L'autel
principal doit être élevé de trois marches, y compris le
marche-pied.
Les rubricistes indiquent ce
nombre de marches, et, effectivement, s'il y en avait plus ou moins
de trois, le diacre et le sous-diacre ne pourraient pas se placer de
la façon que réclament les règles tracées a chacun d'eux.
Allégoriquement, on peut le rattacher à ces trois vertus
principales qui servent à l'homme de degrés pour l'élever à Dieu.
Il faut noter ici que nous nommons marche-pied la marche d'en haut,
celle que le cérémonial appelle suppedaneum, et que quelques
auteurs désignent par le nom de pallier.
On appelle vulgairement en
France autels à la romaine les autels placés en avant du chœur et
orientés dans le sens de l'église, de telle sorte que le clergé se
trouve derrière l'autel : tel est, par exemple, l'autel de l'église
de Saint-Sulpice à Paris. Cette dénomination est erronée. Les
autels construits d'après l'ancienne tradition romaine, tels que
ceux des grandes basiliques de Rome, sont placés, il est vrai, au
bas du chœur, mais ils sont orientés dans un sens opposé à
l'église, de telle sorte que le prêtre, en disant la messe, regarde
le peuple et la grande porte de l'église. « Si altare sit ad
orientem versus populum (dit la rubrique), celebrans versa facie ad
populum, non vertit humeros ad altare cum dicturus est ''Dominus
vobiscum ; orate, fratres ; ite, missa est'', vel daturus
benedictionem : sed osculato altari in medio, ibi, expansis et
junctis manibus ut supra, salutat populum et dat benedictionem
[si l'autel est [tourné] vers l'orient, en direction du peuple, le
célébrant, le visage tourné vers le peuple, ne tourne pas les
épaules vers l'autel lorsqu'il a dit ''Le Seigneur est avec vous ;
priez, frères ; allez, c'est l'envoi'', ou lorsqu'il a donné
la bénédiction : mais alors qu'il a baisé l'autel au milieu,
là, ayant étendu et joint les mains comme ci-dessus, il salue le
peuple et donne la bénédiction]. » Le peuplé est alors derrière
l'autel, et c'est devant le clergé que se célèbrent les mystères
: dans une cathédrale, le siège de l'évêque serait alors sous
l'abside en face de l'autel. Tel est le véritable autel a la
romaine. Les autels derrière lesquels se trouve le clergé ont été
introduits par les religieux qui, en assistant à l'office, ne
voulaient pas être vus du peuple, et qui, comme les Dominicains,
dérobaient même totalement au peuple la vue du chœur par des
rideaux tirés aux côtés de l'autel. Il ne convient pas de suivre
ce modèle dans les églises du clergé séculier, et surtout dans
les cathédrales ; car l'esprit de la rubrique est que les cérémonies
du sacrifice s'accomplissent devant le clergé, et pour les
cathédrales, le cérémonial rend cela absolument nécessaire. Il y
a des églises où l'on a accolé au bas du chœur deux autels : l'un
regardant l'orient, l'autre tourné vers l'occident. Nous ne croyons
pas cette combinaison fondée sur la tradition. Toujours est-il qu'il
faudrait, dans ce cas-la, chanter la grand'messe à l'autel du côté
duquel se trouve le clergé.
Comme
tout autel, il doit être recouvert de trois nappes. La nappe de
dessus ne doit pas seulement recouvrir la table de l'autel ; par les
deux extrémités, elle doit tomber jusqu'à terre.
À
la partie antérieure de l'autel, on adapte une tenture ou parement,
que la rubrique nomme pallium, dont la couleur doit être,
autant que possible, en rapport avec l'office, et dont la forme est
assez semblable à celle des parements noirs qui étaient demeurés
usités en France pour les offices funèbres. Toutefois, ce parement
ne doit pas être garni d'une corniche de bois faisant saillie ; le
cadre qui le soutient doit être placé sous l'étoffe.
(…) Le cérémonial des
évêques, livre 1, chapitre 12, n°11, veut que les nappes totem
altaris planitiem et latera contegant [couvrent toute la surface
et les côtés de l'autel]. Elles sont, en effet, destinées, d'après
les expressions usitées dans leur bénédiction, ad tegendum
involvendumque altare [à couvrir et envelopper l'autel]. C'est
le parement de couleur qui, cachant l'autel par-devant, achève de
l'envelopper et complète la signification mystérieuse des nappes.
Spirituellement, l'autel ainsi voilé, c'est Jésus-Christ invisible
maintenant au monde et manifesté seulement en la personne de ses
membres (...).
Sur
l'autel doit être comme objet principal une croix avec des
chandeliers de chaque côté. Une croix petite et peu apparente ne
pourrait suffire. Cependant, s'il existait au-dessus de l'autel un
grand crucifix, peint ou sculpté, il ne serait pas nécessaire de
placer une autre croix entre les chandeliers.
(…) bien que la rubrique
demande simplement une croix et que la Congrégtion des Rites eût
décidé qu'une croix nue pouvait suffire, Benoît XIV enseigne qu'il
faut s'en tenir à l'usage commun, et si bien justifié, qui veut sur
la croix l'image du crucifix.
Quant
au nombre des chandeliers, six est celui qui convient pour les messes
solennelles.
Il ne parait pas convenable
de le dépasser. Quand l'évêque officie, d'après une tradition qui
a sa source dans l'Apocalypse et dans le mystère des nombres, on
ajoute un septième chandelier ; mais que signifierait ce cierge
supplémentaire, s'il se trouvait onzième ou treizième ? Il ne doit
donc y avoir sur l'autel des cathédrales que six cierges. Il n'y en
a pas d'avantage sur l'autel papal : on jugera par là de ce qui
convient aux autres églises. (...)
Le
cérémonial recommande une disposition dans laquelle les chandeliers
différeraient de hauteur. Les moins élevés seraient aux coins de
l'autel, les plus élevés seraient les plus rapprochés du crucifix,
et le crucifix lui-même, ayant une base ou un piédestal arrivant à
la hauteur des deux chandeliers voisins, devrait les dominer de la
grandeur de la croix.
(…)
Au-dessus
de l'autel, on place un dais ou baldaquin. Le cérémonial le
prescrit formellement pour les cathédrales, et les décrets de la
Congrégation des Rites approuvent qu'on le fasse aussi pour les
autres autels et les autres églises. Cela doit surtout s'observer
pour l'autel où réside le Saint-Sacrement.
Le
Saint-Sacrement ne peut être déposé dans une église qu'à un seul
autel choisi de façon à faciliter le culte de ce sacrement
adorable, mais de façon aussi à ce que les cérémonies n'en soient
pas gênées.
Les
grands offices, en effet, ne doivent pas avoir lieu là où est la
réserve du Saint-Sacrement, car la multiplicité des génuflexions
qui seraient alors nécessaires et la prohibition de tourner
directement le dos à l'autel apporteraient beaucoup d'embarras dans
la cérémonie.
Voilà
pourquoi, dans les cathédrales, on doit choisir, pour cette réserve, un autel différent du maître-autel, et dans les églises
paroissiales où c'est ordinairement au maître-autel que le
Saint-Sacrement réside, il faut l'en retirer pour un office
pontifical ou pour toute autre grande cérémonie.
(…) Autrefois, en France ,
il y avait, dans les grandes églises, une chapelle pour le
Saint-Sacrement qu'on appelait chapelle de la communion.
Le
tabernacle, qui sera en bois doré ou en marbre et fermera à clef,
doit être, à l'intérieur, revêtu de soie blanche ; le ciboire où
sont les saintes hosties doit être aussi revêtu d'un voile blanc.
À
l'extérieur, le tabernacle, quand il renferme les saintes espèces,
se recouvre d'un conopée ou tenture de soie, qu'il est à
propos de mettre, comme le parement de l'autel, en rapport avec la
couleur de l'office.
Ce mot de conopée
désigne une sorte de rideau ou courtine de soie abritant un lieu
digne d'un respect particulier. (…) Le rituel prescrit d'en mettre
un sur le tabernacle où est le Saint-Sacrement. (…) et c‘est
là-même le signe qui avertit de la présence du Saint-Sacrement ;
car les lampes peuvent s'allumer en l'honneur d'un saint et devant un
autel ordinaire, tandis que le conopée ne s'applique jamais à un
tabernacle vide. Toutefois, le rituel n'en marque pas la couleur, et
Barufaldi a cru qu'il fallait lui donner la couleur blanche, ainsi
qu'au voile qui recouvre le ciboire. Mais les rubricistes, après
Gavantus, décident qu'il faut lui donner la couleur du jour, tout
comme au parement antérieur, parce qu'il appartient a l'ornement de
l'autel ; et cette opinion est si généralement reçue, et elle est
suivie si constamment dans les grandes églises, qu'il faut s'y
conformer, (...). Quand l'autel sera paré de noir, on mettra un
conopée violet au tabernacle, auquel il ne convient pas d'adapter de
signes de mort. (Gavantus et auctores.) Quant à la forme du
conopée, on pourra la varier un peu selon la forme du tabernacle
auquel on l'adapte.
Il
est très convenable de peindre ou de sculpter sur la porte du
tabernacle une image ou emblème du Sauveur, et cette porte ne peut
être masquée par un vase de fleurs ou chose semblable. On ne doit
rien renfermer dans le tabernacle que la réserve du Saint-Sacrement,
et on ne doit placer dessus ni fleurs, ni statues de saints, ni
reliques, mais le seul crucifix.
Devant
chaque autel, et surtout devant les autels principaux, il serait
convenable de disposer des lampes ; mais il est absolument prescrit
d'en suspendre au moins une qui brûle jour et nuit devant le
tabernacle du Saint-Sacrement.
Sur
l'autel, on ne doit rien déposer que ce qui est prescrit par les
rubriques. Il ne faut y placer ni le rituel, ni les lunettes, si ce
n'est pour un instant, ni encore moins le mouchoir ou la barrette du
prêtre. Il ne faut pas non plus attacher le manuterge à la nappe.
(...)
Hors
le temps de la messe, l'autel doit être recouvert d'un tapis ou
voile en étoffe propre et convenable, et l'on ne doit pas y laisser
les tableaux où sont inscrites quelques oraisons de la messe et
qu'en France, on nomme vulgairement canons.
Le
mode d'orner un autel le plus conforme au cérémonial, c'est de
placer entre les chandeliers des reliquaires ou des statues de saints
; mais le cérémonial admet aussi qu'on le décore avec des fleurs.
Si
l'on place des statues ou des reliques de saints sur l'autel, il faut
mettre celles des saints dont la dignité est le plus élevée le
plus près du crucifix, et considérer comme place d'honneur le côté
de l'évangile, c'est-à-dire la droite du crucifix, par rapport au
côté de l'épître, qui est la gauche du crucifix. On peut
remarquer ici que le côté gauche de l'autel est celui de l'épître,
et le côté droit celui de l'évangile. (…)
Au
bas des marches du maître-autel qui descendent du côté de
l'épître, il faut placer une crédence, c'est-à-dire une table
plus longue que large, et qui doit être tournée non pas dans le
même sens que l'autel, mais de manière à faire équerre avec lui.
1, 20 mètre de longueur sur 60 cm de largeur, est la mesure qu'on
peut ordinairement lui donner.
On
la recouvre, pour la messe haute, d'une nappe qui l'enveloppe
entièrement et qui tombe de tous côtés jusqu'à terre.
Pour
les messes basses, où cette crédence n'est pas nécessaire, il
suffit d'avoir le lieu convenable pour y déposer la clochette, les
burettes et le manuterge.
Du
côté de l'épître encore, près des marches de l'autel, mais
ordinairement un peu en avant d'elles, on établit le siège du
célébrant : ce siège ne doit pas être un fauteuil, mais bien un
banc qui peut avoir un dossier, et qu'on recouvre, surtout aux jours
de fête, d'une étoffe verte ou d'une tapisserie. Il doit être
assez long pour que trois personnes s'y puissent asseoir aux messes
solennelles.
On
couvre le pavé du chœur de tapis verts et les marches de l'autel
d'un tapis plus riche.
À
quelque distance en avant, selon la commodité des lieux, doivent se
trouver les places du clergé, stalles ou bancs. (…)
Nous
avons déjà dit que, dans les grand'messes, il était convenable
d'allumer six cierges sur l'autel. Quatre cependant peuvent suffire.
Aux
messes basses, on n'en doit allumer que deux, quelle que soit la
dignité du célébrant, fût-il abbé, chanoine, dignitaire, ou
vicaire-général.
Toutefois, à la messe paroissiale ou de
communauté aux jours de grande fête, ou si, dans une véritable
solennité, on ne pouvait chanter la messe, à la messe basse qui
serait célébrée au lieu de messe haute, on pourrait allumer
plusieurs cierges.
En
présence du Saint-Sacrement exposé, il doit y avoir toujours un
assez grand nombre de cierges sans cesse allumés. L'instruction de
Clément XI, en vigueur à Rome et en beaucoup de lieux, en porte le
minimum à vingt. Ailleurs, on en demande au moins douze.
On n'est pas
tenu à exposer le Saint-Sacrement, mais on est tenu à ne l'exposer
qu'avec un éclat convenable.
Nous
avons parlé du cierge de l'élévation qu'on allume aux messes
basses, depuis l'élévation jusqu'après la communion.
À
l'élévation des grand'messes, ou des messes basses célébrées
pour tenir lieu de messe solennelle, aux saluts et aux processions du
Saint-Sacrement, des céroféraires portent et soutiennent des
torches.
Aux
offices funèbres, on allume des cierges autour du catafalque ou du
corps du défunt, et on en distribue au clergé et quelquefois aux
assistants.
Tous
ces cierges, ceux qu'on bénit à la Chandeleur, ou qu'on brûle
devant les images et les reliques des saints, et en général tous
ceux qu'on allume comme acte de culte et pour suivre la tradition de
l’Église, doivent être de cire.
La cire est un des symboles
les plus expressifs fournis par la nature à l’Église pour
exprimer allégoriquement l'humanité sainte de Jésus-Christ. Les
plus anciens docteurs s'étendent sur la virginité des abeilles et
sur la pureté de cette substance tirée du suc le plus exquis des
fleurs, et ils rapprochent ces circonstances de la conception du
Sauveur dans le chaste sein de Marie. La blancheur de la cire,
laborieusement obtenue, signifie encore la gloire de Jésus-Christ,
résultat de ses souffrances ; enfin, la flamme s'élançant du sein
de cette colonne de cire qu'elle consume, c'est la divinité de
Jésus-Christ se manifestant à travers ses œuvres et par le
sacrifice même de son humanité, et illuminant le monde. Il ne peut
être permis de troubler tous ces augustes symboles auxquels une
place si importante appartient dans notre culte, et de composer les
cierges avec la graisse, qui a toujours exprimé la vie de la chair
et les instincts terrestres. (…)
Les
cierges doivent être allumés avant et éteints après les offices
par les acolytes, ou par le servant avant et après la messe basse.
On
les allume ou on les éteint en commençant par le côté de
l'évangile et par ceux qui seraient plus voisins de la croix.
Il
faut, du reste, prendre le feu qui servira à allumer les cierges à
quelque lampe dont la flamme serve déjà à l'exercice du culte.
On sait avec quelle rigueur il était
défendu dans l'ancienne loi d'employer un feu profane pour l'usage
de l'autel. Les raisons allégoriques de cette règle étaient trop
saillantes pour que l’Église n'ait pas, elle aussi, attaché de
l'importance à l'origine du feu servant à son culte. Le
Samedi-saint encore, nous tirons avec cérémonie le feu d'une
pierre, image de Jésus-Christ, et nous le bénissons solennellement.
(...)
Outre
les cierges, on allume dans l'église des lampes, lesquelles doivent
brûler continuellement, même lorsqu'il y a des cierges allumés ;
les lampes, en effet, sont un autre genre de luminaire qui se cumule
avec les cierges.
Outre
la lampe, ou les lampes en nombre impair qui brûlent devant le
Saint-Sacrement, le cérémonial indique qu'il doit y en avoir une
allumée devant le maître-autel, quand le Saint-Sacrement n'y réside
pas, et engage à en allumer aussi devant les autres autels ou devant
les images ou reliques des saints.
Référence
M.
de Corny, Cérémonial romain rédigé d'après les sources
authentiques, 3e édition revue et corrigée, Maison
Méquignon Junior, Jouby, successeur, Paris ; Comoy et Gilliet,
imprimeurs, Moulins, 1858, p. 1-13 et 30-34
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