Le texte suivant est la retranscription, améliorée, d'un débat entre M. Arnaud Dumouch et le P. Charles Delhez, prêtre jésuite. Cette retranscription est le fait de l'auteur de ce blogue.
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P. Charles Delhez, s. j.
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Arnaud
Dumouch : Bonjour,
nous sommes le 27 octobre 2022 et nous sommes sur l'Institut
Docteur Angélique
avec le Père
Charles Delhez
qui est devant moi et qui va d'abord se présenter. Père,
je dois vous
dire que je vous connais d'avant puisque nous avons fait ensemble une
émission sur R.C.F. récemment [et]
que vous étiez le professeur de mon fils à l'Université de Namur.
Je
pense que vous allez vous présenter mieux que je ne parle de vous.
P.
Charles Delhez : D'abord, bonjour à tout le monde. Le Père
Charles Delhez. Donc je suis un Père jésuite. Je commence à avoir
des cheveux blancs, ça se voit sur [l’]écran, ce qui veut dire
que je ne suis plus Professeur à l'Université. Mais je suis Curé
de paroisse ; je suis en même temps Conseiller National des
Équipes Notre-Dame, des équipes de couples répandues dans tout
l'Univers à cent trente mille exemplaires, je pense. Enfin, pas les
équipes mais les personnes qui en sont membres. Je suis aussi
chroniqueur dans différents médias dont La Libre Belgique, en
Belgique donc, aumônier scout, responsable d'un pèlerinage avec des
personnes handicapées et des jeunes à Lourdes. On s'occupe comme on
peut, notamment [en] faisant parfois des émissions avec vous.
Voilà !
Arnaud
Dumouch : Et moi, je m'appelle Arnaud Dumouch et je suis aussi
belge, ancien professeur de religion pendant vingt ans ; et
maintenant, responsable de l'Institut Docteur Angélique
sur internet, un institut privé de philosophie et de théologie.
Alors, le thème qu'on avait décidé d'aborder parce qu'on en avait
discuté durant une émission à la radio, c'est le
sacerdoce des femmes où, là, manifestement, vous aviez
dit : « J'ai beaucoup évolué et je suis plutôt d'accord
avec ce qui a été produit par le synode en Belgique, à savoir la
demande pour que les femmes soient ordonnées Prêtres. » Donc,
dans un premier temps, vous allez raconter simplement pourquoi vous
avez évolué ; et après je donnerai ma position.
P.
Charles Delhez : Il y a deux manières d'évoluer : soit
j'étais « contre » et je deviens « pour »,
soit j’étais « pour » et je deviens « contre ».
Ce qui s'est passé chez moi, c'est que j'étais « contre »
et puis, je suis devenu « pour ». J'aime bien prendre
l'image d'une balance : il y a deux plateaux ; je peux
mettre quinze petits pois d'un côté et trois de l'autre. Mais ça
n'est pas encore ça qui va expliquer dans quel sens va pencher la
balance. Il y a un moment donné où, peut-être, les trois pois
feront plus lourd que les dix petits. C'est — et moi je suis
jésuite, donc le discernement, il paraît qu'on connaît un petit
peu — ça n'est pas simplement une question rationnelle ;
c'est, à un moment donné, une espèce d'inspiration, d'intuition,
qui nous fait pencher d'un côté plutôt que de l'autre, en sachant
très bien qu'il y a des arguments de l'autre côté. Saint
Ignace, d'ailleurs, affine la réflexion en disant de faire
quatre colonnes. Pour l'ordination des femmes, argument pour,
argument contre. Contre l'ordination des femmes, argument pour,
argument contre. Et ça devient très fin comme manière d'évaluer
les choses. Et donc j'ai évolué effectivement.
Signalons,
tout d'abord, que la Bible ne donne pas de réponse claire à ce
propos. Il est très clair que l'Évangile et Jésus dans l'Évangile
n'a pas institué, au sens institutionnel du terme, une Église. Il
a, dirait l’historien [José
Antonio] Pagola, lancé une mouvance. J'aime beaucoup cette image
là : une mouvance, une ligne de dynamique au cœur même de
l'histoire humaine.
Signalons
aussi que des grands théologiens comme Karl
Rahner, par exemple — je n'en peux rien s’il est jésuite ;
lui il en peut quelque chose sans doute — Jean
Danielou qui sont ceux qui ont, notamment, inspiré le Concile,
étaient plutôt favorables. Reconnaissons qu'un dominicain comme
Congar n'était pas favorable. C'est dire qu'on peut être
intelligent des deux côtés.
Signalons
aussi que, dans l'histoire de notre Occident, le Moyen Âge a été
bien plus généreux vis-à-vis des femmes que, disons, le XIXe
siècle et le début du XXe dans l'Église. C'est très
intéressant à remarquer. Et d'ailleurs, dès les débuts chrétiens,
les chrétiens ont promu la femme. Les philosophes païens le leur
reprochaient. C'est quand même intéressant à savoir.
Dernier
petit détail — mais je suis toujours dans mon introduction —
c'est qu'en Belgique, on estime qu'il y a à peu près sept mille
personnes qui sont engagées de manière responsable dans l'Église
et là-dedans, 55% sont des femmes. Je signale ça en passant pour
saluer ces dames.
Alors,
quels sont les arguments en faveur du caractère masculin du
ministère ordonné ? On est bien d'accord qu’aux yeux de Dieu
l'homme [et] la femme, on est égaux ; on est créés à l'image
et à la ressemblance de Dieu. Il n’y a pas un des deux qui [soit]
plus ressemblant que l'autre. Ou plutôt, chacun peut être
ressemblant davantage à Dieu, quand il aime davantage. Ça, l'homme
et la femme en sont tout à fait capables. Mais il y a une
différence. « Homme et femme, Il les fit. » Il y a une
différence et une différence que je qualifierais d'anthropologique
et qui est enracinée dans la biologie, dans l'A.D.N. Ou, pour le
dire tout simplement, c'est quand même pas tout à fait la même
chose de porter la vie ou de reconnaître son enfant. C'est quelque
chose de tout à fait différent. Il y a donc quelque chose
d'important là. Il m'a semblé longtemps que cette différence —
que je continue à maintenir, à la différence de la théorie du
gender qui en fait une différence culturelle,
sociétale ; moi j'en fais une différence anthropologique
fondamentale et intrinsèque à l'être humain ; ce sont deux
regards différents sur le monde — devait se refléter de manière
symbolique dans l'univers sacramentel. Je me rappelle que, quand
j'étais tout jeune, j'ai dit un jour à un Père : « Mais
pourquoi est-ce que les femmes ne peuvent pas devenir Prêtres ? »
Il m'a dit : « Mais symboliquement, ça ne fonctionne pas
de la même façon. » Et j’ai dit : « Mais, enfin,
ça n’est pas une question de symbole ! » Et puis je me
suis rendu compte que l'univers sacramentel était un univers
symbolique. Ça n’est pas un univers chimique, on est bien
d'accord ! C'est un univers symbolique, tout comme nous devons
lire la Bible de manière symbolique et non pas de manière
fondamentaliste. Donc, j'en étais arrivé à dire que,
effectivement, l'homme masculin symbolise mieux le Christ qui —
contingence de l'histoire — était un homme. Et quand le Prêtre,
comme dit la théologie classique, agit au nom du Christ, « in
persona Christi », ça fonctionne mieux — excusez le mot
— quand il est un homme que quand il est une femme, puisque Jésus
était un homme. Cet aspect symbolique, saint Paul le reprend à sa
façon, d'ailleurs, quand il dit à la communauté chrétienne, vue
en terme féminin — ekklèsia, en grec, est féminin —
quand il dit : « Je vous ai fiancés à un Époux
unique. ». L’Époux en question, c'est bien le Christ. Donc,
un homme symbolise mieux le Christ d'autant que, à l'Eucharistie,
que dit le Prêtre ? — au nom du Christ, bien sûr — :
« Ceci est mon corps. » Mais un corps d'homme et un corps
de femme, ce n'est pas la même chose, nous sommes tout à fait
d'accord.
Voilà
quelle était ma position. Maintenant, je vous l’ai dit, j'ai
basculé. Là, j'ai toute une série d'arguments.
D’une
part, je le répète, le Christ — et c'est relayé par saint Paul —
a marqué un tournant important. Vous savez que le Christ n’est pas
un fondateur de religion. C'est devenu une religion, mais c'est une
autre question. Le Christ est quelqu'un qui a contesté sa propre
religion « Contester » n'est peut-être pas le bon mot.
Ça fait un peu « Mai 68 ». Disons qu’Il a voulu
purifier, remettre en question sa religion. Les textes sont multiples
pour le montrer dans l'Évangile. Notamment, son rapport aux femmes
étaient très différent. Aucun rabbi, à l'époque,
ne se laissait accompagner par des femmes. Lui, Il était accompagné
par des femmes. Il a pris la défense des femmes, alors que les lois
étaient plutôt en faveur des hommes. Rappelez-vous la femme
adultère. Et c'est même une femme — mais ça c'est leur
spécialité, vous me direz — qui a réussi à faire changer Jésus
d'avis : c'est la fameuse Cananéenne qui l’a ouvert à
l'universel. Et Marie-Madeleine est un personnage quand même
important dans les évangiles. On l'a appelée, tout au long de
l'histoire chrétienne, l'Apôtre des Apôtres. Il y a donc quelque
chose d'assez différent dans son rapport à la femme, ce que saint
Paul a très bien compris, notamment dans sa Lettre aux
Galates 3,28, où il dit : « Il n'y a plus l'homme et
la femme, l'esclave ou l'homme libre, le Grec ou le Juif ; vous
êtes où tous un en Jésus-Christ. » Voilà, ça, ça me
paraît assez fort. Et effectivement au long de l'histoire, petit à
petit, le christianisme a contribué à l'amélioration [de la
condition] des femmes. Je vous l'ai déjà dit : on le lui a
reproché au début.
Alors,
qu'est-ce que je souhaiterais personnellement ? Qu'on évolue
dans ce sens là. S'il fallait voir des étapes, je dirais peut-être
que la première, c'est l'ordination d'hommes mariés. J'aime bien
dire, comme Andrea Ricardi, cet historien de l'histoire de l'Église,
qui disait tout récemment : homme marié ou pas marié, ça
n’est pas ça l’important. C'est, finalement, d'ordonner des
hommes mûrs et adultes. Autrement dit — et ce serait ma position
—, ne plus faire une carrière qui commence à l'âge de dix-huit
ans et qui, si tout va bien, se termine sur le siège de Rome. Mais
[considérer] une communauté qui, à un moment donné, reconnaît en
quelqu'un, un membre sa communauté, un chrétien mûr et adulte, un
ancien. Presbuteros a donné « Prêtre » ;
ça veut dire « l'Ancien ». Saint Paul a institué des
Anciens à la tête des communautés. Donc ça me semblerait être le
premier pas.
Le
deuxième pas me semblerait être — on y travaille — la
reconnaissance des diaconesses. C'est un problème historique
complexe : au début de l'Église, ça n’était pas tout à
fait la même chose que ce qu'on entend par là maintenant. Mais
quelque chose d'équivalent à diaconesses.
Je
serai aussi — et depuis longtemps, je le dis — pour que [les
femmes] soit cardinales c'est-à-dire que le Pape soit officiellement
— il l'est déjà — entouré de femmes. Les cardinales — ça
sonne drôle — ont pour rôle, notamment, de conseiller le Pape,
certes et de nommer le successeur. Il n'est pas normal, me
semble-t-il, que, dans une institution, seulement la moitié de
l'humanité, ait droit à la parole. De ce côté-là, ça ne
correspond plus à nos intuitions modernes.
Voilà
dans quel sens j'irais. Et vous remarquerez que les Protestants ont
fait ce pas là depuis un siècle déjà, certain [étant] très
minoritaires au début du XXe siècle. Mais il y a [eu]
déjà des soubresauts au début du XXe siècle et
maintenant, c'est assez généralisé. Je sais que les Orthodoxes
sont loin d'être prêts à faire ce pas là. Et c'est une difficulté
objective. Ça nous rapprocherait des Protestants ; ça nous
éloignerait des Orthodoxes. Il y a toujours deux plateaux dans une
balance.
Un
argument qui me semble très important — et c'est peut-être ça
qui m'a fait basculer — : est-ce que je peux faire la sourde
oreille à cette attente — oh ! parfois véhémente, je suis
d'accord, mais ça n’est pas ça qui me touche — constante,
depuis quelques années, du Peuple de Dieu, qui vient de s'être
manifestée, notamment, dans la consultation synodale. J'ai
accompagné plusieurs groupes. Chaque fois, ça venait. Est-ce que je
peux faire la sourde oreille à ce qu'on appelle le sensus
fidei, le sens de la foi qui est dans le Peuple chrétien ?
Je rappelle que les grandes réformes de l'Église sont toujours
venues de la base et pas du sommet. Pensez à Saint François
d'Assise qui n'était pas Prêtre — il était Diacre, par contre.
De
plus, il me semble que c'est une évolution positive de la modernité.
Je n’ai pas dit que toute la modernité était bonne. Quelqu'un a
dit que le progrès était parfois une erreur qui se prolongeait. Il
y a des erreurs dans la modernité. Le Pape François les dénonce
dans Laudato Si aussi et des gens comme [Tsevtan]
Todorov font exactement la même chose, si vous connaissez
Todorov, décédé récemment, je pense. Donc il y a là, me
semble-t-il, quelque chose de positif qui est dans la ligne de
l'Évangile et de saint Paul : « Il n'y a plus l'homme et
la femme ; vous êtes tous un. » Si je veux garder le
dialogue avec la modernité, il me semble que c'est un point
important. Nous ne devons pas vivre dans le mimétisme, bien sûr. La
modernité n'est pas à reproduire intégralement dans la démarche
de foi. Mais il faut rester en dialogue et ça me semble un point de
dialogue positif.
Je
terminerai en disant d'une part que, si ce que je viens de dire n'est
pas tout à fait faux, il faudrait — dirait Anne-Marie
Pelletier que vous connaissez peut-être — revoir la théologie
du sacerdoce. Et on sent ça très bien suite au rapport de la
C.I.A.S.E.
notamment en France, le rapport Sauvé,
suite à ce drame des abus spirituels et sexuels qui continue à se
développer, avec maintenant des Évêques, pour lesquels on a caché
une partie de leur vie, etc. C'est quand même lourd, mais la
C.I.A.S.E. est très ferme à ce niveau là. Je sais bien que ce
n’est est pas le Magistère, mais je peux écouter quand même. Un
dialogue veut dire qu'il y a aussi une part de vérité de l'autre
côté. Et puis je crois — et ça m'est très cher comme conviction
— qu'il faut élargir la notion de sacramentalité, ou plutôt
retrouver la notion de sacramentalité. Nous les « catholiques »,
nous en sommes restés aux sept Sacrements — valides ou pas,
licites ou pas. Je n’ai rien contre les sept sacrements : ce
sont des gestes privilégiés du Corps du Christ, des gestes du
Christ dans son Église. Mais toute la vie est sacramentelle. C'est
bien ça l'originalité du christianisme. Dieu n'est pas resté sur
l'Olympe ou n'est pas dans une transcendance absolue. Il S'est fait
homme et c'est donc toute la vie qui devient sacramentelle. Donc, le
plus petit geste d'amour est déjà rencontre de Jésus :
« J'avais faim, tu m'as donné à manger. » La charité
est sacramentelle. Mais il y a des tas de manière de vivre cette
richesse de la vie quotidienne transfigurée par l'amour. Alors, je
me demande si on ne devrait pas justement élargir cela, être
beaucoup plus souple. Pourquoi, par exemple, une femme qui a
accompagné pendant un an, deux ans, ou des mois, ou des semaines, un
ou une malade, qui a reçu toutes ses confidences, ne peut pas lui
donner le Sacrement des malades. Il faut faire appel à un Prêtre
qui va peut-être se relever au milieu de la nuit, qui sera fatigué
et qui ne connaît pas la personne à qui il va faire ce sacrement,
alors que ce qui est essentiel, dans le christianisme, c'est la
relation d'amour. Et qui dit « amour », dit
« connaissance mutuelle », dit « tendresse »,
dit « accompagnement ». Et donc pourquoi est-ce que les
aumôniers ou aumônières – les deux — d'hôpitaux ou de prison,
d'ailleurs, ne peuvent pas avoir aussi des gestes sacramentels. Et je
prends comme exemple tout simplement saint Ignace, le fondateur des
Jésuites qui, la veille de la bataille
de Pampelune, s'est confessé à un autre soldat. Ça n’est pas
un des sept sacrements, je sais bien . Mais ça a quand même quelque
chose de sacramentel. Dieu a dit quelque chose de sa tendresse à
travers l'écoute de l'autre soldat. Et c'était fréquent au
Moyen-Âge. Ça n’est pas parce que Saint-Ignace transgressait les
règles ; c'est parce que c'était une habitude de voir
là-dedans quelque chose de sacramentel. Justement, tout récemment —
autre exemple — en Allemagne, un Évêque vient de donner à des
laïcs le mandat de baptiser. Je sais que, traditionnellement, le
Baptême n'est pas réservé au Prêtre. Il n'empêche qu'en
situation normale, c'est le Prêtre qui baptise. Il faut une
exception. Mais il en a fait une règle générale puisqu'il donne un
mandat.
Et
je termine en disant : de toute façon tout ça, c'est très
beau, mais c'est encore institutionnel et dogmatique. Je crois que ce
qui importe, c'est la vitalité des communautés chrétiennes. C'est
là que l'avenir se joue. Pas dans l'ordination des femmes, pas dans
l'ordination des gens mariés ou l'invention des diaconesses, mais
dans la vitalité de nos communautés chrétiennes. C'est là qu'il
nous faut travailler.
Arnaud
Dumouch : Merci, c'était un très bel exposé.Je vais maintenant
donner le mien, puis on ira dans le débat. Je dirais que le premier
point qui m'a frappé, c'est qu’on est confronté, ne serait-ce
qu'avec le synode en Belgique, à ce que je pourrais appeler des
« préoccupations générationnelles ». J’en avais déjà
parlé avec vous pendant l'émission. Dans tous les groupes que vous
avez suivis, les groupes synodaux, avez-vous remarqué la moyenne
d'âge des personnes qui en faisaient partie — puisque moi-même
j'en ai fait partie, un petit peu ? Vous avez remarqué que ce
sont des personnes qui ont largement toutes dépassé soixante ans ?
P.
Charles Delhez : Non !
Arnaud
Dumouch : Vous aviez des jeunes ?
P.
Charles Delhez : Oui, de dix-huit ans à soixante ans, sauf en
paroisse où il y avait quelques personnes plus âgées que moi. Mais
sinon, tous les groupes que j’accompagne sont plus jeunes que moi.
Arnaud
Dumouch : Parce que, pour les chiffres en Belgique, on a eu les
chiffres de la participation au synode : six cents personnes ont
répondu sur pratiquement plus de 10 millions d'habitants. Donc
voyez ! Il y a pu avoir un biais statistique, parce qu'il y a
pas eu de falsification. On peut dire que, de tous les pays
occidentaux, est remonté ce que vous venez de dire : la demande
pour le sacerdoce des femmes, le mariage des Prêtres, mais aussi la
reconnaissance, parfois, du mariage homosexuel etc. Mais quand vous
regardez les choses plus précisément, par exemple, l'Institut
Docteur angélique a quatre-vingt trois mille abonnés. Et
pratiquement personne n'y a participé, non pas qu’ils s’[en]
désintéressaient, — loin de là, — mais parce qu’ils n'ont
pas été consultés. Ce n’est pas des préoccupations qui les
intéressaient ; c'était manifeste. Et donc j'ai vraiment eu
l'impression, la certitude, qu'en réalité, il y avait eu un biais
d'analyses du synode de la synodalité.
Ça
veut dire que les personnes très politisées, très engagées dans
[des] mouvements comme ça, qui d'ailleurs, sont des personnes,
souvent, de Mai 68, ont beaucoup répondu…
P.
Charles Delhez : Ça n'est pas le cas dans mes groupes. Je suis
d'ailleurs étonné par votre chiffre de six cents, parce que j'ai
accompagné, à peu près, une dizaine de groupes. J’ai renvoyé un
certain nombre de rapports et ont collaboré, je dirais, au moins une
centaine. Je représenterai un sixième ? Non !
Arnaud
Dumouch : De la Wallonie, oui…
P.
Charles Delhez : Non, ça n'est pas possible.
Arnaud
Dumouch : Tout à fait, d'après les chiffres que j'ai, puisqu’il
y a eu toute une série de chiffres qui ont été édités.
P.
Charles Delhez : C’est les rapports, et pas les personnes qui
ont participé. Moi, les groupes que j'ai accompagnés, c'était
souvent une dizaine de personnes, voire plus.
Arnaud
Dumouch : Donc, en tout cas, des réponses qui ont été données
aux questionnaires envoyés par les évêchés : six cents
réponses, d'après ce que j'ai comme chiffre.
P.
Charles Delhez : Six cents rapports…
Arnaud
Dumouch : Six cents réponses, pas six cents rapports. six cents
réponses individuelles.
P.
Charles Delhez : Moi, je n'ai envoyé aucune réponse
individuelle. J'avais plusieurs équipes. Ces équipes ont, chacune,
fait un rapport et moi j'ai fait la synthèse de ces rapports-là.
Donc, j'ai envoyé, je crois, deux rapports pour mes dix équipes.
Arnaud
Dumouch : Là, c'est peut-être ce qui parvenait à l'évêché.
En tout cas, de ce qui est remonté aux évêchés belges, on avait
six cents réponses. C'est assez étonnant. Maintenant, en France, on
a des chiffres analogues. Je ne parle pas, comme vous dites, des
rapports constitués par un groupe. Je parlais bien de rapports
individuels. D'ailleurs, le Pape a prolongé le Synode pour justement
élargir la consultation parce qu’il y aurait eu quelque chose
comme 1 % ou 2 % des catholiques qui auraient répondu,
quelque chose comme ça. Mais ce n’est pas tellement là que je
voulais en venir. C'est plutôt [pour] dire que c'était des
préoccupations, — en tout cas [chez] ceux avec qui je discutais,
mais pas que moi — qui n’étaient plus les leurs, qu'ils avaient
plutôt un sens du regard sur la constitution divine de l'Église.
Alors que, là, vous avez donné un regard sur une constitution
humaine de l'Église, la façon dont on peut repenser la discipline,
la foi éventuellement, même. Et d'ailleurs, dans le Synode en
Allemagne, les votes qui se sont produits, c'était carrément des
choses auxquelles les Protestants eux-mêmes n'auraient pas pensé,
des choses qui ne sont pas dans l'Évangile, comme par exemple, la
demande du mariage homosexuel. On se dit : « Mais, ça
n’est pas dans l'Écriture, c'est très net ! » Par
contre, ce que vous avez dit — le mariage des Prêtres —, c'est
tout à fait dans l'Écriture, c'est une question de discipline. Ce
qui est vrai, c'est qu'effectivement, Jésus avait des femmes
beaucoup plus nombreuses auprès de lui et beaucoup plus fidèles,
puisqu’à la croix, il n’y avait pratiquement que des femmes ;
il y avait seulement Jean. [Jésus] n'a jamais ordonné
sacramentellement des femmes. En tout cas, la tradition commune aux
Orthodoxes et aux Catholiques, primitive, montre bien que les femmes
étaient extrêmement présentes. La femme par excellence, c'est non
seulement Marie Madeleine, mais c'est la Vierge Marie, c'est la Reine
des Anges. Elle est au-dessus de toutes les personnes humaines au
Ciel etc. Mais curieusement, [Jésus] n'a pas ordonné
sacramentellement Prêtres des femmes. C'est étonnant !
Je
vais vous donner maintenant le regard que j'ai. Je pense qu’il y a
des choses que, vraiment, on a le pouvoir de changer, et puis des
choses qui, manifestement, sont de la Constitution divine de
l'Église. [Cela se réfère à] l'origine divine de Jésus qui a
institué l'Église. L’une des choses qui me paraît de
constitution divine, c'est le fait que l'homme et la femme ont les
mêmes droits, ont une âme spirituelle tous les deux. Vous vous
rappelez peut-être, cher Père Delhez, que certains disaient qu'à
un moment donné, l'Église avait discuté sur le fait de savoir si
les femmes ont une âme. Évidemment c'est un fake, ça n'a
jamais eu lieu.
P.
Charles Delhez : Ça n’a jamais eu lieu effectivement.
Arnaud
Dumouch : Mais je crois que vous l'aviez dit, en cours. Mon fils
était tout à fait d'accord avec vous. C'est absolument aberrant
puisque Ève n'est pas un singe… et puis la Vierge Marie…
P.
Charles Delhez : Et puis ma mère non plus !
Arnaud
Dumouch : Voilà exactement. Par contre la complémentarité est
fondamentale et elle [va] contre la modernité. Seule la femme peut
être [mère], seul l'homme peut être [père]. Il y a vraiment une
distinction, dans l'égalité de droit devant Dieu, puisqu'on a une
âme et une distinction par le corps qui nous ordonnent à deux
fonctions complémentaires mais ayant un rôle très important.
Saint-Augustin dit que, si la femme est symboliquement créée de la
côte de l'homme, c'est parce que c'est la partie la plus proche du
cœur. Les femmes ne nous servent à rien mais, sans elles, on ne
peut pas vivre. Un homme marié travaille pour sa femme ; il
aime sa femme, etc. Ça n’est pas pour faire le ménage !
Sinon, dit S. Augustin, elle aurait été créée de sa main ou de
ses pieds, etc. Ça, c'est une constitution de l'humanité. Du coup,
la femme a une vocation plus importante que l'homme puisqu’elle
donne la vie. Son sacerdoce rappelle que l'efficacité — l'homme
est celui qui cultive le jardin, etc. — est moins importante, pour
l'éternité, que les valeurs dont témoignent la femme, qui sent le
don de la vie, [a] plutôt une orientation vers le sacrifice de soi,
vers l'amour, vers l'humilité aussi. D'ailleurs, dans le début de
l'Ancien Testament, c'est le muscle qui fait le pouvoir. Les hommes
écrasent leurs femmes et c'est eux qui ont le pouvoir, évidemment.
Ce sont des valeurs qui sont complètement secondaires par rapport à
la vie éternelle. Les femmes auraient été meilleures Prêtres que
les hommes. Vous avez dit, avec justesse, que les abus sexuels —
même dans le monde — à 99 %, ce sont des hommes. Je suis
complètement d'accord. Par contre, vous remarquerez que les abus
affectifs, c'est plutôt féminin : s’accaparer l'enfant,
l'empêcher de quitter la maison, [et] si on veut divorcer, accuser
le mari de pédophilie pour garder l'enfant. C'est typiquement
féminin. Je ne sais pas si vous êtes d’accord. Chacun ses
défauts.
P.
Charles Delhez : Absolument, oui !
Arnaud
Dumouch : Il y a, au contraire, quelque chose qui n’est pas
symbolique, mais qui est réel, dans la constitution divine de
l'Église par le Verbe c'est-à-dire Celui qui a créé l'homme et la
femme. S’il a choisi uniquement des hommes pour être Prêtres, ça
n'est pas pour un plus. C'est parce que les femmes étaient témoins
de quelque chose de plus. Les valeurs qui nous, nous intéressent
dans ce monde (le pouvoir, briller devant une communauté, prêcher),
nous les mettons en premier. Justement en Mai 68, le M.
L. F. réclamait que les femmes deviennent des hommes
c'est-à-dire qu’elles [fassent] carrière. Elles se débarrassaient
des valeurs qui leur paraissaient secondaires par rapport au monde
comme, par exemple, la fidélité [dans le] mariage, le don de la
vie. Donc, on dirait [qu’elles soutenaient] une revendication de
l'époque sur ce qui donne la valeur au monde : le pouvoir de
briller, etc. Le Pape Jean-Paul II a fait, même, une espèce de
définition définitive dans sa Lettre apostolique Ordinatio
Sacerdotalis en 1994. « C'est pourquoi, afin qu'il ne
subsiste aucun doute sur une question de grande importance qui
concerne la constitution divine de l'Église... » : ça
veut dire quelque chose qui nous [est] imposé d'en haut ; on ne
peut pas choisir, alors qu'on peut choisir, par exemple, de décider
que les hommes mariés soient ordonnés Prêtres — c'est une
question pastorale. Mais là, il dit : « Je déclare, en
vertu de ma mission de confirmer mes frères que l'Église n'a, en
aucune manière, le pouvoir de conférer l'ordination sacerdotale aux
femmes et que cette position doit être définitivement tenue par
tous les fidèles de l'Église. » Donc il évoque son autorité
apostolique — c'est vrai — mais [surtout] la constitution divine
de l'Église. Il me semble donc qu’on n'a pas le pouvoir de changer
cela, que, si jamais on le changeait, alors on établirait sur la
terre seulement des valeurs secondaires. Oui, on reste Prêtre dans
l'autre monde, mais [ce sacerdoce] on ne l’exerce[ra] pas. Le seul
sacerdoce qu'on exerce à jamais, c'est le sacerdoce lié à l'amour,
la charité : le sacerdoce royal des fidèles. Donc, les femmes
sont témoins. S. Thérèse de l'Enfant Jésus — je crois que vous
l'aimez vous aussi ; vous en parliez en cours.
P.
Charles Delhez : Décidément, vous avez suivi mon cours !
Arnaud
Dumouch : C'était passionnant, ça faisait de bons débats. [S.
Thérèse] a tout un texte qui dit textuellement, dans l'Histoire
d'une âme, « Je sens en moi une vocation de Prêtre.
Avec quel amour, ô Jésus je Te porterais dans mes mains. »
Pour elle, c'était une vocation de Prêtre contemplat[if] ; ça
n'était pas pour prêcher : c'était [pour] consacrer
l'Eucharistie. [Elle réagit] comme une femme : [c’est] une
chose très profonde auquel nous, on ne pense pas. Souvent on pense
le Prêtre [comme] celui qui confère les Sacrements, qui préside
une Église. Elle dit : « Avec quel amour, je Te donnerai
aux âmes etc. ». Ensuite, elle continue : « Ô
Jésus, mon amour, ma vie, comment allier ces contrastes ? »,
puisqu'elle se sentait aussi faite pour être missionnaire, martyr
etc. Et elle conclut en disant : « Dans l'excès de ma joie
délirante, ô Jésus, mon amour, ma vocation, je l'ai trouvé :
c'est l'amour. Dans le cœur de l'Église ma mère, je serai
l'amour. » C'est très fort, très profond.
P.
Charles Delhez : Je connais très bien ce texte, oui !
Arnaud
Dumouch : Voilà pourquoi, personnellement, je suis d'accord avec
le Pape Jean-Paul II : je ne suis pas pour l'ordination des
femmes parce qu’on suivrait le monde. Je l'ai vu, en classe, en
cinq ans, on a basculé à cause de la vague — une vague brune
comme je l'appelle — woke. J'ai,
dans chaque classe, trois ou quatre filles qui veulent changer de
sexe pour être un homme. C'est une véritable catastrophe !
Avec des médecins complaisants qui sont prêts à leur donner un
blocage hormonal... Elles envient la position de l'homme, souvent
[dans le cadre d’] une crise d’adolescence. Et ceci se terminera
dans moins de dix ans par des plaintes pénales, puisque, évidemment,
une crise d'adolescence ne se règle pas par [le fait d’]abîmer
[son] corps. On est en plein dans [ce] qui me semble être une
revendication du monde et qui remonte [les degrés de la hièrarchie]
parce que la génération de 68 est clairement au pouvoir chez nos
Évêques, en Allemagne en particulier. Mais cela me semble sortir de
la vocation divine de l'Église. Voilà mon opinion. Je l'ai résumée.
Là, je crois qu'on va pouvoir débattre, n'est-ce pas mon Père ?
P.
Charles Delhez : Mais vous aurez remarqué que nous parlons un
langage totalement différent !
Arnaud
Dumouch : Totalement !
P.
Charles Delhez : Vous me parlez de « constitution divine ».
Je veux bien. Mais je ne trouve pas ce mot là dans l'Écriture.
Arnaud
Dumouch : Non, vous le trouverez dans le Magistère de l'Église.
P.
Charles Delhez : Alors, le Magistère de l'Église... Je peux
être un peu sévère ?
Arnaud
Dumouch : Oui, allez-y.
P.
Charles Delhez : Comparez le Syllabus
de Pie IX et le Concile Vatican II. La notion la plus importante pour
moi — et le Pape François l’a dit pour lui-même aussi ; il
le dit dans sa manière à lui : « Le temps est supérieur
à l'espace » ; vous lui avez entendu dire cela ; il
y revient souvent — [c’]est le temps, c'est-à-dire l'histoire.
Il y a une évolution. Déjà la Bible est une histoire, l’histoire
ne fut-ce que de l'écriture de la Bible, et aussi de
l'interprétation de la Bible. La vie est histoire. Le Pape va
jusqu'à dire : « Dieu est histoire ». Donc, il me
semble important de tenir compte de cette notion d'histoire. Parce
que, si je fige trop les paroles du Magistère, j'arrive à des
solutions impossibles. Voyez, comme je le dit, le Syllabus :
il y avait quatre-vingt une erreurs des temps modernes, le
chiffre m'échappe.
Arnaud
Dumouch : Je vais répondre : le Syllabus
n'est pas un document du Magistère, c'est un document pastoral,
justement. C'est là toute la précision. Situons-nous au XIXe
siècle : [nous avons] des sociétés chrétiennes où, tout
d'un coup, on demande de débattre de tout, sans exception. Le Pape
Pie IX dit : « J'interdis la liberté de débattre,
j'interdis la liberté de réunion, parce que, si vous autorisez [à]
débattre de tout, étant donné ce qui se passe, des idéologies
rentreront dans l'esprit des gens. » Il ne s’est pas trompé,
pour l'époque. Je dis bien : pour l'époque. Est sorti le
nationalisme, le nazisme, le communisme, etc. Pastoralement,
maintenant, Vatican II dit qu’on ne peut pas interdire de débattre.
On est dans une autre époque puisque tout le monde veut débattre et
que les intelligences se sont développées. Donc, pastoralement, on
doit pouvoir débattre de tout. Ça correspond mieux, d'ailleurs, à
l'être humain qui est fait pour débattre. Mais, au niveau de la
dogmatique, c'est à dire [de] la doctrine universelle — par
exemple : l'homme est une personne donc est doté de liberté —,
cette chose-là n'a jamais changé. Même chez Pie IX. L'homme est
une personne dotée de liberté et Pie IX disait : « Ne
débattez pas de certaines choses, sinon vous aurez des horreurs. »
Ce qui s'est passé au XXe siècle : guerre [de] 14,
guerre [de] 39, communisme. Est-ce qu'il aurait pu arrêter [cela] ?
Non, c'était une tentative pastorale sans effet. Le monde évoluait.
Mais il n'empêche que, dogmatiquement, jamais vous ne trouverez une
contradiction dans les vrais documents dogmatiques. On pourrait
dire : « Si ! le Pape François vient de changer sur
[le sujet de] la peine de mort. » Mais, c'est pareil : il
n’y a pas de contradiction. C'est comme sur la guerre : le
catéchisme dit que la guerre est toujours un mal — [il en parle]
comme l'antique malédiction de la guerre —, mais il y a des fois
où [l’]on est obligé de faire la guerre. Vous verrez qu'un jour,
le catéchisme dira que la guerre est toujours un mal, [mais] qu’à
notre époque, grâce à la police internationale, il ne doit plus y
avoir jamais de guerre. C'est pareil pour la peine de mort :
maintenant que les prisons sont suffisamment solides, on doit pouvoir
se passer toujours de la peine de mort. Il n’y a plus de cas où on
doit l'exécuter, dit le Pape François, avec raison. Dogmatiquement,
la Trinité, ils ne sont pas quatre ; ils sont toujours trois.
Le Christ est toujours Dieu fait homme. Donc il y a bien une
constitution divine, sur certains points, de l'Église. Par exemple,
les Évêques, manifestement, les Prêtres. Et puis [il y a] des
choses humaines, [par exemple] les paroles de l'ordination
sacerdotale qui ont changé au cours de l'histoire, sans arrêt.
Voilà, je vous laisse répondre.
P.
Charles Delhez : Je crois qu'on peut discuter infiniment. On
n'est pas sur la même ligne. Toute la différence entre vous et moi,
c'est que, finalement, le périmètre du Magistère n'est pas le même
chez vous que chez moi. J'ai plus un sens — je crois ; j’ai
peut-être tort, mais c'est là qu’est la difficulté dans notre
dialogue — de l'évolution historique. On pourrait montrer, dans
l'histoire de l'Église, toutes les évolutions qu'il y a eu. Vous
dites que ce n'était pas la même époque. Mais je dis,
effectivement, à propos des femmes, que ce n'est pas la même
époque. Quand il y a quelques minutes, vous avez parlé des femmes,
du féminisme, vous avez parlé d'un féminisme outrancier qui n'est
pas vraiment pas le mien. Moi, je vous rappelle que, dans la plupart
des groupes que j'accompagne, je suis toujours face à des plus
jeunes que moi, donc pas des soixante-huitards : je sais bien
que cette époque-là est passée. Mais il y a une espèce d'évidence
tranquille qu'il nous faut revoir le regard sur la femme. J'aime bien
cette phrase du Pape François — on peut tout sortir de son
contexte, je suis bien d'accord — qui m'a frappé, forcément,
parce que ça rejoignait ce que je pensais : « L'Église
n'est pas une machine à faire des doctrines. »
Arnaud
Dumouch : C'est vrai, on peut pas, d'ailleurs, uniquement
s'appuyer sur les dogmes. [Il s’agit d’]une doctrine vivante. Les
dogmes, c'est plutôt des repères, mais tout de même très utiles,
[par exemple avec le] concile de Nicée : trois personnes dans
la Trinité, ce qui ne pas dire quatre. Donc, la Vierge Marie ne fait
partie de la Trinité. C'est clair et ça ne changera jamais. C'est
les deux à la fois : devenir sur la pastorale, amélioration de
la compréhension du dogme. S'il y avait une contradiction, si tout
d'un coup, par exemple, un Pape disait demain que, finalement, la
Vierge Marie n'est pas immaculée, ça veut dire que l'Église…
P.
Charles Delhez : Oui, d'accord. La question, c'est :
qu'est-ce qui appartient à cette sphère du dogme. Quand Pie X dit
[dans la Lettre encyc. Vehementer
nos, 11 février 1906] que
l'Église « est fondamentalement une société inégale »,
— vous me direz : on doit contextualiser ; je suis bien
d'accord — mais le contexte ayant changé aujourd'hui, je ne peux
plus dire aux gens que l'Église est essentiellement une société
inégale. C’est [une citation de] Pie X.
Arnaud
Dumouch : Oui, il faut voir comment il le dit : par rapport
à l'Église visible, pas l'Église telle que vous en parlez, à
savoir l'Église dans le rapport avec Dieu, où il n’y a plus [ni]
homme ni femme. Donc les deux peuvent être dits. Dans notre âme,
dans la relation à Dieu, c'est une égalité liée à l'amour. Par
contre, dans la hiérarchie, — passagère, qui ne va durer qu'un
temps, mais qui est une constitution pour le temps de la terre, —
il y a bien une inégalité.
P.
Charles Delhez : Mais c'est justement là que nous devons, je
crois, faire des progrès. Il y a cette intuition, fondamentalement
évangélique et du Nouveau Testament, de l'égalité et il faut que
la constitution de l'Église, petit à petit, arrive à refléter, à
rendre visible. Quel est le rôle de l'Église ? C'est,
finalement, par notre amour mutuel, rendre visible cette intuition de
Jésus que nous sommes tous enfants de Dieu.
Arnaud
Dumouch : C'est vrai et c'est le but ; c'est ce qui se
passera au ciel. Mais l'instrument que Jésus a donné pour le temps
de la terre, à savoir l'aide des Conciles unis au Pape, qui donnent
des repères, [est très utile]. En tout cas, pour moi, ça l'a été.
Si [on devait] discuter encore maintenant, comme on le [faisait] à
l'époque du concile de Nicée, d’ Arius, pour savoir [qui est]
Jésus-Christ, on ne s'en sortirait pas. Il y a des repères qui sont
protégés par le Christ, puisque le Christ est Dieu. Évidemment,
mon regard est surnaturel : je ne considère pas l'Église comme
devant voter la foi. Si l'Église pouvait voter la foi et changer
parce qu’une majorité du peuple maintenant trouve que les ancêtres
ont dit des bêtises sur des choses dogmatiques, ça voudrait dire
que la vérité vient de nous et non plus de Dieu.
P.
Charles Delhez : Oui, mais justement, c'est là la différence
entre vous et moi. C'est que vous mettez dans la foi des choses que
je [ne] mets pas. Je situe la foi au niveau, justement, de l'amour et
de cette mouvance — vous rappelez que j'ai insisté sur le mot
« mouvance » — et à peu près tous les théologiens
aujourd'hui sont d'accord pour dire que le Christ n'a pas donné une
constitution à l'Église. Il a effectivement rassemblé des hommes
et les a mis en mouvement. La tête de file, si je puis dire, c'est
les Apôtres ; mais très vite, on voit, déjà dans le Nouveau
Testament, dans les Actes des Apôtres, comment on va chercher
la manière de s'organiser.
Arnaud
Dumouch : Mais le pire, c'est que je suis d'accord avec vous sur
le fond. Pas sur la conséquence. Quand vous dites que l'Église est
une communauté en mouvement vers l'amour de Dieu, c'est le cœur de
l'Église. C'est l'Église au sens de sa vie mystique ; donc
vous touchez le fond du mystère. Je suis d'accord avec vous [sur le
fait] que la constitution hiérarchique de l'Église est un
instrument passager ; mais passager, le temps de la terre. Alors
que vous, vous le voyez peut-être comme un instrument [à dépasser],
y compris sur la terre. Dans le ciel, il n’y aura plus de Pape, il
n’y aura plus d'Évêques, il n’y aura plus de Prêtres. C’est
évident. Mais les Protestants ont voulu installer sur terre cet
avenir qui nous attend, quand les instruments et les Sacrements
eux-même disparaîtront, alors que, sur terre, pour le moment, on
voit bien qu'on a besoin de repères comme [ceux-là].
P.
Charles Delhez : J'entends ce que vous dites. Je reviens toujours
sur la même chose : vous forcez, à mon avis, la différence
entre le ciel et la terre. Alors que, comme dit Jésus, « le
royaume des cieux est déjà présent parmi vous. » J'aime bien
distinguer habituellement deux mots : le mot de « frontière »
et le mot de « limite ». La frontière est faite pour
être déplacée. Je prends un autre domaine : on voit bien que
la science nous a permis de déplacer les frontières, notamment les
frontières de la santé grâce aux médicaments. Je prends un
exemple très facile. Les limites, c'est ce qu'on ne peut pas
dépasser. Je crois que c'est là que nous n'appelons pas
« frontières » les mêmes choses et que nous n'appelons
pas « limites » les mêmes choses.
Arnaud
Dumouch : Tout à fait.
P.
Charles Delhez : Moi, je suis beaucoup plus, dans le sens d'une
intuition : le Christ n'est pas un fondateur de religion ;
le Christ est un prophète. C'est-à-dire un prophète qui remet en
question, qui remet en mouvement et qui critique toute sclérose.
J'ai parfois peur, je le dis franchement, qu'une certaine dogmatique
soit devenue une sclérose qui éloigne les gens.
Arnaud
Dumouch : Et c'est le risque, effectivement. Parce que [les
membres de] la génération qui suit après moi, ont tendance à être
tellement en rejet de cette liberté exagérée, qu'ils en reviennent
à une tradition comme vous venez de [la] critiquer, c’est-à-dire
avec une dogmatique presque « janséniste », où tout le
monde va en enfer, [où l’on ne parle que du] péché mortel, [où]
l’on n’insiste que sur les diables, etc. Et ça, c'était
effrayant. Mais c'est justement parce que il y a un mouvement de
balancier. Il se peut que votre génération soit allée trop loin du
côté de la spontanéité/liberté qui sera notre situation au ciel
et que, du coup, la génération suivante, par réaction, retourne à
la règle, à la norme, au dogme comme vous ne les aimez pas.
P.
Charles Delhez : Oui ! Mais moi, je suis très sensible au
fait que beaucoup de gens ne sont plus dans cette Église, ne sont
pas dans cette génération du retour à la norme, que nos Églises
sont vides des jeunes.
Arnaud
Dumouch : Mais justement, ça n'est pas vrai, puisque les
quelques jeunes qui reviennent, sont dans des sites comme les miens,
inscrits. Ça n'est pas beaucoup, quatre-vingt trois mille. Mais vous
comprenez. La génération qui arrive, — avec le risque,
évidemment, comme je vous l’ai dit, qu'elle bascule vers le retour
au XIXe siècle, ce qui serait terrible, l'époque avant,
le jansénisme, ce qu’ on avait à cette période là, — a besoin
de repères, de sens spirituel. Elle a besoin que la femme soit la
Vierge Marie qui leur annonce que la valeur essentielle, y compris
pour eux, jeunes hommes et jeunes femmes, c'est l'amour et
l'humilité, que les valeurs du monde sont passagères, que briller
devant une communauté en prêchant etc., c'est secondaire. Il y
aurait quelqu'un qui serait témoin de ça, c'est la vocation de la
femme. Enfin, je pense qu’on a vraiment fait le tour. On a bien vu.
Pour moi c'était fabuleux, parce que j'aime beaucoup débattre avec
vous dans la mesure où je trouve qu’on est face, comme disait
Jésus, à [une succession] de générations. Les valeurs changent
d'une génération à l'autre, effectivement. Quand Jésus dit :
«Cette génération ne passera pas », souvent on se dit que
c'est grossier comme regard. Non, il y a quand même des idées
motrices de génération. Celle de 14, par exemple, c'était l'amour
de la patrie.
P.
Charles Delhez : Bien sûr, oui. Je rapporte, ici, un petit
souvenir un peu triste ou cocasse, c'est comme vous voudrez. J'ai
écrit un jour dans La Libre Belgique un
article pour réfléchir sur la question de l'ordination de gens
mariés. Il y a un groupe de jeunes — mais je crains qu'il n'y ait
des gens derrière eux — qui ont fait une réponse en disant :
« Nous, on aime les Prêtres célibataires. » Mais il n’y
a aucun de ceux-là qui est devenu Prêtre célibataire.
Arnaud
Dumouch : Oui, bien sûr. Mais là, c'est très différent.
P.
Charles Delhez : Oui, je suis d’accord. Mais c’est pour vous
dire que notre problème, le problème de notre Église, c'est que
nous avons perdu — vous connaissez l'expression — la classe
ouvrière. Ça veut dire quoi ? Ce n’est pas un problème
sociologique. C’est que nous sommes devenus une Église située
dans un milieu qui est en général plutôt bien entier, bien
intellectuel et que nous avons oublié cette fraternité, cette
solidarité, qui fait que le Pape a écrit, d'une part, Laudato
si, sans doute, mais Fratelli
tutti. Et ça, c'est
important. Vous rappelez que j'ai dit à la fin de mon petit exposé
que l'essentiel, c'est la revitalisation de nos communautés.
Arnaud
Dumouch : Mais je ne sais pas si on a perdu les classes ouvrières
à cause de ça. On les a perdues certainement à cause de ces
Prêtres au XIXe siècle qui ne parlaient que d'offrir sa
souffrance ouvrière et qui n'aidaient pas. Il y a eu aussi
énormément de Prêtres sociaux. Je crois qu'on les a perdus
principalement parce qu’on ne leur a retiré les dévotions
populaires. Ça joue énormément.
P.
Charles Delhez : Je suis tout à fait d’accord.
Arnaud
Dumouch : On leur a retiré la Sainte Vierge de Fatima,
l'espérance qu’ils allaient retrouver les leurs de l'autre côté.
On a [tout] réduit à quelque chose de terrestre, justement.
Quelquefois, on se trompe d'intuition.
P.
Charles Delhez : Je suis tout à fait d'accord avec ça, à tel
point qu'il y a deux jours, en paroisse, j'ai rappelé l'importance
de la piété populaire et que j'ai écrit un article. Donc on est
bien d'accord. Ma question n'était pas de savoir pourquoi nous avons
perdu les classes populaires, — c'est sans doute très complexe, —
c'est pour dire que, de fait, actuellement, nous avons une Église de
privilégiés. Et tous les Papes le disent, si nous voulons être
chrétiens, c'est dans la lutte pour un monde meilleur où nous
soyions tous frères et où il n'y ait pas des gens qui qui meurent
de faim et des gens qui soient laissés sur le côté. C'est ça qui
est l'essentiel pour moi.
Arnaud
Dumouch : Ça, ce sont les valeurs de charité fraternelle qui
étaient le centre [des préoccupations] de votre génération. Alors
qu’ils disent en Afrique : « Vous nous retirez
Jésus-Christ et le Sacré-Cœur ! ». L'Église africaine
qui est extrêmement vivante, qui produit pratiquement tous les
Prêtres qui viennent en Belgique, a des préoccupations mystiques ;
ce qui n'empêche pas que des Prêtres abusent des femmes, etc. Je ne
dis pas que c'est parfait. Vous voyez ! La vitalité n'est plus
chez nous. Ça, c'est une préoccupation !
P.
Charles Delhez : C'est bien ça ma préoccupation, justement.
J’ai vécu en Afrique ; j'ai été Prêtre en Afrique. Nous
[y] sommes dans un autre contexte pour reprendre votre mot.
Arnaud
Dumouch : Oui !
P.
Charles Delhez : Et donc, il est très difficile de comparer les
deux ; parce que ça n’est pas les mêmes étapes historiques,
précisément.
Arnaud
Dumouch : Mais je ne suis pas sûr que notre étape historique
[ecclésiale] n'est pas, justement, une fin de course et qu'elle ne
va pas se renouveler par un retour à ce que donne normalement la
religion : l'amour de Dieu, l'amour du prochain. L'amour du
prochain [est important], je suis d'accord avec vous. Mais ce n'est
pas la préoccupation centrale surtout actuellement où on a une
liberté, où l'amour du prochain est réalisé par les aides
sociales. Mais il n’y a plus de sens à la vie !
P.
Charles Delhez : Mais je suis tout à fait d'accord avec vous.
Pourquoi croyez-vous que je donne cours de sciences religieuses ?
Arnaud
Dumouch : Eh oui !
P.
Charles Delhez : C’est justement pour redonner cela. Mais ça
ne résout pas notre problème de l'évolution de ce que vous appelez
l'institution divine de l'Église. Et c'est là que nous divergeons.
Bien sûr que sommes d'accord qu'il faut tenir les deux commandements
ensemble. C’est absolument évident !
Arnaud
Dumouch : Oui. Et donc là, je dirais qu'on a vraiment, je crois,
établi une différence de pensée qui est très nette ; mais
qui est très intéressante. En espérant, — parce que là, je
crois que nous serons d'accord tous les deux, — que n’[arrive]
pas la réaction qui vient toujours après les moments de libération,
la réaction de retour à un excès de norme.
P.
Charles Delhez : Bien sûr…
Arnaud
Dumouch : C'est le risque.
P.
Charles Delhez : C'est, bien sûr, le risque. Mais j'espère que
vous aurez reconnu, dans ma position, quelque chose de modéré par
rapport à tout ce qu'on entend dans un féminisme excessif, par
exemple. Ça n'est pas pour tout chambouler que je parle, c'est pour
dire qu’il y a un dialogue à continuer, à garder avec la
modernité et de voir ce qu'elle a apporté de positif comme cette
notion, — excusez ce mot-là, — de « démocratie »,
que le Pape traduit de manière chrétienne en parlant de
« synodalité », précisément.
Arnaud
Dumouch : Oui, mais la synodalité, j'en suis très dans le
doute. C’est une synodalité, en fait, avec des mouvements
activistes. Un peu comme ça s'est passé en Allemagne. Vous avez
remarqué ?
P.
Charles Delhez : J’ai remarqué.
Arnaud
Dumouch : Il y avait un vote sur le mariage homosexuel par le
processus synodal. Et évidemment, un peu moins de deux tiers des
Évêques, — c’était un vote secret, — ont voté contre, en
disant que, quand même, là, on dépasse un petit peu l'Écriture.
Le mariage homosexuel, quand même, ça n'est pas tellement Jésus !
Jésus fait l'homme et la femme complémentaires. Ce qui ne veut pas
dire ne pas accueillir les homosexuels. Donc le vote était secret.
Résultat : furie énorme de la part du « Synode »
tenu particulièrement par des personnes de plus de soixante ans,
soixante-dix ans. Et on impose, comme à l'époque de Mai 68, —
parce que les Évêques avaient été lâches : ils n'avaient
pas protesté publiquement, — un vote public pour cette règle :
« Êtes-vous pour ou contre de demander le mariage homosexuel à
l'Église ? » À ce moment-là, le nombre des Évêques,
qui étaient contre, a fondu et le décret est passé. On se croirait
dans une assemblée de Mai 68 avec une méthode trotskiste et des
Évêques qui font ce qu'ils peuvent, qui ont peur d'avoir des
ennuis, d'être avec ceux qui sont dans leur paroisses, d'être
accusés d'être homophobes ou je ne sais quoi [d’autre]. Il y a
quelque chose qui ne va pas là-dedans !
P.
Charles Delhez : Oh ! S'il n'y avait que ça qui n'allait
pas dans l'Église, mais [ça ne va pas] à gauche et à droite.
C'est le cardinal Hollerich qui disait : « Il est bien de
ne pas être trop au centre... parce que quand on regarde vers le
Christ et qu'on n'est pas trop au centre, si on est à droite, on est
obligé de voir ceux qui sont à gauche et de parler avec eux. »
Arnaud
Dumouch : Ah oui !
P.
Charles Delhez : Il a une image de ce genre-là… Je la trouvais
très originale. Je ne pensais pas la sortir donc je l'ai pas
mémorisée. Mais le Christ, Lui, est au centre.
Arnaud
Dumouch : Je ne crois pas : Il n’est ni de droite ni de
gauche. Je pense qu'Il allie la vérité, — des vérités,
effectivement, qui sont des repères très nets, — et l'amour. Pour
moi, la marque du Christ c'est celle là : quand Il parle à la
femme adultère : « Moi non plus Je ne te condamne
pas ! », donc c'est l'accueil, vraiment. « Mais ne
pêche plus ! » Donc, Il ne lui dit pas que l'adultère,
c'est un péché. On a vraiment, depuis toujours, une bascule entre
les tenants de ceux qui disent : « Je crois en l'amour ! »
quitte à écraser la vérité. Vous êtes modéré, mais ça serait
un peu la position de votre génération.
P.
Charles Delhez : Ma génération, vous lui en voulez ! Moi
je ne m'identifie à aucune génération. J'essaie d'être moi-même
et j'aime autant vous dire que je ne suis pas toujours un accord avec
ma génération.
Arnaud
Dumouch : Oui c'est vrai ! La génération suivante, —
puisque moi je suis entre les deux, — sera, à mon avis,
malheureusement, peut-être, un retour à la vérité qui écrase
l'amour, comme celle de 1880, ce qui n’est pas mieux. On dirait
[qu’il s’agit] de basculements, comme si l'arbre était secoué à
droite et à gauche.
P.
Charles Delhez : C'est évident… Mais, dans ce contexte là,
qu'est-ce qu'il faut faire ? Et notre question, c'était
l'ordination des des femmes. Je répète qu’il y a des arguments
« pour », qu’il y a des arguments « contre ».
Actuellement, avec modération, je pense, je suis passé dans les
arguments « pour ». J'ai l'impression que les gens
engagés, — qui, je vous [le] répète, dans mes équipes, sont
tous plus jeunes que moi, — c'est leur sensibilité à eux. Je me
dis que je n'ai pas le droit de ne pas écouter. Il me semble qu'il y
a là, — parlons comme Jean XXIII, — un « signe des
temps ».
Arnaud
Dumouch : Moi, ma position, — je crois qu'on pourra conclure
là-dessus, — c'est de faire confiance véritablement [à] l'Esprit
Saint qui parle par le Magistère de l'Église puisque Jésus a fondé
sur Pierre cette [Église], et de suivre ce que dit Jean-Paul II. Sur
l'ordination des hommes mariés, pas de problème, c'est pastoral. On
verra ce que déciderons les Papes. Par contre, sur l'ordination des
femmes, l'Église n'a, en aucune façon, le pouvoir de [leur]
conférer l'ordination sacerdotale et cette position doit être
définitivement tenue par tous les fidèles de l'Église. Moi je
ferais confiance, parce que je ne suis pas à l'origine de l'Église.
Elle vient d'en haut. Voilà !
P.
Charles Delhez : C’est exactement, — et c'est une bonne
conclusion, — la différence entre vous et moi. J'estime que, tout
en respectant, ceux qui sont servis et qui sont en haut, l'Église
vient d'en bas et c'est justement le renversement que le Concile
Vatican II a fait. On avait une Église bien hiérarchique à la
manière de Pie X, société fondamentalement inégale. Les Pères
conciliaires se sont opposés et on a dit : c'est d'abord du
« Peuple de Dieu » qu’il nous faut partir. Et
effectivement, dans ce Peuple de Dieu, il y a des ministres qui sont
au service de la communion dans la communauté. Ma proposition, c’est
de dire : est-ce que nous ne pouvons pas aussi demander à la
femme d'être au service de cette communion dans la communauté, elle
qui est si bien au service de la vie, puisqu'elle la porte.
Arnaud
Dumouch : Merci beaucoup, mon Père. C'était parfait. C'était
un débat très intéressant.
P.
Charles Delhez : C’était vif, en tous les cas !
Arnaud
Dumouch : Oui, tant mieux ! Et j’espère qu’on en refera
d’autres parce que j’ai trouvé avec vous un interlocuteur
vraiment intelligent, passionnant.
P.
Charles Delhez : Et savez-vous ce que je vais faire maintenant ?
Arnaud
Dumouch : Oui ?
P.
Charles Delhez : Célébrer l'Eucharistie dans cinq minutes…
Arnaud
Dumouch : Merci beaucoup !
P.
Charles Delhez : Je penserai à vous et à tous ceux qui nous
auront écouté ou qui nous écouterons.
NB
: Message du Père Charles Delhez sur le nombre des participants
belges à la consultation synodale en 2022 :
Cher Monsieur, Je me suis permis de
vérifier en lieu officiel les chiffres que vous donniez à propos
de la démarche synodale (six cents participants pour la Belgique).
Voici ce que m'a répondu celle qui était chargée de faire la
synthèse au niveau du diocèse de Malines-Bruxelles : “La synthèse
de l'archidiocèse de Malines-Bruxelles mentionne dans le paragraphe
introductif que les synthèses qui nous étaient parvenues se font
écho de plus ou moins 4000 personnes, rien donc que pour notre
archidiocèse. Je crois que si vous consultiez les synthèses des
autres diocèses, vous y trouverez également quelques informations
quant aux chiffres.” Il me semble qu'il serait bon de rectifier,
car la différence est énorme entre vos chiffres et ceux que vous
donnez. Comme j'ai pu vous le dire, rien que moi-même, j'ai
rassemblé environ une centaine de personnes autour de cette démarche
synodale, peut-être un peu moins, mais sans compter le partage
paroissial que j'ai fait autour de ces questions, lors d'une messe
dominicale où les gens ont pu se partager un petit groupe ; une
synthèse en a été faite. J'aimerais savoir d'où vous teniez vos
chiffres.
Source :
«
Les femmes doivent-elles être Prêtres ? Question disputée
Père Charles Delhez, s.j./Arnaud
Dumouch :. »,
Chaîne Catholique
d’Arnaud Dumouch,
Youtube, 18 novembre 2022. Disponible en ligne sur
<https://www.youtube.com/watch?v=PzlDnWPXgyU>.