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dimanche 19 novembre 2017

Remobiliser la jeunesse et réenchanter la liturgie de l'Église catholique, 1912


Enfant de chœur, par Julius Scholtz, 1854
Je vais peut-être en surprendre beaucoup, mais je le dirai comme je le pense : il faut tendre à replacer les jeunes gens dans le chœur de l'église, non pas en assistants désœuvrés, mais en figurants actifs et occupés, et à reconstituer toute la hiérarchie, d'ailleurs charmante, des enfants de chœur, acolytes, thuriféraires, maîtrisiens, chantres, etc.

Eh ! oui, il faudra cela, non seulement à la campagne, mais à la ville.

Autrefois, les clergés étaient très nombreux, même dans les moindres paroisses, et ils se suffisaient à toutes les cérémonies; il existait d'ailleurs plus qu'aujourd'hui, quant à la place à occuper dans les édifices religieux, une différence considérable entre les prêtres et les laïques.

En effet, le chœur, le sanctuaire était ordinairement séparé des nefs par des grilles, par des panneaux, par des jubés cloisonnés. L'office, dans sa partie la plus solennelle, se poursuivait en dehors du peuple, lequel rentrait dans l'église même moins comme dans le temple de Dieu que comme dans sa propre maison à lui-même. On sait assez que les cathédrales, autrefois, prêtaient leurs vastes édifices à mille usages qui n'étaient point religieux.

Le sanctuaire n'en était que plus strictement réservé et n'y entraient que ceux qui étaient ou se préparaient à être reçus dans les différents ordres sacrés.

Les cathédrales, et même de plus modestes églises, abritaient alors, de façon continue, tout un peuple qui leur appartenait déjà en propre, qu'elles employaient et qui vivaient d'elles.

Elles ne faisaient guère appel, alors, à un personnel mouvant et momentané qui serait venu, à certaines heures seulement, revêtir un surplis d'emprunt pour chanter, contre bons deniers comptants, les prières et les psaumes.

De ce fait, les offices étaient sans contredit plus beaux, plus hiératiques, plus dignes, mais le peuple, en beaucoup d'endroits, y participait moins effectivement.

Cependant, il devint bientôt impossible, sauf dans les chapitres et dans les abbayes, de maintenir partout cet état de choses, et de bonne heure, sous le nom de confréries de tout vocable et de tout attribut, les laïques furent admis plus ou moins directement à participer aux cérémonies dans le chœur de l'église.

Chaque église, en effet, voulut imiter de plus ou moins près les offices de la métropole, mais elle n'avait point le personnel sacré suffisant, elle dut y suppléer, et le chœur se peupla d'enfants, de jeunes gens, d'hommes et de vieillards qui fournirent une figuration variée aux offices divins.

Il semble bien que partout, au début du moins, ces fonctions furent regardées comme des plus honorables et restèrent honorifiques. Chacun se sentait trop honoré de chanter les louanges de Dieu dans les stalles, auparavant destinées aux seuls clercs et aux moines, pour réclamer d'autres... honoraires.

Mais avec le temps, dans les villes tout au moins, le recrutement des enfants de chœur, des chantres, ne se maintint pas au même niveau. Les hauts bourgeois restèrent marguilliers, mais ils ne revêtirent plus le surplis ; la fonction de chantre paraissant désormais moins honorable par elle-même, commença d'être plus... honorée pécuniairement et, en même temps, ceux-là mêmes qui auraient dû se sentir heureux et réclamer comme un privilège de chanter au chœur, laissèrent même en certains chapitres, si l'on en croit Boileau, à des chantres gagés le soin de louer Dieu.

De plus en plus, au cours des âges, la fonction devenant mercenaire se recruta, en ville surtout, dans un milieu social moins élevé.

Il convient d'ailleurs de dire que, même en beaucoup de villes, un assez grand nombre de fonctions d'enfants de chœur, de thuriféraires et même de chantres restèrent gratuites. En tout cas, le fait se produisit et persiste encore dans la presque totalité des paroisses rurales... où il y a des chantres.

Là, les habitudes d'autrefois ont survécu ; là, l'église est encore un centre d'activité ; là, de père en fils, on se transmet le tome noté et on se succède devant l'aigle doré du lutrin ; là, toute une hiérarchie de chantres, jaloux de leurs droits, et disputant volontiers sur les préséances, remplit les stalles et assure gratuitement le service des offices.

Ces chantres-là, non seulement ne touchent aucun salaire, mais, le plus souvent, s'ils reçoivent du curé leur livre de plain-chant, doivent s'offrir leur soutane et pourvoir au blanchissage de leur surplis ; il en résulte bien des disparates fâcheux dans les costumes et des insuffisances dans la dignité de la tenue, mais il ne ferait pas bon que le curé voulût se mêler de rectifier un pli ou de modifier l'intonation traditionnelle autant qu'inharmonique d'un psaume, les chantres ne tarderaient pas à rendre leur livre avec une dignité que rien ne ferait céder.

Mais cet hommage rendu, comme il convenait, à leur désintéressement, il faut bien convenir que le recrutement des chantres, dans la plupart des paroisses, ne donne point toute garantie au point de vue artistique et même, en certaines régions, au point de vue de la sobriété. N'y a-t-il pas un dicton insolent qui dit : « Ton âne sait-y point boire, fais-en un chantre, il boira ! »

La préparation artistique fait défaut, en tout cas ; les chantres ont des traditions de musique ; ils n'ont guère de méthodes de chant, tous s'arrêteront aux passages où s'arrêtaient les anciens, coupant aussi barbarement les mots, martelant les notes, comme ils battraient du fer sur l'enclume, grinçant les mots latins les plus harmonieux.

En certaines paroisses d'ailleurs, les chantres trop nombreux n'ont même plus la ressource des aveugles se soutenant entre eux tant bien que mal, et alors quelques vieux, demeurant plus fidèles que solides au poste, c'est le massacre abominable de l'office, des cris rauques et éperdus et toute la désharmonisation de la belle liturgie catholique.

Il aurait fallu une réaction énergique contre certains abus, il aurait fallu une énergique action en propagande pour relever le niveau du recrutement.

Car il est bien certain qu'à l'heure actuelle quelqu'un qui dans la bourgeoisie croit se respecter ne voudrait jamais être chantre, ne voudrait même pas laisser ses enfants être enfants de chœur, si ce n'est peut-être en quelques chapelles privilégiées, et il faut convenir que si les gens distingués ont eu tort de déserter le chœur des églises, ils n'y sauraient guère rentrer maintenant sans se commettre avec de braves gens, certes, mais d'une éducation insuffisante.

Les événements se sont chargés, comme presque toujours, mais comme presque toujours aussi brutalement, de solutionner le problème en faisant table rase du passé. L'Église s'est vue dépouillée injustement de ses ressources ; en beaucoup d'endroits, elle a vu, du même coup, disparaître la majeure partie de ses chantres gagés, lesquels ne faisaient qu'exercer un métier dont tout le monde avait perdu le sens comme eux-mêmes.

Si, en certaines régions plus pieuses, plus traditionalistes, les chantres non payés avant la Séparation [de l’Église et de l’État, en 1905] sont restés après, parce que rien n'était changé dans leur situation matérielle, en beaucoup d'autres le chœur des églises s'est vidé, les stalles sont devenues muettes, les chants liturgiques ont cessé en majeure partie. Le curé est resté à peu près seul, dans l'impossibilité de poursuivre l'office chanté et a été obligé de se contenter de célébrer une messe basse et de supprimer processions et cortèges.

(…)

Si donc le clergé ne trouve plus de chantres tout faits, il faut qu'il en fasse lui-même, il faut qu'il en forme. Or, il n'en pourra trouver que parmi les jeunes gens et comme, parmi les jeunes gens, il ne trouvera rien qui soit même ébauché, il pourra les former comme il voudra, d'après les meilleures méthodes, et, instruit par l'expérience des abus qui peuvent se glisser dans les plus sages institutions, au point de vue artistique et à tout autre, il avisera mieux au moyen de les garder dans un sens exact de l'art et de la bonne tenue.

Les jeunes gens des patronages, nous l'avons dit, peuvent et doivent devenir les meilleurs auxiliaires des curés dans les paroisses ; (…).

(…)

Mais il faudra que l'expérience du passé serve à quelque chose. Le service de l'autel, la participation effective aux cérémonies, le chant liturgique, tout cela devra être présenté et apparaître vraiment comme un honneur qu'il faut savoir apprécier et qui se paie par lui-même, sans autre émolument. Ce n'est pas par l'appât du gain qu'il faut ramener la jeunesse à reprendre l'aube de lin des lévites.

(…)

Il faudra donc — ce ne sera que justice et bon goût — rompre résolument avec des accoutrements presque burlesques, soutanes trop courtes, d'où sortent de longs bras étirés et de longues jambes, surplis bossus, cottes mal tirées. Tout ce travestissement qui sent la misère et que l'on n'ose exhiber au soleil. Il faudra rompre aussi avec la désinvolture ou la gaucherie des attitudes, avec ces contorsions du ventre qui constituent le salut de trop d'enfants de chœur.

Il faudra rompre avec ces criailleries nasillardes ou avec ces airs d'opéra qui forment toutes les extrémités des insuffisances liturgiques de nos jours.

Il faudra harmoniser toutes choses, les attitudes, les gestes, les évolutions, les chants, la démarche.

(…)

Aujourd'hui, en beaucoup d'églises, ou c'est le chant liturgique horriblement massacré ou le remplacement du chant liturgique par je ne sais quels motets, quels airs d'opéra plus ou moins déguisés.

C'est l'Ave Maria de Gounod devenu insipide et horripilant, parce qu'il n'est pas une messe de mariage ou une cérémonie soi-disant solennelle où une demoiselle ne vienne le minauder et le miauler sans même le comprendre.

On s'ingénie, semblerait-il, à dérouter les fidèles, à donner des entorses aux chants qui s'imposent et qui s'adaptent à la cérémonie.

On oublie que l'Église a des chants pour chaque fête et qui en rappellent l'origine, le but, le sens, les applications, et on se casse la tête pour composer des programmes pseudo-artistiques où n'entrera pas un seul chant qui y serait à sa place

« Saint-Père, demandait assez naïvement un bon directeur de maîtrise à Pie X, que convient-il de chanter pendant l'office ? » Et Pie X, finement, de lui répondre : « Pendant l'office, mon fils, ce qu'il convient de chanter, c'est l'office ! »

Que de gens ont été renversés à cette révélation. Adieu donc les fantaisies, les cantiques sur des airs de chevaux de bois, les rengaines qui se sifflent aussi bien sur le trottoir que dans l'église. C'est à ne plus s'y reconnaître.

(…)

Le recrutement mérite du soin : il doit se fournir dans l'élite, parmi ceux qui comprennent et qui doivent former le noyau rayonnant de l'art et de la piété. C'est dans la mesure aussi où ce recrutement sera sérieux et même sévère qu'il pourra, au bout d'un certain temps, devenir fécond.

(…) Les chantres, les enfants de chœur n'ont pas une bonne presse : on les juge mal. Si donc on veut ramener au chœur des jeunes gens d'une éducation meilleure, si on veut faire au Christ une cour plus prochaine, qui soit moins indigne de lui, il faut composer le chœur non pas avec les épaves, mais avec la fleur de la paroisse, et on n'y parviendra qu'en tenant fortement la main à une tenue irréprochable et on n'obtiendra cette tenue que par une éducation méthodique de la jeunesse des patronages et par sa formation en vue de la fonction, sublime après tout, qu'on lui destine.

La famille elle-même sera donc intéressée au recrutement : elle tiendra de nouveau à honneur de voir ses enfants et ses jeunes gens revêtir, momentanément tout au moins, les vêtements sacrés.

» Le résultat, on le devine. L'Église deviendra plus intéressante pour tous : les offices seront mieux suivis, mieux vus et mieux compris. L'assiduité pourra être exigée plus strictement par le prêtre et elle sera consentie plus facilement par les jeunes gens : leur fonction et leur piété les appelleront
simultanément auprès du Maître.

(…)

Certes, on ne saurait voir se rénover d'un coup la face de la terre ; mais n'y a-t-il pas quelque chose à tenter sérieusement ?

L'Église et la jeunesse sont faites pour s'entendre, toutes les deux ont des aspirations généreuses, les robustes espérances, la foi en la Beauté et en l'Amour.

Mais, pour s'entendre, il faut qu'elles se fréquentent et qu'elles se rencontrent. La jeunesse a déserté l'Église, l'Église est en train de reconquérir la jeunesse ; elle va vers elle ; mais il faut que ce soit pour la ramener à elle, pour lui faire reprendre le chemin des temples trop déserts, c'est pour que, de nouveau, aux grandes fêtes, toutes les deux puissent chanter ensemble et d'accord l’Alléluia vainqueur.


Référence

Edward Montier, « Les jeunes gens et la liturgie », in La Vie au patronage, 15 juillet 1912, p. 461-465, cité par Les Questions liturgiques et paroissiales, 2e année, 1911-1912, Abbaye du Mont-César, Louvain, p. 473-481.

lundi 9 janvier 2017

L'usage de quelques vêtements liturgiques, selon M. de Corny, 1858



La chasuble sert exclusivement à la célébration de la messe, sauf les exceptions qui concernent les chapitres et les cathédrales. On ne peut pas la prendre pour les saluts ni pour porter le Saint-Sacrement, car la chape est alors positivement prescrite.

(...)

L'étole s'emploie pour l'administration des sacrements, pour les bénédictions, pour les funérailles et pour la célébration de la messe. Le prêtre s'en revêt aussi pour recevoir la Sainte-Communion.

On peut, si c'est l'usage, s'en servir en prêchant ; mais on ne peut l'employer pour chanter les vêpres ou un office, quelque solennel qu'il soit, ni lorsqu'il s'agit simplement de présider à une cérémonie, ni comme signe de la charge curiale ou marque de juridiction.

(…) Dans beaucoup de diocèses de France, un usage de ce genre autorise à se servir de l'étole pour les prédications de la messe, désignées sous le nom de prône.

Les décrets les plus formels de la Congrégation des Rites , sanctionnés tout spécialement par l'autorité pontificale, tracent ces règles, en prescrivant aux Ordinaires d'éliminer toute coutume opposée, qui ne doit être regardée que comme un abus.

L'étole, en effet, dans l'économie de la liturgie, est un insigne d'ordre, qu'on revêt dans les actes où le caractère sacré est requis, et elle n'est pas insigne de juridiction, d'office ou d'autorité. Toutes les fois qu'on l'emploie avec l'aube, elle doit être croisée sur la poitrine. 
 
(…)

La chape est destinée à rehausser l'éclat de certaines cérémonies autres que la messe. On doit l'employer pour les processions et bénédictions du Saint-Sacrement, pour les processions solennelles, pour les vêpres chantées solennellement. Dans ce dernier cas, quelques-uns des prêtres ou clercs qui assistent le célébrant s'en revêtent également.

En général, toutes les fois que le célébrant est revêtu de la chape, il doit avoir à ses côtés des assistants qui en soulèvent les bords quand il marche ou quand il agit des deux bras, ou au moins le bord de droite quand il agit du bras droit.

(…)

L'habit de chœur, dont tous les clercs doivent user à l'église, est le surplis à larges manches, par-dessus une soutane touchant les talons par derrière et non pas relevée, et la barrette.

Le rochet, qui se distingue du surplis par ses manches étroites, est le vêtement des évêques et des prélats, et les chanoines n'en usent que par privilège et concession du Saint-Siège.

Les chanoines, du reste, ne doivent porter l'habit de chœur qui leur est propre que dans la cathédrale on collégiale dont ils sont chanoines, ou bien quand ils accompagnent et assistent l'évêque, et aux autres occasions où ils agiraient capitulairement. 

Hors ces cas, ils doivent porter l'habit de chœur commun à tous les clercs.

Les insignes canoniaux ont été établis par l’Église pour relever les fonctions canoniales, et non pas pour décorer les personnes des chanoines. Tout ainsi que le prêtre se revêt de la chasuble et des autres ornements sacerdotaux pour célébrer le saint sacrifice, le chanoine, pour faire dans la cathédrale cet office public, qui est la prière solennelle de l'Église, prend la mosette ou la cappa ; mais ces actes achevés, le prêtre ne conserve point sa chasuble pour des fonctions différentes ou pour ses actions personnelles, et le membre du chapitre n'a point à prendre les insignes du canonicat pour aller prêcher, faire le curé, le catéchiste, etc. Ces principes sont fort clairs, et il n'est pas étonnant que la Congrégation des Rites ait constamment répondu en ce sens aux consultations qui lui étaient proposées. (...)

Il ne doit y avoir qu'un seul habit de chœur dans une église, et les chantres et les enfants doivent eux aussi porter le surplis et non pas l'aube ni le surplis sans manches. L'usage de la calotte, qui n'est permis aux clercs et aux prêtres qu'avec des restrictions, ne peut convenir à ces enfants ; à plus forte raison, ne peut-on, par un étrange abus, leur donner la calotte et la barrette rouge, qui constituent un insigne dans l’Église. Ils ne peuvent se couvrir la tête que d'une barrette noire. Pour la couleur de la soutane, on peut conserver l'usage des églises. À Rome même, on admet pour les élèves des séminaires, ces diverses couleurs de vêtements, permises autrefois à tous les clercs.

Aux yeux de l’Église, on fait partie ou du clergé ou du peuple. Elle tolère, il est vrai, pour suppléer au petit nombre des clercs, que plusieurs laïcs soient introduits parmi eux, et fassent quelques-unes de leurs fonctions en portant leur habit ; mais, à ce moment, elle les accepte comme s'ils appartenaient réellement au clergé et non pas comme faisant un ordre intermédiaire : on ne peut donc pas leur constituer un costume spécial. Dans les pays du nord, où souvent on usait de fourrures, le vêtement de chœur qu'on mettait par-dessus, prit le nom de superpelliceum (super pelliceas vestes) ou surpelis et ensuite surplis. En Italie, on l'appelait cotta. Ces deux dénominations ont été conservées dans la langue liturgique, la première ayant prévalu dans le missel et le rituel, la seconde dans le cérémonial des évêques. La forme s'en est aussi un peu diversifiée selon les pays. En Italie, il est très court et fort plissé, soit pour le corps, soit pour les manches. Mais partout où l'on pratique la liturgie avec intelligence et fidélité, on n'a jamais songé à le décomposer en surplis solennel et surplis vulgaire, surplis des clercs et surplis des laïcs.

Quant à la barrette, elle doit être complètement noire, ainsi que la calotte. Lorsqu'on porte, comme à Rome, la barrette à trois cornes, l'angle dépourvu de corne se place au-dessus de l'oreille gauche. La barrette complète le costume ecclésiastique de chœur ; et lors même qu'on ne doit point avoir l'occasion de la mettre sur sa tête, par exemple à cause de l'exposition du Saint-Sacrement, on doit la porter à la main.

(…) En Italie, la barrette à quatre cornes est propre aux docteurs ; mais ils ne la portent que dans les actes académiques, et un prêtre docteur ne peut s'en servir à l'église (S. R. C. in Venusina, 7 decemb. 1844).


Référence

M. de Corny, Cérémonial romain rédigé d'après les sources authentiques, 3e édition revue et corrigée, Maison Méquignon Junior, Jouby, successeur, Paris ; Comoy et Gilliet, imprimeurs, Moulins, 1858, p. 18-30

vendredi 13 juin 2014

L'évolution du rabat chez les évêques du diocèse de Vannes, 1931

Ph. du Bec (1559-1566)
Le costume, le costume ecclésiastique même, évolue, suit la mode. C'est ainsi que nos évêques contemporains s'habillent en un violet qui tire sur le rouge, tandis que leurs devanciers étaient vêtus presque de bleu. Ils portaient la calotte noire, et la ceinture pare
S. de Rosmadec (1622-1646)
ille à la soutane, alors qu'aujourd'hui ces attributs sont invariablement violets. Sous l'Ancien Régime, la croix pectorale pendait à un ruban bleu, comme la décoration du Saint-Esprit ; depuis la Révolution, elle est soutenue par une chaîne d'or ou un cordon vert ; mais sous la Restauration, on revint, pour un temps, au ruban, rouge cette fois comme celui de la Légion d'Honneur.


La plus curieuse évolution est celle du rabat.

F. d'Argouges (1687-1716)
Les premiers portraits nous montrent un col de lingerie double, replié sur le vêtement. Ce col, ou rabat, au sens étymologique, commence à prendre de plus amples proportions chez Sébastien de Rosmadec.

Avec François d'Argouges, ses pointes se développent démesurément, se rejoignent sur la poitrine ; l'ourlet qui le borde seul reste blanc, tandis que l'étamine qui en fait le fond est passée au bleu, et puis au noir.
A. Fagon (1719-1742)

Le rabat d'Antoine Fagon s'étale de plus en plus ; celui de Charles de Bertin se rétrécit, au contraire, tout en faisant toujours le tour du col, comme encore celui de M. de Pancemont, chez qui la partie rabattue se réduit à deux pattes noires et blanches.

Ch. de Bertin (1746-1774)
Une certaine hésitation se manifeste ensuite : Mgr de Bausset adopte le rabat rigide et cassé, que reprendra Mgr Garnier, alors qu'entre temps Mgr de Bruc aura porté le rabat d'étamine dit sulpicien.


A. Mayneaud de Pancemont (1802-1807)
Avec Mgr de la Motte, c'est la forme actuelle qui triomphe définitivement ; et Mgr Dubreuil y changera seulement les galons en rangs de perles.

Mgr Gouraud, lui, sacré à Rome, se prononce pour le col romain, qui n'est autre chose, soit dit en passant, que le col primitif, rabattu, mais à l'intérieur du vêtement.

C. J. de La Motte (1827-1860)
Dès lors, cette petite marque distinctive que Mazarin, dit-on,
imposa au clergé français, le rabat ; le rabat qui eut sa place dans toutes les Cours d'Europe, qui monta dans toutes les chaires ou les tribunes, celles des somptueuses cathédrales et des églises de villages, de la Sorbonne et du Collège de France, comme celles des assemblées nationales, constituantes ou parlementaires ; qui s'arrêta aux
A. Gouraud 
fauteuils des Académies et des Conseils de ministres ; qui parcourut les champs de batailles et tomba sur les barricades ; le rabat que Rome a placé sur les autels, avec Jean-Baptiste de la Salle, Louis Grignion de Montfort, Jean Marie Vianney et les martyrs de la Révolution; rabat bleu de Saint-Gabriel, rabat blanc des Écoles Chrétiennes, rabat noir du clergé séculier, simple et modeste témoin d'un glorieux passé ; — tout comme les perruques frisées, les chapeaux tricornes, les petits collets, les soutanes à queues et les souliers à boucles, — le rabat, après trois siècles de vie, — Messieurs, saluons au passage, - tend à disparaître. 


Référence

Joseph Blarez (prêtre), « Portraits des évêques de Vannes », in Bulletin de la Société polymathique du Morbihan, année 1931, Imprimerie et librairie Galles, Vannes, 1931, pp. 133-135.

Les quatre premiers portraits sont extraits de l'article lui-même et sont issus de la Bibliothèque Nationale.

dimanche 19 janvier 2014

Les couvre-chefs dans l'histoire, selon Théophile Raynaud, XVIIe siècle.


Il y a beaucoup de recherches curieuses dans le traité suivant sur le chapeau et les autres couvertures de la tête, tant sacrées que profanes. Ce n'est pas seulement par nécessité que l'on couvre la tête pour la préserver des injures de l'air, c'est aussi par décence. 
Tiare papale

Les Égyptiens et les Juifs ne couvraient ordinairement leur tête que dans le deuil, et dans l'affliction. Les Romains avaient aussi le plus souvent la tête nue, ou s'ils la couvraient, c'était avec leur robe ou avec leur manteau, et n'avaient rien qui fût fait exprès pour couvrir la tête. Les Perses au contraire avaient la tête couverte. Hérodote remarque qu'on distinguait les crânes des Perses de ceux des Égyptiens, en ce que ceux des premiers étaient minces et faciles à rompre, au lieu que ceux des Égyptiens étaient plus épais et plus durs parce que ceux-ci ne couvraient point leur tête. Pline rapporte aussi qu'avoir la tête nue affermit le crâne, Synésius dit que le crâne des têtes rasées et chauves s'affermit, au lieu que celles qui sont couvertes de cheveux sont plus délicates. Néanmoins dans le temps, et dans les lieux mêmes où l'usage était d'avoir la tête nue, plusieurs la couvraient. Les Romains et les Hébreux se couvraient la tête dans les actes de religion. Les chrétiens au contraire la découvrent pendant la prière et le sacrifice. Cet usage souffre toutefois des exceptions. Les évêques chez les Arméniens se couvrent la tête en célébrant, d'un double amict. Il y a plusieurs églises où on laisse l'amict sur la tête pendant une partie de la messe. Hildebert dans son Poème du sacrifice de la messe dit que quand on lit l'Évangile, le peuple quitte ses bâtons, se tient debout et découvre sa tête : « Plebs baculos ponit, stat, retegitque caput. » Cela semble supposer que pendant les autres prières, ils pouvaient avoir la tête couverte. 

Dans quelques endroits, c'est une marque de respect de se découvrir, et c'est ainsi qu'on se salue ; dans d'autres on a toujours la tête couverte, et l'on salue en s'inclinant, ou en mettant la main à la bouche. 

La tête est naturellement couverte de cheveux , mais outre cette couverture naturelle, il y en a plusieurs autres artificielles. 

On couvrait la tête des baptisés d'un voile on d'un bonnet blanc aussitôt après l'onction. 

Les femmes étaient toujours voilées en public dans la plupart des nations. Cet usage était plus général pour les femmes mariées ; car en plusieurs endroits, il était permis aux filles d'aller en public la face découverte. Tertullien voulait que les filles et les femmes indifféremment fussent voilées en tout temps, et dans leurs maisons comme en public. Les voiles des femmes étaient de différentes couleurs. La plus ordinaire était le rouge, d'où ils ont été appelés flammeum. On les a aussi nommés mitres, étoles, rubans. Ils ne couvraient pas seulement la tête, mais encore une partie du corps. Les femmes avaient aussi des manteaux longs et larges qui couvraient la tête. Les Grecs les appellent θερίσπος [therispos] ou πίπλος [piplos] et ils ont encore plusieurs autres noms comme maphorte, caliptre, etc. Les femmes ne coupaient point leurs cheveux ; et il y en avait qui se coiffaient par étages, comme il est remarqué dans Juvénal : « Tot premit ordinibus, tot adhuc compagibus altum ædificat caput. »Dans le concile de Gangre [vers 340 ou 355], il est défendu aux femmes de couper leurs cheveux ; et saint Jérôme déclame contre celles qui le faisaient. Cependant c'était un usage fort commun dans les monastères d'Orient de couper les cheveux des vierges qui se consacraient à Dieu. Ces vierges étaient toutes voilées, et recevoient le voile de la main de l'évêque ; ce voile est aussi appelé mitra, mitella et flammeum. Voilà pour ce qui regarde les couvertures de tête des femmes. 
Femme voilée - IIIe siècle, Settecamini ( Rome)

Quant à celles des hommes, les Romains couvraient souvent leur tête avec leur robe, ou avec leur manteau ; ils avaient aussi quelquefois des chapeaux et des bonnets, pileos et galeros qui étaient faits de peaux, ou de laine. Les Thessaliens et les Macédoniens avaient des chapeaux à bord ; les Athéniens appelaient leur couverture de tête des crobiles ; les Parthes portaient des tiares semblables aux turbans des Turcs ; les Perses des chapeaux sans bord ; les Éthiopiens des chapeaux avec un large bord ; les empereurs romains étant à l'armée ou en campagne, couvraient leurs têtes d'un chapeau à la lacédémonienne; les Grecs portaient ordinairement un simple chapeau ; mais ils avaient d'autres ornements dans les cérémonies, comme le diadème et la tiare qu'ils appelaient cidaris.  

Les magistrats, les princes et les seigneurs étaient aussi  distingués par leurs couvertures de têtes. 

Les docteurs portent à présent un bonnet, birretum ; il était d'une forme ronde en quelques endroits, il est presque partout quarré. Théophile Raynaud fait ici une digression contre ceux qui achètent ce bonnet de docteur, sans le mériter, et taxe de péché mortel ceux qui le donnent pour de l'argent à des ignorants, il traite cette question, si le bonnet doctoral est préférable au capuchon monastique. 

Il vient ensuite aux ornements dont les prêtres couvrent leurs têtes dans les fonctions sacrées ; après avoir parlé de ceux des prêtres des païens, il décrit la tiare du grand-prêtre des Juifs, et les mitres ordinaires des autres sacrificateurs, et vient enfin aux ornements qui servent de couverture de tête aux papes, aux cardinaux, aux évêques, aux prêtres et autres clercs. Le pape porte trois couronnes d'or sur une mitre. Boniface VIII. est le premier qui ait inventé cet ornement. Le pape se sert ordinairement pour couvrir sa tête de ce qu'on appelle camelocus ou cameloxis, qui est une espèce de bonnet en forme de casque. Les cardinaux ont un chapeau, et un bonnet rouge. Innocent IV est le premier qui les leur a attribués en 1244. Théophile Raynaud fait tous ses efforts pour montrer que cette couleur convient aux cardinaux. Les évêques portent la mitre, et les abbés aussi par privilège. Cette mitre fendue a quelque rapport aux chapeaux cornus des prêtres des païens. On croit que saint Célestin envoya une mitre à saint Cyrille. Les mitres étaient anciennement de toile ou de laine blanche sans aucun ornement. On les a faites depuis de toiles d'or et d'argent, et on les a ornées de pierreries. Les évêques portaient un chapeau ou un bonnet vert ou violet. Les prêtres et les autres clercs portent un bonnet quarté, et les laïques n'en devraient point porter régulièrement. 

La couverture la plus ordinaire des moines est la coule ou le capuchon qui était la couverture ordinaire des enfants ; il couvrait la tête et les épaules. On en faisait de toile, de peau et de laine ; d'abord il n'était que de la forme de la tête, on l'a ensuite allongé, et il y a eu bien des disputes parmi les Frères mineurs touchant la mesure de leur capuchon. 

On couvrait les têtes des morts d'un suaire qui enveloppait aussi tout le corps. 

Il est certain que les saints n'ont point de couverture sur leur tête : cependant les peintres les représentent avec une couronne rayonnée, comme il y en avait fur les statues des dieux et des empereurs parmi les païens. Cette couronne est une figure de leur gloire. Théophile Raynaud explique en détail toutes ces couvertures de tête  en donne des raisons mystiques, que nous n'avons pas jugé à propos de rapporter.

Note

L'auteur rapporte ce que dit le jésuite Théophile Raynaud (1584-1663) dans l'ensemble de son œuvre.

Référence

L. Ellies Dupin, Nouvelle Bibliothèque des auteurs ecclésiastiques, nouvelle édition revue, corrigée et augmentée, t. XVII, Jean Brœdelet, Utrecht (Pays-Bas), 1731, p. 72-74.

L'orthographe a été modernisée par l'auteur de ce blog.

mardi 27 novembre 2012

L'habit ecclésiastique parisien en 1844


L'habit est le vêtement extérieur, ce nom lui vient du mot latin habitus, manière de se tenir, ou de se montrer, ou d'être. 

Nous mettons une différence entre habit et costume, parce que nous croyons qu'il y en a une réelle ; mais nous prévenons que nos lois civiles ecclésiastiques confondent ensemble ces deux mots, et appellent, tantôt costume et tantôt habit, le vêtement propre, soit à l'état ecclésiastique, soit aux diverses congrégations religieuses.

Cependant les religieux n'ont qu'un seul costume, et ils ont deux habits, l'habit de chœur et l'habit de travail, ou l'habit ordinaire.

De même les ecclésiastiques n'ont qu'un seul costume, et cependant il y a à Paris trois espèces d'habit ecclésiastique :

l'habit ecclésiastique de grande et sévère tenue, qui consiste en soutane, rabat, ceinture, culottes courtes, ou pantalons et chapeau rond ou triangulaire, ou à larges ailes ; 

- l'habit ecclésiastique de tolérance, qui consiste en redingote noire, gilet, pantalon et cravate de même couleur, souliers et chapeau ordinaires ; 

- et l'habit ecclésiastique de moyenne tenue, qui consiste en soutanelle, pantalons ou culottes courtes, bas et chapeau ordinaires.

« L'habit ecclésiastique, porte l'ordonnance épiscopale du 25 octobre 1844, consiste dans la soutane, qui, hors de la paroisse, pourra être suppléée par la soutanelle ou par une redingote de couleur noire et de forme modeste. Ceux qui porteront la soutanelle ou la redingote, devront avoir tous les autres vêtements noirs, les cheveux ecclésiastiques, et le col de la chemise entièrement caché par un petit collet ou cravate noire. Il ne pourront se servir de bottes ni d'aucune chaussure qui y ressemble. »

(...) 

Référence

Dictionnaire raisonné de droit et de jurisprudence civile-ecclésiastique, tome 2, in Abbé MIGNE (éd.), Encyclopédie théologique, tome 37, Ateliers catholiques du Petit-Montrouge, Paris, 1849, p. 551

vendredi 23 novembre 2012

La calotte ecclésiastique, selon X. Barbier de Montault, 1877


I. — Autrefois, la calotte était souple et profonde ; elle n'épousait pas la forme de la tète. Depuis une centaine d'années, elle est ferme et arrondie ; elle prend juste sur la tête, ce qui la rend à la fois plus chaude et plus élégante.

Cette forme modifiée étant universellement adoptée, il n'est plus loisible d'en préférer une autre qui n'a pas sa raison d'être. En fait de costume, l’Église ne se laisse pas influencer par l'archéologie, dont les regards sont tournés vers le passé d'une manière trop persistante, comme s'il n'y avait rien ailleurs. Ainsi donc la clémentine à oreilles a fait son temps. La forme mondaine n'est pas pour cela plus acceptable et, pour plus d'un motif, le clergé devrait s'abstenir, surtout à l'église, du bonnet grec qui menace sérieusement de faire invasion et qui ne convient point à des Latins.

Les fabricants romains excellent à faire les calottes ecclésiastiques, et le chapelier du pape, qui est aussi celui du Sacré-Collège et de la prélature, montre en ce genre un talent tout particulier. 

La calotte romaine, un peu moins profonde que la française, exige des soins que nous ne donnons pas aux nôtres, qui peuvent être coupées et cousues par la première couturière venue. Il faut d'abord une poupée de bois, qui a l'aspect d'une tête. On y tend une peau d'un seul morceau, de manière qu'elle en prenne exactement le contour et ne fasse pas le moindre pli ; sur cette peau est appliquée la calotte elle-même, qui se compose de huit côtes triangulaires. En France, où l'on ne met que six côtes, la calotte bâille et on est obligé de l'ourler d'un galon au rebord inférieur, afin qu'elle serre mieux la tête. Précaution inutile. À Rome, les côtes se recouvrent mutuellement et chacune est fixée par une piqûre, laquelle se répète tout autour.

Au sommet est une petite boucle en ganse, qui sert à prendre et mettre la calotte; rien n'autorise à cet endroit une houppette de soie effilée, comme on le fait en quelques pays, par exemple, en Lombardie, Autriche. 

La peau, qui forme doublure, a l'avantage de rendre la calotte rigide. On ne s'aperçoit bien de cela qu'aux offices pontificaux, lorsque la calotte épiscopale est posée sur un plateau ; souple et à plis, elle n'y ferait pas si bonne figure. Il est évident que la question de goût a dû entrer pour quelque chose dans cette combinaison. 

Toutefois, la peau a un inconvénient : elle échauffe la tête et, par la sueur qui ne s'évapore pas, tend à faire tomber les cheveux, au moins à la partie antérieure. Quoi qu'il en soit, serait-ce bien à nous, Français, à nous plaindre, nous qui avions inventé, apparemment, pour une plus grande durée, la calotte en cuir bouilli, dont il ne reste désormais que de rares spécimens, conservés par quelques vieux chantres et curés ? 

II. — Le cuir bouilli finira par disparaître, comme aussi le bonnet de soie qui ressemble à un bas, le tricot et le velours. Le tricot est toujours grossier, même fait au petit fer, à moins qu'il ne se fasse au métier, mais alors il n'a plus assez de consistance, si on ne lui fait un rebord toujours disgracieux. 

Quant au velours, il appartient en propre au pape. Personne autre à Rome n'oserait l'usurper et l'on se rappelle l'étonnement (je dirais presque le scandale) causé par l'outrecuidauce d'un cardinal étranger qui, malgré les remontrances des maîtres de cérémonies, s'est obstiné à paraître à la cour avec une calotte de velours rouge. Que le clergé français, qui a trop tacitement adopté le velours à l'instigation sans doute des fabricants, en fasse donc désormais son deuil ! Ceux qui tiennent à cette étoffe auront du moins la consolation de la porter encore en culotte, suivant une tradition presque immémoriale qui n'a aucun inconvénient, puisque sous la soutane elle ne paraît pas. C'est ainsi que devraient toujours faire ceux qui ont encore au cœur quelque dilection pour des pratiques démodées ; qu'ils les cachent et nous respecterons l'incognito prudent. 

Les seules matières autorisées pour la calotte sont le drap et la soie. Il y a calotte d'hiver et calotte d'été ; la première, plus épaisse, à cause de la saison, se fait en drap fin ; la seconde, en soie, plus ordinairement en satin. Pour mettre à l'aise les ecclésiastiques qui ne se prêtent cas à ces minuties de détail et qui ne tiennent point à avoir une calotte de rechange, je m'empresse de leur dire qu'ils peuvent se contenter d'une seule calotte, mais alors on la prend plus volontiers en soie. Les religieux eux-mêmes en portent de la sorte, quoique, par état, ils aient renoncé à la soie, mais, à Rome, on juge que cet accessoire n'a pas, dans l'espèce, une importance suffisante et l'usage a prévalu sur la prohibition générale. 

III. — La forme et la matière étant déterminées, passons à la couleur qui varie selon le degré hiérarchique. La calotte admet cinq couleurs : blanc, rouge, violet, noir, brun. 

Le blanc est réservé au pape, mais pas d'une manière exclusive, car certains ordres religieux, comme les camaldules et les chartreux dont les vêtements sont blancs, portent des calottes de même couleur, à cette différence près que, pour eux, elle est toujours en laine.
Le pape Pie VI porte la calotte blanche

Depuis Pie VI, qui avait une belle chevelure poudrée, les papes ont constamment gardé la calotte de soie blanche, unie et sans aucun ornement. Auparavant, elle était affectée à l'octave de Pâques et aux offices pontificaux, où elle servait sous la mitre. 


La calotte usuelle était rouge, en satin l'été, en velours l'hiver et, pour cette saison seulement, garnie d'une étroite bordure de fourrure blanche. Pie IX a repris accidentellement l'usage du camauro, car tel est le nom de cette coiffure papale, dont la forme a aussi quelque chose de l'antiquité : cependant, excepté les cas de froid intense ou de maladie, cette calotte spéciale semble abandonnée. 

Les cardinaux ont la calotte rouge, comme premier insigne de leur dignité. Elle leur est remise solennellement par un garde-noble du palais apostolique. Espérons que bientôt nos enfants de chœur cesseront de s'en parer indûment. 

Pie IX a concédé, en 1867, la calotte violette aux évêques, mais combien en France l'avaient déjà prise, pour assortir au costume, sans attendre l'induit pontifical qui, seul, pouvait les dispenser du noir ! Deux défauts ont déjà modifié le type romain et je les signale pour qu'ils soient évités de ceux qui aiment la règle. Les piqûres doivent se faire en soie violette et non en soie rouge, qui ici n'est pas de mise : seulement, la doublure peut être, comme à la barrette, en rouge cramoisi, pourvu qu'il ne déborde pas à l'extérieur. Si l'on bordait d'un galon, il ne pourrait être que violet. La seconde erreur est une houppette verte, je ne sais vraiment pas sur quel principe on se fonde pour l'y implanter. La boucle terminale est simplement en ganse violette. 

 Le type de la calotte violette, lors de l'indult, a été fourni par le Vatican : on doit le respecter tel quel et ne pas l'altérer en aucune façon. Si, en dix ans, on l'a déjà ainsi substantiellement modifié, que sera-ce dans cinquante ans, où le souvenir de la concession ne sera plus connu que des seuls érudits ! 

Le reste du clergé, même la prélature à tous les degrés, n'a droit qu'à la calotte noire, unie, sans ornement d'aucune sorte, avec doublure de même couleur : cependant l'usage tolère pour les prélats de mantelletta un dessous cramoisi, et violet pour les prélats de mantellone. On peut donc sans scrupule se conformer à cette distinction qui établit des degrés dans les dignités respectives. 

Les franciscains de l'observance, qui emploient dans leurs vêtements la laine non teinte, ont parfois une calotte assortie ; cependant ils n'est pas rare de les rencontrer avec la calotte tout à fait noire, comme les autres réguliers qui ne considèrent pas en cela la cou leur de leur habit, autrement elle devrait être bleue pour les sylvestrins et brune pour les carmes. 

IV. — La calotte suppose la tonsure. Donc, à priori, elle sera systématiquement refusée à quiconque n'est pas tonsuré. Dans cette catégorie, se classent les sacristains, chantres, enfants de chœur, bedeaux, etc., en un mot, tous les laïques qui ont un emploi à l'église. J'en dirai autant des membres des confréries qui ont l'usage du sac. Leur tête restera nue ou, dans des cas déterminés, ils prendront la barrette. 
 
Cette loi est même étendue, dans toute sa sévérité, aux séminaristes, lors même qu'ils sont tonsurés et cela à cause de leur infériorité et sujétion. En Italie, on l'observe fidèlement. Un décret de la congrégation des Rites, précisant un point sur lequel on la consultait, a formellement interdit aux séminaristes le port de la calotte à la cathédrale et pendant les saints offices : on le trouvera dans la collection de Gardellini et dans mon recueil, ce qui me dispense de le citer.

X. Barbier de Montault, prélat de la Maison de Sa Sainteté.

Référence

La semaine du clergé, bibliothèque universelle du prêtre, nouvelle édition, tome X, partie II, n°43, 5e année, 15 août 1877, Société de librairie ecclésiastique et religieuse, Paris, 1899, p. 1361-1363.

Les enfants de chœur, selon X. Barbier de Montault, 1877


Dès lors que les enfants de chœur portent le costume ecclésiastique, à l'église seulement, ils doivent nécessairement en subir toutes les exigences. L’Église ne leur reconnaissant point un costume à part, ils n'ont aucun droit à agir différemment de tout le clergé. Je vais décrire minutieusement et dans toutes ses parties la tenue des enfants de chœur, telle qu'elle est réglée uniformément par le rite romain. Sur ce point en particulier, comme sur tous les autres, l'unité est très-désirable. 
 
 
 
 
I

1. Les souliers sont de couleur noire et à boucles. Pour les avoir constamment propres, il importe qu'ils ne servent qu'à l'église : on les tiendra donc au vestiaire pour les prendre au commencement de chaque fonction, après laquelle ils seront quittés. Garder les chaussures qu'on porte habituellement, c'est s'exposer presque toujours à les avoir malpropres, surtout en temps de pluie, ce qui ne convient pas à la dignité du ministère ni du sanctuaire. À plus forte raison réprouvera-t-on les sabots et les galoches, faits exclusivement pour marcher dans la boue ; or, il n'y en a pas à l'église, où ils en apporteraient infailliblement, sans parler du bruit qu'ils occasionnent. 
Le seul moyen d'avoir des souliers propres, c'est de les faire en cuir verni ou en veau d'Orléans : un coup de brosse ou de linge les remet vite en état, tandis que le cirage offre plus d'un inconvénient. 
Naturellement, la forme adoptée sera la forme usuelle : le soulier sera découvert, son talon sera bas, de manière à n'être pas retentissant sur le pavé et, pour le même motif, la semelle n'aura qu'une épaisseur moyenne. Ainsi façonné, ce soulier sera en rapport direct avec sa destination et se distinguera des chaussures vulgaires ou mondaines. 
La boucle, complément indispensable, se fera en acier poli, au cas où, par économie, ou ne pourrait l'acheter en argent. 
 
2. Les bas seront en laine noire. Je dis laine, car le coton prend mal la teinture et la soie serait un trop grand luxe. Quant aux autres couleurs, elles ne sont pas de mise. Les bas ordinaires, bleus, chinés, etc., sont bons ailleurs qu'à l'église, qui requiert plus de gravité et moins de mondanité. Ces bas spéciaux pourraient rester au vestiaire. 
 
3. La soutane se fait en drap ou en mérinos, jamais en soie. Comme à Rome, elle est tout d'une venue, sans coupure à la taille. Bien entendu, elle ne comporte pas la queue, qui est un signe de haute prélature, ni pour le même motif, des boutons, boutonnières, passepoils et parements de soie : tout cela s'assimile à l'étoffe de la soutane et se fait en laine. 
La couleur n'est pas déterminée, cependant la plus généralement admise est le rouge. Au cas où on adopterait le noir, que ce soit sans aucun de ces agréments de couleur qui n'appartiennent qu'aux prélats.
Une fois le choix fixé pour la couleur, il n'y a plus lieu de la modifier ou même d'admettre deux couleurs se succédant suivant les circonstances et les fête ; cette complication serait puérile et sans but. 
Peut-on prendre le bleu, le violet ? etc. Je n'y vois nul inconvénient au point de vue du droit. Toutefois, je ferai observer que le bleu est bien salissant et que le violet peut être considéré comme épiscopal, puisque tout le séminaire est déjà vêtu de cette livrée. Tout au plus le violet, par analogie, conviendrait-il aux enfants de chœur de la cathédrale (1). 
 
4. Cette soutane ne comporte pas de ceinture, ni noire, ni rouge, ni autrement, parce que, dans le clergé, le port de la ceinture est limité à certaines catégories d'ecclésiastiques et que les enfants ne rentrent dans aucune d'elles. 
 
5. L'enfant, pour toutes les cérémonies, y compris la messe basse, suivant la rubrique du missel, revêt le surplis ou la cotta. L'un et l'autre sont agrémentés de dentelles au corps et aux manches. La cotta, plus gracieuse, ajoute des dentelles aux épaulières et au jabot : cet ornement est de droit commun. 
Il importe d'avoir un bon modèle, pris à Rome même, comme aussi de plisser à la romaine. Ce n'est pas si difficile. M. le chanoine Pottier m'écrit que les enfants de chœur de la cathédrale de Montauban, grâce à son initiative, ont tous des cotta plissées par les lingères du pays, qui, après avoir tâtonné un peu, ont fini par bien faire. Le corps sera en toile plus ou moins fine. Le coton n'est pas interdit, mais le simple bon sens défend les mousselines, surtout quand elles sont fleuronnées : on dirait qu'on a transformé un rideau en cotta
 
6. Les cheveux seront coupés très-courts, avec les oreilles découvertes. C'est de tradition et non moins exigé par la plus stricte propreté. De la sorte, les enfants n'ont point cet aspect bourru et mal élevé que donne une chevelure longue et négligée. 
 
7. Ceux qui n'ont pas de tonsure seraient mal fondés à réclamer la calotte. Leur unique coiffure, quand ils ne sont pas en fondions, est la barrette à trois cornes, noire, semblable en tout à celle du clergé et dont ils se servent en se modelant sur lui. 
 
II 
 
Il ne suffit pas de montrer la règle. II importe encore essentiellement de combattre tout ce qui peut l'altérer. Je vais donc dire maintenant, d'après ce que j'ai vu, quels sont les fautes à éviter, fautes introduites par l'ignorance ou la fantaisie. Nos enfants de chœur ont trop sou.vent été considérés comme de vraies poupées qu'on habille à sa guise. Les religieuses et les mamans les ont bichonnés pour les faire jolis, leurs soins n'ont abouti qu'à les rendre maniérés et ridicules. Cette ordonnance capricieuse n'est point du domaine laïque ; et les marchands d'ornements seront toujours mal venus à proposer des modes nouvelles. L'Église a son type normal, dont on s'est beaucoup trop écarté, comme on va voir par cette trop longue liste d'abus. 
 
l. Les souliers rouges, usurpés en plus d'un endroit, sont personnels aux cardinaux, qui n'en usent que dans des cas déterminés, pour les plus grandes solennités. 
 
2. Les bas blancs supposent un costume blanc. Voilà pourquoi ils sont le privilège du Pape et des ordres religieux qui s'habillent en blanc, comme Chartreux, Dominicains, etc. 
 
3. L'aube a sa fonction rigoureusement fixée par la rubrique : elle se réfère au service immédiat de l'autel. Quelle différence y aurait-il alors entre le prêtre et son servant ? De plus, c'est un vêtement sacré. 
 
4. L'adoption de l'aube a amené celle de l'amict, autre linge béni dont la destination n'est pas susceptible de tant d'extension. 
 
5. Pour serrer l'aube à la taille, on a inventé le cordon rouge, mais surtout la ceinture de soie, bleue ou rouge, que le prêtre lui-même n'a pas le droit de prendre sur l'aube. La cotta oblige à supprimer ipso facto toutes ces anomalies. 
 
6. Parfois on garnit le tour du cou d'un col de velours rouge, apparemment pour faire plus beau. Vaine superfétation ! D'ailleurs le velours est un attribut papal. 
 
7. La calotte rouge doit être formellement bannie de nos églises, car elle constitue un insigne cardinalice. Mais ici tout semble matière à usurpation, tant il est vrai qu'on va loin quand on est sorti une fois de la légalité! 
 
8. Pas de gants, bien entendu, autre insigne de l'évêque officiant. Même en coton blancs, ils sont souverainement déplacés. Si les enfants ont les mains sales, qu'ils se les lavent et savonnent : toute sacristie bien organisée a son lavoir. 
 
9. Sur l'aube, on a mis bien des choses et de bien des couleurs. Je signalerai la mozette, pour laquelle il faudrait au moins un indult pontifical ; un chaperon, à capuchon et pointe triangulaire par derrière, souvenir d'un autre âge ; un collet rouge, même avec des glands d'or pour l'attacher en avant. Puisqu'on était si bien en train, comment se fait-il qu'on n'ait jamais donné aux enfants de chœur un rabat quelconque ? L'oubli est grave, car le rabat est la pièce capitale du costume français.
 
10. Pour les fonctions d'acolytes, nous trouvons encore des chapes ou même des dalmatiques de la couleur du jour. La lettre du cérémonial et l'esprit de l'Église sont loin d'autoriser de pareils écarts, qui diminuent d'autant le respect dû aux ornements sacrés. 
 
11. Enfin la barrette rouge, qui fait une fois de plus de petits cardinaux d'enfants dont le rôle est très-secondaire et d'ordre inférieur, devra disparaître et avec elle toute cette fausse pompe qui ne respecte aucun principe et toute cette vaniteuse exhibition qui ne vit que d'emprunts blâmables. La coutume ne parviendra jamais à régulariser ce qui est vicieux à l'origine même. Étudions davantage, pénétrons-nous mieux de la doctrine romaine et nous serons d'autant moins hardis à tenter de téméraires innovations.
 
X. Barbier de Montault, Prélat de la Maison de Sa Sainteté.
 
Note
 
(1) Si la soutane est échancrée en avant, selon le type romain, il sera bon d'adopter le collarino, espèce de faux-col noir, garni d'un collet de linge blanc, Mais cet appendice, qui est un perfectionnement du costume, n'étant pas toujours rigoureusement porté à Rome par les clercs, je n'ose en faire une obligation absolue pour nos enfants de chœur. En tout cas, que ce ne soit pas un prétexta pour exhiber la cravate.
 
Référence
 
La semaine du clergé, bibliothèque universelle du prêtre, nouvelle édition, tome X, partie II, n°47, 5e année, 12 septembre 1877, Société de librairie ecclésiastique et religieuse, Paris, 1899, p. 1489-1491.

L'image qui accompagne le texte est la reproduction de la partie gauche d'un tableau de Raffaello Frigerio (1875-1940),  Moine et enfant de choeur à la cave à vin.