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jeudi 18 août 2011

Amor et Caritas dans le vocabulaire latin.

 
Pour se faire une meilleur idée 1. du sens du mot latin amor, d'où vient le mot français amour, 2. du sens du mot latin caritas si galvaudé par l'usage des siècles et d'où vient le mot français charité, il est bon de se référer au texte suivant tiré d'un dictionnaire en langue latine de la fin du XVIIIe siècle. L'auteur se rapporte particulièrement à Marcus Tullius Cicero, connu en français sous le nom de Cicéron. Les nuances qu'établit ce grand auteur latin classique préfigurent dès le premier siècle avant Jésus-Christ la distinction du docteur catholique dominicain S. Thomas d'Aquin entre l'amor amicitiæ, amour d'amitié (correspondant alors à la caritas cicéronienne) et l'amor concupiscentiæ, amour de convoitise (correspondant lors à l'amor cicéronienne). Cf. Somme théologique, Deuxième partie, partie 2, Question 26, article 4. La version française, bien imparfaite, est le fait de l'auteur de ce blog.




AMOR, oris, masculin. [italien] amore, affezione, affetto, benevolenza, [grec] erôs, [latin] benevolentia, charitas, studium. 

Il y a tout de même un certain nombre de différences (encore que non constantes) entre charitas, et amor, parce que charitas convient seulement aux hommes, et se borne à ce qui est moral, amor, est accordé également aux êtres sans raison, et a le sens d’un amour [dilectio] soit moral soit immoral. 

De plus, charitas naît de la raison et de la juste évaluation d’une personne digne d’amour, amor [naît] du sentiment et de l’impulsion de la passion. 

En outre, on considère que charitas s’adresse aux supérieurs, comme les Dieux, la patrie, les parents et autres personnes qui sont au-dessus de nous ; [on considère qu’] amor s’adresse aux égaux et aux inférieurs, comme Cicéron le signifie dans les Dialogues sur les partitions oratoires au chapitre 16, et plus ouvertement au chapitre 25, où il s’exprime ainsi : 

« On distingue l’amitié par charitas et l’amitié par amor. En effet, les honneurs (cultus) rendus non seulement aux dieux, mais aussi aux parents, à la patrie et aux hommes qui excellent soit par la sagesse, soit par les œuvres, sont habituellement rapportés à la charitas. Mais les époux, les enfants, les frères et les autres personnes qu’unissent des relations [habituelles] et l’intimité sont portés au plus haut point par l’amor, [et] du reste, également par la charitas. »  

Voyez Cicéron, dans De l’orateur, au livre II, chapitre 51

« Si l’on te vois peiner en faveur d’hommes bons, ou du moins en faveur de ceux qui leur sont bénéfiques et utiles, de fait, ce combat [te] gagne [bien] plus d’amor ; la défense de la vertu [te gagne bien plus] de charitas. » 

La benevolentia diffère également de l’amor, parce que l’amor est l’origine et le commencement de la benevolentia, qui est, pour ainsi dire, la disposition morale de quelqu’un, née de l’[accomplissement] de nombreux actes d’amor, et constituant la charitas. : du reste, cette différence n’est pas telle qu’elle soit constante. Voir Cicéron dans De l’amitié, au chapitre 8 : 

«  L’amor ([mot] à partir duquel est dénommée l’amicitia) est l’origine de la benevolentia qui doit réunir [tous les hommes]. » 

Parfois, il y a une différence entre ces deux-là, en ce que benevolentia est pris [pour désigner] un certain amour (dilectio) citoyen et dicté par le devoir, amor [est pris pour désigner un certain amour] né de l’âme et plus tendre. Voyez Cicéron, Lettres à des familiers, Livre III, Épitre 9 

« En effet, il n’y a rien que le dévouement (studium) et la bienveillance (benevolentia), ou, l’amor, ne puisse réaliser. » 


Référence. 

Egidio Forcellini, Totius latiniatis lexicon, tome 1, Padoue, Giovanni Manfrè, 1771, p. 145.

 
On peut reprendre et éclaircir l'article ci-dessus dans le tableau suivant : 


Amor
Caritas
S’adresse aux hommes et aux animaux.
S’adresse aux hommes.
Amour soit moral, vertueux, honnête, soit immoral, vicieux, honteux.
Amour moral, vertueux, honnête.
Est l’œuvre du sentiment, de la passion, de l’impulsion.
Est l’œuvre de la raison, du juste jugement.
S’adresse à tous ce qui est égal ou inférieur, et à tous ceux qui font partie du cercle proche : conjoint, enfants, frères, relations et amis.
S’adresse à tout ce qui est supérieur : les dieux, les parents, la patrie et les concitoyens, les hommes sages et vertueux, moraux, honnêtes, honorables, dignes d’estime.
Suscité par ce qui fait du bien personnellement, par ce qui est utile, avantageux, agréable, plaisant.
Suscitée par la recherche et la défense du Bien en soi : bien de la société dans son ensemble, recherche et défense individuelle de la vertu, de l’honnêteté, de la moralité.
Trouve son origine dans l’âme et se rapproche de la tendresse, de l’affection envers quelqu’un de particulier, de connu, de proche, qui fait du bien.
Se rapproche de la benevolentia, qui est une disposition morale acquise, une habitude de faire du bien à autrui, de poser des actes dictés par le devoir et l’appartenance solidaire à la communauté des citoyens.