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11 octobre 1961 - Place S. Pierre, Vatican - Peter Geymayer
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[Disponible
en ligne sur :
<https://laportelatine.org/wp-content/uploads/2020/07/reponses_dubia.pdf>,
consultée le 3 août 2021. La
version française des passages en latin sont le fait de l’auteur
de ce blogue.
Le
6 novembre 1985, Mgr
Marcel Lefebvre avait remis à la Congrégation pour la Doctrine de
la foi 39 Dubia
(doutes) à propos de la Déclaration conciliaire Dignitatis
Humanae sur la liberté religieuse.
Le
9 mars 1987, le Cardinal
Ratzinger, préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la foi,
transmettait à Mgr
Lefebvre la
réponse de cette Congrégation
:]
À
la demande de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, j’ai
étudié avec attention un ample dossier élaboré par S.E. Mgr
Lefebvre, dans lequel sont présentes un certain nombre de dubia
sur la possibilité de concilier la doctrine sur la liberté
religieuse du Concile Vatican II et le Magistère antérieur.
Déjà,
dans les diverses phases de l’élaboration de la Déclaration
Dignitatis
humanae,
cette question avait été très présente et le texte définitif de
la Déclaration lui-même, dans son préambule, affirme expressément
que « ce Concile du Vatican scrute la tradition sacrée et la sainte
doctrine de l’Église d’où il tire du neuf en constant accord
avec le vieux » (n. 1). De même, par la suite, de nombreuses études
théologiques, en commentant la Déclaration conciliaire, ont voulu
montrer de quelle manière l’indiscutable nouveauté que
représentait ce document était en continuité et en harmonie avec
le Magistère antérieur (1).
Cependant,
pour répondre aux questions posées par Mgr Lefebvre, il
n’a pas paru suffisant de s’en remettre à la bibliographie déjà
existante, et la réalisation d’une étude plus détaillée dont on
exposera les résultats dans les pages suivantes a été jugée
nécessaire.
I.
PRÉSENTATION DES « DUBIA » DE Mgr LEFEBVRE
Les
dubia
exprimés dans le Mémoire de Mgr
Lefebvre sont des formulations diverses d’une unique question : la
perspective générale et les affirmations particulières de
Dignitatis
humanae
sont-elles conciliables avec le Magistère antérieur ?
En
réalité ils semblent exprimer, sur un mode dubitatif, une profonde
conviction selon laquelle le Concile Vatican II et le Pape Paul
VI
n’auraient fait que donner leur aval à des « valeurs libérales
(telle que la liberté religieuse) », qui seraient en réalité «
incompatibles avec la vision de la personne et de la cité » telle
que l’ont défendue, sous peine de condamnation, les Papes du
XIXème
siècle et du début du XXème.
Cette
conviction fait l’objet d’un essai de justification dans l’exposé
préliminaire soulignant fortement l’idée de la Royauté du Christ
et de la subordination indirecte du temporel au spirituel.
Trois
points en particulier sont imputés au Concile :
1.
La
dignité de la personne humaine, telle que le présente Dignitatis
humanae,
consisterait uniquement en sa seule nature, indépendamment de son
adhésion à la vérité et au bien. En conséquence, le Concile
admettrait une liberté morale pour l’erreur ou le mal, voire un
droit à répandre de fausses doctrines.
2.
Dans cette perspective, la vérité serait elle-même relative : «
La vérité n’est plus une, la religion catholique n’est plus la
seule vraie », les autres religions comportent des « valeurs de
salut», une « signification dans le mystère du salut, elles sont
des voies différentes pour parvenir à Dieu ».
3.
Dès
lors on encouragerait également par principe l’agnosticisme et
l’indifférentisme religieux de l’État : celui-ci peut agir
indépendamment de l’Église et mettre celle-ci sur le même plan
que les autres religions (religions erronées). Comme tel, l’État
n’a pas à honorer Dieu par le culte de la vraie religion ni donc à
reconnaître la religion catholique comme étant la religion de
l’État, à
en favoriser positivement le bien dans l’ordre temporel, à lui
prêter le secours du « bras séculier » contre les perturbateurs
de l’ordre de l’Évangile et du Règne du Christ. Les Dubia
demandent aussi, si Dignitatis
humanae
(en particulier son n. 13) n’exclut pas une protection particulière
de l’Église catholique de la part de l’État, contrairement à
l’enseignement de Léon XIII
sur la reconnaissance et la faveur spéciale dues par l’État à la
vraie religion.
En
dehors de ces points généraux, les Dubia
s’interrogent sur le « parallélisme troublant » qui ressort de
la comparaison de diverses propositions condamnées par Pie IX dans
l’Enc. Quanta
cura
avec des affirmations correspondantes de Dignitatis
humanae.
II.
PRÉSENTATION DE CETTE RÉPONSE AUX « DUBIA »
1.
Étant donnés les nombreux aspects impliqués dans les dubia,
chacun d’eux donnerait lieu à une exposition de pratiquement toute
la doctrine sur la liberté religieuse, avec de nombreuses et
inévitables répétitions. De plus, une tentative de centrer chaque
réponse sur l’aspect plus directement impliqué dans chaque
dubium, pourrait, dans de nombreux cas, se révéler
insuffisante. Fréquemment, en effet, les dubia contiennent
des nuances apparemment secondaires, mais qui sont déterminantes
pour que la réponse soit affirmative ou négative.
2.
En conséquence, non seulement pour des raisons de brièveté (afin
d’éviter des répétitions) mais par dessus tout pour des raisons
de clarté et de rigueur d’exposition, on a préféré donner une
réponse détaillée aux points fondamentaux mentionnés
antérieurement. Dans la mesure où ces points seront clarifiés, il
est certain que le seront également les autres aspects des dubia,
puisqu’il s’agit de conséquences des points fondamentaux
précédents. Cependant, à cause des étroites relations qui
existent entre ces points fondamentaux, on ne pourra pas toujours
éviter certaines répétitions.
3.
L’étude, longue et méticuleuse, dont ces pages sont le résultat,
a été réalisée avec la profonde conviction de fait que le
problème proposé nécessite l’application de tous les critères
traditionnels en matière d’interprétation des textes du Magistère
(2), en particulier, de la considération de leur contexte
historico-doctrinal et de leur finalité. Cependant, ceci ne peut
nous faire oublier que, fréquemment, les Pontifes Romains, dans les
questions qui nous occupent, comme dans tant d’autres, à
l’occasion d’erreurs ou de situations contingentes, ont émis des
enseignements qui dépassent cette contingence, des enseignements
plus généraux, de valeur permanente, indépendamment des
circonstances historiques. Cependant, même dans ces cas, la
connaissance de ces circonstances peut être nécessaire afin de
comprendre le contenu exact de l’enseignement proposé.
4.
De plus, dans l’étude de ces questions, il sera nécessaire de
tenir [sic] également en compte le fait que, comme l’on sait, la
Tradition de l’Église, de laquelle le Magistère est un organe et,
à la fois, l’interprète authentique, est une réalité vivante.
Cette Tradition n’est pas une simple répétition, mais comporte un
développement doctrinal dans
la continuité, comme le prouve amplement l’histoire de
l’Église (3). Le fait que sur la question de la liberté
religieuse, l’enseignement du Concile Vatican II représente
indubitablement une certaine nouveauté par rapport au Magistère
antérieur, n’est pas un problème s’il s’agit d’une
nouveauté qui s’inscrit dans cette réalité du «développement
dans la continuité ».
III.
RÉPONSE AUX POINTS FONDAMENTAUX
1.
Liberté religieuse et dignité humaine
Selon
la Déclaration Dignitatis
humanae
(ci-dessous, DH)
:
«
Le droit à la liberté religieuse a son fondement réel dans la
dignité même de la personne humaine telle que l’ont fait
connaître la Parole de Dieu et la raison elle-même.» (DH,
2/a)
[“Insuper
declarat ius ad libertatem religiosam esse revera fundatum in ipsa
dignitate personae humanae, qualis et verbo Dei revelato et ipsa
ratione cognoscitur.”]
«
Ce n’est donc pas sur une disposition subjective de la personne,
mais sur sa nature même, qu’est fondé le droit à la liberté
religieuse. » (DH,
2/b)
[“
Non ergo in subiectiva personae dispositione, sed in ipsa eius natura
ius ad libertatem religiosam fundatur.”]
Pourquoi
la doctrine conciliaire, selon laquelle le fondement du droit à la
liberté religieuse se trouve dans la dignité objective de la
personne, fondée à son tour sur la nature humaine, serait-elle
incompatible avec la doctrine catholique traditionnelle, telle
qu’elle est exprimée par exemple dans l’affirmation suivante de
Léon XIII
:
«
Si l’intelligence adhère à des opinions fausses, si la volonté
choisit le mal et s’y attache, ni l’une ni l’autre n’atteint
sa perfection, toutes deux déchoient de leur dignité native et se
corrompent. Il n’est donc pas permis de mettre au jour et d’exposer
aux yeux des hommes ce qui est contraire à la vertu et à la vérité,
et bien moins encore de placer cette licence sous la tutelle et la
protection des lois. » (4)
[“Si
mens adsentiatur opinionibus falsis, si malum voluntas adsumat et ad
id se applicet, perfectionem sui neutra consequitur, sed excidunt
dignitate naturali et in corruptelam ambae delabuntur. Quaecumque
sunt igitur virtuti veritatique contraria, ea in luce atque in oculis
hominum ponere non est aequum: gratia tutela ve legum defendere,
multo minus.”]
En
premier lieu, il convient de noter que l’affirmation d’un droit à
la liberté religieuse fondé sur la dignité de la personne,
indépendamment de la vérité ou de l’erreur de la religion en
question, ne signifie pas une négation du fait que la connaissance
de la vérité et l’adhésion au bien soient partie intégrante de
la véritable dignité de l’homme.
En
effet, le texte de DH,
2 ne dit pas que la dignité de la personne humaine consiste
uniquement
en
la seule nature, indépendamment de son adhésion à la vérité et
au bien. Ce que l’on y affirme, c’est que le fait ontologique
d’être une personne comporte déjà une dignité qui, sur le plan
civil, exige entre autres choses, le droit à la liberté religieuse
telle qu’on l’entend dans DH
: “immunitas
a coercitione in societate civili” [« immunité
de
coaction
dans la société civile »]
(DH,
1)
Ainsi
que l’a enseigné Jean XXIII
:
«
Omnino errores ab iis qui opinione labuntur semper distinguere
aequum est, quamvis de hominibus agatur, qui aut errore veritatis,
aut impari rerum cognitione capti sint, vel ad sacra, vel ad optimam
vitae actionem attinentium. Nam homo ad errorem lapsus iam non
humanitate instructus esse desinit, neque suam umquam personae
dignitatem amittit, cuius nempe ratio est semper habenda » (5)
[«
Il est toujours parfaitement équitable de toujours faire la
différence entre les erreurs et ceux qui se trompent d’opinion,
même s’il s’agit d’hommes qui, à quelque degré que ce soit,
sont pris par l’ignorance de la vérité ou par une connaissance
inégale des choses qui tiennent soit aux mystères sacrés soit au
meilleur de la vie morale. En effet, l’homme tombé dans l’erreur
ne cesse pas, dès lors, de jouir de son humanité, et ne perd jamais
sa dignité personnelle, dont il faut naturellement tenir compte. »]
D’autre
part, il convient de noter que l’enseignement de Vatican II (dans
le texte considéré : DH,
2) est parfaitement conciliable avec l’enseignement de l’Église
sur les conséquences du péché originel. Le péché originel a
détruit la dignité surnaturelle et préternaturelle de l’homme
(basée sur la grâce et sur les autres dons surnaturels et
préternaturels), mais n’a pas détruit sa dignité naturelle ;
celle-ci fut simplement diminuée : “in
deterius commutata”
(6), comme la nature humaine elle-même. Pour cette raison, la
liberté de l’homme, qui est sans doute l’une des principales
manifestations de sa dignité ontologique, ne fut pas anéantie, mais
seulement débilitée (7).
En
outre, l’enseignement de Vatican II (DH,
2) est parfaitement conciliable avec l’enseignement de Léon
XIII déjà
cité. Comme il a été dit, la dignité de la personne présente
certains aspects fondamentaux qui ne peuvent disparaître ni à cause
du péché, ni à cause de l’erreur, et c’est à cette dignité
que se réfère DH,
2. Selon les mots de Saint Thomas d’Aquin, tout homme, même
pécheur, est image de Dieu et membre au moins potentiel du Corps du
Christ (8).
La
philosophie, aussi bien que le simple usage linguistique, montrent
qu’il existe également un autre sens de la dignité naturelle :
celui qui inclut la rectitude opérative des facultés naturelles :
l’adhésion de l’intelligence à la vérité et de la volonté au
bien. Il faut entendre dans ce sens l’affirmation de Léon XIII
selon laquelle, par l’adhésion à l’erreur et au mal, l’homme
perd la dignité naturelle de son intelligence et de sa volonté.
L’enseignement
de DH
sur la liberté religieuse ne contredit pas non plus la seconde
partie du texte de Léon XIII précédemment cité. En effet, le
droit à la liberté religieuse entendue comme immunité civile et
sociale de coaction en matière religieuse, n'implique aucun droit ni
autorisation de répandre l'erreur. Bien au contraire, DH
enseigne explicitement que tout homme a un devoir grave de chercher
et d'adhérer à la vérité et au bien :
«
La liberté religieuse (…) ne porte aucun préjudice à la doctrine
catholique traditionnelle au sujet du devoir moral de l’homme et
des sociétés à l’égard de la vraie religion et de l’unique
Église du Christ. » (DH,
1/c ; cf. aussi n° 2b)
[“[L]ibertas
religiosa (…) integram relinquit traditionalem doctrinam catholicam
de morali hominum ac societatum officio erga veram religionem et
unicam Christi Ecclesiam.”]
La
Commission Conciliaire correspondante, dans la réponse au second des
modi généraux, l’explique de cette manière :
«
Praeterea observetur
textum approbatum affirmare ius cuius obiectum est immunitas a
coercitione et non contentum alicuius religionis. Huismondi immunitas
ab ipsa dignitate personae exigitur. Nullibi affirmatur nec affirmare
licet (quod evidens est) dari ius ad erronem diffundendum. Si autem
personae errorem diffundunt, hoc non est exercitium
iuris, sed abusus eius. Hic abusus impediri potest et debet si ordo
publicus graviter laeditur, prout in textu pluries affirmatur et sub
n. 7 explicatur »
(9).
[«
En outre, on observera que le texte approuvé affirme un droit dont
l’objet est l’immunité de coaction, et non le contenu de quelque
religion. Une immunité de ce genre est exigée par la dignité même
de la personne. En nul endroit il n’est affirmé ou permis
d’affirmer (ce qui est évident) que l’on donne le droit de
répandre l’erreur. Mais si des personnes agissent ainsi, cela ne
correspondra pas à l’exercice de ce droit, mais à son abus. Cet
abus peut et doit être empêché si l’ordre public en est
gravement lésé, comme cela est affirmé dans le texte et expliqué
au n. 7. »]
Le
droit à la liberté religieuse — reconnu même à « ceux-là qui
ne satisfont pas à l’obligation de chercher la vérité et d’y
adhérer » (DH,
2) — ne contredit pas la doctrine catholique traditionnelle telle
que Pie XII
l’exprime en ces termes :
«
Ce qui ne répond pas à la vérité et à la loi morale n’a
objectivement aucun droit à l’existence, ni à la propagande, ni à
l’action » (10).
[« [C]iò
che non risponde alla verità e alla norma morale, non ha
oggettivamente alcun diritto nè all'esistenza nè alla propaganda,
nè all'azione. »]
En
effet, la doctrine de DH
ne contredit pas l’enseignement sur le « droit objectif » formulé
dans ce texte de Pie XII,
car DH,
2 se réfère à un droit civil à l’immunité a
coercitione [de
coaction],
et non à un droit à répandre l’erreur.
Cette
interprétation s’impose clairement à la lumière des Actes
du Concile.
Ainsi, par exemple, la Relatio
de textu reemendato
[Rapport
du texte réamendé] commentait
cela de manière détaillée :
«
Non agitur quaestio, utrum homo habeat ex conscientia vera ius
agendi, quod ex conscientia erronea non haberet. Quaestio enim est de
iure hominis eo sensu, quod ius asserit immunitatem a coercitione.
Exactius loquendo, quaestio est, utrum et sub quibusdam conditionibus
detur ius ex parte aliorum, ac nominatim ex parte potestatis
publicae, ad hominem impediendum, quominus publice iuxta conscientiam
agat. Iamvero ex eo quod conscientia agentis est erronea non
sequitur, dari in aliis ius impediendi eius actionem. ( … ).
In
hodierna quaestione frustra adducitur principium quod sonat, iura non
aequaliter fundari in veritate atque in errore. Quod quidem verum
est, si intelligitur, in errore non fundari ius sed in veritate sola.
Rursus tamen considerandum est, agi hodie quaestionem de iure, ut est
immunitas a coercitione. Iamvero eiusmodi immunitate gaudet homo
conscientiae verae; ea tamen gaudet etiam homo conscientiae erroneae,
donec probetur, penes alium ac nominatim penes potestatem publicam
dari in casu ius impediendi hunc illumve actum externum religionis »
(11).
[«
Il n’est pas question de savoir si l’homme, du fait de sa
conscience juste, possède un droit d’agir qu’il n’aurait pas à
cause de sa conscience erronée. La question porte, en effet, sur le
droit de l’homme en tant qu’il affirme l’immunité de coaction.
Pour parler plus précisément, la question est de savoir si et sous
quelles conditions, le droit est donné à d’autres, et nommément
au pouvoir public, d’empêcher quelqu’un d’agir publiquement
selon sa conscience. Il faut ajouter que si la conscience morale [de
quelqu’un] est erronée, cela ne donne pas le droit aux autre
d’empêcher son action (…)
Dans
la question actuelle, il est inutile d’en venir au principe qui
énonce que les droits ne sont pas fondés d’une manière égale
sur la vérité et sur l’erreur. Mais cela est tout à fait vrai si
l’on entend par là qu’un droit ne peut être fondé sur l’erreur
mais sur la seule vérité. Il faut cependant de nouveau remarquer
que la question de droit dont il s’agit aujourd’hui est
l’immunité de coaction. D’autre part, c’est l’homme dont la
conscience est vraie qui jouit de ce genre d’immunité ;
cependant, en jouit également l’homme dont la conscience est
erronée, jusqu’à ce qu’il soit prouvé que revient à une autre
et nommément à la puissance publique, le droit d’empêcher, le
cas échéant, tel ou tel acte public de religion. »]
De
tout cela, il faut conclure que la doctrine de DH
ne peut se comprendre comme l’affirmation d’un droit à répandre
l’erreur : la notion de liberté religieuse dans DH
ne se réfère pas aux relations de l’homme ou de l’État avec la
vérité et le bien, mais de l’homme et de l’État avec les
autres hommes, indiquant ce que l’homme ne doit pas faire
(contraindre en matière religieuse).
En
conséquence, la liberté religieuse est un droit négatif
(12). Comme toute négation suppose une affirmation, ce droit négatif
suppose un autre droit positif. Or, ce droit positif n’est pas
celui de répandre l’erreur, mais celui (qui est en même temps un
devoir grave) de chercher la vérité et de rendre culte à Dieu. Ce
grave devoir est le fondement de la prétention de la personne à un
espace social d’activité autonome.
Dans
ce sens, il avait déjà été dit dans la Salle conciliaire que :
«
Notare iuvat, quod schema Declarationis non affirmat, dari ius ad
errores religiosos in societate spargendos. Etenim tum in se tum
maxime in statu quaestionis praesenti eiusmodi affirmatio omni caret
sensu. Quaestio enim exactius utrum et quonam iure possit potestas
ponitur, publica hominem coercitive cohibere, qui sententias suas
religiosas publice testatur » (13).
[«
Il est utile de noter que le schéma de la Déclaration n’affirme
pas qu’est accordé le droit de répandre des erreurs religieuses
dans la société. Et de fait, soit en elle-même, soit surtout dans
l’état présent de la question, une affirmation de ce genre est
vide de tout sens. En effet, on pose la question de manière plus
exacte en se demandant si et jusqu’où la puissance publique peut,
en droit, empêcher de façon coactive une personne de témoigner
publiquement de ses opinions religieuses. »]
Et,
plus loin, la Commission Conciliaire insiste en ces termes:
«
In memoriam revocetur quod textus schematis non agnoscit ius ad falsa
publice docendum, sed affirmat ius ad immunitatem a
coactione » (14).
[«
On se souviendra
que le texte du schéma ne reconnaît pas le droit d’enseigner
publiquement des choses fausses, mais affirme le droit à l’immunité
de coaction. »
D’autre
part, DH
n’affirme pas que la propagation des erreurs soit un bien. Ce qui
est un bien, c’est qu’il existe dans la société civile un
domaine d’autonomie juridique en matière religieuse, compatible
avec l’ordre et la moralité publique : DH,
7 parle précisément de ces limites du droit à la liberté a
coercitione.
On
comprend donc que l’immunité a
coercitione en matière religieuse ne soit pas un mal :
c’est un bien, tout comme l’est la création par Dieu de la
liberté humaine, bien que de celle-ci puisse résulter le péché.
Le droit à la liberté religieuse est orienté vers le bien, celui
d’une convivialité sociale basée sur l’amitié et la liberté,
afin que tous puissent accomplir leur devoir de chercher et d’adhérer
à la vérité, et celui de la libertas
Ecclesiae [liberté de l’Église] de pouvoir développer
librement sa mission divine d’évangélisation universelle.
Dans
ce régime de liberté religieuse, la liberté humaine ne reste pas
sans norme, car elle est pleinement soumise à la nécessité morale
imposée par les lois éthiques; et elle est limitée extérieurement
en matière religieuse dans le sens indiqué par DH,
7 :
«
Comme la société civile a le droit de se protéger contre les abus
qui pourraient naître sous prétexte de liberté religieuse, c’est
surtout au pouvoir civil qu’il revient d’assurer cette protection
; ce qui ne doit pas se faire arbitrairement et en favorisant
injustement l’une des parties, mais selon des normes juridiques,
conformes à l’ordre moral objectif, qui sont requises par
l’efficace sauvegarde des droits de tous les citoyens et
l’harmonisation pacifique de ces droits, et par un souci adéquat
de cette authentique paix publique qui consiste dans une vie vécue
en commun sur la base d’une vraie justice, ainsi que par la
protection due à la moralité publique. Tout cela constitue une part
fondamentale du bien commun et entre dans la définition de l’ordre
public. » (DH,
7/c)
[« Praeterea
cum societas civilis ius habet sese protegendi contra abusus qui
haberi possint sub praetextu libertatis religiosae, praecipue ad
potestatem civilem pertinet huiusmodi protectionem praestare; quod
tamen fieri debet non modo arbitrario aut uni parti inique favendo,
sed secundum normas iuridicas, ordini morali obiectivo conformes,
quae postulantur ab efficaci iurium tutela pro omnibus civibus
eorumque pacifica compositione, et a sufficienti cura istius honestae
pacis publicae quae est ordinata conviventia in vera iustitia, et a
debita custodia publicae moralitatis. Haec omnia partem boni communis
fundamentalem constituunt et sub ratione ordinis publici veniunt. »]
Bien
que la Déclaration « non intendit exponere applicationes
particulares principiorum, praesertim si quaestiones complexas secum
ferunt » [« ne vise pas à exposer les applications
particulières des principes, surtout si elles impliquent des
questions complexes »] (15), il est certain, par exemple, que la
liberté religieuse n’exclut pas que l’État interdise le
divorce, la polygamie, etc., y compris à ceux auxquels leur religion
le permet, sans que cela suppose l’interdiction des autres
manifestations externes de cette religion qui ne sont pas contraires
au bon ordre public.
En
effet, il faut tenir compte du fait que la référence à « l’ordre
moral objectif », introduite dans le textus
recognitus
[texte
révisé] de
DH,
7, a été justifiée par la Relatio
[Rapport]
correspondante
de la manière suivante :
«
Legitur: in ordine morali obiectivo fundati. Est additio magni
momenti. Introducta est ad mentem Patrum qui rogant ut in aestimando
ordine publico, ratio habeatur non solum ad historicas situationes
sed etiam et in primis ad ea quae morali ordine obiectivo postulantur
» (16).
[«
On lit : “fondés sur l’ordre moral objectif”. C’est
un ajout très important. Il a été introduit conformément à la
pensée des Pères qui demandent que, pour définir ce qu’est
l’ordre public, on ne prenne pas seulement en compte les situations
historiques, mais également et avant tout ce que requiert l’ordre
moral objectif . »]
Cependant,
le fait que toutes les lois civiles doivent être en accord avec la
loi naturelle, ne signifie pas que toutes les exigences de la loi
naturelle doivent être expressément recueillies dans les lois
civile s: il est évident que la loi humaine ne doit pas empêcher
tous les vices ni ordonner les actes de toutes les vertus (17).
Enfin,
il convient d’observer que, dans le paroles de Pie XII citées en
note 10, est exposée la doctrine sur la tolérance, selon laquelle:
«
L'affermazione: Il traviamento religioso
e morale deve essere sempre impedito, quanto è possibile, perché la
sua tolleranza è in se stessa immorale — non puo valere nella sua
incondizionata
assolutezza. » (18)
[«
L’affirmation : l’erreur religieuse et morale doit toujours être
empêchée quand c’est possible, parce que le fait de la tolérer
est en elle-même immorale — ne peut valoir dans un sens absolu
et inconditionné. »]
Bien
que cette doctrine de la tolérance ne soit pas équivalente à la
doctrine sur la liberté religieuse, il n’y a pas de raison
d’affirmer qu’elles soient inconciliables. Il n’y a pas entre
celles-ci une équivalence, car le principe de tolérance implique
que l’État a le
droit et le devoir de réprimer le mal en lequel consiste la
diffusion de l’erreur religieuse,
mais qu’il peut et parfois doit renoncer à exercer ce droit pour
obtenir un bien supérieur et plus vaste. Or
ce droit ne lui est pas reconnu par la Déclaration conciliaire.
Cependant il n’y a pas incompatibilité entre ces affirmations, car
selon Pie XII la tolérance est justifiée par l’intérêt d’un
bien supérieur. Or l’idée du Concile est que la
dignité de toute personne humaine
et la paix sociale
soient toujours
des biens qui exigent que l’État ne réprime pas l’erreur
religieuse quand celle-ci ne s’oppose pas au bon ordre social (qui
inclut la moralité publique). Il y a donc une
nouveauté dans la
conception de la compétence de l’État à l’égard de la vie
religieuse des citoyens et un
développement doctrinal
concernant le fondement de l’absence de contrainte légale en
matière religieuse.
Il
convient d’insister sur cette continuité des enseignements de DH
et de ceux de Léon XIII
et de Pie XII.
Dès les premiers schémas de DH,
on a cherché explicitement cette continuité avec le Magistère
antérieur en analysant les textes des Pontifes précédemment cités.
Ainsi l’expliquait la Relation
sur le premier schéma présentée aux Pères du Concile:
«
Initium
evolutionis doctrinalis iam fecit Leo XIII clarius faciendo
distinctionem inter Ecclesiam, quae populus Dei est, et societatem
civilem, quae populus est temporalis et terrestris (cf. Immortale
Dei,
A.S.S., 18,
1885, pp. 166-167;
alias sexies eandem doctrinam evolvit). Ita viam aperuit ad noviter
affirmandam debitam et licitam autonomiam, quae ordini
civili
eiusque temperationi
iudiciali competit.
Ex quo fit,
ut gradus ulterior iam
fuerit (regula progressus), ad novum scilicet iudicium de
“libertatibus
modernis”,
quae vocantur. Tolerari possunt hae
libertates (cf. Immortale
Dei,
A.S.S., 18,
1885, p. 174;
Libertas
praestantissimum,
A.S.S.,
20,
1887, pp. 609-610).
Iamvero “tolerari”
tantum dicebantur. Ratio erat evidens. Etenim tum temporis in Europa
regimina quae libertates modernas, inclusa libertate reliogiosa,
proclamabant, suam
inspirationem aDHuc
conscio animo ex ideologia laicistica trahebant. Periculum ergo
exstabat, quod sensit Leo XIII, ne huiusmodi generis reipublicae
instituta
civilia
et politica, cum essent intentione laicistica informata, ad tales
abusus perducerent, qui dignitati personae humanae eiusque genuinae
libertati nocivi non possent
non fore. Quod enim Leoni Pp. XIII iuxta regulam continuitatis cordi
erat, Ecclesiae semper cordi est, tutela nimirum personae humanae
» (19).
[«
Léon XIII a déjà inauguré
l’évolution
de
la doctrine
en faisant
très clairement la
distinction entre
l’Église qui est le peuple de Dieu, et la société civile qui est
le peuple temporel et terrestre. (cf.
Immortale
Dei,
A.S.S., 18, 1885, pp. 166-167 ;
il
a six autres
fois
développé la même doctrine). Il a ainsi ouvert la voie à
l’affirmation
nouvelle
de
la
nécessaire et légitime autonomie
propre
à
l’ordre
civil et à
sa bonne organisation judiciaire.
La
conséquence en fut que, dès lors, on fit un
pas de plus (règle
du
progrès) en direction d’un jugement renouvelé sur ce que l’on
appelle « les libertés modernes.
Ces libertés peuvent être tolérées
(Immortale
Dei, A.S.S.,
18, 1885, p. 174
; Libertas praestantissimum,
A.S.S., 20, 1887, pp. 609-610).
Or,
on
disait
seulement “être tolérées”.
La raison en était évidente. Le
fait est que, à ce moment là, en Europe, les gouvernements
qui proclamaient les libertés modernes — y
compris la
liberté religieuse — étaient
encore consciemment inspirés par le
laïcisme. Le
danger existait
donc — ce
qu’a pressenti
Léon XIII
— que
les
institutions
républicaines civiles
et politiques de
ce genre,
étant
données qu’elles étaient façonnées
par
une intention laïciste,
ne conduisissent
à des
abus
tels
qu’ils
ne
pouvaient éviter
de
nuire
à
la dignité de la personne humaine et à son authentique liberté.
Or,
en effet, la
protection de la personne humaine, assurément, tenait à cœur au
pape Léon XIII et, selon la règle de continuité, tient toujours à
cœur à l’Église.
»]
Et
plus loin :
«
Hic
maxime recolenda est doctrina Pii XII de limitatione Status, quod
spectat ad errores in societate reprimendos: “Può
darsi che in determina te circostanze Egli (Dio) non dia agli uomini
nessun mandato, non imponga nessun dovere, non dia persino nessun
diritto d'impedire e di reprimere cio che è erroneo e falso ? Uno
sguardo alla realtà dà una risposta affermativa”.
Deinde, allato exemple divinae providentiae, pergit: “Quindi
l'affermazione : il traviamento religioso e morale deve essere sempre
impedito, quanto è possibile, perchè la sua tolleranza è in se
stessa immorale, non può
valere nella sua incondizionata
assolutezza.
D'altra parte, Dio
non ha dato nemmeno all'autorità umana un siffatto precetto assoluto
e universale, nè nel campo della ·fede nè in quello della morale.
Non conoscono un tale precetto nè la comune convinzione degli
uomini, nè la coscienza cristiana, nè le fonti della rivelazione,
nè la prassi della Chiesa”
(Ci riesce,
6-XII-1953 : A.A.S.,,
45
(1953) pp. 798-799).
Haec declaratio (regula progressus) est summi momenti pro materia
nostra, praesertim si prae oculis habentur quae olim de missione
status prolata sunt »
(20).
[«
Il
faut ici surtout rappeler
la doctrine de Pie XII sur la
limite qui s’impose à l’État,
en ce qui concerne la
répression des erreurs dans
société : “Se pourrait-il que, dans certaines circonstances,
Il (Dieu) ne donne aucun mandat aux hommes, n'impose aucun devoir, ne
donne même aucun droit de prévenir et de réprimer ce qui est faux
et erroné ?
Un simple regard
sur la réalité permet de donner
une réponse affirmative”. Ensuite, après avoir donné l’exemple
de la
divine Providence, il poursuit : “D'où l'affirmation suivante
: l’erreur religieuse et morale
doit toujours être empêchée quand c’est possible, parce que le
fait de la tolérer est en elle-même immorale — ne peut valoir
dans un sens absolu et
inconditionné. D'autre
part, Dieu
n'a même pas donné à l'autorité humaine un précepte aussi absolu
et universel, ni dans le domaine de la foi ni dans celui de la
morale. Ni la conviction commune des hommes, ni la conscience
chrétienne, ni les sources de révélation, ni la pratique de
l'Église ne connaissent un tel précepte”
(Ci riesce, 6-XII-1953
: A.A.S.,,
45
(1953) pp. 798-799).
Cette déclaration (règle du progrès) est d’une importance
majeure en notre matière,
surtout si on a toujours sous les yeux ce qui a été dit autrefois
sur la mission de l’État.
»]
On
peut citer aussi, dans le même sens, les paroles de Pie XII
contenues dans le dit textus
prior:
«
Cf. Pius XII, Alloc.
ad Praelatos auditores ceterosque Officiales
et
Administros
Tribunalis S. Romanae Rotae,
6 oct. 1946: A.A.S.,
38
(1946), p. 393:
“I
sempre più frequenti contatti e la promiscuità delle diverse
Confessioni
religiose entro
i confini
di un medesimo popolo hanno
condotto i tribunali
civili a seguire il principio della ‘tolleranza’ e della ‘libertà
di coscienza’. Anzi vi è una tolleranza politica, civile e sociale
verso i seguaci delle altre confessioni,
che in tali circostanze è anche per i cattolici un dovere morale.”
Insuper,
ad Communitatem internationalem quod attinet, cf. Pius XII, Alloc. Ci
riesce,
6-XII-1953 : A.A.S.,,
45
(1953) p. 797
: “Gl’interessi
religiosi e morali esigeranno per
tutta l’estensione della
Comunità (dei popoli)
un
regolamento ben definito, che valga per tutto il territorio dei
singoli Stati sovrani membri di tale Comunità delle nazioni. Secondo
le probabilità e le circostanze, è prevedibile che questo
regolamento di diritto positivo verrà enunciato cosi : Nell'interno
del suo territorio e per i suoi
cittadini ogni Stato regolerà gli affari religiosi e morali con una
propria legge ; nondimeno in tutto il territorio della Comunità
degli Stati sarà permesso ai cittadini di ogni Stato-membro
l'esercizio delle proprie credenze e pratiche etiche e religiose, in
quanto queste non contravvengano alle leggi penali dello Stato in cui
essi soggiornano”.
Secundum Romanum Pontificem, cives catholici et Status catholici
moderatores possunt ex conscientia eiusmodi legi consentire » (21).
[«
Cf. Pie XII,
Alloc. aux Prélats Auditeurs
et aux autres Fonctionnaires
et Administrateurs
du Tribunal
de la S.
Rote
Romaine,
6
oct. 1946:
A.A.S., 38
(1946), p. 393
: “Les contacts de plus en plus fréquents et la promiscuité des
différentes Confessions
religieuses à l'intérieur des frontières d'un même peuple ont
conduit les tribunaux civils à suivre le principe de “tolérance”
et de “liberté
de conscience”.
En
effet,
il existe
une tolérance politique, civile et sociale envers les adeptes
d'autres confessions qui,
dans de telles circonstances, et
aussi pour les catholiques, est
un devoir moral.”
De
plus, pour
ce
qui se rapporte à la Communauté
internationale, cf. Pius XII, Alloc. Ci
riesce,
6-XII-1953 : A.A.S.,
45 (1953) p. 797
: “Les intérêts religieux et moraux exigeront, sur
toute
l'étendue
de
la Communauté (des peuples), une réglementation bien définie,
valable pour tout le territoire de chacun
des
États
souverains membres de cette Communauté des nations.
Selon les probabilités et les circonstances, il est prévisible que
cette réglementation du droit positif s'énonce comme suit : Sur
son territoire et pour ses citoyens, chaque État réglera les
affaires religieuses et morales avec une
loi propre
;
néanmoins, sur l'ensemble du territoire de la Communauté des États,
les citoyens de chaque État membre seront autorisés à exercer
leurs propres
croyances
et pratiques éthiques et religieuses, pour autant que celles-ci ne
contreviennent pas au droit pénal de l'État dans lequel ils
résident ”. Selon le Pontife Romain, les citoyens catholiques et
les dirigeants d’un État
catholique peuvent en conscience consentir à ce genre de loi. »]
La
Relation sur ce texte (de
textu priore [sur
le premier texte]) expliquait en outre pourquoi on n’y
parlait pas de tolerantia
religiosa [tolérance religieuse] — critère qui s’est
maintenu jusqu’à la fin — et on préférait parler de libertas
religiosa. La raison en est que, précisément, on prétend
donner une réponse à une question surgie récemment, qui ne se
posait pas dans les époques antérieures :
«
Sunt qui dubitant de
ipsa formula “libertas
religiosa”
et putant nos in hac materia agere non posse nisi de “tolerantia
religiosa”.
Nonne
tamen observandum est quod libertas religiosa est terminus qui
modernam et bene determinatam significationem obtinuit in hodierno
vocabulario? In hoc pastorali
Concilio Ecclesia dicere intendit quid ipsa iudicet de hac re quam
communiones ecclesiales, gubernia, institutiones, publicistae,
iurisperiti nostri temporis designant hoc vocabulo, Si sermonem
dirigimus ad societatem modernam, debemus uti suo modo loquendi.
Agimus
igitur de libertate religiosa tamquam de notione formaliter iuridica,
quae enuntiat ius quod fundatur in natura personae humanae, quod ab
omnibus observandum est et quod eo modo agnoscendum est in lege
fundamentali (Constitutio Statuum, cum garantiis iuridicis) ut fiat
commune civile ius. Eius agnitio, protectio et promotio oppignorari
debet a societate in genere et speciatim a guberniis »
(22).
[«
Certains ont des doutes concernant la formule de “liberté
religieuse” elle-même, et pensent qu’en cette matière, nous ne
pouvons parler que de “tolérance religieuse”.
Ne
faut-il pas observer, cependant, que la liberté religieuse est un
terme qui, dans le vocabulaire actuel, a fait prévaloir une
signification moderne bien déterminée ? Dans ce Concile pastoral,
l’Église entend exprimer son jugement sur ce que les communautés
ecclésiales, les gouvernements, les institutions, les publicistes,
les juristes de notre temps désignent par ce mot. Si notre propos
s’adresse à la société moderne, nous devons parler son langage.
Nous
parlons donc de la liberté religieuse comme d’une notion
formellement juridique qui énonce un droit fondé dans la personne
humaine, que tous doivent respecter et qui doit être ainsi reconnu
de cette manière par la loi fondamentale (Constitutions des États,
avec garanties juridiques), afin qu’il devienne un droit civil
commun. Sa reconnaissance, sa protection et sa promotion doivent être
assurées par la société en général et spécialement par les
gouvernements. »]
Enfin,
la doctrine de DH
ne suppose pas non plus une désapprobation de la conduite suivie
dans le passé par certains princes chrétiens, dont l’évaluation
historique est en soi complexe et, en grande partie, discutable, bien
qu’il ne faille pas écarter a
priori
la possibilité qu’il y ait eu des actions concrètes peu conformes
à l’esprit de l’Évangile (23).
2.
La liberté religieuse et l’unicité de la vraie religion
Les
éléments exposés dans le n. 1 éclairent dans une large mesure le
problème présenté dans ce n. 2. C’est pourquoi notre
développement sera ici plus bref et se contentera de compléter sous
certains aspects ce qui a déjà été dit.
La
doctrine sur la liberté religieuse, contenue dans DH,
ne comporte absolument pas une conception relativiste de la vérité,
ni la négation du fait que la religion catholique soit l’unique
vraie religion. Les dubia
à ce sujet ont été formulés à propos de certaines affirmations
de DH,
en particulier, de ses nn. 3, 4 et 6:
«
De par son caractère même, en effet, l’exercice de la religion
consiste avant tout en des actes intérieurs volontaires et libres
par lesquels l’homme s’ordonne directement à Dieu : de tels
actes ne peuvent être ni imposés, ni interdits par aucun pouvoir
purement humain. » (DH,
3/c)
[“Exercitium
namque religionis, ex ipsa eius indole, consistit imprimis in actibus
internis voluntariis et liberis, quibus homo sese ad Deum directe
ordinat: huiusmodi actus a potestate mere humana nec imperari nec
prohiberi possunt.”]
«
La liberté religieuse demande en outre que les groupes religieux ne
soient pas empêchés de manifester librement l’efficacité
singulière de leur doctrine pour organiser la société et vivifier
toute l’activité humaine. » (DH,
4/e)Devoirs
de l’État envers la religion. L’Église et l’État
[“Praeterea
ad libertatem religiosam spectat, quod communitates religiosae non
prohibeantur libere ostendere singularem suae doctrinae virtutem in
ordinanda societate ac tota vivificanda activitate humana.”]
«
Dès lors, donc, que les justes exigences de l’ordre public ne sont
pas violées, ces groupes sont en droit de jouir de cette immunité
afin de pouvoir se régir selon leurs propres normes, honorer d’un
culte public la Divinité suprême, … » (DH,
4/b)
[“His
igitur communitatibus, dummodo iustae exigentiae ordinis publici non
violentur, iure debetur immunitas, ut secundum proprias normas sese
regant, Numen supremum cultu publico honorent, …”]
«
Protéger
et promouvoir les droits inviolables de l’homme est du devoir
essentiel de tout pouvoir civil. Celui-ci doit donc, par des justes
lois et autres moyens appropriés, assumer efficacement la protection
de la liberté religieuse de tous les citoyens et assurer des
conditions favorables au développement de la vie religieuse, en
sorte que les citoyens soient à même d’exercer effectivement
leurs droits et de remplir leurs devoirs religieux, et que la société
elle-même jouisse des biens de la justice et de la paix découlant
de la fidélité des hommes envers Dieu et sa sainte volonté. »
(DH,
6/b)
[“Inviolabilia
hominis iura tueri ac promovere ad cuiusvis potestatis civilis
officium essentialiter pertinet. Debet igitur potestas civilis per
iustas leges et per alia media apta efficaciter suscipere tutelam
libertatis religiosae omnium civium, ac propitias suppeditare
condiciones ad vitam religiosam fovendam, ut cives revera religionis
iura exercere eiusdemque officia adimplere valeant et ipsa societas
fruatur bonis iustitiae et pacis, quae proveniunt ex fidelitate
hominum erga Deum Eiusque sanctam voluntatem.”]
Le
soupçon d’un fond de relativisme dans ces textes a été formulé
en considérant que DH,
3 semble affirmer que « l’homme s’ordonne directement à Dieu »
moyennant « l’exercice de la religion », quelle
que soit sa religion.
En d’autres termes, DH
affirmerait que, moyennant n’importe quelle religion, l’homme
pourrait être ordonné validement vers Dieu. Ce soupçon se
trouverait renforcé par les paragraphes cités du n. 4 de DH,
dans le sens où l’on reconnaîtrait à toute religion une «
efficacité singulière » pour « organiser la société et vivifier
toute l’activité humaine », et de même la capacité de tout
groupe religieux à rendre un culte public valide à Dieu (« honorer
d’un culte public la Divinité suprême »). De plus, le paragraphe
cité du n. 6 de DH
soulignerait une valeur identique de toutes les religions comme
expressions de « la fidélité des hommes envers Dieu et sa sainte
volonté ».
En
réalité, cette interprétation ne correspond pas à la véritable
signification des textes de DH.
En effet, DH,
3 se réfère aux actes internes de l’homme en relation avec Dieu
sans considérer la vérité ou fausseté objective de la religion.
Déjà, dans DH,
1, a été affirmé clairement que l’unique vraie religion est la
Religion Catholique :
«
Tout d’abord, le Concile déclare que Dieu a Lui-même
fait connaître .au genre humain la voie par laquelle, en le servant,
les hommes peuvent dans le Christ obtenir le salut et parvenir à la
béatitude. Cette unique vraie religion, nous croyons qu’elle
subsiste
dans l’Église catholique et apostolique. » (n.
1/b)
[“Primum
itaque profitetur Sacra Synodus Deum Ipsum viam generi humano notam
fecisse per quam, Ipsi inserviendo, homines in Christo salvi et beati
fieri possint. Hanc unicam veram Religionem subsistere credimus in
catholica et apostolica Ecclesia, (…).”]
On
ne peut donc pas comprendre le texte de DH,
3 dans un sens indifférentiste. Selon les mots de Paul
VI :
«
Il Concilio,
in nessun modo, fonda questo diritto (alla libertà religiosa) sul
fatto che tutte le religioni, e tutte le dottrine, anche erronee, che
riguardano questo campo, avrebbero un valere più o meno uguale; lo
fonda invece sulla dignità
persona umana,
la quale esige di non essere sottoposta a costrizioni esteriori che
tendono a opprimere la coscienza nella ricerca della vera religione e
nell ‘adesione ad essa »
(24).
[«
Le Concile, en aucune façon, ne fonde ce droit (à la liberté
religieuse) sur le fait que toutes les religions et toutes les
doctrines (même erronées), en ce domaine, auraient une valeur plus
ou moins égale ; il le fonde, plutôt, sur la dignité de la
personne humaine, laquelle exige de ne pas être soumise à des
contraintes extérieures qui tendent à opprimer la conscience dans
la recherche de la vraie religion et dans l’adhésion à celle-ci
».]
D’ailleurs,
on ne peut nier que soient contenus dans les religions non
catholiques des éléments qui aident ceux qui les professent de
bonne
foi
à se mettre en relation avec Dieu. En particulier, dans les églises
et communautés chrétiennes non catholiques, le Concile Vatican II
discerne la présence de vestigia
Ecclesiae
[vestiges
de l’Église]
parfois
très riches, et manifeste son estime à ses membres actuels (25). Le
Concile voit même dans les religions non chrétiennes radium
illius
Veritatis, quae illuminat omnes homines
[un
rayon de la Vérité
qui illumine tous les hommes]
(26). Pareils respect et considération signifient que l’Église
partage la patience miséricordieuse de Dieu (cf. DH,
4/d), selon le mot de l’Évangile : « Ne l’en empêchez pas !…
Qui n’est pas contre nous est pour nous » (Mc
9, 39-40), et ils ne portent pas préjudice à sa mission impérieuse
d’orienter tout homme vers le Christ (27), en qui se trouve la
plénitude de la vérité et de la liberté (cf. Jn 8,
31-32).
D’autre
part, le texte cité de DH,
4 est une
affirmation de
principe et n’implique aucun jugement sur l’efficacité de telle
ou telle doctrine religieuse pour organiser la société. Dans la
mesure où les religions non catholiques contiennent certains
éléments partiels exacts, elles peuvent dans ces aspects, coopérer
à· l’organisation de la société et de l’activité humaine.
Dans ce qu’elles contiennent de faux, ces religions ne coopèrent
pas à une organisation adéquate de la société et, dans la mesure
où ces erreurs sont contraires au bon ordre social, elles peuvent
et, dans certaines occasions, doivent être empêchées par
l’autorité publique (cf. DH,
7).
Dans
ce contexte, il convient de rappeler les éclaircissements apportés
par la Relatio de textu
emendato [Relation du texte amendé] :
«
affirmando
libertatem religiosam esse verum ius hominis,
nullatenus affirmatur omnes religiones eamdem aequalem auctoritatem
positivam habere, a Deo receptam, ut exsistant seseque propagent.
Quod absit; saperet enim pessimum indifferentismum religiosum. Neque
affirmatur potestati
publicae licere omnibus religionibus positivam auctoritatem dare, ut
aequo iure in societate gaudeant.
Quod etiam absit; saperet enim pessimum istud totalitarismum status,
qui proprius erat laicismo
» (28).
[«
En affirmant que la liberté religieuse est un vrai droit de l’homme,
on n’affirme en
aucune façon
que toutes les religions possèdent
la
même et
égale capacité
juridique,
reçue
de Dieu, de
se manifester
et propager.
Loin de nous cette
pensée ! En
effet, Cela
ressortirait du
pire indifférentisme
religieux. Il n’est
pas non
plus affirmé
qu’il est
permis à la
puissance
publique de donner
à toutes les religions la
capacité juridique de jouir d’un
droit égal dans la société.
Loin de nous encore cette pensée ! Cela ressortirait,
en effet, du
pire totalitarisme d’État, qui
était propre au
laïcisme. »]
Pour
interpréter correctement le texte de DH,
il est indispensable d’avoir présent à l’esprit le fait que DH
se réfère à un droit civil de liberté a
coercitione,
et exclut expressément que ce droit se fonde sur une inexistante
égalité de la valeur ou de la vérité de toutes les religions
(indifférentisme) : cf. DH,
1. À part les textes cités précédemment, il faut aussi tenir
compte d’un autre éclaircissement apporté par la Relatio
de textu emendato
:
«
Duplici senso
sumi potest ius. Primo sensu ius dicitur facultas moralis aliquid
agendi, facultas scilicet qua quis ab intrinseco positivam
auctoritatem habet (empowerment,
Ermächtigung,
autorizzazione)
ad agendum. In Declaratione non adhibetur
ius hoc sensu, ne quaestiones oriantur quae ad rem non sunt, e.g.,
quaestio speculativa de iuribus conscientiae erroneae, quae versatur
extra statum quaestionis iuridicum de libertate religiosa, prout in
Declaratione tractatur. Altero sensu ius dicitur facultas moralis
exigendi, ne quis constringatur ad agendum neve impediatur, quominus
agat. Quo quidem sensu ius significat immunitatem in agendo et
excludit coercitionem sive constringentem sive impedientem. Unde hoc
altero sensu sumitur ius in Declaratione.
» (29).
[«
Le mot “droit”
peut être entendu de deux façons. Dans
un premier sens, on
dit du droit qu’il
est la
faculté
morale de faire quelque chose, par laquelle quelqu’un dispose,
en
lui-même, d’une
capacité juridique
(empowerment,
Ermächtigung, autorizzazione).
Dans la Déclaration,
le
mot “droit”
n’est pas employé en
ce sens, afin d’éviter les questions hors de propos, comme
par exemple la question
spéculative des droits de la conscience erronée, qui
se situent en dehors du statut juridique de la liberté religieuse,
tels qu’en
traite la Déclaration.
Dans un
deuxième sens, on dit
du droit qu’il
est la faculté morale
d’exiger que quelqu’un
ne soit pas contraint
dans son action ou
empêché
d’agir. Dans ce sens,
le droit signifie l’immunité dans l’action et exclut la
coaction, soit qu’il
restreigne, soit qu’il empêche.
C’est dans
ce deuxième sens que
le mot droit est entendu dans
la Déclaration.
»]
Et
également:
«
Sub regimine enim libertatis religiosae iure publice
simpliciter agnoscitur, neminem esse constringendum ut agat contra
conscientiam neve impediendum, quin secundum conscientiam agat.
Quidquid alias valeat sermo de iuribus diversis veritatis et erroris,
nullus est ei hic locus » (30).
[«
Sous
le régime
de liberté religieuse, en
effet, il est simplement reconnu par le droit public que personne
ne peut être contraint d’agir
contre
sa conscience ni empêché d’agir selon sa conscience.
Quelle
que soit, par ailleurs, la valeur d’une discussion sur
les
droits opposés de la vérité et de l’erreur, il n’en est
aucunement question ici. »]
3.
Devoirs de l’État envers la religion. L’Église et l’État
Sur
ce thème, les dubia
considèrent différentes affirmations de DH,
en particulier les suivantes:
«
Le pouvoir civil, dont la fin propre est de pourvoir au bien commun
temporel, doit donc, certes, reconnaître et favoriser la vie
religieuse des citoyens, mais il faut dire qu’il dépasse ses
limites s’il s’arroge le droit de diriger ou d’empêcher des
actes religieux » (DH,
3/e).
[“Potestas
igitur civilis, cuius finis proprius est bonum commune temporale
curare, religiosam quidem civium vitam agnoscere eique favere debet,
sed limites suos excedere dicenda est, si actus religiosos dirigere
vel impedire praesumat.”]
«
Si, en raison des circonstances particulières dans lesquelles se
trouvent des peuples, une reconnaissance civile spéciale est
accordée dans l’ordre juridique d’une cité à une communauté
religieuse donnée, il est nécessaire qu’en même temps le droit à
la liberté en matière religieuse soit reconnu et respecté, pour
tous les citoyens et toutes les communautés religieuses » (DH,
6/c).
[“Si
attentis populorum circumstantiis peculiaribus uni communitati
religiosae specialis civilis agnitio in iuridica civitatis
ordinatione tribuitur, necesse est ut simul omnibus civibus et
communitatibus religiosis ius ad libertatem in re religiosa
agnoscatur et observetur.”]
«
La liberté de l’Église est un principe fondamental dans les
relations de l’Église avec les pouvoirs civils et tout l’ordre
civil » (DH,
13/a).
[“Libertas
Ecclesiae est principium fundamentale in relationibus inter Ecclesiam
et potestates publicas totumque ordinem civilem.”]
«
Dans la société humaine et devant tout pouvoir public l’Église
revendique la liberté au titre d’autorité spirituelle, instituée
par le Christ Seigneur, et à qui incombe par mandat divin le devoir
d’aller par le monde entier et prêcher l’Évangile à toute
créature. L’Église revendique également la liberté en tant
qu’association d’hommes ayant le droit de vivre, dans la société
civile, selon les préceptes de la foi chrétienne » (DH,
13/b).
[“In
societate humana et coram quavis potestate publica Ecclesia sibi
vindicat libertatem, utpote auctoritas spiritualis, a Christo Domino
constituta, cui ex divino mandato incumbit officium eundi in mundum
universum et Evangelium praedicandi omni creaturae. Libertatem
pariter sibi vindicat Ecclesia prout est etiam societas hominum qui
iure gaudent vivendi in societate civili secundum fidei christianae
praescripta.”]
Cette
doctrine de DH
a été comprise comme irréductiblement opposée aux très nombreux
textes du Magistère précédent (en
particulier de Pie IX, Léon XIII
et Pie XI),
qui a condamné à de nombreuses reprises l’agnosticisme et
l’indifférentisme religieux de l’État, le principe libéral «
l’Église libre dans l’État libre », et a affirmé le devoir de
l’État de favoriser la vraie religion. Par exemple :
«
(Proposition
condamnée)
: De notre temps, il n’y a plus intérêt à ce que la religion
catholique soit considérée comme l’unique religion de l’État,
à l’exclusion de tout autre culte » (31).
[“Aetate
hac nostra non amplius expedit, religionem Catholicam haberi tamquam
unicam status religionem, ceteris quibuscumque cultibus exclusis.” :
Alloc. Nemo
vestrum, 26
juillet 1855.]
«
(Proposition
condamnée)
: Aussi doit-on des éloges à certains pays de nom Catholique,
où la loi a pourvu que les étrangers qui viennent s’établir
puissent jouir de l’exercice public de leurs cultes » (32).
[“Hinc
laudabiliter in quibusdam Catholici nominis regionibus lege cantum
est, ut hominibus illuc immigrantibus liceat publicum proprii
cuiusque cultus exercitium habere. ” :
Alloc. Acerbissimum,
27
septembre 1852.]
«
Étant donné que l’État repose sur ces principes (séparation
entre l’Église et l’État) aujourd’hui en grande faveur, il
est aisé de voir à quelle place on relègue injustement l’Église.
Là en effet où la pratique est en accord avec de telles doctrines,
la religion catholique est mise dans l’État sur pied d’égalité,
ou même d’infériorité, avec des sociétés qui lui sont
étrangères … » (33)
[“His
autem positis, quae maxime probantur hoc tempore, fundamentis
reipublicae, facile apparet, quem in locum quamque iniquum
compellatur Ecclesia. — Nam ubi cum eiusmodi doctrinis actio rerum
consentiat, nomini catholico par cum societatibus ab eo alienis vel
etiam inferior locus in civitate tribuitur.”]
«
Ce que nous appelons la peste de notre temps, c’est le laïcisme,
ses erreurs et ses tentatives impies (…). On commença par nier le
pouvoir du Christ sur toutes les nations; on dénia à l’Église un
droit dérivé du droit du Christ lui- même, celui d’enseigner le
genre humain, de porter des lois, de diriger les peuples, de les
conduire à la béatitude éternelle. Alors la religion du Christ fut
peu à peu traitée d’égale avec les faux cultes et placée avec
une choquante inconvenance sur le même niveau … » (34).
[“Pestem
dicimus aetatis nostrae laicismum, quem vocant, eiusdemque errores et
nefarios conatus (…). Christi enim in omnes gentes imperium
negari coeptum; negatum, quod ex ipso Christi iure exsistit, ius
Ecclesiae docendi humanum genus, ferendi leges, regundi populos, ad
aeternam utique beatitatem perducendos. Tum vero paulatim Christi
religio aequari cum fal-sis in eodemque genere, prorsus indecore,
poni; (…).”]
Existe-t-il
une véritable incompatibilité entre l’enseignement traditionnel
et la doctrine de DH
? Pour répondre à cette question, il convient d’avoir présent à
l’esprit, en premier lieu, que le texte de DH,
3 cité ne se limite pas au cas particulier d’une nation
catholique, mais donne un principe général qui protège la libertas
Ecclesiae.
Précisément, ces lignes de DH,
3 ont été écrites et approuvées afin qu’il ne semble pas que DH
affirme potestates
publicas posse laicismo indulgere
:
“Sat
multi Patres modos proponunt ne textus videatur affirmare potestates
publicas posse laicismo indulgere
ac si non deberent curare bonum
publicum
cuius pars est exercitium religionis ex parte civium. Vobis
proponimus ut admittantur modi qui sunt magni momenti pro exacta
intellectione doctrinae: a) “Potestas
igitur civilis, cuius finis proprius est bonum commune temporale
curare, religiosam quidem civium vitam agnoscere eique favere debet,
sed limites suas excedere dicenda est si actus religiosos dirigere
vel impedire praesumat”
» (35).
[«
D’assez nombreux Pères ont proposé des amendements pour que le
texte ne semble pas affirmer que les pouvoirs publics peuvent être
complaisants envers le laïcisme, comme s’ils ne
devaient pas veiller au bien public, dont l’exercice de la
religion par les citoyen constitue une partie. Nous vous proposons
que soient admis des amendements qui sont d’une grande importance
pour la compréhension de la doctrine : a) “par conséquent, le
pouvoir civil dont la fin propre est de veiller au bien commun
temporel, doit reconnaître la vie religieuse des citoyens et la
favoriser, mais on doit dire qu’il excède ses limites s’il a
l’audace de régler ou d’empêcher les actes religieux.” »]
Ce
texte s’intègre à l’enseignement de DH, 7, en particulier à
celui de son § 3 (déjà cité), sur la protection de la part du
pouvoir civil en face des abus qui se commettent sous prétexte de
liberté religieuse.
DH,
3 ne définit pas, en outre, le mode concret d'aide que·l'Église
Catholique peut réclamer à un État catholique.
Les
modalités concrètes de collaboration entre l’Église et l’État
varieront selon les circonstances, mais deux principes devront
toujours être respectés :
-
aucun homme ne peut être forcé par l’État à embrasser une
croyance religieuse déterminée ;
-
il n’est pas de la compétence de l’État en tant que tel de
discerner la vérité en matière religieuse (à part en ce qui se
rapporte à la morale naturelle, à ce qui peut limiter, comme on
vient de. le dire, les manifestations portant atteinte au bon ordre
public). Ce principe est basé sur la distinction des fins et des
moyens propres à l’Église et à l’État, conformément, par
exemple, à la doctrine enseignée par Léon XIII :
«
Itaque
Deus humani generis procurationem inter duas potestates partitus est,
scilicet ecclesiasticam et civilem, alteraro quidem divinis, alteram
humanis rebus praepositam. Utraque est in suo genere maxima: habet
utraque certus, quibus contineatur, termines, eosque sua cuiusque
natura causaque proxima definitos; unde aliquis velut orbis
circumscribitur, in quo sua cuiusque actio iure proprio versetur
» (36).
[«
C’est
pourquoi Dieu
a réparti
la direction
du genre humain entre
deux
puissances
différentes,
c’est-à-dire
ecclésiastique
et
civile,
l’une
préposée
aux choses divines, l’autre aux choses humaines. Chacune
des
deux est
la
plus grande en
son genre : chacune
d’elles
possède des limites précises en lesquelles
elle est enfermée,
limites définies
par
leur
nature propre et leurs
cause prochaine ; d’où
le fait que chacun est enclos comme dans un
cercle, dans lequel
son
action
s’effectue
de par son droit
propre.»]
Cette
doctrine fut ensuite réaffirmée par Pie XI :
«
La Chiesa di Gesù
Cristo non ha mai contestato i diritti e i doveri dello Stato circa
l’educazione dei cittadini (…); diritti e doveri incontestabili
finché rimangono nei confini delle competenze proprie dello Stato;
competenze che sono alla loro volta chiaramente fissate dalle
finalità dello Stato; finalità certamente non soltanto corporee e
materiali, ma di per sé stesse necessariamente contenute nei limiti
del naturale, del terreno, del temporaneo. ( … ) (Il mandate della
Chiesa) si estende invece all’eterno, al celeste, al soprannaturale
» (37).
[«
L’Église de Jésus-Christ n’a jamais contesté les droits et les
devoirs de l’État
en matière d’éducation
des citoyens (…) ;
droits et devoirs
incontestables tant qu’il restent
dans les limites des compétences propres de l’État ;
compétences qui, à leur tour, sont clairement fixées par les
finalités propres de l’État ;
finalités certes
non seulement corporelles et matérielles, mais qui en
elles-mêmes sont
nécessairement
contenues dans les limites du naturel, du
terrestre, du temporaire.
(…)
(Le mandat de l’Église)
s’applique plutôt à
l’éternel, au céleste, au surnaturel. »]
La
distinction des compétences entre l’Église et l’État, et
l’affirmation générale de DH,
3 (l’État doit favoriser la vie religieuse des citoyens), n’exclut
pas que la Religion Catholique puisse et doive être aidée de
manière spéciale par l’État, selon les circonstances.
Et, par dessus tout, il est nécessaire de distinguer cet
enseignement qui se réfère au droit civil, des problèmes moraux
connexes qui sont ici hors de propos. En effet, la Relatio
au terme de la discussion dans la Salle conciliaire de
textu reemendato
explique que:
«
Hoc nostrum problema adamussim distinguendum est a quaestionibus
connexis.
a)
Primum
problema connexum:
de obligatione in ordine morali. In ordine morali omnes
homines, omnes
societates, omnes auctoritatem civilim gerentes obiective et
subiective debent (i. e. moraliter obligantur) quaerere veritatem, et
moraltiter eis non licet propugnare falsum.
b)
Secundum
problema morale connexum:
de officio et iuribus Ecclesiae et de officio morali hominum erga
Ecclesiam catholicam eiusque doctrinam ac mandata. Ecclesia
habet officium et ius praedicandi Iesum Christum. Nulla instantia
humana obiective moraliter libera est in acceptendo vel respuendo
Evangelium et Ecclesiam veram. Et haec obligatio est etiam subiectiva
quatenus perspicitur. Fideles, immo omnes
homines moraliter obligantur ad recte formandam conscientiam et ad
vivendum iuxta eam.
Ab
is quaestionibus moralibus connexis sedulo distanguanda est quaestio
nostra nova. Nunc enim examinatur utrum personae humanae in societate
humana agnosci possit ut libera sit
a coercitione ex parte aliorum hominum societatis
et potestatis
publicae »
(38).
[«
Ce problème qui est le nôtre doit être soigneusement distingué
des questions connexes :
a)
premier problème
connexe :
concernant l’obligation
dans l’ordre moral. Dans
l’ordre moral, tous les hommes, toutes les sociétés, tous ceux
qui exercent l’autorité civile, doivent objectivement et
subjectivement (c’est-à-dire
sont obligés moralement) rechercher la vérité et, moralement, il
ne leur est pas permis de propager ce qui est faux.
b)
deuxième problème
moral connexe :
concernant le
devoir et les
droits de l’Église
et concernant le
devoir moral des hommes envers l’Église
catholique, sa doctrine et ses commandements. L’Église a le devoir
et le droit de prêcher Jésus-Christ. Aucune instance humaine n’est
objectivement moralement libre d’accepter ou de rejeter l’Évangile
et la vraie Église.
Et cette obligation est
également subjective, dans la mesure où elle est connue avec
certitude. Les
fidèles, ou mieux
encore, tous les hommes sont obligés moralement de se
former la
conscience de façon
droite et de vivre en
accord avec elle. »]
Il
faut faire
soigneusement la distinction entre ces questions
morales connexes et
notre nouvelle
question.
On examine, en effet,
maintenant si l’on
peut reconnaître à toute personne humaine vivant en société le
droit d’être libre de coaction
de la part
des autres hommes
formant la société
et la puissance
publique. »
Par
l’étude de cette « nouvelle question », on veut compléter les
enseignements du Magistère antérieur, qui avait déjà étudié et
résolu de manière exhaustive et irréfutable les deux problèmes
d’ordre moral que DH
n’a pas cru nécessaire traiter de nouveau.
Il
faut d’autre part tenir compte du fait que la liberté de l’Église
ne s’identifie pas avec la liberté des autres confessions
religieuses. Cette dernières a en effet comme fondement la liberté
sociale et civile en matières religieuse, propre à la dignité des
personnes. En revanche, la liberté de l’Église, en plus de ce
fondement commun, a un autre fondement propre et exclusif, d’ordre
supérieur : celui d’être l’unique véritable Église, fondée
par Dieu lui-même, et d’avoir une mission divine. De
fait, cela est affirmé dans ce même texte de DH,
13/b, qui doit être considérée dans sa totalité. En particulier,
DH,
13/a dit : « Parmi les choses qui concernent le bien de l’Église,
voire le bien de la cité terrestre elle-même, et qui, partout et
toujours, doivent être sauvegardées et défendues contre toute
atteinte, la plus important est, à coup sûr, que l’Église
jouisse dans son action d’autant de liberté qu’en requiert la
charge qu’elle a du salut des hommes » [“Inter
ea quae ad bonum Ecclesiae, immo ad bonum ipsius terrenae civitatis
spectant et ubique semperque servanda sunt atque ab omni iniuria
defendenda, illud certe praestantissimum est, ut Ecclesia tanta
perfruatur agendi libertate, quantam salus hominum curanda
requirat.”],
et renvoie en note à deux textes de Léon XIII.
Il
convient d’observer que, selon DH,
le régime commun de liberté religieuse est compatible avec la
liberté de l’Église et constitue un minimum nécessaire. Mais ce
minimum n’est pas le seul possible, ni, dans certaines
circonstances, le plus souhaitable. Là où cela est possible, on
aboutira à la situation considérée dans DH,
6/c, dans laquelle la liberté de l’Église est en harmonie avec le
droit civil de la liberté religieuse, mais donne lieu à un statut
juridique plus avantageux pour la mission de l’Église (par exemple
quand l’État renonce à intervenir unilatéralement dans des cas
de compétence mixte).
En
outre, selon la maxime « l’Église libre dans l’État libre »,
telle qu’elle est prônée par le libéralisme, la liberté de
l’Église serait comprise dans
la compétence de l’État. Or, cette soumission de l’Église à
la compétence de l’État est catégoriquement exclue par
l’affirmation de la liberté de l’Église effectuée par DH
(en particulier, par DH,
cité plus haut). Il faut cependant noter
que la confessionnalité de l’État peut être une réalité
effective, même quand il n’y a pas de déclaration formelle de
confessionnalité (« confessionnalité
substantielle »).
Remarquons
aussi que le texte cité de DH,
13 ne
relègue pas l’Église au rang d’une association de plus au sein
de la société civile.
Il s’agit simplement d’exposer un motif supplémentaire pour
réclamer la liberté de l’Église, après en avoir indiqué le
motif principal :
«
Dans la société humaine et devant tout pouvoir public l’Église
revendique la liberté au titre d’autorité spirituelle, instituée
par le Christ Seigneur, et à qui incombe par mandat divin le devoir
d’aller par le monde entier et prêcher l’Évangile à toute
créature » (DH,
13/b).
[“In
societate humana et coram quavis potestate publica Ecclesia sibi
vindicat libertatem, utpote auctoritas spiritualis, a Christo Domino
constituta, cui ex divino mandato incumbit officium eundi in mundum
universum et Evangelium praedicandi omni creaturae.”]
Que
cela soit la bonne interprétation est démontré également par les
réponses à deux modi
présentés
à ce numéro de DH
(39). Il faut de plus tenir compte de l’explication donnée dans la
Relatio
au schéma précédent :
«
Iuxta
desiderim aliquorum Patrum in text recognito (n. 13) accuratius
distinguuntur iura quae Ecclesiae competunt. Ex une parte Ecclesiae
agnoscendum est ius ex mandato Dei. Quatenus enim est auctoritas
spiritualis et societas hominum secundum fidei
praecepta viventium,
Ecclesia ius divinitus
ortum possidet libero modo in societate vivendi et missionem suam
adimplendi. Sed praeterea ei agnoscendum est ius naturale. Ecclesiae
enim membra, quatenus homines sunt, pari modo ac alii homines, ius
habent ne in societate impediantur vivendi iuxta exigentias suae
conscientiae. Inter utrumque ius, divinum et naturale, non datur
oppositio; utrumque integre servatur si in societate datur libertas
socialis et civilis in re religiosa
» (40).
[«
Suivant
le désir de certains Pères
exprimé dans le texte
révisé (n. 13), les
droits qui reviennent à l’Église
sont distingués plus précisément. D’une
part, on
doit reconnaître
à l’Église un droit
provenant du mandat divin. Dans
la mesure, en effet, où elle
est l’autorité
spirituelle et la
société des hommes
vivant selon les préceptes de la foi, l’Église possède le
droit venant de Dieu
de vivre librement dans
la société et de remplir sa mission propre. Mais
on doit, en outre, lui reconnaître
un
droit naturel. En
effet, les membres de
l’Église, dans la
mesure où ils sont
hommes,
et de la même façon
que tous les autres hommes, ont le droit
de ne pas être empêchés de vivre selon les exigences de leur
conscience. Entre l’un
et l’autre droit, le
divin et le naturel, il n’existe
pas d’opposition ;
l’intégrité
des deux est préservée
si l’on
accorde, dans la
société, la liberté
sociale et civile en matière religieuse. »]
Rappelons
en outre l’explication de la portée du texte de DH
donnée par la Relatio de
textu recognito :
«
Ubi sermo est de
speciali civili agnitione quae determinatae religioni
tribuitur, Commissio admisit formam hypotheticam,
quae a multis Patribus postulata est. Verum est
alios Patres petivisse ut nullo modo de hac speciali agnitione
ageretur; cum tamen talis specialis agnitio de
facto in
multis regionibus habeatur, Commissio observandum est in hac pericope
non tractari de omnibus iuribus quae Ecclasiae agnoscenda sunt;
obiectum nostrae
declarationis non est vindicatio omnium
iurium Ecclesiae, sed tantumodo vindicatio universalis
et semper observandi iuris ad libertatem tum pro catholicis tum pro
aliis » (41).
[«
Là où il est question
de la reconnaissance civile spéciale qui est
accordée à une religion déterminée, la Commission
a admis une formulation hypothétique qui
a été demandée par
plusieurs Pères.
Il est vrai que d’autres Pères
ont demandé qu’il ne
s’agît
d’aucune façon de
cette reconnaissance spéciale ; cependant,
comme une telle
reconnaissance spéciale existe de
fait dans de
nombreuses régions, il
faut
observer que la Commission
ne traite pas dans ce
passage de tous les
droits qui doivent être reconnus à l’Église ; l’objet
de notre déclaration
n’est pas
la défense
de tous les droits de l’Église, mais seulement la défense
universelle de
toujours respecter le droit à la liberté, tant pour
les catholiques que
pour les autres. »
Un
an auparavant, la Relatio de
textu emendato expliquait que l’on voulait ainsi mettre
en évidence la compatibilité du régime de liberté religieuse avec
celui de confessionnalité de l’État :
«
Si res bene
intelligitur, doctrina de libertate religiosa non contradicit
conceptui historico sic dicti status
confessionalis.
Etenim regimen libertatis religiosae prohibet intolerantiam istam
legalem, secumdum quam quidam cives vel quaedam communitates
religiosea in inferiorem condicionem redigerentur quoad iura civilia
in re religiosa. Non
tamen prohibet, quin religio catholica iure humano publico agnoscatur
tamquam
communis religio civium in quadam regione, seu quin religio catholica
iure publico stabiliatur tamquam religio status.
In hoc tamen casu, cavendum est ne ex instituto religionis statalis
deriventur consequentiae sive iuridicae sive sociales, quae in re
religiosa aequilitati omnium civiem in iure publico damnum inferret.
Verbo, simul cum regimine religionis statalis observandum
est regimen libertatis religiosae
» (42).
[«
Si la chose est bien
comprise, la doctrine de la liberté religieuse ne contredit
pas le concept
historique ainsi dit
du
statut
confessionnel. De
fait, le
régime de la liberté
religieuse prohibe l’intolérance
légale selon laquelle des
citoyens ou des
communautés religieuses seraient réduits à une condition
inférieure en ce qui concerne
les droits
civils
en matière religieuse. Elle
n’interdit cependant pas que la religion catholique soit reconnue
par le droit humain public comme la religion commune
des citoyens d’un pays, ou
que la religion catholique soit établie par le droit public comme
la religion
de l’État.
Dans ce cas, cependant, il faut prendre garde que l’institution
d’une religion d’État
n’entraîne pas des
conséquences soit
juridiques soit
sociales qui porteraient préjudice à l’égalité religieuse, dans
le droit public, de
tous les citoyens. En un mot, le régime de
la liberté
religieuse doit être observé en même temps que celui de la
religion étatique. »]
Bien
que la proposition 78
[«
Aussi c'est avec raison que, dans quelques pays catholiques, la loi a
pourvu à ce que les étrangers qui y immigrent y jouissent de
l'exercice public de leurs cultes particuliers.] condamnée
par le Syllabus
paraisse équivalente à DH,
6, il n’en est pas ainsi en réalité. Ce qui est condamné n’est
pas la doctrine enseignée ensuite par DH.
En
effet, l’interprétation correcte du Syllabus
nécessite l’examen des documents dans lesquels on condamne chacune
des formules impliquées (l’Alloc. Acerbissimum
dans le cas de la proposition 78). Les lois anticatholiques
auxquelles fait référence l’Allocution Acerbisimum
supposent que l’État concède une faculté morale de liberté de
culte sur la base de l’égalité de tous les cultes par eux mêmes,
dont l’exercice serait, pour ce seul motif, objectivement juste.
Cette faculté morale ne peut exister, et moins encore être créée
par l’État. Comme on l’a déjà dit antérieurement,
l’enseignement de DH
implique seulement que ceux qui professent une religion erronée
aient le droit, dans certaines limites, de ne pas souffrir violences
de la part de l’État ou des autres citoyens. Il s’agit d’un
droit négatif qui n’accorde de justification objective à aucune
des réalisations positivement erronées de la liberté humaine.
La
liberté de culte à laquelle fait référence la proposition
78 du
Syllabus
y est comprise comme expression de la « liberté de
conscience », c’est à dire, d’une prétendue inexistence
de l’ordre moral objectif, transcendant l’homme, qui impose un
lien à sa conscience.
La liberté de culte, dans ce sens, signifie que tous les cultes sont
égaux, avec la prétention que l’État autorise et légitime de
manière égale tous les cultes. En bref, ce qui le Syllabus
condamne
dans le texte cité, c’est une conséquence pratique de
l’indifférentisme religieux, qui est également incompatible avec
la doctrine rappelée explicitement par DH,
1 : la véritable religion se trouve seulement dans l’Église
Catholique.
Il
ne faut donc pas confondre la liberté religieuse avec l’indifférence
religieuse ou le syncrétisme (43). Comme on l’a déjà rappelé
précédemment, le droit à la liberté religieuse n’est pas fondé
sur une prétendue égalité entre
toutes les religions, mais sur la dignité de
la personne humaine, qui a le droit et le devoir de chercher la
vérité librement et sans contraintes externes (cf. DH,
2/b). En d’autres termes, la liberté civile et sociale en matière
religieuse, dont parle DH,
est un concept juridique qui exprime tout autant la dignité de la
personne que
l’obligation de chercher la vérité ou la manifestation du fait
que l’unique vraie religion est la Religion Catholique.
Il
n’y a donc pas de contradiction entre les enseignements de Pie IX
et ceux de DH,
car ils ne traitent pas du même problème, bien que les expressions
utilisées, hors de leur contexte, puissent le laisser croire.
Une
interprétation de DH
dans la ligne de « l’agnosticisme religieux de l’État », ni du
« naturalisme de l’État », ou du « positivisme juridique »
n’a pas non plus de fondement. En effet, quand on affirme que
l’État n’est pas compétent pour émettre un jugement sur la
vérité ou la fausseté des croyances religieuses, il
faut comprendre cela sans
le sens indique par Léon XIII et Pie XI, c’est à dire que l’État
en tant que tel n’a aucune compétence dans l’ordre surnaturel ;
dans cet ordre, la compétence appartient exclusivement à l’Église
:
«
Quidquid igitur est in rebus humanis quoquo modo sacrum, quidquid ad
salutem animorum cultumve Dei pertinet, sive tale illud sit natura
sua, sive rursus tale intelligatur propter causam ad quam refertur,
est omne in potestate arbitrioque Ecclesiae: cetera vero, quae civile
et politicum genus complectitur, rectum est civili auctoritati esse
subiecta » (44).
[«
Donc,
tout
ce qui, dans les choses humaines est sacré
d’une
façon ou d’une autre, tout ce qui relève du salut des âmes ou du
culte de
Dieu,
soit qu’il soit tel de
par sa
nature ou que,
au contraire, ils
soit considéré tel en raison de la cause à laquelle il se réfère,
appartient
totalement au pouvoir et au jugement de
l’Église
: il
est juste que les
autres aspects
qui embrassent l’ordre
civil et politique soient
soumis à l’autorité civile.»]
On
ne pourrait défendre la liberté et l’autonomie de l’Église
sans défendre ce principe.
Mais
ceci ne veut pas dire que l’État en tant que tel n’ait pas
d’obligations vers Dieu et envers l’Église, ni que la liberté
de l’Église en face de l’État soit identique à la simple
liberté civile, d’ordre purement naturel, dont bénéficient tous
les citoyens en matière religieuse.
En
effet, la doctrine de
DH
ne
défend pas « l’agnostisicisme religieux de l’État »
:
les gouvernants, en tant que gouvernants et non seulement en tant
qu’hommes, doivent chercher la vérité et y adhérer (cf. DH,
1), et faire en sorte que l’État favorise la véritable religion,
c’est à dire, la religion catholique. DH
ne dit pas que l’État ne puisse tenir compte de la distinction
entre la religion catholique et les autres religions (par exemple, en
accordant une reconnaissance particulière à l’Église, en
contribuant à la subsistance du clergé etc.). L’objet
précis de la Déclaration n’est pas ce que l’État
doit
faire
pour satisfaire à ses devoirs envers Dieu, mais ce que l’État
ne peut faire
vis-à-vis
de la conscience humaine. De
fait, comme il a déjà été dit, DH
n’exclut pas la confessionnalité de l’État. Ce qu’affirme DH,
c’est que l’État ne peut contraindre personne en matière
religieuse, à moins que les manifestations externes de ces religions
ne dépassent les limites indiquées par DH,
7.
Il
convient d’autre part de tenir compte du fait que la soumission au
Règne du Christ ne signifie pas que l’État et l’Église
s’unissent de telle manière que disparaisse la distinction de
nature, mission et fonctions entre les deux. Soumettre tout le créé,
en particulier les nations et les États, au Christ, signifie
informer par l’esprit chrétien toutes les réalités terrestres
(qui n’est pas évidemment pas la même chose que de les soumettre
à la juridiction ecclésiastique), et ne signifie pas une
réglementation juridique unique et déterminée des relations entre
l’Église et l’État.
La
liberté religieuse, telle que l’entend DH,
a un fondement solide, non
dans une conception naturaliste de l’État,
mais dans la dignité de la personne humaine et dans l’obligation
de celle-ci de chercher et d’adhérer à la véritable religion
(cf. DH,
2). En outre, il faut tenir compte du fait que la doctrine de Léon
XIII et Pie XI selon laquelle le pouvoir de l’État est limité à
l’ordre naturel, n’est pas équivalente à une « conception
naturaliste de l’État ». Ce que l’on appelle « conception
naturaliste de l’État » est basé sur la thèse contenue
dans la proposition 3 condamnée dans le Syllabus
(45), alors que dans DH
on affirme expressément le contraire, à savoir que la norme suprême
de la vie humaine est la loi divine, éternelle, objective et
universelle, par laquelle Dieu gouverne et ordonne tout l’univers
et la société humaine (cf. DH,
3).
De
plus, la doctrine de
DH
n’a rien à voir avec le positivisme juridique
; au contraire,
elle met une limite à la prétendue toute puissance législative de
l’État, sur la base d’un droit naturel dérivé de la dignité
de la personne (cf. DH,
1/a [:
“Itemque
postulant iuridicam delimitationem potestatis publicae, ne fines
honestae libertatis et personae et associationum nimis
circumscribantur.”
(« De même requièrent-ils que soit juridiquement délimité
l’exercice de l’autorité des pouvoirs publics, afin que le champ
d’une honorable liberté, qu’il s’agisse des personnes ou des
associations, ne soit pas trop étroitement circonscrit. »)].
La
Relatio
de textu reemendato
expliquait aussi pour quelle raison il n'y a pas de place pour le
positivisme juridique :
«
His suppositis,
argumentum pro libertate religiosa primum haurit schema ex ratione.
Ad hoc argumentum construendum appellat ad auctam hominis hodierni
conscientiam dignitatis personae atque ad libertatis civilis
postulationem, quae exinde profluit. Notandum vero est, argumentum
non fundari in nudo facto huiusmodi crescentis conscientiae, neque in
nudo facto postulationis libertatis civilis, acsi Ecclesia quasi
cederet opinioni publicae vel positivismo cuidam iuridico indulgeret.
Quod absit. E contra, fundatur argumentum in veritate de dignitate
personae, quam conscientia hodierna manifestat, ac proinde in
iustitia ipsa, qua postulatur libertas personae debita
» (46).
[«
Tout cela étant admis, l’argument en faveur de la liberté
religieuse tire, en premier lieu, son origine de la raison. Pour
développer cet argument, elle fait appel à la conscience accrue
qu’a l’homme contemporain de la dignité de la personne humaine
et de l’exigence de la liberté civile qui en découle. Il faut
pourtant noter que l’argument n’est pas fondé sur le fait nu de
cette conscience accrue, ni sur celui de l’exigence de la liberté
civile, comme si l’Église se montrait complaisante envers
l’opinion publique ou un quelconque positivisme juridique. Loin de
nous cette idée ! Au contraire, l’argument est fondé sur la
vérité de la dignité de la personne humaine que découvre la
conscience contemporaine, et par conséquent, sur la justice
elle-même qui réclame, comme un dû, la liberté de la personne. »]
La
Relatio
de modis a Patribus propositis [Relation concernant les
amendements proposés par les Pères] déclarait d’autre part que
la raison pour ne pas admettre certaines modifications avait été le
souci d’éviter que la liberté religieuse ne puisse apparaître
comme un droit civil uniquement positif :
«
Pro
libertate ipsius Ecclesiae Catholicae eiusque munere divino
adimplendo haec affirmatio iuris unice positivi summe periculosa
esset. Ius
positivum civile a legislatore civili conditur. Si libertas Ecclesiae
dependere dicitur a voluntate legislatoris, quid fiet in societatibus
civilibus ubi legislator est Ecclesiae hostilis vel ubi non fit
distinctio inter religionem (non-christianam) et statum? Nonne sic de
facto libertas et sacra independentia Ecclesiae Christi committitur
voluntati brachii saecularis? In declaratione conciliari attendendum.
Si
haec dicimus, exinde tamen non est concludendum quod haec Synodus
libertam religiosam propter solam
Ecclesiae Catholicae utilitatem admittit. In nostra declaratione
explicite affirmatur immunitatem ab externa coercitione exigi ipsa
veritate i. e. ipsa hominis natura. Fundatur enim in dignitate
humanae personae a Deo ad suam imaginem dotatae libero arbitrio et
personali responsabilitate »
(47).
[«
Pour la liberté de l’Église Catholique elle-même et
l’accomplissement de sa fonction divine, cette affirmation d’un
droit uniquement positif représenterait un très grand danger. Le
droit positif civil est rédigé par le législateur civil. Si l’on
dit que la liberté de l’Église dépend de la volonté du
législateur, qu’arrivera-t-il dans les sociétés civiles où le
législateur est hostile à l’Église ou si l’on ne fait pas la
distinction entre la religion (non-chrétienne) et l’État ? La
liberté et l’indépendance sacrée de l’Église du Christ ne
sont-elles pas, de fait, abandonnées à la volonté du bras séculier
? Dans la déclaration conciliaire il faut veiller au bien de toute
l’Église.
Si
nous disons cela, il ne faut cependant pas, par suite, conclure que
ce Synode admet la liberté religieuse à cause du seul intérêt de
l’Église Catholique. Dans notre déclaration, on affirme
explicitement que l’immunité de coaction extérieure est exigée
par la vérité même, c’est-à-dire par la nature même de
l’homme. Elle est fondée, en effet, sur la dignité de la personne
humaine dotée, conformément à Son image, du libre arbitre et de la
responsabilité personnelle. »]
Enfin,
il faut tenir compte du fait que l’immunitas
ab externa coercitione
en matière religieuse, telle que la comprend DH,
se réfère au domaine social et civil. Pour cette raison, en
particulier, faites par le Christ, et d’autres au sujet épisodes
des réprimandes similaires du Nouveau Testament, la Commission
Conciliaire a précisé que, dans DH,
ne sont pas traités les problèmes de la vie intra-ecclésiale
(relation des fidèles entre l’autorité ecclésiastique) :
«
Exempla et verba allata contra textum, ex Novo Testamento (et
etiam pluria ex Vetere Testamento) sumpta, aut vitam religiosae
communitatis Israël internam, in qua Jesus et Apostoli vixerunt, aut
vitam intra-ecclesiasticam primaevae communitatis christianae
spectant. De qua vita non agitur in Declaratione » (48).
[«
Les exemples et les paroles allégués contre le texte et
tirés du Nouveau Testament (et même un plus grand nombre de
l’Ancien Testament) ont en vue soit la vie interne de la communauté
religieuse d’Israël dans laquelle Jésus et les Apôtres ont vécu,
soit la vie intra-ecclésiale de la première communauté chrétienne.
»]
On
peut également le voir de manière plus détaillée dans la réponse
au modo
suivant :
«
post
“confirmet”
addatur “Insuper
non solum ius, sed etiam officium habet Ecclesia iis qui ei libere
subiecti sunt doctrinam suam et disciplinam imponere vi auctoritatis
et cum sanctionibus. Haec coactio genuinae libertati minime
opponitur, potius favet; ita enim agebat Christus, dum saepe saepius
dure reprehendebat, quod non crederent, eos qui debebant veritatem
agnoscere: Qui vero non crediderit condemnabitur (Mc
16,
16)”.
R./
Non admittitur, cum hic non agatur de officio, se de iure Ecclesiae
neque de quaestione libertatis
in ipsa
Ecclesia. Praeterea actio descripta Ecclesiae non est vocanda coactio
» (49).
[«
Après “qu’il garantisse”, que l’on ajoute : “De plus,
l’Église a non seulement le droit mais également le devoir
d’imposer sa doctrine et sa discipline à ceux qui lui sont
librement soumis, par la force de l’autorité et par le moyen de
sanctions. Cette contrainte ne s’oppose nullement à la liberté
authentique, elle la favorise plutôt ; le Christ agissait ainsi
, en effet, lorsque, très fréquemment, il reprenait sévèrement,
parce qu’il ne croyaient pas, ceux qui devaient de reconnaître la
vérité : “Celui qui ne croira pas sera condamné (Mc 16,
16)” ».
R[éponse]/
: Cela n’est pas admissible, étant donné que, ici, il ne s’agit
pas du devoir, mais du droit de l’Église, ni non plus de la
question de la liberté dans l’Église elle-même. De plus, on ne
doit pas appeler “contrainte” l’action de l’Église décrite
[ci-dessus]. »]
En
conclusion, il est parfaitement conforme aux enseignements de DH
que les normes morales et les normes civiles justes soient
accompagnées de sanctions. Ce que l’on admet dans la Déclaration,
c’est que l’erreur en matière de foi, là où elle est imputable
subjectivement, mérite un châtiment de la part de Dieu et de
l’Église (50), mais non de la part de l’État, à moins que
cette erreur ne consiste en une infraction à l’ordre public juste.
4.
Sur la comparaison de Quanta
cura
et de Dignitatis
humanae
Les
propositions condamnées par Pie IX dans l’Enc. Quanta
cura
et les affirmations correspondantes de DH,
entre lesquelles on pourrait avoir l’impression qu’existe une
identité ou une relation de nécessaire implication, sont les
suivantes:
I)
Proposition
condamnée par Quanta
cura
:
«
La meilleure condition de la société est celle où on ne reconnaît
pas au pouvoir l’office de réprimer par des peines légales les
violateurs de la religion catholique, si ce n’est lorsque la paix
publique le demande » (Quanta
cura,
A.S.S., 3, 1867, p.
162).
[“[O]ptimam
esse conditionem societatis, in qua Imperio non agnoscitur officium
coercendi sancitis poenis violatores Catholicae religionis, nisi
quatenus pax publica postulet.”]
Enseignement
de DH :
« En matière religieuse, que nul ne soit forcé d’agir contre sa
conscience, ni empêché d’agir selon sa conscience, en privé et
en public, seul ou associé à d’autres, dans les justes limites »
(DH,
2/a).
[“[I]n
re religiosa neque aliquis cogatur ad agendum contra suam
conscientiam neque impediatur, quominus iuxta suam conscientiam agat
privatim et publice, vel solus vel aliis consociatus, intra debitos
limites. ”]
II)
Proposition
condamnée par Quanta
cura
:
« La liberté de conscience et des cultes est un droit propre à
chaque homme, qui doit être proclamé et garanti dans toute société
correctement constituée » (Quanta
cura,
A.S.S., 3, 1867, p.
162).
[“[L]ibertatem
conscientiae, et cultum esse proprium cuiuscumque hominis ius, quod
lege proclamari et asseri debet in omni recte constituta societate.”]
Enseignement
de DH
:
« La personne humaine a droit à la liberté religieuse. (…) Ce
droit de la personne humaine à la liberté religieuse doit être
reconnu dans l’ordre juridique de la société, de manière à ce
qu’il constitue un droit civil » (DH,
2/a).
[“[P]ersonam
humanam ius habere ad libertatem religiosam. (…) Hoc ius personae
humanae ad libertatem religiosam in iuridica societatis ordinatione
ita est agnoscendum, ut ius civile evadat.”]
Malgré
les apparences, il n’existe aucune incompatibilité entre les
condamnations de Quanta
cura
et les enseignements de DH.
Pour comprendre les raisons qui justifient cette réponse, il
convient de rappeler que la question ici posée a été prise en
compte dans l’élaboration de DH
dès les premiers schémas, présentés dans la Salle conciliaire,
qui signalaient la continuité avec la doctrine antérieure. Les
explications apportées par le Relator
[Rapporteur]
contribuent
à mettre en évidence le sens dans lequel les Pères comprenaient
les termes employés par la Déclaration, et selon lesquels ils
l’approuvèrent :
«
Haec modo iam via
sternitur ad rectam intelligentiam plurium documentorum pontificalium
quae saeculo XIX de libertate religiosa talibus verbis egerunt ut
huiusmodi libertas damnanda esse videretur.
Exemplum
clarissium habetur apud Pium IX in Encyclica Quanta
cura,
in qua legitur:
“Ex
qua omnino
falsa socialis regiminis
idea (scil. “naturalismi”)
haud
timent erroneam illam
fovere opinionem catholicae Ecclesiae animarumque saluti maxime
exitialem, a rec. mem. Gregorio XVI praedecessore nostro
‘deliramentum’
appellatam, nimirum ‘libertatem
conscientiae et cultuum esse proprium cuiuscumque hominis ius, quod
lege proclamari et asseri debet in omni recte constituta societate.’”
(Quanta
cura,
A.S.S., 3, 1867, p.
162)).
Ut
videre est, damnatur libertas ista conscientiae propter ideologiam,
quam praedicaverunt rationalismi fautores, hoc fundamento
innixi, quod individua conscientia exlex est, ut nullis sit normis
obnoxia divinitus traditis (cf. Syllabus,
prop.
3,
A.S.S.,
3, 1867, p.
168
[ :“
Humana
ratio, nullo prorsus Dei respectu habito, unicus est veri et falsi,
boni et mali arbiter, sibi ipsi est lex et naturalibus suis
viribus ad hominum ac populorum bonum curandum
sufficit.”(Allocution
consistoriale Maxima
quidem, 9
Juin 1862 (Prop. 1-7, 15, 19, 27, 39, 44, 49, 56-60, 76)]).
Damnatur
quoque ista libertas cultus, cuius principium est indifferentismus
religiosus (cf. Syllabus,
prop. 15,
ibid.,
p.
170
[ :
“Liberum
cuique homini est eam amplecti ac profiteri religionem, quam rationis
lumine quis ductus veram putaverit.”],
secundum quod ipsa Ecclesia intra organismum monisticum Status
incorporanda et potestati supreme Status subicienda esset.
Ut
hae damnationes exacte interpretentur, in ipsis cernenda est constans
illa Ecclesiae doctrina atque sollicitudo de humanae personae vera
dignitate atque de eius vera libertate (regula continuitatis). Etenim
fundamentum ultimum dignitatis humanae in eo est, quod homo est Dei
creatura. Non est ipse deus sed Dei imago. Ex hac absoluta
dependentia hominis a Deo profluit omne ius officiumque hominis ad
vindicandam sibi et aliis veri nominis libertatem religiosam. Ideo
enim homo
subiective
tenetur ad Deum colendum iuxta rectam conscinetiae suae normam, quia
obiective a Deo absolute dependet. Ideo homo nullatenus
est ab aliis hominibus vel etiam a potestate publica in re religiosa
interdicendus a libero exercitio religionis, ne eius absoluta a Deo
dependentia quavis ratione infringatur.
Certatem
igitur committendo contra laicismi placita cum philosophica tum
politica, Ecclesia pro dignitate personae humanae et pro eius vera
libertate omni ratione dimicabat. Ex quo sequitur, quod Ecclesia
iuxta regulam continuitatis cum olim tum hodie, quantumvis mutatis
rerum condicionibus, sibi plane consentiat »
(51).
[«
Par là, on ouvre désormais la voie à une juste compréhension de
nombreux documents pontificaux qui, au XIXe siècle,
s’exprimaient au sujet de la liberté religieuse, d’une façon
telle qu’on avait l’impression qu’il fallait condamner une
liberté de ce genre.
On
en trouve l’exemple
le plus net
chez Pie IX, dans
l’Encyclique
Quanta
cura, où on peut
lire :
“À
partir de cette idée
complètement fausse d’un régime social (c’est-à-dire
le naturalisme), ils
ne craignent pas d’encourager cette opinion
erronée de l’Église
catholique et surtout
funeste pour le salut
des âmes, appelée “délire”
par notre prédécesseur d’heureuse
mémoire Grégoire XVI,
qu’assurément, “la
liberté de conscience et des cultes est un droit propre
de n’importe quel
homme qui doit être proclamé
et affirmé
par la loi dans toute société justement
établie”.
Comme
on le voit, cette liberté de conscience est condamnée à cause de
l’idéologie qu’ont prôné les défenseurs du rationalisme qui
s’appuie sur ce fondement selon lequel la conscience individuelle
est sans frein, de telle sorte qu’elle n’est soumise à aucunes
règles enseignées par Dieu (cf. Syllabus, prop. 3, A.S.S.,
3, 1867, p. 168 [: « La raison
humaine, considérée sans aucun rapport à Dieu, est l'unique
arbitre du vrai et du faux, du bien et du mal: elle est à elle-même
sa loi, elle suffit par ses forces naturelles à procurer le bien des
hommes et des peuples » (Allocution consistoriale Maxima
quidem, 9 Juin 1862 (Prop. 1-7,
15, 19, 27, 39, 44, 49, 56-60, 76)]).
Est
condamnée également cette liberté de culte dont le principe est
l’indifférentisme religieux (cf. Syllabus, prop. 15, ibid.,
p. 172 [ : «
Il est libre à chaque homme d'embrasser et de professer la religion
qu'il aura réputée vraie d'après la lumière de la raison (Lettre
apostolique Multiplices inter, 10
juin 1851 (Prop. 15, 21, 23, 30, 51, 54, 68, 74), Allocution
consistoriale Maxima quidem,
9 Juin 1862 (Prop. 1-7, 15, 19, 27, 39, 44, 49, 56-60, 76).
»]), selon lequel
l’Église elle-même doit être incorporée à l’intérieur de
l’organisme moniste de l’État, et doit être soumise au pouvoir
suprême de l’État.
Pour
que ces condamnations soient interprétées avec exactitude, il faut
y discerner cette constante doctrine de l’Église et ce souci
permanent de la vraie dignité de la personne humaine et de sa vraie
liberté (règle de continuité). Et de fait, le fondement le plus
grand de la dignité humaine consiste en ce que l’homme est la
créature de Dieu. Il n’est pas lui-même un dieu mais l’image de
Dieu. C’est de cette dépendance parfaite de l’homme vis-à-vis
de Dieu que découle tout droit et tout devoir pour l’homme de
réclamer pour lui et pour les autres la liberté religieuse
authentique. Par conséquent, l’homme, subjectivement, est, en
effet, tenu de rendre un culte à Dieu selon la juste règle de sa
conscience, parce que, objectivement il dépend de Dieu d’une
manière parfaite. L’homme, donc, en matière religieuse ne doit en
aucun cas être empêché par d'autres hommes ou même par la
puissance publique, du libre exercice de la religion, de peur que sa
parfaite dépendance envers Dieu ne soit brisée pour quelque raison
que ce soit.
En
engageant le combat contre les principes tant philosophiques que
politiques du laïcisme, l’Église luttait par tous les moyens en
faveur de la dignité de la personne humaine et pour sa véritable
liberté. Il s’ensuit donc que l’Église, selon sa règle de
continuité, tant autrefois qu’aujourd’hui, quel que soit le
changement de l’état des choses, doit rester complètement en
accord avec elle-même. »]
Il
est donc nécessaire d’affirmer que les deux propositions de l’Enc.
Quanta
cura
déjà citées ont une signification différente des deux
propositions correspondantes de DH.
Il
est certain que les erreurs mentionnées par l’Enc. Quanta
cura
furent condamnées en
elles mêmes,
et non seulement en raison des circonstances historiques de l’époque.
Cependant, il convient d’avoir bien présent à l’esprit quelles
étaient ces erreurs, pour comprendre correctement les termes sous
lesquels elles sont désignées dans l’Encyclique. On voit ainsi
que l’on se trouve en présence d’un cas -qui n’est pas unique
dans l’histoire- où est condamné une doctrine exprimée avec des
mots qui, plus tard, seront utilisés par l’Église elle-même en
leur donnant une
signification différente.
On
peut trouver d’autres cas de contradictions apparentes entre des
textes du Magistère. L’exemple le plus ancien est peut-être celui
du mot consubstantiel,
rejeté par le Concile d’Antioche en 264, dans le sens modaliste
que lui avait donné Paul de Samosate, qui l’utilisait pour nier la
distinction réelle entre les Personnes du Père et du Fils. Il fut
ensuite adopté par le Concile de Nicée en 325, dans un sens
différent, le seul correct, défini par le Concile lui même (52).
Dans l’Écriture Sainte, elle-même, on peut trouver des exemples
de ce type. Les paroles du Seigneur: « "Ego
et Pater unum sumus »
[«
Le
Père et moi, nous sommes UN. »]
(Jn, 10,
30) peuvent paraître — à qui ne lit pas la Sainte Écriture in
sinu Ecclesiae [dans
le sein de l’Église]
—
incompatibles
avec l’affirmation « le Père est plus grand que moi. » (Jn, 14,
28). De même, les textes du Magistère, de manière analogue à ceux
de la Sainte Écriture, doivent être lus
in sinu Ecclesiae,
en évitant l’interprétation libre (53).
Dans
le cas qui nous occupe, l’expression »liberté de conscience et de
culte » dans l’Enc. Quanta
cura
et l’expression « liberté religieuse » dans la Décl. Dignitatis
humanae
désignent des réalités différentes. Comme le signale l’Enc.
Quanta
cura,
les propositions condamnées sont le résultat de l’application »à
la société civile du principe impie et absurde appelé naturalisme
» (54).
Ce
principe affirme que « Humana
ratio, nullo prorsus Dei respectu habito, unicus est veri et falsi,
boni et mali arbiter, sibi ipsi est lex et naturalibus suis viribus
ad hominum ac populorum bonum curandum sufficit » [«
la
raison humaine, sans tenir compte en aucune façon de Dieu, est
l’unique arbitre du vrai et du faux, du bien et du mal, est à
elle-même sa propre loi, et suffit par ses seules forces naturelles,
à procurer le bonheur des individus et des collectivités.
» (55); et que «
Omnes religionis veritates ex nativa humanae rationi vi derivant;
hinc ratio est princeps norma qua homo cognitionem omnium cuiuscumque
generis veritatum assequi possit ac debeat »
[«
toutes les vérités religieuses ont pour origine la vigueur native
de la raison humaine. Cette raison est la norme première
qui peut et doit procurer à l’homme la connaissance de toutes et
de chacune des vérités. »]
(56). Dans ce contexte doctrinal, la relation entre la raison humaine
et la vérité en général, et celle entre la raison humaine et la
vérité particulière à la religion et au culte, sont définies
d’une seule manière: autonomie ou liberté. Ainsi, la liberté de
conscience et de culte condamnée par Pie IX signifie-t-elle que
« integrum
cuique esse; aut quam libuerit, aut omnino nullam profiteri
religiones
» [« il est permis à chacun ou de professer la religion qui lui
plaît ou de n’en professer aucune »] ?
» (57).
Les
Pontifes Romains (en particulier Pie IX et Léon XIII) enseignent
justement qu’il n’est pas licite de revendiquer un droit
ou une faculté morale
(le pouvoir éthiquement légitime) d’adhérer intérieurement à
une religion erronée, ni la faculté
morale de la pratiquer extérieurement. Aucun gouvernant
ne peut établir ni décréter un droit
de liberté de conscience ou de cultes, ce qui consisterait à
prétendre créer la possibilité morale d’adhérer à n’importe
quel culte. La vérité que l’homme est obligé de chercher et le
culte véritable que l’homme est obligé de pratiquer, ne sont
créés ni par la raison individuelle ni par le pouvoir politique,
mais transcendent ces deux instances humaines.
Comme
on l’a déjà rappelé dans les pages précédentes, Léon
XIII et Pie
XII
enseignent aussi que, dans certaines circonstances un culte erroné
peut être toléré, c’est-à-dire, ne pas être empêché par la
contrainte (58). Cette tolérance civile ne lui est pas due en
justice à
titre de culte.
La tolérance ne sanctionne pas non plus ni ne crée de faculté
morale
d’exercer une culte erroné (elle ne le rend pas éthiquement
légitime). En vertu de la tolérance, sans avoir la faculté morale
d’agir mal, on peut avoir le droit civil de ne pas être empêché
par la contrainte, si le dispose ainsi une loi civile base de manière
suffisante sur des motifs raisonnables: à savoir, obtenir un bien
supérieur, ou éviter un mal plus grave (59). La tolérance
n’équivaut pas à concéder à l’erreur une légitimité morale.
La
pratique de la tolérance correspond, en dehors des raisons énoncées,
à la nature même de l’acte de foi. « Atque
illud quoque magnopere cavere Ecclesia solet ut ad amplexandam fidem
catholicam. nemo invitus cogatur, quia quod sapienter Augustinus
monet, credere non potest homo nisi volens. » [«
C’est
d’ailleurs la coutume de l’Église de veiller avec le plus grand
soin à ce que personne ne soit forcé d’embrasser la foi
catholique contre son gré, car, ainsi que l’observe sagement saint
Augustin, l’homme
ne peut croire que de plein gré
»]
(60). Aussi, Léon
XIII
et Pie XI
ont distingué l’erreur de la liberté
de conscience
et de la légitime liberté
des consciences
(61).
Toute
cette doctrine reste inchangée dans la Décl. Dignitatis
humanae,
bien qu’il y ait un progrès doctrinal et un changement dans le
point de vue selon lequel on aborde le problème. Dans DH:
a)
on affirme l’obligation de chercher la vérité en matière
religieuse et morale, et on n’admet aucun type de liberté de
conscience, entendue comme autonomie éthique;
b)
on n’admet pas non plus l’autonomie religieuse : l’unique vraie
religion est celle de l’Église Catholique (cf. DH,
1). En conséquence, la doctrine sur la relation entre l’homme et
la vérité en matière religieuse et morale reste inchangée par
rapport à la doctrine traditionnelle ;
c)
le point de vue de DH,
fondamentalement juridique, amène à examiner les relations
interpersonnelles entre les hommes et entre l’homme et l’État.
La contrainte civile (nécessité ab
extrinseco)
en matière religieuse est exclue par la nature même de la personne,
par la nature et l’acte de foi, par la nature personnelle de
l’obligation et de la responsabilité en relation avec la vérité,
en aucune manière sur la base d’une prétendue indifférence de
l’homme vis-à-vis de la religion ou d’une égalité entre tous
les cultes. Dans ce sens — différent de celui de l’Enc. Quanta
cura —,
on peut parler de droit naturel à la liberté religieuse. C’est un
droit négatif qui indique à l’État et à la personne ce
qu’ils ne doivent pas faire
à un autre homme en matière religieuse et sur le plan civil, mais
ne légitime en aucune matière sur le plan moral et religieux ce que
fait chacun dans sa sphère de responsabilité personnelle. DH
ne prétend ni créer ni concéder aucune faculté morale à l’erreur
ou à l’adhésion à l’erreur de la part du sujet.
L’Enc.
Quanta
cura
condamne ceux qui osent dire que «
Ecclesiae et huius Apostolicae Sedis supremam auctoritatem a Christo
Domino ei tributam civilis auctoritatis arbitrio subiicere
» [«
l’autorité
suprême de l’Église et de son Siège
Apostolique,
à elle attribuée par le Christ Jésus lui-même, est soumise au
jugement
de l’autorité civile »]
(62). L’évolution même du noyau doctrinal du rationalisme va
d’une présentation initiale individualiste à une image
collectiviste ou totalitaire de l’homme. Pour cette raison, les
Pontifes Romains ont insisté chaque fois davantage sur le fait que
le bien commun nécessite avant tout le respect de la dignité et des
droits de la personne, créée à l’image de Dieu, qui jouit d’une
destinée personnelle éternelle (63).
Dans
les conditions actuelles, l’insistance sur la transcendance du
domaine religieux considéré en lui-même, vis-à-vis des
compétences du pouvoir politique, correspond d’une part à la
vérité enseignée traditionnellement par l’Église, et, d’autre
part, est nécessaire pour sauvegarder la liberté des catholiques et
de l’Église elle-même. Le statut commun de liberté religieuse
sur le plan civil et social est le minimum nécessaire dont a besoin
l’Église pour accomplir sa mission divine, ce qui ne veut pas dire
-comme on l’a dit précédemment- que ce minimum soit le seul
possible ou le plus avantageux pour l’Église. Dans DH,
6, on contemple la possibilité d’une reconnaissance particulière
et d’une collaboration qui, à son tour, doivent éviter les
comportements juridiques exclus par la nature même de la personne et
du domaine religieux. De fait, l’existence de Concordats entre le
Saint-Siège et certains États place les relations Église-État au
dessus du simple régime de liberté religieuse sur le plan civil et
social. Un autre problème est celui de la valeur de chaque Concordat
en particulier, qui pourra dépendre des circonstances dans
lesquelles il a été établi, et des personnes qui sont intervenues
dans sa réalisation.
IV.
CONCLUSION
Au
terme de cette argumentation, je pense que l’on peut admettre comme
suffisamment fondée la conclusion suivante:
il n’existe pas de motifs suffisants pour justifier en conscience
une mise en doute de la compatibilité et
de la doctrine de la Déclaration Dignitatis
humanae
et le Magistère antérieur.
Il
faut cependant noter que les explications données dans ces pages,
contiennent nécessairement des aspects théologiques discutables.
Une fois démontré qu’il n’y a pas de motif suffisant pour
affirmer qu’il y ait une contradiction, demeure la possibilité
d’une étude ultérieure de ce problème, dans le but d’expliquer
d’une manière encore plus parfaite l’existence et de la
compatibilité et de la continuité: c’est-à-dire, de quaerere
rationem quomodo sit
[chercher
à expliquer la façon dont est],
et non pas quomodo
non sit
[la
façon
dont n’est pas] [enseigné],
ce qui est enseigné par l’Église (64).
Notes
(1)
Cf., par exemple, le volume Vatican
II. La liberté religieuse,
collection « Unam Sanctam » n. 60, Ed. du Cerf, Paris 1967, en
particulier l’article de J. COURTNEY MURRAY, Vers
une intelligence du développement de la doctrine de l’Église sur
la liberté religieuse
(pp. 111-147). Cf. aussi NICOLAU, Magisterio
eclesiástico sobre libertad
religiosa. Conciliación armónica de sus enseñanzas,
« Salmanticensis » 17 (1970) pp. 57
ss.
(2)
Cf. par exemple, S.C.D.F., Décl. Mysterium
Ecclesiae,
24-VI-73, n° 5.
(3)
Cf. CONC. VATICAN I, Const.
Dei Filius,
chap. 4 : Denz-Sch 3020
; CONC. VATICAN II, Consti. Dei
Verbum,
n° 8
(4)
LÉON
XIII, Enc. Immortale
Dei,
1-XI-1885 : A.A.S.,
18 (1885)
p.
172.
(5)
JEAN XXIII, Enc. Pacem
in terris,
11-IV-1963 :
A.A.S.,
55
(1963) p. 299
; cf. aussi, JEAN-PAUL
II,
Message
à l’ONU,
2-XII-1978 : « Insegnamenti
di Giovanni Paolo II
» 1 (1978) p. 259
(6) CONC. DE TRENTE, Decr. de
peccato originali, can. 1:
Denz-Sch, 1511.
(7) Cf. CONC. DE TRENTE, Decr. de
justificatione, can. 5:
Denz-Sch, 1555.
(8) Cf. St. THOMAS D'AQUIN, Summa
Theologiae, I, q. [9]3,
a. 4
et III, q. 8, a.3.
(9)
Acta
Synodalia
Sacrosancti Concilii Oecumenici Vaticani II,
Typis Polyglottis Vaticanis, vol. IV, [periodus
IV,] pars
VI, [Typis
Polyglottis Vaticanis, 1978,] p.
725.
(10)
Pie XII, Alloc. Ci
riesce,
6-XII-1953
:
A.A.S.,
45
(1953) p. 799.
(11)
Acta
Synodalia…,
cit.,
vol. IV, periodus
IV, pars
I, pp. 189-190.
(12)
Cf. J. HAMER, « Histoire du texte de la Déclaration », en AA. VV,
Vatican
II. La liberté religieuse,
cit.,
p. 104.
(13)
Acta
Synodalia
…
, cit.,
vol. IV, [periodus
IV,]
p. 190.
(14)
Acta
Synodalia
…
, cit., vol. IV, [periodus
IV,] pars
VI, [Typis
Polyglottis Vaticanis, 1978,] p.
744.
(15)
Acta
Synodalia
... , cit., vol. IV, [periodus
IV,] pars
VI, [Typis
Polyglottis Vaticanis, 1978,] p.
769.
(16)
Acta
Synodalia
…
, cit., vol. IV, pars V, p. 154.
(17)
Cf. St. THOMAS D'AQUIN, Summa
Theologiae,
I-II, q. 96,
aa. 2-3.
(18)
Pie XII, Alloc. Ci
riesce, 6-XII-1953
:
A.A.S.,
45
(1953) p. 799.
(19)
Acta
Synodalia …
, cit., vol. II, [Periodus
II,] pars
V, [Typis
Polyglottis Vaticanis, 1973,]
p.
492.
(20)
Acta
Synodalia …
, cit., vol. II, [Periodus
II,] pars
V, [Typis
Polyglottis Vaticanis, 1973,]
p. 494.
(21)
Acta
Synodalia …
, cit., vol. III, pars II, p. 327.
(22)
Acta
Synodalia… ,
cit., vol. III, pars II, pp. 349-350
(23)
Cf. PAUL VI, Discorso
[Udienza
generale],
18-VIII-1971:
« Insegnamenti
di Paolo VI
» 9 (1971) p. 705 [:“vi
sono pagine nella storia della Chiesa, in fatto di libertà
religiosa, che meritano riserve e spiegazioni, facilmente derivabili
dal contesto storico in cui esse registrarono fatti più conformi
allo spirito temporale che a quello evangelico.” :
« On
sait des pages de l'histoire de l'Église, en termes de liberté
religieuse, qui méritent des réserves et des explications,
facilement dérivées du contexte historique dans lequel ont été
enregistrés des faits plus conformes à l'esprit temporel qu'à
l'esprit évangélique. »]
(24)
PAUL VI, Discorso,
20-XII-1976:
« Insegnamenti
di Paolo VI
», 14 (1976) pp. 1088-1089.
(25)
Cf. CONC. VATICAN II, Peer. Unitatis
redintegratio,
nn. 3, 14, 15, 20, 22, 23.
(26)
CONC. VATICAN II, Décl. Nostra
aetate,
n. 2
(27)
Cf. PAUL VI, Ex. Ap. Evangelii
nuntiandi,
8-XII-1975, n. 80.
(28)
Acta
Synodalia …
, cit., vol. III, [periodus
III,]
pars
VIII, [Typis
Polyglottis Vaticanis, 1976,]
p.
462.
(29)
Acta
Synodalia …
, cit., vol. III, [periodus
III,]
pars
VIII, [Typis
Polyglottis Vaticanis, 1976,]
pp.
461-462.
(30)
Acta
Synodalia …
, cit.,
vol. III, [periodus
III,]
pars
VIII, [Typis
Polyglottis Vaticanis, 1976,]
p. 464.
(31)
PIE IX,
Syllabus
n. 77
: Denz-Sch
2977.
(32)
PIE IX,
Syllabus
n. 78
: Denz-Sch
2978.
(33)
LÉON XIII, Enc.
Immortale
Dei,
1-XI-1885 :
A.S.S.
18
(1885), pp.
170-171.
(34)
PIE XI, Enc. Quas
primas,
11-XII-1925 :
A.A.S.
17 (1925), pp. 604-605.
(35)
Acta
Synodalia …
, cit., vol. IV, [periodus
IV,] pars
VI, [Typis
Polyglottis Vaticanis, 1978,]
p. 721.
(36)
LÉON XIII, Enc.
Immortale
Dei
: A.S.S.,
18
(1885),
pp.
186.
(37)
PIE XI, Enc. Non
abbiamo bisogno
:
A.A.S.,
23 (1931)
p. 303.
Cf. déjà la lettre [
Famuli vestrae pietatis]
de
GÉLASE
Ier
à Anastase Ier
en 494 : Denz-Sch 347.
(38)
Acta
Synodalia…,
cit., vol. IV, [Periodus
IV,] pars
I, [Typis
Polyglottis Vaticanis, 1976,]
p. 433.
(39)
Cf. Acta
Synodalia…,
cit., vol. IV, pars [VI],
p. 768
(modi
10
et 11)
(40)
Acta
Synodalia…, cit.,
vol. IV, pars V, p.103.
(41)
Acta
Synodalia…
, cit., vol. IV, pars V, p.102
(42)
Acta
Synodalia…
, cit., vol. IV, pars V, p.102
(43)
Cf. Paul VI, Discorso, 2[5]-VIII-76;
“Insegnamenti di Paolo VI”, 14 (1976), p.672 [:
“Oggi,
per esempio, si confonde la libertà religiosa, quale la Chiesa ci
insegna riguardo a chi non professa la nostra fede (Cfr. Dignitatis
Humanae, 2) con l’indifferenza religiosa, quasi che non esistesse
l’obbligo morale di cercare e di dare testimonianza alla verità;
ovvero con un ibrido sincretismo, quasi che ogni religione fosse
valida per se stessa.” :
« Aujourd’hui, par exemple, on confond la liberté religieuse
que l’Église nous enseigne à propos de ceux qui ne professent pas
notre foi (cf. Dign.
hum. DH
2) avec l’indifférence religieuse, comme s’il n’existait pas
l’obligation morale de chercher la vérité et de lui rendre
témoignage ; ou encore avec un syncrétisme hybride, comme si chaque
religion était valable de par elle-même. »]
(44)
LÉON
XIII,
Enc. Immortale
Dei,
1-XI-1885 : A.S.S.
18
(1885) p. 167.
(45)
Cf. Syllabus,
n.
3
: Denz-Sch 2903
[:
« La raison humaine, considérée sans aucun rapport à Dieu,
est l'unique arbitre du vrai et du faux, du bien et du mal : elle est
à elle-même sa loi, elle suffit par ses forces naturelles à
procurer le bien des hommes et des peuples. » (“Humana
ratio, nullo pror-sus Dei respectu habito, unicus est veri et falsi,
boni et mali arbiter, sibi ipsi est lex et naturalibus suis viribus
ad hominum ac populorum bonum curandum sufficit.”)]
(46)
Acta
Synodalia … ,
cit., vol. IV, [Periodus
IV,] pars
I, [Typis
Polyglottis Vaticanis, 1976,]
p.
185.
(47)
Acta
Synodalia
...,
vol. IV, [periodus
IV,] pars
VI, [Typis
Polyglottis Vaticanis, 1978,] p.
720.
(48)
Acta
Synodalia
...,
vol. IV, [periodus
IV,] pars
VI, [Typis
Polyglottis Vaticanis, 1978,] p.
763.
(49)
Acta
Synodalia
...,
vol. IV, [periodus
IV,] pars
VI, [Typis
Polyglottis Vaticanis, 1978,] p.
770.
50)
"La
potestà coercitiva è anch'essa fondata nell'esperienza della Chiesa
primitiva, e già San Paolo ne fece uso nella comunità cristiana di
Corinto
[«
Le pouvoir de coercition trouve son fondement lui aussi dans
l’expérience de l’Église primitive et saint Paul en a déjà
fait usage dans la communauté chrétienne de Corinthe »] (cf.
I Cor 5)" (PAUL VI, Discorso
[Ad
Praelatos Auditores et Officiales Tribunalis Sacrae Romanae Rotae],
29-I-1970:
"Insegnamenti
di Paolo VI"
VIII (1970) p. 89).
(51)
Acta
Synodalia…,
cit., vol. II, [Periodus
II,] pars
V, [Typis
Polyglottis Vaticanis, 1973,]
pp 491-492.
(52)
Cf. Dictionnaire
de Théologie Catholique,
vol. I, col. 1434;
vol. III, col. 1611-1612;
vol. XII, col. 50 [?].
(53)
Cf. PAUL VI, Discorso,
20-XII-76:
»Insegnamenti di Paolo VI » 14 (1976) p. 1088.
(54)
PIE IX, Enc. Quanta
cura,
A.S.S., 3, 1867, p.
162
(55)
Syllabus,
n.
3 : Denz-Sch 2903
.
(56)
Ibidem,
n.
4
: Denz-Sch 2903
(57)
LÉON
XIII, Libertas
praestantissimum,
A.S.S., 20, 1887, pp. 603.
(58)
Cf. LÉON
XIII, Enc. Libertas
praestantissimum,
A.S.S., 20, 1887, pp. 609-610
;
Pie
XII, Alloc. Ci
riesce, 6-XII-1953
:
A.A.S.,
45
(1953) p. 797
ss.
(59)
Cf. St. THOMAS,
Summa
Theologiae, II-II, q.10, a.
11 : “[H]humanum
regimen derivatur a divino regimine, et ipsum debet imitari. Deus
autem, quamvis sit omnipotens et summe bonus, permittit tamen aliqua
mala fieri in universo, quae prohibere posset, ne, eis sublatis,
maiora bona tollerentur, vel etiam peiora mala sequerentur. Sic
igitur et in regimine humano illi qui praesunt recte aliqua mala
tolerant, ne aliqua bona impediantur, vel etiam ne aliqua mala peiora
incurrantur, sicut Augustinus dicit, in II de ordine, aufer
meretrices de rebus humanis, turbaveris omnia libidinibus. Sic
igitur, quamvis infideles in suis ritibus peccent, tolerari possunt
vel propter aliquod bonum quod ex eis provenit, vel propter aliquod
malum quod vitatur. Ex hoc autem quod Iudaei ritus suos observant, in
quibus olim praefigurabatur veritas fidei quam tenemus, hoc bonum
provenit quod testimonium fidei nostrae habemus ab hostibus, et quasi
in figura nobis repraesentatur quod credimus. Et ideo in suis ritibus
tolerantur. Aliorum vero infidelium ritus, qui nihil veritatis aut
utilitatis afferunt, non sunt aliqualiter tolerandi, nisi
forte ad aliquod malum vitandum, scilicet ad vitandum scandalum vel
dissidium quod ex
hoc posset provenire, vel impedimentum
salutis eorum,
qui paulatim, sic tolerati, convertuntur ad fidem. Propter hoc enim
etiam haereticorum et Paganorum ritus aliquando Ecclesia toleravit,
quando erat magna
infidelium multitudo.”
: « Le gouvernement humain dérive du gouvernement divin et doit le
prendre pour modèle. Or Dieu, bien qu'il soit tout-puissant et
souverainement bon, permet néanmoins qu'il se produise des maux dans
l'univers, alors qu'il pourrait les empêcher, parce que leur
suppression supprimerait de grands biens et entraînerait des maux
plus graves. Ainsi donc, dans le gouvernement humain, ceux qui
commandent tolèrent à bon droit quelques maux, de peur que quelques
biens ne soient empêchés, ou même de peur que des maux pires ne
soient encourus. C'est ce que dit S. Augustin : “Supprimez
les prostituées et vous apporterez un trouble général par le
déchaînement des passions.”
Ainsi donc, bien que les infidèles pèchent par leurs rites, ceux-ci
peuvent être tolérés soit à cause du bien qui en provient, soit à
cause du mal qui est évité. Du fait que les juifs observent leurs
rites, qui préfiguraient jadis la réalité de la foi que nous
professons, il en découle ce bien que nous recevons de nos ennemis
un témoignage en faveur de notre foi, et qu'ils nous représentent
comme en figure ce que nous croyons. C'est pourquoi les Juifs sont
tolérés avec leurs rites. Quant
aux rites des autres infidèles, comme ils n'apportent aucun élément
de vérité ni d'utilité, il n'y a pas de raison que ces rites
soient tolérés, si
ce n'est peut-être en vue d'un mal à éviter. Ce qui est à éviter,
c'est le scandale ou le dissentiment
qui pourrait provenir de cette intolérance, ou encore l'empêchement
de salut
pour ceux qui, ainsi tolérés, se tournent peu à peu vers la foi.
C'est pour cela en effet que l'Église a quelquefois toléré les
rites des hérétiques et des Païens
quand
les infidèles étaient très nombreux. »]
;
LÉON XIII, Enc.
Libertas,
loc. cit.
(60)
LÉON
XIII,
Enc. Immortale Dei,
1-XI-1885 : A.S.S.
18 (1885) p. 174-175.
(61)
Cf. LÉON
XIII, Enc. Libertas
praestantissimum,
A.S.S., 20, 1887, pp. 608-609;
PIE XI, Enc. Non
abbiamo bisogno
:
A.A.S.,
23 (1931)
p. 301-302.
(62)
PIE IX, Enc. Quanta
cura,
A.S.S., 3, 1867, p.
164
;
cf. la distinction entre les deux sociétés chez LÉON XIII, Enc.
Cum
multa sint:
A.S.S.
15
(1882) pp. 242-243,
et
Immortale
Dei,
1-XI-1885 : A.S.S.
18 (1885) pp.
166-167.
(63)
Cf. PIE XI, Mit
brennender Sorge:
A.A.S.,
29
(1937) pp. 159-160;
PIE XII, Message
radiophonique, 1-VI-1941:
A.A.S.,
23
(1931) p. 200
;
JEAN XXIII, Enc. Pacem
in terris,
11-IV-1963 :
A.A.S.,
55
(1963) p. 260;
etc.
(64)
Cf. St. PIE X,
Enc.
Communium
rerum,
21-IV-1909:
A.A.S.,
1
(1909) p. 381