Rien ne va plus, Mesdames, Messieurs ! Ah, les enfants, ma bonne dame, les enfants d'aujourd'hui... Ce genre de réflexions étaient vraisemblablement en cours en 1869, ainsi que la certitude de déjà tout savoir sur les enfants et la manière de les élever correctement.
(...)
Qu'on le sache bien, l'éducation morale commence,
pour ainsi dire, avec la vie ; il n'y a sur ce point aucun doute, et les
auteurs des travaux que nous avons examinés le reconnaissent
unanimement. Les impressions si vives d'un enfant grandissent avec lui,
et si, dès les premiers mois, vous n'avez pas dirigé vos enfants
dans la voie de l'obéissance, du respect, de la régularité ; si vous
avez cédé à tous leurs caprices, obéi à leurs cris, flatté leur
gourmandise, vous avez encouragé leurs premiers pas dans la voie du mal.
Il y a là dans la société actuelle une plaie affligeante. Le nombre des enfants mal élevés, ou comme le dit si bien l'expression familière, des enfants gâtés, croît chaque
jour ; ceux que l'on me permettra d'appeler nos anciens dans la vie en
font souvent la remarque ; or, c'est dès la première enfance que se
dessine, et chez les parents et chez les enfants, cette déplorable tendance. Rien n'est plus curieux à observer que l'étonnante disposition que montrent les plus petits enfants à
connaître les faiblesses de ceux qui les entourent et à se rendre
maîtres de la situation, en les exploitant; peu à peu ces tyrans
instinctifs s'emparent de votre raison et finissent par vous gouverner
par la pitié ou l'obsession qu'ils
déterminent. On rejette sur leur jeune âge les fautes incessantes qu'ils
commettent, et quand on veut réagir, il est trop tard, le mauvais pli
est pris. « L'habitude où l'on est de se mal comporter en de petites
choses qui reviennent souvent, dit Platon dans son traité de l'Éducation, fait qu'on en vient ensuite à violer les lois écrites. »
(Lois, liv. VII.) Paroles mémorables dignes de servir de précepte à
toute l'éducation morale.
Qui n'a présents à l'esprit de nombreux exemples de
ces jeunes indisciplinés qui sont l'objet d'une admiration constante,
dont on excuse toutes les fautes, et qui, bruyants, insolents,
inhospitaliers, vaniteux, sont élevés dans des idées de supériorité de
caste et de fortune, alors même que les préjugés de la naissance ou les
réalités de la fortune n'ont aucune raison plausible !
En vérité, je ne sais à
quoi attribuer le relâchement si fréquent des liens naturels de la
famille et des devoirs réciproques de ses membres, mais je n'hésite pas à
croire qu'il en résulte une augmentation notable de la perversité
humaine et de la criminalité. Un enfant qui n'est pas élevé avec l'idée
permanente qu'il n'a que des devoirs, emporte avec lui, dans le voyage
de la vie, le germe d'une maladie morale.
La question qui maintenant
se présente est de savoir si l'hygiène physique et morale de l'enfance
est assez scientifique, assez positive pour lutter avantageusement
contre l'ignorance, la superstition, les préjugés et surtout contre
l'indifférence du public. Je n'hésite pas à répondre par l'affirmative. Tous les éléments sur lesquels repose l'art
d'élever les enfants sont empruntés aux
parties les plus rigoureuses des sciences biologiques. Nous savons
comment un enfant naît, croit se développe ; nous connaissons exactement
ses besoins et ses ressources ; nous évaluons, ligne par ligne, les
phases de ses diverses évolutions ; nous savons ce qui l'attend, ce qui
le menace, et de chaque chose ce qu'en peut espérer, ce qu'on doit
craindre.
Référence.
Dr Dally, Observations sur le mémoire : L'éducation physique et morale de l'enfant, depuis la naissance jusqu'à l'achèvement de la première dentition, rapportées, par fragment, dans : Louis-Auguste Martin, Annuaire philosophique, examen critique des travaux de physiologie, de métaphysique et de morale accomplis dans l'année, tome 6, Librairie Ernest Lachaud, Paris, 1869, p. 247-248.