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mardi 5 juillet 2011

Définition de la faiblesse morale par le Dr F. Poujoul, 1857.


 
FAIBLE, Faiblesse 
(défaut), Facile. 


La faiblesse en morale est une disposition habituelle et passagère de l'âme, qui fait manquer, malgré soi, soit aux lumières de la raison, soit aux principes de la vertu. Les effets de cette disposition s'appellent également faiblesse. 
 
Assurément personne n'en est exempt ; mais, heureusement pour l'humanité, tout le monde n'est pas également faible et ne le devient pas pour la même cause. Ainsi, le faible du cœur n'est point le faible de l'esprit ; le faible de l'âme n'est pas celui du cœur. Ainsi, une âme faiblesse sans ressort et sans action, elle se laisse aller à ceux qui la gouvernent : un cœur faible s'amollit aisément, mais change facilement d'inclination ; ne résiste point à la séduction, mais l'ascendant qu'on prend sur lui ne peut longtemps subsister. De même l'un se montre faible par timidité, par mollesse ou par crainte de déplaire en affectant trop de rigueur ; l'autre est faible parce qu'ayant laissé prendre de l'empire sur lui, il ne peut jamais résister ni à de feintes larmes, ni aux marques d'un désespoir bien joué, ni à de tendres caresses, ni à de séduisantes paroles, etc. ; mais, quel qu'en soit le motif, la faiblesse n'en est pas moins un défaut. Heureux encore quand on n'est pas faible par lâcheté. Alors c'est la plus ignoble des faiblesses, et il ne faudrait pas confondre cette avilissante espèce avec les précédentes, l'une n'ayant jamais rien de vil et de repoussant, tandis que les autres peuvent s'allier au vrai courage. Exemple : Charles IX qui, bien que très-brave et courageux, se laissa cependant dominer par sa mère.

Du reste, la faiblesse a bien des étages. Il y a très loin, chez les gens faibles, de la velléité à la volonté, de la volonté à la résolution, de la résolution au choix des moyens, du choix des moyens à l'application. ( Le cardinal de Retz.) Mais, dans aucun cas, il ne faudrait confondre ensemble la faiblesse à faire quelque chose et la facilité avec laquelle ou a consenti à la faire. Cette distinction est d'autant plus importante, qu'être faible indique toujours un défaut ; tandis que ce n'en est pas toujours un d'être facile ; au contraire, c'est souvent une qualité. Je m'explique. Quand être facile désigne un esprit qui se rend aisément à la raison, à la justice, en un mot, un homme facile à vivre, dans ce cas la facilité est une qualité bonne en soi et que tout le monde recherche. Ce serait donc une grande faute que de la condamner à l'égal de la faiblesse.
Au contraire, quand le mot facile est employé pour désigner un esprit crédule, faible, qui se laisse gouverner, dans ce cas cette dénomination indique un défaut que la société ne pardonne pas. Aussi se sert-on volontiers de ce mot pour injurier une femme qui résiste peu aux séductions dont on l'environne : c'est une femme facile, dit-on.
Chacun doit donc se préserver, autant que possible, de toute faiblesse inexcusable ou d'être par trop facile ; et s'il est incapable de résistance, il faut qu'il recherche à quoi peuvent tenir sa faiblesse et sa facilité, pour trouver plus aisément dans cette connaissance le moyen d'y remédier.
On lui eût peut-être évité cette épreuve et cette peine si, dès sa tendre enfance et alors que, trop jeune pour se gouverner, former son caractère et réformer ses mauvais penchants, ceux qui furent chargés de le diriger s'étaient opposés de tout leur pouvoir à ce que ces défauts se développassent et prissent domicile en son âme ; s'ils avaient eu le talent de lui inspirer des sentiments contraires et de lui faire sentir l'odieux de la faiblesse ou d'une certaine facilité par des faits frappants de force et de vérité. (...).
Mais on n'est pas toujours enfant, et, quels qu'aient été les avis qui lui ont été donnés, tout homme d'une sensibilité exquise doit savoir que c'est un devoir pour lui d'augmenter sa force intérieure, et qu'à défaut de la grâce la sagesse lui eu fournit les moyens. C'est un devoir pour lui, parce que les personnes avec qui il est liée par des rapports intimes, souffrent fréquemment de sa faiblesse ; parce qu'il est un grand nombre d'occasions où un homme faible est plus embarrassant ou même plus dangereux qu'utile. Que cet homme se fortifie par l'exercice de la sagesse, qu'il acquière cette fermeté modérée qui appartient naturellement à l'homme dont le caractère a été placé primitivement à égale distance des extrêmes ; et alors il ajoutera tous les avantages qui appartiennent à cet homme, à tous les dons qu' il tient de sa nature, douce et délicate.

Félix-André-Augustin Poujol, Dictionnaire des facultés intellectuelles et affectives de l'âme: ou l'on traite des passions, des vertus, des vices, des défauts, etc., J. P. Migne éditeur, 1857, col. 470.