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jeudi 7 juillet 2011

Définition de la molesse par le Dr F. Poujoul, 1857.



MOLLESSE 
(vice), Mou.


La Mollesse est cet état d'indolence et de tranquillité où la volupté nous plonge. C'est la délicatesse d'une vie efféminée.

La mollesse est fille du luxe et de l'abondance ; elle se crée de faux besoins que l'habitude rend ensuite nécessaires, et qui renforcent ainsi les liens qui nous attachent à la vie ; aussi, que de regrets l'approche de la mort ne donne-t-elle pas ! Ce vice a encore l'inconvénient de redoubler tous les maux qu'on souffre, sans pouvoir donner les plaisirs solides et durables qu'il promet.

Ce ne serait rien sans doute que ces déceptions que donne la mollesse, puisque le remède serait à côté du mal ; mais l'homme qui s'y abandonne devient incapable de ces belles actions qui font les héros et les grands hommes, et c'est là le pire de toutes les conditions. En serait-il autrement lorsque, content de trouver ce qu'il croit être le bonheur dans cette satisfaction intérieure qu'il éprouve au fond de son cœur, l'individu ne le cherche pas là où il est réellement, et renonce à la gloire pour le plaisir ?
Ce n'est pas tout : on a également signalé parmi les inconvénients de la mollesse celui qu'elle a réellement de nuire au perfectionnement physique et moral de l'espèce humaine. Ainsi, toute personne qui aime à goûter les douceurs d'une vie efféminée, et les goûte, cette personne, dis-je, loin d'acquérir jamais cette constitution forte et robuste qui est l'apanage du bon cultivateur accoutumé aux travaux pénibles de la campagne, reste toujours au contraire chétive et rabougrie, où bien elle s'étiole comme la plante laissée sans culture, ou dépérit comme l'arbre de nos vergers sur lequel un jardinier laisse beaucoup trop de fruits à mûrir.
Évitons donc la mollesse, ayons sans cesse présent à notre esprit que, par suite des progrès de la civilisation, l'esprit humain a considérablement dégénéré, et que, suivre les inspirations qu'il nous suggère, c'est s'écarter entièrement des voies de la sagesse.
Sans doute que si l'homme n'était né que pour songer à lui seul, ne s'occuper que de lui seul, être utile à lui seul ; s'il n'avait pas des devoirs à remplir envers la société, son goût pour le plaisir n'aurait rien de répréhensible, et il pourrait s'y livrer sans contrainte. Mais comme la volupté ne dure qu'un instant et cesse bientôt pour celui qui s'y abandonne entièrement ; comme les sens, qui sont les organes des jouissances voluptueuses, se fatiguent par un trop long exercice, et ressentent bientôt la douleur, l'homme ne tarde pas à reconnaître combien il est dangereux pour lui de se laisser bercer et endormir dans les bras de la mollesse. Ainsi, telle est la sagesse de la Providence, qu'elle veille sans cesse à l'harmonie de l'univers, et fait que celui qui s'écarte des devoirs qui lui sont imposés par la morale et la religion, en reçoit à l'instant la peine, par les choses même qui semblaient devoir assurer son bonheur.

    Ce n'est donc pas sans raison qu'Horace a dit
        Mais que n'altèrent point les temps impitoyables !
Nos pères plus gâtés que n'étaient nos aïeux,
       Ont eu pour successeurs des enfants méprisables,
  Qui seront remplacés par d'indignes neveux. 
 
Au souvenir de ces tristes prédictions que chacun doit méditer et répandre, tout individu qui aurait un tendre penchant pour la mollesse sentira se réveiller en lui-même, je l'espère, les sentiments de sobriété, de tempérance, d'ambition, de gloire et de grandeur, qui se sont assoupis et y sommeillent dans un cœur, hélas ! trop rempli d'illusions ; et ces sentiments suffiront, n'en doutons pas, pour le faire triompher des nouvelles embûches que la mollesse ne tardera pas à lui tendre.
Il y résisterait du reste bien plus facilement encore, s'il se persuadait bien qu'en s'abandonnant à la mollesse, il manque tout à la fois à ce qu'il doit à Dieu, aux hommes, à lui-même.
À Dieu, qui a créé l'homme pour qu'il Travaille Sans Cesse, soit au bien-être matériel de la société par les produits de son industrie, de son intelligence, etc. ; soit à la perfection morale de chacun, par de bons, d'utiles et profitables exemples ; c'est, à-dire des pratiques vertueuses bien éloignées ou tout opposées sans doute aux pratiques de la mollesse.
Aux hommes, devant qui tout homme doit se montrer chaque jour sous l'aspect le plus favorable, le seul digne de lui, en homme qui se consacre tout entier au bonheur de tous, qui lutte avec énergie contre les obstacles, qui ne se laisse point abattre contre l'adversité, et triomphe sans cesse de ses passions : la vie active et bien remplie d'un tel homme devant ranimer dans le cœur des indolents ou des indifférents l'aiguillon de l'amour-propre, aiguillon puissant, qui peut et doit le porter à ne pas vouloir rester au-dessous de celui qui s'offre naturellement, ou peut être proposé pour modèle.
À lui-même, enfin, à qui le Tout-Puissant n'a donné la vie et l'activité qu'afin qu'il en fasse un noble et digne usage, et lui serve à mériter un salaire qui ne sera accordé qu'à l'ouvrier laborieux, intelligent, infatigable, qui aura diligemment et honorablement terminé la tâche que le Maître lui a donnée. De là la nécessité d'une éducation religieuse.

Félix-André-Augustin Poujol, Dictionnaire des facultés intellectuelles et affectives de l'âme: ou l'on traite des passions, des vertus, des vices, des défauts, etc., J. P. Migne éditeur, 1857, col. 662.