Pompeo Batoni, Le Sacré-Coeur de Jésus, église du Gesù, Rome |
(…) IX. De l’ineffable et toute
divine excellence du Sacré-Cœur de Jésus
Le
monde est composé de deux espèces de créatures : les esprits et
les corps. En dehors de Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit, Créateur
de l'univers, il n'existe rien que le monde des esprits et le monde
des corps.
Or,
le monde des esprits est créé de Dieu selon un type, un modèle
parfait, qui en est comme le centre ; et ce type, cet exemplaire,
c'est la très sainte âme que le Fils éternel de Dieu a daigné
s'unir, quand il s'est fait homme, au milieu des temps. C'est à
l'image et à la ressemblance de cette âme sacrée que le bon Dieu,
pour qui tout est présent, a créé dès l'origine tous les Anges,
ainsi que les âmes de nos premiers parents. C'est à l'image et
ressemblance de l'âme de son Fils qu'il a créé et qu'il continue
de créer toutes nos âmes.
Il
en est de même pour le monde des corps, pour le monde de la matière
: le corps adorable que le Fils de Dieu devait prendre un jour dans
le sein de la Vierge a été le type, le modèle sur lequel le bon
Dieu a créé, d'abord le monde, puis l'homme, roi du monde. Oui, le
corps d'Adam a été fait, au paradis terrestre, sur le modèle du
corps très parfait que le Fils de Dieu devait unir un jour à son
âme et à sa personne divine.
L'humanité
de Jésus-Christ est ainsi, dans le plan de la création, comme le
centre et la raison d'être de toutes les créatures, principalement
des Anges et des hommes.
Dire
les excellences de cette humanité devenue l'humanité du Fils de
Dieu ; de cette âme et de ce corps tellement unis à la Personne
éternelle de ce même Fils de Dieu, que, sans se confondre le moins
du monde avec sa divinité, ils forment avec elle une seule et unique
Personne divine, éternelle, infinie, c'est chose absolument
impossible. Jamais, ni en ce monde ni en l'autre, nous ne pourrons
pleinement comprendre le mystère infini de Jésus-Christ ; jamais
nous ne pourrons l'adorer aussi parfaitement qu'il le mérite ;
jamais nous ne l'admirerons, nous ne l'aimerons, nous ne le bénirons
autant qu'il mérite d'être béni, aimé, admiré.
L'humanité
de Dieu ! Une âme et un corps créés, devenus l'âme et le
corps de Dieu même, et dès lors adorables,
divins ! Quel abîme de grandeurs ! Quel mystère
!!
Eh
bien, dans cette adorable et toute divine humanité, il y a quelque
chose de plus sur-adorable encore, s'il est permis de parler ainsi ;
dans cet abîme de sainteté et de majesté, il y a quelque chose de
plus saint, de plus sublime, de plus excellent : c'est le Cœur de
Notre Seigneur, Créateur et Rédempteur Jésus-Christ. Oui, dans
l'humanité très adorable de notre Dieu, il nous faut mettre
au-dessus de tout son très Sacré-Cœur.
En
Jésus-Christ, comme en nous, le cœur est en effet l'organe le plus
noble et le plus délicat. C'est comme le résumé et, pour ainsi
dire, le centre vivant, la moelle de tout le corps. L'âme,
qui anime le corps et qui exerce ses diverses facultés par les
divers organes du corps, exerce par le cœur
la plus sublime de toutes ses facultés, la faculté d'aimer.
L'âme pense par le cerveau et en union avec le cerveau, elle sent
par les nerfs, qui s'étendent dans tous nos sens ; mais c'est par le
cœur, et par le cœur seul, qu'elle aime. De là l'excellence
suréminente du cœur ; de là aussi le langage universellement usité
parmi les hommes, employé même par l'Esprit-Saint dans les divines
Écritures, où le cœur est présenté comme le résumé de la
personne. Avoir bon cœur, c'est être bon ; avoir mauvais cœur,
c'est être mauvais.Avoir du cœur, c'est être généreux, dévoué
; n'avoir pas de cœur, c'est être égoïste, c'est être mauvais.
Le cœur, c'est l'homme tout entier, contemplé dans ce qu'il y a en
lui de plus excellent.
Or,
je le répète, il en est de même en cet Homme unique, divin, qui
est Dieu, qui est Jésus-Christ. Le Cœur de Jésus-Christ est, si
l'on peut s'exprimer de la sorte, ce qu'il y a de plus adorable
en son adorable humanité, ce qu'il y a de plus divin, de plus
ineffable en son très divin et très ineffable corps. Son Cœur
est l'organe vivant de son amour ; et son amour, c'est l'amour
infini de Dieu incarné !
Ô
sainte humanité de mon Sauveur ! Ô saint et très saint Cœur de
mon adorable Jésus ! Je vous aime de toutes les puissances de mon
âme, et je me prosterne devant vous la face contre terre !
X. Que le Cœur de Jésus est le
vivant foyer de l'amour universel.
En
1670, le vénérable évêque d'Évreux, approuvant pour son diocèse
le culte du Sacré-Cœur et l'Office composé à cet effet par le bon
P. Eudes, s'exprimait ainsi :
Le Cœur adorable de Notre-Seigneur étant
une fournaise d'amour envers son Père et de charité envers nous, et
la source d'une infinité de grâces et de faveurs au regard de tout
le genre humain, tous les hommes, spécialement tous les chrétiens,
ont des obligations infinies de l'honorer, louer et glorifier en
toutes les manières possibles.
La
même année, un autre évêque français, celui de Coutances, disait
de son côté :
Le Cœur adorable de notre Rédempteur
étant le premier objet de la dilection et [de la] complaisance du
Père des miséricordes, et étant réciproquement tout ombragé du
saint amour envers ce Dieu de consolation comme aussi étant tout
enflammé de charité envers nous, tout brûlant du zèle de notre
salut, tout plein de miséricorde envers les pécheurs, tout rempli
de compassion envers les misérables, et le principe de toutes les
gloires et félicités du Ciel, de toutes les grâces et bénédictions
de la terre, et une source inépuisable de toutes sortes de faveurs
pour ceux qui l'honorent : tous les chrétiens doivent s'efforcer de
lui rendre toutes les vénérations et adorations possibles.
Rien
n'est plus certain que cette doctrine. Voyez en effet :
Le
Saint-Esprit est l'Amour même ; il est l'Amour éternel, substantiel
et vivant. Or, Il repose en plénitude en la sainte âme
de Jésus : c'est comme la lumière qui est condensée tout
entière dans le soleil, et qui de là s'épanche sur le monde. Mais
l'âme du Fils de Dieu n'aimant qu'au moyen du Cœur auquel elle est
unie, il en résulte que le Cœur sacré de Jésus est le foyer
visible de l'amour divin au milieu du monde. « Il est — comme
dit admirablement saint Bernardin de Sienne — la très ardente
fournaise de la charité (1). » Et
le feu de cette fournaise, c'est le Saint-Esprit, c'est l'éternel
Amour. L'Esprit d'amour repose et vit dans le Cœur de Jésus-Christ,
comme une colombe dans son nid. Il brûle en ce Cœur divin, comme le
feu dans le charbon qu'il embrase, et c'est de là, c'est
de ce Cœur ineffable qu'il se répand dans le cœur de tout ce qui
est capable d'aimer. Le Cœur de Jésus est d'abord le foyer de
l'amour de Dieu.
Notre Seigneur aime son Père d'un amour
absolument divin, puisqu'il est Dieu lui-même, aussi bien que son
Père, et puisqu'Il aime Dieu avec l'âme et le cœur d'un
Dieu. Tout cet océan d'amour,
sans fond, sans limites, passe par le Cœur du Fils de Marie, et de
là va se perdre éternellement dans le sein du Père. Comme un
torrent irrésistible, il remplit d'abord,
puis il entraîne après lui toutes les créatures, Anges et hommes,
qui veulent aimer le bon Dieu. Tout l'amour de Dieu qui fait
palpiter le cœur de la Sainte-Vierge, le cœur des
Séraphins, des Chérubins, des Archanges et des Anges ; tout l'amour
qui a sanctifié les patriarches, les prophètes, les Saints, les
fidèles de l'Ancien-Testament ; tout l'amour des apôtres, des
martyrs et des fidèles de la Loi de grâce ; tout cet amour émane
du Sacré-Cœur de Jésus, comme d'une source intarissable, infinie.
Dans le monde des âmes, le Cœur de Jésus-Christ est le soleil
de l'amour de Dieu.
Ô
mon Sauveur ! Je me donne à vous pour m'unir à l'amour éternel,
immense et infini que vous portez à votre Père. Ô Père adorable !
Par l'Incarnation, par la grâce et par l'Eucharistie, vous m'avez
donné votre Fils bien aimé ; Il est à moi, Son
Sacré-Cœur est à moi. Je vous offre donc tout l'amour éternel,
immense et infini de votre Fils Jésus, comme un amour qui est à
moi. Et ainsi, de même que Jésus nous dit : « Je
vous aime comme mon Père m'aime (2)
», de même je puis vous dire, moi aussi, ô mon divin Père : « Je
vous aime comme votre Fils vous aime. »
Oh! quelle grâce d'être membre de
Jésus-Christ, et de pouvoir ainsi aimer par son Cœur, aimer avec
son Cœur !
Le
divin Cœur de Jésus est également la source de l'amour de la
Sainte-Vierge. Après son Père céleste, Notre-Seigneur n'aime
rien tant que sa sainte Mère; ou plutôt en vrai fils, Il
l'aime du même amour dont Il aime son Père, ne
les séparant jamais dans sa divine tendresse. Ici encore, c'est par
son Cœur, c'est au moyen de son Cœur que le Verbe incarné aime la
très Sainte Vierge ; et Il communique ce filial amour à
tous les cœurs qui se laissent faire par lui. L'amour que nous
portons à la Vierge Marie, l'amour dont nous l'aimerons au Ciel
pendant toute l'éternité, découle donc, comme de sa source, du
Cœur de Jésus-Christ. Et il en est ainsi de tout amour pur et
légitime, au Ciel et sur la terre : il vient de la Source unique, de
la Source vivante de l'amour ; il vient, il découle du très aimant
et très adorable Cœur de Jésus-Christ.
Bien souvent — hélas ! — nous
abusons de ce trésor, et l'amour que nous donne notre Dieu, nous le
détournons de son véritable objet ; mais, en lui-même, cet amour
n'en reste pas moins un don très pur; et le profaner est un vrai
sacrilège. Ainsi, le Cœur qui palpitait jadis sur la terre, qui
palpite éternellement au Ciel dans la poitrine sacrée de Jésus,
c'est le foyer adorable et adoré de l'amour de Dieu et de l'amour
des créatures. Oh ! combien nous devons l'aimer ! Combien nous
devons nous jeter et nous perdre amoureusement dans cet abîme
d'amour !
Mais,
ô Sauveur! je suis pauvre et misérable, et je ne puis, comme il
faudrait, jeter mon cœur dans Votre Cœur. Faites un peu pour moi,
miséricordieux Jésus, ce que Vous avez fait pour Votre bienheureuse
servante de la Visitation : daignez prendre mon faible cœur, et le
plonger, comme celui de Sœur Marguerite-Marie, dans le Vôtre tout
brûlant d'amour. Embrasez-le, fondez la glace de son égoïsme
naturel; et ne me le rendez que transformé en une flamme d'amour,
qui désormais me fera tout aimer, comme vous et en vous.
XI. Comme quoi la très sainte Trinité
est vivante et régnante dans le Cœur de Jésus.
Voici
une preuve vraiment divine de l'excellence ineffable du Sacré-Cœur
: Il est le vivant sanctuaire de la très Sainte Trinité, qui vit et
règne en lui, en toute plénitude.
Le
Père éternel est dans ce Cœur admirable comme dans le Cœur de son
Fils bien-aimé, en Qui Il met toutes ses complaisances. Le Père
engendre éternellement son Fils ; Il Lui communique éternellement
Sa vie éternelle : or, Il vit et règne en Lui dans le temps, en Sa
sainte humanité, de cette même vie toute divine qu'Il Lui donne
dans l'éternité. Le Cœur de Jésus est en effet, par suite de
l'union hypostatique, le Cœur même du Fils éternel du Père.
Quelle grandeur infinie ! Combien le Père céleste doit aimer le
divin Cœur de Jésus !
Ô
bon Jésus, gravez Vous-même l'image de Votre très doux et très
humble Cœur dans nos pauvres cœurs. Faites qu'eux aussi ne
vivent que d'amour pour votre Père céleste, qui, par Vous,
et en Vous est devenu notre vrai Père.
Le
Verbe éternel vit et règne dans ce Cœur royal, qu'il s'est uni de
l'union la plus intime qui puisse se concevoir, c'est-à-dire de
l'union hypostatique. En vertu de cette union, ce Cœur, ce Cœur
de chair, ce Cœur créé, est le vrai Cœur du Verbe éternel ;
et Il est adorable de la même adoration qui est due au Verbe, qui
est due à Dieu. Quel règne que celui du Fils de Dieu en son
Sacré-Cœur !
Dans l'homme, le cœur est le principe de
la vie, le siège de l'amour, de la haine, de la joie, de la
tristesse, de la colère, de la crainte, et de toutes les autres
passions de l'âme. Dans le Cœur de Jésus-Christ, ces passions
n'avaient point, il est vrai, le caractère désordonné qu'elles ont
en nous, puisqu'elles étaient toutes absolument et toujours soumises
à sa volonté très sainte ; mais elles y existaient en plénitude,
et elles étaient merveilleusement assujetties à la divine
volonté du Verbe éternel. Quel beau règne !
Ô
Jésus ! N'êtes-vous pas de plein droit le Roi de mon cœur ?
Vivez-y, et régnez ainsi sur mes passions. Hélas ! Elles ne sont
pas en moi, comme en vous, soumises à votre volonté sainte.
Unissez-les aux vôtres, très parfaites, et ne permettez pas
qu'elles s'exercent jamais en dehors de votre conduite et pour un
autre but que votre seule gloire.
La
troisième personne de l'auguste Trinité, le Saint-Esprit,
inséparable du Fils et du Père, vit également et règne dans le
Cœur de Jésus d'une manière ineffable. Cet Esprit d'amour y
concentre les trésors infinis de la science et de la sagesse de Dieu
; Il Le remplit de tous Ses dons en un souverain degré, selon ces
divines paroles de l'Écriture : «
Et l'Esprit du Seigneur reposera en Lui
: l'Esprit de sagesse et d'intelligence, l'Esprit de conseil et de
force, l'Esprit de science et de piété, et Il
Le
remplira de l'Esprit de la crainte du Seigneur (3).
» Le Saint-Esprit féconde le Cœur de Jésus, et lui fait
produire, comme à une terre divine, les fruits si délicieux, si
suaves, que nous énumère l'Apôtre saint Paul : «
Les fruits de l'Esprit-Saint sont la charité, la joie, la paix, la
patience, la bénignité, la bonté, la longanimité, la douceur, la
fidélité, la modestie, la continence, la chasteté (4).
»
Inséparables
les unes des autres et ne faisant qu'un seul Dieu, les trois
Personnes divines vivent donc et règnent ensemble dans
le Cœur du Sauveur, comme dans le Trône le plus
sublime de Leur Amour, dans le premier
Ciel de Leur Gloire, dans
le Paradis de Leurs plus chères Délices.
Elles y répandent, pour ainsi dire, à l'envi, avec une
surabondance, avec une profusion inénarrables, d'incompréhensibles
lumières, des océans immenses de grâces, et des torrents de feux
et de flammes infiniment ardents, et toutes les effusions de leur
éternel amour.
Ô très Sainte Trinité, mon Dieu !
Louanges infinies Vous soient rendues à jamais pour tous les
miracles d'amour que Vous opérez dans le Cœur de mon bien-aimé
Jésus. Je Vous offre le mien, avec celui de tous
mes frères, vous suppliant très humblement d'en prendre entièrement
possession, d'y détruire tout ce qui vous déplaît, et d'y établir
souverainement le règne de votre divin amour. Ô
très Sainte Trinité ! Vie
éternelle des cœurs, régnez dans mon cœur à jamais.
XII. Que le cœur de Jésus est le
Temple, l'Autel et l'Encensoir du divin Amour.
C'est l'Amour incréé et éternel,
c'est-à-dire le Saint-Esprit qui s'est élevé ce Temple
magnifique, et qui l'a formé du sang virginal de la Mère
d'amour. Ce Temple vivant a été consacré et sanctifié par «
le Pontife saint, innocent, exempt
de souillure, plus élevé que le Ciel ; par le grand Pontife qui a
pénétré les cieux, par Jésus-Christ
; le Fils de Dieu (5).
» Il a été consacré par l'onction de la Divinité. Il est
dédié à l'Amour éternel. Il est infiniment plus saint, plus digne
et plus vénérable que tous les temples, matériels et spirituels,
qui ont été et qui seront jamais au Ciel et sur la terre.
C'est
dans ce Cœur, dans ce Temple auguste, que Dieu reçoit des
adorations, des louAnges et des gloires dignes de sa grandeur
infinie. C'est dans ce Temple que le souverain Prédicateur, qui est
le Verbe, c'est-à-dire la Parole de Dieu en personne, nous prêche
continuellement. C'est dans ce Temple céleste et plus saint que les
cieux, que le Prêtre éternel offre à la Majesté divine, au nom de
la création tout entière, le sacrifice d'adoration éternelle,
d'actions de grâces éternelles, d'amour éternel. C'est le
sanctuaire, le centre de la sainteté, qui ne connaît point la
profanation. Il est orné de toutes les vertus évangéliques et de
toutes les perfections de la divine essence, comme d'autant de riches
sculptures et de peintures vivantes.
Ô
sainte humanité de Jésus ! Ô Cœur déifié, centre glorieux de
cette humanité trois fois sainte ! Soyez béni, mon Dieu, de Vous
être élevé à Vous-même ce merveilleux Temple, et
d'avoir daigné m'en ouvrir l'accès ! J'ose m'unir à Votre
Jésus et à mon Jésus, pour Vous rendre dans le Temple de son Cœur,
les adorations, les actions de grâces et tous les autres hommage qui
sont dus à votre souveraine Majesté.
Mais
le Cœur de Jésus n'est pas seulement le Temple ; Il
est encore l'Autel du divin
Amour.
C'est sur cet Autel d'or pur que le Feu sacré de ce même Amour
est allumé jour et nuit. C'est sur ce même Autel que le souverain
Prêtre Jésus offre continuellement toutes sortes de sacrifices à
la très Sainte Trinité.
Il
S'offre d'abord et Se sacrifie Lui-même comme une Victime d'amour,
comme la plus sainte et la plus précieuse Victime qui fut jamais et
qui puisse être. Il sacrifie entièrement et Son âme, et Son corps,
et Son sang, et Sa vie, avec toutes Ses pensées, toutes Ses paroles,
toutes Ses actions, et tout ce qu'Il a souffert sur la terre. Et ce
sacrifice, Il l'offre perpétuellement sur le vivant autel de son
Cœur; Il l'offre avec un Amour immense, infini.
En second lieu, il offre en sacrifice
d'adoration et de louAnges tout ce que Son Père Lui a donné,
c'est-à-dire le Ciel et la terre, les Anges, les hommes, toutes les
créatures animées et inanimées ; Il les offre à la Majesté
divine comme autant de victimes destinées à rendre gloire à Dieu.
Il offre même et sacrifie à la sainteté de Dieu les créatures
rebelles qui, par le péché, échappent à l'amour : les mauvais
chrétiens, les impies, les hérétiques, les réprouvés, les démons
eux-mêmes. Il sacrifie par le glaive de la divine justice tous ceux
qui se soustraient à la douce et libre immolation de l'amour. Nul ne
lui échappe : les damnés pas plus que les élus, les démons pas
plus que les Anges, l'enfer pas plus que la terre et le Ciel.
C'est
ainsi que Jésus-Christ, le Prêtre éternel selon l'ordre de
Melchisédech, s'offre Lui-même et offre toutes choses avec un
Bonheur absolument divin (6) à la Gloire de son Père, sur l'Autel
du Sacré-Cœur, le plus aimable à la foi et le plus redoutable des
autels.
Ô
Jésus ! Jésus, mon amour ! Jésus, ma miséricorde et mon bon
Maître ! Mettez-moi, tout indigne que j'en suis, au nombre des
victimes de votre Amour. Consumez-moi entièrement, comme un
holocauste de cet Amour, dans les feux divins qui brûlent
incessamment sur l'Autel sacré de votre Cœur.
Enfin, le Sacré-Cœur de Jésus est
aussi l'Encensoir
du divin amour. C'est cet Encensoir d'or dont il est
parlé au huitième chapitre de l'Apocalypse, et que saint Augustin
explique de l'adorable Cœur de Jésus. «
Un Ange vint se placer devant l'Autel,
tenant en sa main un Encensoir
d'or; et il le
remplit d'encens, afin
d'offrir les prières de tous les Saints
sur l'Autel
d'or, qui est devant le Trône
de Dieu (7).
» Toutes ces paroles sont pleines de Jésus : cet Ange qui
offre à la Majesté de Dieu l'encens des prières des Saints dans
son encensoir, c'est Jésus, l'Ange de la nouvelle et éternelle
Alliance, qui offre à son Père les prières de tous ses fidèles,
en les unissant à sa divine prière. L'Encensoir d'or pur, c'est
encore Jésus, c'est le Cœur de Jésus : les charbons ardents de
l'Amour remplissent ce Cœur sacré, et allumant l'encens de la
prière des Saints, lui donnent de monter, comme une vapeur embaumée,
jusqu'au Trône du Seigneur. Cet Autel d'or, nous venons de le dire,
c'est Jésus, toujours Jésus. Enfin, le Trône de Dieu, c'est encore
Notre Seigneur, dont l'Humanité sainte est le vrai Trône où réside
la Majesté de Dieu. Dans l'Encensoir du Cœur très saint de
Jésus-Christ sont déposés, pour être offertes à Dieu, pour être
sanctifiées et déifiées, toutes les adorations, toutes les
louAnges, toutes les prières, toutes les oraisons, toutes les
affections et aspirations de tous les Saints, de tous les Anges.
Ayons soin de répondre fidèlement à ce dessein de la Providence,
en mettant dans notre céleste Encensoir toutes nos prières, tous
nos désirs, toutes nos dévotions et toutes les pieuses affections
de nos cœurs. Mettons-y nos cœurs même, avec tout ce que nous
faisons et tout ce que nous sommes, suppliant le Roi des cœurs de
purifier et de sanctifier toutes ces choses, pour les offrir ensuite
à son Père comme un encens très pur, en odeur de suavité (8).
Oui,
le Cœur sacré de notre Jésus est le Temple, l'Autel, l'Encensoir
en même temps que le Prêtre et la Victime du divin amour. Et Il
est tout cela pour nous ! Et c'est pour nous, pauvres et misérables,
c'est pour nous qu'il exerce ces divines fonctions !
Ô
Amour ! Ô excès d'Amour ! Ô mon Sauveur ! Que vos bontés sont
admirables envers moi. Oh ! Quelle vénération et quelles louAnges
ne suis-je pas obligé de rendre à votre Sacré-Cœur ! Ô très
doux Cœur de mon Jésus ! Que je sois tout cœur et tout amour pour
vous, et que tous les cœurs du Ciel et de la terre soient immolés à
votre louange et à votre gloire.
XIII. Comment le Cœur de Jésus est le
principe de la vie de l' Homme-Dieu, de la vie de la Mère de Dieu,
et de la vie des enfants de Dieu.
Voici
encore une raison d'admirer et d'adorer très profondément le Cœur
de Notre Seigneur Jésus-Christ : c'est qu'Il est le principe de Sa
Vie, et par suite le principe de la vie de sa Mère et de tous ses
fidèles.
Jésus
est la Vie. Il l'a dit lui-même : «
Je suis la Vie (9).
» Son Cœur, qui est la partie la plus excellente de
Lui-même, est donc ce qu'il y a de plus excellent, de plus vivant en
Celui qui est la Vie. Ce Cœur divin peut être contemplé par
rapport au corps de Jésus et par rapport à son âme. Pour l'un
comme pour l'autre, il est le principe de la vie.
Il
est le principe de la vie du corps de Notre Seigneur, parce que
c'est de Lui, comme d'une Source vivifiante, que se répand dans tous
les membres, dans toutes les parties du corps du Sauveur, le sang
divin qui est la vie de cet adorable corps. L'Esprit-Saint l'a dit en
effet : « La vie est dans le sang
(10).
» La chaleur de la vie réside tout entière dans le sang, et
le sang vient du cœur.
Le
Cœur spirituel de Jésus, c'est-à-dire son âme très sainte unie à
son cœur de chair, et contemplée dans ce qu'elle a de plus
sublime, l'intelligence et l'amour, est également le siège
et le principe de la vie de l'âme de Jésus. C'est en effet en
ce Cœur spirituel, en cette partie supérieure et intime de l'âme
de Jésus-Christ que s'opère l'union hypostatique, laquelle
unit tellement la divinité et l'humanité du Fils de Dieu, que l'une
et l'autre, désormais inséparables, forment ensemble l'unique et
indivisible Personne de notre Sauveur. De ce Cœur déifié se
répandent en l'âme de Jésus tous les torrents de la lumière
divine et du divin amour.
Le Sacré-Cœur est donc en Jésus le
principe de Sa vie : toutes les pensées et affections que le
Fils de Dieu a eues en ce monde pour notre salut, toutes les
paroles qu'Il a dites, toutes les actions qu'Il a faites,
toutes les souffrances qu'Il a daigné endurer, la sainteté
et l'amour incompréhensibles avec lesquels Il a fait et souffert
toutes choses, en un mot tout en Lui procédait, découlait de Son
divin Cœur, comme les ruisseaux de leur source. C'est donc au
Sacré-Cœur que nous en sommes redevables ; c'est de Lui,
c'est du Cœur de Jésus que découle notre salut.
Que
ferons-nous pour vous en rendre grâces, ô bon Jésus ? Nous Vous
offrirons ce Cœur adorable que vous avez daigné faire nôtre. Oui,
je Vous l'offre avec confiance, en union de l'amour infini qui lui a
inspiré tant de choses admirables pour ma rédemption.
Le
Cœur de Jésus est ensuite le principe de la vie de la Mère de Dieu
; car, de même que le Cœur virginal de cette admirable Mère
était le principe de la vie corporelle et naturelle de son Enfant
pendant qu'elle le portait dans son chaste sein, de même le Cœur
de cet Enfant adorable était à son tour le principe de la vie
spirituelle et surnaturelle de sa très sainte Mère. Le Cœur
déifié du Fils de Marie était donc le principe de toutes les
pieuses pensées et affections de sa Bienheureuse Mère, de
toutes les saintes paroles qu'elle disait, de toutes les
bonnes actions qu'elle faisait, de toutes les vertus
qu'elle pratiquait, et de la sainteté merveilleuse avec
laquelle elle a souffert tant de peines et tant de douleurs, en
coopérant avec son Fils à l'œuvre de notre salut.
Louanges éternelles — ô mon Jésus —
en soient rendues à votre divin Cœur. Ô mon Rédempteur ! En
actions de grâces de ce que la Sainte Vierge, votre Mère et notre
Mère, a daigné faire pour nous, je vous offre ce que vous aimez
le plus au monde, après votre Père : le Cœur immaculé de votre
Mère, tout embrasé d'amour pour vous.
En troisième lieu, le Cœur de Jésus
est le principe de le vie spirituelle et surnaturelle de tous les
enfants de Dieu. Cette vie surnaturelle est comme une
expansion, un épanouissement de la vie toute divine que Jésus
communique à sa Mère. Puisque le Cœur de Jésus est le
principe de la vie du Chef, il est aussi le principe de la vie des
membres. Et puisqu'il est le principe de la vie de la Mère, il est
par là même le principe de la vie des enfants. Semblable à cette
fontaine mystérieuse qui jaillissait au milieu du paradis terrestre
pour, de là, se répandre sur toute la terre et la féconder, le
Cœur de Jésus est ainsi, au milieu de l'Église, comme la source
universelle de la sainteté. C'est de cette source que s'élancent
les eaux vivantes de l'Esprit-Saint, les eaux qui
rejaillissent en nous jusqu'à la vie éternelle. Le Cœur de Jésus
est le principe et l'origine de toutes les bonnes pensées qui
ont jamais été et qui seront, jusqu'à la fin des siècles et
jusque dans l'éternité, dans les esprits de tous les chrétiens, le
principe et l'origine de toutes les saintes paroles qui sont
sorties et qui sortiront de leur bouche, de toutes les actions de
piété qui sont parties et qui partiront de leurs mains, de
toutes les vertus qu'ils ont pratiquées et qu'ils
pratiqueront, enfin de tous les mérites qu'ils ont acquis et
qu'ils pourront acquérir en travaillant, en souffrant, en mourant
pour Jésus-Christ.
Ô
mon Sauveur ! Que toutes ces choses soient converties en louAnges
éternelles à votre très saint Cœur ! Ô Jésus ! Puisque vous
m'avez donné ce même Cœur pour être le principe de ma vie,
faites, s'il vous plaît, qu'il soit l'unique principe de tous mes
sentiments et de toutes mes affections ; que par sa charité très
ardente, il vivifie, il meuve, comme par un sang mystique, toutes les
puissances de mon âme, de sorte que ce ne soit plus moi, mais Lui
et Lui seul, qui vive en moi. Faites enfin qu'il
soit l'âme de mon âme, l'esprit de mon esprit, et le cœur de
mon cœur. Ô Cœur de Jésus-Christ, principe de tout
bien, gloire à vous, au Ciel et sur la terre, dans le temps et
dans l'éternité !
XIV. Que le Cœur adorable
de Jésus est une fournaise d'amour à l'égard de la très sainte
Vierge Marie.
Nous
l'avons indiqué déjà, mais il faut y revenir et y insister : après
son Père céleste, Jésus n'a rien tant aimé, n'aime rien autant
que sa très bonne, très sainte et très douce Mère. Les grâces
ineffables dont le Fils de Dieu a comblé sa Bienheureuse Mère font
voir manifestement qu'Il a pour elle un amour sans mesure et sans
bornes. Il l'aime, elle seule, incomparablement plus que tous ses
Anges et tous ses Saints, plus que toutes ses créatures ensemble.
D'abord,
cette Bienheureuse Vierge est «
l'unique (11)
» que le Fils de Dieu a choisie de toute éternité pour
l'élever au-dessus de toute la création, pour l'établir sur le
Trône le plus sublime de la Gloire et de la Grandeur, et pour lui
conférer la plus prodigieuse de toutes les dignités, la dignité de
Mère de Dieu.
Si de l'éternité nous descendons dans «
la plénitude des temps », nous voyons que cette très sacrée
Vierge est l'unique entre les enfants d'Adam que, par un privilège
tout spécial, Dieu a préservée du péché originel. Il l'a faite
ainsi toute belle, toute pure et toute immaculée, lui donnant
d'écraser la tête de Satan. Et non-seulement l'amour du Fils de
Dieu l'a préservée du péché originel, mais en outre, dès le
premier moment de sa conception immaculée, Il l'a remplie d'une
grâce si éminente, qu'elle surpassait la grâce du premier des
Séraphins, la grâce d'Adam innocent, la grâce du plus grand de
tous les Saints. Et par suite de ce privilège unique la très Sainte
Vierge fait, au moment même où, elle commence à vivre, un acte
d'adoration et d'amour, plus parfait que celui du plus embrasé des
Séraphins. Dans son amour filial, Notre Seigneur lui a encore
donné, et donné à elle seule, d'aimer, d'adorer son Dieu
parfaitement, continuellement et sans aucune interruption, durant
tout le cours de sa vie. Aussi peut-on dire que depuis le premier
moment de sa vie jusqu'au dernier elle n'a fait qu'un acte
d'amour. À elle seule, il a été donné d'accomplir en
plénitude le premier des divins commandements : «
Tu adoreras et tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de
toutes tes forces, et de toute ton âme (12).
»
À
elle seule, il a été donné d'engendrer de sa propre substance
Celui qui de toute éternité est engendré de la substance du Père.
Elle a donné une partie de sa substance virginale et de son très
pur sang pour former l'humanité sainte du Fils de Dieu ; bien plus,
elle a coopéré, et coopéré librement, avec le Père, le Fils et
le Saint-Esprit, à l'union de sa substance avec la personne adorable
du Fils de Dieu ; et ainsi elle a coopéré à l'accomplissement
du mystère de l'Incarnation, c'est-à-dire au plus grand miracle
que Dieu ait jamais fait, qu’Il fera jamais, et même , qu'Il
puisse jamais faire. Quel privilège ! Quelle gloire pour cette très
Sainte Vierge ! Ce n'est pas tout. Le très pur sang et la chair
virginale que la Vierge Marie a donnés à Jésus dans cet ineffable
mystère d'amour demeureront unis pour l'éternité, par l'union
hypostatique, à la personne du Verbe incarné, à raison de
quoi, dans l'humanité du Fils de Dieu, ce sang virginal et cette
précieuse chair de Marie sont
adorables, adorables de l'adoration même qui est due à
cette humanité ; et ils sont effectivement, ils seront à tout
jamais l'objet des adorations de tous les Anges et de tous les
Saints. Ici-bas, en attendant le Ciel, nous les adorons sous les
voiles de l'Eucharistie. Ô amour de Jésus envers Marie ! Elle
seule, cette Mère admirable, a fourni la substance dont a été
formé le Sacré-Cœur et l'Enfant-Jésus ; et c'est de sa substance
que, pendant neuf mois, ce Cœur divin a pris sa nourriture et son
accroissement. C'est de Marie que nous tenons le Sacré-Cœur.
Elle seule est Mère et Vierge tout ensemble ; elle seule a porté
dans ses chastes entrailles durant neuf mois Celui que le Père
éternel porte dans son sein durant toute l'éternité ; elle seule,
la douce Vierge Marie, a allaité et fait vivre Celui qui est la Vie
éternelle et qui donne la vie à tout ce qui est vivant. Le lait est
comme la fleur et l'essence du sang de la mère : Marie a donné son
lait à l'Enfant-Dieu, et l'a fait reposer pendant deux ou trois ans
sur sa poitrine, comme sur un délicieux lit de repos.
Elle seule, vraie Mère de Celui qui
est le vrai Dieu, s'est vue obéie du souverain monarque de l'univers
; ce qui l'honore infiniment plus que ne le pourraient faire tous les
hommages de tous les êtres créés et que Dieu pourrait créer. Elle
seule, et saint Joseph à ses côtés, a demeuré continuellement
avec cet adorable Sauveur, durant les trente-trois années qu'il a
passées sur la terre. Chose étonnante ! Le Fils de Dieu y est
descendu pour sauver tous les hommes, et cependant, pour les prêcher
et instruire, Il ne leur a donné que trois ans et trois mois de sa
vie, tandis qu'Il a consacré plus de trente ans à sa
sainte Mère pour la sanctifier toujours de plus en plus. Oh !
Quels torrents de grâces et de bénédictions Il versait
incessamment, durant tout ce temps-là, dans l'âme de sa Mère bien
aimée, qui était si bien disposée à les recevoir ! Oh ! de quels
feux et de quelles flammes célestes le divin Cœur de Jésus,
fournaise d'amour très ardente, embrasait toujours de plus en plus
le Cœur immaculé de sa très douce Mère, spécialement lorsque
ces deux Cœurs étaient si proches l'un de l'autre et si étroitement
unis, d'abord pendant qu'elle Le portait en ses chastes entrailles,
et ensuite lorsqu'elle Le nourrissait de son lait et qu'elle Le
portait entre ses bras et sur sa sainte poitrine, et durant tout le
temps qu'elle habitait avec Lui à Nazareth, qu'elle vivait
familièrement avec Lui comme une mère avec son enfant, qu'elle
buvait et mangeait avec Lui, qu'elle priait avec Lui et qu'elle
entendait les paroles qui sortaient de Sa bouche adorée, semblables
à autant de charbons ardents qui enflammaient toujours de plus en
plus son très saint Cœur du feu sacré de l'amour.
Pour
faire comprendre davantage, s'il en était besoin, l'immensité de
l'Amour de Jésus pour sa Mère, disons encore que seule, elle a été
transportée en corps et en âme dans le Ciel, et qu'elle y est
élevée, par-dessus tous les Chœurs des Anges et des Saints, à la
droite de son Fils ; qu'elle est seule couronnée Reine des Anges et
des hommes, Souveraine du Ciel et de la terre ; qu'elle seule a tout
pouvoir sur l'Église triomphante, militante et souffrante (13) ;
qu'elle seule enfin a plus de crédit auprès de son Jésus que tous
les habitants du Ciel ensemble (14), parce qu'au Ciel elle conserve,
avec sa qualité de Mère de Dieu, l'autorité que ce titre auguste
lui conférait sur le Cœur de Jésus-Christ. Au Ciel, elle est,
comme dit admirablement saint Bernard, « la toute-puissance
suppliante ( omnipotentia supplex) ».
Que de
prodiges de grâces le Cœur de notre Sauveur a ainsi accumulés en
sa sainte Mère ! Qui l'y a obligé, sinon l'amour très ardent dont
Son Cœur filial est embrasé à son égard ? Et Il l'aime tant,
parce qu'elle est sa Mère. Il l'aime plus, elle seule, que toutes
les créatures ensemble, parce qu'elle a plus d'amour pour Lui que
tous les Anges, que tous les élus du Ciel et de la terre. Il l'aime
si ardemment, parce qu'elle a coopéré avec Lui à sa grande œuvre,
qui est l'œuvre de la rédemption et de la sanctification du monde.
Ô
Cœur adorable du Fils unique de Marie ! Mon cœur est plein de joie
de voir que vous avez tant d'amour pour votre très douce Mère ! Ô
Jésus, Fils de Dieu et de Marie ! Enflammez mon cœur de l'amour que
vous portez à votre Mère ! Vous nous avez dit : «
Je vous ai donné l'exemple, afin que ce que j'ai fait, vous le
fassiez, vous aussi (15).
» Vous m'ordonnez par là d'aimer tant que je puis Celle que
vous avez tant aimée. Ô Mère d'Amour ! Oui, je vous aime de tout
mon cœur, avec votre Jésus, qui est aussi mon Jésus. Aimons-la
tous, cette très sainte Mère ; aimons-la comme Jésus, aimons-la
avec Jésus et en Jésus ! Et n'ayons plus désormais qu'un cœur
avec Jésus et Marie : un cœur qui déteste ce qu'ils détestent,
c'est-à-dire le péché : sous toutes ses formes ; un cœur qui aime
ce qu'ils aiment, particulièrement l'innocence, l'humilité et
l'abnégation. Ô Mère de bonté ! Obtenez-nous cette grâce du Cœur
si aimant de votre Fils.
Jésus,
étant le plus parfait, le meilleur fils qui ait jamais été, a
ressenti avec une douleur très amère le contre-coup des
terribles douleurs que sa Mère bien aimée a eues à souffrir
pendant toute sa vie, mais principalement aux jours de sa Passion.
Les douleurs de Jésus étaient celles de Marie, et les douleurs
de Marie étaient celles de Jésus.
Le
jour de cette douloureuse Passion étant arrivé, Notre-Seigneur,
obéissant jusqu'à la mort à sa sainte Mère aussi bien qu'à son
Père céleste, demanda à la très Sainte Vierge, disent les Saints,
d'acquiescer à son sanglant sacrifice, ce qu'elle fit avec un
amour et une douleur impossibles à concevoir. Jésus lui fit
connaître ce qu'il avait à souffrir, et lui demanda de
l'accompagner d'esprit et de corps dans ses souffrances.
Marie offrit donc son Cœur et Jésus
livra son Corps ; et ainsi la Mère eut à
souffrir en son Cœur tous les tourments de son Fils, et le Fils eut
à souffrir tout ensemble des tortures inconcevables en son Corps,
et dans son Sacré-Cœur celles du Cœur de sa Mère.
Le
Sauveur, ayant pris congé de sa Mère bien-aimée, alla se plonger
alors dans l'océan immense de ses douleurs, emportant, comme une
flèche aiguë qui lui perçait le Cœur, la pensée et les
désolations de Celle qu'il aimait par-dessus tout. De son côté,
la Sainte Vierge, entrant dans une oraison profonde, commença à
l'accompagner intérieurement, et à partager avec lui les angoisses
de son agonie. Elle disait avec lui : «
Seigneur, non point ma volonté, mais la vôtre ! (16)
»
Pendant
la nuit terrible de la Passion, la Sainte Vierge suivit en esprit
son cher, son adorable Jésus, trahi, abandonné, frappé,
couvert d'insultes et d'outrages, souffleté, conspué. Quelle nuit !
Le Cœur de Jésus ne quitta pas un seul instant le Cœur déchiré
de sa Mère, et lui envoyait incessamment des grâces extraordinaires
afin qu'elle pût tout souffrir sans mourir. Entre autres grâces,
il lui envoya le bon et bien-aimé saint Jean, qui ne la
quitta plus, et qu'elle conduisit, seul entre tous les apôtres,
jusqu'au pied de la Croix et jusqu'au sépulcre.
Sachant que le moment approchait où elle
devait suivre, non seulement de Cœur mais de corps,
la divine Victime jusqu'à l'autel sanglant du sacrifice,
elle sortit à l'aube du jour, accompagnée de saint Jean, de sainte
Marie Madeleine et des autres saintes femmes. Bientôt, mêlée à la
foule du peuple, elle aperçut son Fils, son Seigneur, son Dieu, son
unique Amour; elle Le vit pâle et défiguré, traîné, comme un vil
malfaiteur, du palais de Caïphe au palais de Pilate ; renvoyé du
palais de Pilate à celui d'Hérode, d'où il fut renvoyé de nouveau
à Pilate, couvert du manteau des fous, et tenant à la main le
sceptre dérisoire de roseau. Elle Le vit, son doux et innocent
Agneau, flagellé, baigné de sang dans le prétoire ; puis, couronné
d'épines et montré au peuple. Elle L'entendit condamner à mort. À
ses oreilles, la foule meurtrière hurlait l'horrible blasphème : «
Crucifiez-le ! Crucifiez-le
! Nous n'avons d'autre roi que César ! (17).
»
Et
pendant tout ce temps Jésus regardait sa Mère, quelquefois des
yeux du corps, toujours des yeux du Cœur ! Que d'angoisse dans ce
regard ! Imitant son Agneau, qui Se laissait immoler en silence,
Marie, comme la Brebis de Dieu, pleurait, souffrait en silence. Le
silence seul pouvait convenir à de pareilles douleurs.
Le cortège lugubre se mit en marche.. La
Brebis pouvait suivre son Agneau à la trace même de son sang., Elle
mêlait à ce Sang divin le sang de son Cœur, c'est-à-dire ses
larmes. Elle vit son Bien-aimé, son Jésus tomber sous le poids de
la Croix. Elle Le vit gravir la pente du Calvaire. Elle Le vit, cloué
sur la terrible Croix, s'élever, comme un drapeau sanglant de salut
et d'espérance, d'amour et de justice, de vie et de mort, et dominer
la multitude.
L'amour
l'obligea de s'approcher le plus possible de son adorable Fils ; et
pendant ces longues heures elle souffrit avec Jésus des douleurs
que jamais l'homme ne pourra comprendre, des douleurs divines,
comme dit saint Bonaventure. Ce que Jésus suspendu à la Croix
souffrait en son Âme et en son Corps, voilà ce que souffrait en
son Cœur la Mère de douleurs. Et du haut de sa Croix, à
travers les larmes et le sang , qui obscurcissaient ses yeux, le
Rédempteur contemplait sa très sainte Mère, et donnait à ses
souffrances un mérite infini. La très sacrée Brebis et le
divin Agneau se regardaient sans rien dire ; ils se
communiquaient leurs douleurs. Et à mesure que le sacrifice
avançait vers son terme, à mesure que la sainte Victime entrait
dans les angoisses de l'agonie, la souffrance inénarrable de Jésus
et par conséquent de Marie, de Marie et par conséquent de Jésus,
montaient, montaient toujours comme la marée des grandes eaux. Elle
arriva à son comble lorsque, tout étant consommé, le Verbe éternel
crucifié poussa Son dernier cri d'horrible angoisse et de triomphe,
baissa la tête et rendit l'esprit. Jésus expira en regardant
sa Mère.
La première, elle avait reçu ce divin Regard, à Bethléem, au
moment où le Fils de Dieu vint au monde : il était juste qu'elle en
jouît la dernière, au moment où le mystère de la Rédemption se
parachevait sur le Golgotha.
Oh
! Quels mystères de douleurs et d'amour dans ce dernier regard de
Jésus expirant ! Il tombait sur la plus pure et la plus immaculée
des créatures, sur la Vierge sans tache, sur l'Épouse sacrée du
Père éternel, sur la Mère de Dieu, sur le chef-d'œuvre de
l'Esprit-Saint. Il tombait sur la meilleure de toutes les mères, sur
Celle que Jésus chérissait plus, elle seule, que toutes les
créatures de la terre et des cieux ; sur la compagne très fidèle
de toute sa vie, de tous ses travaux.
C'est
le Cœur de Jésus crucifié qui, du haut de la Croix, nous a donné
à tous, et à chacun, en la personne du fidèle saint Jean, la Très
Sainte Vierge pour Mère. Oui, c'est du fond de ce Cœur plein
d'amour que sont sorties ces deux paroles inscrites en lettres de feu
dans le cœur de tous les vrais chrétiens : «
Voici votre fils ! » et « Voici votre Mère ! ».
Recevoir pour Mère l'immaculée Mère de Dieu : quel
legs ! Quel présent ! Quelle donation
divine ! On reconnaît bien là le Sacré-Cœur de Jésus : Lui,
seul était capable d'un tel excès de tendresse ! Et c'est
en leur donnant Marie, qu'Il se venge des pécheurs !
Bon
Jésus ! Très innocent Agneau qui, en Votre Passion, avez tant
souffert, et qui avez vu le Cœur virginal de votre Mère plongé
dans un océan de douleurs, enseignez-moi, s'il Vous plaît, à Vous
accompagner, comme elle, dans Vos afflictions. Apprenez-moi à haïr
le péché. Apprenez-moi à être un bon fils pour
Votre Mère. Ô mon pauvre cœur, si faible, si
coupable, ne te fondras-tu point de douleur en te voyant la cause des
douleurs indicibles de cette sainte Mère et de ce très doux Sauveur
? Ô Jésus crucifié ! L'amour de mon cœur ! Ô Marie ! Ma
consolation et ma Mère ! Imprimez en mon âme un grand mépris pour
les vanités et les plaisirs de ce monde, et faites en sorte que
j'aie toujours devant les yeux vos douleurs sacrées, à qui je
devrai mon salut et mon bonheur éternels.
XVI.
Que le Cœur adorable de Jésus est une fournaise d'amour à l'égard
de l'Église triomphante, de l'Église militante, et de l'Église
souffrante.
Le
Sacré-Cœur de Jésus est le foyer d'où partent toutes les lumières
et toutes les ardeurs qui remplissent de pureté, de beauté, de
béatitude et d'amour l'Église du Ciel, l'Église de la terre et
l'Église du Purgatoire. Les flammes toutes puissantes de ce
divin Cœur embrasent même l'enfer, avec les démons et les
réprouvés ; mais , ce ne sont que les flammes vengeresses de
l'Amour méprisé, « les ardeurs éternelles » de l'Amour éternel,
qui enveloppent dans la sainteté redoutable de la justice tous ceux
qui ont repoussé la suave sainteté de l’Amour.
Le Sacré-Cœur pénètre donc, illumine
et béatifie l'Église du Ciel. Élevons-nous par la pensée jusqu'au
bienheureux Paradis, où Jésus nous prépare notre place. Qu'est-ce
que ce nombre infini d'Anges, de Saints, de patriarches, de
prophètes, d'apôtres, de martyrs, de confesseurs, de vierges, de
bienheureux de tout âge, de toute condition, de toute nation ?
Qu'est-ce, sinon autant de flammes ardentes de l'immense fournaise
du Cœur du Saint des Saints ? N'est-ce pas la bonté et l'amour,
n'est-ce pas la grâce de ce divin Cœur Qui les a tous créés, Qui
les a éclairés de la lumière de la foi, Qui les a faits chrétiens,
Qui leur a donné la force de vaincre le démon, le monde et la
chair, Qui les a ornés de toutes les vertus, Qui les a sanctifiés
en ce monde, Qui les a glorifiés en l'autre, Qui a allumé dans
leurs cœurs fidèles l'amour qu'ils portent à Dieu, Qui a rempli
leurs bouches de ses divines louAnges, et Qui est la source de tout
ce qu'il y a de grand, de saint et d'admirable en eux ?
Si
donc nous célébrons, dans le cours de l'année, tant de belles
fêtes en l'honneur de ces mêmes Saints, si nous leur rendons un
culte si solennel et tout à la fois si légitime, que ne
ferons-nous pas pour honorer, célébrer, glorifier le divin Cœur
qui est le principe de la sainteté de tous les Saints,
de la béatitude de tous les bienheureux ! Le Cœur de
Jésus est le Cœur du Paradis et le Soleil de Gloire
de ce beau Ciel vivant où, par sa miséricorde, nous espérons
arriver un jour.
Si
de l'Église du Ciel, nous revenons à l'Église de la terre, nous
voyons là encore les merveilles du Cœur et de l'Amour de
Jésus-Christ. Il est le Cœur et la Vie
du monde de la Grâce, comme Il est le
Cœur et la Vie du monde de la Gloire.
N'est-ce point l'Amour de Jésus qui, en constituant Son Église
militante, a sauvegardé la foi des chrétiens, au moyen de
l'infaillible papauté et de la sainte hiérarchie des pasteurs ?
N'est-ce pas Lui Qui a fondé le sacerdoce et Qui nous envoie nos
prêtres, c'est-à-dire nos sauveurs, nos directeurs, nos gardiens,
nos pères spirituels, nos vrais consolateurs ? Si nous avons la foi
véritable, si nous sommes chrétiens, à qui le devons-nous, sinon à
l'Amour, au Sacré-Cœur de Jésus-Christ ? C'est Lui, lui seul, Qui
dans les sacrements de l'Église a épuisé pour ainsi dire toutes
les merveilles, toutes les inventions de l'infinie miséricorde. Quel
trésor d'amour que le baptême où Jésus, nous appliquant la
plénitude des mérites de son sacrifice, nous purifie, nous
sanctifie si gratuitement, qu'en recevant ce grand sacrement nous
n'avons pas même su que nous le recevions ! Quel est l'homme qui eût
été capable de trouver en son cœur une pensée pareille ? Quel
trésor de miséricorde que cet ineffable sacrement de pénitence, où
l'amour divin, sans rien sacrifier de son infinie sainteté, va bien
plus loin encore que dans le baptême, répand le pardon avec une
profusion éblouissante, et pardonne tout, pardonne toujours au vrai
repentir ! Ô Cœur adorablement bon de mon Sauveur ! Ô miséricorde
vraiment divine ! Quel trésor, quel trésor d'amour que cette
Eucharistie, appelée pour cette raison « le sacrement d'Amour » !
Là le Ciel s'unit à la terre ; là, sous ce voile de neige,
réside réellement et corporellement sur nos autels le Roi des Anges
et des Saints, le bon Jésus, le Cœur de Jésus. Il est au milieu de
nous, jour et nuit, sans souci de Sa propre gloire, ne cherchant que
notre cœur et notre bonheur. Il n'y a point de mère qui puisse
s'oublier autant pour son enfant. Et cependant, qu'est-ce que le
cœur d'une mère, sinon le synonyme de la tendresse, de l'amour, du
dévouement ? Le Cœur de Jésus est bien plus que cela pour sa
chère Église. Et que dire des autres sacrements ? Que dire de
l'Évangile ? De l'Écriture ? Des mille et une institutions de
charité et de miséricorde qui sont la couronne de la sainte Église
par toute la terre? Que dire des saintes indulgences et de tous les
autres trésors de la Grâce ? Tout cela, oui tout cela n'est que
le rayonnement de l'amour du Sacré-Cœur de Jésus. Ô
Seigneur ! Quelle grâce inestimable que d'être né et de
vivre dans le sein de votre Église ! C'est bien, en vérité,
être né et vivre dans votre divin Cœur, dans le sein de votre
Amour.
Enfin, l'Église souffrante du Purgatoire
est également pleine des flammes sacrées du Cœur de Jésus. Il est
vrai, c'est la sainteté de la Justice qui y domine ; mais l'Amour y
a aussi sa grande part. Car s'il n'y avait point de Purgatoire, le
Paradis demeurerait fermé à la plupart des hommes. N'est-ce pas en
effet une vérité de foi que «
rien de souillé ne saurait entrer dans le royaume des Cieux
(18)
» ? Et n'est-il pas également certain que, même parmi les
fidèles les plus fidèles, il n'y en a presque pas qui mènent une
vie assez pure, qui fassent une pénitence assez parfaite, pour
pouvoir, au moment de la mort, entrer au Ciel immédiatement et de
plain-pied ? Donc l'Église du Purgatoire doit tout entière et
son existence et son salut, et ses inébranlables, ses éternelles
espérances au Cœur miséricordieux de Jésus.
C'est en outre de ce très bon Cœur
que partent toutes les consolations qui tempèrent les expiations
des fidèles du Purgatoire. C'est lui, c'est Jésus qui leur
envoie sa sainte Mère comme consolatrice, et qui excite
incessamment dans les cœurs des fidèles de la terre ce zèle si
charitable et si ardent pour soulager d'abord, puis pour délivrer
ces pauvres âmes, au moyen de la Messe, de la communion, des
indulgences, des aumônes et de toutes les bonnes œuvres
catholiques. .
Tel
est donc l'amour infini de Notre Seigneur envers son Église, soit au
Ciel, soit sur la terre, soit au Purgatoire.Tel est son adorable
Cœur, d'où partent et reviennent, pour s'y reposer éternellement,
toutes les créatures qui ont le bonheur de connaître le vrai Dieu,
de l'adorer, de l'aimer et de le servir.
XVII.
Que le divin Cœur de Jésus est également une fournaise d'amour à
l'égard de chacun de nous.
Ce
que Notre-Seigneur est pour tous ses fidèles en général, ce qu'il
a fait pour tous, Il l'est, Il le fait pour
chacun d'eux en particulier. Chacun de nous est, pour ainsi
parler, le monde abrégé de Jésus, l'abrégé de son Église,
l'abrégé de sa création naturelle et surnaturelle.
Or je puis résumer en deux paroles ce
que le Fils de Dieu fait ainsi pour moi, ce qu'Il fait pour chacun de
nous individuellement : Il me retire d'un abîme de maux,
et Il ouvre devant ma fidélité un monde de biens et
de bonheurs. Le péché originel m'a fait naître dans un état
surnaturel de dégradation et de mort, dont mon esprit ne peut même
concevoir l'horreur : j'étais « enfant
de colère (19) »,
selon la redoutable expression de l'Écriture ; j'étais l'ennemi de
mon Dieu et l'objet de sa malédiction. J'étais excommunié de la
très Sainte Trinité, anathématisé du Père et du Fils et du
Saint-Esprit, séparé de la compagnie des Anges, banni de la maison
de mon Père céleste, exclu du Paradis, destiné à l'enfer,
condamné aux flammes dévorantes du feu éternel, asservi à
l'horrible tyrannie de Satan ; et cela, pour jamais, sans
espérance d'aucun secours. J'étais perdu sans remède. J'étais
dans le péché,
c'est-à-dire dans le mal des maux, dans la cause unique de
tous les maux qui désolent la terre et l'enfer, le temps et
l'éternité. Oh ! Quel gouffre que le péché !
Sans
être infini en la créature qui le commet et qui n'est point capable
de l'infini, il est cependant en lui-même un mal véritablement
infini, parce qu'il viole la sainteté de Dieu, qui est infinie,
parce qu'il offense une Majesté, une Bonté, une Puissance, une
Sagesse infinies ; et voilà pourquoi il mérite en stricte justice
une peine infinie, au moins quant à la durée. Pour l'expier
dignement et pleinement, il faut une Victime d'une dignité infinie,
c'est-à-dire divine. Quand même tous les Anges, tous les Séraphins
et toutes les Vertus des Cieux viendraient à s'incarner et à
souffrir et à mourir ; quand même tous les Saints, depuis le
commencement jusqu'à la fin du monde, mettraient en commun leurs
mérites si magnifiques, leurs prières, leurs pénitences, leurs
larmes, leurs saintes œuvres ; quand même tous verseraient jusqu'à
la dernière goutte de leur sang ; quand même — ô prodige ! —
la très sainte et immaculée Vierge Marie offrirait à Dieu les
ineffables mérites de sa vie et de sa mort, le gouffre du péché
resterait toujours béant, le côté par où il est infini ne pouvant
être comblé par les efforts d'aucune créature. L'abîme du
péché n'est autre en effet que l'abîme de l'enfer.
Donc,
si mon Sauveur très miséricordieux, très bon, mille fois béni, ne
s'était point fait homme pour venir me sauver ; s'Il n'avait point
pleuré et souffert pour moi misérable ; si Son Sacrifice divin
n'avait point racheté ma mort, ma mort éternelle, aucune créature,
au Ciel et sur la terre, n'aurait pu me retirer du gouffre du péché,
me délivrer de la mort et de l'anathème, ni même me rafraîchir au
moyen de cette goutte d'eau que le mauvais riche (qui n'est autre
chose qu'un pécheur) demande en vain depuis si longtemps. Cependant,
par un bonheur incompréhensible, je me vois tiré de cet abîme du
malheur. À qui le dois-je ? À qui ? Ô Jésus ! Vous le savez :
c'est à vous seul ! Oui, c'est votre Amour infini,
c'est votre Sacré-Cœur, organe et foyer de cet Amour
; c'est la Bonté immense, l'infinie Miséricorde
et l'Amour incomparable de votre Cœur qui m'ont sauvé! Les flammes sacrées de votre Cœur m'ont rendu la vie et ont
éteint les flammes de mon affreux enfer. Et cela, vous l'avez
fait gratuitement, et plus que gratuitement, puisque je n'étais
pas seulement devant vous comme un néant de mérites, mais comme un
réprouvé, tout souillé de mal, horrible et infect. Quelle grâce,
mon Dieu ! Quel mystère d'amour !
Et
ce que Jésus-Christ a fait pour moi en m'admettant au baptême, Il
l'a renouvelé surabondamment mille et mille fois ; Il le renouvelle
incessamment au sacrement de la pénitence, me pardonnant toujours ;
oui, toujours, toujours ; me pardonnant tout ; ne se lassant jamais !
Il ne sait se venger que par le pardon. Voilà ce qu'a fait
pour moi le Cœur de mon Jésus. «
Que lui rendrai-je en actions de grâces ? Je prendrai le calice du
salut (20)
» et j'offrirai à mon céleste Bienfaiteur un remerciement digne
de Lui.
Un
jour sainte Thérèse, priant devant le Saint-Sacrement, se trouvait
comme écrasée sous le poids des miséricordes divines, et elle
ressentait une grande angoisse de ne pouvoir les reconnaître comme
il fallait. Une voix sortit alors du Tabernacle, et lui dit : « Fais
célébrer la Messe ; cela suffit. » Et moi aussi, je prendrai,
pour vous l'offrir en actions de grâces infinies,
le Sang de ce même sacrifice qui m'a racheté et qui m'a
sauvé. Recevez-le, Seigneur Jésus, comme vous avez reçu, dans
le sein de votre Père, le sacrifice d'Abel, et ne permettez pas
que je perde jamais par mon infidélité le fruit de votre Passion et
de votre mort ?
XVIII.
Que cet amour du Rédempteur ressort merveilleusement de tous les
biens dont son Cœur nous a comblés.
La
miséricorde de Notre-Seigneur m'a arraché au péché et à l'enfer.
Mais ce n'est là que le côté négatif de ce que Son Amour infini a
daigné faire pour moi : le côté positif, le bien qu'Il m'a mérité,
est mille fois plus précieux encore. S'Il m'a délivré de tout mal,
c'était pour me donner tout bien. Oui, tout bien ; car, avec Son
Ciel, avec Sa Béatitude et
Son Éternité, Il Se
donne Lui-même à moi ; et comme Il le disait à
sainte Angèle de Foligno, Il est « le Tout-Bien ».
Quel
bien, dites-moi, que la possession du Ciel, c'est-à-dire du Bonheur
parfait et éternel, de la Joie parfaite et éternelle, de l'Amour
parfait et éternel ? Le Ciel, c'est le sein de Dieu, dans lequel
la créature déifiée se trouve plongée avec Jésus-Christ, par
Jésus-Christ et en Jésus-Christ, dans l'Océan de la
Lumière divine et de l'éternelle Béatitude.
Le Ciel, c'est l'Amour devenu notre vie, notre état, notre
atmosphère, notre tout. Plus de craintes, plus d'obscurités,
plus de privations, plus de défaillances, plus de séparations, plus
de larmes, plus de souffrances ; mais au contraire la surabondance
incommensurable, immuable de tous les biens, soit de l'esprit, soit
du cœur, soit des sens. Avec Jésus, avec Marie, avec les
bienheureux Séraphins, avec les Chérubins, les Archanges et les
saints Anges, avec tous les Saints, avec tous les élus, voir Dieu
face à face, posséder Dieu tout entier, jouir de Dieu, être rempli
de la paix et de la joie de Dieu ; et cela, à tout jamais, sans
inquiétude, sans possibilité de perdre une seule petite goutte de
cet océan de bonheur. Ô mon Dieu, mon Dieu, quelle
perspective ! Quel bonheur, quel bien d'être éternellement le
compagnon des Anges, de vivre de la vie des Anges, d' être revêtu
de la gloire des Anges, de jouir de la félicité des Anges ; en un
mot, d'être « semblable aux Anges (21) » ! Quel bonheur et
quel bien d'être pour toujours au rang des Fils de Dieu, d'être
éternellement les membres glorifiés du Fils unique de Dieu, ses
cohéritiers et ses frères (22) ! Quel bien, quel bonheur d'être,
avec Jésus, rois d'une royauté éternelle, et de posséder le même
royaume que le Père de Jésus a donné à son Fils ! Et de s'asseoir
à sa table, avec Marie, avec tous les élus ! Quelle gloire d'être
revêtu du céleste manteau de lumière (23), de l'habit royal et
glorieux du Roi des rois ! Au Ciel, nous siégerons sur un même
trône avec le souverain Monarque de la terre et des cieux (24) ;
nous reposerons avec notre Sauveur dans le sein et dans le cœur
adorable de son divin Père (25) ; nous serons les maîtres de
tous les biens de Dieu (26). Enfin nous serons tous
transformés en Dieu (27), c'est-à-dire remplis et pénétrés
de toutes les perfections de Dieu ; plus intimement que le fer plongé
dans la fournaise n'est revêtu et pénétré des qualités du feu.
En Jésus-Christ, nous ne ferons plus qu'un avec Dieu, non par
unité, mais par union ; ce que Dieu est, par nature et par essence,
nous le serons par grâce et par participation.
Ô
Seigneur, quel bien, quel bonheur que le Ciel ! Et encore tout ce que
j'en connais n'est rien en comparaison de la réalité. C'est
vous-même qui me l'avez dit : « L'œil de l'homme n'a point vu, son
oreille n'a point entendu, son esprit ne saurait comprendre ce que
Dieu réserve à ceux qui l'aiment (28) ! »
Or,
l'immensité inconnue de ce céleste, de cet incompréhensible
trésor, à qui le dois-je ? À l'Amour miséricordieux et infini du
Cœur de mon Sauveur. En se donnant Lui-même à moi, Il m'a donné
tout ce qu'Il a sur la terre : Son Église, Son vicaire, Sa vérité,
Ses sacrements, Son Eucharistie, Son Corps et Son Sang, Sa Mère, Sa
sainte croix, toutes Ses grâces, toutes Ses richesses spirituelles :
et dans le Ciel, Il m'attend pour être Lui-même ma béatitude et
mon incommensurable récompense. Grâces donc, grâces infinies au
Cœur de mon Dieu, pour ses dons inénarrables (29) ! Oui, j'ai
tout en Jésus-Christ ; et son Sacré-Cœur, où je
repose si je Lui suis fidèle, est l'abîme de tout
bien, qui m'arrache à l'abîme de tout mal.
Ô
bon Jésus ! pardonnez à tous ceux qui ne Vous aiment pas. Hélas!
que leur nombre est grand !
N'est-il
pas vrai que, même dans les pays chrétiens, quantité d'hommes
traitent cet adorable Sauveur comme s'ils n'avaient rien reçu de Lui
? N'est-il pas vrai qu'ils Le traitent presque en ennemi, L'oubliant,
Le blasphémant, négligeant Son service, se moquant de Ses prêtres,
de Son vicaire, de Sa sainte Église, riant de la confession,
raillant Son Eucharistie, allant même quelquefois jusqu'à outrager
grossièrement Sa très sainte Mère ?
Et
cependant qu'aurait-il pu faire de plus (30) pour leur témoigner son
amour ? « S'il était possible, disait-il un jour à sainte
Brigitte, s'il était possible que Je souffrisse les tourments de Ma
Passion autant de fois qu'il y a d'âmes dans l'enfer, Je les
souffrirais très volontiers. »
Et
en retour, la plupart de ceux qu'Il a rachetés et qu'Il a enrichi de
ses dons Le crucifient de nouveau. Oui, ils Le crucifient ; car
quiconque pèche mortellement « crucifie de nouveau en soi-même le
Fils de Dieu ; il Le foule aux pieds ; il méprise le Sang de
l'alliance, dans lequel il a été lavé et sanctifié (31). » Ô
mon Dieu ! Si le dernier de tous les hommes vient à nous témoigner
quelque attachement, s'il nous rend le moindre service, nous ne
pouvons nous empêcher de l'aimer ; que dis-je ? Si un animal, si un
pauvre chien s'attache à nous et nous est quelque peu utile, nous
l'aimons. Et notre bon Dieu, qui est notre Créateur, notre
miséricordieux Rédempteur, notre très fidèle ami, notre très bon
frère, notre trésor, notre gloire, notre souverain bien, notre vie,
notre cœur, et qui est tout Cœur et tout Amour pour nous, nous ne
l'aimerions pas ?
XIX.
Que le sacré-Cœur de Jésus nous aime comme Son Père L'aime
Lui-même.
Le
jour même de l'institution de l'Eucharistie, étant encore dans le
Cénacle, Notre Seigneur a dit à ses disciples une parole bien
étonnante. Elle est sortie comme une flamme ardente du fond même de
son Cœur. « Je vous aime (32) », dit-il. » Arrêtons-nous.
Pesons bien cette parole : « Je vous aime. » Oh! qu'elle est douce
! qu'elle est douce sur les lèvres du souverain Seigneur de
l'univers, du Maître de l'éternité ! Oh! qu'elle est bonne et
consolante ! « Je vous aime, » dit notre bon Jésus.
Si
un grand roi daignait entrer un jour dans la chaumière du dernier de
ses sujets pour lui dire : « Je t'aime ; je viens ici exprès pour
te le dire », quelle joie pour ce pauvre homme ! Si un Ange du Ciel
ou un Saint, si même l'Immaculée Vierge Marie, Reine des Saints,
daignait apparaître tout à coup à quelque pauvre pécheur, et lui
dire publiquement, en présence de tous : « Je t'aime, et mon cœur
est à toi », quels transports ! Quels ravissements pour ce pécheur
!
Or,
voici infiniment davantage ; voici le Roi des rois, le Saint des
Saints, le souverain Seigneur du Ciel, qui est descendu du Ciel
exprès, et qui est venu ici-bas pour nous dire, à nous, pauvres
pécheurs : « Je vous aime, ego dilexi vos. Ego, Moi
qui suis le Créateur de toutes choses ; Moi qui gouverne tout
l'univers ; Moi qui possède tous les trésors du Ciel et de la terre
; Moi qui fais tout ce que Je veux, et à la volonté Duquel personne
ne peut résister, Je vous aime ! »
Ô
mon bon Sauveur ! quelle consolation ! Ne serait-ce pas déjà
beaucoup de nous avoir dit : « Je pense à vous quelquefois. Je
jette les yeux sur vous une fois tous les ans. J'ai quelques bons
desseins sur vous ? » Mais non ; Vous voulez nous assurer que Vous
nous aimez, et que Votre divin Cœur est plein de tendresse pour
nous; pour nous, dis-je, qui ne sommes rien ; pour nous, vers de
terre, misérables ingrats qui Vous avons crucifié, et qui avons
tant de fois mérité l'enfer !
Mais
de quelle manière cet adorable Cœur du Sauveur nous aime t-il ?
écoutez : « Je vous aime comme mon Père m'aime (33) ; Je vous aime
du même Cœur, du même amour dont Je suis aimé de mon Père. » Et
quel est cet amour dont ce divin Père aime son Fils ? C'est un amour
qui a quatre grandes qualités, lesquelles se retrouvent par
conséquent dans l'amour de Jésus envers nous.
D'abord,
c'est un Amour infini, c'est-à-dire sans
bornes, sans limites et sans mesure ; amour incompréhensible et
inénarrable ; amour aussi grand que l'essence même de Dieu.
Mesurez, si vous le pouvez, l'étendue et la grandeur de l'essence
divine, et vous mesurerez la grandeur de l'amour du Père pour son
Fils Jésus ; alors seulement, vous pourrez mesurer la grandeur et
l'étendue de l'amour de Jésus pour nous.
En
second lieu, l'amour du Père pour son Fils est un Amour
éternel. L'éternité, c'est la durée de ce qui est sans
variation, sans changement, c'est ce qui dure toujours, sans
commencement, sans fin. Ô Jésus, Verbe éternel ! Voilà bien
l'amour que vous méritez, et qui compense absolument les défections
dans l'amour de toutes vos créatures, soit rebelles, soit simplement
faibles, languissantes, inconstantes. Or, c'est de ce même amour
éternel dont Jésus est aimé de son Père, que nous avons le
bonheur d'être aimés de Jésus ; car, il ne faut pas l'oublier,
en Son Incarnation et tout revêtu qu'Il est d'une humanité
véritable, Jésus-Christ demeure la seconde Personne de la Trinité,
la Personne éternelle du Fils unique de Dieu. Il nous aime donc d'un
amour véritablement éternel. L'éternité ne sera pas de trop pour
rendre amour pour amour, un amour sans fin pour un amour éternel.
Et
dans le temps, que faisons-nous ? Aimons-nous Jésus-Christ ?
Hélas ! Ne perdons-nous pas ce précieux temps, semence de
l'éternité, à aimer la terre et les bagatelles de la terre ?
Quelle ingratitude!
En
troisième lieu, l'amour du Père céleste pour son Fils est un
Amour universel, c'est-à-dire un Amour qui remplit
tous les cœurs du Ciel et de la terre. Cet amour remplit le Ciel ;
car le Père aime Jésus par les cœurs de tous les Anges et de
tous les Bienheureux. Il remplit la terre ; car c'est encore Lui
qui aime Jésus-Christ par les cœurs de tous les fidèles. En
effet, qu'est-ce au fond que ce divin amour du Père pour le Fils, et
du Fils pour le Père, sinon l'Amour substantiel et
personnel, l'Esprit d'amour, le Saint-Esprit ? C'est de ce
même Amour que mon Sauveur daigne m'aimer. C'est
ce même Esprit qui nous a été donné à tous, et qui répand ce
même Amour dans tous nos cœurs (34). Jésus m'aime par le cœur
et dans le cœur de la Sainte-Vierge, de saint Joseph, de chacun de
ses Anges, de chacun de ses Saints. Quelle immensité ! Il
m'aime par le cœur et dans le cœur de tous les membres de son
Église, à commencer par le pape, par mon évêque, par tous les
prêtres qui aiment et soignent mon âme, par tous ceux qui prient
pour moi, et qui me font du bien. Ce n'est pas tout : par un effet de
cet admirable et universel Amour, Il défend à tous les hommes, sous
peine de péché et de damnation, de nuire, ni à mon âme, ni à mon
corps, ni à ma réputation, ni à mes biens. Et de plus, Il commande
à tous les hommes d'être vraiment des frères pour moi, en m'aimant
comme eux-mêmes. Est-il possible d'étendre plus loin la sollicitude
de l'amour ? Et ainsi, comme le dit saint Augustin, « le Ciel et la
terre et tout ce qu'ils renferment ne cessent de me dire que je dois
aimer mon Dieu » (35). Il m'aime partout ; et moi, ingrat, je
L'offense partout ! Ah ! Ne le permettez plus, ô très bon Sauveur !
Faites au contraire, que je Vous aime et bénisse partout.
Enfin,
l'Amour du Père pour le Fils est un Amour essentiel
et total, c'est - à - dire un Amour de tout Lui-même.
Ce divin Père aime son Fils Jésus de tout ce qu'Il est, étant tout
Cœur et tout Amour pour Lui. L'amour que daigne nous porter
Jésus-Christ est également un Amour essentiel, un Amour total ; Il
nous aime de tout ce qu'Il est, de tout ce qu'Il
a. Tout ce qui est en Lui, Sa divinité, Son humanité, Son âme,
Son corps, Son sang, toutes Ses pensées, Ses paroles, Ses actions,
Ses privations, Ses humiliations, Ses souffrances, Sa vie, Sa mort,
Ses mérites, Sa gloire ; en un mot, tout en Lui est employé à nous
aimer. Par-dessus tout, il emploie son Sacré Cœur à nous aimer ;
et Il a déclaré à plusieurs Saints, en particulier à la célèbre
sainte Brigitte, dont les révélations jouissent d'un si grand
crédit dans l'Église, que sur la Croix ce Cœur adorable s'était
brisé sous la pression de la douleur et de l'amour.
Mon
Cœur — lui dit Jésus — était plongé dans un océan de
souffrances. Je vis Ma Mère et ceux que J'aimais accablés par
l'affliction ; sous la violence et sous l'effort de la douleur, mon
Cœur se rompit; et ce fut alors que mon âme se sépara de mon
corps.
Grand
Dieu ! Et c'est pour moi que se sont accomplies ces divines
merveilles ; cet « excès » (36), dont Moïse et Élie
s'entretenaient avec Jésus glorifié sur le Thabor, c'est moi, moi
très indigne pécheur, qui en suis l'objet ! Jésus-Christ m'aime
comme L'aime son Père, du même Amour
dont Il est aimé de son Père, d'un Amour
infini, éternel, universel, essentiel ! Quand donc ouvrirai-je
les yeux pour ne plus perdre de vue l'amour que me porte mon Sauveur
? N'aimerai-je donc point de tout mon cœur ce bon Jésus, Qui daigne
tant m'aimer, et Qui, pour être plus sûr encore d'obtenir mon cœur,
me promet une éternité de béatitude si je consens à Lui
rendre amour pour amour ? Et, comme si ce n'était pas encore
assez, Il me menace des feux éternels de l'enfer si je me refuse à
L'aimer.
Jésus
! Je veux donc Vous aimer désormais comme vous m'aimez : totalement,
sans restriction, véritablement, de tout mon cœur.
Ayez
compassion de ma faiblesse, qui me fait si souvent défaillir dans
cette volonté pourtant bien sincère. Je prie la Sainte-Vierge de
m'aider à vous être désormais constamment et pleinement fidèle.
(…)
Notes
(1)
“Fornax ardentissimæ caritatis ad inflammandum et incendendum
orbem terrarum.” (Sermon de Passione Domini, part. II,
tit. 1.)
(2)
“Sicut dilexit me Pater, et ego dilexi vos.” (Jean
5, 9).
(3)
“Et requiescet
super Eum Spiritus Domini : Spiritus sapientiæ et intellectus,
Spiritus consilii et fortitudinis, Spiritus scientiæ et pietatis, et
replebit Eum Spiritus timoris Domini.” (lsaïe
11, 2).
(4)
“Fructus autem
Spiritus est : caritas, gaudium, pax, patientia, benignitas, bonitas,
longanimitas, mansuetudo, fides, modestia, continentia, castitas.”
(Galates 5, 22)
(5)
“Pontifex
sanctus, innocens, impollutus (...), et excelsior cœlis
factus” (Hébreux 7, 26).
“Habentes ergo
Pontificem : qui penetravit cœlos, Jesum
Filium Dei.”
(lbid. 4, 14).
(6)
“Lætus obtuli
universa.” (1
Chroniques 19, 17)
(7)
“Angelus stetit
ante Altare, habens Thuribulum aureum : et data sunt illi
incensa multa, ut daret de orationibus sanctorum omnium super
Altare aureum, quod est ante Thronum Dei.”
(Apocalypse 5, 3)
(8)
“Offerre illi
incensum dignum, in odorem suavitatis
(Ecclésiaste 45, 16)
(9)
“Ego sum Vita.” (Jean
11, 25 ; 14, 6)
(10)
“Anima enim omnis carnis in sanguine est.” (Lévitique
17, 11.14)
(11)
“Una est columba mea.”
(Cantique des Cantiques 6, 8)
(12)
“Dominum Deum tuum adorabis”
(Matthieu 4, 10 ; Luc 4, 8). “Diliges Dominus Deum
tuum ex toto corde tuo, ex tota anima tua, ex tota fortitudine tua”
(Deutéronome 6, 6 ; Matthieu 22, 37 ; Marc 12, 30 ;
Luc 10, 27).
(13)
“In Jerusalem
potestas mea.”
(Ecclésiaste
24, 15)
(14)
“Data est tibi
omnes potestas in cœlo et in terra.”
(S. Pierre Damien)
(15) “Exemplum dedi vobis, ut
quemadmodum ego feci, ita et vos faciatis.” (Jean, 13, 15.)
(16) “Non mea voluntas, sed tua fiat
!” (Luc 22, 42)
(17) “Crucifige, crucifige eum. (…)
Non habemus regem nisi Cæsarem.” (Jean 19, 6.15)
(18) “Non intrabit in eam aliquod
coinquinatum [aut abominationem faciens et mendacium, (...).”
(Apocalypse 21, 27).
(19) “Eramus natura filii iræ.”
(Éphésiens 2, 3)
(20) “Quid retribuam Domino pro
omnibus quæ retribuit mihi ? Calicem salutaris accipiam.”
(Psaume 115, 12-13)
(21) “Erunt sicut Angeli Dei in
cœlo” (Matthieu 22, 30). “Sunt sicut Angeli in cœlis”
(Marc 12, 25). Æquales enim Angelis sunt” (Luc 20, 36)
(22) “Ipse enim Spiritus testimonium
reddit spiritui nostro, quod sumus filii Dei. Si autem
filii, et hæredes ; hæredes quidem Dei, cohæredes autem Christi.”
(Romains 8, 17)
(23) “Et ego dispono vobis sicut
disposuit mihi. Pater meus regnum, ut edatis et bibatis super mensam
meam in regno meo” (Luc 22, 29). “Caritatem
quam dedisti mihi, dedi eis. (Jean 17, 22)”
(24) “Qui vicerit, dabo ei sedere
mecum in throno meo.” (Apocalypse 3, 21)
(25) “Pater, quos dedisti mihi, volo
ut ubi sum ego, et illi sint mecum” (Jean 17, 24). “Unigenitus
Filius, qui est in sinu Patris.” (Ibid. 1, 18)
(26) “Amen dico vobis : super
omnia bona sua constituet eum.” (Matthieu 24, 47)
(27) “Nos vero omnes, revelata facie
gloriam Domini speculantes, in eamdem imaginem transformamur
a claritate in claritatem, tamquam a Domini spiritu.” (2
Corinthiens 3, 17)
(28) “Oculus non vidit, nec auris
audivit, nec in cor hominis ascendit quæ præparavit Deus
iis qui diligunt illum.” (l Corinthiens 2, 9)
(29) “Gratias Deo
super inenarrabili dono ejus.” (2 Corinthiens 10, 15)
(30)
“Quid est quod debui ultra facere vineæ meæ et non feci ?”
(Isaïe 5, 4)
(31) “Rursum crucifigentes
sibimetipsis Filium Dei” (Hébreux 6, 6). “Quanto magis
putatis deteriora mereri supplicia qui Filium Dei conculcaverit, et
sanguinem testamenti pollutum duxerit, in quo sanctificatus est et
spiritui gratiœ contumeliam fecerit” (Ibid. 10, 29).
(32) “Ego dilexi vos.”
(Jean 13, 34 ; 15, 9.12)
(33) “ Sicut dilexit me
Pater.” (Ibid. 15, 9)
(34) “Caritas Dei diffusa est in
cordibus nostris per Spiritum Sanctum qui datus est nobis.”
(Romains 5, 5)
(35) “Cœlum et terra, et omnia quæ
in eis sunt, non cessant mihi dicere ut amem Deum.”
(36)
“Moyses et Ellas (...)
dicebant excessum ejus, quem completurus erat in Jerusalem”
(Luc 9,
31). [En grec : “τὴν
ἔξοδον αὐτοῦ” (tèn exodos autou), c’est-à-dire
son départ, sa sortie, son sort final]
Référence
Mgr
Louis-Gaston de Ségur, Le
Sacré-Cœur de Jésus, 10e
éditions, Tolra, Paris, 1876 [1ère édition : 1872], p. 54-112.
Source de l'image : https://www.romeartlover.it/Vasi135o.jpg.