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dimanche 25 novembre 2018

Le Cœur Immaculé de la Vierge Marie, selon l'abbé Boiteux, 1876


Pour mieux faire connaître quelle est la nature de cette dévotion, rappelons que le mot cœur peut être pris en diverses acceptions.

Il désigne d'abord le cœur naturel et physique, qui est le principal membre du corps très saint de Marie, placé au milieu de sa chaste poitrine, et percé d’un glaive. Il reçoit le sang des veines en se dilatant, et le chasse dans les artères en se comprimant. C’est pourquoi il est regardé comme la source et le principe de la vie.

Il désigne, en second lieu, par métaphore, ce qu’il y a de plus excellent dans l’âme de cette bienheureuse Vierge, et qui paraît être le siège de l’esprit, de l’amour, de la force, de la joie, de la douleur et des autres affections, comme le cœur matériel semble être celui de la vie corporelle.

En troisième lieu, le cœur de Marie peut être pris, nous dit le Père [Jean] Eudes (1), pour son Amour même, et l’Objet de ses délices, c’est-à-dire pour son divin Fils, Notre-Seigneur, selon ces paroles : « Je dors, et mon Cœur veille ».

Ces différents aspects du Cœur de Marie forment l'objet adéquat de notre dévotion. Nous ne les séparons point dans notre pensée ; mais ils y sont étroitement unis, comme le sont la matière et la forme de toute substance complète. (…) C'est un Cœur vivant que nous vénérons, uni à une âme pleine de grâce ; un Cœur jouissant de tous les biens spirituels dont il fut enrichi pendant sa vie, et resplendissant de toutes les vertus qui firent sa parure.

Le cœur, dit à son tour le Père [Giovanni Pietro] Pinamonti [(2), peut être considéré sous deux rapports : l’un propre, et l'autre figuré. Le nom de cœur, pris en ce dernier sens, désigne le plus souvent la volonté, dans la sainte Écriture. C’est pourquoi, dans le culte du saint Cœur de Marie, le cœur est pris tantôt pour la volonté, tantôt pour l’état intérieur de la bienheureuse Vierge

Mais, comme dans l’exercice de la dévotion, si spirituelle qu’elle soit, nous avons besoin de quelque chose de matériel et de sensible, afin de mieux fixer notre attention, et exciter notre amour (3), la dévotion au saint Cœur de Marie est prise également dans le sens propre, c’est-à-dire qu’elle a aussi pour objet cette partie du corps de la sainte Vierge, qui est le principe de sa vie matérielle.

Ces deux points de vue sont d’autant plus inséparables en notre pensée, qu'ils ont entre eux la relation la plus étroite. Le cœur est le symbole de l’amour, et c’est l’amour de Marie pour Dieu et les hommes que nous honorons sous le symbole de son Cœur. Ce symbole n’est point seulement de nom (in voce) ni une figure, ou une métaphore basée sur une simple convenance de la chose avec la pensée à exprimer ; mais un symbole réel (in re) ayant son fondement dans la nature même de l’objet.

C’est pourquoi, quoiqu’il soit vrai de dire que, dès que la forme symbolique est considérée dans le Cœur de Marie, on fasse abstraction de ce qu’il a de corporel, pour se porter vers ce qu'il a de spirituel, on ne saurait néanmoins l'exclure entièrement, et ne pas l’avoir en dévotion. L’objet direct et premier de notre culte sera toujours ce Cœur virginal formé de chair et de sang ; l’objet indirect et dernier, l’amour dont il est le symbole, et les traits de divine gloire dont le Cœur de son Cœur, qui est Jésus, l’a revêtu.

(…) [I]l y eut toujours, entre Jésus et Marie, une relation si intime, une conformité si grande, que l’on ne peut penser à lui sans que l’image de celle dont il est né ne vienne aussi nous réjouir, et comme achever le tableau. C'est pourquoi la dévotion envers le Cœur de cette divine Mère devait naître naturellement de celle que l'on avait pour celui de Jésus ; elle devait grandir dans les mêmes temps, les mêmes circonstances, et se montrer enfin dans toute sa beauté au milieu des mêmes épreuves. de l’Église , et des besoins des fidèles.

Si nous jetons les yeux sur cette Vierge incomparable, dit le Père [Joseph de] Gallifet (4), nous la verrons, dès le commencement des siècles, prédestinée et choisie avec son divin Fils, de préférence à toute créature. Elle fut comme lui la cause finale, au moins secondaire, de toute la création, ainsi que l’indiquent divers passages de la Sagesse (5), qui sont appliqués à Marie tant par l'Église que par les saints Pères. Plus tard, elle fut figurée, de concert avec le Rédempteur des hommes, dans les promesses faites par Dieu aux patriarches, dans les symboles et les images de l’ancienne loi.

Mais jamais cette union ne fut plus frappante, ni plus belle, que dans la nouvelle loi. L’évangéliste, en racontant les principales circonstances de la vie de Jésus, ne sait point le séparer de Marie (6). Ce divin Sauveur ne veut se manifester aux gentils qu'en compagnie de sa Mère (7), et Il partage avec elle les tristes prédictions du saint vieillard Siméon (8). Il passa le temps de son enfance ou collé à ses mamelles, ou enchaîné dans ses bras. Plus tard, Il vécut sous le même toit, mangea à la même table, usa des mêmes biens, et jouit de la même fortune. Saint Jean, en parlant des noces de Cana, cette scène si touchante de la vie de Jésus, n’a pas oublié de nous dire que Marie était là (9). Elle était là, aussi, quand son divin Fils mourait sur le Calvaire (10), coopérant à la rédemption par son consentement, comme elle avait concouru à l’incarnation en donnant sa volonté (11). Si le Prophète, en nous racontant la gloire de Jésus, nous dit qu’il a placé sa tente dans le soleil ; saint Jean, pour chanter celle de Marie, nous la montre ayant le soleil pour vêtement, et les étoiles pour couronne (12).

Marie est associée, en quelque sorte, à la présence réelle de Jésus dans le tabernacle. Le premier blasphème contre la vérité du sacrement de l’autel consistait à nier que le corps eucharistique du Seigneur fût le corps né de Marie. En réponse à cette négation, notre acte de foi se formule toujours en ces termes: « Je vous salue, corps véritable, né de la Vierge Marie (13) ». Aussi n’y a-t-il pas un seul temple catholique où, à côté du tabernacle de pierre ou de bois, qui contient le corps de Jésus, vous n’aperceviez l'image de celle qui en fut le tabernacle vivant (14).

Ces rapports de conformité et de ressemblance entre Jésus et Marie deviennent de plus en plus sensibles, si nous les considérons dans leurs vertus, leurs perfections, leurs qualités, leurs privilèges, leur puissance et leur gloire.

Si Jésus fut par ses vertus et l'onction de la grâce le plus beau des enfants des hommes, Marie surpassa toutes les filles d’Israël (15). S’il est notre roi, Marie est notre reine ; s’il est Notre-Seigneur, elle est Notre-Dame ; s’il est notre avocat et notre médiateur auprès de Dieu, elle est notre avocate et notre médiatrice ; s’il est notre père, elle est notre mère ; s’il est notre vie, notre espérance et notre refuge, elle est tout cela aussi.

Les prérogatives de Marie sont aussi en conformité avec celles de Jésus. Jésus est impeccable par nature, Marie l'est par grâce. Jésus est exempt du péché tant originel qu’actuel, Marie jouit du même privilège. Jésus est l'auteur de la grâce, Marie en est la source. Jésus est le père de la miséricorde, Marie en est la mère. Jésus est vierge, Marie l'est aussi. Jésus demeure incorruptible dans le tombeau, Marie jouit de la même prérogative. Jésus ressuscite après trois jours, Marie aussi. Jésus monte au Ciel en corps et en âme, Marie dans son Assomption imite son divin Fils. Jésus est assis à la droite du Père, Marie, à la droite de son Fils. Le Père partage son empire et sa gloire avec son Fils, Jésus les partage avec sa Mère.

Si, maintenant, nous considérons les honneurs que l’Église rend à Jésus, nous lui en verrons rendre de semblables à Marie. Il n’est aucun lieu où le nom de Jésus soit béni, que celui de Marie né le soit aussi; il n'est aucune nation où Jésus soit reconnu pour Fils de Dieu, qui ne reconnaisse Marie pour Mère de Dieu. Il n’est aucun temple élevé à Jésus, qui n'ait quelque souvenir en l'honneur de Marie. Aucun saint n'a aimé Jésus d’un amour particulier, sans qu'il ait ressenti une même affection pour Marie. Si l’Église a des solennités pour honorer les mystères de Jésus depuis son Incarnation jusqu'à son Ascension, elle en a pour honorer ceux de la vie de Marie depuis sa Conception jusqu'à son Assomption. En un mot, il ne s'établit pas une fête en l'honneur de Jésus, qu’il n'en naisse une semblable en l'honneur de Marie. C’est pourquoi nous avons dit, avec raison, que la dévotion au sacré Cœur de Jésus devait faire naître celle au saint Cœur de Marie.

En effet, le culte du saint Cœur de Marie s’est propagé, comme celui du divin Cœur de Jésus, dans l’univers entier. Ce qu'il y a d’admirable, dit encore le P. Gallifet (16), c'est que Jésus a si bien disposé toute chose, que le premier sanctuaire élevé à la gloire de son Cœur fut aussi dédié à celui de sa Mère, afin qu'au même moment on commençât à honorer ces deux Cœurs comme étant indivisibles. Ce fut le grand séminaire de Coutances qui eut la gloire de posséder ce sanctuaire. On en fit la dédicace pendant huit jours, et on y établit la confrérie des sacrés Cœurs de Jésus et de Marie, que Clément X enrichit d’indulgences (4 octobre 1674).

Est-il maintenant nécessaire de nous arrêter à discourir sur l’utilité de cette dévotion ? N'est-elle pas évidente par elle-même? La nature de son objet n'en publie-telle pas toute l’excellence, et la grandeur de nos misères ne nous presse-t-elle pas de recourir à cette source de grâce et de miséricorde ?

N’avons-nous pas besoin — disait un des deux consulteurs de la sacrée Congrégation des Rites dans ses comices du 22 juillet 1855 — d’un médiateur auprès de notre médiateur, Jésus ; et en est-il un plus apte et plus puissant que Marie, pour nous ouvrir l'accès à Dieu le Père ? Si le Fils de Dieu montre pour nous à son Père son côté ouvert, et les blessures de ses mains et de ses pied, Marie montre à son Fils le sein qui l'a nourri. La fête du très-aimable et très-aimant Cœur de notre Mère nous protégera ainsi auprès de Dieu, et nous rendra à la confiance. Elle est la Reine assise à sa droite en vêtements d’or, tissus de diverses couleurs ; il n’y a rien qu’elle ne puisse obtenir. Elle est la gardienne de l’Église, et notre ferme espérance. On peut lui appliquer les paroles de la sainte Écriture : « En moi est toute la grâce de la voie et de la vérité;en moi est toute l'espérance de la vie et de la vertu (17) ».
(...)
Ne pratiquons-nous pas chaque jour — s’écrie Mgr Guibert (18) — un culte de cette sorte dans les relations purement humaines ? Ce que nous honorons le plus dans l'homme, c'est le cœur qui bat dans sa poitrine, parce qu’il est la source de toutes les grandes pensées, de tous les nobles et généreux sentiments. Quand ce cœur a été glacé par la mort, nous nous efforçons de prolonger sa vie dans nos souvenirs. Notre piété se plaît à renfermer dans des vases précieux la relique inanimée, et nous l’entourons encore de notre vénération et de notre respect. Ce culte naturel observé chez tous les peuples est parfaitement légitime, et conforme à la raison, parce qu'en effet le cœur c'est tout l'homme, et c’est par le cœur que l'homme mérite l'admiration et l’amour des autres hommes.

Et l’on condamnerait les hommages rendus au Cœur vivant et immaculé de Marie ! Et l'on s'étonnerait que cette dévotion recherchât dans la personne de cette auguste Vierge ce qu’il y a de plus intime et de plus touchant, c'est-à-dire le cœur, ce foyer de son amour, de son dévouement et de son abnégation ? Quelle source plus grande d’enseignements, quel centre plus éclatant de lumière, quel brasier d'amour plus réconfortant ?


Notes

(1) S. Jean Eudes, Le Cœur admirable de la très-sacrée Mère de Dieu ou La dévotion au très-saint Cœur de la Bienheureuse Vierge Marie, Jean Poisson, Caen, 1681, livre 1, chapitre 5, section 1 : « C'est honorer le très grand amour et la charité très ardente de cette mère de belle dilection, au regard de Dieu et au regard des hommes ; et tous les effets qu'un tel amour et une telle charité ont produits, en ses pensées, paroles, prières, actions, souffrances, et en l'exercice de toutes sortes de vertus. C'est rendre honneur au cœur corporel, au cœur spirituel et au cœur divin de Jésus, qui sont aussi les cœurs, ou plutôt le cœur de Marie. C'est rendre gloire à ce même Jésus, qui est le cœur de son père éternel, et qui a voulu être le cœur de sa divine mère. », p. 47.

(2) Sanctissimum Cor Mariae, sive Summa Mariae sanctitas per septem selectissimas considerationes et pulcherrimas Sanctorum praxes a P. Joanne Petro Pinamonti a Societate Jesu Mariophlis proposita, Joseph Schögel, Nice, 1733, p. 4.) : At quid putas tu, quid per ‘cor’ intellegam ? Per verbum ‘cor’ saepius in sacris Litteris voluntas designatur, et aliquando etiam totus internus animae status, si vocabulum istud in sensu morali accipiatur. In quo sensu et nos hic verbum istud frequenter adhibemus, jam pro voluntate videlicet, jam pro interno sanctissimae Virginis statu.” (« Et que penses-tu que je comprenne par “cœur” ? Par le mot “cœur”, dans les Écritures saintes, on désigne souvent la volonté, et quelquefois également tout l’état intérieur de l’âme, si ce nom est pris au sens moral. C’est en ce sens que nous employons fréquemment ce mot, tantôt naturellement pour désigner la volonté, tantôt pour désigner l’état intérieur de la très-sainte Vierge »)

(3) S. Thomas d’Aquin] Somme théologique, IIa IIae, q. 82, art. 3 : “Sed ex debilitate mentis humanae est quod sicut indiget manu duci ad cognitionem divinorum, ita ad dilectionem, per aliqua sensibilia nobis nota.(« Mais la faiblesse de l'esprit humain est telle que, de même qu'il a besoin d'être conduit par la main jusqu'à la connaissance des choses divines, il a besoin d’être conduit à l’amour par le moyen de choses sensibles que nous connaissons. »)

(4) Père Joseph de Gallifet, L'Excellence de la dévotion au Cœur adorable de Jésus-Christ, Henri Declaustre, Lyon, 1743, p. 230-231.

(5) “[Ex ore Altissimi] [p]rodivi primogenita ante omnem creaturam” (« C’est moi qui, de la bouche du Très-Haut, suis sortie engendrée la première avant toute créature » ; Ecclésiastique 24, 5). “Ab aeterno ordinata sum (« Dès l'éternité j'ai été établie » ; Proverbes 8, 23a) (...) Quando praeparabat cœlos, aderam (« Quand il préparait les cieux, j'étais présente ; Proverbes 8, 27a) (…). Cum eo eram cuncta componens” (« J'étais avec lui, disposant toutes choses » ; Proverbes 8, 30a).

(6) “[…] Maria de qua natus est Jesus, [...]” (« (…) Marie, de laquelle est né Jésus (…) Matthieu 1, 16).

(7) “Et intrantes domum invenerunt puerum cum Maria matre ejus” (« Et, entrant dans la maison, ils trouvèrent l'enfant avec Marie, sa mère » ; Matthieu 2, 1l).

(8) “Ilic positus est […] in signum cui contradicetur, et tuam ipsius animam pertransibit gladius” (« Celui-ci a été établi (…) en signe que l'on contredira, et un glaive traversera votre âme » ; Luc 2 34b-35a).

(9) Et erat mater Jesus ibi (« et la mère de Jésus y était. » ; Jean 2, 1b).

(10) “Stabat […] juxta crucem [...]” (« (…) étaient debout près de la croix (…) ;Jean 19, 25).

(11) “Ne timeas Maria [...] paries Filium, et vocabis nomen ejus Jesum” (« Ne craignez point, Marie (…) vous enfanterez un fils à qui vous donnerez le nom de Jésus. » ; Luc 30a.31b).

(12) “Amicta sole, et in capite ejus corona stellarum” (« (…) revêtue du soleil, ayant la lune sous ses pieds, et sur sa tête une couronne de douze étoiles. » ; Apocalypse 12, 1b).

(13) Ave verum corpus natum de Maria virgine [hymne récitée ou chantée lors d’un salut au Saint-Sacrement de l’Eucharistie].

(14) Mgr Louis-Édouard Pie (évêque de de Poitiers), Homélie pour le couronnement de Notre-Dame d’Issoudun, 8 septembre 1869 in R. P. Mercier, s. j., La Vierge Marie selon le cardinal Pie, Librairie H. Oudin, Poitiers et Paris, 1889, p. 302.

(15) “(…) Ecce tu pulchra es amica mea […]. Ecce tu pulcher es dilecte mi [...].” (« Vois que tu es belle, mon amie (...). Vois que tu es beau, mon bien-aimé (…). » ; Cantique des Cantiques 1, 14-15).

(16) P. Joseph de Gallifet, op. cit., p. 249. Cf. également Jacqueline Davoust, « La chapelle de Coutance », http://cgh.coutances.pagesperso-orange.fr/images_public/Chapellelycee.pdf, 27 mars 2006 : « C’est à Marie des Vallées, la “sainte de Coutances” que revint l’honneur de poser la première pierre de cette chapelle dédiée aux Saints Cœurs de Jésus et Marie, le 3 juillet 1652. Pour construire la chapelle, les dons affluèrent, on eut le droit de prendre le bois en forêt de Bricquebec, Marie des Vallées y consacra son petit patrimoine... Il est dit que pendant la construction, la protection divine se manifesta de façon miraculeuse comme cet ouvrier tombé d’un très haut mur et qui s’en releva sans la moindre blessure... Les travaux durèrent trois ans. La forte déclivité du terrain nécessita la construction d’une crypte (avec de magnifiques piliers maçonnés) sous le chœur et une partie de la nef. La belle voûte en bois fut ornée en trois endroits du sceau des Eudistes (cœur surmonté d’un croix, entouré d’une rose et d’un lys). Le 4 septembre 1655, on célébra la première messe. Ce jour-là, Marie des Vallées fut encore à l’honneur. (…) Coutances eut ainsi l’honneur de posséder la première chapelle au monde dédiée aux Saints Cœurs de Jésus et Marie. »

(17) P. Nicolaus Nilles, (…) De rationibus festorum sacratissimi cordis Jesu et purissimi cordis Mariae e fontibus juris canonici erutis, tome I, livre 2 : De festo Purissimi Cordis Beatae Mariae Virginis, Libraria Academica Wagneriana, Innsbrück, 1873, p. 446-447 : [En fait, il s’agit d’une citation de S. Bernard] : “Accedit et alia consideratio ex s. Bernardo deprompta. Nobis, inquit S. Doctor, opus est mediatore apud mediatorem, Christum videlicet ; neque ullus aptior magisque efficax quam Maria ; quo fit, ut securum habeamus accessum ad Deum Patrem, cui Filius latus et, vulnera, Mater Filio pectus et ubera pro nobis exhibet et ostendit. Festum amabilissimi et amantissimi Cordis Matris Nostrae id efficiet, ut spem certissimam in ea repositam habentes ejus apud Deum patrocinia experiamur. Ipsa est Regina adstans , a dextris Dei in vestitu deaurato et circumamicta, varietate; nihil omnino est, quod ab eo impetrare non valeat ; ipsa est tam praesens catholicae Ecclesiae tutela et spes fidissima, omnium nostrum. Ipsi accommodantur verba scripturae : ‘In me gratia omnis viae et veritatis ; in me omnis spes vitae et virtutis’ (Eccli. 24, 25). »

(18) Mgr Joseph-Hippolyte Guibert, « Mandement touchant le projet de construction à Montmartre d’une église votive au Sacré-Cœur de Jésus », 15 août 1873, in Annales catholiques : revue religieuse hebdomadaire de la France et de l'Église, 4 septembre 1873, p. 429 ou in L’Univers, n°2255, 31 août 1873, p. 1.

Référence

Abbé Boiteux, Le Cœur Immaculé de Marie, Bloud et Barral, Paris, 1876, p. 6-16.

Les notes ont été remaniées par l'auteur de ce blogue.

samedi 10 novembre 2018

Le monastère Notre-Dame de Charité du Refuge, de Besançon (Doubs) et la Garde d'honneur du Cœur Immaculé de Marie




Statue du Cœur Immaculé de Marie.
Garde d'honneur.
Œuvre de Henri-Paul Rey (1904-1981)
Ex-monastère de Notre-Dame de Charité du Refuge, 
actuel théâtre Bacchus (!) (Besançon, dans le Doubs)

C'est en 1875, sur les plans de l'architecte bisontin Louis Lavie (1841-1886), que fut construite la chapelle du monastère de Notre-Dame de Charité du Refuge, bénie solennellement par Mgr Paulinier, archevêque de Besançon, le 9 juillet 1877. Un peu plus tard fut créé le beau cloître réservé aux religieuses de l'Ordre de Notre-Dame de Charité du Refuge. Cet ordre, initié à Caen en 1641 par S. Jean Eudes, fut reconnu en 1651 par l'évêque de Bayeux, Mgr Molé, dont le jugement fut confirmé définitivement, par une bulle pontificale en 1666. Son but était de recueillir d'anciennes libertines et prostituées repenties, désirant revenir aux bonnes mœurs et dont la nouvelle moralité aurait couru des dangers dans le monde.

L'établissement de Besançon datait du 22 juillet 1839 et fut fondé sur l'initiative de l'archevêque de Besançon, le cardinal Matthieu, qui y accueillit les religieuses du Refuge de Versailles qui cherchaient à essaimer. Cette institution occupait, dans la rue de la Vieille-Monnaie, au numéro 12, un ancien hôtel particulier, acquis par Mgr Matthieu lui-même, immeuble remarquable par les grilles de fer forgé qui en garnissaient les fenêtres. L'établissement se développa au point de comprendre, finalement, les immeubles du 4 au 14 de la rue. En 1939, lors du centenaire de la fondation du Refuge de Besançon, l'Académie française lui accorda un prix de vertu, renouvelé en 1940. Finalement, après la fermeture de l'établissement bisontin, l'ensemble immobilier dit « du Refuge » fut racheté en 1995 par la commune de Besançon.

La Garde d’honneur du Cœur immaculé de Marie, dont le secrétariat était situé dans ce Refuge bisontin, était « une association, qui a[vait] pour fin d'accroître chez les fidèles la dévotion au Cœur immaculé de Marie, par le moyen d'une heure quotidienne passée en esprit dans sa compagnie, sans que cela nuise aux occupations auxquelles cette heure est normalement consacrée. Il s'agi[ssai]t, en quelque sorte, d'une heure de garde auprès de la Vierge. Et c' [était] bien la raison pour laquelle les membres de cette association (autrefois, « archiconfrérie » mais le vocable a disparu du code de droit canon de 1983), [étaient] désignés sous le nom de “gardes d’honneur”. »

« À l'âge de 17 ans, Félicie Larcher (1868-1945) rejoignait une de ses sœurs moniale de N[otre] D[ame] de Charité au Refuge de Besançon. C'était une jeune fille qui avait fait des études et qui lisait couramment le latin. Elle avait, de plus, hérité de son père, miraculé de La Salette, une grande dévotion à Marie, qui ne put que s'épanouir dans le milieu eudiste où elle fit profession le 8 avril 1886, sous le nom de S[œu]r Marie de S[ain]te Thérèse. Tout en se livrant aux tâches de sa vocation d'éducatrice de jeunes en difficulté, elle produisit quelques écrits spirituels en vue d'aider ses sœurs à la prière, dans l'esprit du Père [Saint Jean] Eudes. Ils furent jugés dignes d'être publiés. L'un d'eux, L'esclavage d'amour du Cœur immaculé de Marie, fut remarqué par le Père J. Dauphin (1841-1912), eudiste. Il y avait reconnu l'idée d'une association en l'honneur du Cœur de Marie, qu'il avait conçue et n'avait pas eu le moyen de réaliser lui-même. Il proposait donc à la sœur de la mettre en œuvre. Cela eut lieu le 16 sept[embre] 1912. Le lendemain, le Père mourait, avant d'apprendre cette fondation. Un an après, il y avait déjà 3 400 associés. Comme l'avait signalé le P. Dauphin, l'approbation de l'archevêque était indispensable. Elle fut obtenue, le 21 nov[embre] 1913, pour les statuts. La “Garde d’honneur du Cœur de Marie” était érigée le 22 déc[embre] 1913 en confrérie et instituée dans la chapelle du Refuge de Besançon le 8 février 1914. »

« Cette association avait une parenté de forme avec la “Garde d’honneur du Sacré Cœur de Jésus”, fondée en 1863 par une moniale (bisontine elle aussi) de la Visitation de Bourg, au diocèse de Belley [dans l’Ain]. La nouvelle confrérie eut un essor rapide. Elle comptait déjà 12 000 inscrits, en 1916. Les apparitions de Fatima, en 1917, furent, pour elle, comme une confirmation. Puis, les Papes lui ont témoigné une faveur exceptionnelle. Benoît XV l'érigeait en archiconfrérie [le 22 mars 1919], l'autorisant à agréger d'autres confréries, fondées avec une fin et un nom identiques, en France, et à l'étranger. Cela a permis la fondation du centre du Canada, à Pierrefonds, en 1927, et de la Pologne, à Jaslo, en 1937. Pie XI étendait encore cette faculté, et accordait à l'archiconfrérie des faveurs spirituelles précieuses. Pie XII qui, comme ses prédécesseurs, s'inscrivit à la confrérie, apporta à Sœur Marie de S[ain]te Thérèse la joie de voir ses deux désirs réalisés, avant de mourir : la consécration du monde au Cœur de Marie [le 31 octobre 1942, dans un message radiodiffusé, et le 8 décembre 1942, dans la basilique Saint-Pierre à Rome], avec l'extension de la fête de ce Cœur immaculé à l'Église universelle [le 4 mai 1944]. »

« La fin de l'archiconfrérie [était] de former un groupe de fidèles contemplant le Cœur de Marie, lui offrant louange, gloire, actions de grâces, amour, se donnant à lui pour communier à ses sentiments, ses vertus, ses états et mystères et à sa vie même. Cela, en lui consacrant une heure quotidienne de jour ou de nuit passée à remplir les tâches ordinaires avec le plus d'amour et de perfection possible aux intentions citées. Pour faire partie de ce groupe, il suffi[sai]t de s'inscrire au centre de l’œuvre à Besançon ou dans un des centres particuliers affiliés à l'archiconfrérie. L'inscription comport[ait] une consécration d'enrôlement à prononcer et à signer. Aucune rétribution n'[était] demandée, sauf le prix des imprimés éventuellement fournis. Là où la chose [était] faisable, les associés se réuniss[ai]ent le premier samedi du mois pour honorer le Cœur de Marie. Enfin, il exist[ait] une revue de 32 pages paraissant quatre fois par an, intitulée Dans le sillage de Marie, sorte de lien entre les associés, leur donnant informations et thèmes de réflexion, de valeur, et très appréciés. »

La revue Dans le sillage de Marie fut précédée dans le temps, avant octobre 1968, par l'Écho de la Garde d'Honneur du Cœur Immaculé de Marie, fondée à Besançon en 1919, dont le secrétariat se trouvait également au 10 rue de la Vieille-Monnaie, et dont le vœu était le suivant : 

« Oh ! qu'elle règne enfin et partout triomphante !
Conquis par son doux Cœur, que le monde, à genoux,
De l'aurore au couchant, la célèbre et la chante,
Et, par elle, ô Jésus, se donne tout à vous ! »

Bibliographie :  

- Auguste Castan, Besançon et ses environs, Imprimerie Jacques et Demontrond, Besançon, 1936, p. 140.
- R. P. Dugnaud, s. j., « Le saint Cœur de Marie », in Action Catholique, Mémoires et rapports du Congrès Marial, Bruxelles, 8-11 septembre 1921, second vol., Vromant et C°, Bruxelles, 1922, p. 562.  
- G. Geenen, « Les Antécédents doctrinaux et historiques de la Consécration du Monde au Cœur Immaculé de Marie », in R. P. Hubert du Manoir (dir.), Maria. Études sur la Sainte Vierge, tome I, Beauchesne et Fils, Paris, 1949, p. 829.
- Sœur Marie de Sainte-Thérèse Larcher, Esclavage d'amour du Cœur Immaculé de Marie, 3e édition, Imprimerie de l'Est, Besançon, 1934, p. 229.
- Antoine Monnot (chanoine), Le vieux Besançon religieux, Imprimerie de l'Est, Besançon, 1956, p. 165.
- « La Garde d'honneur du Cœur Immaculé de Marie  », Cahiers eudistes, n°12, 1989, p. 109.
- « Office Public d’HLM du Doubs - Habitat 25 - Programme d’aménagement de 45 logements et 45 places de stationnement 10, rue de la Vieille Monnaie à Besançon », in Bulletin officiel de la commune de Besançon, 6 avril 1998, p. 389.