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samedi 21 juillet 2018

L'amour que Dieu nous porte et le mystère de notre rédemption par la Passion du Christ, selon L. I. Le Maistre de Sacy, 1703


Louis Isaac Lemaistre de Sacy, par Philippe de Champaigne

Saint Paul dit que Dieu « nous a élus avant la création du monde, et nous a prédestinés par l’amour qu’Il nous a porté, et par un pur effet de Sa bonne volonté (Éphésiens 1, 4-5) »; et ailleurs : « Ceux qu’Il a connus dans Sa prescience, Il les aussi prédestinés. »

C’est ce que le prince des Apôtres [saint Pierre] dit aussi de ceux à qui il écrit, qu’ils « sont élus selon la prescience ou la prédestination de Dieu le Père (1 Pierre 1, 2). » Cette élection ne s’entend pas de tous les particuliers, mais de leurs saintes assemblées, qui étaient composées des principaux membres que « Dieu a choisis dans Sa prescience (Romains 11, 2). » Cette prescience signifie prédilection, qui exclut l’idée de quelque mérite que ce soit qui prévienne l’élection de notre part.

Saint Paul dit que nous avons été choisis par cet amour tout gratuit, « afin que nous fussions saints (Éphésiens 1, 4). » Et ailleurs en parlant aux Thessaloniciens : « Il vous a choisis dès le commencement pour vous sauver par la sanctification de l’Esprit. (2 Thessaloniciens 1, 13). »

Ce sont les mêmes termes dont use saint Pierre : « pour recevoir la sanctification du Saint-Esprit (1 Pierre 1, 2) », c’est-à-dire l’Esprit qui sanctifie, « pour obéir à la foi, et être arrosés du sang de Jésus Christ (Ibid.) . »

Saint Paul dit de même, qu’il a été choisi apôtre (Romains 1, 5) « pour faire obéir à la foi », et que ceux qui n’obéissent point à l’Évangile de notre Seigneur Jésus Christ, souffriront la peine d’une éternelle damnation. 

Le mystère de notre rédemption est ici exprimé par l’aspersion du sang de Jésus Christ sur eux, c’est-à-dire par l’application des mérites de Sa mort et par la vertu très efficace de ce précieux sang, pour nettoyer leurs âmes des souillures de leurs péchés. Nul ne peut être purifié de ses péchés s’il n’est arrosé de ce sang, et si le mérite de la passion de Jésus-Christ ne lui est appliqué, parce qu’Il est cet « Agneau sans tâche et sans défaut (1 Pierre 1, 19) », que « Dieu a proposé pour être la victime de réconciliation par la foi que les hommes auraient eue en Son sang  (Romains 3, 25). » C’est de cette aspersion dont parle le prophète Isaïe, en ces termes : « Il arrosera [de Son sang] la multitude des nations (Isaïe 52, 15). » Cette aspersion est figurée par celles qui se faisaient du sang des victimes de l’Ancienne Loi ; mais saint Pierre a principalement en vue celle dont il est fait mention [en] Exode 24 et que nous expliquerons encore par les propres paroles de saint Paul. Il dit donc que « Moïse ayant récité devant tout le peuple toutes les ordonnances de la loi, prit du sang des veaux et des boucs (…) et en jeta sur le Livre même et sur le peuple, en disant : “C’est le sang du Testament et de l’Alliance que Dieu a faite en votre faveur.” Il jeta encore du sang sur le Tabernacle et sur les vases qui servaient au culte de Dieu. Et selon la Loi, presque tout se purifie avec le sang et les péchés ne sont point remis sans effusion de sang (Hébreux 9, 19-22). » « Que si — dit-il un peu auparavant — le sang des boucs et des taureaux et l’aspersion de l’eau mêlée avec la cendre d’une génisse, sanctifie ceux qui ont été souillés, en leur donnant une pureté extérieure et charnelle, combien plus le sang de Jésus Christ qui s’est offert lui-même à Dieu par le Saint-Esprit comme une victime sans tâche, purifiera-t-Il notre conscience des œuvres mortes, pour nous faire rendre un vrai culte au Dieu vivant  (Hébreux 9, 13-14) ? »

Voilà comment ces deux grands apôtres qui étaient si unis dans le gouvernement de l’Église, se sont si bien accordés dans l’interprétation de ces mystères.

Les interprètes remarquent ici que les trois Personnes divines conspirent au salut des élus : le Père comme le principe de leur élection par Sa prescience éternelle et Son amour tout gratuit ; le Fils comme la victime de leurs péchés et la source de tous leurs mérites ; le Saint-Esprit comme l’esprit d’adoption et d’amour qui leur donne la naissance, les anime, les sanctifie, les fait agir et les conduit à la gloire.

Ce bienfait est si grand que ce saint apôtre, tout plein de reconnaissance, commence son épître par des actions de grâces à Dieu de cette ineffable bonté qu’Il a pour Ses élus (1 Pierre 1, 3). C’est ce que fait aussi saint Paul au commencement de sa seconde épître aux Corinthiens [« Béni soit Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus-Christ, le Père des miséricordes et le Dieu de toute consolation, (…). (2 Corinthiens 1, 3) »] et de celle aux Éphésiens en même terme : « Béni soit Dieu le Père de notre Seigneur Jésus Christ (Éphésiens 1, 3). » Dieu est de toute éternité par sa nature Père de Jésus-Christ quant à sa divinité ; mais Il l’est encore quant à l’humanité que Dieu en trois Personnes a formée dans le sein de la bienheureuse Vierge Marie par l’opération du Saint-Esprit. Dans l’Ancien Testament, Dieu s’appelait le Dieu d’Abraham pour se distinguer par cette marque de toutes les fausses divinités ; mais depuis qu’Il s’est manifesté au monde dans Jésus Christ, il ne veut plus être connu que dans ce « Fils bien-aimé en qui Il a mis toute [Son] affection (Matthieu 17, 5) ».

Ainsi les apôtres usent de cette expression pour nous remplir du souvenir de « ce grand mystère de la piété [où Dieu] a paru revêtu de chair (1 Timothée 3, 16) », pour procurer aux hommes le salut éternel. Quand saint Paul parle de ce mystère, il ne trouve point de termes pour en concevoir l’excellence et le mérite : « afin — dit-il en parlant aux Éphésiens — que vous puissiez comprendre quelle est la largeur, la longueur, la hauteur et la profondeur de ce mystère ; et connaître l’amour de Jésus Christ envers nous qui surpasse toute connaissance. »

Mais saint Pierre en parle aussi avec une majesté bien digne de la gravité du prince des apôtres : c’est — dit-il — par la pur motif de Sa miséricorde infinie qu’Il a voulu réparer le malheur de notre première naissance en Adam par une nouvelle naissance plus heureuse, et « nous a régénérés par la résurrection de Jésus Christ d’entre les morts (1 Pierre 1, 3). » On peut voir ce qui a été dit de cette régénération sur le v[erset] 18 du ch[apitre] 1 de l’épître de saint Jacques [: « De Sa propre volonté, Il nous a engendrés par la parole de la vérité, afin que nous soyons comme les prémices de Ses créatures. »].

Mais comment est-ce plutôt par la résurrection de Jésus Christ que par Sa passion que nous avons été régénérés ? C’est — dit saint Paul — « qu’Il a été livré à la mort pour nos péchés ; mais qu’Il est ressuscité pour notre justification (Romains 4, 25). » Ce n’était pas assez de mourir pour effacer nos péchés ; il fallait aussi qu’Il triomphât de la mort par Sa résurrection ; et comme « notre vieil homme a été crucifié avec lui (Romains 6, 6) », afin que, « comme Il est ressuscité d’entre les morts par la gloire de Son Père, nous marchassions aussi dans une nouvelle vie. Car si nous avons été entés en lui par la ressemblance de Sa mort, nous y serons aussi par la ressemblance de Sa résurrection (Romains 6, 4b-5). » Les membres doivent suivre leur chef ; ainsi nous devons être animés d’une espérance vive qui nous donne une grande confiance que nous arriverons à la vie éternelle où Il nous a précédés.

Cette espérance de la part de Dieu est aussi certaine que l’est Sa fidélité même et Sa vérité sainte, qui ne peut point se démentir. C’est ce qui fait dire à saint Paul que « nous avons entrée par la foi à cette grâce dans laquelle nous demeurons fermes et nous nous glorifions dans l’espérance de la gloire des enfants de Dieu (Romains 5, 2). » Il en parle même comme d’une chose faite et qui est déjà arrivé : « Il nous a ressuscités avec lui et nous a fait asseoir dans le Ciel avec Jésus Christ (Éphésiens 2, 6) » dit ce saint apôtre ; et pour arrhes de cette assurance, Il nous a donné Son Esprit Saint qui « rend lui-même témoignage à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu. Que si nous sommes enfants, nous sommes aussi héritiers de Dieu et cohéritiers de Jésus Christ (Romains 8, 16-17). »

 
Source

Louis Isaac Le Maistre de Sacy, prêtre, Epistres catholiques traduites en françois, avec une explication tirée des SS. Peres et des Auteurs ecclésiastiques, Guillaume Desprez, Paris, 1703, p. 166-171.

L’orthographe et la ponctuation ont été modernisés par l’auteur de ce blogue. Les références scripturaires ont été quelquefois rajoutées quand elles manquaient dans le texte original.