Il faut se méfier de la passion dans le domaine de l'histoire.
Il s'agit également de toujours vérifier les sources d'un document.
La passion qui veut défendre ou détruire, peut conduire à mal interpréter un texte, voire, ce qui est plus grave, à le falsifier.
François
J. Lessard, dans son livre Les héritiers de l'impérialisme
romain (éditions
Louise Courteau éd., 2005,
Saint-Zénon (Québec, Canada)), manifeste une passion
anti-papiste très déterminée et constante, tout au long de
l'ouvrage. Ce dernier, qui parcourt toute l'histoire de l'Église
catholique romaine, est, finalement, un pamphlet qui tombe des mains.
L'auteur souhaite montrer que la papauté s'est abusivement octroyée
les États du Patrimoine de Saint-Pierre en s'appuyant sur de faux
documents et que l'Église romaine, dans sa constitution et ses
actes, n'est qu'un outrage pour la véritable Église catholique,
universelle, celle supposément voulue par le Christ
Un
exemple montrera le risque que présente une telle attitude
unilatérale et passionnée.
Pie V, par El Greco, v. 1600-1610 |
« Qu'aucune
considération humaine ou divine ne vous arrête dans la sainte voie
où vous êtes entré : … torturez sans pitié, tenaillez,
déchirez sans miséricorde, brûlez impitoyablement votre père,
votre mère, vos frères et vos sœurs, s'ils ne sont pas
aveuglément soumis à l'Église catholique, apostolique et romaine.
[…] Vous soudoierez en outre autant d'espions que vous pourrez en
payer ; vous les chargerez de surveiller les séculiers comme les
ecclésiastiques … jamais vous ne révoquerez en doute leurs
dépositions, et vous frapperez ceux qu'ils vous désigneront,
innocents ou coupables, attendu qu'il vaut mieux faire mourir un
innocent que laisser vivre un coupable. »
L'auteur
dit avoir tiré cet extrait de l'ouvrage de Pol Chantraine, La vie
mouvementée des papes, éditions
« Vert, Blanc, Rouge », Montréal (Québec, Canada),
1972, p. 123-124.
Or,
le passage considéré est lui-même un extrait tronqué de l'ouvrage
de Maurice La Châtre, Histoire
des papes, crimes, meurtres, empoisonnements, parricides, adultères,
incestes, depuis saint Pierre jusqu'à Grégoire XVI,
tome VII, 1843, p. 281-284.
Il a été construit à partir du mémoire adressé au Père Felice Peretti de Montalto (futur Sixte Quint), inquisiteur général de Venise par le Père Michele Ghisilieri (futur Pie V), inquisiteur général de l'Inquisition de Rome.
Il a été construit à partir du mémoire adressé au Père Felice Peretti de Montalto (futur Sixte Quint), inquisiteur général de Venise par le Père Michele Ghisilieri (futur Pie V), inquisiteur général de l'Inquisition de Rome.
On
mettra ainsi en parallèle, dans le tableau suivant, le texte tiré
de Maurice La Châtre et le texte probablement original, celui de
Gregorio Leti extrait, ici, de l'édition française de 1717
(l'orthographe a été modernisée, des majuscules ont été supprimées, des ajouts entre crochets veulent rendre le texte plus facile à comprendre).
TEXTE DE M. LA
CHÂTRE (1843)
|
TEXTE DE G. LETI
(1717)
|
Pour
donner une idée exacte de la férocité de Michel Ghisleri [saint
Pie V] avant qu'il fût pape, nous citerons textuellement quelques
passages des instructions qu'il adressait à l'inquisiteur de
Venise :
L'inspecteur
général des tribunaux du Saint-Office au vénérable Montalte,
inquisiteur de Venise.
Mon très-cher frère, votre Révérence aura toujours présent à la pensée que l'autorité dont elle a l'honneur d'être revêtue doit la rendre impassible, immuable et inflexible comme la justice de Dieu, qu'elle est appelée à exercer sur la terre.
Et
afin de ne pas l'oublier, vous ferez placer au dessus de votre
tribunal un crucifix de fer
avec
une légende contenant ces paroles de l'Écriture : « Ce
lieu est terrible ; c'est la porte de l'enfer ou du ciel ! »
Rappelez-vous que les devoirs de votre charge sont de défendre l'honneur et l'intérêt du Christ contre les profanateurs de son nom glorieux ; songez surtout que vous êtes commis à ces importantes fonctions pour conserver les privilèges ecclésiastiques et les droits inviolables du Siège Apostolique.
Qu'aucune
considération humaine ou divine ne vous arrête dans la sainte
voie où vous êtes entré ; souvenez-vous que notre divin maître
a dit : « Quiconque ne porte pas sa croix et ne me suit pas
n'est pas digne de moi [Matth. 10, 38]. — Celui qui aime son
père et sa mère, son fils ou sa fille plus que moi [Matth. 10,
37], ne peut être mon disciple [Luc 14, 26] . — L'homme doit
avoir pour ennemis ceux de sa propre maison [Matth. 10, 36] ; car
je suis venu pour séparer l'époux d'avec l'épouse, le fils
d'avec le père, la fille d'avec la mère [Matth. 10, 35]. — Ne
pensez pas que je sois venu apporter la paix sur la terre ; non,
je suis venu apporter l'épée [Matth. 10, 34] ; combattez donc
pour moi sans relâche et sans terreur, parce que celui qui
conservera sa vie la perdra, et celui qui l'aura perdue pour
l'amour de moi la retrouvera [Matth. 10, 39]. » Que ces saintes
paroles soient votre règle de conduite ; torturez sans pitié,
tenaillez, déchirez sans miséricorde, brûlez impitoyablement
votre père, votre mère, vos frères et vos sœurs, s'ils ne
sont pas aveuglément soumis à l'Église catholique, apostolique
et romaine.
Vous
communiquerez ces instructions au vicaire appelé à présider le
tribunal de Venise en votre absence, et que vous avez choisi
vous-même. Nous l'agréons sur votre recommandation, afin que
vous viviez ensemble dans une parfaite harmonie.
Vous
aurez soin également de vous entourer d'officiers zélés ; vous
nommerez en outre douze consulteurs, six théologiens, parmi
lesquels deux seront pris dans les chanoines réguliers, six dans
les rangs des docteurs en droit canon ; un d'eux aura le titre de
secrétaire, un autre celui de notaire, et les deux plus jeunes
seront assesseurs. Pour le service intérieur des cachots, vous
aurez un concierge, deux portiers d'intimations, un barigel,
six sbires et
vingt-quatre tourmenteurs.
Les traitements et les gages de ces employés seront prélevés
sur les biens des accusés.
Avant d'initier qui que ce soit à nos terribles secrets, vous ferez prêter entre vos mains un serment dont voici la formule : « Je promets à Dieu tout-puissant, à Jésus-Christ son Fils, aux apôtres saint Pierre et saint Paul, à la sainte Église apostolique, au Souverain Pontife, à la suprême Inquisition de Rome et à votre Révérence ici présente, que je serai toujours soumis à l'Église et à ce saint Tribunal ; que je ferai tous mes efforts pour découvrir, dénoncer et arrêter ceux qui seront soupçonnés de la moindre tache d'hérésie ; je m'engage à défendre au prix de mon sang les intérêts du Souverain Pontife et de la sainte Inquisition. » Vous soudoierez en outre autant d'espions que vous pourrez en payer ; vous les chargerez de surveiller les séculiers comme les ecclésiastiques, et de vous dénoncer les désordres publics et particuliers ; jamais vous ne révoquerez en doute leurs dépositions, et vous frapperez ceux qu'ils vous désigneront, innocents ou coupables, attendu qu'il vaut mieux faire mourir un innocent que laisser vivre un coupable. Nous n'ignorons pas que le Conseil des Dix est l'ennemi de notre sainte Inquisition depuis que nous lui avons disputé l'autorité qu'il s'arrogeait sur l'ordre ecclésiastique : aussi, dans les circonstances délicates où vous vous trouverez en opposition avec quelques-unes des puissantes maisons de Venise, vous devrez vous conduire avec une extrême prudence, afin de ne point augmenter l'irritation des esprits ; mais quand il s'agira du peuple ou de la bourgeoisie, soyez sans pitié ; et quoique les intérêts de Dieu se défendent d'eux-mêmes, ne perdez pas de vue que nous sommes institués pour nous opposer par le glaive à la malignité des hommes. C'est pourquoi vous redoublerez de rigueur à mesure que vous verrez augmenter la résistance aux mesures commandées par l'Église ; vous fermerez seulement les yeux sur les débordements des nobles, jusqu'à ce que la Providence nous donne la force et les moyens nécessaires pour couper le mal dans sa racine. Quant à présent, nous nous bornons à ces recommandations ; plus tard, s'il se rencontrait un cas que nous n'aurions pas prévu, nous vous adresserions de nouveaux avis.
Référence
Maurice
La Châtre, Histoire des
papes, crimes, meurtres, empoisonnements, parricides, adultères,
incestes, depuis saint Pierre jusqu'à Grégoire XVI,
tome VII, 1843, p. 281-284
|
Mémoire consigné du Père Michel Ghisilieri [futur saint Pie V], Inquisiteur général de l'Inquisition à Rome, au Père Felice Peretti de Montalte [futur Sixte Quint] , régent du convent [= couvent] des religieux, et Inquisiteur général à Venise, pour lui servir d'instruction.
I.
Que Votre Paternité se souvienne , que l'autorité, qui lui a été
donnée, pour l'administration de l'office d'Inquisiteur,
représente
le tribunal de la Justice divine ;
et que pour cela vous devez faire mettre sur la plus grande porte de votre demeure un Crucifix, avec cette inscription : « Aspicite in me si vultis recte judicare [Portez vers moi vos regards si vous voulez juger droitement] ». Et au pied de la Croix un peu plus bas ces paroles : « Terribilis est locus iste, vere non est hic aliud nisi domus Dei et porta Cæli [Terrible est ce lieu, il n'est véritablement rien d'autre que la porte du Ciel, (Gen. 28, 17)] ». Ce qui servira à faire connaître, que c'est là la maison de l'Inquisition. II. Il faut que vous vous proposiez souvent que la principale obligation de votre office consiste à défendre la cause et l'honneur de Dieu contre les profanateurs ; la pureté de la sainte religion catholique contre toutes sortes d'hérésie, et contre ceux qui tâchent à semer des schismes, soit en la doctrine, soit dans les personnes par celle-là ; et enfin il faut que vous veilliez toujours à la défense de l'immunité ecclésiastique, et des droits du Saint Siège Apostolique. III. Vous serez part de ce mémoire à votre vicaire, qui présidera en votre absence, et qui vous aura été donné avec des lettres du Saint Office de Rome, et vous ferez bien d'entretenir toujours une bonne intelligence et correspondance ensemble.
IV.
Vous aurez ensuite divers officiers pour le Saint Office, à
savoir douze consulteurs, six théologiens d'ordres différents,
et parmi ceux-là
deux
chanoines séculiers, et six docteurs légistes, un secrétaire,
un notaire, deux assesseurs,
un geôlier, deux portiers d'ajournement, et un capitaine avec six sbires, et ces officiers seront payés des deniers de l'Inquisition.
V.
Lorsque vous aurez pris possession, vous vous informerez des
mérites de ces personnes , et vous en envoyerez [enverrez] les
noms et les qualités à Rome, pour être confirmés du souverain
Saint Office, et ensuite vous en avertirez le Sénat et le nonce.
VI.
Que le serment qu'ils prêteront entre vos mains, se fasse en ces
termes : « Je N. N. consulteur du Saint Office, jure et
promets à Dieu tout-puissant, à Jésus-Christ son fìls , aux
saints apôtres Pierre et Paul, au Saint Siège Apostolique, à
notre très-saint Père, à l'Inquisition souveraine de Rome, et à
votre Paternité ici présente, d'être toujours fidèle à la
sainte Église et à ce saint Tribunal, de faire toute diligence
pour trouver, découvrir, et de nommer ceux qui sont suspects de
la moindre hérésie, de contribuer à la défense des immunités
de l'Église, et de ne point négliger les intérêts de
l'Inquisition.
VII.
Votre Paternité proposera de temps en temps aux consulteurs leur
devoir, et leur recommandera d'aller visiter les églises, pour
découvrir les abus qui pourraient être glissés dans les
Exercices saints, et de s'informer dans les cloîtres, s'il n'y a
point des abus dans l'observation des Règles.
VIII.
Mais il est particulièrement nécessaire que Votre Paternité
ait un certain nombre d'espions secrets qui soient de bonne foi,
pour être avertis par eux des scandales qui pourraient se
commettre dans la ville, tant parmi les séculiers que parmi les
ecclésiastiques ; et s'ils se prononcent des blasphèmes ou s'ils
se commettent des insolences contre les choses sacrées.
IX. Et quoique Votre Paternité ne relève pas du nonce, mais directement de la souveraine Inquisition de Rome, et particulièrement de notre très-saint Père, vous ferez pourtant bien pour plus grand respect du Souverain Pontife d'entretenir toujours une bonne intelligence avec ce saint ministre, et lui communiquer les événements qui arriveront de jour en jour, et surtout quand il s'agit de quelque nouvelle entreprise pour l’intérêt du Saint Siège.
X.
II faut que Votre Paternité se garde de se rendre trop familier
avec l'un ou l'autre, tant ecclésiastiques que séculiers, parce
que cela ne causerait qu'un mépris de sa personne, ce qui
préjudicierait grandement à la gloire du Saint Office ;
étant du devoir d'un inquisiteur de se faire aimer avec respect,
et se faire redouter sans fierté et familiarité, et pourtant se
retirer , puisqu'il est nécessaire qu'il donne bon exemple, et
par sa conduite et par sa vigilance aux exercices sacrés.
XI.
Pour ce qui est des Vénitiens, ils n'aiment pas beaucoup le
tribunal de l'Inquisition, pour l'amour de quelques prétentions
qu'ils font de pouvoir exercer la souveraineté sur le clergé,
qui est une chose qui ne s'accorde pas avec les ordres et les
statuts de l'Inquisition ; outre cela ils aiment une certaine
liberté licencieuse, laquelle, pour être trop grande en cette
ville-là, la détourne, sinon en effet [= dans les faits] de la
doctrine de la religion, au moins en apparence des dogmes, et
comme il y [en] a beaucoup qui vivent, comme s'il n'y avait point
de Dieu ni de chrétienté, il faut une adresse singulière pour
ne pas rompre le fil en le tirant trop, et afin de ne pas rendre
un mal plus grand d'un moindre qu'il était.
XII.
On ne doute pas que la cause de Dieu ne se défende d'elle-même :
car pour cela Dieu a ordonné à ses ministres pour la soutenir
contre les méchancetés des hommes en ce monde ; mais il est
besoin de s'exercer avec autant plus de vigueur et de zèle, au [=
dans le] lieu où la corruption est plus grande, laquelle hélas !
n'est que trop grande à Venise.
XIII.
Pour les autres juridictions que les Vénitiens prétendent sur
l'ordre ecclésiastique, il est besoin de fermer quelquefois les
yeux, à moins que la Providence ne fournit elle-même des moyens
au Saint Siège, pour déraciner ces inconvénients qui apportent
grand préjudice aux immunités de la Sainte Église : et
pourtant, si les abus ne peuvent pas être ôtés du tout, il faut
employer toute diligence pour en empêcher l'accroissement ; et si
on peut trouver quelque raison légitime pour couper une branche
de cette prétendue juridiction, il est non seulement besoin de ne
la pas négliger, mais de s'y opposer avec bonne résolution, en
sorte pourtant qu'il n'en faut pas bannir la prudence.
XIV.
Les scandales parmi le clergé sont grands, et plus
particulièrement parmi les réguliers, permettant aux religieux
de vivre en séculiers, et en cela il faut agir avec toute
vigilance, exhorter les supérieurs, menacer et faire sentir à
quelques-uns la rigueur de l'Inquisition, afin de servir
d'exemples aux autres. Et pour les scandales du monde il est
besoin d'exhorter les magistrats avec larmes d'y apporter du
remède.
XV.
Autant de fois que cela arrive il est besoin d'en étaler les
choses devant le tribunal de Rome, mais en sorte que le temps ne
se perde pas à trop circonstancier l'affaire, puisque, pour
ainsi dire, souvent la bonne volonté de l'exécution se perd par
l'infinité des avis ou des demandes ; et pourtant il vaut mieux
autant qu'il sera possible d'avoir soin de remédier les choses
ordinaires sans attendre les expéditions de Rome.
XVI.
Quand il sera question de prononcer sentence, il y faut toujours
appeler le vicaire du patriarche, pour y assister : car il est de
son droit d'assister au tribunal de l'Inquisition.
XVII.
Ceci suffit pour le présent : car à proportion des événements
on aura toujours nouvelle matière de mémoires à écrire.
Référence
Gregorio
Leti, L'histoire de la vie
du pape Sixte cinquième, nouvelle
édition revue, corrigée, augmentée et divisée en deux tomes,
tome I, Joseph t'Serstevens, Bruxelles, 1717, p. 123-128.
|
Commentaire rapide :
1)
a rajouté intégralement le passage le plus terrible :
« Qu'aucune considération humaine ou divine ne vous
arrête... » ;
2)
qu'il a transformé d'autres passages (par exemple, jusqu' à
demander que les gages et salaires du personnel des cachots soit
prélevés sur les biens des internés, et non sur ceux de
l'Inquisition ou que l'on ferme les yeux sur les débordements des
nobles ; jusqu'à affirmer qu'il vaut mieux faire mourir un
innocent que laisser vivre un coupable...) ;
3)
qu' il a omis beaucoup des passages du texte original.
La première hypothèse est que le
but de l'auteur était, vraisemblablement, de présenter le futur Pie
V sous son jour le plus funeste.
L'autre
hypothèse est que Maurice la Châtre a eu accès au texte
réellement original et que le mémoire présenté par Gregorio Leti est lui-même trafiqué.
Le lecteur se fera lui-même son opinion.
Note :
La
version italienne du texte de Gregorio Leti, est la suivante,
publiée dans l'édition de 1721.
« Memorie
consegnate dal P. frà MICHELE GHISILIERI,
inquisitor generale dell’Inquisizione di
Roma, al P. frà FELICE PERETTI di
Montalto, reggente del convento de’ frati, ed inquisitor generale
in Venezia, per servirsene come d’istruzione.
I.
Si ricordi V. P. che l’autorità che gli vien data nell’officio
d’inquisitore rappresenta il tribunale della giustizia divina, onde
a questo fine deve far mettere sopra la porta maggiore delle sue
stanze una croce col crocifisso inchiodato, ed all’intorno
quest’inscrizione: aspicite in me si vultis recte judicare, e
sotto i piedi della croce, disteso a lungo sovra la porta queste
altre: terribilis est locus iste; vere non est hic aliud nisi
domus Dei, et porta Coeli, e tutto ciò serve a far conoscere,
esser quelle le stanze dell’Inquisizione.
II.
Deve spesso rammemorarsi che l’obbligo principale del suo officio
consiste a difendere la causa, e l’onore di Dio contro i
profanatori; la purità della santa religione cattolica contro ad
ogni sentore d’eresia, e contro a quei che vanno seminando scisme,
sia nella dottrina, sia nelle persone a causa di questa, ed inoltre
deve star sempre vigilante alla difesa dell’immunità
ecclesiastica, ed a’ dritti della santa Sede apostolica.
III.
Farà parte di queste memorie al suo vicario, che deve presiedere in
sua assenza, e che gli è stato dato con patente dal Sant’Officio
di Roma, non quel padre che da lei fu desiderato, che però deve
conservarselo sempre in buona corrispondenza, e lo stesso deve far
egli dalla sua parte verso di V. P.
IV.
Avrà inoltre diversi officiali per il Sant’Officio, cioè 12
consultori, 6 teologi di differenti ordini, e tra questi due canonici
secolari e sei dottori legisti, un segretario, un notaro, due
assessori, un carceriere, due portieri d’intimazione ed un bargello
con sei sbirri, e questi offici bassi saranno pagati dal denaro
dell’Inquisizione.
V.
Quando avrà preso il possesso, informato del merito delle persone,
scieglierà tutti questi officiali, de’ quali ne manderà i nomi
con i gradi qui in Roma, per esser confermati dal supremo
Sant’Officio, e poi di tutto ne darà avviso al Senato ed a
monsignor nunzio.
VI.
La formola del giuramento che devono questi prestar nelle sue mani
deve seguire come qui sotto: Io N. N., consultore del
Sant’Officio, giuro e prometto a Dio onnipotente, a Gesù Cristo
suo Figliuolo, ai santi apostoli Pietro e Paolo, alla Santa Sede
Apostolica, alla Santità di Nostro Signore, alla suprema
Inquisizione di Roma ed a V. P. qui presente, d’esser sempre fedele
alla santa Chiesa [ed a questo] Santo Tribunale, di far
tutte le diligenze per trovare, scoprire o denunziare quei che
potessero aver macchia, ancor che minima, d’eresia, di contribuire
alla difesa dell’immunità della Chiesa, e di non trascurar
gl’interessi dell’Inquisizione.
VII.
Di tempo in tempo deve rammemorare V. P. questo lor dovere ai
consultori, e raccomandargli d’andar visitando le chiese per
scoprire gli abusi che potrebbono essere negli esercizii sacri, ed
informarsi anche ne’ chiostri se vi sono abusi nell’osservanza
delle regole.
VIII.
Ma più in particolare bisogna che V. P. abbia qualche numero di
spioni secreti, ma gente alle quali possa prestar fede, e da’ quali
deve essere avvisato degli scandali che potrebbono commettersi nella
città, sia tra secolari, sia tra Ecclesiastici, e se si commettono
bestemmie, ovvero insolenze, contro le cose sacre.
IX.
Benché V. P. non dipenda dal nunzio, ma direttamente dalla suprema
Inquisizione di Roma, e più in particolare dalla Santità di Nostro
Signore, con tutto ciò, per maggior rispetto del sommo Pontefice,
deve far capo nelle cose sopra tutto di maggior importanza con detto
sacro ministro pontificio, e parteciparle gli avvenimenti che
arrivano alla giornata, particolarmente quando si tratta di qualche
nuova intrapresa, che sia per interessare la santa Sede.
X.
Guardisi di domesticarsi troppo con questo o quell’altro, sia con
ecclesiastici, sia con secolari, perché da questo ne può nascere il
disprezzo della persona, cosa del tutto contraria al decoro del
Sant’Officio, dovendo necessariamente gl’inquisitori farsi amare
ma con rispetto, e farsi temere senza fierezza e senza domestichezza,
e quanto più far si può, stare ritirato, essendo necessario di dar
buon esempio, sia nelle azioni, sia nella frequenza degli esercizii
sacri.
XI.
Da’ Veneziani non s’ama molto il tribunale dell’Inquisizione,
rispetto a quelle pretensioni ch’hanno di potere esercitare
sopranità sopra l’ordine ecclesiastico, che non ben si conforma
con gli ordini e statuti dell’Inquisizione, ed in oltre amano una
certa licenziosa libertà, che per esser troppo grande in quella
città, gli fa abusare se non della dottrina nella religione, almeno
dell’apparenza nelle dogme, e come molti vivono come se non vi
fosse cristianità, ci vuol gran destrezza per non rompere il filo
tirandolo troppo, per non far d’un male minore un maggiore.
XII.
Non ci è dubbio che la causa di Dio non si difenda se stessa, con
tutto ciò lo stesso Iddio ha voluto i suoi ministri per sostenerla
contro alla pravità degli uomini di questo mondo, onde fa di
mestieri ivi esercitare con più rigore il zelo dove maggior è la
corruzione, che per disgrazia si trova assai grande in Venezia.
XIII.
Circa alla giurisdizione che pretendono i Veneziani sopra all’ordine
ecclesiastico, conviene chiuder gli occhi in qualche cosa, fino che
la Provvidenza divina disponga i mezzi a questa santa Sede per
tagliare le radici a tali inconvenienze, che sono di gran pregiudicio
all’immunità di santa Chiesa: però se non si possono torre gli
abusi, si deve far oculata diligenza acciò non creschino più
innanzi, e dove si può trovar legittima ragione per tagliare qualche
ramo di questa pretesa giurisdizione, non solo non bisogna
trascurarla, ma andarle all’incontro con buona risoluzione, che
però non deve slocarsi dalla prudenza.
XIV.
Grandi sono gli scandali nel clero, e più in particolare regolare,
facendosi lecito la maggior parte dei frati di vivere come secolari,
ed in questo si deve tener la mano, esortare i superiori, minacciare,
e fare provare ad alcuno per esempio il rigore dell’Inquisizione; e
per gli scandali del secolo bisogna con lamenti esortare i magistrati
a portarvi rimedio.
XV.
Di quanto occorre bisogna sempre darne distinto avviso al tribunal di
Roma, ma in maniera tale che non si perda tempo nella lunghezza delle
discrizioni delle materie, poiché spesso si perde per così dire la
buona volontà dell’esecuzione nel veder troppo sterili gli avvisi
o le domande, però quanto più è possibile si procuri di portar
rimedio alle cose ordinarie senza aspettare le spedizioni di Roma.
XVI.
Quando occorre dar sentenza si chiami sempre il vicario del patriarca
per assistere, e di tutti i processi se ne deve questo partecipare,
essendo di suo dritto l’assistenza nel tribunale dell’Inquisizione.
XVII.
Tanto basta per ora, poiché a misura ch’arrivano gli avvenimenti,
nelle risposte se gli daranno sempre nuove materie d’altre
memorie. »
Référence
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