FIER, Fierté
(qualité bonne ou mauvaise).
Fierté est une de ces expressions qui, n'ayant d'abord été employées que dans un sens odieux, oui été détournées ensuite à un sens favorable.
C'est un blâme très-mérité quand on lui fait signifier la vanité altière, hautaine, orgueilleuse ; c'est presque une louange quand il signifie la hauteur d'une âme noble. De là cette comparaison ingénieuse et brillante de la sultane Eldir :
« La fierté est comme l'oiseau qui balance ses ailes pour s'envoler ; l'orgueil est comme une corde tendue, toujours prèle à se rompre. »
De là aussi cette déduction, bien plus exacte encore, qu'en a donnée cette dame anglaise, qui, réprimandée sur son orgueil, répondit qu'elle n'était que fière, et ajouta :
« L'orgueil est offensif, et la fierté défensive. »
Ainsi, en se faisant une idée juste de la fierté, on peut avancer, sans crainte d'être démenti, que la fierté de l'âme sans hauteur est compatible avec la modestie : c'est de la grandeur, parce qu'elle est fondée sur l'estime que l'on a de soi-même ; au lieu que la fierté dans l'air et les manières, la fierté dans l'extérieur, choque et déplaît toujours, même dans les rois, parce qu'elle est l'expression de l'orgueil. Cette fierté est tellement un défaut, que les petits, qui louent bassement les grands de ce défaut, sont obligés de l'adoucir, ou plutôt de le relever par une épithète : cette noble fierté. (Voltaire.)
Du reste, les nuances qu'on remarque entre ces différentes sortes de fierté sont tellement délicates, que si esprit fier est un blâme, et âme fière une louange, c'est que, je le répète, on entend par esprit fier, un homme qui pense avantageusement de lui-même, et par âme fière, des sentiments élevés.
Toujours est-il que la fierté, quand elle part d'un sentiment noble et louable, étant une vertu (alors qu'elle est réglée, s'entend), il est des occasions où il sied bien à un homme d'être fier: c'est quand il a le mérite d'une bonne action, et qu'il n'a à s'en prévaloir qu'auprès d'un public qui l'approuve. Ainsi, soldat valeureux, il sera heureux et fier de voir briller sur sa poitrine l'étoile des braves, juste récompense de ses services et de son courage ; citoyen, il éprouvera un sentiment de noble fierté, si par sa capacité, son dévouement et son intrépidité, il mérite le titre de bienfaiteur de sa patrie ; magistrat, il apportera dans sa retraite le sentiment d'une délicieuse fierté, s'il n'est descendu de son siège que pour ne pas forfaire à l'honneur que la magistrature doit sauvegarder, etc., etc.
Félix-André-Augustin Poujol, Dictionnaire des facultés intellectuelles et affectives de l'âme: ou l'on traite des passions, des vertus, des vices, des défauts, etc., J. P. Migne éditeur, 1857, col. 487.