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mardi 4 juin 2013

La Réalité ultime selon les religions, par M. Momen, 2005


Dans la discussion qui suit, les positions ci-dessus sont appelées position 1 (théisme) et position 2 (monisme), la position 1 étant subdivisée en (1a) : strict théisme transcendant et (1b) : théisme immanent ou incarnationniste, c'est-à-dire qu'il considère que la Manifestation de Dieu est Dieu.

Cette question de la nature de la Réalité ultime est importante dans l'histoire des religions. Elle fut la cause de spéculations et de disputes entre communautés religieuse et à l'intérieur de chacune. On peut trouver dans la plupart des religions mondiales des exemples de fidèles qui adhèrent à l'une ou l'autre de ces positions.

Dans l'hindouisme,  il existe une différence entre ceux qui suivent la tradition Bhakti (position 1) et ceux qui adhèrent au Advaïta Vedanta (position 2). Si la tradition Bhakti représente plutôt la position (1b) puisque Krishna et Rama sont considérés comme des avatars (incarnation du dieu Vishnou, elle comprend néanmoins quelques éléments de la position (1a), notamment dans le Rig-Véda.

Dans le bouddhisme, la situation est plus complexe. Le concept de Réalité ultime est traduit soit par le terme Dharma (décrivant la Réalité ultime comme la loi universelle), soit par le terme Nirvana (décrivant la Réalité ultime comme un état).
Dans le bouddhisme Theravada, c'est le Nirvana qui domine, le Bouddha refusant de répondre à la question de savoir si l'être humain qui atteint le Nirvana devient alors un avec lui ou non, décrivant la réponse comme avyata (inexprimable).
Le bouddhisme Mahayana offre le concept du Trikaya (les trois corps possédés par tous les Bouddhas) : le dharmakaya (la Réalité transcendante ultime qui est identique avec la loi ; il est permanent, atemporel et sans caractéristique), le sambhogakaya (le corps des Bouddhas célestes) et le nirmanakaya (le corps terrestre dans lequel les Bouddhas apparaissent aux hommes).
Dans l'école de la Terre Pure, la tendance est très précisément vers la position 1, la dévotion et l'adoration d'Amida Bouddha deviennent la voie de l'illumination et de la libération.
Dans d'autres écoles, comme le Zen, on incline plus vers la position 2 : chaque réalité personnelle est bussho (nature de Bouddha) qui est à son tour identique à hossho (nature du Dharma) et à la Réalité ultime (shunyata ou ku, vide).

Dans le judaïsme, la majorité suit la position théiste (1a), mais on peut trouver la position 2 dans les écrits de certains mystiques juifs, tels les auteurs du Sefer Yasira (IIIe siècle) et du Zohar (XIIIe siècle).

Dans le christianisme, la majorité suit la position 1b qui affirme que Jésus-Christ est Dieu. Mais au cours de l'histoire, une forte minorité de chrétiens rejetèrent cette interprétation du Nouveau Testament et adhérèrent à la position (1a). On peur citer les Ariens du IVe siècle, les Sociniens du XVIe-XVIIe siècles et les Unitariens des XVIIIe-XXe siècles. Les Mystiques chrétiens, comme l'auteur du Nuage de l'Inconnaissable et Maître Eckhart tendaient vers la position 2.

En islam, l'orthodoxie, tant sunnite que chiite, adhèrent strictement au théisme transcendant (1a). Quelques sectes chiites qui furent toujours considérées comme hérétiques par la majorité, inclinent vers la position (1b). Comme dans le judaïsme et le christianisme, la position 2 se rencontre surtout chez les Mystiques : Al-Hallaj qu'on dit avoir été exécuté pour son affirmation qu'il était la Réalité ultime : «`aná al-Haqq » (« je suis la Réalité absolue »), et les disciples d'Ibn al-`Arabi qui développent la doctrine du wadat al-wujúd (unité de l'Être).

Référence

Moojan Momen, Au-delà du monothéisme : la religion Baha'ie, trad. par Pierre Spierckel, Collection Religions et Spiritualité, L'Harmattan, 2009, p. 17-19

Remarques

1) Selon le Petit Robert (1989), le théisme est la « doctrine indépendante de toute religion positive qui admet l'existence d'un Dieu unique, personnel, distinct du monde mais exerçant une action sur lui. » Il faut distinguer le théisme du déisme qui, selon le Petit Larousse Illustré (1905) est le « système de ceux qui, rejetant toute révélation, croient seulement à l'existence de Dieu et à la religion naturelle : (...) Le déisme se distingue du théisme, qui, se fondant sur une révélation, reconnaît en outre une Providence et admet parfois un culte. »

2) Selon le Littré, le monisme est  la « doctrine dans laquelle on admet qu'il n'y a dans l'univers qu'une seule forme de substance et d'activité, qu'un élément ou principe unique dont tout se développe. »Le monisme est soit matérialiste, soit spiritualiste.

lundi 2 janvier 2012

Lévitique 17, 11 : à propos du sang expiatoire.

[L'orthographe et le ponctuation du commentaire ont été modernisées.]


Texte hébreu.

כִּי נֶפֶשׁ הַבָּשָׂר בַּדָּם הִוא וַאֲנִי נְתַתִּיו לָכֶם עַל הַמִּזְבֵּחַ לְכַפֵּר עַל נַפְשֹׁתֵיכֶם כִּי הַדָּם הוּא בַּנֶּפֶשׁ יְכַפֵּר

kî nefeš ha-bāśār ba-dām hiw’ wa-’ănî nəṯatîw lā-ḵem ‘al-ha-mmizəbēḥa lə-ḵapēr ‘al-nafəš ṯêḵem kî-ha-dām hû’ ba-nnefeš yəḵapēr


Traduction des LXX.

ἡ γὰρ ψυχὴ πάσης σαρκὸς αἷμα αὐτοῦ ἐστιν καὶ ἐγὼ δέδωκα αὐτὸ ὑμῖν ἐπὶ τοῦ θυσιαστηρίου ἐξιλάσκεσθαι περὶ τῶν ψυχῶν ὑμῶν τὸ γὰρ αἷμα αὐτοῦ ἀντὶ τῆς ψυχῆς ἐξιλάσεται
 
hè gar psukhè pasès sarkos haîma autoû estin kai egô dedôka auto humîn epi toû thusiastèriou exilaskesthai peri tôn psukhôn humôn to gar haîma autoû anti tês psukhês exilasetai


Traduction de la Vulgate.

quia anima carnis in sanguine est et ego dedi illum vobis ut super altare in eo expietis pro animabus vestris et sanguis pro animae piaculo sit.


Traduction de Louis Segond.

Car l'âme de la chair est dans le sang. Je vous l'ai donné sur l'autel, afin qu'il servît d'expiation pour vos âmes, car c'est par l'âme que le sang fait l'expiation. 
 

Sens du verbe hébreu Caphar.

כָּפַּר, Caphar : il a couvert, il a enduit, il a bouché (Gen. 6, 14).
De même dans Pihel כִּפֵּר, Cippher : par métaphore, il a couvert, caché, afin qu'on ne le voit pas, il a ôté, aboli, emporté ; il se dit de la face, ou de la colère, il a réconcilié, apaisé ; du péché, il a pardonné, expié ; des souillures, il a nettoyé ; d'autres choses, il a emporté, aboli, ôté. Il signifie l'un et l'autre, et réconcilier, et cacher. [Schind in Lex. Pentag.]

D'où vient כְפוֹר, Cephor, gelée blanche qui couvre la terre, frimas (Ps 147, 16).

Il ne signifie seulement couvrir, mais aussi racheter (Ex. 21, 30 ; Ps. 49, 8), apaiser (Gen. 32, 21) et de là expier. [Grot. de la satisfaction de Jésus-Christ.]

Il signifie couvrir de ciment, de poix, ou de quelque autre chose semblable, qui s'attache à ce qui en est couvert, de sorte que l'on n'en peut pas facilement ôter. Il se dit et du péché, et du pécheur ; de la chose (Ps. 78, 38) ; de la personne (Deut. 21, 8). Les LXX tournent ce mot par ἵλεως γίνομαι [hileôs ginomai], je deviens propice (Deut. 21, 8), ἱλαομαι [hilaomai], ἱλάσκομαι [hilaskomai], έξιλάσμαι [exilasmai], je me rends propice (Ps. 65, 4 et 79, 9 ; 1 Sam. 3, 14 ; Éz. 10, 10 ; Ps. 38, 38). Et souvent dans les livres de l’Exode, du Lévitique et des Nombres. [Worton, de reconciliatione, part. secunda l.2. c. 31]

Caphar veut proprement dire incruster (Gen. 6, 14). Le couvercle qui était sur l'Arche s'exprime par un mot tiré de cette même racine. Il s'applique métaphoriquement au péché, et à l’ire [colère] excitée par le péché, et il signifie la couvrir (Lév. 4, 20), c'est à dire, pardonner les péchés, et apaiser la colère, comme Ps. 78, 38 [où] il y a mot pour mot, couvrir l’iniquité, Prov. 16, 14, il la couvrira, c'est à dire, il l'apaisera. Il se prend aussi simplement, et il signifie être propice, être favorable, être clément, comme Deut. 21, 8. Il se prend souvent pour expier, c'est à dire, purger et ôter les souillures. Il se prend en ce sens des choses qui étaient en usage sous la loi et aussi des personnes. Voyez Willet sur Lév. 23, 22.

כַפֹרֶת, Capporeth, se dit de ce que l’on cache la colère en cachant le visage (Gen. 32, 21). Voyez Ainsw., Ex. 25, 17.  

Capporeth veut dire proprement couvercle : la Vulgate le tourne par propitiatoire, quelquefois par oracle, parce que Dieu répondait de dessus ce propitiatoire aux choses qu'on lui demandait, c'est à dire, qu'il prononçait des oracles. Rivet sur ce passage. Voyez D. Hammondi, potestatem clavium, c. 2, sect. II, p. 13. 

La justification se fait en couvrant et cachant, comme les fentes d'une muraille se couvrent et se cachent, en les enduisant (Lév. 16, 33).


Référence

Edward Leigh, Dictionnaire de la langue sainte, contenant toutes les originies ou les mots hébreux, tant primitifs que dérivés du Vieux Testament, Traduction française de Louis de Wolzogue, Pierre Mortier, Amsterdam, 1703, p. 311-312.

mercredi 12 octobre 2011

Le ḥesed biblique, quelques définitions.


Je souhaiterais consacrer quelque espace au mot ḥesed, très présent dans les textes hébreux de  l'Ancien Testament, selon l'appellation chrétienne, du Tanakh, selon l'appellation juive, de la Tawrat, selon l'appellation musulmane. La version française des textes latins proposés ici, est le fait de l'auteur de ce blog.


A) Moïse Maïmonide, Le guide des égarés, tome 3, O. Zeller, Osnabrück, 1856-1866, p. 454-455.

(…) il [ḥesed] est plus souvent employé pour exprimer un excès de libéralité. On sait qu'être libéral se dit dans deux sens, c'est :

1° faire le bien à celui à qui on ne doit absolument rien ;

2° faire le bien à celui qui l'a mérité, au delà de ce qu'il a mérité.

Les livres prophétiques emploient le plus souvent le mot ḥesed dans le sens de « faire le bien à celui à qui on ne doit absolument rien » ; c'est pourquoi tout bienfait qui vient de Dieu est appelé ḥesed, comme il est dit : Je rappelle les bienfaits (חסדי) de l'Éternel (Isaïe, 63, 7). C'est pourquoi aussi tout cet univers, je veux dire sa production par Dieu, est appelée ḥesed, comme il est dit : C'est par la bonté divine (חסד) que l'univers a été construit (Ps. 89, 3), ce qui veut dire la construction de l'univers est un bienfait. Dieu dit encore en énumérant ses attributs ורב חסד[et] plein de bienveillance (Exode 34, 6).

Quant au mot tsedaqa, il est dérivé de tsèdèq (צדק) qui désigne l'équité. L'équité consiste à faire droit à quiconque peut invoquer un droit et à donner à tout être quelconque selon son mérite. Cependant, dans les livres prophétiques, on n'appelle pas tsedaqa, conformément au premier sens, l'acquittement des dettes qui t'incombent à l'égard d'un autre; car si tu payes au mercenaire son salaire, ou si tu payes ta dette, cela ne s'appelle pas tsedaqa. Mais ce qu'on y appelle tsedaqa, c'est l'accomplissement des devoirs qui t'incombent à l'égard d'un autre au point de vue d'une bonne morale, comme, par exemple, de soulager celui qui souffre d'un mal quelconque.

B) Lucas Brugensis, « in Evangelium Secundum Lucam Commentaria », in J. - P. MIGNE, Scripturæ Sacræ Cursus Completus, tome 22, Montrouge, 1842, col. 340. 

VERS. 50. — Et, prout, misericordia, beneficentia, bonitas hæc enim omnia significat Hebræum hesed, quod Septuag. verterunt, έλεος [eleos], misericordia.

[VERS. 50. — Et, dans la mesure où, en effet, « miséricorde », « bienfaisance », « bonté », tous ces [mots] donnent le sens de l’hébreu hesed, que les Septante ont traduit έλεος [eleos], « miséricorde ».]

C) « In Psalmos Commentarium », in J. - P. MIGNE, Scripturæ Sacræ Cursus Completus, tome 16, Montrouge, 1841, col. 547. 

Misericordia, beneficentia, pietas, hesed propriè.

[Miséricorde, bienfaisance, piété [sens latin : devoirs que l'on doit rendre aux dieux, aux parents, à la patrie], hesed, en termes propres.]