Plusieurs auteurs ont
fait la constatation suivante : les parents des enfants inhibés
et présentant des troubles anxieux ont eux-mêmes des taux
significativement plus élevés de troubles anxieux, comparativement
aux parents des enfants ne présentant qu'une inhibition
comportementale et aux parents des enfants ne présentant ni
inhibition comportementale, ni troubles anxieux.
Autrement dit, la
présence chez les parents de troubles anxieux augmente le risque
pour un enfant inhibé de développer lui-même des troubles anxieux.
On sait maintenant que ce ne sont pas tant les troubles anxieux en
eux-mêmes qui vont ici jouer un rôle, mais plutôt les attitudes de
surprotection et d'hypercontrôle que l'on retrouve fréquemment chez
les parents présentant des troubles anxieux.
Dans le cas du trouble
anxiété de séparation, ces attitudes de surprotection et
d'hypercontrôle semblent intervenir de façon à la fois directe et
indirecte.
De façon indirecte,
elles renforcent la stabilité de l'inhibition comportementale, ce
qui augmente le risque chez les enfants inhibés de développer un
trouble anxiété de séparation.
De façon directe, nous y
reviendrons, elles interviennent elles-mêmes dans le développement
du trouble anxiété de séparation en faisant obstacle au processus
de « désensibilisation naturelle » que vivent
habituellement les enfants vis-à-vis de la peur de séparation (…)
(p.97-98).
Les attitudes de
surprotection
Dans le même ordre
d'idées, des attitudes parentales de surprotection, d'hypercontrôle
et de critique exagérée peuvent aussi, directement ou en
interaction avec d'autres facteur de risque, favoriser le
développement de troubles anxieux chez l'enfant (22, 23).
- Les mises en garde,
voire les interdictions répétées,
- le besoin constant
d'avoir son enfant dans son champ visuel, de savoir où il est, ce
qu'il fait, avec qui,
- les réactions
inopportunes de précipitation dès qu'il lui arrive quelque chose,
- les pressions
excessives concernant sa conduite
sont des attitudes
fréquemment retrouvées chez les parents d'enfants présentant un
trouble anxiété de séparation, en particulier chez les mères.
Comme on l'a vu, ces
attitudes de surprotection et d'hypercontrôle sont susceptibles
d'intervenir dans la genèse du trouble anxiété de séparation :
- soit directement,
- soit en favorisant le
développement d'un style d'attachement anxieux,
- soit encore en
interagissant avec le tempérament de l'enfant.
Plus globalement, les
attitudes parentales de surprotection et d'hypercontrôle peuvent
interférer avec les processus d'acquisition par l'enfant de
compétences sociales et de stratégies de résolution de problèmes
efficaces, entraînant ainsi chez lui des difficultés à faire face
aux événements de la vie stressants.
Elles peuvent entraîner
chez l'enfant des doutes sur sa valeur personnelle et un manque de
confiance dans ses capacités de réussite (24).
- Acquérir l'estime de
soi,
- apprendre à faire face
aux événements de la vie,
- à résister aux
pressions sociales,
- apprendre à
s'affirmer,
- à négocier,
- à résoudre les
problèmes interpersonnels,
- s'impliquer dans la vie
communautaire,
- développer ses centres
d'intérêts
sont autant de domaines
au travers desquels l'enfant doit pouvoir appréhender ses propres
limites mais aussi découvrir ses ressources personnelles pour y
faire face.
Les enfants produisent
spontanément des mécanismes d'adaptation. Ils sont inventifs pourvu
qu'on les aide à mettre en mouvement leurs capacités créatrices ?
Au contraire,
- en excluant la
spontanéité des expériences vécues par l'enfant,
- en l'empêchant
d'expérimenter ses propres capacités d'adaptation,
- en l'empêchant
d'expérimenter son aptitude au compromis,
l'enfant va
progressivement apprendre à faire ce qu'il pense qu'on attend de
lui. Il va progressivement apprendre à ressembler à l'enfant
imaginaire que les parents portent en eux, répondant à tout ce
qu'ils attendent de lui. Ce faisant, l'enfant ne pourra fonctionner
de manière adéquate qu'en référence au modèle de ses parents.
Dans les situations requérant sa participation active, dans les
relations de la vie quotidienne, à l'école ou ailleurs, il risque
d'être mis en difficulté s'il ne trouve pas dans l'environnement
les conditions nécessaires au maintien de son équilibre.
Les comportements de
dépendance, d'agrippement et de recherche de proximité physique,
qui se manifestent dans le trouble anxiété de séparation, peuvent
ainsi être encouragés par les attitudes parentales. (…)
De telles attitudes de
surprotection et d'hypercontrôle se rencontrent fréquemment chez
les parents qui présentent eux-mêmes des troubles anxieux.
Mais elles peuvent aussi
être induites par l'enfant : les réponses affectives et le
style éducatif des parents dépendent en partie des caractéristiques
individuelles de l'enfant. Elles peuvent ainsi être induites par les
traits de tempérament que présente l'enfant. Avoir un enfant
inhibé, timide et réservé peut conduire certains parents à le
surprotéger en lui évitant toute confrontation aux situations qui
le gênent et le mettent mal à l'aise, et ce d'autant plus que
l'enfant est jeune.
De même, elles peuvent
être induites par des événements tenant à l'histoire de l'enfant.
Avoir un enfant fragile (ou pensé comme tel), prématuré, handicapé
ou malade, ou un enfant « précieux », né après le
décès d'un autre enfant, ou par insémination artificielle peut
conduire certains parents à adopter envers lui des attitudes de
surprotection anxieuse.
Mais vouloir toujours
nourrir son enfant plutôt que de l'aider à apprendre à se nourrir
c'est aussi risquer de e conduire à mourir de faim si l'on est plus
là. (p. 128-130)
Référence