Voici
la version française du texte que le pape émérite Benoît XVI a
fait paraître dans le mensuel bavarois Klerusblatt,
le 11 avril 2019. Les autres versions françaises parues sur le web
sont, vraisemblablement, des traductions faites à partir de la
version anglaise ou à partir d'un traducteur (cf. sur le site
fr.aleteia.org,
sur le site benoit-et-moi.fr,
et sur le site leblogdejeannesmits.blogspot.com).
La version française suivante a été conçue, par l’auteur de ce
blogue, directement à partir du texte allemand originel.
Cité
du Vatican. 11 avril 2019 — Du 21 au 24 février 2019, à
l'invitation du pape François, les présidents de toutes les
conférences épiscopales du monde se sont réunis pour débattre de
la crise de la foi et de l'Église constatée, dans le monde entier,
au travers des informations choquantes concernant les
abus exercés par des clercs sur des
mineurs. Le volume et le poids des nouvelles au
sujet de tels événements ont profondément bouleversé prêtres et
laïcs et remis en question la foi de l'Église en tant que telle.
Ici, il fallait donner un signal fort et rechercher un nouveau
départ, afin de redonner à l'Église une crédibilité réelle en
tant que lumière parmi les peuples et en tant que force d'assistance
contre les puissances destructrices.
Étant
donné que j’occupais, dans l'Église, un poste de responsabilité,
comme pasteur, au moment de l'éclatement public de la crise et
durant son développement, je devais, avec du recul, me
poser la question de savoir — même si je n'ai plus maintenant de
responsabilité directe en tant que [pape] émérite —
comment je pourrais contribuer à un nouveau
départ. Ainsi, depuis l’annonce jusqu’à la réunion effective
des présidents des Conférences épiscopales, j’ai rassemblé des
notes avec lesquelles je peux, en cette heure
difficile, apporter l’une ou l’autre indication secourable. Après
des contacts avec le cardinal Secrétaire d’État Parolin, et le
Saint-Père lui-même, il me semble juste de
publier le texte qui en est résulté dans
le Klerusblatt.
Mon
travail est divisé en trois parties. Dans un premier point, je tente
très brièvement de présenter le contexte social général de la
question, hors duquel le problème ne peut
être compris. J'essaie de montrer que, dans les années 1960, s'est
déroulé un processus scandaleux qui n'a
pratiquement jamais eu lieu, à cette échelle, dans l'histoire. On
peut dire que, dans les vingt années courant de 1960 à 1980, les
critères jusqu'alors valables en matière
de sexualité, ont complètement disparu et qu'une absence
de normes s’est faite jour, que l’on s’est efforcé,
entre-temps, de contrecarrer.
Dans
un second point, j'essaie d’esquisser les
effets de cette situation dans la formation
et la vie des prêtres.
Enfin,
dans une troisième partie, je voudrais développer quelques
perspectives d’une juste réponse que pourrait faire
l’Église.
I.
1.
L'affaire commence par l'initiation, ordonnée et soutenue par
l'État, des enfants et des jeunes à
la nature de la sexualité. En Allemagne, la
ministre de la Santé, Mme
Strobel, a fait réaliser un film dans lequel,
avec le but d’informer, tout ce qu’il n’était pas permis
auparavant de montrer
publiquement, y compris les rapports sexuels, a
alors été exposé. Ce qui était
initialement destiné uniquement à l’information des
jeunes gens a ensuite
été tout naturellement accepté
comme une ressource commune.
Le
« Sexkoffer » du
gouvernement autrichien a eu des effets similaires. Les films sexuels
et pornographiques sont alors devenus une telle réalité qu’ils
ont désormais été diffusés dans
les cinémas de gare. Je me souviens encore du jour où, marchant
dans la ville de Ratisbonne, j'ai vu attendre, devant un grand
cinéma, une foule de personnes, comme nous ne l'avions vu qu'en
temps de guerre, lorsque l’on espérait recevoir une
distribution spéciale. Je me souviens
également de la façon dont je suis arrivé
dans la ville, le Vendredi saint de 1970,
constatant qu’à toutes les colonnes d’affichage avaient été
collées des affiches publicitaires qui représentaient, en grand
format, deux personnes complètement nues étroitement enlacées.
Parmi
toutes les libertés que voulait obtenir la
révolution de 1968 se trouvait également cette pleine liberté
sexuelle qui n’admit plus aucune
norme. La propension à la violence qui a
caractérisé ces années, est étroitement liée à cet effondrement
moral. En effet, aucun film sexuel ne fut plus autorisé dans les
avions, parce que la violence surgissait au sein de la
petite communauté des passagers. Étant
donné que les dérives dans le domaine de
l’habillement induisaient également de l’agressivité, les chefs
d'établissement scolaires ont aussi essayé
d'introduire un uniforme qui devait
favoriser un climat d'apprentissage.
Fit
partie également de cette physionomie de
la révolution des années 68 le fait que
l’on diagnostiqua la pédophilie comme un comportement
autorisé et adapté. Au moins pour les jeunes
gens de l'Église, mais pas seulement pour eux, ce fut une période
très difficile à bien des égards. Je me suis toujours demandé
comment les jeunes gens, dans cette situation, pouvaient aborder le
sacerdoce et l'accepter avec toutes ses conséquences. L'effondrement
généralisé du recrutement des prêtres,
au cours de ces années, et le très grand nombre
des réductions à l’état laïc sont une
conséquence de tous ces événements.
2.
Indépendamment de cette évolution, dans le même temps, la
théologie morale catholique s'est effondrée, rendant l'Église
vulnérable face aux processus en cours
dans la société. J'essaie d’esquisser très
brièvement le déroulement de cette
évolution. Jusqu'à Vatican II, la
théologie morale catholique était largement fondée sur
le droit naturel, tandis que les Écritures n'étaient citées qu'à
titre d'arrière-plan ou de confirmation. Au cœur du bras de fer
du Concile en faveur
d’une nouvelle compréhension de la Révélation, l'option du droit
naturel a été largement écartée et une
théologie morale entièrement fondée sur
la Bible s’est vue encouragée. Je me souviens encore de la façon
dont la faculté des Jésuites de Francfort
avait lancé la formation d’un jeune prêtre très doué (Schüller)
afin de reconstruire une morale entièrement fondée sur l’Écriture.
La belle thèse du père Schüller constitue un premier
pas vers la reconstruction d’une morale
fondée sur l’Écriture. Le père Schüller fut
ensuite envoyé en Amérique pour des
études complémentaires et revint avec la
conviction que la morale ne pouvait être établie d’une manière
systématique à partir de la Bible seule. Il a ensuite tenté
une théologie morale qui suivait une
démarche plus pragmatique sans pouvoir, par cela,
apporter de réponse à la crise de la morale.
Finalement,
la thèse s’est largement imposée, selon laquelle la morale ne
doit être déterminée
qu’à partir des objectifs des actes humains.
Le vieil adage « La fin justifie les moyens » n'était
certes pas légitimée sous cette forme
grossière, mais son esprit était devenu
déterminant. Ainsi, désormais, il ne pouvait rien exister de
bien, purement et simplement, comme rien qui ne soit toujours
mauvais, mais seulement des appréciations relatives.
Il n'y avait plus le Bien, mais seulement le Meilleur relatif,
dépendant du moment et des circonstances.
La
crise de la justification et de la présentation de la morale
catholique, à la fin des années 1980 et dans les années 1990, a
pris des formes dramatiques.
Le 5 janvier 1989, a parue, signée par
quinze professeurs de théologie
catholiques, la « Déclaration de Cologne » qui
considérait divers points de la crise
concernant la relation entre le magistère épiscopal
et la fonction de la théologie. Ce texte,
qui, dans un premier temps, n’allait pas au-delà des
protestations normales habituelles, suscita
rapidement un tollé général contre le magistère
ecclésial et rassembla, de manière
visible et perceptible, le fort
potentiel de protestation qui s’érigeait
dans le monde entier contre les enseignements
attendus de Jean-Paul II (voir D. Mieth, « Kölner Erklärung », Lexikon für Theologie und Kirche, t. VI
3, col. 196).
Le
pape Jean-Paul II, qui connaissait très bien la situation de la
théologie morale et la suivait avec attention, lança alors le
travail sur une encyclique qui devait remettre les choses en place.
Elle parut sous le titre Veritatis
splendor le 6 août 1993 et a provoqué
de violentes ripostes de
la part des théologiens moraux. Avant cela, ce fut le
Catéchisme de l’Église catholique
qui présenta de façon systématique et
convaincante, la morale proclamée
par l’Église.
Je
me rappelle la façon dont le théologien
moraliste allemand de premier plan de
l'époque, Franz Böckle, rentré dans sa patrie suisse
après sa retraite, et considérant les éventuelles décisions de
l’Encyclique Veritatis Splendor,
expliquait que, si l’Encyclique venait à
décider
qu’il existe des
actes à classer comme mauvais en tous
temps et en toutes circonstances, il était résolu à
prendre la parole avec toutes les forces qu’il possédait. Le bon
Dieu lui a épargné la mise en œuvre de cette résolution ;
Böckle mourut le 8 juillet 1991.
L'encyclique parut le 6 août 1993 et
présenta, en effet, la résolution selon
laquelle il existe des actes qui
ne peuvent jamais devenir bons. Le pape était pleinement conscient,
à cette heure, du poids de cette décision et
avait interrogé de nouveau, justement pour
cette partie de sa Lettre, les meilleurs spécialistes qui ne
participaient pas à la rédaction de l'Encyclique. Il ne pouvait et
ne devait laisser aucun doute sur le fait que la morale de la mise en
balance des biens doit respecter une limite
ultime. Il existe des biens que l’on ne
doit jamais mettre en balance. Il existe des valeurs qui ne peuvent
jamais être abandonnées au profit d’une
valeur encore plus grande et qui vont également au-delà de la
préservation de la vie physique. Il y a le martyre. Dieu vaut plus,
même que la survie physique. Une vie qui serait achetée
au prix de la dénégation de Dieu, une vie
qui repose sur un mensonge ultime, est une
non-vie. Le martyre est une catégorie fondamentale de l'existence
chrétienne. Le fait que, dans la théorie soutenue par
Böckle et de nombreux autres, il ne soit
plus, moralement, fondamentalement nécessaire,
montre que, là, l'essence même du christianisme est en jeu.
Dans
la théologie morale, toutefois, une autre question était, entre
temps, devenue pressante : s’imposait largement la thèse
selon laquelle le magistère ecclésial avait
compétence ultime (« l’ infaillibilité
») seulement dans les questions de foi à proprement parler, les
questions de morale ne pouvant faire
l'objet de décisions infaillibles du magistère ecclésial. Il y a,
dans cette thèse, quelque chose de probablement juste qui
mérite d'être discuté de façon plus
approfondie. Mais il existe un minimum moral qui est indissolublement
lié à la décision fondamentale de foi et qui doit être défendu
si l’on ne veut pas réduire la foi à une théorie mais la
reconnaître dans son exigence de
vie concrète. Tout cela montre clairement à quel
point il est fondamentalement question de l'autorité de l'Église en
matière de morale. Quiconque refuse à l’Église une compétence
magistérielle ultime dans ce domaine l’oblige au silence
justement là où il est question de la frontière entre la vérité
et le mensonge.
Indépendamment
de cette question, se développa, dans de larges cercles de théologie
morale, la thèse selon laquelle l’Église
n’a et ne peut avoir sa morale propre. À ce sujet, on attire
l’attention sur le fait que toutes
les théories morales connaîtraient
également des parallèles dans les autres
religions et que, par conséquent, un proprium
chrétien ne peut exister. Mais on ne répond pas
à la question du proprium de
la morale biblique par le fait que
l'on peut trouver, pour chaque sentence, un parallèle dans d'autres
religions. Il s’agit, au contraire, de
l’ensemble de la morale biblique qui, en tant que telle, est
nouvelle et différente par rapport à chaque élément isolé.
L’enseignement moral de la Sainte Écriture fonde sa particularité,
en dernière analyse, sur son ancrage dans l'image de Dieu, dans la
foi au Dieu unique qui s’est montré en Jésus-Christ et qui a vécu
en tant qu’homme. Le Décalogue est une application de la foi
biblique en Dieu à la vie humaine. L'image de Dieu et la morale sont
indissociables et manifestent ainsi la nouveauté particulière de la
conception chrétienne du monde et de la
vie humaine. En outre, le christianisme a été décrit depuis
le commencement par le mot hodós
[voie,
chemin].
La
foi est un chemin, une façon de vivre. Dans l’Église ancienne, le
catéchuménat, face à une culture de plus en plus avilie, fut
établi comme un espace de
vie, où le caractère particulier et nouveau de la façon
chrétienne de vivre étaient exercé et
en même temps protégé de la façon commune
de vivre. Je pense qu'une chose comme
les communautés catéchuménales est
encore aujourd’hui nécessaire, afin que la vie chrétienne puisse
absolument s’affirmer dans sa
particularité.
II.
Les
premières réactions ecclésiales.
1.
Le processus, préparé de longue date et toujours en cours, de
dissolution de la conception chrétienne de
la morale s’est radicalisé, comme j'ai essayé de le montrer, au
cours des années 1960. Cette dissolution de
l’autorité magistérielle morale
de l'Église devait aussi nécessairement avoir
des répercussions dans ses divers espaces
de vie. Dans le contexte de la rencontre des présidents des
Conférences épiscopales du monde entier avec le pape François,
surgit, avant tout, la question de la vie sacerdotale comme celle de
la vie des séminaires. Pour ce qui est du problème de la
préparation au ministère sacerdotal dans les séminaires, on
constate, en effet, un large effondrement
de la forme de cette préparation qui avait cours jusqu’alors.
Dans
divers séminaires de prêtres, se constituèrent des clubs
homosexuels qui agissaient plus ou moins ouvertement et qui ont
significativement modifié le climat dans les séminaires.
Dans un séminaire du sud de l’Allemagne, les candidats au
sacerdoce et au ministère laïc de
référent pastoral vivaient ensemble. Lors des repas pris en commun,
se trouvaient rassemblés les séminaristes, les référents
pastoraux accompagnés de leur épouse et de leurs enfants, ainsi que
les référents pastoraux célibataires
avec leurs petites amies.
Le climat au séminaire ne pouvait
favoriser la préparation à la vocation
sacerdotale. Le Saint-Siège avait connaissance de tels problèmes,
sans en être informé précisément. Comme première étape, fut
ordonnée une visite apostolique des séminaires des États-Unis.
Comme,
après Vatican II, les critères de sélection et de nomination des
évêques avaient également été modifiés, la relation des évêques
vis-à-vis de leurs séminaristes était également très différente.
Comme critère pour la nomination des nouveaux évêques, on
regardait désormais et avant toute chose, leur « conciliarité »,
ce qui peut évidemment être compris de façons assez différentes.
En effet, dans de nombreuses parties de l'Église, la façon de
penser conciliaire étaient comprise comme
une attitude critique ou négative à l'encontre de
la tradition valant jusqu’alors, et qui
devait désormais être remplacée par une nouvelle relation,
radicalement ouverte, au monde. Un évêque, qui, auparavant, avait
été recteur [de séminaire], avait fait projeté aux séminaristes
des films
pornographiques, soi-disant dans
l’intention de les rendre ainsi résistants face à un
comportement contraire
à la foi.
Il
y eut, et pas seulement aux États-Unis d’Amérique, quelques rares
évêques qui rejetèrent la tradition catholique dans son ensemble
et qui aspirèrent, dans leurs évêchés, à former une sorte de
nouvelle « catholicité » moderne. Peut-être vaut-il la
peine de dire que, dans un nombre non négligeable de séminaires,
des étudiants, surpris en train de lire mes livres, ont été jugés
inaptes à la prêtrise. On cachait mes livres comme de la mauvaise
littérature, et ils n’étaient lus que sous le manteau.
La
visite [canonique] qui eut alors lieu n’apporta pas de nouvelles
informations, parce que, manifestement, diverses forces s'étaient
réunies afin de dissimuler la situation réelle. Une deuxième
visite [canonique] fut ordonnée qui obtint nettement plus
d’informations, mais qui, dans l’ ensemble, resta sans
conséquence. Cependant, depuis les années 1970, la situation dans
les séminaires s'est, de manière générale, consolidée. Malgré
cela, il n'y eut que quelques rares cas d’un nouvel affermissement
des vocations sacerdotales parce que la situation, dans l’ensemble,
avait évolué de manière différente.
2.
La question de la pédophilie, pour autant que je m'en souvienne,
n'est devenue brûlante qu'au cours de la seconde moitié des années
1980. Elle était, entre-temps, déjà devenue une question publique
aux États-Unis, si bien que les évêques cherchèrent de l’aide
auprès de Rome, parce que le droit canonique, tel qu'il est rédigé
dans le nouveau Code [de 1983], ne semblait pas être suffisant pour
prendre les mesures nécessaires. Rome et les canonistes romains
eurent, d’abord, des difficultés avec ces requêtes ; selon eux,
la suspension temporaire du ministère sacerdotal devait suffire à
obtenir l’épuration et la clarification. Cela ne put être accepté
de la part des évêques américains, parce que les prêtres
restaient ainsi au service de l’évêque et on pouvait donc les
considérer comme des figures lui étant associées. Un renouveau et
un approfondissement du droit pénal, construit consciemment de
manière laxiste, devaient tout d’abord se frayer lentement le
passage.
En
plus de cela, il y avait alors un problème fondamental dans la
conception du droit pénal. Seul le prétendu garantisme passait
encore comme « conciliaire ». Cela signifie que, avant toutes
choses, il fallait garantir les droits de l'accusé, et cela,
jusqu’au point que, pratiquement, toute condamnation était exclue.
Pour faire contrepoids aux possibilités de défense souvent
insuffisantes des théologiens accusés, leur droit à la défense,
au sens du garantisme, s'étendit alors à tel point que les
condamnations étaient encore à peine possibles.
À
cette occasion, permettez-moi ici de faire une petite digression.
Face à l’étendue des fautes liées à la pédophilie, une parole
de Jésus revient à l’esprit, qui dit : « Mais si quelqu’un
entraînait au mal un de ces petits qui croient en moi, il vaudrait
mieux pour lui qu’il fût jeté dans la mer avec une meule autour
du cou » (Marc, 9, 42). Cette parole ne concerne pas, dans son sens
originel, la séduction sexuelle des enfants. L’expression « les
petits », dans le langage de Jésus, décrit les simples fidèles
qui peuvent être amenés à chuter dans leur foi, à cause de
l'arrogance de ceux qui se croient intelligents. Jésus protège donc
ici le bien qu’est la foi avec une menace de punition catégorique
envers ceux qui lui causent du tort. L'emploi
moderne de la phrase n'est pas fausse en elle-même, mais elle
ne doit pas cacher la signification originale. Selon cette dernière,
il apparaît clairement, contre tout garantisme, que ce n'est pas
seulement le droit de l'accusé qui est important et a besoin d'une
garantie. Tout aussi importants sont des biens précieux, telle que
la foi. Un droit canonique équilibré, qui exprime l'intégralité
du message de Jésus, ne doit donc pas seulement assurer une garantie
aux accusés, dont le respect est un bien juridique. Il doit
également protéger la foi, qui est également un bien juridique
important. Un droit canonique justement construit doit aussi contenir
une double garantie – une protection juridique des accusés, une
protection juridique du bien qui est en jeu. Lorsqu’aujourd’hui,
l’on expose cette conception claire en elle-même, on fait en
général la sourde oreille à la question de la protection des
droits juridiques de la foi. La foi semble, dans la conscience
juridique commune, ne plus avoir le rang d’un bien qu’il faut
protéger. Il s'agit là d'une situation préoccupante qui doit être
sérieusement pensée et prise au sérieux par les pasteurs de
l’Église.
Au
brèves remarques sur la situation de la formation sacerdotale au
moment de l’éclatement public de la crise, je voudrais maintenant
encore ajouter quelques indications concernant l’évolution du
droit canonique sur cette question. En principe, la Congrégation
pour le Clergé est responsable des délits commis par les prêtres.
Mais comme, à l’époque, chez elle, le garantisme dominait
largement la situation, je me suis mis d’accord avec le pape
Jean-Paul II sur le fait qu’il devrait être opportun d’assigner
la compétence de ces délits à la Congrégation de la Foi, à
savoir sous le titre de : « Delicta maiora contra fidem
[Délits majeurs contre la foi]. » À cette assignation était
également liée la possibilité de la peine maximale, c’est-à-dire
de l'expulsion du clergé, ce qui n'aurait pu être imposé sous
d’autres titres juridiques. Il ne s’agissait pas de quelque
combine pour pouvoir imposer la peine maximale, mais d’une
conséquence de la portée de la foi pour l’Église. En effet, il
est important de voir que de telles fautes commises par des clercs
nuisent, en dernier ressort, à la foi : c'est seulement là où
la foi ne détermine plus les actes de l'homme que de tels délits
sont possibles. La sévérité de la peine présuppose toutefois,
également, une preuve claire du délit — le fonds du garantisme
restant en vigueur. En d’autres mots : pour pouvoir
légitimement imposer la peine maximale, un vrai procès pénal est
nécessaire. Mais les diocèses tout comme le Saint-Siège étaient
en cela dépassés. Nous avons élaboré une forme minimale de procès
pénal et laissé souvent au Saint-Siège la possibilité de prendre
en main lui-même le procès lorsque le diocèse ou la métropolie
n'est pas en situation de le mener. Dans tous les cas, le procès
devait être vérifié par la Congrégation de la Foi, afin de
garantir les droits de l’accusé. Finalement, lors de la Feria
IV (c'est-à-dire de l'assemblée des membres de la
Congrégation), nous avons établi une instance d’appel afin
d’avoir également la possibilité de faire appel contre le procès.
Parce que tout cela dépassait en fait les capacités de la
Congrégation pour la foi, et que sont apparus des retards importants
qu’il fallait, par définition, empêcher, le pape François a
entrepris des réformes supplémentaires.
III.
1.
Que devons-nous faire ? Faudrait-il par exemple que nous créions une
autre Église afin que tout soit remis en ordre ? À vrai dire, cette
expérience a déjà été menée et a déjà échoué. Seuls
l'obéissance et l'amour de notre Seigneur Jésus-Christ peuvent
indiquer le droit chemin. Essayons donc d’abord de comprendre de
nouveau et de l’intérieur ce que le Seigneur a voulu et veut de
nous.
Je
dirais tout d'abord ceci : Si nous voulons vraiment résumer très
brièvement le contenu de la foi déposé dans la Bible, nous
pourrions dire : Le Seigneur a commencé avec nous une histoire
d’amour et veut récapituler en lui toute la création. La force
qui s’oppose au mal qui nous menace ainsi que le monde entier, ne
peut finalement consister que dans notre engagement dans cet amour.
Il est la vraie force qui s’oppose au mal. La puissance du mal naît
de notre refus de l’amour pour Dieu. Est sauvé celui qui se confie
à l'amour de Dieu. Notre absence de salut repose sur notre
incapacité à aimer Dieu. Apprendre à aimer Dieu est donc la voie
du salut des hommes.
Essayons
maintenant de déployer un peu plus ce contenu essentiel de la
Révélation de Dieu. Nous pourrions donc dire : Le premier don
fondamental que nous fait la foi consiste dans la certitude que Dieu
existe. Un monde sans Dieu ne peut être qu'un monde sans sens. Car
alors, d'où vient tout ce qui est ? En tout cas, cela n'a pas de
fondement spirituel. C’est là, en quelque sorte, et n’a ni sens,
ni but quelconque. Dès lors, il n'existe aucun critère du bien ou
du mal. Alors, seul peut s’imposer ce qui est plus fort que
l’autre. La force est alors le seul principe. La vérité ne compte
pas, en fait, elle n’existe. C’est seulement si les choses ont
une raison spirituelle, si elle ont été voulues et pensées, c'est
seulement s'il existe un Dieu créateur qui est bon et qui veut le
bien, que la vie de l'homme peut également avoir un sens.
[Le
fait] qu'il existe un Dieu créateur et mesure de toutes choses, est
tout d’abord une exigence primordiale. Mais un Dieu qui ne se
manifesterait absolument pas, qui ne se donnerait pas à reconnaître,
resterait une supposition et ne pourrait ainsi déterminer la forme
de notre vie. Pour que Dieu soit également vraiment Dieu dans la
Création consciente, nous devons nous attendre à ce qu’Il se
manifeste sous une forme quelconque. Il l’a fait de toutes sortes
de façons, mais de manière décisive dans l’appel qu’Il a
adressé à Abraham et qui a donné aux hommes à la recherche de
Dieu l’orientation qui mène au-delà de toute attente : Dieu
lui-même devient créature, parle comme un homme avec nous, les
hommes.
Ainsi
la phrase « Dieu est » devient définitivement une bonne
nouvelle, justement parce qu’Il est plus qu’une connaissance,
parce qu'Il crée et qu’Il est l’amour. Rendre les hommes à cette
conscience est la tâche première et fondamentale qui nous
est confiée par le Seigneur.
Une
société, dans laquelle Dieu est absent — une société qui ne le
connaît pas et qui le tient pour inexistant — est une société
qui perd sa mesure. C'est à notre époque que fut trouvée la
formule de la mort de Dieu. Lorsque Dieu meurt dans une société,
elle devient libre, nous assura-t-on. En réalité, la mort de Dieu
dans une société signifie également la fin de sa liberté, parce
que le sens qui donne l’orientation disparaît. Et parce que
disparaît la mesure qui indique la direction en nous apprenant à
différencier le bien du mal. La société occidentale est une
société dont Dieu est absent de la sphère publique et qui, pour
elle, n’a plus rien à dire. Et c'est pourquoi c’est une société
où la mesure de l’humain se perd de plus en plus. Par la suite,
seuls quelques points particuliers rendent sensible le fait qu’est
devenu tout simplement naturel ce qui est mal et destructeur pour
l’homme. Il en est ainsi de la pédophilie. Théorisée
récemment encore comme
tout à fait légitime, elle s'est propagée toujours plus. Et
maintenant, nous nous rendons compte avec consternation qu’à nos
enfants et à nos jeunes arrivent des choses qui menacent de les
détruire. Le fait que cela ait pu aussi se propager dans l'Église
et parmi les prêtres devrait nous ébranler particulièrement.
Pour
quelle raison la pédophilie a-t-elle atteint une telle dimension ?
En dernière analyse, la raison se trouve dans l'absence de Dieu. Et
nous aussi, chrétiens et prêtres, nous ne parlons pas volontiers de
Dieu, parce que cette question ne paraît pas avoir un sens pratique.
Après l’ébranlement de la Seconde Guerre mondiale, en
Allemagne, nous avons encore expressément mis notre Constitution
sous le principe directeur de la responsabilité devant Dieu. Un
demi-siècle plus tard, il ne fut plus possible de mettre comme
référence, dans la Constitution européenne, la responsabilité
devant Dieu. Dieu est considéré comme l’affaire partisane d'un
petit groupe et ne peut plus constituer la référence de la
communauté dans son ensemble. Dans cette décision, se reflète la
situation de l’Occident, où Dieu est devenu l'affaire privée
d'une minorité.
La
première tâche qui doit résulter des bouleversements moraux de
notre temps, consiste à ce que nous recommencions nous-mêmes à
vivre de Dieu et à nous appuyer sur lui. Nous devons, avant toute
chose, réapprendre nous-mêmes à reconnaître Dieu comme le
fondement de notre vie et ne pas le laisser de côté comme une
quelconque figure de rhétorique irréelle. Je n'oublierai jamais la
mise en garde que m’adressa un jour, dans une de ses carte-lettres,
le grand théologien Hans Urs von Balthazar : « Ne présupposez
pas le Dieu trinitaire, Père, Fils et Saint Esprit mais mettez-le en
avant ! » En effet, dans la théologie également, Dieu est souvent
considéré comme une évidence mais, concrètement on ne traite pas
de lui. Le thème de Dieu semble si irréel, si éloigné des choses
qui nous préoccupent. Et pourtant tout devient différent quand on
ne présuppose pas Dieu, mais qu'on le met en avant. Qu’on ne le
laisse pas, en quelque sorte, à l’arrière plan, mais qu’on le
reconnaît comme le point focal de notre pensée, de notre parole et
de notre action.
2.
Dieu s’est fait homme pour nous. L’homme, sa créature, lui tient
tant à cœur qu’il s'est uni à lui, et ainsi, est entré, de
manière tout à fait pratique, dans l'histoire humaine. Il parle
avec nous, il vit avec nous, il souffre avec nous et a pris sur lui,
la mort pour nous. Nous parlons de cela de manière détaillée, dans
la théologie, avec des mots et des idées savants. Mais là est
justement le danger de nous faire les maîtres de la foi au lieu de
nous laisser renouveler et diriger par la foi.
Réfléchissons
à cela pour la question centrale qu’est la célébration de la
sainte Eucharistie. Notre rapport à l’Eucharistie ne peut que
provoquer de l’inquiétude. Dans le second Concile du Vatican, il
s’est agi, à juste titre, de mettre ce sacrement de la Présence
du Corps et du Sang du Christ, de la Présence de sa Personne, de sa
Passion, de sa Mort et de sa Résurrection, au centre de la vie
chrétienne et de l'existence de l’Église. Cela a effectivement
été partiellement réalisé, et nous voulons du fond du cœur en
rendre grâce au Seigneur.
Mais
c’est une autre attitude qui est largement dominante. Ce qui
prédomine, ce n'est pas un nouveau respect devant la Présence de la
Mort et de la Résurrection du Christ, mais une façon de le traiter
qui détruit la grandeur du mystère. La participation déclinante à
la célébration dominicale de l’Eucharistie montre combien nous,
chrétiens d’aujourd'hui, sommes devenus peu à même d’estimer
encore la grandeur du don. L'Eucharistie est réduite à un [simple]
geste cérémoniel, lorsque la politesse impose, avec une sorte
d’évidence, qu’elle soit distribuée, lors des fêtes familiales
ou pour des occasions comme le mariage ou l’enterrement, à tous
les invités [présents] pour des raisons de parenté. L’évidence
avec laquelle, en maints endroits et de façon toute simple, les
personnes présentes reçoivent également le Saint-Sacrement, montre
que l’on ne voit plus, dans la Communion, qu’un geste cérémoniel.
Lorsque nous réfléchissons donc à ce qu’il faut faire, il
apparaît clairement que nous n’avons pas besoin d’une autre
Église tirée de notre imagination. Ce qui est nécessaire, c’est,
au contraire, le renouveau de la foi en la réalité de Jésus-Christ
qui nous est offerte dans le Sacrement.
Lors
des conversations avec des victimes de la pédophilie, cette
nécessité m’est apparue de façon toujours plus pressante. Une
jeune femme qui était servante d’autel m’a raconté que le
vicaire, son supérieur en tant que servante, introduisait toujours
les abus sexuels qu’il commettait avec elle par ces paroles : «
Ceci est mon corps qui sera livré pour toi. » Le fait que cette
femme ne puisse plus entendre les paroles de la consécration sans
ressentir de nouveau en elle-même et de manière épouvantable le
supplice de l’abus, est évident. Oui, nous devons, de toute
urgence, implorer le pardon du Seigneur, et avant toutes choses, le
supplier et le prier de nous apprendre à comprendre, de manière
toute nouvelle, la grandeur de sa Passion, de son Sacrifice. Et nous
devons tout faire pour protéger le cadeau de la Sainte Eucharistie
de tout abus.
3.
Et c’est, après tout, le mystère de l’Église. Inoubliable
reste la phrase par laquelle, il y a presque de 100 ans, Romano
Guardini, exprimait l'heureuse espérance qui, à l’époque,
s’était imposée à lui et à beaucoup d’autres : « Un
événement d'une portée incalculable a commencé : l'Église se
réveille dans les âmes. » Il voulait ainsi dire que l'Église
n’était plus vécue et perçue comme auparavant, à la façon d’un
simple dispositif venant vers nous de l’extérieur et auquel
s’affilier, comme une sorte d'agence administrative, mais qu'elle
commençait à être perçue comme présente dans les cœurs — non
comme quelque chose d’extérieur, mais comme quelque chose qui nous
touche de l’intérieur. À
peu près un demi-siècle plus tard, en repensant à cet
événement et en considérant ce qui s’est justement passé, j’ai
éprouvé la tentation de retourner la phrase : « L’Église
meurt dans les âmes. » En effet, l’Église d’aujourd'hui, est
considérée, d’une large façon, simplement comme une sorte
d’appareil politique. On en parle pratiquement presque
exclusivement selon des catégories politiques, et cela va jusqu’aux
évêques qui formulent leur idée de l'Église de demain, dans une
large mesure, exclusivement de manière politique. La crise provoquée
par les nombreux cas d'abus commis par des prêtres pousse à voir
l'Église tout simplement comme quelque chose de raté que nous
devons désormais rigoureusement prendre nous-mêmes en main à
nouveaux frais et réagencer. Mais une Église faite par nous ne peut
être d’aucune espérance.
Jésus
lui-même a comparé l'Église à un filet de pêche où se trouvent
des bons et des mauvais poissons, qui, à la fin, doivent être
séparés par Dieu lui-même. À côté de cela, on trouve la
parabole de l’Église, champ cultivé sur lequel pousse le bon
grain que Dieu lui-même a semé, mais également la mauvaise herbe
qu’ « un ennemi » a pareillement semé en secret. En
effet, la mauvaise herbe [qui pousse] dans le champ cultivé de Dieu,
[qu’ est] l’Église, n'est que trop visible, et les mauvais
poissons du filet font pareillement démonstration de leur force.
Mais, cependant, le champ reste le champ cultivé de Dieu et le
filet, le filet à poissons de Dieu. Et on trouve, de tous temps, non
seulement la mauvaise herbe et les mauvais poissons, mais également
les semailles de Dieu et les bons poissons. Le fait d’annoncer les
deux avec insistance n’est pas une fausse apologétique mais un
service nécessaire de la vérité.
Dans
ce contexte, il est nécessaire de renvoyer à un texte important de
la Révélation de Jean. Le diable est ici caractérisé comme
l’accusateur qui accuse nos frères devant Dieu jour et nuit (Apoc.
12, 10). L’Apocalypse reprend en cela une idée qui est au centre
du récit-cadre du livre de Job (Job 1 et 2, 10 ; 42, 7-16). On y
raconte que le diable essaye de discréditer devant Dieu la droiture
de Job, comme une chose purement extérieure. Là, il s’agit
justement de ce que dit l’Apocalypse : Le diable veut démontrer
que les justes n’existent pas ; que toute droiture des hommes n’est
qu’un jeu d’acteur extérieur. Si l’on pouvait frapper plus
fort, les apparences de droiture disparaîtraient vite. Le récit
commence par une discussion entre Dieu et le diable, où Dieu avait
témoigné de Job comme d’un vrai juste. Celui-ci devra désormais
servir de preuve par l’exemple. Enlève lui ses biens et tu verras
qu’il ne reste rien de sa piété, argumente le diable. Dieu lui
permet cette expérience de laquelle Job sort favorablement. Alors le
diable va plus loin et il dit : « Peau pour peau ! Ce que
l’homme possède, il le sacrifiera au profit de sa vie. Mais tends
ta main, et touche à ses os et sa chair : vraiment, il te
maudira en pleine face » (Job, 2, 4f). Alors Dieu
concède au diable un second round. Il aura également la
permission de toucher à la peau de Job. Il lui est seulement refusé
de le tuer. Pour les chrétiens, il est clair que le Job qui se tient
devant Dieu pour toute l'humanité en tant qu’exemple, est
Jésus-Christ. Dans l’Apocalypse, nous est représenté le drame de
l'humanité dans toute son étendue. Face au Dieu créateur se tient
le diable qui dit du mal de toute l'humanité et de toute la
création. Ce n’est pas seulement à Dieu, mais avant tout, aux
hommes qu’il dit : Regardez ce que ce Dieu a fait.
Prétendument une création bonne. En réalité, elle est, dans son
intégralité, pleine de misère et de dégoût. Ce dénigrement de
la création est, en réalité, le dénigrement de Dieu. Il veut
démontrer que Dieu lui-même n'est pas bon et nous détourner de
lui.
L'actualité
de ce que l'Apocalypse nous dit ici est évidente. Il s’agit
aujourd’hui, dans l’accusation [formulée] contre Dieu, avant
toute chose, de diaboliser son Église et de nous détourner d’elle.
L'idée d’une Église que nous améliorerions par nous-mêmes, est,
en réalité, une proposition du diable, par laquelle il cherche à
nous détourner du Dieu vivant au moyen d'une logique mensongère
dans laquelle nous nous engouffrons trop facilement. Non, l'Église,
aujourd’hui encore, n'est pas composée seulement de mauvais
poissons et de mauvaise herbe. Aujourd’hui encore, elle existe,
l'Église de Dieu et aujourd’hui encore, elle est justement
l'instrument par lequel Dieu nous sauve. Il est très important
d’opposer la vérité toute entière aux mensonges et aux
demi-vérités du diable : oui, dans l’Église, on trouve du mal et
des péchés. Mais aujourd'hui encore existe la sainte Église qui
est indestructible. Il y a aussi beaucoup de gens qui croient,
souffrent et aiment humblement, dans lesquels le vrai Dieu, le Dieu
aimant, se manifeste à nous. Aujourd’hui encore, Dieu a ses
témoins (ses « martyrs ») dans le monde. Nous devons seulement
rester [suffisamment] éveillé, pour les voir et les entendre.
Le
mot « martyr » provient du droit processuel. Dans le procès contre
le diable, Jésus-Christ est le premier et le véritable témoin de
Dieu, le premier martyr, suivi depuis par d'innombrables personnes.
L'Église d’aujourd’hui est plus que jamais une Église des
martyrs, et en cela, le témoin du Dieu vivant. Lorsque nous
regardons autour de nous et que nous écoutons d'un cœur attentif,
nous pouvons, partout aujourd’hui, justement parmi les gens simples
mais également dans les hauts rangs de l’Église, trouver des
témoins qui, par leur vie et leur souffrance, répondent de Dieu.
C'est une paresse du cœur qui fait que nous ne la percevons pas.
Parmi les tâches les plus grandes et les plus essentielles de notre
proclamation se trouve celle de créer, autant que nous le pouvons,
des lieux de vie de la foi, et avant toute chose, de les trouver et
de les reconnaître.
Je
vis dans une maison, au sein d’une petite communauté de personnes
qui découvrent sans cesse, dans la vie quotidienne, de tels témoins
du Dieu vivant, et qui attirent également joyeusement mon attention.
Voir et trouver l'Église vivante est une tâche merveilleuse qui
nous fortifie nous-mêmes et qui nous donne de nous réjouir de la
foi d’une façon toujours nouvelle.
À
la fin de mes réflexions, je voudrais remercier le pape François
pour tout ce qu'il fait pour nous montrer sans cesse la lumière de
Dieu qui, aujourd’hui encore, n'a pas disparu. Merci, Saint-Père !
Référence
Pour
la version allemande originale : « Benedikt
im Wortlaut: Die Kirche und der Skandal des sexuellen Mißbrauchs ».
Disponible sur
<https://de.catholicnewsagency.com/story/die-kirche-und-der-skandal-des-sexuellen-missbrauchs-von-papst-benedikt-xvi-4498>,
consulté le 23 avril 2019.
Le
texte est paru dans le mensuel bavarois Klerusblatt.
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