Voici le premier de tous ces principes :
tous les hommes, dès lors qu'ils sont de même race
et de même nature, sont semblables, et, par le fait, égaux
entre eux dans la pratique de la vie ; chacun relève
si bien de lui seul, qu'il n'est d'aucune façon soumis
à l'autorité d'autrui : il peut en toute liberté
penser sur toute chose ce qu'il veut, faire ce qu'il lui plaît ;
personne n'a le droit de commander aux autres.
Dans une société
fondée sur ces principes, l'autorité publique n'est
que la volonté du peuple, lequel, ne dépendant que
de lui-même, est aussi le seul à se commander. Il
choisit ses mandataires, mais de telle sorte qu'il leur délègue
moins le droit que la fonction du pouvoir pour l'exercer en son
nom.
La souveraineté de Dieu est passée sous silence,
exactement comme si Dieu n'existait pas, ou ne s'occupait en rien
de la société du genre humain ; ou bien comme
si les hommes, soit en particulier, soit en société,
ne devaient rien à Dieu, ou qu'on pût imaginer une
puissance quelconque dont la cause, la force, l'autorité
ne résidât pas tout entière en Dieu même.
De cette sorte, on le voit, l’État n'est autre chose que
la multitude maîtresse et se gouvernant elle-même ;
et dès lors que le peuple est censé la source de
tout droit et de tout pouvoir, il s'ensuit que l’État ne
se croit lié à aucune obligation envers Dieu, ne
professe officiellement aucune religion, n'est pas tenu de rechercher
quelle est la seule vraie entre toutes, ni d'en préférer
une aux autres, ni d'en favoriser une principalement ; mais qu'il
doit leur attribuer à toutes l'égalité en
droit, à cette fin seulement de les empêcher de troubler
l'ordre public.
Par conséquent, chacun sera libre de se
faire juge de toute question religieuse, chacun sera libre d'embrasser
la religion qu'il préfère, ou de n'en suivre aucune
si aucune ne lui agrée. De là découlent nécessairement
la liberté sans frein de toute conscience, la liberté
absolue d'adorer ou de ne pas adorer Dieu, la licence sans bornes
et de penser et de publier ses pensées.
Référence
Léon XIII, pape catholique romain (1878-1903), Encyclique Immortale Dei, Rome, 1er novembre 1885. (La mise en page est le fait de l'auteur de ce blog).