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lundi 24 juillet 2017

Une injuste mise en cause de la tradition, selon le Bienheureux Paul VI, 1969



La communion ecclésiale est aussi communion avec les siècles qui ont fait l’Église.
(Audience publique, 5 novembre 1969)

 
Le Bienheureux Paul VI - Portrait officiel
 

Chers Fils et Filles,

La réflexion de l'opinion publique dans l'Église se porte au­jourd'hui sur le caractère communautaire de l'Église elle-même. 
 
- L'Église est le Corps mystique du Christ, a-t-on dit ;
 
- l'Église est le Peuple de Dieu
 
- l'Église est une communion, communion vi­tale, par l'intermédiaire de l'Esprit-Saint, âme de l'Église, avec le Christ et avec la communauté des fidèles.

C'est une réflexion théologique fondamentale. Il est bon de nous y arrêter. 
 
Elle répond, en l'anticipant et en l'intégrant, à la mentalité moderne, si em­preinte de sociologie et, sur le plan religieux, elle nous montre en­core une fois la supériorité et la valeur de la foi, même dans le do­maine social, tandis que sur les plans moral, pédagogique et pra­tique, cette méditation sur la solidarité, qui constitue les vrais chrétiens en « un seul cœur et une seule âme » (Actes des Apôtres 4, 32), présente des devoirs plus urgents, spécialement dans l'exercice de cette vertu fondamentale qu'est la charité ; ces devoirs tendent à beaucoup modifier nos façons de penser, toujours orientées vers l'égoïsme, et notre comportement ecclésial et social.

Cette vie :
 
- dans la prière, 
 
- dans le sentiment communautaire, 
 
- dans le dialogue avec nos semblables, 
 
- dans l'intérêt porté aux nécessités d'autrui et au bien commun, 
 
cette vie commune spirituelle, cette « societas spiritus », communion dans l'esprit (Philippiens 2, 1), comme dit S. Paul, est très belle mais elle n'est pas facile.

Elle trouve même dans les courants d'idées de notre temps, d'autres conceptions, elles aussi importantes, qui la contredisent et que seule la sages­se de notre système chrétien (appelons-le ainsi) réussit à harmoniser, comme :

- le culte de la liberté,

- la réhabilitation de la personnalité et de la dignité humaines,

- la primauté relative de la conscien­ce,

- la préférence donnée à l'expérience religieuse sur l'observance des règles canoniques,

- et finalement — peut-être la première — la conception révolutionnaire, appliquée à toute sorte de progrès, de réforme, de renouveau, d'aggiornamento : le terme « révolution » a désormais libre cours dans l'échange d'idées génératrices d'ordre et de paix.

Deux formes, plus accentuées que les autres, de cet esprit d'in­dépendance et même de rébellion, qui a beaucoup pénétré aussi dans les milieux de vie ecclésiale, semblent exiger une mention particulière, parce qu'elles sont plus en opposition avec cet esprit de communion, que la réalité actuelle de l'Église présente à notre conscience comme le souffle vivifiant et actuel de la Parole de Dieu : 
 
- la rupture avec la tradition 
 
- et la disparition de l'obéissance (mais Nous ne parlerons pas de celle-ci maintenant).


Une injuste mise en cause de la tradition

La tradition ! Elle ne dit plus rien aux innovateurs, même bons, de notre époque. 
 
Les jeunes, malheureusement (et pour une part Nous le comprenons, justement parce qu'ils sont jeunes) prennent en grippe tout ce qui précède l'actualité, leur vie d'aujourd'hui et leur course vers la nouveauté et vers l'avenir.

Mais il ne s'agit pas seulement des jeunes ; les sages aussi parlent de rupture avec le passé, avec les générations précédentes, avec les formes conven­tionnelles, avec l'héritage des anciens.

Une phraséologie superficielle et très imprudente est entrée aussi dans le langage habituel de l'Église ; 
 
- on parle d'ère constantinienne pour disqualifier toute l'histoire séculaire de l'Église jusqu'à nos jours ; 
 
- ou même de men­talité préconciliaire pour dévaluer arbitrairement un patrimoine catholique de pensée et de mœurs, qui aurait tant de valeurs dignes d'être appréciées ; 
 
- on en arrive à des expressions et à des comportements parfois si négatifs qu'ils engendrent la confusion et la dé­sagrégation au sein de la communauté ecclésiale, et tels qu'ils font croire que les normes en vigueur et les habitudes pacifiques ne tiennent plus.

Ce discours pourrait malheureusement continuer ; mais chacun peut le faire pour son compte. Il devient difficile là où l'on doit distinguer ce à quoi il ne faut pas renoncer dans le vaste héritage de la tradition 
 
- de ce qui est précieux, mais en soi non nécessaire à la consistance constitutionnelle de l'Église et à sa vita­lité authentique ; 
 
- et de ce qui est habitude, mais de valeur discutable, 
 
- et enfin de ce qui provient du passé et est vieux, superflu, nui­sible, et donc digne d'être abandonné ou soumis à une réforme courageuse. 
 
Cet inventaire de l'héritage ancien exige compétence et autorité ; dans une communauté telle que l'Église, aucun parti­culier ne peut le faire publiquement ou pratiquement par lui-même ; et il peut encore moins, une fois l'inventaire fait, établir seul le choix à faire de ce qui doit rester et de ce qui peut être laissé de côté.

L'Église, dans ses organismes autorisés, après le Concile, est en train de faire cet inventaire ; et qui lui est fidèle ne doit pas s'arroger le droit d'en anticiper ou d'en contredire le juge­ment
 
Rien dans l'Église ne doit être arbitraire, téméraire, tumul­tueux. L'Église est comme une symphonie : aucun des instruments, même les plus importants, ne peut jouer dans un orchestre ce qu'il lui plaît et comme il lui plaît.


Valeur et richesse de l'héritage ecclésial

Nous voudrions maintenant plutôt recommander aux fils cons­cients et fidèles de revoir leur instinctive antipathie pour la tra­dition ecclésiastique
 
Avant tout, elle est le véhicule de la doctrine et de la succession apostolique ; le Christ ne peut être présent au­jourd'hui sans la reconnaissance du canal historique et humain qui nous conduit à la source de son apparition évangélique. 
 
En outre, la tradition est la richesse, l'honneur, la force de notre mai­son, l'Église catholique. 
 
La tradition, dans son contexte historique, contient, bien sûr, beaucoup d'éléments caducs et même répréhensibles ; mais le jugement droit, à donner sur ces éléments discutables ou négatifs, devra justement être « historique », c'est-à-dire évalué en vue des circonstances des temps et des expériences con­temporaines et successives des événements, en se souvenant que l'Église, sainte dans son institution et dans sa vertu sanctificatrice, de parole, de grâce, de ministère, est composée de la même pâte qu'Adam, et que ses descendants, faibles, trompeurs et pécheurs.

Une connaissance intelligente, une critique juste, une évaluation sagace de la tradition ne seront pas un frein mais un guide pour ceux qui veulent le renouveau ecclésial souhaité pour notre temps ; elles leur insuffleront cette sympathie aimante, presque une sympathie de famille pour les événements du passé de l'Église et pour ce qui nous est transmis par ce courant.

Nous acquerrons, ce fai­sant, un enrichissement et une sécurité pour le colloque aposto­lique avec notre génération, privée par les révolutions actuelles d'une culture éprouvée par les siècles et inébranlable dans les tempêtes de l'histoire, comme celle que la tradition nous donne gratuitement.

Nous rappelons que la communion ecclésiale, dont notre spiritualité actuelle veut vivre, comporte une solidarité avec nos frères qui nous ont précédés dans le signe de la foi et dorment du sommeil de la paix.

C'est pour eux que nous vivons et que nous sommes ici, pèlerins nous-mêmes vers le Christ à venir. Au nom duquel Nous vous bénissons tous.


Source : http://www.clerus.org/bibliaclerusonline/es/cui.htm#vi
 
Remarque : La mise en forme du texte est le fait de l'auteur de ce blogue, afin de mieux faire apparaître la structure de la pensée du Saint-Père.