Pie XI en 1922. Par Nicola Perscheid. |
Pie XI, Discours adressé aux religieuses membres du Chapitre général des Sœurs de Notre Dame du Cénacle, audience du 15 juillet 1938.
(…) Une troisième chose que Nous croyons avoir vraiment vue par l’aide surnaturelle du bon Dieu, et qui peut être de quelque avantage spirituel pour vous, pour le bien général de votre Société, pour tous. Vous allez avoir les prémices d’un inédit papal, Nous le proposons à votre considération. Nous voulons dire, chères filles, la grande question qui agite le monde actuellement sous le nom de nationalisme exagéré en tant de manières, le nationalisme mal entendu que nous avons déjà eu la pénible occasion de dénoncer comme erroné et dangereux, le racisme servant de base, prétendant servir de base scientifique. Il y a quelques années [le 6 décembre 1929], Nous avons convoqué tous les Procureurs généraux des Ordres et Congrégations missionnaires résidant à Rome, pour leur dire entre autres choses : « Avertissez vos Supérieurs généraux respectifs et dites-leur, au nom du Pape, de se parer de cette malédiction – le mot est fort, mais Nous l’avons dit, – de cette malédiction qu’est le nationalisme exagéré, produisant la stérilité apostolique, dont les preuves remplissent la table du Vicaire de Jésus-Christ, du Christ qui disait à ses apôtres : Euntes docete omnes gentes. Allez prêcher à toutes les nations. »
Voilà un argument sur lequel la Providence pendant ces derniers jours – ou plutôt ces dernières nuits, – car elles sont rares les nuits où Nous pouvons trouver le sommeil, mais quand Nous ne dormons pas, Nous pouvons quand même Nous reposer assez pour le travail de la journée, – pendant ces dernières nuits, donc, voilà ce que Dieu Nous a présenté, comme si Nous lisions sur un tableau devant Nous : que ce nationalisme exagéré empêche le salut des âmes, soulève des barrières entre peuple et peuple ; il est contraire non seulement à la loi de Dieu, mais à la foi même ; c’est une contradiction avec le Credo, ce Credo qui se chante dans toutes les cathédrales du monde, comme par exemple la cathédrale restaurée de Reims ; ce Credo qui se confesse dans toutes les Messes qui se célèbrent sur tous les autels du monde ; ce Credo que les foules chrétiennes chantent avec un si émouvant enthousiasme, comme Nous l’avons entendu à Lourdes ; le magnifique Credo de tous les Congrès eucharistiques où il accompagne le triomphe du Roi des rois. Le nationalisme est en contradiction avec ce Credo. Comment ne pas se rappeler ce Credo si clair qui contient les premiers mots sortis de la bouche du Collège apostolique, les premières formules de l’enseignement évangélique, promulgué par les paroles de Jésus : docete omnes gentes ? Et que disons-Nous ? Credo unam, sanctam, catholicam Ecclesiam. Catholique, c’est-à-dire universelle ; il n’y a pas d’autre traduction possible, soit en français, soit en italien ou dans n’importe quelle langue moderne : Église catholique voudra toujours dire Église universelle.
Nous voici donc devant un contraste évident, quelque chose d’irréconciliable : le contraste entre le nationalisme exagéré et la doctrine catholique, l’esprit de ce nationalisme est contraire à l’esprit du Credo, contraire à la foi.
(…)
On m’a rapporté aujourd’hui même quelque chose de bien grave : il s’agit d’une nouvelle forme de vraie apostasie ; ce n’est plus seulement une vérité ou l’autre qui est attaquée, c’est l’esprit de la foi, c’est tout l’esprit de la doctrine qui est contraire à la foi du Christ. Credo sanctam catholicam Ecclesiam. Dire ainsi, c’est dire tout ce que le bon Dieu a fait pour le salut du monde, pour glorifier l’humanité ; tout cela signifie la rédemption et la sanctification du monde, tandis que l’autre doctrine signifie tout le contraire. (…)
Source : http://www.liberius.net/livres/Actes_de_S._S._Pie_XI_(tome_18)_000001031.pdf#page=15
Pie XI, Discours adressé aux élèves du Collège pontifical urbain de la Propagande, audience particulière du 28 juillet 1938. Traduit du texte italien publié par l’Osservatore Romano du 30 juillet 1938.
(…) Cette présence [des élèves de la « Propagande »] lui était en vérité particulièrement chère, en ces jours où l’on parle tant, trop, beaucoup trop de racisme, de nationalisme, dans un sens séparatiste. Leur visite se produisait précisément le jour où le Pape avait reçu une nouvelle communication à ce sujet. (…) [A]ujourd’hui, selon l’information parvenue au Saint-Père, il y a eu quelqu’un – et il faut le considérer comme doué d’une excellente intention et comme disant au fond la vérité, – quelqu’un qui a noté que catholique veut dire universel, non raciste, non nationaliste, au sens séparatiste de ces deux attributs. (…) [L’]action catholique est la vie catholique. La vie catholique signifie une activité faite de charité, de vertu, de la loi de Dieu qui remplit une telle vie, laquelle est pour ce motif vie de Dieu. Il n’y a pas d’autre manière de penser catholiquement, et ce n’est pas une pensée raciste, nationaliste, séparatiste, au sens qui est exprimé assez clairement dans le dernier de ces mots.
On oublie que le genre humain, tout le genre humain, est une seule, grande, universelle race humaine.
L’expression genre humain révèle précisément la race humaine, bien que certains écrivains pensent que cette dernière expression soit peu sympathique. Le Saint-Père rappelle qu’il a entendu lui-même un vieux savant – lequel connaissait bien les universaux – qui, à l’expression race humaine – le mot race lui semblant à la vérité plus approprié pour désigner les animaux, – préférait les termes de genre humain.
Il ne faut cependant pas être trop exigeants. De même que l’on dit genre, on peut dire race ; et l’on doit dire que les hommes sont avant tout un grand et seul genre, une grande et seule famille d’êtres vivants, engendrés et générateurs. Ainsi le genre humain est une seule race, universelle, « catholique ».
On ne peut toutefois nier que dans cette race universelle il y ait place pour les races spéciales, comme pour tant de variations diverses, comme pour beaucoup de nationalités qui sont encore plus spécialisées. Et de même que dans les vastes compositions musicales il y a de grandes variations dans lesquelles, toutefois, l’on voit le même motif général qui les inspire revenir souvent, mais avec des tonalités, des intonations, des expressions diverses, de même dans le genre humain, il existe une seule grande race humaine universelle, catholique, une seule grande et universelle famille humaine et, avec elle, en elle, des variations diverses.
On peut donc se demander comment il se fait que, malheureusement, l’Italie ait eu besoin d’aller imiter l’Allemagne. (…)
Que fait l’Église, le Saint-Siège ? Que fait le Pape à la « Propagande », c’est-à-dire là où se trouvent des élèves de trente-sept nations ? Cela est très visible : ils sont tous fils de la même mère, de la même famille ; tous chers et élevés à la table commune de la même vérité et des biens identiques. « Propagande » est la vraie, juste et saine pratique d’un racisme répondant à la dignité et à la réalité humaine ; car la réalité humaine, c’est d’être des hommes et non des bêtes sauvages, des existences quelconques ; la dignité humaine, c’est d’être une seule et grande famille, le genre humain, la race humaine. C’est ainsi que l’Église montre qu’elle pense, comprend, sent et traite les choses. La présence de ces chers jeunes gens, comme le Collège lui-même, avait aussi cette signification magnifique, opportune, au moment, à l’heure qui passe, dans les discussions qui agitent plus ou moins consciemment le monde. Voilà la réponse de l’Église ; voici ce qu’est pour l’Église le vrai racisme, le racisme proprement dit, le racisme sain, digne de chacun des hommes dans leur grande collectivité. Tous de même, tous faisant l’objet de la même affection maternelle, tous appelés à la même lumière de vérité, de bien, de charité chrétienne ; appelés à être tous dans leur propre pays, dans les nationalités particulières de chacun, dans la race particulière, les propagateurs de cette idée si grande et si magnifiquement maternelle, humaine, avant même d’être chrétienne.
Les chers élèves ne s’attendaient peut-être pas à être entraînés dans un ordre d’idées quelque peu indiscret, car en vérité on entend désormais un peu partout ces mots, même là où il n’y aurait aucune raison de les trouver et où l’on devrait encore moins en tirer un motif, un prétexte injuste, pour offenser l’Église catholique dans ce qu’elle a de plus sacré et de plus cher : la vie catholique, la vie des âmes.
Tout
est là. Notre-Seigneur
est venu au monde, a
souffert,
est mort sur la croix pour cette vie, afin que vitam
habemus et abundantius :
cette vie catholique dont seule l’Église connaît le secret et
possède les moyens et les instruments dans les sacrements, et avant
tout dans la prédication, dans cette mission qui s’est commencée
avec la parole divine de l’Envoyé du Père : « Ecce
ego mitto vos… euntes docete omnes gentes.
Voici
que je vous envoie…, allez donc, enseignez toutes les nations. »
Omnes :
toutes, non avec des compartiments étanches, insurmontables et
incommunicables entre eux. (...)
Source :
http://www.liberius.net/livres/Actes_de_S._S._Pie_XI_(tome_18)_000001031.pdf#page=23