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mercredi 20 juin 2012

Stéréotypes et identités de genre, selon Johnson et Everitt, 2000

   
Tableau 2.1. Sexe et genre : descriptions oppositionnelles.


CARACTÉRISTIQUES SEXUELLES
MÂLE
FEMELLE
CHROMOSOME
Y présent
Y absent
GÈNE
SRY actif
SRY inactif
GONADE
Testicule
Ovaire
GAMÈTE
Spermatozoïde
Ovocyte
HORMONE
Androgènes, HAM
Ni androgènes, ni HAM
PHÉNOTYPE EXTERNE
Pénis, scrotum
Clitoris, lèvres vulvaires
PHÉNOTYPE INTERNE
Canal déférent, prostate
Trompes, utérus, vagin
ATTRIBUTS DE GENRE
MASCULINS
FÉMININS
INTERACTIONS INTER/INTRAGENRE
Interactions approuvées ou désapprouvées avec même ou autre genre
Interactions distinctes permises avec même ou autre genre
RÔLE SOCIAL
Protecteur public, extraverti, puissant, indépendant, dominant
Privé, introverti, domestique, calme, dominé, donneuse de soins
RÔLE REPRODUCTIF
Remplaçable et transitoire
Essentiel et durable
RÔLE SEXUEL
Actif, assertif, dominant
Passif, réceptif, soumis
RÔLE PROFESSIONNEL
Défense légale et réglementaire, direction, militaire, religieux, artistique
Constructif, agricole, domestique, culinaire, créatif, nourricier
APPARENCE
Coupe de cheveux typique et uniforme, décorations et ornements vestimentaires
Coupe de cheveux typique et variée, décoration corporelle et vestimentaire
TEMPÉRAMENT ET ÉMOTIONS
Compétitif, combattif, agressif, ambitieux, dépourvu d'émotions visibles
Coopératif, consensuel, affectueux, compassion, librement émotif
INTELLECT ET COMPÉTENCES
Meilleures compétences mathématiques et spatiales
Meilleures compétences et dons linguistiques
LANGAGE UTILISÉ
Usage de termes et de langage typiquement masculins
Termes et langages typiquement féminin




Deux concepts complexes sont nécessaires à la bonne compréhension de ce qu'est le genre.

1. Le stéréotype du genre est l'ensemble des conventions qui définissent l'homme ou la femme dans une société donnée.

Les attributs de genre indiqués dans le Tableau 2.1 constituent les éléments des stéréotypes de genre mâle et femelle. Ces stéréotypes fournissent une description qui permet, en gros, de reconnaître le masculin et le féminin dans une société. Les attributs précis ajustés à chaque genre varient d'une société à l'autre ou avec le temps dans une même société. Cependant les études sociales, historiques et anthropologiques révèlent, dans l'éventail des diverses sociétés, une remarquable adéquation de la fréquence et de l'intensité selon lesquelles chacun de ces attributs est inclus sans son stéréotype de genre. Ainsi, par exemple, l'exclusion des femmes de la vie publique ou de certains rôles sociaux et professionnels est plus évidente dans les sociétés islamiques ou judéo-chrétiennes traditionnelles que dans les sociétés modernes. Cependant, au sein de ces dernières, ce type de stéréotype de genre persiste encore dans le fait que certains rôles restent principalement masculins (i.e. : le chirurgien, le prêtre) ou féminin (i.e. : infirmière, sage-femme), même si ces corrélations sont moins strictes que par le passé. Le comportement que l'on attend des hommes et des femmes diffère de même. Un comportement brutal et agressif est plus facilement accepté et souvent excusé dans le cas d'un homme tandis que venant d'une femme, il sera fermement stigmatisé. À in niveau plus anodin, le port de boucles d'oreille par un homme ou de pantalons par une femme était jusqu'il y a peu, très peu conforme aux stéréotypes de genre en vigueur. Certaines règles sociales, définissant ainsi clairement ce que devraient être les attributs décoratifs et vestimentaires du genre sexuel, persistent encore largement dans les mentalités actuelles.

Alors qu'il est difficile pour une société évolutive de définir des stéréotypes de genre acceptables par tous, il existe cependant une vision sociale relativement claire des éléments qui définissent les comportements masculin et féminin. La cohérence de cette vision peut s'avérer particulièrement solide chez les pairs d'une même génération. L'établissement d'un stéréotype de genre n'implique nullement que ce stéréotype soit applicable à chaque même ou femelle. Il s'agit plutôt d'une référence culturelle commune quant à la manière dont devraient apparaître les hommes et les femme. Ce consensus social sur ce que signifie être homme ou femme joue un rôle important dans les perceptions de lui-même et des autres que développera chaque individu. Il fournit un étalon qui permet d'évaluer sa propre masculinité ou féminité et celle des autres.

Ce processus d'évaluation est important car ceux qui tendent à trop s'écarter du stéréotype sont généralement marginalisés. Dans certaines cultures, il est moins acceptable pour un homme de tendre vers la féminité que pour une femme d'apparaître masculine, en dépit de l'existence de frontières nettes dans les deux directions. Une telle asymétrie peut résulter du fait que dans les sociétés où le genre joue un rôle important, les hommes détiennent plus de pouvoir que les femmes et présentent, dès lors, des attributs mieux valorisés socialement. Ainsi, pour un homme, apparaître féminin pourrait réduire son standing, alors que la même dévaluation de statut ne se produirait pas pour les femmes adoptant un stéréotype masculin, bien au contraire. Dans les sociétés où les stéréotypes se relâchent, se manifeste, dès lors, une meilleure acceptation de la masculinisation des stéréotypes des femmes ainsi qu'une plus grande résistance à l'égard d'une féminisation des stéréotypes des hommes.

2. Le stéréotype du genre fournit un moyen social qui permet de classer rapidement les individus par sexe.

Nous sommes tous confrontés à un déconcertant éventail d'informations sociales. Un aspect du développement de l'enfant est d'apprendre comment interpréter le monde qui l'entoure. Les différences sexuelles sont une part importante de ce monde. En intégrant un stéréotype de genre, ou en pratique, n'importe quel autre stéréotype (ethnie, classe sociale, âge, métier), chacun se dote d'un schéma social qui permet une évaluation rapide de chaque individu rencontré. Reconnaître à quelqu'un sa qualité mâle ou femelle nous permet d'associer les divers attributs du stéréotype de genre et conditionne par là nos comportements immédiats de façon conforme à notre propre genre et à celui des autres. Ce processus tendra évidemment à renforcer les stéréotypes de genre d'une société, sans préjuger toutefois des réactions ultérieures d'individu à individu. Si l'on doute de l'importance de ce type de schéma social, il suffit de se demander comment il affecte nos sentiments et notre comportement lorsque nous rencontrons quelqu'un dont le sexe et le genre ne sont pas d'emblée évidents. Comment nous sentirons-nous si, plongés dans le contexte d'une autre culture, nous découvrons que les stéréotypes de genre qui y ont cours sont en conflit avec ceux de notre propre culture : par exemple, si les hommes se tiennent par la main et s'embrassent en public ? Les humains sont des êtres sociaux et les lois qui régissent les fonctions sociales sont donc de première importance.

3. L'identité de genre correspond à une conception personnelle du moi masculin ou féminin.

Nous avons une vision claire de l'existence de deux genres, définis en gros par les stéréotypes de genre de notre société. Il s'ensuit que chacun de nous se voit lui-même comme masculin ou féminin et ce en conformité plus ou moins nette avec le stéréotype en vigueur. La mesure dans laquelle chaque individu se sent sûr de sa position dans l'échelle bipolaire de genre est représentative du degré de solidité et de sécurité de son identité de genre. La plupart des individus bénéficient d'une identité de genre pleinement conforme à leur sexe. La plupart des femmes et des hommes qui sont physiquement femelle ou mâles ont donc de fortes identités de genre. Certains individus peuvent se sentir moins sûrs de leur identité de genre, bien qu'ils s'identifient quand même à leur sexe physique : ils sont dits porteurs d'une faible identité de genre. Plus rarement, certains individus peuvent vivre une contradiction totale entre leur identité de genre et leur sexe physique. De telles personnes sont décrites comme transsexuels, bien que nous préférerons les appeler ici « invertis de genre » pour des raisons que nous clarifierons. L'inversion du genre peut survenir dans les deux directions, les transgenres même vers femelle ayant un physique même et assumant un rôle féminin, alors que les invertis du genre femelle vers le mâle seront physiquement des femmes mais dotées d'une identité de genre masculine. Traditionnellement, on identifie plus de cas de « mâle vers femelle » que le contraire, bien que cette différence puisse ne pas correspondre à l'écart de prévalence réels. Les invertis de genre adoptent donc le rôle d genre du sexe physique opposé au leur et certains se soumettent à des modifications chirurgicales et des traitements hormonaux dans le but de se rapprocher le plus possible, au plan physique et fonctionnel, du sexe correspondant à leur identité de genre. Ces inversions constituent sans doute la meilleure justification de la distinction entre sexe et rôle de genre. Une meilleure compréhension des bases de la transsexualité peut nous aider, par ailleurs, à définir plus clairement la frontière entre sexe et genre.

4. Les différences de genre ne sont sans doute pas aussi importantes qu'elles le paraissent.

Intuitivement, les attributs de genre énumérés sans le Tableau 2.1 peuvent apparaître familiers tout en semblant trop simplistes. Par exemple, si la plupart des hommes peuvent ne pas manifester leurs émotions par des pleurs et admettre leur vulnérabilité, nombre d'entre eux sont cependant susceptibles d'avoir ce comportement. Certaines femmes peuvent être tout aussi compétitives et agressives que les hommes, bien que dans l'ensemble ces attributs soient plus fréquemment extériorisés chez les hommes que chez les femmes. De nombreuses études ont tenté d'effectuer des mesures quantitatives objectives du comportement et par des questionnaires. Pour la plupart des attributs définissant les attitudes et le comportement, l'importance des degrés de variation au sein d'une même population d'hommes ou de femmes entraîne une large superposition entre hommes et femmes, laquelle obscurcit toute différence significative entre les genres. De plus, les différences observées n'ont que très rarement une valeur prédictive : il n'est pas possible de prédire qu'un individu est homme ou femme à partir de la mesure d'un attribut de genre.

Nous sommes donc confrontés à une paradoxe. La société définit clairement un concept polarisé de ce que signifie être un homme ou une femme dans la société. Les individus développent, de plus, une vision claire d'eux-mêmes en tant qu'homme ou femme ainsi qu'une conception de ce qu'elle signifie quant à leur place dans la société. Cependant, aussi bien objectivement que subjectivement, il est impossible de soutenir fermement une description bipolaire d'une société divisée en genres ; hommes et femmes se superposent largement dans l'expression de leurs attitudes, leurs profils de comportement, leurs aptitudes et, de plus en plus, dans les rôles qu'ils assument. Il s'agit plus d'un continuum d'attributs que d'une ségrégation bipolaire. L'intérêt de tenter d'édifier une société bipolaire alors que les faits ne la soutiennent pas doit sans doute être avantageux pour la société et sa structure. (…).

Référence.

Martin H. Johnson, Barry J. Everitt, Reproduction, traduction de la 5e édition anglaise (2000) par Fernand Leroy, Collection « Sciences médicales », Série « Pasteur », DeBoeck Université, Paris, 2002, p. 18-20.