Une
novice lui disait :
«
Vous êtes bien heureuse d'être choisie pour indiquer aux âmes la ''voie d'enfance'' » !
Elle
répondit :
«
Pourquoi en serais-je heureuse ? pourquoi désirerais-je que le bon
Dieu se serve de moi plutôt que d'une autre ? Pourvu que son règne
s'établisse dans les âmes, peu importe l'instrument. D'ailleurs, il
n'a besoin de personne.
« Je
regardais, il y a quelque temps, la mèche d'une petite veilleuse
presque éteinte. Une de nos sœurs y approcha son cierge ; et, par
ce cierge, tous ceux de la communauté se trouvèrent allumés. Je
fis alors cette réflexion : qui donc pourrait se glorifier de ses
œuvres ? Ainsi, par la faible lueur de cette lampe, il serait
possible d'embraser l'univers. Nous croyons souvent recevoir les
grâces et les lumières divines par le moyen de cierges brillants ;
mais d'où ces cierges tiennent-ils leur flamme ? Peut-être de la
prière d'une âme humble et toute cachée, sans éclat apparent,
sans vertu reconnue, abaissée à ses propres yeux, près de
s'éteindre.
«
Oh! que nous verrons de mystères plus tard! Combien de fois ai-je
pensé que je devais peut-être toutes les grâces dont j'ai été
comblée aux instances d'une petite âme que je ne connaîtrai qu'au
ciel !
«
C'est la volonté du bon Dieu qu'en ce monde les âmes se
communiquent entre elles les dons célestes par la prière, afin que,
rendues dans leur patrie, elles puissent s'aimer d'un amour de
reconnaissance, d'une affection bien plus grande encore que celle de
la famille la plus idéale de la terre.
«
Là, nous ne rencontrerons pas de regards indifférents, parce que
tous les saints s'entre-devront quelque chose.
«
Nous ne verrons plus de regards envieux ; d'ailleurs le bonheur de
chacun des élus sera celui de tous. Avec les martyrs, nous
ressemblerons aux martyrs ; avec les docteurs, nous serons comme les
docteurs ; avec les vierges, comme les vierges ; et de même que les
membres d'une même famille sont fiers les uns des autres, ainsi le
serons-nous de nos frères, sans la moindre jalousie.
«
Qui sait même si la joie que nous éprouverons en voyant la gloire
des grands saints, en sachant que, par un secret ressort de la
Providence, nous y avons contribué, qui sait si cette joie ne sera
pas aussi intense, et plus douce peut-être, que la félicité dont
ils seront eux-mêmes en possession ?
«
Et, de leur côté, pensez-vous que les grands saints, voyant ce
qu'ils doivent à de toutes petites âmes, ne les aimeront pas d'un
amour incomparable? Il y aura là, j'en suis sûre, des sympathies
délicieuses et surprenantes. Le privilégié d'un apôtre, d'un
grand docteur, sera peut-être un petit pâtre ; et l'ami intime d'un
patriarche, un simple petit enfant. Oh ! que je voudrais être dans
ce royaume d'amour ! »
Référence
S. Thérèse de l'Enfant Jésus, Conseils et souvenirs.