R. P. Jean Crasset (1618-1692)
Pour le 3e dimanche après la Pentecôte
Évangile du jour et de la semaine
Considération
Sur l’Évangile du Dimanche (Luc 15, 1-10)
1) Les pécheurs S'approchent de Jésus, et Jésus les reçoit en Sa compagnie, Il S'entretient, et mange même avec eux. Les Pharisiens leur défendaient de s'approcher d'eux et de les toucher : mais Jésus est bien-aise de les voir, de leur parler, de les visiter, de les attirer à Soi. Bien loin de les chasser, Il leur témoigne beaucoup d'amitié et de de tendresse. Ô chose admirable, de voir le Saint des Saints avec des pécheurs, et le Dieu du Ciel rechercher l'amitié de Ses créatures et de Ses ennemis. Est-ce ainsi que vous en usez avec les vôtres ?
Les pécheurs se tiennent auprès de Jésus, et Jésus ne S'en offense point. Les Scribes et les Pharisiens murmurent de ce qu'Il mange avec eux et Jésus prend leur défense en disant qu'Il n'est pas venu pour les justes, mais pour les pécheurs, et qu’on se réjouit davantage dans le Ciel sur la conversion d'un pécheur, que sur quatre-vingt dix-neuf justes qui n'ont point besoin de pénitence.
Que
ces paroles sont douces et consolantes ! Pourquoi donc vous
retirez-vous de la Communion ? Pourquoi refusez-vous de manger avec
Jésus? Vous êtes pécheur ? Ce sont les pécheurs qu'Il cherche, et
avec qui Il mange volontiers , pourvu qu'ils aient dessein de se
convertir. Les Pharisiens en murmurent ? Pourquoi vous en mettre en
peine, puisque Jésus vous appelle, vous invite et vous défend ?
2) Le Fils de Dieu se compare à un Pasteur qui quitte quatre-vingt dix-neuf brebis dans le désert, pour en chercher une qui s'est perdue ; et l’ayant trouvée Il ne la bat point, mais la met sur Ses épaules : soit parce qu'elle était fatiguée du chemin, soit de peur qu'elle ne s’égarât encore une fois.
Vous
avez quitté votre bon Pasteur, pour vivre en la compagnie des loups.
Hélas ! Qu'Il a été longtemps à vous chercher , et qu'Il a eu de
peine à vous trouver ! Il S'est jeté dans les buissons et dans les
halliers [=enchevêtrement de buissons serrés et touffus] ; Le voilà
tout ensanglanté d’épines. Il ne vous a pas maltraité quand Il
vous a trouvé : au contraire, Il vous a chargé sur Ses épaules, et
vous a reporté à la bergerie. Il vous a lavé de Son sang, et
nourri de Sa chair; et après cela vous L'avez encore quitté pour
courir après les loups. Combien de fois l'avez-vous fait ? Ô
l'ingratitude ! Ô la malice [=inclination à mal faire] !
3) Jésus se compare encore à une femme qui a dix drachmes d'argent et qui, en ayant perdu une, allume sa lampe, balaie sa maison, la cherche avec grand soin, et l’ayant trouvée, invite ses voisines pour prendre part à la joie.
Les neuf drachmes sont les neuf chœurs des Anges, et la nature humaine est la dixième. Le Fils de Dieu a quitté les Anges pour chercher l'homme qui s’était perdu. Il Se réjouit de l'avoir trouvé. Il ne dit pas qu'Il l'a racheté de Son Sang, dont le prix est inestimable ; mais qu'Il l'a trouvé parce qu'Il estime tellement une âme qu'Il croit l'avoir pour rien [plutôt] que de l'avoir au prix de Son sang. Il invite les Anges à se réjouir, non pas avec l'homme qui est retrouvé, mais avec Lui qui l'a racheté : comme si l'homme était le Dieu de Dieu même, et que Dieu ne pût être heureux sans lui. Ce sont les paroles de saint Thomas (1). Ô quel amour ! Quelle bonté ! Quelle miséricorde ! Ô Homme méchant ! N'aimeras-tu jamais un Dieu si bon ? Offenseras-tu toujours un Dieu qui t'aime si tendrement ? Fuiras-tu toujours Celui qui te cherche , et Qui ne te cherche que pour te sauver ?
Si les Anges se réjouissent dans le Ciel lorsqu’un pécheur le convertit, Il faut dire qu'ils s’attristent quand un Juste se pervertit.
Mon âme, qu'as-tu fait depuis que tu es au monde ? Tu n'as fait que donner de la peine à Jésus-Christ. Tu as affligé les Anges par ta méchante [=contraire à la justice] vie. Tu ne t'es pas contentée de quitter ton Pasteur, mais tu as encore débauché [=jeter dans le dérèglement des mœurs] les autres brebis, tes compagnes. Combien en as-tu perdu ? Combien en as-tu dévoré ?
Quand sera-ce que tu réjouiras les Anges ? Quand répareras-tu le dommage que tu as fait à Jésus-Christ ? Quand retourneras-tu à la bergerie, et y ramèneras-tu les brebis que tu as égarées ?
Ce sera lorsque tu feras pénitence, et que tu te convertiras sincèrement : fais-le donc promptement. Ô quelle joie dans le Ciel ! Ô quelle consolation pour Jésus-Christ ! Ô quelle fête et quel festin pour Ses Anges !
Paroles de l’Écriture
« Approchez-vous de lui, et vous serez éclairés, et vos visages ne rougiront point de confusion. » (Psaume 33, 6)
« Le Fils de l'Homme est venu pour chercher et sauver ce qui était perdu. » (Luc 19, 10)
« S'il arrive qu'Il trouve Sa brebis, je vous dis en vérité, qu'elle Lui cause elle seule plus de joie que les quatre vingts dix-neuf, qui ne font point égarées. Ainsi votre Père qui est dans le Ciel, ne veut pas qu'aucun de ces petits périsse. » (Matthieu 18, 13-14)
« J'ai été errant et vagabond comme une brebis perdue : cherchez votre serviteur, puisque je n'ai point oublié vos commandements. » (Psaume 118, 176)
« Venez à moi vous tous qui êtes fatiguez , et qui êtes chargez, et je vous soulagerai. » (Matthieu 11, 28)
Lundi de la 3e semaine après la Pentecôte
Considération
Sur l'amour que nous devons porter à Jésus notre bon Pasteur.
1) Jésus est le plus beau de tous les hommes ; c'est le plus grand de tous les Rois ; c'est le plus charitable de tous les pères ; c'est le plus fidèle de tous les amis ; c'est le plus doux de tous les maîtres ; c'est le plus parfait de tous les époux ; c'est le plus vigilant et le plus infatigable de tous les Pasteurs. C'est Lui qui veille sur tous mes besoins, qui me gouverne par Sa sagesse , qui me protège par Sa puissance, qui me nourrit par Sa bonté. C'est Lui qui me mène dans de beaux et de gras pâturages, où je trouve toutes sortes de biens en abondance. C’est Lui qui fait naître dans mon cœur des fontaines d'eau vive pour désaltérer ma Soif. C'est Lui Qui me guérit quand je suis malade, Qui me défend quand je suis attaqué ; Qui me console quand je suis affligé, Qui me cherche et Qui me ramène quand je suis égaré.
2) Jésus a quitté le Ciel et la compagnie des Anges pour moi. Il S'est fait homme mortel et passible pour moi. Il S'est rendu enfant, pauvre et misérable pour moi. Il a travaillé l'espace de trente trois ans pour moi. Il a souffert toutes sortes d'injures, de mépris, de tourments et de persécutions pour moi. Il a versé Son sang et donné Sa vie pour moi. Il est prêt encore de [=à] souffrir et de [=à] mourir pour moi, si cela était nécessaire à mon salut. Il a toujours les yeux arrêtés sur moi. Il ordonne à Ses Anges de venir en terre et de me tenir compagnie, de me suivre partout, de m'instruire, de me défendre, de me consoler, et de prendre Soin de moi.
3) Jésus m'aime de tout Son cœur. Il est toujours à la porte de mon cœur. Il me prie et me conjure de Lui donner mon cœur pour le rendre heureux en l'unissant avec le sien. Il a donné Son sang et Sa vie pour avoir mon cœur.
Suis-je digne de vivre, et ne suis-je pas le plus ingrat et le plus injuste de tous les hommes si je Lui refuse mon cœur, ou si je ne Lui en donne qu'une partie ? Quel moyen de ne [=Comment faire pour ne] pas aimer un si bon Père, un si grand Roi, un Pasteur si charitable, un Ami si fidèle, un Maître si doux, un Époux si beau, si parfait et si accompli ?
Et cependant je ne L'aime point : car je ne garde point Ses commandements, et j'offense mon prochain, qui est la chose du monde qui Lui est la plus sensible.
Je ne pense point à lui. Je ne fais rien pour lui. Je ne puis demeurer en Sa compagnie sans chagrin et sans ennui. Je me range même du parti de Ses ennemis. Je préfère le service de Satan au sien. Si je L'aime , ce n'est que froidement, ce n'est que lâchement [=mollement], ce n'est qu'à demi, ce n'est qu'en apparence, ce n'est que de bouche et non pas de cœur.
Ô Amour de tous les amours ! Ô Cœur de tous les cœurs ! Que je Vous aime comme Vous m'aimez ! Que je Vous aime autant que Vous le méritez. Anathème à celui qui n'aime pas notre Seigneur Jésus-Christ. Rien au dessus de Lui. Rien de comparable à Lui. Rien avec Lui. Rien après Lui.
Voilà ce que c'est qu'aimer Jésus et être tout à fait à Lui.
Paroles de l’Écriture
« Votre beauté surpasse la beauté de tous les enfants des hommes. » (Psaume 44, 3)
« Jésus-Christ est tout en tous. » (Colossiens 3, 11)
« Simon fils de Jean, m’aimez-vous ? » (Jean 21, 17)
« Celui qui a reçu mes commandements et qui les garde c’est celui-là qui m'aime. » (Jean 14, 21)
Mardi de la 3e semaine après la Pentecôte
Considération
Sur l'amour que Dieu porte aux pécheurs.
1) Ce n'est point une chose indigne de Dieu d'aimer Ses créatures. Tout ouvrier aime son ouvrage, parce que c'est un écoulement de son être, et une partie de lui-même, comme parle saint Thomas (2). Dieu n'a point besoin de Ses créatures ; mais elles ont besoin de Lui. C'est pour cela qu'Il les aime, comme une nourrice aime Son enfant ; non pas d'un amour d'indigence, mais d'un amour de plénitude et d'abondance ; non pas pour en devenir plus heureux, mais pour leur faire part de Son bonheur.
Si
Dieu aime Ses créatures, beaucoup plus l'homme qui est le
chef-d’œuvre de
Sa sagesse, le trésor de
Ses bontés, la fin de tous Ses ouvrages. Comme Il
S'aime Soi-même, Il doit aimer l'homme qui est
Son image, et
comme une partie de Lui-même, principalement depuis qu'Il S'est fait
homme. Car en vertu de cette union, l'homme n'est pas seulement
l'image de Dieu ; mais Dieu a bien voulu devenir l'Image de l'homme.
Or si l'ouvrier aime Son ouvrage dont Il n'a pas de besoin, l'ouvrage
ne doit-il pas aimer Son ouvrier dont Il a reçu son être et
sa perfection, et
dont il ne se peut passer ! D'où vient donc que vous n'aimez
point Dieu Qui vous a fait l'image de Ses grandeurs et Qui S’est
fait l’image vos misères ?
2) Non-seulement Dieu aime les hommes, mais encore les pécheurs, non pas comme pécheurs, mais comme misérables [=comme étant dans le malheur] ; car la miséricorde est si propre de Dieu, que c'est — dit Tertullien — nier un Dieu, que de nier qu'Il soit miséricordieux (3). Or toute puissance aime Son objet, et comme c'est la misère [=le malheur] qui est l'objet de la miséricorde, Dieu étant infiniment miséricordieux, Il ne peut pas n'avoir point de compassion des pécheurs qui sont les plus misérables de tous les hommes. Principalement depuis qu'Il S'est fait homme, car S'étant revêtu de nos misères, Il S'est revêtu en même temps d'entrailles de miséricorde. Il a bien montré qu'Il aimait les pécheurs, puisqu'Il est mort pour eux. S'il n'y en eut point eu sur la terre, Il n'eût point pris notre nature, ou Il ne Se fut point rendu passible et mortel.
3) Et pourquoi donc pauvre pécheur, vous défiez-vous de la miséricorde de Dieu ? Pourquoi fuyez-vous votre Dieu qui vous cherche, qui vous attend, qui vous tend les bras et qui vous aime si tendrement qu'Il a sacrifié la vie de Son Fils unique pour votre salut ? Le désespoir , dit saint Thomas, est un plus grand péché que la présomption, parce que celle-ci pèche contre la justice de Dieu, comme si elle devait donner à l'homme la gloire sans mérite ; mais le désespoir combat la miséricorde de Dieu . Or Il est plus naturel à Dieu de pardonner que de punir, parce que l'un Lui convient selon la nature, et l'autre à raison de nos péchés (4).
Gardez-vous donc bien, âme timide et scrupuleuse, de tomber dans le gouffre du désespoir, Si vous avez péché, humiliez-vous [=abaissez-vous] devant Dieu, demandez-Lui pardon avec douleur et confiance, et souvenez-vous qu'Il aime infiniment les pécheurs.
Ô mon âme, que crains-tu ? Peux-tu te défier [=avoir peu confiance] de l'amour de Jésus-Christ après l'assurance qu'Il te donne qu'Il est venu principalement pour sauver les pécheurs ? Si tu as des peines d'esprit pour un péché véniel que tu as commis, quelle appréhension dois-tu avoir de tomber dans le désespoir qui est le plus grand de tous les péchés après la haine de Dieu ?
Ô mon Dieu et mon Père , je ne vous ai point connu jusqu'à présent. J'avais des impressions terribles de votre justice, mais je n’avais jamais compris la grandeur de vos miséricordes. Quelque énormes que soient mes crimes, ils n’égaleront jamais vos bontés. C'est pourquoi tout misérable que je suis, jamais je ne me défierai [=aurai peu confiance] de votre amour, et lorsque je verrai dans [=en] moi un abîme de misères, j'invoquerai l’abîme de vos miséricordes, puisque le plein se décharge dans le vide ; et que l'abondance ne cherche qu'à s'unir à l'indigence.
Paroles de l’Écriture
« Venez à moi vous tous qui êtes fatiguez et qui êtes chargez, et je vous soulagerai. » (Matthieu 11, 28)
« Les Publicains et les pécheurs se tenaient auprès de Jésus pour l’écouter et les Pharisiens en murmuraient. Cet homme reçoit les pécheurs , et mange avec eux.» (Luc 15, 1-2)
« Vous ne savez pas quel est l'Esprit qui vous doit animer. Le fils de l'Homme n'est pas venu pour perdre les hommes, mais pour les sauver. » (Luc 9, 55-56)
« Dieu a fait éclater Sa charité envers nous, en ce que, lorsque nous étions encore pécheurs Jésus-Christ a bien voulu mourir pour nous. » (Romains 5, 8)
« Dieu a tellement aimé le monde , qu'Il a donné Son Fils unique. » (Jean 3, 16)
« Dieu n'a pas envoyé Son Fils dans le monde pour condamner le monde, mais afin que le monde Soit sauvé par lui. (Ibid., 17)
Pour le Mercredi de la 3e semaine après la Pentecôte
Considération
De l'amour que nous devons porter à Dieu le Pasteur de l'Univers.
1) Que Dieu est grand, puisqu'Il a crée de si grandes choses ! Que Dieu est beau, puisqu'Il a créé de si belles choses ! Que Dieu est bon, puisqu'Il a créé de si bonnes choses ! Que Dieu est puissant, puisqu'Il a crée de rien ce grand Univers ! Qu'Il est sage, puisqu'Il le gouverne sans peine ! Qu'Il est libéral [=généreux], puisqu'Il nous donne tant de biens ! Qu'Il est charitable, puisqu'Il fait du bien aux bons et aux méchants ! Qu'Il est miséricordieux, puisqu'Il pardonne tant de crimes ! Qu'Il est Saint, puisqu'Il ne peut aimer le péché! Qu'Il est patient, puisqu'Il endure tant d'injures ! Qu'Il m'a fait de grâces ! Qu'Il m'a préservé de dangers ! Qu'Il m'a délivré de maux ! Qu'Il me promet de biens en l'autre vie !
2) Qui mérite mieux mon cœur que Lui ? Qui m'en offre un plus grand prix ? À qui le donnerai-je, sinon à Celui qui m'a donné le Sien ? À qui le vendrai-je, sinon à Celui qui l'a acheté au prix de Son sang ? À qui appartient-il, sinon à Celui Qui l'a formé et Qui lui donne la vie ?
Un méchant cœur vaut-il le sang d'un Dieu ? Vaut-il la vie d'un Dieu ? Vaut-il le cœur d'un Dieu ? Vaut-il le royaume d'un Dieu ?
3) Ô mon Dieu ! Je ne mérite pas de vivre, si je veux vivre pour d'autre que pour Vous. Je ne dois pas avoir un cœur, si j'aime quelque autre chose que Vous. « Ô je Vous ai trop tard aimé, beauté toujours nouvelle et toujours ancienne » (5). Ô je Vous a trop tôt offensé, bonté toujours aimable et toujours outragée. Je reconnais mon aveuglement. J'ai horreur de mes ingratitudes. Je déteste ma malice. Je ne puis plus souffrir [=supporter] mon cœur qui Vous a pu offenser. Je renonce à toutes les créatures que je Vous ai si lâchement et si honteusement préférées. Ô je Vous aimerai toujours, Dieu de mon âme. Je Vous servirai toujours, Dieu de majesté. Je ne Vous offenserai jamais, Dieu de bonté.
Paroles de l’Écriture
« Vous aimerez votre Seigneur et votre Dieu de tout votre cœur de toute votre âme et de toutes vos forces. » (Luc 10, 27)
« Dieu a fait paraître Son amour envers nous, en ce qu'Il a envoyé Son Fils unique au monde afin que nous vivions par Lui. » (1 Jean 4, 9)
« Aimons donc Dieu , puisque c'est Lui qui nous a aimés le premier. » (1 Jean 4, 10)
« Je vous aimerai mon Seigneur , qui êtes ma force. Le Seigneur est mon appui, mon refuge et mon libérateur, mon Dieu et mon soutien, et j’espérerai en Lui. » (Psaume 17, 2-3)
Pour le jeudi de la 3e semaine après la Pentecôte
Considération
Sur l'amour que Dieu porte aux hommes.
1) Dieu aime l'homme, parce qu'Il n'est que bonté de Sa nature, et que Son plaisir est de faire du bien, et que l'homme est Son ouvrage, Son image, Son sujet et Son enfant ; Il l'a racheté par le sang de Son Fils ; c'est le temple de Son Divin Esprit. C'est par ses soumissions qu'Il reçoit l'hommage de toutes les créatures ; c'est par la langue qu'Il en est loué ; c'est par son cœur qu'Il en est aimé ; c’est pour lui qu'Il a créé tout l'Univers : l'homme est la fin de tous Ses travaux, et il doit être un jour héritier de la gloire. Nous devons donc aimer Dieu, parce qu'Il nous aime, et L'aimer comme Il nous aime.
2) L'amour de Dieu est ancien car Il nous a aimés de toute éternité. Nous avons toujours été dans Sa pensée et dans Son cœur ; Son amour est aussi ancien que Lui-même. Il n'a jamais été sans nous aimer ; et comme Il a toujours été, Il nous a toujours aimés ; et comme Il sera toujours, Il désire toujours nous aimer.
Trouvez un ami qui vous ait aimé depuis si longtemps, et aussi constamment que lui. Les hommes commencent bien tard à aimer ; ils aiment peu ce qu'ils aiment, et leur amour est de peu de durée.
Dieu nous aime de toute éternité, Il nous aime infiniment, et désire nous aimer éternellement. Quoi qu'Il haïsse le pécheur, Il aime néanmoins son âme. Il l'a aimé jusqu'à lui donner Son Fils ; et ne cessera de l'aimer tant qu'il pourra faire pénitence, et détester son péché.
3) L'amour de Dieu est pur et désintéressé : Il nous aime sans avoir besoin de nous, sans rien attendre de nous, sans aucun mérite de notre part, sans aucune obligation de la sienne.
Il nous aime pour être aimé, et pour nous rendre heureux par Son amour ; car c'est l'amour qui nous unit à Dieu, et c'est dans cette union que consiste notre bonheur.
Où trouverez-vous un homme qui vous aime de la sorte ? Que cherchent les hommes en aimant, sinon leur plaisir et leur intérêt ? Quel avantage tirez-vous de leur amour ? Quand est-ce que vous avez été heureux en aimant les créatures ?
Pour le vendredi de la 3e semaine après la Pentecôte
Considération
Autres propriétés de l'Amour de Dieu.
1) Les hommes sont durs et difficiles à émouvoir. Leur amour est fier, arrogant, et impérieux. Il ne faut rien pour l'irriter et pour le changer en haine ; et ils haïssent ensuite autant qu'ils ont aimé.
L'amour de Dieu est tendre, doux et bienfaisant. C'est la douceur de l'amour. C'est un amour de père, de mère et de nourrice. Dieu n'aime pas tant qu'Il est l'amour même ; et comme l'amour ne se peut accommoder avec le faste et la grandeur, Il n'a rien d'impérieux : et parce qu'Il recherche l'égalité, d'un Dieu Il en a fait un homme, et d'un homme Il en a fait un Dieu. Il Lui a fait prendre notre nature, L'a obligé de nous donner la Sienne.
2) L'amour de Dieu est fort , et triomphe de toutes les difficultés. Y en avait-il de plus grande que de Se revêtir d'une chair mortelle et passible ? Que de naître dans une étable ? Que de passer Sa vie dans une boutique ? Que de mourir sur une croix comme un scélérat ? Y a-t-il rien de plus difficile que de rechercher l'amitié de Ses ennemis faibles et insolents ? Que de Se voir maltraité par Ses esclaves ? Que d'aimer des ingrats ? Que de faire du bien à des rebelles ? Voilà ce que vous étiez.
Et cependant Il vous a aimés : Son amour a surmonté toutes ces oppositions et tous ces obstacles. Ô que vous aimez peu ! Ô que votre amour est lâche [=mou, fragile] ! Qu'il faut peu de choses pour l'abattre et pour l'étouffer ! Hélas ! Il ne faut rien pour vous faire murmurer, et tomber dans l'impatience. Qu'avez-vous fait pour Dieu ? Qu'avez-vous enduré pour Lui ? Où est le sang que vous avez versé ? Quelles victoires avez-vous remportées ? N’êtes-vous pas de ceux dont parle le Prophète [David] : « Ils seront dispersés pour chercher à manger, et S'ils ne trouvent point de quoi se rassasier, ils murmureront »[Psaume 58, 17] ?
3) L'amour que Dieu nous porte est infini. Il nous aime de l'amour dont Il S'aime Lui-même, qui est infini. Il nous a faits et nous fait tous les jours des biens infinis. Il a souffert pour nous des maux infinis. Il a donné pour nous Son sang, qui est d'un prix infini. Il nous communique Sa grâce, qui est un trésor d'un mérite infini. Il nous prépare la gloire, qui est un bonheur infini.
Mesurez votre cœur avec celui de Dieu, et voyez si vous L'aimez comme vous êtes aimé. Ô quelle différence ! Et cependant Il n'y a rien qui ne Soit aimable dans Lui, et Il n'y a presque rien qui soit aimable dans vous.
Les paroles de l’Écriture sont à la fin de la Considération suivante.
Pour le Samedi de la 3e semaine de la de la Pentecôte.
Considération.
Sur le même amour de Dieu.
1) L'Amour de Dieu et universel, Il n'est point borné et limité comme le nôtre à de certaines personnes, par des sympathies et par des antipathies, par des inclinations et par des aversions. Le cœur de Dieu embrasse et enferme tous les hommes. Il n'y en a point qu'Il n'aime. Il n'y en a point à qui Il ne fournisse tout ce qui lui est nécessaire. Il n'y en a point qu'Il n'éclaire par Ses inspirations, qu'Il n'assiste de Sa grâce, à qui Il n'ait donné un Ange pour le garder. Il n'y en a point qu'Il n'ait racheté par le sang de Son Fils. Il n'y en a point qu'Il ne veuille sauver d'une volonté sincère et effective de Sa part. Il n'y en a point à qui Il n'en fournisse les moyens, et pour qui Il n'ait institué les Sacrements de Son Église.
2) Votre amour ressemble-t-il au sien ? Embrasse-t-il tout le monde ? Ne fait-il point des distinctions et des exceptions ? Aimez-vous tous vos frères, amis et ennemis ; de belle humeur, de méchante [=mauvaise] humeur ; commodes et incommodes [=faciles et pas faciles] ; bien ou mal faits de corps ou d'esprit ; ceux pour qui vous sentez de l'antipathie, autant que ceux pour qui vous avez de la sympathie ; ceux qui vous désobligent [=causent une peine ou un déplaisir immérité], comme ceux qui vous obligent [=sont agréables de sorte qu’on en ressente de la gratitude] ? Si vous exceptez un seul homme de votre charité, vous n'en aimez un seul par un motif de charité, mais par inclination et par amour propre.
3) Ô mon Dieu et mon amour ! Y eut-il jamais ingratitude comparable à la mienne, Vous m'aimez depuis que Vous êtes, et je Vous offense depuis le temps que je suis. Vous m'aimez de toute éternité d'un amour pur, d'un amour fort, d'un amour tendre, d'un amour désintéressé, d'un amour infini, d'un amour victorieux de toutes les antipathies que Vous devez avoir pour moi.
Et je ne veux point Vous aimer le peu de temps que j'ai à vivre. Je Vous aime faiblement ; je ne Vous aime que lorsque je sens du plaisir à Vous aimer ; je ne Vous aime que fort peu de temps ; et je mets des bornes à mon amour, n'aimant de tous les hommes que ceux qu'Il me plaît d'aimer.
Ô je désire Vous aimer désormais, mon Dieu , comme Vous m'avez aimé. Je Vous aimerai dès à présent, je Vous aimerai constamment, je Vous aimerai purement, je Vous aimerai tendrement, je Vous aimerai puissamment et généreusement, je Vous aimerai infiniment, je Vous aimerai éternellement, je Vous aimerai universellement dans tous les lieux, dans tous les temps, dans tous les états, dans toutes sortes de personnes, et dans l'accomplissement de toutes vos volontés.
Paroles de l’Écriture
« Je vous ai aimé d'une charité éternelle. » (Jérémie 31, 3)
« Mon Père vous aime. » (Jean 16, 27)
« Il veut que tous les hommes soient sauvés, et qu'ils viennent à la connaissance de la vérité. » (1 Timothée 2, 4)
« Ayant aimé les liens qui étaient au monde, Il les a aimés jusqu'à la fin. » (Jean 13, 1)
« Est-ce la mort de l'impie que je désire, dit Dieu le Seigneur, ou plutôt qu'il se convertisse et qu'il vive ? » (Ézéchiel 18, 23)
Cantique spirituel
Pour le même jour.
1) J’ai tout perdu, je n'ai plus rien à perdre. J’ai tout trouvé lorsque je me suis perdu. Je n'ai plus rien ni à chercher, ni à désirer. Je suis à Dieu, je n’appréhende [=je ne crains] plus rien. Je possède Dieu, je n'ai plus besoin de rien.
2) J'ai tout quitté pour Dieu. J'ai tout trouvé dans Dieu : mes désirs que j’avais bannis de mon cœur, se font trouvés [réalisés] en lui, comme les fleuves sans bruit, sans distinction, sans mouvement, sans violence, sans ces rivages étroits de plaisir et d’intérêt qui les tenaient resserrés sur la terre.
3) Dès lors que j'ai perdu la terre de vue, je suis entré dans l’océan de la Divinité. Je me suis plongé dans ces vastes abîmes de biens, de plaisirs, de paix et de repos. J'ai confondu mon être avec celui de Dieu. J'ai passé, ce [=il] me semble, du temps à l’éternité. Je ne sais plus ce que je suis, ni où je suis. Je ne vis plus ; je n'agis plus ; c'est Dieu qui vit dans moi ; c'est Dieu qui agit par moi.
Ô nuit sainte, sacrée et mystérieuse, où le Verbe s’unit à notre âme dans le silence de Ses pensées et de Ses désirs ! Que cette heure est douce, mais qu'elle est courte ! Que toute chair se taise en la présence du Seigneur,
Notes
(1) En fait, il s’agit d’une citation d’un opuscule d’un auteur anonyme, longtemps attribué à S. Thomas d’Aquin, De Beatudine, chapitre 7 : “Et notabile est, quod non dicit se emisse, sed invenisse, licet pretioso sanguine et aspera passione genus humanum comparaverit: quia intantum desideravit salutem generis humani, quod inventionem reputavit tali modo se posse hominem a potestate diabolica liberare, et ad beatitudinem aeternam ad quam creatus fuerat, revocare. Similiter notabile est, quod etiam omnes Angelos convocat ad congratulandum, non drachmae, non homini, sed sibi, quasi homo Dei Deus esset, et tota salus divina in ipsius inventione dependeret, et quasi sine ipso beatus esse non posset.” [« Il est remarquable qu’Il ne dit pas qu’Il ai achetée [la drachme] mais qu’Il l’a trouvée, même s’Il acquerra le genre humain par [Son] sang précieux et par une dure souffrance, parce qu’Il a désiré à tel point le salut du genre humain qu’il a considéré comme une trouvaille que, d’une telle façon, il puisse libérer l’homme de la puissance diabolique et le ramener à la béatitude éternelle pour laquelle il avait été créé. De la même façon, il est remarquable qu’il a aussi appelé tous les Anges à se réjouir, non pour la drachme, non pour l’homme mais pour Lui-même, comme si l’homme était le Dieu de Dieu et que tout le salut de Dieu dépendait de sa trouvaille, comme s’Il ne pouvait être heureux sans lui. »] Disponible sur en latin <https://www.corpusthomisticum.org/xtb.html#91196>, consultée le 12 décembre 2020.
(2) L’auteur fait peut-être allusion à la Somme contre les Gentils, livre 1, chapitre 75, n. 4-5 : “Amplius. Quicumque amat aliquid secundum se et propter ipsum, amat per consequens omnia in quibus illud invenitur: ut qui amat dulcedinem propter ipsam, oportet quod omnia dulcia amet. Sed Deus suum esse secundum se et propter ipsum vult et amat, ut supra ostensum est. Omne autem aliud esse est quaedam sui esse secundum similitudinem participatio, (...). Relinquitur igitur quod Deus, ex hoc ipso quod vult et amat se, vult et amat alia. Adhuc. Deus, volendo se, vult omnia quae in ipso sunt. Omnia autem quodammodo praeexistunt in ipso per proprias rationes, (...). Deus igitur, volendo se, etiam alia vult.” [« En outre, quiconque aime quelque chose en soi et à cause d’elle-même, aime par conséquent toutes les choses en qui il la découvre, de telle façon que celui qui aime la douceur à cause d’elle-même aime nécessairement tout ce qui est doux. Mais Dieu veut et aime Son être en Soi et à cause de Lui-même. Or tout autre être est par similitude une certaine participation à Son être, (...). Il en résulte donc que Dieu, du fait qu’Il se veut et S'aime Lui-même, veut et aime toutes les autres choses. [On peut dire] encore qu’en Se voulant, Dieu veut tout ce qui existe en lui. Or toutes les choses préexistent d'une certaine manière en Lui par leurs propres idées, (...). En Se voulant, Dieu veut donc aussi les autres choses. »] Disponible en latin sur <https://www.corpusthomisticum.org/scg1072.html#24192>, consultée le 12 décembre 2020.
(3) L’auteur fait peut-être allusion au Adversus Marcionem, livre 1, chap. 22 : “Omnia enim in deo naturalia et ingenita esse debebunt, ut sint aeterna, secundum statum ipsius, ne obvenientia et extranea reputentur, ac per hoc temporalia et aeternitatis aliena. Ita et bonitas perennis et iugis exigetur in deo, quae in thesauris naturalium proprietatum reposita et parata antecederet causas et materias suas, et primam quamque susciperet, non despiceret et destitueret, si antecedebat.” [« En effet, dans un dieu, il faut que toutes choses soient naturelles et innées en sorte qu’elles soient éternelles, en accord avec sa condition, afin qu’on ne les considère pas comme accidentelles et extérieures, et en cela, temporelles et étrangères à l’éternité. Ainsi d’un dieu l’on exige la bonté inaltérable et intarissable qui, mise à disposition et en réserve dans le trésor de [ses] propriétés naturelles, devancerait ses causes et ses matières, et en les devançant, l’assumerait sans la dédaigner ni la délaisser. »] Disponible en latin sur <http://www.tertullian.org/articles/evans_marc/evans_marc_04book1.htm>, consultée le 12 décembre 2020.
(4) S. Thomas d’Aquin, Somme théologique, 2de partie de la 2e partie, question 21, article 2, conclusion et réponse : “Respondeo dicendum quod, sicut supra dictum est circa desperationem, omnis motus appetitivus qui conformiter se habet ad intellectum falsum est secundum se malus et peccatum. Praesumptio autem est motus quidam appetitivus, quia importat quandam spem inordinatam. Habet autem se conformiter intellectui falso, sicut et desperatio, sicut enim falsum est quod Deus poenitentibus non indulgeat, vel quod peccantes ad poenitentiam non convertat, ita falsum est quod in peccato perseverantibus veniam concedat, et a bono opere cessantibus gloriam largiatur; cui existimationi conformiter se habet praesumptionis motus. Et ideo praesumptio est peccatum. Minus tamen quam desperatio, quanto magis proprium est Deo misereri et parcere quam punire, propter eius infinitam bonitatem. Illud enim secundum se Deo convenit, hoc autem propter nostra peccata.” [« Il faut répondre que, comme il a été dit ci-dessus au sujet du désespoir, tout mouvement de l’appétit qui se forme conformément à une fausse compréhension, est en lui-même un mal et un péché. Or, la présomption est un mouvement de l’appétit, parce qu’elle implique une espérance désordonnée. Et elle se forme conformément à une fausse compréhension, comme le désespoir. De la même façon qu’il est faux, en effet, [de dire] que Dieu n’est pas indulgent pour les pécheurs ou qu’il n’entraîne pas les pécheurs au repentir, ainsi il est faux [de dire] qu’il accorde le pardon à ceux qui persévèrent dans le péché et qu’il donne avec largesse la gloire à ceux qui ne font pas d’action bonne ; c’est conformément à cette opinion que se forme le mouvement de présomption. Et, par conséquent, la présomption est un péché. Cependant, elle l’est moins que le désespoir, étant donné que le propre de Dieu, à cause de sa bonté infinie, est bien plus d’avoir pitié et de pardonner que de punir. En effet, avoir pitié et pardonner est en accord avec Dieu en Lui-même, mais punir, Il ne le fait qu’à cause de nos péchés. »] Disponible en latin sur <http://www.clerus.org/bibliaclerusonline/fr/g2w.htm#fx>, consultée le 12 décembre 2020.
(5) S. Augustin d’Hippone, Confessionum libri XIII, livre 10, chap. 27, n. 38 : “Sero te amavi, pulchritudo tam antiqua et tam nova, sero te amavi !” [Tard je T’ai aimée, beauté si ancienne et si nouvelle, tard je T’ai aimée. » Disponible en latin sur <http://www.augustinus.it/latino/confessioni/index2.htm>, consultée le 12 décembre 2020.
Référence
R. P. Jean Crasset (o.p.), Considérations chrétiennes pour tous les jours de l’année avec les évangiles de tous les dimanches, t. 3, nouvelle édition, Bruxelles, François Foppens, 1694, p. 51-68.
L'auteur de ce blogue a modernisé l'orthographe et la ponctuation ; il a ajouté les notes et est l'auteur de la version française des textes latins présentés ; il a précisé les citations tirées de l'Écriture, à la suite de chaque Considération (ces citations sont tirées de la Bible de Louis-Isaac Lemaistre de Sacy) ; il a indiqué entre crochets le sens de mots dont le sens a évolué depuis le dix-septième siècle.
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