Louis Isaac Lemaistre de Sacy, par Philippe de Champaigne |
Saint
Paul dit que Dieu « nous a
élus avant la création du monde, et nous a prédestinés par
l’amour qu’Il nous a porté, et par un pur effet de Sa bonne
volonté (Éphésiens 1,
4-5) »;
et ailleurs : « Ceux
qu’Il a connus dans Sa prescience, Il les aussi prédestinés. »
C’est
ce que le prince des Apôtres [saint Pierre] dit aussi de ceux à qui il écrit,
qu’ils « sont élus selon la prescience ou la prédestination
de Dieu le Père (1
Pierre 1, 2). » Cette
élection ne s’entend pas de tous les particuliers, mais de leurs
saintes assemblées, qui étaient composées des principaux membres
que « Dieu a choisis dans Sa prescience (Romains 11, 2). »
Cette prescience signifie prédilection, qui exclut l’idée de
quelque mérite que ce soit qui prévienne l’élection de notre
part.
Saint
Paul dit que nous avons été choisis par cet amour tout gratuit,
« afin que nous fussions saints (Éphésiens 1, 4). » Et
ailleurs en parlant aux Thessaloniciens : « Il vous a
choisis dès le commencement pour vous sauver par la sanctification
de l’Esprit. (2 Thessaloniciens 1, 13). »
Ce
sont les mêmes termes dont use saint Pierre : « pour
recevoir la sanctification du Saint-Esprit (1
Pierre 1, 2) », c’est-à-dire
l’Esprit qui sanctifie, « pour obéir à la foi, et être
arrosés du sang de Jésus Christ (Ibid.)
. »
Saint
Paul dit de même, qu’il a été choisi apôtre (Romains
1, 5) « pour faire
obéir à la foi », et que ceux qui n’obéissent point à
l’Évangile de notre Seigneur Jésus Christ, souffriront la peine
d’une éternelle damnation.
Le
mystère de notre rédemption est ici exprimé par l’aspersion du
sang de Jésus Christ sur eux, c’est-à-dire par l’application
des mérites de Sa mort et par la vertu très efficace de ce précieux
sang, pour nettoyer leurs âmes des souillures de leurs péchés. Nul
ne peut être purifié de ses péchés s’il n’est arrosé de ce
sang, et si le mérite de la passion de Jésus-Christ ne lui est
appliqué, parce qu’Il est cet « Agneau sans tâche et
sans défaut (1 Pierre 1, 19) », que « Dieu a proposé
pour être la victime de réconciliation par la foi que les hommes
auraient eue en Son sang (Romains 3, 25). » C’est de
cette aspersion dont parle le prophète Isaïe, en ces termes :
« Il arrosera [de Son sang] la multitude des nations (Isaïe
52, 15). » Cette aspersion est figurée par celles qui se faisaient du
sang des victimes de l’Ancienne Loi ; mais saint Pierre a
principalement en vue celle dont il est fait mention [en] Exode 24 et
que nous expliquerons encore par les propres paroles de saint Paul.
Il dit donc que « Moïse ayant récité devant tout le peuple
toutes les ordonnances de la loi, prit du sang des veaux et des boucs
(…) et en jeta sur le Livre même et sur le peuple, en disant :
“C’est le sang du Testament et de l’Alliance que Dieu a faite
en votre faveur.” Il jeta encore du sang sur le Tabernacle et sur
les vases qui servaient au culte de Dieu. Et selon la Loi, presque
tout se purifie avec le sang et les péchés ne sont point remis sans
effusion de sang (Hébreux 9, 19-22). » « Que si —
dit-il un peu auparavant — le sang des boucs et des taureaux et
l’aspersion de l’eau mêlée avec la cendre d’une génisse,
sanctifie ceux qui ont été souillés, en leur donnant une pureté
extérieure et charnelle, combien plus le sang de Jésus Christ qui
s’est offert lui-même à Dieu par le Saint-Esprit comme une
victime sans tâche, purifiera-t-Il notre conscience des œuvres
mortes, pour nous faire rendre un vrai culte au Dieu
vivant (Hébreux 9, 13-14) ? »
Voilà
comment ces deux grands apôtres qui étaient si unis dans le
gouvernement de l’Église, se sont si bien accordés dans
l’interprétation de ces mystères.
Les
interprètes remarquent ici que les trois Personnes divines
conspirent au salut des élus : le Père comme le
principe de leur élection par Sa prescience éternelle et Son
amour tout gratuit ; le Fils comme la victime de
leurs péchés et la source de tous leurs mérites ; le
Saint-Esprit comme l’esprit d’adoption et d’amour qui
leur donne la naissance, les anime, les sanctifie, les fait agir et
les conduit à la gloire.
Ce
bienfait est si grand que ce saint apôtre, tout plein de
reconnaissance, commence son épître par des actions de grâces à
Dieu de cette ineffable bonté qu’Il a pour Ses élus (1 Pierre 1,
3). C’est ce que fait aussi saint Paul au commencement de sa
seconde épître aux Corinthiens [« Béni soit Dieu, le Père
de notre Seigneur Jésus-Christ, le Père des miséricordes et le
Dieu de toute consolation, (…). (2 Corinthiens 1, 3) »] et de
celle aux Éphésiens en même terme : « Béni soit Dieu
le Père de notre Seigneur Jésus Christ (Éphésiens 1, 3). »
Dieu est de toute éternité par sa nature Père de Jésus-Christ
quant à sa divinité ; mais Il l’est encore quant à
l’humanité que Dieu en trois Personnes a formée dans le sein de
la bienheureuse Vierge Marie par l’opération du Saint-Esprit. Dans
l’Ancien Testament, Dieu s’appelait le Dieu d’Abraham pour se
distinguer par cette marque de toutes les fausses divinités ;
mais depuis qu’Il s’est manifesté au monde dans Jésus Christ,
il ne veut plus être connu que dans ce « Fils bien-aimé en
qui Il a mis toute [Son] affection (Matthieu 17, 5) ».
Ainsi
les apôtres usent de cette expression pour nous remplir du souvenir
de « ce grand mystère de la piété [où Dieu] a paru
revêtu de chair (1 Timothée 3, 16) », pour procurer aux
hommes le salut éternel. Quand saint Paul parle de ce mystère, il
ne trouve point de termes pour en concevoir l’excellence et le
mérite : « afin — dit-il en parlant aux Éphésiens —
que vous puissiez comprendre quelle est la largeur, la longueur, la
hauteur et la profondeur de ce mystère ; et connaître l’amour
de Jésus Christ envers nous qui surpasse toute connaissance. »
Mais
saint Pierre en parle aussi avec une majesté bien digne de la
gravité du prince des apôtres : c’est — dit-il — par la
pur motif de Sa miséricorde infinie qu’Il a voulu réparer le
malheur de notre première naissance en Adam par une nouvelle
naissance plus heureuse, et « nous a régénérés par la
résurrection de Jésus Christ d’entre les morts (1
Pierre 1, 3). » On peut voir ce qui a été dit de cette régénération
sur le v[erset] 18 du ch[apitre] 1 de l’épître de saint Jacques
[: « De Sa propre volonté, Il nous a engendrés par la parole de
la vérité, afin que nous soyons comme les prémices de Ses
créatures. »].
Mais
comment est-ce plutôt par la résurrection de Jésus Christ que par
Sa passion que nous avons été régénérés ? C’est — dit
saint Paul — « qu’Il a été livré à la mort pour nos
péchés ; mais qu’Il est ressuscité pour notre
justification (Romains 4, 25). » Ce n’était pas assez
de mourir pour effacer nos péchés ; il fallait aussi qu’Il
triomphât de la mort par Sa résurrection ; et comme « notre
vieil homme a été crucifié avec lui (Romains 6, 6) », afin
que, « comme Il est ressuscité d’entre les morts par la
gloire de Son Père, nous marchassions aussi dans une nouvelle vie.
Car si nous avons été entés en lui par la ressemblance de Sa mort,
nous y serons aussi par la ressemblance de Sa résurrection (Romains
6, 4b-5). » Les membres doivent suivre leur chef ; ainsi nous
devons être animés d’une espérance vive qui nous donne une
grande confiance que nous arriverons à la vie éternelle où Il nous
a précédés.
Cette
espérance de la part de Dieu est aussi certaine que l’est Sa
fidélité même et Sa vérité sainte, qui ne peut point se
démentir. C’est ce qui fait dire à saint Paul que « nous
avons entrée par la foi à cette grâce dans laquelle nous demeurons
fermes et nous nous glorifions dans l’espérance de la gloire des
enfants de Dieu (Romains 5, 2). » Il en parle même comme d’une
chose faite et qui est déjà arrivé : « Il nous a
ressuscités avec lui et nous a fait asseoir dans le Ciel avec Jésus
Christ (Éphésiens 2, 6) » dit ce saint apôtre ; et pour
arrhes de cette assurance, Il nous a donné Son Esprit Saint qui
« rend lui-même témoignage à notre esprit que nous sommes
enfants de Dieu. Que si nous sommes enfants, nous sommes aussi
héritiers de Dieu et cohéritiers de Jésus Christ (Romains 8,
16-17). »
Source
Louis Isaac Le Maistre de Sacy, prêtre, Epistres catholiques traduites en françois, avec une explication tirée des SS. Peres et des Auteurs ecclésiastiques, Guillaume Desprez, Paris, 1703, p. 166-171.
Louis Isaac Le Maistre de Sacy, prêtre, Epistres catholiques traduites en françois, avec une explication tirée des SS. Peres et des Auteurs ecclésiastiques, Guillaume Desprez, Paris, 1703, p. 166-171.
L’orthographe
et la ponctuation ont été modernisés par l’auteur de ce blogue.
Les références scripturaires ont été quelquefois rajoutées quand
elles manquaient dans le texte original.