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lundi 21 mai 2012

Les enfants sont mal élevés, selon le Dr Dally, 1869


Rien ne va plus, Mesdames, Messieurs ! Ah, les enfants, ma bonne dame, les enfants d'aujourd'hui... Ce genre de réflexions étaient vraisemblablement en cours en 1869, ainsi que la certitude de déjà tout savoir sur les enfants et la manière de les élever correctement.

(...)

Qu'on le sache bien, l'éducation morale commence, pour ainsi dire, avec la vie ; il n'y a sur ce point aucun doute, et les auteurs des travaux que nous avons examinés le reconnaissent unanimement. Les impressions si vives d'un enfant grandissent avec lui, et si, dès les premiers mois, vous n'avez pas dirigé vos enfants dans la voie de l'obéissance, du respect, de la régularité ; si vous avez cédé à tous leurs caprices, obéi à leurs cris, flatté leur gourmandise, vous avez encouragé leurs premiers pas dans la voie du mal.

Il y a là dans la société actuelle une plaie affligeante. Le nombre des enfants mal élevés, ou comme le dit si bien l'expression familière, des enfants gâtés, croît chaque jour ; ceux que l'on me permettra d'appeler nos anciens dans la vie en font souvent la remarque ; or, c'est dès la première enfance que se dessine, et chez les parents et chez les enfants, cette déplorable tendance. Rien n'est plus curieux à observer que l'étonnante disposition que montrent les plus petits enfants à connaître les faiblesses de ceux qui les entourent et à se rendre maîtres de la situation, en les exploitant; peu à peu ces tyrans instinctifs s'emparent de votre raison et finissent par vous gouverner par la pitié ou l'obsession qu'ils déterminent. On rejette sur leur jeune âge les fautes incessantes qu'ils commettent, et quand on veut réagir, il est trop tard, le mauvais pli est pris. « L'habitude où l'on est de se mal comporter en de petites choses qui reviennent souvent, dit Platon dans son traité de l'Éducation, fait qu'on en vient ensuite à violer les lois écrites. » (Lois, liv. VII.) Paroles mémorables dignes de servir de précepte à toute l'éducation morale.

Qui n'a présents à l'esprit de nombreux exemples de ces jeunes indisciplinés qui sont l'objet d'une admiration constante, dont on excuse toutes les fautes, et qui, bruyants, insolents, inhospitaliers, vaniteux, sont élevés dans des idées de supériorité de caste et de fortune, alors même que les préjugés de la naissance ou les réalités de la fortune n'ont aucune raison plausible !

En vérité, je ne sais à quoi attribuer le relâchement si fréquent des liens naturels de la famille et des devoirs réciproques de ses membres, mais je n'hésite pas à croire qu'il en résulte une augmentation notable de la perversité humaine et de la criminalité. Un enfant qui n'est pas élevé avec l'idée permanente qu'il n'a que des devoirs, emporte avec lui, dans le voyage de la vie, le germe d'une maladie morale.

La question qui maintenant se présente est de savoir si l'hygiène physique et morale de l'enfance est assez scientifique, assez positive pour lutter avantageusement contre l'ignorance, la superstition, les préjugés et surtout contre l'indifférence du public. Je n'hésite pas à répondre par l'affirmative. Tous les éléments sur lesquels repose l'art d'élever les enfants sont empruntés aux parties les plus rigoureuses des sciences biologiques. Nous savons comment un enfant naît, croit se développe ; nous connaissons exactement ses besoins et ses ressources ; nous évaluons, ligne par ligne, les phases de ses diverses évolutions ; nous savons ce qui l'attend, ce qui le menace, et de chaque chose ce qu'en peut espérer, ce qu'on doit craindre.

Référence.

Dr Dally, Observations sur le mémoire : L'éducation physique et morale de l'enfant, depuis la naissance jusqu'à l'achèvement de la première dentition, rapportées,  par fragment, dans : Louis-Auguste Martin, Annuaire philosophique, examen critique des travaux de physiologie, de métaphysique et de morale accomplis dans l'année, tome 6, Librairie Ernest Lachaud, Paris, 1869, p. 247-248.