Ce sont les séparations
durables survenues pendant les trois premières années et notamment
du sixième au quinzième mois qui sont les plus graves.
De trois à cinq ans, les
enfants, ne vivant plus exclusivement dans le présent, n'ont plus
cette impression d'abandon total et peuvent imaginer vaguement un
temps où leur mère reviendra. Le développement du langage
élémentaire leur permet aussi de meilleurs contacts sociaux.
Après l'âge de cinq
ans, les troubles du développement deviennent rares et moins graves.
En revanche, les
conséquences fâcheuses d'une carence maternelle se manifestent sur
le plan de l'évolution affective.
Les enfants ayant dépassé
l'âge de cinq supportent d'autant mieux la séparation que leurs
relations antérieures avec leur mère a été meilleures. Un enfant
qui a acquis une sécurité de base suffisante n’interprétera pas
l'éloignement du milieu familial comme une punition et un abandon.
Il adhérera plus aisément aux raisons qui lui sont fournies.
Les manifestations
tardives, chez l'adolescent ou chez l'adulte, de la carence affective
infantile durable revêtent des formes différentes de celles
présentées chez les jeune enfant. Elles n'en sont pas moins la
traduction du caractère indélébile de la souffrance affective
subie par l'enfant.
Ce qui les caractérise
avant tout, c'est un trouble profond de l'affectivité et, partant,
l'inaptitude des individus à établir des relations sociales
normales.
Par ailleurs, on a pu
remarquer chez les sujets qui ont souffert de ce type de carence
affective :
- la présence fréquente d'une difficulté à soutenir
l'attention,
- l'instabilité,
- le manque d'esprit critique,
- le manque
de sens des réalités objectives
- et l'inaptitude à l'abstraction
pure ou au raisonnement logique.
On peut aussi se demander
si cette carence affective infantile durable n'engendrerait pas
certaines formes de schizophrénies juvénile, qui sont avant tout
caractérisées par :
- des troubles de l'affectivité,
- un contact
défectueux sur le plan individuel
- et une mauvaise adaptation
sociale.
Certains enfants qui en ont souffert n'ont pu, devant les
exigences accrues de l'adolescence, maintenir les compensations
qu'ils avaient pu créer et qui avaient été jusqu'alors
suffisantes.
Les troubles des
relations sociales sont très fréquentes chez les adolescents qui
ont souffert d'une carence affective à la suite d'une séparation
avec leur mère ou d'une relation perturbée avec elle.
La délinquance étant le
témoignage le plus évident d'une mauvaise adaptation sociale, on ne
s'étonnera pas de la rencontrer fréquemment chez les jeunes
carencés sur le plan affectif. Les principales manifestations de
cette délinquance juvénile sont la prostitution, le vol et la
fugue.
Un certain nombre
d'études ont mis en évidence la fréquence de la carence affective
et du mauvais exemple maternel chez les jeunes prostituées.
Certains vols, dit de
« compensation affective », se rencontrent chez des
enfants ou des adolescents qui souffrent d'un manque d'affection,
notoire ou méconnu. Ces vols ont des caractères bien spécifiques :
ils portent le plus souvent sur des friandises ou sur de l'argent qui
permet de s'en procurer, mais cet argent n'est jamais mêlé à celui
que l'enfant peut par ailleurs posséder légitimement. C'est un vol
« généreux », dans la mesure ou l'enfant en distribue
volontiers le produit à ses camarades. Tout se passe comme si le
produit matériel du vol ou les satisfactions procurées ainsi aux
autres pouvaient combler symboliquement le vide affectif béant du
cœur du jeune voleur.
Les fugues, enfin, ne
sont pas rares chez les jeunes souffrant de carences affectives ou
chez ceux qui croient en souffrir. Le « vagabondage-test »
est le plus souvent le fait d'un jeune qui, se croyant mal aimé, par
à l'aventure avec, au fond du cœur, l'impatience de connaître la
réaction de ses parents, car c'est d'après l'anxiété que ceux-ci
manifesteront alors à son égard qu'il jugera de la réalité et de
la profondeur de leur affection.
Référence
Marie-Noël Tardy-Ganry
et Thérèse Durandeau, Les troubles de la personnalité chez
l'adolescent. Comment réagir en tant que parent ?, coll.
Éclairages, Studyparents, 2006, p. 86-88.