Objections
1.
Il n'y a pas de réconciliation entre amis. Or Dieu nous a
toujours aimés : « Tu aimes tout ce qui existe et tu ne
hais rien de ce que tu as fait (Sagesse 11, 25). »
2.
La même réalité ne peut être à la fois principe et effet ; c'est
pourquoi la grâce, qui est principe de mérite n'est pas méritoire.
Or
l'amour de Dieu est le principe de la passion du Christ, comme
le montre S. Jean (3, 16) : « Dieu a tant aimé le monde qu'il
a donné son Fils unique. »
Il
ne semble donc pas que par la passion du Christ nous avons été
réconciliés avec Dieu de telle sorte qu'il ait commencé de nous
aimer à nouveau.
3.
La passion du Christ a été accomplie par les meurtriers du Christ
qui, de ce fait, ont gravement offensé Dieu.
La
passion est donc pour Dieu un motif d'indignation plus que de
réconciliation.
En
sens contraire, il y a cette parole de S. Paul (Romains 5, 10) :
« Nous avons été réconciliés avec Dieu par la mort de son
Fils. »
Réponse
La
passion du Christ est la cause de notre réconciliation avec Dieu
sous deux rapports :
1°
En tant qu'elle écarte le péché, par lequel les hommes
sont constitués ennemis de Dieu, selon le livre de la Sagesse (14,
9) : « Dieu déteste également l'impie et son impiété »,
et selon le Psaume (5, 7) : « Tu hais tous les malfaisants. »
2°
En tant qu'elle est un sacrifice souverainement agréable à
Dieu.
Car l'effet propre du sacrifice, c'est de nous rendre Dieu favorable. Ainsi un homme pardonne une offense commise contre lui, à cause d'un service agréable qu'on lui rend.
Car l'effet propre du sacrifice, c'est de nous rendre Dieu favorable. Ainsi un homme pardonne une offense commise contre lui, à cause d'un service agréable qu'on lui rend.
Aussi
est-il écrit (1 Samuel 26, 19) : « Si c'est le Seigneur qui
t'excite contre moi, qu'il soit apaisé par l'odeur d'un sacrifice. »
Et
pareillement, que le Christ ait souffert volontairement, ce
fut un si grand bien que Dieu, à cause de ce si grand bien
trouvé dans la nature humaine, s'est apaisé au sujet de toute
offense du genre humain, pour tous ceux qui s'unissent de la manière
qu'on a indiquée au Christ qui a souffert.
Solutions
1.
Dieu aime dans tous les hommes la nature que lui-même a faite. Mais
il les hait quant à la faute commise contre lui, selon
l'Ecclésiastique (12, 6) : « Le Très-Haut a les pécheurs en
haine. »
2.
On ne dit pas que le Christ nous a réconciliés avec Dieu en ce
sens qu'il aurait commencé de nous aimer à nouveau, puisqu'il est
écrit dans Jérémie (31, 3) : « Je t'ai aimé d'un amour
éternel. »
C'est
parce que la passion du Christ a supprimé toute cause de haine,
aussi bien en enlevant le péché qu'en le compensant par
un bien plus agréable.
3.
Si les meurtriers du Christ étaient des hommes, de même le Christ
mis à mort.
Or
la charité du Christ souffrant a été plus grande que l'iniquité
des meurtriers.
Et
c'est pourquoi la passion du Christ a été plus puissante pour
réconcilier Dieu avec tout le genre humain que pour provoquer sa
colère.
Référence
S. Thomas d'Aquin, Somme théologique, 3e partie, question 49, article 4.