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dimanche 3 février 2013

Un mariage libéral moderne : en Union soviétique, 1955


L'égalité presque totale de la femme se manifeste dans tous les domaines où, dans d'autres systèmes juridiques, nous sommes habitués à constater la prépondérance de l'homme. 

C'est un fait connu qu'avec le temps la conception soviétique de la famille et de ses fonctions dans la communauté sociale a subi une transformation considérable. Cette transformation s'est stabilisée dans la réforme décisive de 1944 (1), mais celle-ci ne semble pas avoir touché au principe de l'émancipation de la femme. 

- Il est particulièrement caractéristique que les époux sont libres d'adopter, lors de l'enregistrement de leur mariage, un nom commun, ou de garder, pour chacun, son nom antérieur (2) ; 

- que chacun d'eux est libre de choisir sa profession ; 

- qu'ils peuvent régler par voie de convention le mode de gestion du ménage commun et 

- que si l'un des époux change de résidence, l'autre n'est pas obligé de le suivre (3). 

- De même, le sexe des époux n'a aucune influence sur l'obligation alimentaire dont ils sont réciproquement tenus ; cette obligation dépend uniquement du fait que l'époux est incapable de travailler et qu'il est sans soutien tandis que, selon l'appréciation du tribunal, le conjoint est en mesure de fournir les aliments (4). 
- Après la dissolution du mariage, l'obligation alimentaire ne subsiste que pendant un an au plus ; elle reste soumise aux mêmes conditions que pendant le mariage (5) . 
- Le montant de la pension alimentaire est déterminé par le tribunal, au cours d'un procès régulier (6). 

- L'exercice de la puissance paternelle revient aux deux époux ensemble et en proportion égale. 

- Si les époux ont un nom commun, celui-ci est également transmis aux enfants ; dans le cas contraire, les parents décident d'un accord commun du nom des enfants, faute de quoi la décision est prise par l'autorité tutélaire. 
- En cas de dissolution du mariage, les enfants gardent le nom qui leur a été donné lors de la naissance. 
- Si, en cas de divorce, l'époux veut transmettre son nom à l'enfant confié à sa garde, l'autorité tutélaire en décide conformément à l'intérêt de l'enfant (7). 

- Les mesures relatives à l'enfant doivent être prises en commun par les deux parents (8). 
- En cas de désaccord des parents, la décision incombe à l'autorité tutélaire ; les parents participent à la procédure (9). 
- Si les parents sont séparés, ils décident d'un accord commun de la résidence des enfants mineurs. 
- Faute d'accord des parents, le tribunal en décide au cours d'une procédure régulière (10). 
- L'entretien des enfants incombe également aux parents ; le montant de leurs prestations dépend des moyens dont chacun d'eux dispose (11). 

- Il y a de même égalité parfaite de l'homme et de la femme dans le domaine des régimes matrimoniaux. S'appuyant sur la réglementation de l'ancien régime, la loi soviétique de 1918 sur le mariage a conservé le régime légal de la séparation des biens. Le régime de la communauté conjugale fut introduit, pour la première fois, en 1926 ; il y a, bien entendu, une réglementation spéciale en vigueur pour la population agricole qui vit sous le régime de l'indivision des biens familiaux (12). 
- En principe, les biens que les époux possèdent au moment du mariage, échappent à la communauté. 
- Chaque époux est entièrement libre de passer des contrats avec son conjoint ou avec des tiers. 
- Les conventions des époux ayant pour objet de limiter leurs droits patrimoniaux sont sans effet même à l'égard des tiers (13). 
- Les biens acquis durant le mariage font partie du patrimoine commun des deux époux (14). Comme cela ressort des lois de certains États membres, il s'agit en premier lieu des biens acquis après la conclusion du mariage par le travail commun des deux époux ; de ce point de vue, la gestion des affaires du ménage et la garde des enfants sont assimilées à une activité acquisitrice proprement dite (15). 
- La loi ne tranche pas la question de savoir quelles sont les restrictions du droit de l'époux de disposer des biens communs et, notamment, quelle est la mesure dans laquelle l'exercice de ce droit est soumis au consentement du conjoint. Des décrets administratifs et la pratique judiciaire ont élaboré, pour certains cas, une réglementation assez casuistique. Il en ressort par exemple que les objets ne servant qu'à l'usage personnel de l'époux, ainsi que ses instruments de travail, restent soumis à sa libre disposition ; par contre, les immeubles non-successoraux ne peuvent être aliénés qu'avec le consentement de l'autre époux. De même les objets de luxe et les objets de valeur sont sujets aux limitations de la communauté (16). 
- Les biens communs répondent des conséquences de certains délits, notamment des délits contre la société, commis par l'un des époux ; ils répondent également des dettes contractées par les époux ou par l'un d'eux (17). 
- Lors de la dissolution du mariage on procède à la répartition du patrimoine commun. En cas de décès de l'un des époux, seule sa part fait partie de la succession ; en vertu de la jurisprudence, il ne peut pas disposer par voie de testament de la part du conjoint. Le montant de la part de chacun des conjoints dépend des circonstances : en principe il s'élève à la moitié des biens communs, en cas de controverse il est déterminé par le tribunal (18). 

De tout point de vue, mari et femme sont traités sur un pied d'égalité. 

- La réforme de 1944 a supprimé le droit de la fille-mère d'exiger des aliments du père de l'enfant ; 
- elle a également supprimé le droit de l'enfant naturel à la succession de son père et son droit de porter le nom de ce dernier. 
- La mère obtient une subvention modique du gouvernement. 

Ce changement s'explique par le fait qu'on attribue à l'institution du mariage une plus grande valeur qu'auparavant (19).

Notes

(1) Cf. Gsovski : Soviet Civil Law, préface de Hessel E. Yntema, Ann Arbor, 1948, Tome I, pp. 120 et suiv.
(2) Loi du 19 novembre 1926, en vigueur depuis le 1er janvier 1927, chapitre III, art. 7. Cf. Gsovski, op. cit., tome II, p. 242.
(3) Art. 9., Gsovski, op. cit., p. 243.
(4) Art. 14., Gsovski, op. cit., p. 245.
(5) Art. 15., Gsovski, op. cit., p. 245, 246.
(6) Art. 16., Gsovski, op. cit., p. 246.
(7) Chap. II, art. 33 et suiv. Gsovski op. cit., p. 250 et suiv.
(8) Art. 38., Gsovski, op. cit., p. 252.
(9) Art. 39., Gsovski, op. cit., p. 252.
(10) Art. 40., Gsovski, op. cit., p. 252.
(11) Art. 48., Gsovski, op. cit., p. 255. Voy. aussi art. 52 et Gsovski, op. cit., p. 257.
(12) Art. 10., Gsovski, op cit., p. 243 et tome I, p. 132 et suiv.
(13) Art. 13., Gsovski, op. cit., p. 245.
(14) Art. 10.
(15) Gsovski, op. cit., tome I, p. 133, note 92 avec références.
(16) Gsovski, op. cit., tome O., pp. 133-134 avec références.
(17) Gsovski, op. cit., p. 134.
(18) Gsovski, op. cit., p. 133, avec références.
(19) Gsovski, op. cit., tome I, pp. 121-122, avec références.

Référence

Hans DÖLLE, « L'égalité de l'homme et de la femme dans le droit de la famille. Étude de politique législative comparée.» In : Revue internationale de droit comparé. Vol. 2, N° 2, Avril-juin 1950. pp. 250-275. (La mise en page du texte est le fait de l'auteur de ce blog).