1° Antipathie, éloignement naturel, répugnance pour une personne dont l'extérieur, les manières, l'humeur choquent nos habitudes ou nos penchants. Ce sentiment instinctif n'est jamais tout à fait exempt de partialité. On l'éprouve, à la première vue; mais des relations fréquentes l'affaiblissent, ou bien, en l'augmentant, lui donnent un autre caractère. L'admiration et la reconnaissance peuvent le dompter sans le détruire. Tout en laissant la plus large place à l'estime, au respect et même au dévouement, il les enveloppe d'une certaine réserve, qui s'«oppose à la fusion des âmes. Il permet de tolérer ce qui a déplu, mais non pas de l'aimer.
2° Aversion. Lorsque l'antipathie, fortifiée par des faits, cesse d'être une vague répugnance, elle se change en aversion. Celle-ci peut être inspirée, tantôt par des vices ou de mauvais procédés, tantôt par des qualités ou des succès qui la font naître avec l'envie. L'antipathie se fonde donc sur l'apparence, et l'aversion, sur la réalité. L'une est spontanée et permanente; l'autre est réfléchie, et peut n'être qu'un effet passager comme la cause qui l'a produite.
3° Inimitié. Les atteintes portées à !'amour-propre,. aux intérêts, aux affections, excitent, dans les âmes impatientes, un vif déplaisir d'où naît l'inimitié. Elle se manifeste par une franche hostilité. Mais elle n'exclut ni l'équité, ni la noblesse des procédés; et n'empêche point un cœur généreux d'estimer la personne qui l'a offensé, ni même quelquefois de la servir.
On adopte volontiers l'inimitié des gens que l'on aime ; et quand ils pardonnent, on se sent un peu honteux d'être forcé de pardonner aussi, sans savoir exactement pourquoi.
L'inimitié a peu d'ardeur pour la vengeance; mais elle applaudit souvent, avec une maligne joie, aux coups que le sort semble frapper pour elle. Le temps la calme, ou la fait aller jusqu'à la haine.
4° Animosité. Quand l'inimitié s'aigrit et s'exaspère, elle devient de l'animosité. Celle-ci n'est donc qu'une exaltation éphémère de l'inimitié; et, dès qu'elle s'affaisse sur elle-même, par fatigue ou par raison, elle ne tarde pas à retomber au-dessous de son point de départ. Le regret, que l'animosité laisse souvent après elle, peut apaiser l'inimitié.
5° Rancune, ressentiment silencieux d'une offense ou d'un mauvais procédé. Elle se repaît d'un passé qui la blesse, et met un soin scrupuleux à en conserver les plus vives images. Défaut des âmes sensibles et réservées, elle n'exclut ni la fermeté, ni le courage; mais elle est incompatible avec la légèreté de l'esprit, comme avec la franchise du caractère. Le temps l'adoucit ; une expiation l'efface et un service rendu peut la transformer en amitié.
Celui qui cache sous la rancune son mécontentement ou sa colère, y ajoute, en durée, tout ce qu'il en ôte en violence, et croit faire une sage transaction avec sa dignité.
Les rancunes les plus profondes sont inspirées par les torts des personnes que l'on a le plus sincèrement aimées.
6° Haine. Ce vice de l'âme, si funeste à l'homme moral (1), exerce aussi, sur l'homme social, une dangereuse influence. Il le rend hostile à ses semblables, et le pousse à se venger sur eux des mécomptes de son égoïsme ou de son orgueil.
Dans la jeunesse, on sent plus vivement l'affection que la haine; c'est le contraire dans l'âge mûr.
La vengeance est la haine en action.
Quand la résistance a provoqué la haine, une soumission la change en mépris, dans une âme vaine, en bienveillance, ou même en affection, dans une âme généreuse.
Le respect humain conseille la haine; le respect de Dieu commande de pardon.
La haine est une souffrance : pour en guérir, il suffit de bien comprendre l'amour de soi.
Note.
(1) Voir le livre III, chapitre IV, section III, § 2, deuxième catégorie, page 373.
(1) Voir le livre III, chapitre IV, section III, § 2, deuxième catégorie, page 373.
Référence.