Suite
au rapport d'enquête nommée par le Roi le 7 juillet 1833, on
discute, à la Chambre des Députés, de ses conclusions, et de la
nécessité de poursuivre la colonisation en Afrique du Nord. Le
député de centre gauche André
Dupin, dit Dupin-aîné, donne ici son opinion sur les
conditions de l'occupation française d'Alger, opinion aussitôt
contredite par celle du maréchal Bertrand, comte Clausel,
ex- et futur commandant en chef de l'armée d'Afrique, ex- et futur
gouverneur général d'Alger.
Chambre
des Députés.
Séance du mardi 29 avril 1834.
M.
DUPIN : (…) J'examine ce qu'on a fait en Afrique. Notre
expédition a été brillante, la conduite de notre marine dans le
débarquement, la conduite de nos troupes dans l'assaut, et la prise
d’Alger font également honneur à nos armées de terre, et de mer
et aux merveilleux accord qui a régné entre nos marins et nos
soldats. Car c'est encore là une affaire de parti, d'appeler cela
l'œuvre de la Restauration. C'est du même ton que les flatteries
qui, sous Louis XIV, rapportaient au grand Roi, resté à Paris, tout
l' honneur des victoires remportées par ses maréchaux. C'est à la
France, c'est à l’armée française qu'il faut attribuer ce qu'a
d’honorable et de glorieux la prise d’Alger. (Marques
universelles d'adhésion. )
Quelle
a été notre conduite avec les indigènes ? Messieurs,
chez toute espèce de peuple, mais surtout chez les peuples avec
lesquels on n’est pas en intime relation, la différence de
religion est ce qui sépare plus profondément les hommes, ce qui
oppose le plus d’obstacles, soit à la conquête, soit à la
fusion, soit à l’incorporation des peuples, soit à la réunion
des hommes.
Ce
sentiment, Messieurs, devait être beaucoup plus vif chez les Maures
que chez aucun autre peuple, car il ne s’agit pas seulement d’une
différence abstraite de religion, de Dieu, de culte. Chez les
Maures, la différence de religion se lie à tous les souvenirs de
leur nationalité. Quand ils furent expulsés d’Espagne, c’est au
nom de la religion catholique que les Maures furent chassés,
exterminés, car ceux qui voulurent y rester, en abjurant leur foi,
purent y rester.
Nous
sommes des chrétiens : à ce titre, il devait il avoir de vives
préventions contre nous chez les Maures. Si ces préventions avaient
été ménagées avec soin, si l’on avait tout fait pour les
dissiper, peut-être auraient-elles été diminuées devant
l’évidence des faits ; mais si, au contraire, ces faits sont
venus confirmer leurs appréhensions, ces sentiments non seulement
ont dû devenir plus vifs, mais être renforcés par la puissance des
souvenirs. Alors rien n’a été plus défavorable que notre
situation.
Eh
bien ! il résulte des faits, qu’on a pas respecté les mosquées,
qu’on a insulté les tombeaux ! La manière dont on s’est
placé dans l’intérieur des familles a choqué les mœurs
intérieures, et achevé de les aliéner ; elle a opéré une
profonde antipathie entre les conquérants et les capitulés.
Après
ce premier intérêt de tous, celui de la religion, vient l’intérêt
de la propriété. A-t-on respecté les propriétés ou publiques ou
privées ? Non, Messieurs ; et ce ne sont pas seulement
des spéculateurs ; mais, il faut le dire, des fonctionnaires
publics de l’ordre civil comme de l’ordre militaire, et
quelquefois du rang le plus élevé, qui ont déshonoré leur double
caractère, en se livrant à des spéculations qu’ils auraient dû
s’interdire. (Sensations diverses.)
Le
domaine public ne reposerait pas sur des actes aussi explicites que
chez nous; l'écriture pour les titres y est presque inconnue, la
propriété repose en ce pays sur la foi testimoniale. Le
gouvernement ancien d'Alger, qui, d'ailleurs, n'était plus là,
n'avait pas intérêt à empêcher l'usurpation du domaine public ;
chacun a cherché plus ou moins à en dissimuler l'origine. Ce n'est
pas tout. Dans le désir d'avoir au moins un vendeur pour se créer
un simulacre de titre, on cherchait un indigène, un habitant du pays
qui voulût effrontément s'en dire propriétaire et consentir la
vente. Il n'en fallait pas davantage pour se mettre en possession de
la chose ainsi vendue. (Sensation.)
À
l'égard des propriétés privées, on s'en est emparé aussi ou
violemment, ou à l'aide de dols ou subterfuges, en faisant entrevoir
aux propriétaires qu'ils étaient bien heureux d'en trouver un prix
médiocre, parce que tôt ou tard elles leur seraient enlevées.
Ainsi, l'on blessait d'avance un sentiment qui est profondément
enraciné dans les âmes, le sentiment de la propriété.
Il
y a eu des dévastations dont il faut bien rendre compte, parce
qu'elles rendent plus difficile l'application des remèdes qu'on
voudrait plus tard apporter a tant de maux en essayant de coloniser
le pays.
Qu'est-ce
qui aide le plus la colonisation dans un pays ? Ce sont les forêts
qui fournissent les bois de construction et qui facilitent
l'établissement des maisons, des fermes et des outils. Et bien !
c'est dans le massif d'Alger, dans cette espèce de parterre, de lieu
de délices, du moins relativement aux sables qui, à peu de
distance, entourent ce pays ; c'est dans cette partie, qui est la plus
fertile et la plus agréable, qu'on a opéré le plus de
dévastations. Il y avait des bois ; on les a coupés, et même, à
défaut de bois sur pied, on a dévasté des maisons, on a arraché
les portes et les fenêtres pour faire du feu.
Les
valeurs mobilières du domaine public n'ont pas été plus
respectées, à l'exception du Trésor, qu'un inventaire et une
prompte expédition en France ont mis à l'abri de la dilapidation,
on a disposé de tout le reste d'une manière plus ou moins
impudente.
À
ce propos, je citerai un seul fait : on a trouvé dans les magasins
d'Alger 15 500 saas (mesure du pays) pesant 80 kil. et se
vendant au prix moyen de 6 à 7 fr. On les a vendus à 2 fr. 70 c.
Après avoir vidé les magasins du Gouvernement, il a fallu racheter
des grains pour nourrir la garnison, et l'on en a racheté au prix
de 17 fr. la même mesure ; mais comme ces grains étaient de
mauvaise qualité, on a trouvé un spéculateur qui les a rachetés
à 5 fr. Là s'arrête pour moi la généalogie de ces grains (on
rit), et je ne sais pas s'ils ne sont pas rentrés d'une autre
manière dans les magasins du Gouvernement.
Il
y a eu des exécutions militaires déplorables et sans jugement ;
une tribu entière, la tribu d'EI-Aouffia, a été exterminée
! Elle était innocente ! Le général Berthézène le dit p. 211 de
son récit. J'absous notre armée de ce crime, mais j'en accuse qui a
commandé le feu. (Vives sensations) Il y a eu des
réquisitions arbitraires, frappées comme moyen de fortune ; celle
des laines a rempli un chapitre dans l'ouvrage de M. Pichon. Pour ce
fait, je le sais, et je me plais à le dire, le Gouvernement a pris
tous les moyens possibles pour tâcher de faire rentrer les choses
dans l'ordre ; mais il n'a pas été obéi.
Cette
réquisition, dont on a permis de se racheter en argent, à produit
une somme de 360000 francs qu'on n'a jamais voulu remettre à
l'administrateur civil, et dont l'histoire finale ne lui est pas
connue.
Mais
ce n'est pas seulement les indigènes qui ont souffert ; les Européens
ont été aussi maltraités ; et cela, certes, n'encouragera pas,
soit à coloniser, soit à s'y rendre. Il y a eu des avanies pour
tous. Enfin, la capitulation a été plusieurs fois violée !
Eh
bien ! je demande si tout cela est de la civilisation ! Car le grand
mot ici, c'est qu'on a été porter la civilisation à Alger ; en
arrivant, on a dit aux habitans : « Nous vous apportons la
civilisation. » (On rit.) Mais la civilisation, est-ce le
talent de fabriquer des objets de luxe, quand quelquefois ce sont les
hommes les plus grossiers qui font ces sortes d'ouvrages ? ou bien
est-ce le talent de les consommer, quand ce sont souvent les hommes
les plus dégradés qui font ces consommations ? Non, lai
civilisation, c’est la loyauté, le sentiment de la justice, le
respect de soi-même et d'autrui. Voilà les véritables élémens de
civilisation.
Eh
bien ! les documens que nous avons, attestent que, quand on a manqué
de loyauté, de justice et de respect pour les indigènes, ils n'en
ont pas manqué vis-à-vis de nous. Je parle de la population en
général, et non des élémens impurs qui ont pu s'y mêler ; ils
ont de la religion, de l'équité, de. la bonne foi ; ils savent
tenir une parole donnée, il ne méritaient pas de recevoir de nous
ce qu'il appellera des leçons de barbarie. (Très bien !)
Aussi,
quel a été le résultat ? Au lieu de quarante mille hommes qui
étaient à Alger, lors de notre arrivée, il y en a à peine
aujourd'hui vingt mille, parmi lesquels se trouve une adjonction de
quatre mille Européens. Le commerce, après quatre ans entiers
d'occupation, est moins fort qu'il ne l'était avant que la France ne
fût maîtresse d'Alger. Par conséquent, notre présence, au lieu
des avantages, a occasionné des pertes. Mais ce qui est plus grave,
c'est le détriment apporté à l'’honneur du nom français !
Les
plus fuites expéditions, même celles des croisades (car à une
longue distance ces malheurs s'effacent, et quelques faits glorieux
vous consolent des sacrifices que vos ancêtres ont pu faire) ; eh
bien ! même au milieu des croisades, il y a une foule de beaux
traits dont la France s'honore encore aujourd'hui ; saint Louis a été
révéré par les Sarrasins, autant par .«a bravoure que par sa
fidélité à garder sa foi !
L'expédition
d’Égypte ne nous offre-t-elle pas de glorieux souvenirs ?
L'honneur de nos armes y a tourné au profit de la patrie ; un de nos
grands généraux, Desaix, a mérité d'être appelé le Sultan
juste. Aux yeux de l'orateur, rendre le nom français odieux à
des étrangers, c'est le plus grand crime, c'est un crime de
lèse-patrie. (Oui ! Oui !)
Eh
bien ! ces crimes, ces délits contre les personnes, contre
les propriétés, contre l'humanité, n'ont pas été ignorés
; ils n'ont pas été l'affaire d'un instant, ils se sont propagés
pendant trois années, et pourtant ils n'ont pas été
poursuivis ! Les Romains, par une disposition expresse de leurs
lois, défendaient aux gouverneurs et administrateurs des provinces
d'y prendre femme et d'y acquérir des immeubles, afin qu'ils
n'abusassent pas de leur pouvoir pour dépouiller une famille en
s'emparant d'une riche héritière ou en se faisant vendre des biens
à vils prix. Si une pareille loi n'est pas écrite dans nos Codes
(et encore il croit qu'elle existe dans les règlemens des colonies),
au moins elle devrait se retrouver dans l'esprit de conduite. Mais je
parle de tous les autres faits, de ces crimes contre les personnes,
des assassinats et des spoliations ; non seulement on devait empêcher
que cela se continuât, mais il fallait encore une répression pour
le passé ; et s'il y avait des Verrès en Sicile, à Rome, il y
avait des accusateurs et des juges : on n'était pas encore au temps
de Jugurtha. (Mouvements divers.)
Messieurs,
plus de trois ans se sont écoulés ; non-seulement on n'a pas entendu
parler d'une punition, mais, mais Dieu veuille que, par erreur sans
doute, quelque récompense n'ait pas été appliquée à des faits
qui seraient venus se placer à coté des délits et qu'on aurait
fait valoir distinctement !
Messieurs,
l'histoire d'une colonisation est toujours une grande affaire, quand
cela est pratiqué par des peuples aussi avancés que nous. Les
nations y voient une occasion de gloire, de richesse ; chacun fait sa
chimère, fonde ses espérances. Mais ce qu'il y .a de plus clair
là-dedans, c'est que, d'abord, se présentent des hommes qui se font
donner des pouvoirs dans un pays lointain, pour y conquérir de la
puissance, pour l'exercer avec violence, avec arbitraire ; c'est
qu'ensuite il y a une foule de gens qui se font commissionner pour
aller à la suite d'une gloire à laquelle ils ne sont pas destinés
à prendre part, mais qui sont là pour leur compte. Chacun cherche à
placer son monde et ses partisans. On y envoie des gens qu'on
n'oserait pas mettre en évidence dans la métropole, et qui sont
légitimés quand ils sont en pays étrangers ; des gens à qui on
attribue des appointemens considérables, des traitemens qu'on
n'oserait pas leur accorder dans leur pays ; et quand ils sont loin
de la surveillance, des regards de la mère-patrie, quelle que soit
la fidélité de certains agens du Gouvernement, quelque honneur qui
appartienne aux membres d'un Ministère, il est évident que des
abus très-graves doivent en résulter.
Les
spéculateurs surtout qui se mettent à la suite des armées, et
c'est là, Messieurs, que je retrouve d'une manière toute
particulière ce que j’appelle des loups cerviers (rire
général) ; les spéculateurs qui se mettent à la suite des
armées pour voir ce dont ils pourraient s'emparer ; ceux-là sont à
l'affût des affaires ; achètent les terres à bon marché, servent
de prêle-nom à de plus puissans, trompent le Gouvernement, lui
vendent de mauvaises denrée, lui fournissent de mauvais lits,
rachètent à bon marché ce qu'ils ont vendu cher. Ces hommes sont à
la fois le fléau des armées qu'ils disent servir, et du pays au
sein duquel ils sont placés. Et quand ils ont fait leurs affaires,
ils voudraient que le pays entier s'armât pour faire valoir leurs
spéculations. (De toutes parts : C’est cela !)
La
rage des spéculations a été poussée jusqu'au scandale à Alger.
Il y a telle maison qui est louée à l’État douze fois la valeur
que le capital entier d'achat a coûté. Un administrateur a fait
cette spéculation, et voudrait faire tomber à la charge du
Gouvernement le soin d'assurer ce bénéfice ! (Sensation.)
On a vendu des terres à Alger comme des quantités algébriques,
comme à la Bourse de Paris on trafique sur le sucre, le café et les
eaux-de-vie ! On a vendu des terres au-delà de ce que comporte
l'étendue du territoire. La plaine de Métidja a été vendue cinq
ou six fois sa contenance. Il est tel marché qu'on a cité qui n'est
pas moindre de 38000 arpens. Le territoire d'Alger appartient
maintenant à de gros capitalistes qui ont des numéros de loterie,
qui cherchent à les placer, et qui voudraient qu'une déclaration du
Gouvernement vînt dire qu'ils ont vendu sous sa garantie, afin de
faire hausser le prix de leurs marchandises, et ensuite s'en
départir.
Une
voix : c’est affreux !
M.
DUPIN : C'est en cet état, Messieurs, qu'on demande la
colonisation.
(…).
M.
le maréchal CLAUSEL : Avant d'entrer dans la discussion, je
demande a la chambre la permission de réfuter quelques allégations
avancées par l'honorable M. Dupin contre les agens de l'autorité à
Alger. En ma qualité de second gouverneur d Alger, je dois prendre
leur défense, alors que j'ai la conscience que ces agens n'ont pas
failli. Il faut que la Chambre se persuade que la position de l'armée
à Alger n'était pas une position facile. Dès que la position des
soldats n'était pas facile, celle des fonctionnaires publics ne
l'était pas non plus.
Il
faut se figurer notre position devant le château de l'Empereur dans
la saison la plus chaude de l'année, ayant combattu la chaleur
brûlante des jours et l'humidité des nuits ; est-il possible de
penser que, dans de pareilles circonstances. l'armée n'ait pas dû
commettre quelques dégâts involontaires. Ces dégâts n'ont pas été
d'une nature telle qu'on a voulu le faire entendre l'administration
n'y a pas coopéré ; elle a au contraire tout fait pour les
réprimer. En ma qualité de commandant de l'armée, j'ai pris des
dispositions nécessaires pour faire respecter les propriétés. J’ai
même puni quelques dégâts commis par les soldats sur des
propriétés.
Mais
la majeure partie des désastres dont on s'est plaint ont été
commis par les Arabes, par les Bédouins qui venaient la nuit et le
jour détruire eux-mêmes les maisons, et vendre ce qu'ils pouvaient
en enlever.
M.
Dupin, sur les rapports mensongers qui lui ont été faits, a cru
qu'on avait violé la demeure des. Maures a Alger. Ce fait est une
imposture et une grande calomnie. Je puis certifier la Chambre que
jamais un Maure n'a eu un soldat français logé chez lui ; je
ne dis pas que des sous-officiers et des soldats n'aient été logés
dans leurs maisons de campagne, même les chefs, mais dans les
maisons habitées par eux, dans leur domicile privé, jamais.
J'ai
négocié moi-même plusieurs mois avec les muphtis, parce que je
voulais mettre un terme à certains actes de cruauté, à certains
actes de barbarie qu'on exerçait, dans les maisons, contre les
femmes, et surtout contre les vieilles femmes. Voila, Messieurs,
quels abus nous pouvons avoir commis, je ne suis pas fâché de les
avoir commis, et moins encore de te dire.
On
a accusé l'administration de l'armée, et un homme qui jouit d'une
excellente réputation, d'avoir fait vendre quelques mesures de blé.
Cela est vrai ; mais si ce blé a été vendu, et vendu très
publiquement, c'est parce qu'il ne valait rien, et que l'on ne
pouvait pas s'en servir. On l'eût jeté à l'eau plus tôt que de !e
mettre à la manutention.
Quant
à ce qu'a dit M. Dupin sur l'achat des propriétés, elles ont été
acquises, lorsque j'ai voulu coloniser, car il faut qu'on sache bien
que c'est moi qui ai commis la faute, s'il y en a une, d'en donner le
conseil. Cette responsabilité, je ne la repousserai jamais, et je
soutiendrai le système de la colonisation, parce que je le crois
utile à la France. Je n'entrerai pas pour cela dans un cours
d'histoire ancienne, je ne chercherai pas, je ne dirai pas comment on
faisait tes colonies dans l'ancien temps, mais je dirai comment on
tes fait maintenant.
Je
crois en avoir dit assez sur ce point. C'est moi, je le répète, qui
ai engagé tous les agens du gouvernement, tous les employée à
acquérir des terres. Le gouvernement en a été instruit et il n'a
rien dit. J'en ai fait acquérir encore depuis mon retour, et quoi
qu'en ait dit M. Dupin, j'en acquerrai de nouvelles si l'occasion se
présente. (…).
Un
fait énoncé par l'honorable M. Dupin est contredit par l'honorable
maréchal Clausel ; celui de la violation des tombeaux est
malheureusement trop certain. Le procès-verbal de la commission
d'Afrique affirme le fait, et constate que les Maures en ont été
cruellement choqués.
M.
le maréchal CLAUSEL (de sa place) : Sous mon administration
les tombeaux ont toujours été respectés, et j'ai toujours montré
le plus grand respect pour les propriétés.
M.
BARBET : Il n'y a pas de cimetières à Alger ; les
tombeaux sont répandus dans les campagnes, de telle sorte qu'il est
impossible d'ouvrir un chemin sans détruire quelques sépultures.
M.
C. DE LA ROCHEFOUCAULD : N'a-t-on pas vendu les marbres qui
couvraient et ornaient les tombeaux ?
M.
BARBET : Les tombeaux sont creusés à si peu de profondeur,
que les chacals viennent déterrer les cadavres.
M.
PISCATORY : Nous n'avons pas dit dans le procès-verbal que
M. le maréchal Clausel eût ordonné de violer la cendre des morts ;
mais nous avons soutenu que l'on aurait pu éviter de faire passer un
chemin à travers un cimetière. Cette opération a été conduite
avec une négligence tellement révoltante, que tous les jours des
ossemens humains s'échappent des tombes à travers lesquelles on a
pratique la tranchée,et restent à découvert dans le fossé.
Référence.
Journal
des débats politiques et littéraires,
mercredi 30 avril 1834, p. 2-4.