, enseignants, laïcs, dédiés au service et au témoignage du Christ vivant dans l'Église vivante —,
contre sa communion intime et indispensable,
contre son existence institutionnelle,
contre ses normes canoniques, sa tradition, sa cohésion interne ;
contre son autorité, principe irremplaçable de vérité, d'unité, de charité;
contre ses propres exigences de sainteté et de sacrifice (cf. Louis Bouyer, La décomposition du catholicisme, 1968).
- Elle souffre par la défection et le scandale de certains ecclésiastiques et religieux qui crucifient aujourd'hui l'Église.
Fils très chers, ne Nous refusez pas votre solidarité spirituelle et votre prière. Ne vous laissez pas prendre par la peur, par le découragement, par le scepticisme, et encore moins par le mimétisme qui aujourd'hui détruit, par la suggestion des moyens de communication sociale, tant d'esprits fragiles et impressionnables, et parfois aussi des esprits forts et jeunes. Mais souffrez et aimez avec l'Église. Avec l'Église, travaillez et espérez, et que vous réconforte Notre Bénédiction Apostolique, avec Notre meilleur et plus joyeux souhait de Pâques.

Source : http://www.clerus.org/bibliaclerusonline/es/cub.htm


Remarque : La mise en forme du texte est le fait de l'auteur de ce blogue, afin de mieux faire apparaître la structure de la pensée du Saint-Père.

mardi 25 juillet 2017

Église catholique post-conciliaire : renouveau, oui ; changement arbitraire, non, selon le Bienheureux Paul VI, 1968

 

Aggiornamento et changement arbitraire

(Audience publique, 25 avril 1968)



Le Bienheureux Paul VI - Portrait officiel

 
Chers Fils et Chères Filles,
 
(...) Nous avons besoin de vous, Vous êtes certainement venus ici pour faire un acte de foi, pour donner à l'Église une attestation de votre adhésion filiale, pour confirmer vos résolutions de vie chrétienne. Eh bien ! Nous avons besoin de ces dons spirituels. Nous avons besoin du renouveau de votre conscience catholique, de votre fidélité à la sainte Église de Dieu, toutes choses qui semblent manifestes et déjà garanties par l'esprit religieux et les sentiments sincères qui vous ont conduits ici. Et c'est cela l'espérance que vous Nous donnez.

L'inquiétude qui trouble une partie du monde catholique

Parce que, vous le savez, l'Église passe actuellement par un moment spirituel de son histoire qui n'est pas serein, spécialement dans certains pays
 
C'est là pour les pasteurs de l'Église et pour Nous-même un motif de vive appréhension et parfois de grande amertume
 
- Il en est ainsi non seulement parce que le monde moderne tout entier, captivé par la richesse de ses conquêtes scientifiques et techniques, perd le sens de Dieu ; non seulement parce que ces conquêtes — pour reprendre l'expression malheureuse employée par certains — exigent « la mort de Dieu », c'est-à-dire une mentalité athée et éloignée de toute religion, alors que ces progrès caractéristiques du monde moderne exigeraient bien plutôt un sens de Dieu plus élevé, plus pénétrant, plus chargé d'adoration, une religion plus pure et plus vivante venant couronner les connaissances humaines ; il en est ainsi, disons-Nous, non seulement en raison de l'apostasie pratique qui est si répandue, 
 
- mais aussi et spécialement en raison de l'inquiétude qui trouble certains secteurs du monde catholique et affecte la sensibilité de ceux qui ont des responsabilités dans l'Église.

Chacun le sait, après le Concile, l'Église a connu et connaît encore un grand et magnifique réveil, que Nous sommes le premier à reconnaître et à favoriser. 
 
Mais l'Église a souffert et souffre encore d'un tourbillon d'idées et de faits qui ne sont certainement pas inspirés par le bon esprit et n'annoncent pas ce renouveau de vie que le Concile a promis et promu. 
 
Une idée ambiguë a fait son chemin, également dans certains milieux catholiques : l'idée de changement, qui, chez certains, s'est substituée à l'idée d'aggiornamento, préconisée par le Pape Jean de vénérée mémoire. 
 
C'est ainsi que, contrairement à l'évidence et à la justice, on a attribué à ce très fidèle Pasteur de l'Église des critères non plus innovateurs, mais parfois même destructeurs de l'enseignement et de la discipline de l'Église.

Deux choses qui ne peuvent pas être mises en discussion

Beaucoup de choses peuvent être corrigées et modifiées dans la vie catholique ; beaucoup de doctrines peuvent être approfondies, complétées et exposées en des termes plus compréhensibles ; beaucoup de normes peuvent être simplifiées et mieux adaptées aux besoins de notre temps.
 
Mais il y a spécialement deux choses qui ne peuvent pas être mises en discussion : 
 
- les vérités de la foi, sanctionnées avec autorité par la tradition et par le magistère de l'Église, 
 
- et les lois constitutionnelles de l'Église, lesquelles requièrent l'obéissance au ministère de gouvernement pastoral que le Christ a établi et que la sagesse de l'Église a développé et étendu dans les différents membres du Corps mystique et visible de l'Église pour guider et réconforter la communauté multiforme du Peuple de Dieu.

C'est pourquoi Nous disons : renouveau, oui ; changement arbitraire, non
 
- Histoire de l'Église, toujours nouvelle et toujours vivante, oui ; historicisme dissolvant les fondements dogmatiques traditionnels, non
 
- Développement de la théologie selon les enseignements du Concile, oui ; théologie se conformant aux théories subjectives et libres, souvent empruntées à des sources adverses, non
 
- Église ouverte à la charité œcuménique, au dialogue responsable et à la reconnaissance des valeurs chrétiennes existant chez les frères séparés, oui ; irénisme renonçant aux vérités de la foi ou tendant à se conformer à certains principes négatifs qui ont contribué à séparer tant de frères chrétiens du centre de l'unité de la communion catholique, non
 
- Liberté religieuse pour tous dans la société civile, liberté d'adhérer personnellement à la religion que l'on a choisie en conscience et après mûre réflexion, oui ; liberté de conscience envisagée comme critère de la vérité religieuse sans s'appuyer sur l'authenticité d'un enseignement sérieux et autorisé, non ; etc.

C'est pourquoi, très chers fils, l'Église a aujourd'hui besoin de votre discernement et de votre fidélité
 
Telle est l'espérance que, pour Notre grande consolation, Nous apporte votre visite. L'Église a besoin de la lucidité d'esprit de ses fils ; elle a besoin de leur fidélité aimante et ferme. Nous apportez-vous, chers fils, cette clarté dans les idées concernant le renouveau de la vie de l'Église ? Nous apportez-vous le grand, le précieux, le très cher don de votre fidélité ? Nous l'espérons paternellement.

C'est pourquoi, d'un cœur rempli de joie et d'espérance, Nous vous bénissons tous affectueusement.


Source :
http://www.clerus.org/bibliaclerusonline/es/ctw.htm#s3
 
Remarque : La mise en forme du texte est le fait de l'auteur de ce blogue, afin de mieux faire apparaître la structure de la pensée du Saint-Père.

lundi 24 juillet 2017

Une injuste mise en cause de la tradition, selon le Bienheureux Paul VI, 1969



La communion ecclésiale est aussi communion avec les siècles qui ont fait l’Église.
(Audience publique, 5 novembre 1969)

 
Le Bienheureux Paul VI - Portrait officiel
 

Chers Fils et Filles,

La réflexion de l'opinion publique dans l'Église se porte au­jourd'hui sur le caractère communautaire de l'Église elle-même. 
 
- L'Église est le Corps mystique du Christ, a-t-on dit ;
 
- l'Église est le Peuple de Dieu
 
- l'Église est une communion, communion vi­tale, par l'intermédiaire de l'Esprit-Saint, âme de l'Église, avec le Christ et avec la communauté des fidèles.

C'est une réflexion théologique fondamentale. Il est bon de nous y arrêter. 
 
Elle répond, en l'anticipant et en l'intégrant, à la mentalité moderne, si em­preinte de sociologie et, sur le plan religieux, elle nous montre en­core une fois la supériorité et la valeur de la foi, même dans le do­maine social, tandis que sur les plans moral, pédagogique et pra­tique, cette méditation sur la solidarité, qui constitue les vrais chrétiens en « un seul cœur et une seule âme » (Actes des Apôtres 4, 32), présente des devoirs plus urgents, spécialement dans l'exercice de cette vertu fondamentale qu'est la charité ; ces devoirs tendent à beaucoup modifier nos façons de penser, toujours orientées vers l'égoïsme, et notre comportement ecclésial et social.

Cette vie :
 
- dans la prière, 
 
- dans le sentiment communautaire, 
 
- dans le dialogue avec nos semblables, 
 
- dans l'intérêt porté aux nécessités d'autrui et au bien commun, 
 
cette vie commune spirituelle, cette « societas spiritus », communion dans l'esprit (Philippiens 2, 1), comme dit S. Paul, est très belle mais elle n'est pas facile.

Elle trouve même dans les courants d'idées de notre temps, d'autres conceptions, elles aussi importantes, qui la contredisent et que seule la sages­se de notre système chrétien (appelons-le ainsi) réussit à harmoniser, comme :

- le culte de la liberté,

- la réhabilitation de la personnalité et de la dignité humaines,

- la primauté relative de la conscien­ce,

- la préférence donnée à l'expérience religieuse sur l'observance des règles canoniques,

- et finalement — peut-être la première — la conception révolutionnaire, appliquée à toute sorte de progrès, de réforme, de renouveau, d'aggiornamento : le terme « révolution » a désormais libre cours dans l'échange d'idées génératrices d'ordre et de paix.

Deux formes, plus accentuées que les autres, de cet esprit d'in­dépendance et même de rébellion, qui a beaucoup pénétré aussi dans les milieux de vie ecclésiale, semblent exiger une mention particulière, parce qu'elles sont plus en opposition avec cet esprit de communion, que la réalité actuelle de l'Église présente à notre conscience comme le souffle vivifiant et actuel de la Parole de Dieu : 
 
- la rupture avec la tradition 
 
- et la disparition de l'obéissance (mais Nous ne parlerons pas de celle-ci maintenant).


Une injuste mise en cause de la tradition

La tradition ! Elle ne dit plus rien aux innovateurs, même bons, de notre époque. 
 
Les jeunes, malheureusement (et pour une part Nous le comprenons, justement parce qu'ils sont jeunes) prennent en grippe tout ce qui précède l'actualité, leur vie d'aujourd'hui et leur course vers la nouveauté et vers l'avenir.

Mais il ne s'agit pas seulement des jeunes ; les sages aussi parlent de rupture avec le passé, avec les générations précédentes, avec les formes conven­tionnelles, avec l'héritage des anciens.

Une phraséologie superficielle et très imprudente est entrée aussi dans le langage habituel de l'Église ; 
 
- on parle d'ère constantinienne pour disqualifier toute l'histoire séculaire de l'Église jusqu'à nos jours ; 
 
- ou même de men­talité préconciliaire pour dévaluer arbitrairement un patrimoine catholique de pensée et de mœurs, qui aurait tant de valeurs dignes d'être appréciées ; 
 
- on en arrive à des expressions et à des comportements parfois si négatifs qu'ils engendrent la confusion et la dé­sagrégation au sein de la communauté ecclésiale, et tels qu'ils font croire que les normes en vigueur et les habitudes pacifiques ne tiennent plus.

Ce discours pourrait malheureusement continuer ; mais chacun peut le faire pour son compte. Il devient difficile là où l'on doit distinguer ce à quoi il ne faut pas renoncer dans le vaste héritage de la tradition 
 
- de ce qui est précieux, mais en soi non nécessaire à la consistance constitutionnelle de l'Église et à sa vita­lité authentique ; 
 
- et de ce qui est habitude, mais de valeur discutable, 
 
- et enfin de ce qui provient du passé et est vieux, superflu, nui­sible, et donc digne d'être abandonné ou soumis à une réforme courageuse. 
 
Cet inventaire de l'héritage ancien exige compétence et autorité ; dans une communauté telle que l'Église, aucun parti­culier ne peut le faire publiquement ou pratiquement par lui-même ; et il peut encore moins, une fois l'inventaire fait, établir seul le choix à faire de ce qui doit rester et de ce qui peut être laissé de côté.

L'Église, dans ses organismes autorisés, après le Concile, est en train de faire cet inventaire ; et qui lui est fidèle ne doit pas s'arroger le droit d'en anticiper ou d'en contredire le juge­ment
 
Rien dans l'Église ne doit être arbitraire, téméraire, tumul­tueux. L'Église est comme une symphonie : aucun des instruments, même les plus importants, ne peut jouer dans un orchestre ce qu'il lui plaît et comme il lui plaît.


Valeur et richesse de l'héritage ecclésial

Nous voudrions maintenant plutôt recommander aux fils cons­cients et fidèles de revoir leur instinctive antipathie pour la tra­dition ecclésiastique
 
Avant tout, elle est le véhicule de la doctrine et de la succession apostolique ; le Christ ne peut être présent au­jourd'hui sans la reconnaissance du canal historique et humain qui nous conduit à la source de son apparition évangélique. 
 
En outre, la tradition est la richesse, l'honneur, la force de notre mai­son, l'Église catholique. 
 
La tradition, dans son contexte historique, contient, bien sûr, beaucoup d'éléments caducs et même répréhensibles ; mais le jugement droit, à donner sur ces éléments discutables ou négatifs, devra justement être « historique », c'est-à-dire évalué en vue des circonstances des temps et des expériences con­temporaines et successives des événements, en se souvenant que l'Église, sainte dans son institution et dans sa vertu sanctificatrice, de parole, de grâce, de ministère, est composée de la même pâte qu'Adam, et que ses descendants, faibles, trompeurs et pécheurs.

Une connaissance intelligente, une critique juste, une évaluation sagace de la tradition ne seront pas un frein mais un guide pour ceux qui veulent le renouveau ecclésial souhaité pour notre temps ; elles leur insuffleront cette sympathie aimante, presque une sympathie de famille pour les événements du passé de l'Église et pour ce qui nous est transmis par ce courant.

Nous acquerrons, ce fai­sant, un enrichissement et une sécurité pour le colloque aposto­lique avec notre génération, privée par les révolutions actuelles d'une culture éprouvée par les siècles et inébranlable dans les tempêtes de l'histoire, comme celle que la tradition nous donne gratuitement.

Nous rappelons que la communion ecclésiale, dont notre spiritualité actuelle veut vivre, comporte une solidarité avec nos frères qui nous ont précédés dans le signe de la foi et dorment du sommeil de la paix.

C'est pour eux que nous vivons et que nous sommes ici, pèlerins nous-mêmes vers le Christ à venir. Au nom duquel Nous vous bénissons tous.


Source : http://www.clerus.org/bibliaclerusonline/es/cui.htm#vi
 
Remarque : La mise en forme du texte est le fait de l'auteur de ce blogue, afin de mieux faire apparaître la structure de la pensée du Saint-Père.