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dimanche 19 mars 2017

Un certain nudisme dans le sport, ni nécessaire, ni convenable, Pie XII, 1952


Eugenio Pacelli, dit Pie XII (1876-1958)
Un Congrès scientifique du Sport et de l’Éducation physique avait réuni à Rome, 800 participants. 

Recevant ceux-ci en son palais de Castel Gandolfo, le Saint-Père s'exprima comme suit :

(…) La Révélation nous enseigne donc au sujet du corps de l'homme de sublimes vérités, que les sciences naturelles et l'art sont incapables de découvrir par eux-mêmes, vérités qui confèrent au corps une nouvelle valeur et une dignité plus élevée et par conséquent un plus haut motif à mériter le respect.

Le sport et la gymnastique n'ont certainement rien à craindre de ces principes religieux et moraux correctement appliqués ; il faut toutefois exclure certaines formes qui sont en opposition avec le respect indiqué à l'instant.

La saine doctrine enseigne à respecter le corps, mais non à l'estimer plus qu'il n'est juste. Le principe est celui-ci : soin du corps, accroissement de vigueur du corps, oui ; culte du corps, divinisation du corps, non, pas plus que divinisation de la race et du sang avec leurs présupposés somatiques ou leurs éléments constitutifs.

Le corps n'occupe pas chez l'homme la première place ; ni le corps terrestre et mortel, tel qu'il existe maintenant, ni le corps glorifié et spiritualisé, tel qu'il sera un jour. Ce n'est pas au corps, tiré du limon de la terre, que revient le primat dans le composé humain, mais à l'esprit, à l'âme spirituelle.

Non moins importante est une autre règle fondamentale contenue aussi dans un passage de la Sainte Écriture. On lit en effet dans la lettre de S. Paul aux Romains : « Je vois dans mes membres une autre loi, qui s'oppose à la loi de mon esprit et me rend esclave de la loi du péché qui est dans mes membres » (Romains 7, 23).

On ne pourrait décrire de façon plus vivante le drame quotidien dont est tissée la vie de l'homme. Les instincts et les forces du corps se font sentir, et, étouffant la voix de la raison, l'emportent sur les énergies de la bonne volonté depuis le jour où leur pleine subordination à l'esprit fut perdue par le péché originel.

Dans l'usage et l'exercice intensifs du corps, il faut tenir compte de ce fait. De même qu'il y a une gymnastique et un sport qui, par leur austérité, concourent à réfréner les instincts, ainsi il existe d'autres formes de sport qui les réveillent, soit par la force violente, soit par les séductions de la sensualité.

Du point de vue esthétique aussi, par le plaisir de la beauté, par l'admiration du rythme dans la danse et dans la gymnastique, l'instinct peut insinuer son venin dans les âmes.

Il y a en outre dans le sport et dans la gymnastique, dans les exercices rythmiques et dans la danse, un certain nudisme qui n'est ni nécessaire ni convenable. Ce n'est pas sans raison qu'il y a quelques décades un observateur tout à fait impartial devait avouer : « Ce qui dans ce domaine intéresse la masse, ce n'est pas la beauté de la nudité, mais la nudité de la beauté ». À une telle manière de pratiquer la gymnastique et le sport, le sens religieux et moral oppose son veto.

En un mot, le sport et la gymnastique doivent non pas commander et dominer, mais servir et aider. C'est leur fonction, et c'est là qu'ils trouvent leur justification.(...)

Référence

Pie XII, Discours aux professeurs d'éducation physique, 8 novembre 1952, in Documents de S. S. Pie XII, 1952, p. 516-517.


samedi 18 mars 2017

Le laisser-aller et l'immodestie de la tenue conduit à l'impureté, épiscopat du Québec, 1946


Jean-Marie Rodrigue cardinal Villeneuve (1883-1947)
(…) 9. C'est d'abord dans la tenue en général que se manifeste le laisser-aller qui, trop souvent, hélas, conduit à l'impureté.

Que de personnes sont esclaves de ces modes qui ignorent les règles élémentaires de la modestie et qui constituent parfois une provocation directe au mal.

10. Grâce à Dieu, les femmes chrétiennes de nos milieux ne paraissent à l'église et, généralement dans les assemblées publiques, que décemment vêtues. De même il nous plaît de constater que la plupart des femmes vont sur la rue convenablement mises. 

Mais que sera-ce demain, si l'on songe à la vogue croissante de « ces vêtements si exigus ou tels qu'ils semblent faits plutôt pour mettre davantage en relief ce qu'ils devraient voiler », comme l'observe Pie XII (1).

Trop de jeunes filles acceptent facilement les raccourcis indécents, parfois provocateurs, les décolletés audacieux où elles ont parfois l'impudence de placer la croix de Notre-Seigneur, Maître de pureté !

Trop d'entre elles s'exhibent en « shorts », encore timidement sur la rue, mais avec sans-gêne au jeu ! Souvent elles réduisent encore leur costume de plage. Immodestes de leur nature même, ces vêtements doivent être bannis de nos mœurs, même dans les sports (2). 

Notons de plus que le port du pantalon sous le moindre prétexte, ou, ce qui est pire, dans le but de s'exhiber en public, n'est pas digne d'une vraie chrétienne.

11. Au déshabillé et au laisser-aller de la vie en plein air s'ajoute l'usage déplorable et trop répandu chez des chrétiennes même pratiquantes de circuler à l'intérieur de leur foyer dans le plus léger accoutrement. Comme on est loin des délicatesses de nos mères chrétiennes d'autrefois !

12. On plaindrait les femmes de mœurs douteuses qui accepteraient ces raccourcis, ces décolletés, ces déshabillés. Mais qu'une chrétienne, une épouse, une mère, une jeune fille, loin de réagir contre ces courants pervers, s'y engagent trop souvent à cœur joie, désapprennent peu à peu la modestie, l'ignorent, la méprisent même, comment ne pas en être stupéfié et attristé jusqu'aux larmes !

13. L'homme lui-même n'échappe pas au goût de l'exhibition de sa chair : on va le torse nu en public, on porte un pantalon ou un maillot collant trop abrégé. On commet par là des infractions à la vertu de modestie, quand on n'est pas occasion de péché, en pensée ou en désir, pour le prochain.

14. Ce qui nous paraît plus grave encore, non certes comme provocation au mal, mais plutôt comme habitude néfaste et pouvant conduire très loin, c'est, dans le costume des fillettes, la robe trop écourtée, la nudité complète des bras et des jambes, quand cela ne va pas jusqu'à celle du torse.

Sans le savoir, ces pauvres enfants scandalisent ainsi, et souvent, leurs petits frères. Comment une mère chrétienne peut-elle l'oublier ? Si ces enfants aperçoivent dans la rue quelque soutane, signe du gardien de la modestie et de la morale, elles se hâtent de tirer ce qui leur reste de vêtement pour se couvrir.

Ces fillettes vieilliront. Pour être modestes, et souvent pour être pures, elles devront remonter tout un courant qui les a entraînées jusque là. Le pourront-elles vraiment ? Pauvres mères, vous violez, sachez-le, vos graves devoirs d'éducatrices.

15. L'immoralité se sert donc de la mode pour corrompre les âmes ; elle utilise aussi le sport, pourtant si utile et si nécessaire pour la santé du corps.

C'est une ruse de Satan de détourner de leur fin des jeux, des plaisirs, des divertissements, des amusements dont le but premier est de reposer le corps en rendant plus agréable la vie en société.

Satan se réjouit de ces « parties de sport qui se déploient dans des conditions de vêtements, d'exhibitions et de camaraderie inconciliables avec la modestie même la moins exigeante » (3)

De fait, on met tant de soin à créer pour le sport le vêtement qui déshabille ou qui séduit, et, à la vérité, sous les plus fallacieux prétextes ; on participe avec tant de sans-gêne à ces parties de plaisirs qui font des jeunes gens et des jeunes filles des compagnons de vie d'un jour, loin des yeux et des regards protecteurs ; la camaraderie devient vite familiarité déplacée, et, les liqueurs alcooliques aidant, la familiarité tourne en compagnonnage éhonté.

Ainsi les excursions, les parties de ski ou de chalet, l'exercice du patin sous toutes ses formes, d'autres amusements encore, deviennent directement ou indirectement des occasions de fautes d'autant plus alléchantes qu'elles se présentent sous le couvert d'un délassement de soi légitime.

(…)

42. Tel est donc le jugement du chrétien sur ce problème angoissant de l'immoralité moderne. Conscient de sa dignité d'homme et de chrétien, conscient des funestes conséquences de l'immoralité sur la famille et la société civile, il estime à un haut prix la belle vertu de pureté et il la pratique selon les exigences de son état de vie.

Il comprend que la morale est supérieure au plaisir et à la mode, qu'il est des limites qu'il n'est jamais permis de franchir sans faire injure à sa conscience et à sa foi. Pour lui, la moralité, et spécialement la pureté, sont des trésors qu'il importe de protéger contre toute violation. En les protégeant, par tous les sacrifices nécessaires, il a la joie d'accroître la gloire de l’Église sa Mère et la satisfaction d'aider ses frères.

(…)

51. La lutte est donc inévitable. Vous l'accepterez courageusement, et pour en sortir victorieux, vous surveillerez les occasions de péché, vous les éviterez avec la grâce de Dieu : vous n'entretiendrez pas de pensées mauvaises, vous ne réchaufferez aucun désir inavouable, vous fuirez les mauvaises compagnies, vous refuserez de laisser corrompre votre esprit par une littérature obscène et des illustrations provocatrices, vous conserverez votre cœur ferme et droit en évitant les fréquentations risquées, les danses immorales, e cinéma corrupteur, les réunions sociales païennes, l'oisiveté, mère de tous les vices, et l'intempérance dans l'usage des boissons enivrantes.

En un mot, pour pratiquer la pureté, vous cultiverez la pudeur, qui est une crainte instinctive de 'âme aux premières approches du mal ; vous cultiverez la modestie, qui est la modération, le sens de la mesure, qui fait éviter habituellement tout ce qui est de nature à exciter en vous-mêmes et dans les autres la passion sexuelle. La pudeur et la modestie, tels sont les ornements et les gardiennes de la pureté.

(…)

57. Votre [celle de pères et mères de famille] action éducatrice s'exercera dès le bas âge, à cette période où se créent des habitudes qui influenceront toute la vie. De grâce, n'habituez pas vos enfants au déshabillé, nous oserions dire, au nudisme. « O mères chrétiennes, s'exclame le Souverain Pontife, si vous saviez quel avenir d'angoisses et de périls, de honte mal contenues, vous préparez à vos fils et à vos filles en les accoutumant imprudemment à vivre à peine couverts, et en leur faisant perdre le sens de la modestie, vous rougiriez de vous-mêmes et vous redouteriez l'injure que vous vous faites à vous-mêmes et le tort que vous causez aux enfants que le ciel vous a confiés pour les élever chrétiennement » (4).

Notes

(1) Pie XII, La Mode, Discours du 22 mai 1941, E.S.P. 

(2) Synode de Québec (1940), décret 102, note : « Que si l'on demande en quoi consiste un habit modeste et décent pour une chrétienne, on comprendra que c'est celui qui couvre la poitrine et les bras d'étoffes non transparentes, qui descend au moins à mi-jambe, et dont la coupe d'une ampleur convenable protège la pudeur en dissimulant les lignes du corps » (Cardinal Rouleau, 8 décembre 1930, Mandements des Évêques de Québec, vol. XIII, Supplément 45) [en fait : 36].

S.[on] E.[xcellence] le Cardinal Villeneuve, Communication de l'Archevêché de Québec contre les modes païennes, 27 juin 1945.

Semaine Religieuse de Québec, 57e année, n° 44, 5 juillet 1945. p. 690.

S. E. Mgr Arthur Douville, Mandements des Évêques de Saint-Hyacinthe, vol. XXI, p. 354.

(3) Pie XII, La Mode, Discours du 22 mai 1941, E.S.P.

(4) Pie XII, ibid.


Référence

Archevêques et évêques de la province de Québec, « Croisade de pureté », Lettre pastorale collective, n°114, 5 mai 1946 ; paru dans : Mandements, lettres pastorales et circulaires des évêques du Québec, volume 17, 1943-1954, Chancellerie de l'archevêché, Québec, 1955, p. 241-243 ; p. 253-254 ; p. 257 ; p. 259.

Contre les modes païennes, Mgr Villeneuve, 1945


Jean-Marie Rodrigue cardinal Villeneuve (1883-1947)
Son Éminence rappelle avec instance à tous les fidèles l'obligation grave de protéger les mœurs chrétiennes parmi nous.

À cet effet Son Éminence enjoint aux mères de familles de cultiver la pudeur chez les enfants, et de leur inculquer des habitudes de piété et de modestie qui fortifient en eux la précieuse vertu de pureté, condition de toute dignité humaine et rempart de la famille.

Il va de soi que tous les chrétiens devraient lutter contre l'envahissement des modes suggestives et des libertés immorales.

On doit noter que les vêtements appelés shorts ne sont pas admis par la décence chrétienne (1) même pour les lieux d'amusements.

* * *

Messieurs les Curés ne laisseront point entrer dans les églises les personnes qui ne seront point vêtues convenablement.

Celles qui ont des robes sans manches, trop ouvertes ou trop écourtées, doivent se revêtir d'un manteau avant de franchir le seuil de nos temples.

Puisque, selon l'Apôtre saint Paul, dans les églises les femmes ne doivent pas avoir la tête nue, elles devront porter un chapeau ou un voile qui leur couvre vraiment la tête. Une simple fleur ou un bandeau ne saurait suffire. 

27 juin 1945.
 

Note

(1) Cf. Synode de Québec (1940), décret 102, note : « Que si l'on demande en quoi consiste un habit modeste et décent pour une chrétienne, on comprendra que c'est celui qui couvre la poitrine et les bras d'étoffes non transparentes, qui descend au moins à mi-jambe, et dont la coupe d'une ampleur convenable protège la pudeur en dissimulant les lignes du corps » (Cardinal Rouleau, 8 décembre 1930. Mandements des Évêques de Québec, vol. XIII, Supplément 45 [en fait : 36]).

Référence

J.-M.-Rodrigue, cardinal Villeneuve, o.m.i., « Contre les modes païennes », in Circulaire au clergé, n°100, 31 décembre 1945 ; paru dans : Mandements, lettres pastorales et circulaires des évêques du Québec, volume 17, 1943-1954, Chancellerie de l'archevêché, Québec, 1955, p. 196-197

vendredi 17 mars 2017

L'indécence de la mode féminine et des danses modernes, selon Benoît XV, 1920


Giacomo della Chiesa, dit Benoît XV (1854-1914)
(…) À cet égard, Nous ne pouvons assez déplorer l'aveuglement de tant de femmes de tout âge et de toute condition : affolées par le désir de plaire, elles ne voient pas à quel point l'indécence de leurs vêtements choque tout homme honnête et offense Dieu.

La plupart eussent rougi autrefois de ces toilettes comme d'une faute grave contre la modestie chrétienne ; maintenant, il ne leur suffit pas de les produire sur les voies publiques ; elles ne craignent point de franchir ainsi le seuil des églises, d'assister au Saint Sacrifice de la messe, et même de porter jusqu'à la Table eucharistique, où l'on reçoit le céleste Auteur de la pureté, l'aliment séducteur des passions honteuses.

Et Nous ne parlons pas de ces danses exotiques et barbares récemment importées dans les cercles mondains, plus choquantes les unes que les autres : on ne saurait imaginer rien de plus propre à bannir tout reste de pudeur. (...)

En ce qui concerne particulièrement les Sœurs Tertiaires, Nous leur demandons d'être, par leur mise et tout l'ensemble de leur maintien, des modèles de sainte modestie pour les autres dames ou jeunes filles ; qu'elles soient bien convaincues que la meilleure manière pour elles d'être utiles à l’Église et à la société est de travailler à l'amélioration de la moralité. (...)


Version latine

(…) Qua in re satis equidem deplorare non possumus tot ex quavis aetate ac genere caecitatem mulierum, quae, studio placendi infatuatae, non vident quantum illa, qua utuntur, insania vestium non solum optimo cuique displiceant, sed Deum offendant.

Neque enim satis habent cum tali ornatu — quem plurimae earum olim exhorruissent, ut christianae modestiae nimis repugnantem — prodire in publicum, quin aedes sacras ingredi non verentur et in sacrorum celebritate versari, atque etiam ad ipsam mensam Eucharisticam, in qua divinus castimoniae auctor sumitur, foedarum déferre lenocinia cupiditatum.

Mittimus autem eas, quae nuper ex barbaria in hominum elegantium morem venerunt, alias alii deteriores saltationes, quibus nihil inveniri potest aptius ad omnem exuendam verecundiam. (...)

Tertiariae vero, quod ad eas praesertim attinet, sese in habitu alque in omni vitae cultu praebeant ceteris puellis matronisquae sanctae pudicitiae documentum; nec putent se melius de Ecclesia deque republica posse mereri quam corruptorum parando emendationem morum. (...)

Référence

Benoît XV, Lettre encyclique Sacra propediem, au sujet du septième centenaire de la fondation du Tiers-Ordre franciscain, 6 janvier 1921, in Actes de Benoît XV, tome III, Maison de la Bonne Presse, Paris, 1926, p. 57-58.

Le femme ne se fait jamais esclave, pas même de la mode, Pie XII, 1943


Eugenio Pacelli, dit Pie XII (1876-1958)


 

À l'occasion du 25e anniversaire de la fondation de l'Action catholique des jeunes filles italiennes venues lui demander ses conseils, le Saint-Père a adressé le discours suivant sur la transformation de la condition sociale de la femme dans le monde moderne, des dangers qu'elle lui fait courir et de la formation qu'elle exige.



 

(…) De la foi, si c'est une foi vive, procédera la pureté morale.

Au sujet du mystère de la vie et de ses sources naturelles, il faut entraîner la jeunesse à de saintes pensées, rappelant que la vie est œuvre du Créateur et considérant que le Christ a élevé le mariage à la dignité de sacrement et, par sa demeure dans le sein de la Vierge, a sanctifié la maternité et lui a conféré une si haute noblesse.

De là vous pouvez déduire quelle doit être l'attitude forte, active, constante de la jeune fille catholique contre les publications et représentations où ne se trouvent qu'audacieuse sensualité, intrigues et violations de la fidélité conjugale, paroles équivoques, quand ce ne sont pas des scènes impudentes et provocantes.

Pour s'opposer à de pareilles manifestations qui, au moins dans beaucoup de cas, sont en même temps une transgression des lois sages de l’État, il y a toujours une arme puissante : l'abstention absolue.

Si déjà votre travail, votre apostolat auprès de la jeunesse, votre zèle et votre prudence obtenaient ce résultat, vous remporteriez une grande victoire qui couronnerait vos efforts pour la sauvegarde et la sainteté du mariage et donc pour le bien même de votre pays.

Éduquez donc la jeunesse féminine catholique dans cette haute et sainte dignité où gît une si forte et solide préservation de l'intégrité physique et spirituelle. Cette vertueuse et indomptable dignité et fierté est d'un grand prix pour l'esprit qui ne se laisse pas réduire en esclavage ; qui renforce la vigueur morale de la femme, laquelle, dans son intégrité, ne se donne qu'à son mari pour la fondation d'une famille ou à Dieu ; et qui voit son mérite et sa gloire dans la vocation surnaturelle et éternelle, comme saint Paul l'écrivait déjà aux premiers chrétiens : ''Empti estis pretio magno. Glorificate et portate Deum in corpore vestro'', « vous avez été achetés à un prix très élevé. Glorifiez donc Dieu et portez-le dans votre corps » (1 Corinthiens 6,20).

Dignité et liberté de la femme qui ne se fait jamais esclave, pas même de la mode ! C'est un sujet délicat, mais urgent, où votre action incessante se promettra d'heureux et bienfaisants succès.

Cependant, votre zèle contre les vêtements et la tenue immodestes ne doit pas seulement être une réprobation, mais une édification, montrant pratiquement au monde féminin comment une jeune fille peut bien harmoniser, dans sa toilette et son comportement, les lois supérieures de la vertu avec les normes de l'hygiène et de l'élégance.

Il faut espérer qu'une bonne partie des femmes italiennes, celles du moins, et elles sont nombreuses, qui se sont conservées saines de pensée et de cœur, ne tarderont pas et n'hésiteront pas à suivre votre exemple. (...)

Référence

Pie XII, Discours aux jeunes filles de l'Action catholique italienne, 24 avril 1943.


Mode et modestie devraient aller ensemble, Pie XII, 1940


Eugenio Pacelli, dit Pie XII (1876-1958)

 
Le 6 octobre [1940], environ 20 000 jeunes filles appartenant à la Jeunesse féminine italienne d'Action catholique étaient rassemblées dans la cour Saint-Damase pour offrir leurs dons au Souverain Pontife et recevoir sa bénédiction.

Vivement ému, le Pasteur suprême prodigua à la vibrante assemblée ses directives et ses encouragements dans le discours que voici :

(…)

4. — Linge d'autel, nappes d'autel, ces fins travaux sont sortis blancs et purs de vos mains ; blancs et purs ils serviront aux saints mystères qui ne supportent pas de contact impur. Regardez l'autel et le tabernacle : l'un entièrement recouvert d'une nappe de lin retombant sur les deux côtés ; l'autre voilé du conopée.

Vous donc qui revêtez si pieusement l'autel et la demeure de Jésus-Christ, n'oubliez jamais que vous portez Dieu en vous par la grâce qui revêt votre âme ; n'oubliez pas que cette divine présence fait, non seulement de votre âme, mais aussi de votre corps, un temple saint. 

« Ne savez-vous pas, écrivait l'apôtre saint Paul dans sa première lettre aux Corinthiens, que vos corps sont les membres du Christ ?... Ne savez-vous pas que vos membres sont le sanctuaire de l'Esprit Saint, qui habite en vous, auquel vous appartenez de la part de Dieu, sans plus vous appartenir à vous-mêmes  ? » (1 Corinthiens 6,15 et 19)

La pensée consciente de cette inhabitation divine, de cette incorporation au Christ, a fait naître et a développé à travers les siècles chez les peuples dociles à l’Évangile un religieux respect du corps qui se traduit dans un ensemble d'arrangement de la personne, des manières, du maintien, des paroles sagement réglées et mesurées : la modestie.

Et dès le commencement de l’Église le même apôtre voulait que les femmes portassent le voile dans les réunions sacrées et disait dès lors aux Corinthiens :

« Jugez-en donc par vous-mêmes : convient-il à la femme de prier Dieu la tête découverte ?... C'est une gloire pour la femme d'entretenir sa chevelure ; parce que les cheveux lui ont été donnés par manière de voile. » (1 Corinthiens 11,13 et 15)

Vous avez inscrit cette année en tête de vos projets et de vos initiatives la grande croisade de la pureté, cette pureté dont la gardienne est la modestie. Comme la nature a mis en chaque créature un instinct qui la pousse et la porte à défendre sa propre vie et l'intégrité de ses membres, ainsi la conscience et la grâce qui ne détruit pas mais perfectionne la nature, infusent dans les âmes comme un sens qui les met en garde vigilante contre les dangers qui menacent leur pureté.

Cela est spécialement caractérisé chez la jeune fille chrétienne. On lit dans la Passion des saintes Perpétue et Félicité, considérée à bon droit comme un des plus précieux joyau de l'ancienne littérature chrétienne, que, lorsque dans l'amphithéâtre de Carthage la martyre Vibia Perpétue lancée en l'air par une vache très féroce retomba dans l'arène, son premier soin et son premier geste furent de rajuster sa tunique, qui s'était déchirée, sur le flanc pour le recouvrir, plus attentive encore à la pudeur qu'à la douleur, pudoris potius memor quam doloris.

... et de la modestie.

Mode et modestie devraient bien aller et marcher ensemble comme deux sœurs, puisque les deux mots ont la même étymologie, du latin modus qui veut dire juste mesure, en deçà et au-delà de laquelle ne peut se trouver le juste ou le raisonnable (Horace, Sermones [Satires] I, 1, 106-107).

Mais la modestie n'est plus de mode ! Semblable à ces pauvres aliénés qui, ayant perdu l'instinct de la conservation et la notion du danger, se jettent dans le feu ou dans les fleuves, bien des âmes féminines, oublieuses dans leur ambitieuse vanité de la modestie chrétienne, courent misérablement au-devant des dangers où leur pureté peut trouver la mort. Elles subissent la tyrannie de la mode, même immodeste, d'une manière telle qu'elles paraissent n'en même plus soupçonner l'inconvenance ; elles ont perdu le sens même du danger, l'instinct de la modestie.

Aider ces malheureuses à reprendre conscience de leurs devoirs sera votre apostolat, votre croisade au milieu du monde : « Que votre modestie paraisse à tous les regards » (Philippiens 4,5).

Votre apostolat agira avant tout par l'exemple. Il appartiendra à votre très aimée présidente, à vos sages dirigeantes de vous apprendre comment, avant de porter un vêtement vous devez demander à votre conscience de quelle façon le jugera Jésus-Christ ; de vous avertir qu'avant d'accepter une invitation, vous devez considérer si votre invisible et céleste ange gardien pourra vous suivre en semblable rendez-vous sans se couvrir la face de ses ailes. Elles vous indiqueront quels spectacles, quelles compagnies, quelles plages vous devez éviter ; elles vous montreront comment une jeune fille peut être moderne, cultivée, sportive, pleine de grâce, de naturel et de distinction, sans se plier à toutes les vulgarités d'une mode malsaine, conservant un visage qui ignore les artifices comme l'âme dont il est le reflet, un regard sans ombres ni intérieures ni extérieures, mais à la fois réservé, sincère et franc.

Pour la défense, généreusement active, de votre pureté, Nous vous recommandons par-dessus tout la prière et d'une façon spéciale le culte de la sainte Eucharistie et de la Vierge immaculée à laquelle vous êtes consacrées.

Dans l'Eucharistie vous trouverez Dieu qui est la pureté même, parce qu'Il est l'infinie perfection quand Il se donne à vous. Il Nous plaît de répéter les paroles du prophète — comme « le froment des élus et le vin qui fait germer les vierges » (Zacharie 9,17), Notre-Seigneur « qui est le resplendissement de la lumière éternelle et le miroir sans tache » (Sagesse 7,26) purifie votre âme et ses facultés, votre corps et ses sens. Plus une créature s'approche de Dieu et s'unit à Lui, plus elle est pure : plus elle aspire vers la pureté, plus elle tend vers l’Être infiniment pur.

Quand le Verbe voulut s'incarner et naître d'une femme, il jeta son regard sur la créature la plus idéalement parfaite ; une enfant dans la grâce de sa virginité. Après qu'à cette grâce vint s'ajouter, par un miracle unique, celle de la maternité divine, elle apparut d'une si sublime beauté que les artistes, les poètes, les saints tentèrent ardemment, mais toujours en vain, d'en faire le portrait.

L’Église et les anges la saluent des noms de Reine et de Mère ; les titres dont la piété des fidèles a ceint son front comme d'un diadème aux mille feux ou rayons, sont innombrables. Mais entre tous ces noms et titres de gloire, il en est un qui lui est particulièrement cher et qui suffit à la désigner : la Vierge.

Puisse cette Vierge des Vierges, Marie, Reine du très saint Rosaire, être votre modèle et votre force, dans toute votre vie de jeunes catholiques et spécialement dans votre croisade de la pureté.

Avec ce souhait et comme gage de sa protection maternelle et des plus abondantes grâces divines, de tout cœur Nous donnons à vous, et aussi aux personnes, aux œuvres, aux saintes entreprises pour lesquelles vous l'avez demandée, Notre Bénédiction apostolique.

Référence

Pie XII, Allocution aux jeunes filles de l'Action catholique, 6 octobre 1940.


jeudi 16 mars 2017

La conception chrétienne de la mode, selon le pape Pie XII, 1941


Eugenio Pacelli, dit Pie XII (1876-1958)


 
La jeunesse féminine d'Action catholique italienne ayant entrepris en 1940, en Italie, une « croisade de la pureté » contre l'immoralité de la mode, le Saint-Père félicita la délégation de 3000 de ses membres et leur rappela les principes chrétiens qui doivent présider à la parure féminine et l'attitude que doivent avoir les jeunes filles chrétiennes en face de l'immoralité.
  




Notre joie est vive, chères filles, de bénir à nouveau en vous la sainte « croisade de la pureté » que vous avez si opportunément entreprise et que vous poursuivez courageusement sous la puissante protection de la Vierge toute pure, Marie immaculée.

La « croisade de la pureté » …

Le digne et heureux nom de croisade que vous avez choisi et imposé à votre belle et grande campagne arbore une croix brillante, phare de salut pour le monde, et évoque les glorieux souvenirs historiques des Croisades des peuples chrétiens, saintes expéditions et batailles livrées sous les drapeaux sacrés pour la conquête des Lieux saints et pour la défense des pays catholiques contre les invasions et les menaces des infidèles. Vous aussi vous entendez défendre un domaine catholique, la terre de la pureté, y conquérir et conserver ces lis qui, comme un nuage chargé de la bonne odeur du Christ, répandent leur parfum dans les familles, les réunions d'amis, les rues, les assemblées, les spectacles, les divertissements publics et privés.

C'est une croisade contre les ennemis de la morale catholique, contre les périls que créent dans le calme courant des bonnes mœurs des peuples les flots puissants de l'immoralité qui débouchent par les rues du monde et envahissent toutes les classes sociales.

... rendue nécessaire par l'immoralité actuelle

Qu'aujourd'hui un tel péril existe partout, l’Église n'est pas seule à le dire.

Même parmi les hommes étrangers à la foi chrétienne, les esprits les plus clairvoyants et les plus soucieux du bien public en dénoncent hautement les menaces terribles pour l'ordre social et pour l'avenir des nations. 

Ces excitations à l'impureté qui se multiplient à l'heure actuelle empoisonnent les racines de vie, alors que le frein du mal est encore plus affaibli par l'indulgence, qu'on appellerait mieux une négation, d'une partie de plus en plus étendue de la conscience publique qui se montre aveugle en face des désordres moraux les plus répréhensibles.

Cette immoralité est-elle plus grande aujourd'hui qu'à d'autres époques antérieures ? Il serait peut-être imprudent de l'affirmer, en tout cas, c'est là une question oiseuse. Déjà, l'auteur de l'Ecclésiaste écrivait cet avertissement : « Ne dis pas : d'où vient que les jours anciens étaient meilleurs que ceux-ci ? Car une telle question est sotte. Toutes les choses sont difficiles. Ce qui a été, c'est ce qui sera, et ce qui s'est fait, c'est ce qui se fera ; et il n'y a rien de nouveau sous le soleil » (Qoheleth 7,10 ; Qoheleth 1, 8-9).

La vie de l'homme sur terre — même dans les siècles chrétiens — est toujours une bataille. Nous devons sauver nos âmes et celle de nos frères dans notre temps et, aujourd'hui, le péril est certainement plus grand car les artifices qui excitent les passions ont extraordinairement augmenté, alors qu'en d'autres temps ils étaient confinés dans des cercles restreints.

Le progrès de la presse, les livres à bon marché comme les livres de luxe, les photographies, les illustrations, les reproductions artistiques de toute espèce et de toute couleur et de tout prix, les cinémas, les spectacles de variétés et cent autres moyens trompeurs et secrets propagent les attraits du mal et les mettent dans les mains de tous, grands et petits, femmes et filles.

N'y a-t-il pas une mode qui s'étale aux yeux de tous, audacieuse et malséante à une jeune fille élevée chrétiennement ? Le cinéma ne fait-il pas assister à des représentations qui, autrefois, se réfugiaient dans des enceintes où l'on n'aurait jamais osé mettre le pied ?

En face de ces périls, les pouvoirs publics ont pris en plusieurs pays des dispositions d'ordre législatif ou administratif pour endiguer le débordement de l'immoralité. Mais, dans le domaine des mœurs, l'action extérieure des autorités, même les plus puissantes, pour louable, utile et nécessaire qu'elle soit, ne réussira jamais à obtenir à elle seule ces fruits sincères et salutaires qui guérissent les âmes sur lesquelles doit opérer une force plus puissante.

... dans de nombreux domaines.

L’Église doit travailler sur les âmes, et à son service l'Action catholique, votre action, en étroite union et sous la direction de la hiérarchie ecclésiastique, en combattant les périls de l'inconduite dans tous les domaines qui vous sont ouverts : dans celui de la mode, du vêtement et de l'habillement, de l'hygiène et du sport, dans le domaine des relations sociales et des divertissements.

Vos armes seront votre parole et votre exemple, votre amabilité et votre maintien, armes qui témoignent aussi auprès des autres et rendent possible et louable le comportement qui vous honore et honore votre activité.

Nous ne Nous proposons pas de retracer ici le triste tableau trop connu des désordres qui se présentent à vos yeux : vêtements si exigus ou tels qu'ils semblent faits plutôt pour mettre davantage en relief ce qu'ils devraient voiler ; parties de sport qui se déploient dans des conditions de vêtements, d'exhibition et de camaraderie, inconciliables avec la modestie même la moins exigeante ; danses, spectacles, auditions, lectures, illustrations, ornements, où le désir du divertissement et du plaisir accumule les périls les plus graves.

Nous entendons plutôt vous rappeler et remettre sous vos yeux les principes de la foi catholique qui, en ces matières, doivent éclairer votre jugement, guider votre conduite et vos pas, inspirer et soutenir votre lutte spirituelle.

La pureté ne se garde que par la lutte contre les tentations

Car c'est bien d'une lutte qu'il s'agit.

La pureté des âmes vivant de la grâce surnaturelle ne se conserve ni ne se conservera jamais sans combat.

Heureuses êtes-vous d'avoir reçu dans vos familles, à l'aube de votre vie, depuis le berceau, avec le baptême, une vie plus élevée, la vie divine. Enfants inconscientes d'un si grand don et d'un si grand bonheur, vous n'avez alors point eu à combattre — comme des âmes plus mûres, moins heureuses que vous — pour la conquête d'un si haut bien ; mais vous-mêmes ne le conserverez point sans lutte.

Si la grâce purifiante et sanctifiante qui vous a réconciliées avec Dieu comme filles d'adoption et héritières du ciel, a effacé dans votre âme le péché originel, elle n'en a pas moins laissé en vous le triste héritage d'Adam, qui est ce déséquilibre intérieur, la lutte que sentait même le grand apôtre saint Paul qui, tout en prenant plaisir à la loi de Dieu selon l'homme intérieur, voyait dans ses membres une autre loi du péché (Romains 7,22-23), loi des passions et des inclinations désordonnées, qui ne se laissent jamais pleinement dompter, et avec lesquelles, allié de la chair et du monde, conspire un ange de Satan, dont les tentations molestent les âmes.

Telle est la guerre qui se livre entre l'esprit et la chair si ouvertement attestée par la Révélation divine qu'à l'exception de la Vierge bienheureuse, il est vain d'imaginer une vie humaine qui puisse être à la fois pure et vécue sans vigilance et sans combat.

Ne donnez point dans l'illusion de croire votre âme insensible aux excitations, invincible aux attraits et aux périls. Il est vrai que l'habitude souvent réussit à rendre l'esprit moins sujet à de telles impressions, surtout lorsqu'il en est détourné, absorbé dans ses forces vives par l'exercice d'une activité professionnelle ou intellectuelle plus élevée. Mais s'imaginer que toutes les âmes, si enclines aux passions, puissent se rendre insensibles aux excitations provoquées par les images qui, colorées des attraits du plaisir, attisent et retiennent sur elles l'attention, serait supposer et estimer que la maligne complicité que ces périlleuses instigations trouvent dans les instincts de la nature humaine déchue et désordonnée puisse jamais cesser ou diminuer.

... que l'action de la « croisade » a pour but de soutenir.

Cette lutte inévitable, vous l'accepterez courageusement et chrétiennement.

Le but de votre action commune ne peut donc être de la supprimer totalement, mais elle doit tendre à obtenir que ce combat spirituel nécessaire ne soit pas rendu pour les âmes plus difficile et plus périlleux par les circonstances extérieures, par l'atmosphère dans laquelle les cœurs qui en souffrent les assauts doivent le soutenir et le poursuivre.

Sur les champs de bataille de l’Église, ou s'affrontent la vertu et le vice, vous rencontrerez toujours quelques caractères auxquels Dieu a donné une trempe intrépide, héroïque. Soutenus par la grâce, ils ne se laissent ni ébranler ni renverser par aucune impulsion ; ils savent ouvertement se maintenir sans corruption et purs au milieu de la fange qui les entoure, pareils à un levain de bonne fermentation et de régénération pour ce grand nombre d'âmes — rachetées, elles aussi, par le sang du Christ — qui font masse autour d'eux.

Dès lors, le but de votre lutte est que la pureté chrétienne, condition de salut pour les âmes, devienne moins ardue pour toutes les bonnes volontés, de sorte que les tentations, nées de contingences extérieures, ne dépassent pas les limites de cette résistance qu'avec la grâce de Dieu, la médiocre vigueur de beaucoup d'âmes est capable d'opposer.

Pour réaliser des résolutions aussi saintes et aussi vertueuses, il convient d'agir sur les milieux et les courants d'idées que peut influencer assez efficacement une action commune, alors qu'une action individuelle et isolée a une efficacité limitée ou nulle. Si l'union fait la force, seul un groupe compact et aussi nombreux que possible d'esprits chrétiens résolus et sans crainte, saura, là où leur conscience parle et l'exige, secouer le joug de certains milieux sociaux, se libérer de la tyrannie, plus forte aujourd'hui que jamais, des modes de toute sorte, modes du vêtement, modes dans les usages et les relations sociales.

Conception chrétienne de la mode.

La mode n'a, en elle-même, rien de mauvais.

Elle naît spontanément de la sociabilité humaine, suivant l'impulsion qui incline à se mettre en harmonie avec ses semblables et avec les habitudes des personnes parmi lesquelles ont vit.

Dieu ne vous demande point de vivre en dehors de votre temps, de rester indifférentes aux exigences de la mode au point de vous rendre ridicules en vous habillant à l'encontre des goûts et des usages communs de vos contemporaines, sans vous préoccuper jamais de ce qui leur plaît.

Ainsi, l'angélique saint Thomas d'Aquin affirme-t-il que, dans les choses extérieures dont l'homme fait usage, il n'y a pas de vice, mais que le vice vient de l'homme qui en use immodérément par rapport aux usages de ceux avec lesquels il vit, en se distinguant d'une façon étrange d'avec les autres, ou en usant des choses d'une façon conforme ou non conforme aux usages établis, mais avec un sentiment désordonné, par surabondance de vêtements superbement ornés, ou portés avec complaisance ou recherchés avec une sollicitude exagérée, alors que la modestie et la simplicité suffiraient à satisfaire au décorum nécessaire (Summa theologica, IIa IIae, quest. 169, art. 1, 2).

Le même saint docteur ajoute enfin qu'il y a acte méritoire de vertu dans la parure féminine quand elle est conforme à l'usage, conforme à l'état de la personne et dans une bonne intention. Lorsque les femmes portent des ornements décents en harmonie avec leur état et leur dignité, lorsqu'elles suivent en cela avec mesure les coutumes de leur pays, alors se parer est aussi un acte de cette vertu de la modération qui imprime une mesure à la démarche, à l'attitude, au vêtement et à tous les mouvements extérieurs (Saint Thomas d'Aquin, Expositio in Isaiam prophetam, ch. III, in fine).

Attitude qu'elle commande aux jeunes filles

Dans l'attitude à observer à l'égard de la mode, la vertu tient le juste milieu.

Ce que Dieu vous demande est de vous souvenir toujours que la mode n'est pas ni ne peut être la règle suprême de votre conduite, qu'au-dessus de la mode et de ses exigences, il y a des lois plus hautes et impérieuses, des principes supérieurs et immuables qui, en aucun cas, ne peuvent être sacrifiés au gré du plaisir ou du caprice et devant lesquels l'idole de la mode doit savoir abaisser sa fugitive toute-puissance.

Ces principes ont été proclamés par Dieu, par l’Église, par les saints et les saintes, par la raison et par la morale chrétienne. Ce sont des signaux qui marquent les limites au-delà desquelles ne fleurissent pas les lis et les roses, où la pureté, la modestie, la dignité et l'honneur féminins n'exhalent plus leurs parfums, mais où souffle et règne un air malsain de légèreté, de langage équivoque, de vanité audacieuse, de fatuité dans le cœur tout autant que dans l'habillement.

Ce sont ces principes que saint Thomas d'Aquin énonce et rappelle touchant la toilette de la femme (Summa theologica, IIa IIae, quest. 169, art. 2) en indiquant quel doit être l'ordre de notre charité et de nos affections : le bien de notre âme l'emporte sur celui de notre corps, et nous devons préférer à l'avantage de notre propre corps le bien de l'âme de notre prochain (Ibid., quest. 26, art. 4-5).

Dès lors, ne voyez-vous pas qu'il existe une limite qu'aucune forme de mode ne peut permettre de dépasser, une limite au-delà de laquelle la mode se fait source de ruines pour l'âme de la femme et pour l'âme d'autrui ?

... qui doivent connaître les tentations qu'elles peuvent provoquer.

Certaines jeunes filles diront peut-être que telle façon déterminée de se vêtir est plus commode et aussi plus hygiénique ; mais si elle devient pour le salut de l'âme un péril grave et prochain, elle n'est certainement pas hygiénique pour votre esprit et il est de votre devoir d'y renoncer.

La volonté de sauver leur âme a rendu héroïques les martyres, telles les Agnès et les Cécile, au milieu des tourments et des lacérations de leur corps virginal. Vous, leurs sœurs dans la foi, dans l'amour du Christ et dans l'estime de la vertu, vous ne trouveriez pas au fond de votre cœur le courage et la force de sacrifier un peu de bien-être, un avantage physique, si l'on veut, pour garder saine et pure la vie de vos âmes ?

Et si, pour un simple plaisir personnel, nul n'a le droit de mettre en péril la vie corporelle des autres, n'est-il pas encore moins permis de compromettre le salut, donc la vie même de leurs âmes ?

Si, comme le prétendent certaines, une mode audacieuse ne produit sur elles aucune impression mauvaise, que savent-elles de l'impression que les autres en ressentent ? Qui les assure que les autres n'en retirent pas de mauvaises incitations ?

Vous ne connaissez pas le fond de la fragilité humaine ni de quel sang corrompu ruissellent les blessures laissées dans la nature humaine par le péché d'Adam avec l'ignorance dans l'intelligence, la malice dans la volonté, l'avidité du plaisir et la faiblesse à l'égard du bien ardu dans les passions des sens, à tel point que l'homme, souple comme la cire pour le mal, « voit ce qui est mieux et l'approuve, et s'attache au pire » (Cf. Ovide, Métamorphoses 7, 20-21), à cause de ce poids qui toujours, comme du plomb, l'entraîne au fond.

Oh ! combien justement on a observé que, si certaines chrétiennes soupçonnaient les tentations et les chutes qu'elles causent chez les autres par leur toilette et les familiarités auxquelles, dans leur légèreté, elles accordent si peu d'importance, elles s'épouvanteraient de leur responsabilité !

Conseils aux mères chrétiennes...

À quoi Nous n'hésitons pas d'ajouter : O mères chrétiennes, si vous saviez quel avenir d'angoisses et de périls intérieurs, de doutes mal réprimés, de hontes mal contenues vous préparez à vos fils et à vos filles, en les accoutumant imprudemment à vivre à peine couverts, en leur faisant perdre le sens délicat de la modestie, vous rougiriez de vous-mêmes et vous redouteriez la honte que vous vous faites à vous-mêmes et le tort que vous causez à ces enfants que le ciel vous a confiés pour les élever chrétiennement.

Et ce que Nous disons aux mères, Nous le répétons à nombre de femmes croyantes et même pieuses qui, en acceptant de suivre telle ou telle mode audacieuse, font tomber par leur exemple les dernières hésitations qui retiennent une foule de leurs sœurs loin de cette mode qui pourra devenir pour elles une cause de ruine spirituelle.

Tant que certaines toilettes provocantes demeurent le triste privilège de femmes de réputation douteuse et comme le signe qui les fait reconnaître, on n'osera pas les adopter pour soi. Mais le jour où ces toilettes apparaissent portées par des personnes au-dessus de tout soupçon, on n'hésitera plus à suivre le courant, un courant qui entraînera peut-être aux pires chutes.

et aux membres de la « croisade ».

S'il convient que toutes les femmes chrétiennes aient le courage de se mettre en face de si graves responsabilités morales, vous, chères filles, à cause de ce vif sentiment que vous avez puisé dans votre foi et dans la candeur de la vertu, vous avez la gloire de vous être unies, paladines de la pureté, dans votre sainte croisade.

Isolées, votre hardiesse serait de peu de valeur pour s'opposer à l'invasion du mal qui vous entoure ; étroitement unies et encadrées, vous serez une légion suffisamment forte et puissante pour imposer le respect des droits de la modestie chrétienne.

Votre sens de jeunes catholiques, sens affiné et soutenu par la sagesse de la foi et la pratique consciente d'une vie solidement pieuse, vous fera voir et discerner, à la lumière de l'Esprit de Dieu, avec l'aide de sa grâce obtenue par la prière et aussi avec le secours des conseils demandés à ceux que Jésus-Christ a placés comme guides et maîtres à vos côtés, ce qui, dans les modes, dans les usages et dans les bienséances sociales qui se présentent à vous, est pleinement acceptable, ce qui est seulement tolérable, ce qui est tout à fait inadmissible.

La connaissance claire et profondément sentie de votre devoir vous rendra courageuses et loyales dans l'appui mutuel, pour l'accomplir sans hésitation, mais avec une résolution digne de votre ardeur juvénile.

Belle est la vertu de pureté et suave la grâce qui brille non seulement dans les faits, mais aussi dans la parole qui n'outrepasse jamais les règles de la bienséance et de la politesse et qui assaisonne d'amour l'avis et l'avertissement. La génération chaste est aussi éclatante de grâce devant Dieu que devant les hommes.

Aux jours d'épreuves, de souffrances, de sacrifices et d'austères devoirs où nous sommes, elle ne craint pas de s'élever de tout son pouvoir à la hauteur des graves obligations que lui impose la Providence.

Aujourd'hui, chères filles, la croisade pour vous n'est point dans l'épée, le sang ou le martyre, mais dans l'exemple, la parole et l'exhortation. Contre vos énergies et vos desseins se dresse, tel un ennemi capital, le démon de l'impureté et de la licence des mœurs.

Levez hautement la tête vers le ciel, d'où le Christ et la Vierge immaculée, sa Mère, vous contemplent. Soyez fortes et inflexibles dans l'accomplissement de votre devoir de chrétiennes. Prenez la défense de la pureté en marchant contre la corruption qui amollit la jeunesse. Rendez à votre chère patrie ce service d'une valeur inappréciable en travaillant et en coopérant efficacement à répandre dans les âmes plus de pureté et de candeur ; par là, vous les rendrez plus prudentes, plus vigilantes, plus droites, plus fortes, plus généreuses.

De grâce, que la Reine des anges, victorieuse du serpent insidieux, toute pure, toute forte de sa pureté, soutienne et dirige vos efforts dans cette croisade qu'elle vous a inspirée !

Qu'elle bénisse votre étendard et la couronne des candides trophées de vos victoires !

Nous la supplions dans ce sens, pendant qu'au nom de son divin Fils Nous vous accordons de grand cœur la Bénédiction apostolique, pour vous et pour toutes celles qui se sont unies et s'uniront à vous dans votre courageuse campagne.


Référence

Pie XII, Allocution aux jeunes filles de l'Action catholique de Rome, membres de la croisade de la pureté, 22 mai 1941.

URL source : http://www.clerus.org/bibliaclerusonline/pt/cj5.htm#cm.

mardi 14 mars 2017

Quelques réflexions sur la mode, pape Pie XII, 1957


Répondant à leur désir, le Souverain Pontife a reçu en audience spéciale, les participants au premier Congrès international de l'Union latine de haute couture et leur a donné des directives précises en un long discours en italien, dont voici la traduction.

Eugenio Pacelli, dit Pie XII (1876-1958)
C'est de grand cœur, que Nous vous souhaitons paternellement la bienvenue, chers fils et filles, promoteurs et membres de l'« Union latine de haute couture ».

Vous avez désiré venir en Notre présence pour Nous rendre témoignage de votre filiale dévotion et, en même temps, pour implorer les faveurs célestes sur votre Union, en la plaçant, dès sa naissance, sous les auspices de Celui, à la gloire de qui doit tendre toute activité humaine, même celles apparemment profanes, selon le précepte de l'apôtre des Gentils : « Soit que vous mangiez, soit que vous buviez on quelque autre chose que vous fassiez, faites tout pour la gloire de Dieu » (1 Corinthiens 10,31).

Vous vous proposez d'affronter avec des vues et intentions chrétiennes un problème, aussi délicat que complexe, dont les inéluctables répercussions morales furent de tout temps un objet d'attention et d'anxiété chez ceux à qui il appartient par fonction, dans la famille, dans la société et dans l’Église, de s'employer à préserver les âmes des embûches de la corruption et toute la communauté de la décadence des mœurs : c'est-à-dire le problème de la mode, spécialement féminine.

Il est juste qu'à vos généreux desseins répondent Notre gratitude et celle de l’Église ; et Nous formons le vœu fervent que votre Union, née et inspirée d'une saine conscience religieuse et civile, obtienne, grâce à l'auto-discipline éclairée des artisans mêmes de la mode, le double but déclaré dans vos statuts : moraliser cet important secteur de la vie publique et contribuer à élever la mode au rang d'instrument et d'expression d'une véritable civilisation.

Désireux d'encourager une entreprise aussi louable, Nous accédons volontiers au désir qui Nous a été exprimé de vous exposer quelques pensées, en particulier sur la vraie façon de poser le problème et sur ses aspects moraux, en vous indiquant d'autre part certaines suggestions pratiques, propres à assurer à l'Union une autorité bien accueillie dans un domaine souvent si discuté.


I. CERTAINS ASPECTS GÉNÉRAUX DE LA MODE

Suivant le conseil de la sagesse antique qui indique dans la finalité des choses le critère suprême de tout jugement théorique et la sûreté des normes morales, il sera utile de se rappeler les buts que l'homme s'est toujours fixés en recourant au vêtement.

Sans aucun doute, il obéit aux trois exigences bien connues de l'hygiène, de la pudeur et de la bienséance. Ce sont trois nécessités si profondément enracinées dans la nature, qu'elles ne peuvent être ignorées ni contrariées sans provoquer répulsion et préjudice. Elles conservent leur caractère de nécessité aujourd'hui comme hier ; elles se trouvent chez presque toutes les races ; elles se révèlent sous toutes les formes de la vaste gamme, dans laquelle la nécessité naturelle du vêtement s'est concrétisée historiquement et ethnologiquement. Il est important de noter l'interdépendance étroite et solidaire entre les trois exigences, bien qu'elles résultent de sources diverses : l'une du côté physique, l'autre du côté spirituel, la troisième de l'ensemble psychologique et artistique.

Trois exigences commandent la nécessité du vêtement :

- l'hygiène...

L'exigence hygiénique du vêtement concerne principalement le climat, ses variations et d'autres agents extérieurs, comme causes possibles d'inconvénient ou de maladie.

II résulte de l'interdépendance évoquée plus haut que le motif ou, mieux, le prétexte hygiénique n'est pas valable pour justifier une licence déplorable, particulièrement en public et hors des cas exceptionnels de réelle nécessité ; dans ces cas, d'ailleurs, un esprit bien né ne saura pas se soustraire à la gêne d'un trouble spontané, exprimé à l'extérieur par une rougeur naturelle.

De même, une manière de se vêtir nuisible pour la santé, — dont plus d'un exemple est cité par l'histoire de la mode —, ne peut être légitimé sous prétexte d'esthétique ; comme, d'autre part, les règles communes de la pudeur doivent céder devant les exigences d'une cure médicale, qui, si elle semble les violer, les respecte au contraire lorsqu'on adopte les précautions morales voulues.

- la pudeur …

Tout aussi évidente, comme origine et but du vêtement, est l'exigence naturelle de la pudeur, entendue soit dans sa signification la plus large, qui comprend également la juste considération pour la sensibilité d'autrui envers des objets répugnants à la vue ; soit surtout comme protection de l'honnêteté morale et bouclier contre la sensualité désordonnée.

La singulière opinion qui attribue à la relativité de telle ou telle éducation le sens de la pudeur ; qui même le considère comme une déformation conceptuelle de l'innocente réalité, comme un faux produit de la civilisation et même comme un stimulant à la malhonnêteté et une source d'hypocrisie, cette opinion n'est appuyée par aucune raison sérieuse ; elle trouve, au contraire, une condamnation explicite dans la répugnance qui se produit chez ceux qui, parfois, osèrent l'adopter comme système de vie, confirmant ainsi la rectitude du sens commun, tel qu'il se manifeste dans les usages universels.

La pudeur, étant donné sa signification strictement morale, quelle que soit son origine, se fonde sur la tendance innée et plus ou moins consciente de chacun à défendre contre la cupidité générale d'autrui un bien physique personnel, afin de le réserver, avec un prudent choix de circonstances, aux sages buts du Créateur, placés par lui sous la protection de la chasteté et de la pudicité.

Cette seconde vertu, la pudicité, dont le synonyme « modestie » (de modus, mesure, limite) exprime peut-être mieux la fonction de gouverner et de dominer les passions, particulièrement sensuelles, est le rempart naturel de la chasteté, sa muraille efficace, parce qu'elle modère les actes étroitement connexes avec l'objet même de la chasteté.

Comme sa sentinelle avancée, la pudicité fait entendre à l'homme son avertissement dès qu'il acquiert l'âge de la raison, avant même qu'il apprenne la notion de chasteté et de son objet, et elle l'accompagne pendant toute la vie, en exigeant que des actes déterminés, honnêtes en eux-mêmes, parce que disposés divinement, soient protégés par le voile discret de l'ombre et par la réserve du silence, comme pour leur concilier le respect dû à la dignité de leurs fins élevées.

Il est donc juste que la pudicité, en tant que dépositaire de biens si précieux, revendique pour elle une autorité prépondérante sur toute autre tendance ou tout autre caprice et préside à la détermination des manières de se vêtir.

- la dignité de la personne...

Et voici la troisième finalité du vêtement, dont la mode tire plus directement son origine ; elle répond à l'exigence innée, sentie surtout chez la femme, de donner du relief à la beauté et à la dignité de la personne, avec les moyens mêmes qui pourvoient à satisfaire les deux autres.

Pour éviter de restreindre l'ampleur de cette troisième exigence à la seule beauté physique et, plus encore, pour soustraire le phénomène de la mode à l'ardent désir de séduction comme sa première et unique cause, le terme dignité est préférable à celui d'embellissement. Le souci de la dignité de sa propre personne provient manifestement de la nature et est par conséquent légitime.

En faisant abstraction du recours au vêtement pour cacher les imperfections physiques, ce que la jeunesse lui demande, c'est ce relief de splendeur, qui chante le joyeux thème du printemps de la vie et facilite, en harmonie avec les préceptes de la pudicité, les prémisses psychologiques nécessaires à la formation de nouvelles familles ; tandis que l'âge mûr entend obtenir du vêtement approprié un aspect de dignité, de sérieux et de joie sereine.

Dans tous les cas où l'on cherche à accentuer la beauté morale de la personne, la coupe du vêtement sera de nature à éclipser presque la beauté physique dans l'ombre austère où elle se cache, pour détourner d'elle l'attention des sens et concentrer au contraire la réflexion sur l'esprit.

Le vêtement, interprète des sentiments et des mœurs.

Le vêtement, considéré sous cet aspect plus vaste, a son propre langage multiforme et efficace, parfois spontané, et par conséquent fidèle interprète de sentiments et de mœurs, d'autres fois conventionnel et artificiel et par conséquent bien peu sincère.

De toute façon, il est donné au vêtement d'exprimer la joie et le deuil, l'autorité et la puissance, l'orgueil et la simplicité, la richesse et la pauvreté, le sacré et le profane. Le caractère concret des formes d'expression dépend des traditions et de la culture de tel ou tel peuple, tandis que leur variation est d'autant plus lente que les institutions, les caractères et les sentiments interprétés par ces modes sont plus stables.

Raisons de l'instabilité de la mode.

C'est à donner un relief à la beauté physique que s'applique expressément la mode, art antique, aux origines incertaines, complexe par les facteurs psychologiques et sociaux qui s'y mêlent, et qui a atteint maintenant une importance indiscutable dans la vie publique, soit comme expression esthétique des mœurs, soit comme désir du public et convergence de notables intérêts économiques.

Il résulte de l'observation approfondie du phénomène que la mode n'est pas seulement une bizarrerie de formes, mais un point de rencontre de divers facteurs psychologiques et moraux, tels que le goût du beau, la soif de la nouveauté, l'affirmation de la personnalité, le refus de la monotonie, non moins que le luxe, l'ambition, la vanité.

La mode c'est l'élégance, certes, mais conditionnée par un changement continu, de telle sorte que son instabilité même lui confère la marque la plus évidente. La raison de son changement perpétuel, plus lent dans les lignes fondamentales, très rapide en revanche dans les variations secondaires, devenues à présent saisonnières, semble devoir être recherchée dans la préoccupation de rompre le passé, facilitée par le caractère frénétique de l'époque contemporaine, qui a le terrible pouvoir de brûler en peu de temps tout ce qui est destiné à la satisfaction de l'imagination et des sens.

Il est compréhensible que les nouvelles générations, tendues vers leur propre avenir, — qu'elles rêvent différent et meilleur que celui de leurs pères —, éprouvent le besoin de se détacher de ces formes non seulement d'habillement, mais d'objets et d'ornements, qui rappellent avec plus d'évidence une manière de vivre que l'on veut dépasser.

Mais l'instabilité extrême de la mode présente est surtout déterminée par la volonté de ses artisans et guides, qui ont à leur disposition des moyens inconnus dans le passé, comme la production textile énorme et variée, la fertilité inventive des « modélistes », la facilité des moyens d'information et de « lancement » dans la presse, dans le cinéma, dans la télévision et dans les expositions et « défilés ».

La rapidité des changements est en outre favorisée par une sorte d'émulation mutuelle qui d'ailleurs n'est pas neuve — entre les « élites », désireuses d'affirmer leur personnalité par des formes originales d'habillement, et le public, qui se les approprie immédiatement, avec des imitations plus ou moins heureuses.

On ne doit pas négliger non plus l'autre motif subtil et décadent : l'étude des « modélistes » qui pour assurer le succès à leurs « créations », misent sur le facteur de la séduction, conscients de l'effet que provoquent la surprise et le caprice continuellement renouvelés.

Le facteur économique.

Une autre caractéristique de la mode d'aujourd'hui est que, tout en restant principalement un fait esthétique, elle a acquis d'autre part la propriété d'un élément économique de grandes proportions.

Aux quelques anciennes maisons de couture de haute mode, qui, de telle ou telle métropole, dictaient sans contestation les lois de l'élégance au monde de culture européenne, se sont substituées de nombreuses organisations, puissantes par leurs moyens financiers, qui, tout en satisfaisant les besoins de l'habillement, forment le goût des populations, en stimulant les désirs dans le but de se constituer des marchés toujours plus vastes.

Les causes de ce changement doivent être recherchées, d'une part, dans ce qu'on appelle la « démocratisation » de la mode, par laquelle un nombre sans cesse plus large d'individus cède à l'attrait impérieux de l'élégance, et, d'autre part, dans le progrès technique qui permet la production en série de modèles, coûteux sans cela, mais rendus maintenant d'acquisition facile sur le marché de ce qu'on appelle les « confections ».

De la sorte s'est créé le monde de la mode qui englobe des artistes et des artisans, des industriels et des commerçants, des éditeurs et des critiques et, en outre, toute une catégorie d'humbles travailleurs et travailleuses, qui tirent de la mode leurs moyens d'existence.

Influence sociale du « modéliste » [aujourd'hui : « styliste modéliste »].

Bien que le facteur économique soit la force motrice de cette activité, l'âme en est toujours le « modéliste », c'est-à-dire celui qui, par un choix génial des tissus, des couleurs, de la coupe, de la ligne et des ornements accessoires, donne naissance à un nouveau modèle expressif et qui plaît au grand public.

Il n'est pas nécessaire de dire combien est difficile cet art, fruit d'ingéniosité et d'adresse et, bien plus, de sensibilité à l'égard du goût du moment. Un modèle, dont on est certain de voir le succès, acquiert l'importance d'une invention ; on l'entoure du secret dans l'attente du « lancement » ; par la suite, une fois mis en vente, il obtient des prix élevés, tandis que les moyens d'information lui donnent une large diffusion, en en parlant comme s'il s'agissait d'un événement d'intérêt national.

L'influence des « modélistes » est si décisive que l'industrie textile se fait elle-même guider par eux dans l'organisation de sa propre production, aussi bien pour la qualité que pour la quantité.

Grande aussi est leur influence sociale par le rôle qui leur revient d'interpréter les mœurs publiques ; car si la mode a toujours été l'expression des usages d'un peuple, elle l'est aujourd'hui encore plus que lorsque le phénomène s'accomplissait comme fruit de réflexion et d'étude.

Mais la formation du goût et des préférences dans le peuple et l'orientation de la société vers le sérieux ou le décadent ne dépendent pas seulement des modélistes, mais bien de toute l'organisation complexe de la mode, spécialement des ateliers de couture et de la critique, dans ce secteur plus raffiné qui a comme clientèle les classes sociales les plus élevées, en prenant le nom de « haute couture », comme pour désigner l'origine des courants que le peuple suivra ensuite, presque aveuglément et comme par une obligation magique.

Or, en présence de valeurs si nombreuses et si élevées, que Nous avons énumérées ici en de rapides allusions, et qui sont mises en cause par la mode et parfois mises en danger, l’œuvre apparaît providentielle de personnes préparées techniquement et chrétiennement, qui se proposent de contribuer à affranchir la mode de tendances non recommandables ; de personnes qui voient en elle avant tout l'art de savoir habiller, dont le but est bien, quoique partiellement, de mettre en un relief modéré la beauté du corps humain, chef-d’œuvre de la création divine, de manière, toutefois, que ne se trouve pas offusquée, mais que soit au contraire exaltée — comme s'exprime le prince des apôtres — « la pureté incorruptible d'un esprit doux et tranquille, ce qui est d'un grand prix aux yeux de Dieu » (1 Pierre 3,4).


II. CONSIDÉRATIONS DU PROBLÈME MORAL DE LA MODE ET SES SOLUTIONS

Attitude positive de l’Église face au problème moral de la mode.

Et c'est justement à concilier, en un équilibre harmonieux, l'ornement extérieur de la personne avec l'ornement intérieur d'« un esprit doux et tranquille », que consiste le problème de la mode.

Mais existe-t-il vraiment — se demandent certains — un problème moral au sujet d'un fait aussi extérieur, contingent et relatif que l'est la mode ?

Et ceci admis, en quels termes le problème doit-il être posé, et suivant quels principes doit-il être résolu ?

Ce n'est pas ici le lieu de déplorer longuement l'insistance de plus d'un contemporain dans la tentative de soustraire au domaine moral les activités extérieures de l'homme, comme si elles appartenaient à un autre univers et comme si l'homme n'était pas lui-même le sujet, le terme et, par conséquent, le responsable devant le suprême ordonnateur de toutes les choses.

Il est bien vrai que la mode, ainsi que l'art, la science, la politique et les activités similaires, dites profanes, ont leurs règles propres pour réaliser les finalités immédiates auxquelles ils sont destinés ; toutefois leur sujet reste invariablement l'homme, qui ne peut se dispenser de faire tendre ces activités à la fin ultime et suprême, à laquelle il est lui-même essentiellement et totalement ordonné.

Le problème moral de la mode existe donc, non seulement en tant qu'activité génériquement humaine, mais, plus spécifiquement, en tant que s'exerçant dans un domaine où sont impliquées, plus ou moins directement, d'évidentes valeurs morales ; et, plus encore, du fait que les buts, honnêtes en eux-mêmes, de la mode sont davantage exposés à être obnubilés par les inclinations perverses de la nature humaine déchue par suite du péché originel, et changés en occasion de péché et de scandale.

Cette tendance de la nature corrompue à abuser de la mode amena la tradition ecclésiastique à la traiter plus d'une fois avec méfiance et avec de sévères jugements, exprimés par d'insignes orateurs sacrés avec une vigoureuse fermeté, et par de zélés missionnaires, voire avec la « mise au feu des vanités », qui, conformément aux usages et à l'austérité de ces temps, étaient estimés d'une éloquence efficace auprès du peuple.

De telles manifestations de sévérité, qui démontraient au fond la sollicitude maternelle de l’Église envers le bien des âmes et les valeurs morales de la civilisation, ne permettent cependant pas de déduire que le christianisme exige presque de renoncer absolument au culte ou au soin de la personne physique et de sa dignité extérieure.

Quiconque conclurait dans ce sens démontrerait qu'il a oublié ce qu'écrivait l'apôtre des Gentils : « Que les femmes aient une tenue décente, parées avec réserve et modestie » (1Timotée 2,9).

Mais la mode ne doit jamais fournir une occasion de péché.

L’Église ne blâme donc pas et ne condamne pas la mode, quand elle est destinée à la juste dignité et au juste ornement du corps ; toutefois, elle ne manque jamais de mettre les fidèles en garde contre ses faciles égarements.

Cette attitude positive de l’Église dérive de motifs bien plus élevés que ceux purement esthétiques et hédonistes adoptés par un retour de paganisme. Elle sait et enseigne que le corps humain, chef-d’œuvre de Dieu dans le monde visible, lequel est au service de l'âme, fut élevé par le divin Rédempteur à la dignité de temple et d'instrument du Saint-Esprit et doit être respecté en tant que tel.

Sa beauté ne devra donc pas être exaltée comme une fin en elle-même, encore moins de façon à avilir cette dignité acquise.

Sur le terrain concret, il est incontestable qu'à côté d'une mode honnête on en trouve une autre impudente, cause de trouble chez les esprits raisonnables, si ce n'est même incitation au mal.

Il est toujours ardu d'indiquer par des règles universelles les frontières entre l'honnêteté et l'indécence, parce que l'évaluation morale d'une parure dépend de nombreux facteurs ; toutefois ce qu'on appelle la relativité de la mode par rapport aux temps, aux lieux, aux personnes, à l'éducation n'est pas une raison valable pour renoncer « a priori » à un jugement moral sur telle ou telle mode, lorsqu'elle dépasse les limites de la pudicité normale.

Celle-ci perçoit immédiatement, sans presque même avoir été interrogée, où se trouvent l'impudence et la séduction, l'idolâtrie de la matière et le luxe ou seulement la frivolité ; et si les artisans de la mode impudique sont habiles dans une sorte de contrebande de la perversion, en la mêlant à un ensemble d'éléments esthétiques, honnêtes en eux-mêmes, la sensualité humaine est malheureusement encore plus adroite à la découvrir et prête à en subir l'attrait.

Une très grande sensibilité dans la perception de la menace du mal, ici comme ailleurs, ne constitue nullement un titre de blâme pour celui qui en est pourvu, comme si c'était seulement l'effet d'une dépravation intérieure ; c'est au contraire le signe de la pureté d'esprit et de la vigilance à l'égard des passions.

Mais si vaste et mouvante que puisse être la relativité morale de la mode, il y a toujours un absolu à sauver, après avoir écouté l'avertissement de la conscience qui constate le danger : la mode ne doit jamais fournir une occasion proche de péché.

Ce qui caractérise une mode impudique ou immorale.

Parmi les éléments objectifs qui concourent à former une mode impudique, il y a en premier lieu la mauvaise intention de ses artisans.

Lorsque ceux-ci se proposent de susciter par leurs modèles, des images et des sensations dénuées de chasteté, ils font preuve, même sans aller à l'extrême, d'une malignité larvée. Ils savent, entre autres, que la hardiesse en cette matière ne peut être poussée au-delà de certaines limites ; mais ils savent également que l'effet cherché se trouve à peu de distance de celles-ci, et qu'un habile mélange d'éléments artistiques et sérieux avec d'autres d'ordre inférieur sont plus aptes à surprendre l'imagination et les sens, tandis qu'ils rendent le modèle acceptable aux personnes qui désirent le même effet, sans toutefois compromettre — du moins, le pensent-elles — leur réputation de personnes honnêtes.

Toute épuration de la mode doit donc commencer par celle des intentions aussi bien chez celui qui fait le vêtement que chez celui qui le porte ; chez l'un comme chez l'autre doit être réveillée la conscience de leurs responsabilités à l'égard des conséquences fatales qui peuvent dériver d'un vêtement trop hardi, spécialement lorsqu'il est porté sur la voie publique.

Plus précisément, l'immoralité de certaines modes dépend surtout des excès aussi bien d'immodestie que de luxe.

Quant aux premiers, qui pratiquement mettent en cause la coupe, ils doivent être appréciés non pas selon le jugement d'une société en décadence ou déjà corrompue ; mais selon les aspirations d'une société qui apprécie la dignité et la gravité des mœurs publiques.

On a souvent l'habitude de dire et avec une sorte de résignation inerte, que la mode exprime les mœurs d'un peuple ; mais il serait plus exact et plus utile de dire qu'elle exprime la volonté et l'orientation morale qu'entend prendre une nation, à savoir faire naufrage dans le dérèglement ou bien se maintenir au niveau où l'ont élevée la religion et la civilisation.

Les excès de la mode ne sont pas moins néfastes, bien que dans un domaine différent, lorsqu'on lui assigne le rôle de satisfaire la soif de luxe.

Le faible mérite du luxe, comme source de travail, est presque toujours annulé par les graves désordres qui en dérivent pour la vie privée et publique. En faisant abstraction du gaspillage de richesses que le luxe excessif exige de ses adorateurs, destinés pour la plupart à être dévorés par lui, il a toujours le caractère d'une offense à l'honnêteté de celui qui vit de son travail, tandis qu'il révèle un cynisme d'esprit envers la pauvreté, soit en dénonçant des gains trop faciles, soit en semant des doutes sur la conduite de vie de celui qui s'en entoure.

Là où la conscience morale ne réussit pas à modérer l'usage des richesses, même honnêtement gagnées, de terribles barrières se dressent entre les classes ou bien c'est toute la société qui ira à la dérive, épuisée par la course vers l'utopie de la facilité matérielle.

Principes pour la solution du problème moral de la mode.

Le fait d'avoir fait allusion aux maux que le dérèglement de la mode peut causer aux individus et à la société ne signifie pas la volonté d'en comprimer la force expansive, ni de freiner l'inspiration créatrice de ses auteurs ni non plus de la réduire à la fixité des formes, à la monotonie ou à une sombre sévérité ; mais c'est lui indiquer le bon chemin, afin qu'elle atteigne le but d'être une fidèle interprète de la tradition civile et chrétienne.

Pour arriver à cela, quelques principes serviront, comme points de repère dans la solution du problème moral de la mode ; il est facile d'en déduire des règles plus concrètes.

1. — Prendre conscience de l'influence réelle de la mode.

Le premier est de ne pas donner trop peu d'importance à l'influence de la mode même, autant dans le bien que dans le mal.

Le langage de l'habillement, comme Nous l'avons déjà indiqué, est d'autant plus efficace qu'il est plus fréquent et compris par quiconque. La société parle, pour ainsi dire, par le vêtement qu'elle porte ; par le vêtement, elle révèle ses aspirations secrètes et elle se sert de lui, au moins en partie, pour édifier ou détruire son avenir.

Mais le chrétien, qu'il soit auteur ou client, se gardera de négliger les dangers et les ruines spirituelles, semés par les modes immodestes, spécialement en public, en raison de la cohérence qui doit exister entre la doctrine professée et la conduite même extérieure.

Il se rappellera la pureté élevée que le Rédempteur exige de ses disciples, même dans les regards et dans les pensées ; et il se rappellera aussi la sévérité manifestée par Dieu contre les fauteurs de scandales. À ce propos, on peut rappeler la page vigoureuse du prophète Isaïe, où est prophétisé l'opprobre réservé à la ville sainte de Sion pour l'impudicité de ses filles (Isaïe 3,16-24) et l'autre où le sublime poète italien exprimait, par des paroles brûlantes, son indignation contre l'indécence qui se propageait dans sa cité (Cf. Dante, Purgatoire, 23, 94-108.).

2. — Ne pas suivre aveuglément la mode, mais réagir fermement quand la conscience le demande.

Le second principe est que la mode doit être disciplinée et non pas abandonnée au caprice ou servilement suivie.

Ceci vaut pour les artisans de la mode — modélistes et critiques — auxquels la conscience demande de ne pas se soumettre aveuglément au goût dépravé que peut manifester la société, ou plutôt une partie d'elle, qui n'est pas toujours la plus digne de considération pour sa sagesse.

Mais cela a également une valeur pour les individus, dont la dignité exige qu'ils s'affranchissent, par une conscience libre et éclairée, de l'imposition de goûts déterminés, spécialement discutables dans le domaine moral.

Discipliner la mode signifie également réagir avec fermeté contre les courants opposés aux meilleures traditions. Le contrôle sur la mode n'infirme pas, mais au contraire corrobore le dicton : « la mode ne naît pas sans et contre la société », à condition qu'on attribue à celle-ci, comme il se doit, conscience et autonomie dans sa propre direction.

3. — Se laisser guider par le sens de la modération.

Le troisième principe, encore plus concret, est le respect de la « mesure », c'est-à-dire de la modération dans tout le domaine de la mode.

Si les excès sont les principales causes de sa déformation, la modération lui conservera sa valeur. Elle devra agir avant tout sur les esprits, en réglant l'ardent désir du luxe, de l'ambition, du caprice à tout prix. Les artisans de la mode se laisseront guider par le sens de la modération, spécialement les « modélistes », en dessinant la ligne ou la coupe et en choisissant les ornements d'un habit, persuadés que la sobriété est la meilleure qualité de l'art.

Sans vouloir aucunement ramener à des formes dépassées par le temps — qui, du reste, reviennent plus d'une fois comme nouveauté dans la mode — mais seulement pour confirmer la valeur permanente de la sobriété, Nous voudrions inviter les artistes d'aujourd'hui à contempler, dans les chefs-d’œuvre de l'art classique, certaines figures féminines de valeur esthétique indiscutable, où le vêtement, inspiré de la pudicité chrétienne, est un digne ornement de la personne, avec la beauté de laquelle il se fond comme en un unique triomphe d'admirable dignité.


III. SUGGESTIONS PARTICULIÈRES AUX PROMOTEURS ET AUX MEMBRES DE L'UNION

Et maintenant, quelques suggestions particulières pour vous, chers fils et filles, en tant que promoteurs et membres de l'« Union latine de haute couture ».

Il Nous semble que le terme même de « latine », par lequel vous avez tenu à désigner votre association, exprime non seulement une sphère géographique, mais surtout l'orientation idéale de votre action.

En effet, ce terme de « latin », si riche en significations élevées, semble exprimer, entre autres, la vive sensibilité et le respect pour les valeurs de la civilisation et, en même temps, le sens de la « mesure », de l'équilibre et du réalisme, toutes qualités nécessaires aux membres de votre Union.

Nous avons noté avec satisfaction que ces caractères ont inspiré les buts de vos statuts, que vous avez courtoisement soumis à Notre connaissance, et qui sont le résultat d'une vision complète du problème complexe de la mode, mais spécialement de votre ferme conviction de ses responsabilités morales. Votre programme est donc aussi ample que le problème lui-même, concernant tous les secteurs déterminant la mode : le milieu féminin, directement, avec l'intention de le guider dans la formation du goût et dans le choix de l'habillement ; les maisons « créatrices de la mode » et l'industrie textile afin que, dans une entente mutuelle, elles adaptent leur production aux sains principes professés par l'Union.

Et comme votre Union se compose d'organismes, qui ne sont pas simplement des spectateurs, mais agissent et dirions-Nous presque sont des pionniers dans le domaine de la mode, son programme s'occupe aussi, opportunément, de l'aspect économique, rendu à présent plus ardu par les transformations prévues de la production et de l'unification des marchés européens.

Former un goût sain chez le public.

Une des conditions indispensables pour atteindre les buts de votre Union est la formation d'un goût sain chez le public.

Entreprise ardue, en vérité, et parfois intentionnellement combattue, elle exige de vous beaucoup d'intelligence, beaucoup de tact et beaucoup de patience. Affrontez-la, malgré tout, avec hardiesse, avec l'assurance de trouver de bons alliés tout d'abord dans les excellentes familles chrétiennes, que votre patrie compte encore en grand nombre.

Il est clair que, dans ce but, vous devez vous appliquer principalement à conquérir à votre cause ceux qui, par la presse et d'autres moyens d'information, dirigent l'opinion publique.

Dans la mode, plus que dans toute autre activité, le peuple veut être guidé. Non point qu'il soit dépourvu d'esprit critique en fait d'esthétique et d'honnêteté, mais parfois trop docile et parfois paresseux pour employer cette faculté, il accueille d'emblée ce qui s'offre à lui, quitte à se rendre compte plus tard de la médiocrité ou de l'inconvenance de certains modèles. Il faut donc que votre action soit opportune.

En outre, parmi ceux qui guident à présent avec le plus d'efficacité le goût du public, une place prépondérante est occupée par les personnes célèbres, spécialement celles du monde du théâtre et du cinéma. Comme leur responsabilité est grave, votre action sera féconde si vous réussissez à en gagner au moins quelques-unes à la bonne cause.

Réagir contre l'esprit dit moderne, indifférent à l'aspect moral de la mode.

Une caractéristique propre à votre Union semble être l'étude sérieuse des problèmes esthétiques et moraux de la mode dans des rencontres périodiques, comme le présent congrès, à tendance de plus en plus internationale, persuadés comme vous l'êtes que la mode de l'avenir aura un caractère unitaire dans chacun des continents.

Appliquez-vous donc à apporter dans ces assemblées la contribution chrétienne de votre intelligence et de votre expérience, avec une sagesse convaincante telle que personne ne puisse soupçonner chez vous ni préjugés partiaux ni faiblesse de compromis.

La solide cohérence avec vos principes sera mise à l'épreuve par l'esprit dit moderne, qui ne supporte point de frein, et par l'indifférence même de beaucoup à l'égard du côté moral de la mode.

Les sophismes les plus insidieux, qui sont d'habitude répétés pour justifier l'impudicité, semblent être les mêmes partout. Un de ceux-ci s'appuie sur l'ancien dicton ab assuetis non fit passio, afin de présenter comme dépassée la saine rébellion des honnêtes gens contre les modes trop hardies.

Est-il donc nécessaire de démontrer combien l'antique dicton est déplacé dans une telle question. Nous avons déjà fait allusion, en parlant des limites absolues à sauvegarder dans le relativisme de la mode, au manque de fondement d'une autre opinion également fausse, selon laquelle la modestie ne s'accorde plus avec l'époque contemporaine, désormais affranchie de scrupules inutiles et nuisibles.

Certes, il existe, des degrés différents de moralité publique selon les temps, les caractères et les conditions de civilisation de chaque peuple ; mais cet état de fait n'invalide pas l'obligation de tendre à l'idéal de la perfection, ni n'est un motif suffisant pour renoncer aux hauteurs morales atteintes, qui se manifestent précisément dans la plus grande sensibilité qu'ont les consciences à l'égard du mal et de ses pièges.

Que votre Union s'engage donc avec ardeur dans cette lutte, qui vise à assurer aux mœurs publiques de votre patrie un niveau de moralité toujours plus élevé, digne de ses traditions chrétiennes.

Ce n'est pas par hasard que Nous qualifions de « lutte » votre œuvre visant à moraliser la mode, comme est une lutte aussi toute autre entreprise qui entend restituer à l'esprit la domination sur la matière. Considérée chacune en particulier, elles sont les épisodes distincts et significatif! de l'âpre et perpétuel combat, que doit soutenir ici-bas quiconque est appelé à la liberté par l'Esprit de Dieu ; un combat dont l'apôtre des Gentils décrit avec une exactitude inspirée le front et les troupes opposées : « Les désirs de la chair vont à l'en-contre de l'esprit, et ceux de l'esprit à l'encontre de la chair. Ils se font opposition l'un à l'autre, pour vous empêcher de faire ce que vous avez résolu » (Galates 5,17).

Énumérant ensuite les œuvres de la chair, en une sorte de triste inventaire de l'héritage de la faute originelle, il mentionne aussi l'impureté, à laquelle il oppose, comme fruit de l'Esprit, la modestie.

Engagez-vous généreusement et avec confiance, sans jamais vous laisser arrêter par la timidité, qui fit dire aux troupes peu nombreuses mais héroïques du grand Judas Macchabée : « Comment pourrons-nous si peu nombreux combattre contre une multitude aussi grande ? » (1 Macchabée 3,17). Que la réponse de ce grand soldat de Dieu et de la patrie vous encourage : « Vaincre une bataille ne dépend pas du nombre des soldats ; car c'est du ciel que vient la force» (ibid., 19).

C'est avec cette certitude basée sur le ciel que Nous prenons congé de vous, chers fils et filles ; et Nous élevons Nos prières suppliantes au Tout-Puissant, afin qu'il daigne prodiguer son assistance à votre Union et ses grâces à chacun de vous, à vos familles et, en particulier, aux humbles travailleurs et travailleuses de la mode.

En gage des faveurs célestes, Nous vous donnons de tout cœur Notre paternelle Bénédiction apostolique.

Référence

Pie XII, Discours au Congrès de l'Union latine de haute couture, 8 novembre 1957.

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