Mgr Antoine Stillemans (1832-1916), évêque de Gand |
Un
grand nombre d’évêques de France viennent, par des notes
officielles, de mettre les fidèles en garde contre les modes
inconvenantes et les danses lascives. Voici, sur le même sujet, une
lettre collective de l'épiscopat belge. Nous la recommandons aux
méditations de tous.
Dimanche
dans l'octave de l’Épiphanie,
Aux parents chrétiens,
En
présence de l'immodestie de plus en plus accentuée de la toilette
féminine, à l'heure où des danses dégradantes menacent d'envahir
nos milieux chrétiens, les évêques belges estiment qu'ils ont le
devoir d'avertir les consciences de leurs fidèles et de vous
rappeler spécialement à vous, pères et mères de famille, que
l'éducation et la préservation de vos enfants sont confiées à
votre vigilance, et que vous êtes, pour une large part, responsables
de leur avenir et de la dignité ou de la déchéance morale de leur
vie.
En
vain chercheriez-vous à vous dérober à vos obligations, en
invoquant la tyrannie de la mode ou en essayant de vous abriter sous
le couvert de l'opinion publique.
Le
Christ n'est pas descendu parmi nous pour ratifier les abus d'un
monde pervers, mais pour nous décider, par ses exemples et par ses
enseignements, à les combattre.
La
société païenne était, à l'heure de sa-venue, esclave des
convoitises de l'or, de la volupté, de l'orgueil. Notre divin
Sauveur les dénonça avec autorité et nous apporta sa lumière et
la puissance de sa grâce, pour nous éclairer sur leur action
pernicieuse et pour nous en garantir.
Le
chrétien est disciple du Christ.
Il
a l'ambition de le prendre pour modèle, d'adopter pour règle de vie
son divin Évangile.
Vous
êtes chrétiens, vous voulez rester fidèles aux engagements sacrés
de votre baptême.
Prenez
donc conscience de votre dignité, rompez ouvertement avec les mœurs
païennes que le Christ a condamnées, et que nous, évêques
pasteurs de vos âmes, chargés de le représenter auprès de vous,
venons, à notre tour, publiquement réprouver.
Ces
mœurs s'affichent aujourd'hui scandaleusement sous une double forme,
dans les modes et dans les danses, qui ont pour but et pour unique
effet de flatter les instincts sensuels.
Les
modes : l’exiguïté des draperies, la transparence des
étoffes, la forme du vêtement, la disposition suspecte des lignes
imaginées par des couturiers sans scrupule, ne sont plus des moyens
de vêtir harmonieusement la femme honnête, mais des artifices
calculés pour la livrer à la convoitise.
Les
danses : le théâtre, les cinémas, les lectures, les
conversations des salons mondains offrent des dangers permanents,
contre lesquels vous avez à, vous tenir toujours en garde.
Mais
nous devons spécialement, au début de cette saison d'hiver,
dénoncer à la vigilance des familles qui ont le respect
d'elles-mêmes certaines danses lascives — il nous répugne de les
appeler par leur nom, et nous estimons, du reste, ce soin superflu —
auxquelles ni les jeunes gens, ni les jeunes filles, ni les personnes
mariées ne pourraient se livrer ou se prêter sans ravaler leur
dignité morale, sans mettre leur vertu et celle d'autrui gravement
en péril.
Ces
danses sont rigoureusement interdites : nous les réprouvons, nous
les condamnons.
Époux
chrétiens, vous vous êtes juré fidélité : ne vous ouvrez pas
mutuellement la voie à la violation de vos serments. Vous avez sondé
les désirs du cœur humain ; n'essayez donc.pas de vous persuader ou
de faire croire qu'il est incorruptible.
Mères
chrétiennes, pourquoi conduisez-vous vos jeunes filles dans le monde
?
Elles
sont innocentes, candides, elles ravissent par le charme de leur
modestie.
Dans
leur inconscience, elles ne cherchent peut-être qu'à plaire,
s'engouent de la mode, quelle qu'elle soit, sans beaucoup l'analyser,
uniquement attentives à attirer vers, elles les sympathies dont
leurs cœurs généreux ont besoin, trop inexpérimentées souvent
pour apprécier la qualité des sentiments qu'elles inspirent.
Mais
vous avez acquis une expérience qu'elles n'ont point.
Vous
le savez, vous, et devez le savoir : l'essentiel n'est pas que votre
fille, rencontre vaille que vaille un jeune homme qui, sur l'heure,
s'éprenne d'elle, mais qu'elle trouve un époux digne d'elle et de
vous, continuateur des traditions d'honneur et de foi que vous avez
su maintenir dans votre foyer.
Ne
la rabaissez donc pas au niveau de ces malheureuses qui mettent leur
dignité à l'encan. Gardez-la, protégez-la, veillez sur la pureté
de son imagination, sur la fraîcheur de ses affections, sur la grâce
de sa parure virginale.
Écartez
d'elle le décolletage osé, les artifices troublants, tout ce qui
porte à la luxure et dégrade.
Jeunes
gens, soyez loyaux, ne trompez pas les familles qui vous accueillent
avec confiance. Ne mettez pas votre orgueil dans le succès de la
séduction. Ayant le respect de la jeune fille, ne dites pas devant
elle ce que vous n'oseriez dire en présence de votre mère.
Gardez
intactes vos énergies. Ne souillez pas vos affections. Ne laissez
pas s'amollir votre caractère. Faites, selon le mot du P.
Lacordaire, la part plus large à votre cœur qu'à vos sens.
L'apologie
de la débauche, lût-elle l'œuvre d'un académicien est le geste
éhonté d'un impudique.
Chrétiens
et chrétiennes de tout âge et de toute condition, vous avez une
mission à remplir.
Le
grand pape saint Léon nous a légué cette belle pensée : « On
n'est pas bon quand on ne l'est que pour soi... Ce n'est pas être
sage que de n'aimer que pour soi la sagesse. »
Il
ne peut donc vous suffire, Nos très chers Frères, de ne point vous
assujettir aux mœurs païennes; il faut employer votre vigueur à
réagir contre elles, à enrayer leur marche, à faire reculer leur
audace. Vous avez l'honneur d'appartenir au Christ.
Vous
êtes enrichis de la grâce de la rédemption, vous possédez dans
votre écrin de famille le code de l’Évangile.
Vous
devez vous faire apôtres et opposer à la mode païenne la mode
chrétienne ; à la volupté, la réserve ; à la licence de la
passion, la docilité à l’Évangile et à l’Église.
«
Ne prenez pas le monde pour modèle, nous dit saint Paul dans la
liturgie de ce jour, mais soumettez vos inclinations mauvaises à
l'action transformante de la vie nouvelle que la grâce du
christianisme a versée dans vos âmes.
«
Je vous en supplie, dit-il encore, au nom de la divine miséricorde,
faites que vos corps soient dignes d'être offerts en hostie vivante,
sans souillure, agréable à Dieu, hommage d'un culte spirituel. »
Nous
prions les prêtres chargés de guider les consciences, les
directeurs et les directrices des maisons d'éducation, des
patronages, des associations chrétiennes, de vouloir s'inspirer de
la parole de leurs évêques, et la faire pénétrer, avec autant
d'énergie que de prudence, dans la conscience publique.
Nous
invitons toutes les âmes religieuses sous le regard desquelles
passeront ces lignes a dire une prière spéciale à la Très Sainte
Vierge Marie pour obtenir qu'elle protège la chasteté chrétienne
de nos foyer.
Que
de familles, même foncièrement honnêtes, ont besoin d'être aidées
!
Elles
voudraient résister à l'entraînement des modes avilissantes et des
plaisirs licencieux, elles en déplorent la vogue, mais cèdent à la
peur de se singulariser.
Ce
qui fait défaut, mais on n'ose se l'avouer, c'est le courage de
traiter le vice de haut, et de le mépriser. Les volontés sombrent
dans la lâcheté.
Parents
chrétiens, nous avons entendu l'appel discret de vos cœurs ; nous
vous avons placés en face de votre devoir.
À
vous de nous obéir et de mettre résolument la vertu de vos fils et
de vos filles, vos traditions d'honneur, la foi à l’Évangile, la
soumission à la volonté formelle de vos pasteurs, au-dessus d'un
misérable préjugé mondain.
Demandons
tous à Dieu, pour la jeune fille, la fierté, sauvegarde de sa
pudeur ; pour le jeune homme, la force d'être chaste ; pour l'époux,
l'autorité qui veille sur la dignité de sa femme ; pour l'épouse,
le respect de son époux ; pour les parents, la liberté chrétienne
qui les affranchisse des exigences malsaines de l'opinion publique.
Nous
vous en supplions, Seigneur, lisez dans le cœur de ce peuple qui est
à genoux devant vous, et, du haut du ciel, poursuivez-le de votre
miséricordieux amour : faites-lui discerner son devoir, et, quand il
l'aura vu, donnez-lui la force de l'accomplir. Nous vous le demandons
par Jésus-Christ. Notre-Seigneur.
✝ DÉSIRÉ-JOSEPH, cardinal MERCIER,
archevêque de Malines ;
✝
ANTOINE, évêque de Gand ;
✝
GUSTAVE-JOSEPH, évêque de Bruges ;
✝
CHARLES-GUSTAVE, évêque de Tournai ;
✝
THOMAS-LOUIS, évêque de Namur ;
✝
MARTIN-HUBERT, évêque de Liège.
Référence
« Un
lettre collective de l'épiscopat belge », dans Paroisse
de l'Immaculée Conception de Paris,
4e
année, n°24, février 1914, p.
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