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samedi 16 décembre 2017

Le chrétien doit vivre polarisé vers le Christ ressuscité et glorieux, selon le Bienheureux Paul VI, 1971


Audience publique, 28 avril 1971
 
Le Bienheureux Paul VI - Portrait officiel



Chers Fils et Filles,

La Pâque récemment célébrée offre un thème fondamental à la réflexion de ceux qui ont compris l’importance détermi­nante de ce mystère dans notre vie : il réclame une cohérence, un style chrétien dans la conduite, disions-nous ; il impose et suscite un renouvellement dans la mentalité intérieure et dans le comportement extérieur ; et le thème est celui-ci : 

Pourquoi et quelle est l’influence du drame du Christ mort et ressuscité sur la conception de notre existence et sur la moralité de notre vie qui en découle ?

Parce que le drame du Christ envahit notre destinée ; nous vivons ce drame initialement par le baptême et avec tout ce qui le suit : nous avons été mystiquement ensevelis et ressuscités avec Lui (Romains 6, 4). 

Nous sommes associés au « passage » du Christ de cette vie naturelle au nouvel état mystérieux et surnaturel dans lequel Il est entré, même corporellement. Pâques veut dire en effet passage (cf. Exode 12, 11). Et nous sommes destinés en puis­sance, si nous sommes fidèles et persévérants, à Le rejoindre dans sa nouvelle et ineffable condition d’existence

À présent, comme l’écrit saint Paul : « Nous-mêmes qui possédons les pré­mices de l’Esprit, nous gémissons nous aussi intérieurement dans l’attente de l’adoption, c’est-à-dire de la rédemption de notre corps. C’est par mode d’espérance que nous sommes sauvés » (Romains 8, 23-24). 

Un mystère de communion nous relie déjà au Christ (cf. Éphésiens 2, 5). 

Et c’est pour cela que non seulement notre spiritualité mais aussi notre mentalité, notre conception de la vie, notre calcul à propos de notre sort futur sont transférés au-delà du temps, au-delà de l’horizon présent ; nous sommes pola­risés vers le Christ ressuscité, dans son état de gloire. Nous de­vons vivre « eschatologiquement », c’est-à-dire tendus vers la fin dernière, ultra-terrestre. 

« Nous n’avons pas ici-bas de cité per­manente, mais nous recherchons celle de l’avenir» (Hébreux 13, 14). C’est encore saint Paul qui nous exhorte : « Du moment donc que vous êtes ressuscités avec le Christ (voici notre célébration pascale) recherchez les choses d’en-haut, là où se trouve le Christ, assis à la droite de Dieu (c’est-à-dire associé même comme Hom­me à sa gloire et à sa puissance). Ayez le goût des choses d’en haut, non de celles de la terre » (Colossiens 3, 1-2).

Cette conception de la vie donne une empreinte spirituelle, mentale, pratique au chrétien. C’est sa philosophie. C’est sa sa­gesse. Elle a une grande importance doctrinale. 

Pouvons-nous dire, comme certains, 

- que cet enseignement apocalyptique, escha­tologique, c’est-à-dire sur l’au-delà, est un pur langage symboli­que pour nous faire comprendre la nouveauté de la doctrine évangélique, déjà réalisée et utilisée par le Christ pendant son séjour dans le temps ? 

- Ou pouvons-nous croire avec d’autres que c’est seulement dans ce monde eschatologique que se réalise ob­jectivement notre salut ? 

Deux manières de penser, une de la réa­lité future, l’autre de la réalité présente à propos de l’économie du salut, qui ne tiennent pas compte de notre doctrine de la foi et qui peuvent produire de fatals déséquilibres dans l’interpréta­tion et dans l’application du christianisme authentique.

Le premier et le plus commun déséquilibre est celui de ne pas penser, et souvent de ne plus croire à notre vie future, à celle qui suit après notre mort corporelle. La vie présente serait la seule dont il nous soit donné de jouir ou de souffrir. La réduction ra­dicale de notre existence actuelle aux limites du temps, comme le sécularisme aujourd’hui à la mode nous habitue à le faire, vient en pratique à nier l’immortalité de l’âme, à insinuer l’indif­férence sur notre sort futur, à affirmer l’importance exclusive du temps présent, de l’instant qui passe. On conclut par l’accepta­tion, si même on l’accepte, de ce qui dans l’Évangile sert immédia­tement pour les intérêts terrestres de l’humanité et par laisser enfin le doute et le découragement étouffer la vraie espérance, la « vraie lumière qui éclaire tout homme qui vient en ce monde » (Jean 1, 9). 

On n’écoute plus ce qui est dit sur le paradis et sur l’enfer. Que devient et que peut devenir la scène du monde sans cette référence obligatoire à une justice transcendante et inexorable ? (cf. Matthieu 25). Et que serons-nous si, au lieu du Christ frère, maître et pasteur de nos jours mortels, celui-ci s’érige comme juge im­placable sur le seuil du jour immortel ?

Voici une des règles fondamentales de la vie chrétienne : elle doit être vécue en fonction de sa destinée eschatologique, future et éternelle. Oui, il y a de quoi trembler. C’est encore la voix de l’Apôtre qui nous avertit : « Travaillez avec crainte et tremblement à accomplir votre salut » (Philippiens 2, 12). 

De cette considération sur la gravité et sur la problématique de notre sort final, la moralité ou mieux la sainteté de la vie chrétienne a tiré une très large mé­ditation et des énergies sans égales.

Mais il est bon de conclure par deux considérations : 

- celle de la « puissance de la résurrection du Christ » (Philippiens 3, 10), qui en­vahit le croyant qui pense au mystère pascal et à son attrait enivrant et salvifique

- Et celle de la surélévation, non de la dépré­ciation, comme beaucoup le supposent, de la vie présente par le fait qu’elle est ordonnée à la vie future : si celle-ci représente la plénitude de notre heureux destin, quelle importance, quelle valeur acquiert notre pèlerinage présent qui y conduit ? Rappe­lez-vous la parabole des talents (Matthieu 25, 14-30).

Avec  notre  Bénédiction  Apostolique.


Source : http://www.clerus.org/bibliaclerusonline/es/cuz.htm#xr.

RemarqueLa mise en forme du texte est le fait de l'auteur de ce blogue, afin de mieux faire apparaître la structure de la pensée du Saint-Père.