Tableau 2.1. Sexe et genre :
descriptions oppositionnelles.
CARACTÉRISTIQUES SEXUELLES |
MÂLE |
FEMELLE |
CHROMOSOME |
Y présent |
Y absent |
GÈNE |
SRY actif |
SRY inactif |
GONADE |
Testicule |
Ovaire |
GAMÈTE |
Spermatozoïde |
Ovocyte |
HORMONE |
Androgènes, HAM |
Ni androgènes, ni HAM |
PHÉNOTYPE EXTERNE |
Pénis, scrotum |
Clitoris, lèvres vulvaires |
PHÉNOTYPE INTERNE |
Canal déférent, prostate |
Trompes, utérus, vagin |
ATTRIBUTS DE GENRE |
MASCULINS |
FÉMININS |
INTERACTIONS INTER/INTRAGENRE |
Interactions approuvées ou désapprouvées avec
même ou autre genre |
Interactions distinctes permises avec même ou
autre genre |
RÔLE SOCIAL |
Protecteur public, extraverti, puissant,
indépendant, dominant |
Privé, introverti, domestique, calme, dominé,
donneuse de soins |
RÔLE REPRODUCTIF |
Remplaçable et transitoire |
Essentiel et durable |
RÔLE SEXUEL |
Actif, assertif, dominant |
Passif, réceptif, soumis |
RÔLE PROFESSIONNEL |
Défense légale et réglementaire, direction,
militaire, religieux, artistique |
Constructif, agricole, domestique, culinaire,
créatif, nourricier |
APPARENCE |
Coupe de cheveux typique et uniforme, décorations
et ornements vestimentaires |
Coupe de cheveux typique et variée, décoration
corporelle et vestimentaire |
TEMPÉRAMENT ET ÉMOTIONS |
Compétitif, combattif, agressif, ambitieux,
dépourvu d'émotions visibles |
Coopératif, consensuel, affectueux, compassion,
librement émotif |
INTELLECT ET COMPÉTENCES |
Meilleures compétences mathématiques et
spatiales |
Meilleures compétences et dons linguistiques |
LANGAGE UTILISÉ |
Usage de termes et de langage typiquement
masculins |
Termes et langages typiquement féminin |
Deux concepts complexes
sont nécessaires à la bonne compréhension de ce qu'est le genre.
1. Le stéréotype du
genre est l'ensemble des conventions qui définissent l'homme ou la
femme dans une société donnée.
Les attributs de genre
indiqués dans le Tableau 2.1 constituent les éléments des
stéréotypes de genre mâle
et femelle. Ces stéréotypes fournissent une description qui permet,
en gros, de reconnaître le masculin
et le féminin dans
une société. Les attributs précis ajustés à chaque genre varient
d'une société à l'autre ou avec le temps dans une même société.
Cependant les études sociales, historiques et anthropologiques
révèlent, dans l'éventail des diverses sociétés, une remarquable
adéquation de la fréquence et de l'intensité selon lesquelles
chacun de ces attributs est inclus sans son stéréotype de genre.
Ainsi, par exemple, l'exclusion des femmes de la vie publique ou de
certains rôles sociaux et professionnels est plus évidente dans les
sociétés islamiques ou judéo-chrétiennes traditionnelles que dans
les sociétés modernes. Cependant, au sein de ces dernières, ce
type de stéréotype de genre persiste encore dans le fait que
certains rôles restent principalement masculins (i.e. :
le chirurgien, le prêtre) ou féminin (i.e. :
infirmière, sage-femme), même si ces corrélations sont moins
strictes que par le passé. Le comportement que l'on attend des
hommes et des femmes diffère de même. Un comportement brutal et
agressif est plus facilement accepté et souvent excusé dans le cas
d'un homme tandis que venant d'une femme, il sera fermement
stigmatisé. À in niveau plus anodin, le port de boucles d'oreille
par un homme ou de pantalons par une femme était jusqu'il y a peu,
très peu conforme aux stéréotypes de genre en vigueur. Certaines
règles sociales, définissant ainsi clairement ce que devraient être
les attributs décoratifs et vestimentaires du genre sexuel,
persistent encore largement dans les mentalités actuelles.
Alors
qu'il est difficile pour une société évolutive de définir des
stéréotypes de genre acceptables par tous, il existe cependant une
vision sociale relativement claire des éléments qui définissent
les comportements masculin et féminin. La cohérence de cette vision
peut s'avérer particulièrement solide chez les pairs d'une même
génération. L'établissement d'un stéréotype de genre n'implique
nullement que ce stéréotype soit applicable à chaque même ou
femelle. Il s'agit plutôt d'une référence culturelle commune quant
à la manière dont devraient apparaître les hommes et les femme. Ce
consensus social sur ce que signifie être homme ou femme joue un
rôle important dans les perceptions de lui-même et des autres que
développera chaque individu. Il fournit un étalon qui permet
d'évaluer sa propre masculinité ou féminité et celle des autres.
Ce
processus d'évaluation est important car ceux qui tendent à trop
s'écarter du stéréotype sont généralement marginalisés. Dans
certaines cultures, il est moins acceptable pour un homme de tendre
vers la féminité que pour une femme d'apparaître masculine, en
dépit de l'existence de frontières nettes dans les deux directions.
Une telle asymétrie peut résulter du fait que dans les sociétés
où le genre joue un rôle important, les hommes détiennent plus de
pouvoir que les femmes et présentent, dès lors, des attributs mieux
valorisés socialement. Ainsi, pour un homme, apparaître féminin
pourrait réduire son standing, alors que la même dévaluation de
statut ne se produirait pas pour les femmes adoptant un stéréotype
masculin, bien au contraire. Dans les sociétés où les stéréotypes
se relâchent, se manifeste, dès lors, une meilleure acceptation de
la masculinisation des stéréotypes des femmes ainsi qu'une plus
grande résistance à l'égard d'une féminisation des stéréotypes
des hommes.
2.
Le stéréotype du genre fournit un moyen social qui permet de
classer rapidement les individus par sexe.
Nous
sommes tous confrontés à un déconcertant éventail d'informations
sociales. Un aspect du développement de l'enfant est d'apprendre
comment interpréter le monde qui l'entoure. Les différences
sexuelles sont une part importante de ce monde. En intégrant un
stéréotype de genre, ou en pratique, n'importe quel autre
stéréotype (ethnie, classe sociale, âge, métier), chacun se dote
d'un schéma social qui permet une évaluation rapide de chaque
individu rencontré. Reconnaître à quelqu'un sa qualité mâle ou
femelle nous permet d'associer les divers attributs du stéréotype
de genre et conditionne par là nos comportements immédiats de façon
conforme à notre propre genre et à celui des autres. Ce processus
tendra évidemment à renforcer les stéréotypes de genre d'une
société, sans préjuger toutefois des réactions ultérieures
d'individu à individu. Si l'on doute de l'importance de ce type de
schéma social, il suffit de se demander comment il affecte nos
sentiments et notre comportement lorsque nous rencontrons quelqu'un
dont le sexe et le genre ne sont pas d'emblée évidents. Comment
nous sentirons-nous si, plongés dans le contexte d'une autre
culture, nous découvrons que les stéréotypes de genre qui y ont
cours sont en conflit avec ceux de notre propre culture : par
exemple, si les hommes se tiennent par la main et s'embrassent en
public ? Les humains sont des êtres sociaux et les lois qui
régissent les fonctions sociales sont donc de première importance.
3.
L'identité de genre correspond à une conception personnelle du moi
masculin ou féminin.
Nous avons une vision
claire de l'existence de deux genres, définis en gros par les
stéréotypes de genre de notre société. Il s'ensuit que chacun de
nous se voit lui-même comme masculin ou féminin et ce en conformité
plus ou moins nette avec le stéréotype en vigueur. La mesure dans
laquelle chaque individu se sent sûr de sa position dans l'échelle
bipolaire de genre est représentative du degré de solidité et de
sécurité de son identité de genre.
La plupart des individus bénéficient d'une identité de genre
pleinement conforme à leur sexe. La plupart des femmes et des hommes
qui sont physiquement femelle ou mâles ont donc de fortes
identités de genre. Certains
individus peuvent se sentir moins sûrs de leur identité de genre,
bien qu'ils s'identifient quand même à leur sexe physique :
ils sont dits porteurs d'une faible identité de genre.
Plus rarement, certains individus peuvent vivre une contradiction
totale entre leur identité de genre et leur sexe physique. De telles
personnes sont décrites comme transsexuels,
bien que nous préférerons les appeler ici « invertis
de genre » pour des
raisons que nous clarifierons. L'inversion du genre peut survenir
dans les deux directions, les transgenres même vers
femelle ayant un physique même
et assumant un rôle féminin, alors que les invertis du
genre femelle vers le mâle
seront physiquement des femmes mais dotées d'une identité de genre
masculine. Traditionnellement, on identifie plus de cas de « mâle
vers femelle » que le contraire, bien que cette différence
puisse ne pas correspondre à l'écart de prévalence réels. Les
invertis de genre adoptent donc le rôle d genre du sexe physique
opposé au leur et certains se soumettent à des modifications
chirurgicales et des traitements hormonaux dans le but de se
rapprocher le plus possible, au plan physique et fonctionnel, du sexe
correspondant à leur identité de genre. Ces inversions constituent
sans doute la meilleure justification de la distinction entre sexe et
rôle de genre. Une meilleure compréhension des bases de la
transsexualité peut nous aider, par ailleurs, à définir plus
clairement la frontière entre sexe et genre.
4.
Les différences de genre ne sont sans doute pas aussi importantes
qu'elles le paraissent.
Intuitivement,
les attributs de genre énumérés sans le Tableau 2.1 peuvent
apparaître familiers tout en semblant trop simplistes. Par exemple,
si la plupart des hommes peuvent ne pas manifester leurs émotions
par des pleurs et admettre leur vulnérabilité, nombre d'entre eux
sont cependant susceptibles d'avoir ce comportement. Certaines femmes
peuvent être tout aussi compétitives et agressives que les hommes,
bien que dans l'ensemble ces attributs soient plus fréquemment
extériorisés chez les hommes que chez les femmes. De nombreuses
études ont tenté d'effectuer des mesures quantitatives objectives
du comportement et par des questionnaires. Pour la plupart des
attributs définissant les attitudes et le comportement, l'importance
des degrés de variation au sein
d'une même population d'hommes ou de femmes entraîne une large
superposition entre
hommes et femmes, laquelle obscurcit toute différence significative
entre les genres. De plus, les différences observées n'ont que très
rarement une valeur prédictive : il n'est pas possible de
prédire qu'un individu est homme ou femme à partir de la mesure
d'un attribut de genre.
Nous
sommes donc confrontés à une paradoxe. La société définit
clairement un concept polarisé de ce que signifie être un homme ou
une femme dans la société. Les individus développent, de plus, une
vision claire d'eux-mêmes en tant qu'homme ou femme ainsi qu'une
conception de ce qu'elle signifie quant à leur place dans la
société. Cependant, aussi bien objectivement que subjectivement, il
est impossible de soutenir fermement une description bipolaire d'une
société divisée en genres ; hommes et femmes se superposent
largement dans l'expression de leurs attitudes, leurs profils de
comportement, leurs aptitudes et, de plus en plus, dans les rôles
qu'ils assument. Il s'agit plus d'un continuum d'attributs que d'une
ségrégation bipolaire. L'intérêt de tenter d'édifier une société
bipolaire alors que les faits ne la soutiennent pas doit sans doute
être avantageux pour la société et sa structure. (…).
Référence.
Martin
H. Johnson, Barry J. Everitt, Reproduction, traduction
de la 5e édition anglaise (2000) par Fernand Leroy, Collection
« Sciences médicales », Série « Pasteur »,
DeBoeck Université, Paris, 2002, p. 18-20.
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