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mercredi 27 janvier 2021

L’épreuve d’Adam et Ève, l’obéissance, la morale et la gloire

 

Le texte suivant est la retranscription d'une instruction du P. Marie-Dominique Molinié. Il présente donc un style oral très marqué...

 

 

P. Marie Dominique Molinié

 

L’épreuve de nos premiers parents, c’était celle du feu. Et le péché de nos premiers parents, en termes très simples, c’est d’avoir voulu s’emparer de la gloire au lieu d’avoir accepté que la gloire s’empare d’eux, c’est tout. Voyez… ?

Et alors, le troisième péché que je dénonce maintenant mais qui n’est pas celui de nos premiers parents et qui ne pouvait pas être celui de nos premiers parents — parce que ça ne peut pas être le premier —, c’est [ni de refuser de s’emparer de la gloire, comme si on disait] : « oh non, moi, je suis très modeste, je n’en demande pas tant », ni [de refuser] que la gloire s’empare de nous [comme si on disait] : « [j’aime mieux rester] bien tranquille dans mon coin ». Alors ça c’est un péché [qui ferait dire à Dieu] : « si vous étiez chaud ou froid, quoi, enfin, ah ! je vous en sortirai !!! ».

Alors nos premiers parents, non c’était pas ça. Ils ne pouvaient pas. Justement parce qu’ils étaient beaucoup trop profonds, parce qu’ils étaient trop parfaits, parce qu’ils étaient innocents, parce qu’ils étaient purs, parce qu’ils étaient vibrants, parce qu’ils étaient transparents, hein !, parce qu’ils étaient en feu, en fièvre, ils ne pouvaient pas se permettre l’indifférence. Je crois pas.

Seulement le problème, c’est le suivant, hein ?! : « c’est toi qui mange ou c’est Moi qui mange, lequel de nous deux qui va manger l’autre », hein ?! On se regarde comme ça. Et on s’aime. Voyez, cela ressemble beaucoup à l’aventure de l’amour humain : mais « qui qui » va manger l’autre ? Qui va dévorer l’autre ? Qui va avoir raison de l’autre ? Qui va avoir et qui va être eu ? Qui va se laisser posséder et qui va posséder ? « C’est toi qui vas Me posséder ?  — par le moyen de la manducation du fruit interdit et qui va ainsi connaître, en effet, cet espèce de royauté qui appartient à celui qui décide par lui-même de ce qui doit être fait, de ce qui est bien et de ce qui est mal. C’est ça que tu veux connaître ? Ou bien : c’est Ma Vie que tu veux connaître ? Et alors si c’est Ma Vie que tu veux connaître, il faut pas prétendre connaître cette royale indépendance qui est la Mienne. »

Autrement dit, si vous voulez : bon, il y a deux manières d’être Dieu ; il y a deux aspects de Dieu dont l’un ne doit pas être désiré : c’est celui par où Il se distingue de la créature. Qu’est-ce que vous voulez que j’y fasse, moi ! C’est ce que j’appelle « la falaise ». C’est celui par lequel « Tu es tout et nous rien ». C’est ça la morale, en fin de compte. Vous savez, hein… Qu’est ce que c’est que la morale ? Dieu est tout et nous rien, voilà ! Quand vous aurez compris ça, vous serez dans « la morale » ! Et la morale sexuelle comme l’autre ! Et la morale de l’avortement comme l’autre ! Pourquoi ? Parce que, quelle est la grande difficulté de la morale sexuelle ? Quelle est la grande difficulté de tout ? Prenez-moi n’importe quel cas, le plus difficile que vous voudrez : quelle est la grande difficulté ?

Ben, c’est d’accepter qu’il y ait une loi ! Voilà ! Quelle qu’elle soit. Là, croyez-moi… ! La vraie difficulté, c’est d’accepter que, de temps en temps, notre volonté se heurte à un refus... de la part de Dieu. Voilà. Pour quelque raison que ce soit. Et de quelque manière que ce soit. Là est la difficulté.

Une fois que vous avez avalé ça, bon, ben alors, vous dites : « Bon, alors quel est le programme… ? »

Tandis que tant que vous contestez : « j’accepte le programme, j’accepte pas ce programme », ça veut dire : « j’accepte tout simplement d’obéir tant que ça ne me gène pas » ! C’est tout. Ou que : « ça me gène dans des limites que j’estime tolérables ». N’est-ce pas, hein ?! Non, la grande difficulté, c’est pas d’accepter telle ou telle loi morale, c’est d’accepter qu’il y ait une loi morale, mais vraiment « morale », c’est-à-dire qu’elle engendre un malheur infini et éternel… si elle est refusée. Et un bonheur infini et éternel si elle est acceptée.

Bon, alors, il y a un privilège de Dieu, c’est de détenir la science du bien et du mal moral. Ça, y faut pas y toucher parce que c’est justement accepter d’obéir. Et y toucher, c’est refuser d’obéir.

Et puis alors, il existe un privilège de Dieu que Dieu veut nous donner, c’est la gloire ! À condition de ne pas toucher à l’arbre de la science du bien et du mal, on entre en possession de l’arbre de Vie. « Laisse-toi manger, laisse-toi dévorer par le feu. » Voilà, en gros.

Seulement, dans la présentation que je vous propose, ces deux fruits se fondent en un seul parce que ce sont deux… j’ai pas le temps de dire quoi, voilà, bon… Ça veut dire que ce même fruit de la gloire, si justement tu t’en empares en ne touchant pas à l’arbre de la science du bien et du mal, il sera pour toi un fruit de vie. Et si tu t’en empares de toi-même, par ton industrie, par tes efforts, par ta conquête, de façon à ne pas être obligé de Me le demander, de le mendier, de l’attendre pendant vingt cinq siècles s’il le faut, pendant des ères géologiques s’il le faut, en te mettant à genoux, en rampant dans la poussière et en disant : « Comme Tu voudras, Ta volonté, pas la mienne ! », si justement, tu veux tricher avec ça…, alors ce même fruit va devenir de la gloire, cette invasion… tu vas toucher la gloire, bien sûr, oh oui ! Si tu fais ça, tu vas toucher la gloire, tu vas manger la gloire. Et tu vas en mourir… « Tu mourras de mort. » La gloire te fera mourir. « Mors est malis, vita bonis », comme l’Eucharistie qui est la prolongation de ce mystère. C’est une mort pour les mauvais, c’est-à-dire pour ceux qui n’acceptent pas d’obéir. La gloire est une mort pour ceux qui n’acceptent pas d’obéir. La gloire est une vie pour ceux qui acceptent d’obéir. Alors, on peut désobéir en s’emparant de la gloire à son gré. On peut désobéir en disant : « Je ne suis pas pressé... ». Enfin : on désobéit. Oui. Et la gloire est une vie pour ceux qui obéissent. Voilà !

Alors l’épreuve de nos premiers parents, ça a été ça : ils n’ont pas obéi. Il en est résulté un certain nombre de conséquences que nous essaierons de voir par la suite et... qui sont bien passionnantes à suivre parce que nous sommes qu’au début de cette affaire-là.

Mais voyez que la gloire est au cœur de ce mystère de nos premiers parents et que, inversement, quand je vous parlais de la gloire, il fallait que je vous parle pour que vous compreniez ce que c’est quand S. Paul dit : « La gloire est en nous », ça veut dire qu’elle nous est restituée par le Christ alors que nous [l’]avions perdue. Car c’est la première chose que Dieu dira à nos premiers parents au soir de la Chute : « eh bien, la gloire, vous l’aurez plus ! » « Vous l’aurez plus ! » « Pas avant Jésus-Christ. » « Vous aurez Mon intimité, Mon pardon, Ma miséricorde, mais la gloire, alors, c’est fini. C’est trop dangereux ! J’ai essayé, ça m’a pas réussi, hein… »


Référence

Père Marie-Dominique Molinié (o.p.), enregistrement audio « Réflexion sur la Genèse, partie 4, minutage : 29’14–35’35. Disponible en ligne sur <http://www.medvan.it/mp3/mol_refgen/RG01-04-ReflexionsurlaGenese.mp3>, consultée le 27 janvier 2021.

jeudi 17 décembre 2020

Le Pape François et la question de l’homosexualité : que dit-il vraiment ?

 

Sa Sainteté, le pape François

 

A) Points de départ doctrinaux : 

 1) Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Déclaration Persona humana, 29 décembre 1975

De nos jours, à l’encontre de l’enseignement constant du Magistère et du sens moral du peuple chrétien, quelques-uns en sont venus, en se fondant sur des observations d’ordre psychologique, à juger avec indulgence, voire même à excuser complètement, les relations homosexuelles chez certains sujets.

Ils font une distinction — et, semble-t-il, avec raison — entre les homosexuels dont la tendance provenant d’une éducation faussée, d’un manque d’évolution sexuelle normale, d’une habitude prise, de mauvais exemples ou d’autres causes analogues est transitoire ou du moins non incurable, et les homosexuels qui sont définitivement tels par une sorte d’instinct inné ou de constitution pathologique jugée incurable. Or, quant à cette seconde catégorie de sujets, certains concluent que leur tendance est à tel point naturelle qu’elle doit être considérée comme justifiant, pour eux, des relations homosexuelles dans une sincère communion de vie et d’amour analogue au mariage en tant qu’ils se sentent incapables de supporter une vie solitaire.

Certes, dans l’action pastorale, ces homosexuels doivent être accueillis avec compréhension et soutenus dans l’espoir de surmonter leurs difficultés personnelles et leur inadaptation sociale.

Leur culpabilité sera jugée avec prudence.

Mais nulle méthode pastorale ne peut être employée qui, parce que ces actes seraient estimés conformes à la condition de ces personnes, leur accorderait une justification morale.

Selon l’ordre moral objectif, les relations homosexuelles sont des actes dépourvus de leur règle essentielle et indispensable.

Elles sont condamnées dans la Sainte Écriture comme de graves dépravations et présentées même comme la triste conséquence d’un refus de Dieu (13).

Ce jugement de l’Écriture ne permet pas de conclure que tous ceux qui souffrent de cette anomalie en sont personnellement responsables, mais il atteste que les actes d’homosexualité sont intrinsèquement désordonnés et qu’ils ne peuvent en aucun cas recevoir quelque approbation.

(13) Romains 1, 24-27 : « Aussi Dieu les a-t-il livrés selon les convoitises de leur cœur à une impureté où ils avilissent eux-mêmes leurs propres corps : eux qui ont échangé la vérité de Dieu contre le mensonge, adoré et servi la créature de préférence au Créateur, qui est béni éternellement. Amen. Aussi Dieu les a-t-il livrés à des passions avilissantes : car leurs femmes ont échangé les rapports naturels pour des rapports contre nature : pareillement les hommes délaissant l’usage naturel de la femme, ont brûlé de désir les uns pour les autres, perpétrant l’infamie d’homme à homme et recevant en leurs personnes l’inévitable salaire de leurs égarements ». Voir aussi ce que dit S. Paul des « masculorum concubitores [ἀρσενοκοῖται, arseno-koitai] » en 1 Corinthiens 6, 9 ; 1 Timothée 1, 10.

Disponible en ligne sur <http://www.vatican.va/roman_curia/congregations/cfaith/documents/rc_con_cfaith_doc_19751229_persona-humana_fr.html>, consultée le 24 septembre 2020.

2) Catéchisme de l’Église catholique (1992)

2357. L’homosexualité désigne les relations entre des hommes ou des femmes qui éprouvent une attirance sexuelle, exclusive ou prédominante, envers des personnes du même sexe. Elle revêt des formes très variables à travers les siècles et les cultures.

Sa genèse psychique reste largement inexpliquée.

S’appuyant sur la Sainte Écriture, qui les présente comme des dépravations graves (cf. Gn 19, 1-29 ; Rm 1, 24-27 ; 1 Co 6, 10 ; 1 Tm 1, 10), la Tradition a toujours déclaré que « les actes d’homosexualité sont intrinsèquement désordonnés » (Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Déclaration Persona humana, n. 8).

- Ils sont contraires à la loi naturelle.

- Ils ferment l’acte sexuel au don de la vie.

- Ils ne procèdent pas d’une complémentarité affective et sexuelle véritable.

Ils ne sauraient recevoir d’approbation en aucun cas.

2358. Un nombre non négligeable d’hommes et de femmes présente des tendances homosexuelles foncières. Cette propension, objectivement désordonnée, constitue pour la plupart d’entre eux une épreuve.

Ils doivent être accueillis avec respect, compassion et délicatesse. On évitera à leur égard toute marque de discrimination injuste.

Ces personnes sont appelées à réaliser la volonté de Dieu dans leur vie, et si elles sont chrétiennes, à unir au sacrifice de la croix du Seigneur les difficultés qu’elles peuvent rencontrer du fait de leur condition.

2359 Les personnes homosexuelles sont appelées à la chasteté [cf. n. 2337 La chasteté signifie l’intégration réussie de la sexualité dans la personne et par là l’unité intérieure de l’homme dans son être corporel et spirituel. La sexualité, en laquelle s’exprime l’appartenance de l’homme au monde corporel et biologique, devient personnelle et vraiment humaine lorsqu’elle est intégrée dans la relation de personne à personne, dans le don mutuel entier et temporellement illimité, de l’homme et de la femme.]

Disponible en ligne sur <https://www.vatican.va/archive/FRA0013/__P80.HTM>, consultée le 24 septembre 2020.

B) Déclarations du Pape François

1) 28 juillet 2013

Conférence de presse durant le vol de retour du voyage apostolique à Rio de Janeiro (28e J.M.J).

Disponible en ligne sur <http://www.vatican.va/content/francesco/fr/speeches/2013/july/documents/papa-francesco_20130728_gmg-conferenza-stampa.html>, consultée le 24 septembre 2020.

 

Ilze Scamparini :

Je voudrais demander la permission de poser une question un peu délicate : Une autre image a fait un peu le tour du monde : celle de Mgr Ricca, ainsi que des informations sur sa vie privée. Je voudrais savoir, Sainteté, ce que vous comptez faire sur cette question ? Comment affronter cette question et comment Sa Sainteté entend-elle affronter la question du lobby gay ?

Pape François :

En ce qui concerne Mgr Ricca : j’ai fait ce que le Droit Canonique demande de faire : une investigatio previa. De cette investigatio, il n’y a rien de ce dont on l’accuse ; nous n’avons rien trouvé. Voilà la réponse. Mais je voudrais ajouter autre chose là-dessus : je vois que souvent dans l’Église, au-delà de ce cas et aussi dans ce cas, on va chercher les « péchés de jeunesse », par exemple, et on les publie. Pas les délits, eh ? Les délits c’est autre chose : l’abus sur mineurs est un délit. Non, les péchés. Mais si une personne, laïque ou prêtre ou sœur, a fait un péché, et ensuite s’est convertie, le Seigneur pardonne, et quand le Seigneur pardonne, le Seigneur oublie et cela est important pour notre vie. Quand nous allons nous confesser et que nous disons vraiment : « J’ai péché en ceci », le Seigneur oublie ; et nous, nous n’avons pas le droit de ne pas oublier, parce que nous courrons alors le risque que le Seigneur n’oublie pas nos péchés. C’est un danger. C’est important : une théologie du péché. Souvent je pense à saint Pierre : il a fait l’un des pires péchés, celui de renier le Christ ; et avec ce péché il a été fait Pape. Nous devons y penser beaucoup. Mais, revenant à votre question plus concrète : en ce cas j’ai fait l’investigatio previa et nous n’avons rien trouvé. Ça c’est la première demande.

Ensuite, vous parlez du lobby gay. Bah ! On écrit beaucoup sur le lobby gay. Je n’ai encore trouvé personne au Vatican qui me donne sa carte d’identité avec « gay ». On dit qu’il y en a. Je crois que lorsqu’on se trouve avec une telle personne on doit distinguer le fait d’être « gay », du fait de faire un lobby ; parce que les lobbies, tous ne sont pas bons. Celui-ci est mauvais.

Si une personne est gay et cherche le Seigneur, fait preuve de bonne volonté, qui suis-je pour la juger ? Le Catéchisme de l’Église catholique l’explique de manière très belle, mais il dit, attendez un peu comment il dit… il dit : « Nous ne devons pas mettre en marge ces personnes pour cela, elles doivent être intégrées dans la société ». Le problème n’est pas d’avoir cette tendance, non, nous devons être frères, car ceci est une chose, mais s’il y a autre chose, autre chose.

Le problème est de faire de cette tendance, un lobby : lobby des avares, lobby des politiciens, lobby des maçons, beaucoup de lobby. Voilà le problème le plus grave pour moi. Et je vous remercie beaucoup pour avoir fait cette demande. Merci beaucoup !

2) 19 août 2013

Entretien avec le P. Antonio Spadaro, s. j. Paru dans L'Osservatore Romano, ed. hebdomadaire française du 26/09/2013.

Disponible en ligne sur <http://www.vatican.va/content/francesco/fr/speeches/2013/september/documents/papa-francesco_20130921_intervista-spadaro.html>, consultée le 24 septembre 2020.

 

Nous devons annoncer l’Évangile sur chaque route, prêchant la bonne nouvelle du Règne et soignant, aussi par notre prédication, tous types de maladies et de blessures. À Buenos Aires j’ai reçu des lettres de personnes homosexuelles, qui sont des « blessés sociaux » parce qu’elles se ressentent depuis toujours condamnées par l’Église.

Mais ce n’est pas ce que veut l’Église.

Lors de mon vol de retour de Rio de Janeiro, j’ai dit que, si une personne homosexuelle est de bonne volonté et qu’elle est en recherche de Dieu, je ne suis personne pour la juger. Disant cela, j’ai dit ce que dit le Catéchisme [de l’Église catholique].

La religion a le droit d’exprimer son opinion au service des personnes mais Dieu dans la création nous a rendu libres : l’ingérence spirituelle dans la vie des personnes n’est pas possible.

Un jour quelqu’un m’a demandé d’une manière provocatrice si j’approuvais l’homosexualité. Je lui ai alors répondu avec une autre question : « Dis-moi : Dieu, quand il regarde une personne homosexuelle, en approuve-t-il l’existence avec affection ou la repousse-t-il en la condamnant ? ».

Il faut toujours considérer la personne. Nous entrons ici dans le mystère de l’homme.

Dans la vie de tous les jours, Dieu accompagne les personnes et nous devons les accompagner à partir de leur condition. Il faut accompagner avec miséricorde. Quand cela arrive, l’Esprit Saint inspire le prêtre afin qu’il dise la chose la plus juste.

(…)

Nous ne pouvons pas insister seulement sur les questions liées à l’avortement, au mariage homosexuel et à l’utilisation de méthodes contraceptives. Ce n’est pas possible. Je n’ai pas beaucoup parlé de ces choses, et on me l’a reproché. Mais lorsqu’on en parle, il faut le faire dans un contexte précis. La pensée de l’Église, nous la connaissons, et je suis fils de l’Église, mais il n’est pas nécessaire d’en parler en permanence. Les enseignements, tant dogmatiques que moraux, ne sont pas tous équivalents. Une pastorale missionnaire n’est pas obsédée par la transmission désarticulée d’une multitude de doctrines à imposer avec insistance. L’annonce de type missionnaire se concentre sur l’essentiel, sur le nécessaire, qui est aussi ce qui passionne et attire le plus, ce qui rend le cœur tout brûlant, comme l’eurent les disciples d’Emmaüs. Nous devons donc trouver un nouvel équilibre, autrement l’édifice moral de l’Église risque lui aussi de s’écrouler comme un château de cartes, de perdre la fraîcheur et le parfum de l’Évangile. L’annonce évangélique doit être plus simple, profonde, irradiante. C’est à partir de cette annonce que viennent ensuite les conséquences morales.

3) 19 mars 2016

Exhortation apostolique post-synodale Amoris lætitia.

Disponible en ligne sur <http://www.vatican.va/content/francesco/fr/apost_exhortations/documents/papa-francesco_esortazione-ap_20190325_christus-vivit.html<, consultée le 24 septembre 2020.

250. L’Église fait sienne l’attitude du Seigneur Jésus qui, dans un amour sans limite, s’est offert pour chaque personne sans exceptions [275].

Avec les Père synodaux, j’ai pris en considération la situation des familles qui vivent l’expérience d’avoir en leur sein des personnes manifestant une tendance homosexuelle, une expérience loin d’être facile tant pour les parents que pour les enfants.

C’est pourquoi, nous désirons d’abord et avant tout réaffirmer que chaque personne, indépendamment de sa tendance sexuelle, doit être respectée dans sa dignité et accueillie avec respect, avec le soin d’éviter « toute marque de discrimination injuste » [276] et particulièrement toute forme d’agression et de violence.

Il s’agit, au contraire, d’assurer un accompagnement respectueux des familles, afin que leurs membres qui manifestent une tendance homosexuelle puissent bénéficier de l’aide nécessaire pour comprendre et réaliser pleinement la volonté de Dieu dans leur vie [277].

251. Au cours des débats sur la dignité et la mission de la famille, les Pères synodaux ont fait remarquer qu’en ce qui concerne le « projet d’assimiler au mariage les unions entre personnes homosexuelles, il n’y a aucun fondement pour assimiler ou établir des analogies, même lointaines, entre les unions homosexuelles et le dessein de Dieu sur le mariage et la famille ». Il est inacceptable que « les Églises locales subissent des pressions en ce domaine et que les organismes internationaux conditionnent les aides financières aux pays pauvres à l’introduction de lois qui instituent le “mariage” entre des personnes de même sexe » [278].

[275] Cf. Bulle Misericordiae Vultus, n. 12 : ASS 107 (2015), p. 407.

[276] Catéchisme de l’Église catholique, n. 2358 ; cf. Relatio finalis 2015, n. 76.

[277] Cf. Ibid.

[278] Relatio finalis, n. 76 ; cf. Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Considérations à propos des projets de reconnaissance légale des unions entre personnes homosexuelles (3 juin 2003), n. 4.

 

4) 26 juin 2016

Conférence de presse durant le vol de retour du voyage apostolique en Arménie.

Disponible en ligne sur <http://m.vatican.va/content/francesco/fr/speeches/2016/june/documents/papa-francesco_20160626_armenia-conferenza-stampa.html>, consultée le 24 septembre 2020.

Cindy Wooden – CNS :

Merci Sainteté. Ces derniers jours, le Cardinal allemand Marx en parlant à une grande conférence très importante à Dublin, sur l’Église dans le monde moderne, a dit que l’Église catholique devait dire pardon à la communauté gay pour avoir marginalisé ces personnes. Les jours qui ont suivi le massacre d’Orlando, beaucoup ont dit que la communauté chrétienne a quelque chose à voir avec cette haine envers ces personnes. Qu’en pensez-vous ?

Pape François :

Je répéterai la même chose que j’ai dite lors du premier voyage, et je répète aussi ce que dit le Catéchisme de l’Église catholique : qu’ils ne sont pas discriminés, qu’ils doivent être respectés, accompagnés pastoralement.

On peut condamner, non pour des motifs idéologiques, mais pour des motifs – disons-nous – de comportement politique, certaines manifestations un peu trop blessantes pour les autres.

Mais ces choses n’ont pas à voir avec le problème : si le problème est une personne qui a cette condition, qui a bonne volonté et qui cherche Dieu, qui sommes-nous pour la juger ? Nous devons bien l’accompagner selon ce que dit le Catéchisme. Le Catéchisme est clair !

Ensuite il y a les traditions dans certains pays, dans certaines cultures qui ont une mentalité différente sur ce problème. Je crois que l’Église non seulement doit demander pardon – comme a dit le Cardinal « marxiste » [Cardinal Marx] – à cette personne qui est gay qu’elle a offensée, mais elle doit demander aussi pardon aux pauvres, aux femmes et aux enfants exploités dans le travail; elle doit demander pardon d’avoir béni tant d’armes… L’Église doit demander pardon de ne pas s’être comportée tant, tant de fois… - et quand je dis « l’Église » j’entends les chrétiens ; l’Église est sainte, c’est nous qui sommes des pécheurs ! – les chrétiens doivent demander pardon de ne pas avoir accompagné tant de choix, tant de de familles

Je me rappelle la culture de Buenos Aires, la culture catholique fermée, quand j’étais enfant – je viens de là ! – : on ne pouvait pas entrer dans la maison d’une famille divorcée ! Je parle d’il y a 80 ans. La culture a changé, grâce à Dieu.

Comme chrétiens, nous devons beaucoup demander pardon, et pas seulement pour cela. Pardon et non seulement des excuses !

« Pardon Seigneur ! » : c’est une parole que nous oublions – maintenant, je fais le pasteur et je fais le sermon ! Non, c’est vrai, beaucoup de fois le « prêtre patron » et non le prêtre père, le prêtre « qui châtie » et non le prêtre qui embrasse, pardonne, console…

Mais il y en a tant ! Tant d’aumôniers d’hôpitaux, d’aumôniers des prisons, tant de saints ! Mais ceux-là ne se voient pas, parce que la sainteté a de la pudeur, elle se cache. Au contraire, le manque de pudeur est effronté : il est effronté et se fait remarquer. Tant d’organisations, avec de bonnes personnes, et de moins bonnes ; ou des personnes auxquelles tu donnes une « bourse » un peu nourrie et elles regardent ailleurs, comme les puissances internationales avec les trois génocides. Nous aussi, chrétiens – prêtres, évêques- nous l’avons fait ; mais nous chrétiens nous avons aussi une Teresa de Calcutta et tant de Teresa de Calcutta ! Nous avons tant de sœurs en Afrique, tant de laïcs, tant de couples de saints époux !

Le grain et la zizanie, le grain et la zizanie. Jésus dit que le Royaume est ainsi. Nous ne devons pas nous scandaliser d’être ainsi. Nous devons prier afin que le Seigneur fasse en sorte que cette zizanie finisse et qu’il y ait davantage de grain. Mais c’est la vie de l’Église. On ne peut mettre une limite.

Nous sommes tous saints, parce que nous avons tous l’Esprit Saint en nous, mais nous sommes –nous tous – des pécheurs. Moi le premier. D’accord ? Merci. Je ne sais pas si j’ai répondu… Non seulement une excuse, mais le pardon !

5) 2 octobre 2016

Conférence de presse durant le vol de retour du voyage apostolique en Géorgie et en Azerbaïdjan.

Disponible en ligne sur <http://www.vatican.va/content/francesco/fr/speeches/2016/october/documents/papa-francesco_20161002_georgia-azerbaijan-conferenza-stampa.html>, consultée le 24 septembre 2020.

[Joshua McElwee, du journal américain National Catholic Reporter

Dans le même discours, vous avez parlé de la théorie du genre, en disant que c’est le grand ennemi. Mais je voudrais demander : que diriez-vous à une personne qui a souffert pendant tant d’années à cause de sa sexualité et sent qu’il y a un problème biologique? En tant que pasteur, comment accompagneriez-vous ces personnes ?

Avant tout, dans ma vie de prêtre, d’évêque — et même de Pape — j’ai accompagné des personnes avec une tendance ou des pratiques homosexuelles. Je les ai accompagnées, je les ai approchées du Seigneur, certaines ne peuvent pas, mais je les ai accompagnées et je n’ai jamais abandonné personne. C’est ce qu’il faut faire. Il faut accompagner les personnes comme les accompagne Jésus. Quand une personne dans cette situation arrive devant Jésus, il ne lui dira certainement pas : « Va-t’en parce que tu es homosexuel ! », non.

Ce que j’ai dit concerne ce mal qui se fait aujourd’hui avec l’endoctrinement de la théorie du genre. Un père de famille français me racontait qu’à table, en parlant avec ses enfants — lui est catholique, sa femme est catholique, ses enfants sont catholiques, à l’eau de rose, mais catholiques — et il a demandé à son fils de dix ans : « Et toi que veux-tu faire quand tu seras grand ? » — « je veux être une fille ». Et le père s’est aperçu que dans les livres scolaires, on enseignait la théorie du genre. Et cela est contre les choses naturelles. C’est une chose qu’une personne ait cette tendance, cette option, et il y a aussi ceux qui changent de sexe. C’est une autre chose de donner un enseignement dans les écoles sur cette ligne, pour changer les mentalités. J’appelle cela les « colonisations idéologiques ».

L’an dernier, j’ai reçu une lettre d’un Espagnol qui me racontait l’histoire de son enfance et de son adolescence. C’était une petite fille, une fille, et il a beaucoup souffert parce qu’il se sentait garçon, mais physiquement, il était fille. Il l’a raconté à sa mère quand il avait déjà une vingtaine d’années, 22 ans, et lui a dit qu’il voulait se faire opérer et toutes ces choses-là. Et sa mère lui a demandé de ne pas le faire tant qu’elle serait en vie. Elle était âgée et elle est morte peu après. Il s’est fait opérer. Il est employé dans un ministère d’une ville d’Espagne. Il est allé voir l’évêque. L’évêque l’a beaucoup accompagné, un bon évêque : il « perdait » du temps à accompagner cet homme. Puis il s’est marié. Il a changé son identité civile, il est marié et il m’a écrit que ce serait une consolation pour lui de venir avec son épouse : lui qui était elle, mais qui est lui. Et je les ai reçus. Ils étaient contents. Et dans le quartier où il habitait, il y avait un vieux prêtre, de quatre-vingts ans, le vieux curé qui avait quitté sa paroisse et qui aidait des sœurs, là, dans la paroisse... Et il y avait le nouveau [curé]. Quand le nouveau le voyait, il lui criait du trottoir : « Tu iras en enfer » ! Quand il allait voir l’ancien curé, celui-ci lui disait : « Depuis quand ne t’es-tu pas confessé ? Viens, viens, que je te confesse, ainsi tu pourras faire la communion ». Tu as compris ?

La vie est la vie, et les choses doivent se prendre comme elles viennent.

Le péché est le péché. Les tendances ou les déséquilibres hormonaux créent beaucoup de problèmes et nous devons être attentifs à ne pas dire : « C’est la même chose, faisons la fête ». Non, cela, non.

Mais accueillir chaque cas, l’accompagner, l’étudier, discerner et l’intégrer. Voilà ce que ferait Jésus aujourd’hui.

S’il vous plaît, ne dites pas : « Le Pape va canoniser les trans » ! S’il vous plaît ! Parce que je vois déjà les titres des journaux... Non, non. Y a-t-il des doutes sur ce que j’ai dit ? Je veux être clair.

C’est un problème de morale. C’est un problème. C’est un problème humain. Et il faut le résoudre comme on peut, toujours avec la miséricorde de Dieu, avec la vérité, comme nous l’avons dit dans le cas du mariage, en lisant Amoris laetitia en entier, mais toujours comme cela, toujours le cœur ouvert. Et n’oubliez pas ce chapiteau de Vézelay : il est très beau, très beau.

6) 26 août 2018

Conférence de presse durant le vol de retour du voyage apostolique en Irlande (9e rencontre mondiale des familles).

Disponible en ligne sur <http://www.vatican.va/content/francesco/fr/speeches/2018/august/documents/papa-francesco_20180826_irlanda-voloritorno.html>, consultée le 24 septembre 2020.

[Javier Romero, Rome Reports TV] 

Le premier ministre d’Irlande, qui a été très direct dans son discours, est fier d’un nouveau modèle de famille différent de celui que l’Eglise proposait traditionnellement jusqu’à présent: je veux parler du mariage homosexuel. Et cela est sans doute l’un des modèles qui provoque le plus de conflits, spécialement dans le cas d’une famille catholique dans laquelle un membre de cette famille déclare être homosexuel. Que pensez-vous, que voudriez-vous dire à un père, une mère, auquel leur enfant dit qu’il est homosexuel et qu’il veut aller vivre avec son compagnon? (…)

(…) Il y a toujours eu des homosexuels et des personnes ayant des tendances homosexuelles. Toujours.

Les sociologues disent, mais je ne sais pas si c’est vrai, que lors des changements d’époque, certains phénomènes sociaux et éthiques se développent, et que l’un d’eux serait celui-là. Cela est l’opinion de certains sociologues.

Ta question est claire: que dirais-je à un père qui voit que son fils ou sa fille a cette tendance. Je lui dirais avant tout de prier: prie. Non pas condamner, mais dialoguer, comprendre, laisser de la place à son fils ou à sa fille. Lui laisser de la place pour qu’il s’exprime.

Puis, à quel âge se manifeste cet inquiétude de l’enfant? C’est important. C’est une chose quand elle se manifeste à l’enfance, quand il y a tant de choses que l’on peut faire, pour voir ce qu’il en est; une autre chose est quand elle se manifeste après les 20 ans, ou quelque chose de ce genre.

Mais je ne dirai jamais que le silence est la solution : ignorer le fils ou la fille ayant une tendance homosexuelle est un manque de paternité et de maternité.

« Tu es mon fils, tu es ma fille, comme tu es ; je suis ton père et ta mère, parlons. »

Et si vous, père et mère, vous n’y arrivez pas, demandez de l’aide, mais toujours dans le dialogue, toujours dans le dialogue. Parce que ce fils ou cette fille a droit à une famille et la famille est celle qui existe : ne le chassez pas de la famille. C’est un défi sérieux à la paternité et à la maternité.

Je te remercie pour ta question, merci.

7) 20 avril 2019

Contenu d'une conversation avec le comédien britannique Stephen K. Amos publié sur les réseaux sociaux par la B.B.C.

Disponible en ligne, en italien sur <https://it.aleteia.org/2020/09/09/6-frasi-forti-papa-francesco-omosessualita-gay/> et en anglais sur <https://inews.co.uk/culture/television/pilgrimage-road-to-rome-pope-meeting-lgbt-gay-rights-stephen-k-amos-bbc-what-time-date-final-281968>, consultées le 24 septembre 2020.

Amos, gay et athée, participait à un programme appelé Pilgrimage: The Road To Rome, dans lequel huit personnages bien connus, tous de croyances et de croyances différentes, portent des sacs à dos et des chaussures de randonnée et marchent le long du tronçon italien de l'ancienne Via Francigena, qui commence à Canterbury et se termine à Rome : ils n'ont que 15 jours pour parcourir 1000 kilomètres, un pèlerinage qui commence dans les Alpes juste avant la frontière italo-suisse.

Amos a déclaré qu'il ne voulait pas au départ rencontrer le Pape: « Nous avons découvert l'avant-dernier jour que nous allions le rencontrer. J'ai dit non. Ensuite, j'ai dit que j'irais si nous pouvions poser des questions. Les producteurs ont demandé : “eh bien, quel genre de questions ? Parce que nous ne voulons pas déclencher un incident diplomatique...” Nous avons donc posé quelques questions et la réponse donnée par le Vatican était que le Pape répondrait à toutes nos questions ».

Amos expliquait au Pape qu'il n'est pas croyant et qu'il est allé à Rome « à la recherche de réponses et de foi ». « Mais, en tant que gay, je ne me sens pas accepté. »

Et le Pape François a aussitôt répondu :

« Donner plus d'importance à l'adjectif [gay] qu'au nom [homme], ce n'est pas bon. Nous sommes tous des êtres humains et avons de la dignité. Peu importe qui vous êtes ou comment vous vivez votre vie, vous ne perdez pas votre dignité. Il y a des gens qui préfèrent sélectionner ou rejeter des gens à cause de l'adjectif - ces gens n'ont pas de cœur humain. »

8) 28 mai 2019

Entretien avec Valentina Alazraki pour le média mexicain Televisa.

Disponible en ligne et en espagnol sur <https://www.vaticannews.va/es/papa/news/2019-05/papa-francisco-entrevista-televisa-mexico-migrantes-feminicidio.html>, consultée le 24 septembre 2020. Traduction par l'auteur de ce blogue, avec l'aide de Google Traduction.

Q.- Il y a peut-être un autre sujet qui attire l'attention et dont je pense qu'il serait bon de l’expliquer. Ce sont vos relations avec des personnes qui vivent dans des situations qui étaient auparavant qualifiées d '« irrégulières », disons ceci. Je donne l'exemple de la fois où vous avez reçu un trans espagnol à Sainte Marthe avec son partenaire, et bien sûr, ces gens quittent Sainte Marthe en disant que vous les avez serrés dans vos bras, que vous les avez bénis, que vous leur avez dit que Dieu les aime, ou [de la fois où] vous avez décroché le téléphone et appelé une femme argentine divorcée, puis elle est partie en disant : « Le Pape m'a dit que je peux recevoir la communion » et bien sûr, les fidèles arrivent dans l’un ou l’autre cas vers les pauvres prêtres et disent : « Le Pape m'a dit que ça va bien pour moi et il m'a dit que je peux recevoir la communion. » Et les prêtres mettent les mains sur la tête et disent : « Maintenant que dois-je faire », parce que la doctrine n'a pas changé, disons. Alors, comment gérez-vous ces situations ?

R.- Parfois, les gens, à cause de l'enthousiasme d'être reçus, disent plus de choses que le Pape n’en a dit, prenons cela en compte.

Q.- C'est un risque que vous courez ...

R.- Bien sûr, un risque. Mais tous sont enfants de Dieu, nous sommes tous enfants de Dieu. Toutes les personnes. Je ne peux rejeter personne. Oui, je dois m'occuper de celui qui me fait du mal, de celui qui me trompe, m’en occuper. Mais rejetez, non. Je ne peux pas non plus dire à une personne que sa conduite est conforme à ce que veut l'Église, je ne le peux pas. Mais je dois lui dire la vérité : « tu es enfant de Dieu et Dieu t’aime comme tel ; maintenant, mets-toi en règle avec Dieu ». Je n'ai pas le droit de dire à quelqu’un qu'il n'est pas un enfant de Dieu parce que ce serait faux. Et de dire à une personne que Dieu ne l’aime pas, parce que Dieu les aime tous, même Judas, Il l’aimait. Jusqu'au bout, avec quel amour Jésus a-t-il traité Judas. Évidemment que l’on recherche ces cas extrêmes, mais... si on m’appelle – je ne me souviens pas de ce que j'ai dit à cette dame – mais je ne dis rien d'autre alors… J'ai dû sûrement lui dire : « Regardez, dans Amoris laetitia, il y a ce que vous devez faire, parler à un prêtre, et avec cela, cherchez... »

Q.- Un chemin ...

R.- Un chemin, j’ouvre un chemin. Mais je vais faire très attention de ne pas dire : « Vous pouvez prendre la communion ou pas », à 12 000 kilomètres de distance, ce serait irresponsable. Et ce serait aussi tomber dans la même chose, dans la casuistique, je peux ou je ne peux pas, chose que je n'accepte pas. C'est un processus d'intégration dans l'Église. Si nous pensons tous que les personnes qui sont en situation irrégulière, nous pensons ceci pour l’amour de Dieu, parce que ça ne me plaît pas...

Q.- Oui, c'est un mot que vous détestez, moi aussi, mais pour nous comprendre.

R.- Si nous nous persuadions qu'ils sont enfant de Dieu, les choses changeraient beaucoup.

Ils m'ont posé une question sur un vol – plus tard, ça m'a mis en colère, ça m'a mis en colère à cause de la façon dont les médias l'ont transmis – sur l'intégration familiale des personnes d'orientation homosexuelle, et j'ai dit : les personnes homosexuelles ont le droit d'être dans la famille, les personnes avec une orientation homosexuelle ont le droit de faire partie de la famille et les parents ont le droit de reconnaître ce fils comme homosexuel, cette fille comme homosexuelle. Vous ne pouvez pas expulser qui que ce soit de la famille ou [lui] rendre la vie impossible pour cela ...

Une autre chose que j'ai dite – quand vous voyez des signes chez les garçons qui grandissent et que vous les envoyez chez un ... J'aurais dû dire « professionnel », mais ce qui m’a échappé [c’est le mot] « psychiatre ». Je parlais d'un professionnel car parfois il y a des signes à l'adolescence ou à la pré-adolescence dont on ne sait pas s'ils sont [ceux] d’une tendance homosexuelle ou si le thymus ne s'est pas atrophié avec le temps, allez savoir, mille choses, n’est-ce pas ? Donc un professionnel. Titre de ce journal : « Le Pape envoie les homosexuels chez le psychiatre. » Ce n'est pas vrai ! Ils m'ont posé à nouveau la même question et je l'ai répétée : «Ce sont des enfant de Dieu, ils ont droit à une famille, etc. » C’est autre chose... Et j'ai expliqué : je me suis trompé avec ce mot, mais je voulais dire ceci : « quand ils remarquent quelque chose de bi…. » « Ah, c'est bizarre... » Non, ce n’est pas bizarre. Quelque chose qui sort de l'ordinaire. Je veux dire, ne prenez pas un petit mot pour annuler le contexte. Là, ce qu'il dit, c'est « vous avez le droit à une famille ». Et cela ne veut pas dire approuver les actes homosexuels, loin de là.

Q.- Vous savez ce qui arrive lorsque vous retirez souvent du contexte, c'est un vice de la presse aussi. Lorsque vous avez dit cette fameuse phrase : « Qui suis-je pour juger » lors de votre premier voyage, vous aviez dit auparavant : « Nous savons ce que dit le Catéchisme ». Que se passe-t-il pour qu’on ne se souvienne pas de cette partie, cela devient seulement : « Qui suis-je pour juger ? ». Cela a donc également suscité beaucoup d'attentes au sein de la communauté homosexuelle mondiale car ils pensaient que vous alliez plus loin ...

R.- Eh bien, j'ai fait des déclarations comme celle-ci à propos de la famille, pour aller plus loin. La doctrine est la même, celle des divorcés a été réajustée, selon la même ligne, mais avec Amoris laetitia au huitième chapitre qui consiste à revenir à la doctrine de saint Thomas, et pas à la casuistique.

Q.- C'est le problème qui arrive parfois.

R.- Mais je le comprends sauf quand ils prennent un mot hors de son contexte comme celui du « psychiatre », non, vous n'avez pas le droit. Et c'est drôle, une personne non croyante est venue me défendre, m'ont-ils dit. « Il a dit ce que nous n'avions jamais entendu et vous ........... vous [bien] voyez que le [mot] « psychiatre » était un lapsus ... »

Q- Pape François, il y a quelque chose qui me frappe un peu. Ceux qui vous connaissaient à l'époque où vous viviez en Argentine disent que vous étiez un conservateur – pour encore utiliser des catégories, disons le comme ça – dans la doctrine.

R.- Je suis un conservateur.

Q.- Vous avez mené toute une bataille concernant l'égalité des mariages, des couples de même sexe en Argentine. Et après, ils disent : il est arrivé ici, ils l'ont élu Pape et il semble beaucoup plus libéral qu'il ne l'était en Argentine. Vous reconnaissez-vous dans cette description faite par certaines personnes qui vous connaissaient auparavant, ou c'est la grâce du Saint-Esprit qui vous a donné plus ...

(des rires)

R.- La grâce du Saint-Esprit existe certainement. J'ai toujours défendu la doctrine. Et c'est curieux, en ce qui concerne la loi du mariage homosexuel ......... c'est une incongruité de parler de mariage homosexuel.

Q.- Donc, ce n'est pas vrai qu'avant c'était une chose et maintenant une autre.

R.- Non, avant c’était une chose et maintenant, je suis un autre, c'est vrai.

Q- Eh bien, parce que maintenant vous êtes Pape.

R.- Non, parce que je crois que j’ai un peu grandi, que je me suis sanctifié un peu plus. On change dans la vie. Le fait que j'ai pris en compte plus de critères, c'est peut-être que, voyant les problèmes mondiaux, je me suis trouvé plus conscient de certaines choses que je n'avais pas vues auparavant. Non, je pense qu'il y a des changements dans ce sens, oui. Mais, conservateur ... je suis les deux.

Q.- Ce serait les deux ...

R.- Et oui, en Argentine j'allais dans les villages, la crise cardiaque m’a pris dans un village par exemple, et puis j'ai aussi veillé à ce que la catéchèse soit sérieuse. Je ne sais pas, un peu ... un mélange.

Q.- Il est très difficile d'enfermer les gens dans des catégories ...

R.- C'est vrai.

9) 16 septembre 2020

Fin de l’Audience générale, accueil d’un groupe d’une quarantaine de parents avec enfants LGBT de l'association Tenda di Gionata, née à la demande de Don David Esposito, prêtre de la Marche (Italie) décédé prématurément. Mara Grassi, vice-présidente de l'association avec son mari Agostino Usai, a fait don au Pape du livre Genitori fortunati.

Parlant des enfants de ces parents, le Pape François a déclaré : 

« L’Église ne les exclut pas parce qu’elle les aime profondément. » « Aimez vos enfants tels qu'ils sont, parce qu'ils sont enfants de Dieu. »

Sources : en espagnol, https://www.religiondigital.org/vaticano/Francisco-padres-homosexuales-Iglesia-hijos-audiencia-vaticano-camiseta-inclusion_0_2269273055.html, et en italien : https://www.avvenire.it/papa/pagine/la-chiesa-ama-i-vostri-lgbt-cosi-come-sono, consultée le 24 septembre 2020. Traduction par l'auteur de ce blogue, avec l'aide de Google Traduction.

 

samedi 12 décembre 2020

Le grand Amour de Dieu, par le P. Jean Crasset, 1694

 

R. P. Jean Crasset (1618-1692)

 

Pour le 3e dimanche après la Pentecôte

Évangile du jour et de la semaine

 

Considération

Sur l’Évangile du Dimanche (Luc 15, 1-10)


1) Les pécheurs S'approchent de Jésus, et Jésus les reçoit en Sa compagnie, Il S'entretient, et mange même avec eux. Les Pharisiens leur défendaient de s'approcher d'eux et de les toucher : mais Jésus est bien-aise de les voir, de leur parler, de les visiter, de les attirer à Soi. Bien loin de les chasser, Il leur témoigne beaucoup d'amitié et de de tendresse. Ô chose admirable, de voir le Saint des Saints avec des pécheurs, et le Dieu du Ciel rechercher l'amitié de Ses créatures et de Ses ennemis. Est-ce ainsi que vous en usez avec les vôtres ?

Les pécheurs se tiennent auprès de Jésus, et Jésus ne S'en offense point. Les Scribes et les Pharisiens murmurent de ce qu'Il mange avec eux et Jésus prend leur défense en disant qu'Il n'est pas venu pour les justes, mais pour les pécheurs, et qu’on se réjouit davantage dans le Ciel sur la conversion d'un pécheur, que sur quatre-vingt dix-neuf justes qui n'ont point besoin de pénitence.

Que ces paroles sont douces et consolantes ! Pourquoi donc vous retirez-vous de la Communion ? Pourquoi refusez-vous de manger avec Jésus? Vous êtes pécheur ? Ce sont les pécheurs qu'Il cherche, et avec qui Il mange volontiers , pourvu qu'ils aient dessein de se convertir. Les Pharisiens en murmurent ? Pourquoi vous en mettre en peine, puisque Jésus vous appelle, vous invite et vous défend ?

2) Le Fils de Dieu se compare à un Pasteur qui quitte quatre-vingt dix-neuf brebis dans le désert, pour en chercher une qui s'est perdue ; et l’ayant trouvée Il ne la bat point, mais la met sur Ses épaules : soit parce qu'elle était fatiguée du chemin, soit de peur qu'elle ne s’égarât encore une fois.

Vous avez quitté votre bon Pasteur, pour vivre en la compagnie des loups. Hélas ! Qu'Il a été longtemps à vous chercher , et qu'Il a eu de peine à vous trouver ! Il S'est jeté dans les buissons et dans les halliers [=enchevêtrement de buissons serrés et touffus] ; Le voilà tout ensanglanté d’épines. Il ne vous a pas maltraité quand Il vous a trouvé : au contraire, Il vous a chargé sur Ses épaules, et vous a reporté à la bergerie. Il vous a lavé de Son sang, et nourri de Sa chair; et après cela vous L'avez encore quitté pour courir après les loups. Combien de fois l'avez-vous fait ? Ô l'ingratitude ! Ô la malice [=inclination à mal faire] !

3) Jésus se compare encore à une femme qui a dix drachmes d'argent et qui, en ayant perdu une, allume sa lampe, balaie sa maison, la cherche avec grand soin, et l’ayant trouvée, invite ses voisines pour prendre part à la joie.

Les neuf drachmes sont les neuf chœurs des Anges, et la nature humaine est la dixième. Le Fils de Dieu a quitté les Anges pour chercher l'homme qui s’était perdu. Il Se réjouit de l'avoir trouvé. Il ne dit pas qu'Il l'a racheté de Son Sang, dont le prix est inestimable ; mais qu'Il l'a trouvé parce qu'Il estime tellement une âme qu'Il croit l'avoir pour rien [plutôt] que de l'avoir au prix de Son sang. Il invite les Anges à se réjouir, non pas avec l'homme qui est retrouvé, mais avec Lui qui l'a racheté : comme si l'homme était le Dieu de Dieu même, et que Dieu ne pût être heureux sans lui. Ce sont les paroles de saint Thomas (1). Ô quel amour ! Quelle bonté ! Quelle miséricorde ! Ô Homme méchant ! N'aimeras-tu jamais un Dieu si bon ? Offenseras-tu toujours un Dieu qui t'aime si tendrement ? Fuiras-tu toujours Celui qui te cherche , et Qui ne te cherche que pour te sauver ?

Si les Anges se réjouissent dans le Ciel lorsqu’un pécheur le convertit, Il faut dire qu'ils s’attristent quand un Juste se pervertit.

Mon âme, qu'as-tu fait depuis que tu es au monde ? Tu n'as fait que donner de la peine à Jésus-Christ. Tu as affligé les Anges par ta méchante [=contraire à la justice] vie. Tu ne t'es pas contentée de quitter ton Pasteur, mais tu as encore débauché [=jeter dans le dérèglement des mœurs] les autres brebis, tes compagnes. Combien en as-tu perdu ? Combien en as-tu dévoré ?

Quand sera-ce que tu réjouiras les Anges ? Quand répareras-tu le dommage que tu as fait à Jésus-Christ ? Quand retourneras-tu à la bergerie, et y ramèneras-tu les brebis que tu as égarées ?

Ce sera lorsque tu feras pénitence, et que tu te convertiras sincèrement : fais-le donc promptement. Ô quelle joie dans le Ciel ! Ô quelle consolation pour Jésus-Christ ! Ô quelle fête et quel festin pour Ses Anges !

 

Paroles de l’Écriture

« Approchez-vous de lui, et vous serez éclairés, et vos visages ne rougiront point de confusion. » (Psaume 33, 6)

« Le Fils de l'Homme est venu pour chercher et sauver ce qui était perdu. » (Luc 19, 10)

« S'il arrive qu'Il trouve Sa brebis, je vous dis en vérité, qu'elle Lui cause elle seule plus de joie que les quatre vingts dix-neuf, qui ne font point égarées. Ainsi votre Père qui est dans le Ciel, ne veut pas qu'aucun de ces petits périsse. » (Matthieu 18, 13-14)

« J'ai été errant et vagabond comme une brebis perdue : cherchez votre serviteur, puisque je n'ai point oublié vos commandements. » (Psaume 118, 176)

« Venez à moi vous tous qui êtes fatiguez , et qui êtes chargez, et je vous soulagerai. » (Matthieu 11, 28)

 

Lundi de la 3e semaine après la Pentecôte

Considération

Sur l'amour que nous devons porter à Jésus notre bon Pasteur.

 

1) Jésus est le plus beau de tous les hommes ; c'est le plus grand de tous les Rois ; c'est le plus charitable de tous les pères ; c'est le plus fidèle de tous les amis ; c'est le plus doux de tous les maîtres ; c'est le plus parfait de tous les époux ; c'est le plus vigilant et le plus infatigable de tous les Pasteurs. C'est Lui qui veille sur tous mes besoins, qui me gouverne par Sa sagesse , qui me protège par Sa puissance, qui me nourrit par Sa bonté. C'est Lui qui me mène dans de beaux et de gras pâturages, où je trouve toutes sortes de biens en abondance. C’est Lui qui fait naître dans mon cœur des fontaines d'eau vive pour désaltérer ma Soif. C'est Lui Qui me guérit quand je suis malade, Qui me défend quand je suis attaqué ; Qui me console quand je suis affligé, Qui me cherche et Qui me ramène quand je suis égaré.

2) Jésus a quitté le Ciel et la compagnie des Anges pour moi. Il S'est fait homme mortel et passible pour moi. Il S'est rendu enfant, pauvre et misérable pour moi. Il a travaillé l'espace de trente trois ans pour moi. Il a souffert toutes sortes d'injures, de mépris, de tourments et de persécutions pour moi. Il a versé Son sang et donné Sa vie pour moi. Il est prêt encore de [=à] souffrir et de [=à] mourir pour moi, si cela était nécessaire à mon salut. Il a toujours les yeux arrêtés sur moi. Il ordonne à Ses Anges de venir en terre et de me tenir compagnie, de me suivre partout, de m'instruire, de me défendre, de me consoler, et de prendre Soin de moi.

3) Jésus m'aime de tout Son cœur. Il est toujours à la porte de mon cœur. Il me prie et me conjure de Lui donner mon cœur pour le rendre heureux en l'unissant avec le sien. Il a donné Son sang et Sa vie pour avoir mon cœur.

Suis-je digne de vivre, et ne suis-je pas le plus ingrat et le plus injuste de tous les hommes si je Lui refuse mon cœur, ou si je ne Lui en donne qu'une partie ? Quel moyen de ne [=Comment faire pour ne] pas aimer un si bon Père, un si grand Roi, un Pasteur si charitable, un Ami si fidèle, un Maître si doux, un Époux si beau, si parfait et si accompli ?

Et cependant je ne L'aime point : car je ne garde point Ses commandements, et j'offense mon prochain, qui est la chose du monde qui Lui est la plus sensible.

Je ne pense point à lui. Je ne fais rien pour lui. Je ne puis demeurer en Sa compagnie sans chagrin et sans ennui. Je me range même du parti de Ses ennemis. Je préfère le service de Satan au sien. Si je L'aime , ce n'est que froidement, ce n'est que lâchement [=mollement], ce n'est qu'à demi, ce n'est qu'en apparence, ce n'est que de bouche et non pas de cœur.

Ô Amour de tous les amours ! Ô Cœur de tous les cœurs ! Que je Vous aime comme Vous m'aimez ! Que je Vous aime autant que Vous le méritez. Anathème à celui qui n'aime pas notre Seigneur Jésus-Christ. Rien au dessus de Lui. Rien de comparable à Lui. Rien avec Lui. Rien après Lui.

Voilà ce que c'est qu'aimer Jésus et être tout à fait à Lui.


Paroles de l’Écriture

« Votre beauté surpasse la beauté de tous les enfants des hommes. » (Psaume 44, 3)

« Jésus-Christ est tout en tous. » (Colossiens 3, 11)

« Simon fils de Jean, m’aimez-vous ? » (Jean 21, 17)

« Celui qui a reçu mes commandements et qui les garde c’est celui-là qui m'aime. » (Jean 14, 21)


Mardi de la 3e semaine après la Pentecôte

  Considération

Sur l'amour que Dieu porte aux pécheurs.


1) Ce n'est point une chose indigne de Dieu d'aimer Ses créatures. Tout ouvrier aime son ouvrage, parce que c'est un écoulement de son être, et une partie de lui-même, comme parle saint Thomas (2). Dieu n'a point besoin de Ses créatures ; mais elles ont besoin de Lui. C'est pour cela qu'Il les aime, comme une nourrice aime Son enfant ; non pas d'un amour d'indigence, mais d'un amour de plénitude et d'abondance ; non pas pour en devenir plus heureux, mais pour leur faire part de Son bonheur.

Si Dieu aime Ses créatures, beaucoup plus l'homme qui est le chef-d’œuvre de Sa sagesse, le trésor de Ses bontés, la fin de tous Ses ouvrages. Comme Il S'aime Soi-même, Il doit aimer l'homme qui est Son image, et comme une partie de Lui-même, principalement depuis qu'Il S'est fait homme. Car en vertu de cette union, l'homme n'est pas seulement l'image de Dieu ; mais Dieu a bien voulu devenir l'Image de l'homme. Or si l'ouvrier aime Son ouvrage dont Il n'a pas de besoin, l'ouvrage ne doit-il pas aimer Son ouvrier dont Il a reçu son être et sa perfection, et dont il ne se peut passer ! D'où vient donc que vous n'aimez point Dieu Qui vous a fait l'image de Ses grandeurs et Qui S’est fait l’image vos misères ?

2) Non-seulement Dieu aime les hommes, mais encore les pécheurs, non pas comme pécheurs, mais comme misérables [=comme étant dans le malheur] ; car la miséricorde est si propre de Dieu, que c'est — dit Tertullien — nier un Dieu, que de nier qu'Il soit miséricordieux (3). Or toute puissance aime Son objet, et comme c'est la misère [=le malheur] qui est l'objet de la miséricorde, Dieu étant infiniment miséricordieux, Il ne peut pas n'avoir point de compassion des pécheurs qui sont les plus misérables de tous les hommes. Principalement depuis qu'Il S'est fait homme, car S'étant revêtu de nos misères, Il S'est revêtu en même temps d'entrailles de miséricorde. Il a bien montré qu'Il aimait les pécheurs, puisqu'Il est mort pour eux. S'il n'y en eut point eu sur la terre, Il n'eût point pris notre nature, ou Il ne Se fut point rendu passible et mortel.

3) Et pourquoi donc pauvre pécheur, vous défiez-vous de la miséricorde de Dieu ? Pourquoi fuyez-vous votre Dieu qui vous cherche, qui vous attend, qui vous tend les bras et qui vous aime si tendrement qu'Il a sacrifié la vie de Son Fils unique pour votre salut ? Le désespoir , dit saint Thomas, est un plus grand péché que la présomption, parce que celle-ci pèche contre la justice de Dieu, comme si elle devait donner à l'homme la gloire sans mérite ; mais le désespoir combat la miséricorde de Dieu . Or Il est plus naturel à Dieu de pardonner que de punir, parce que l'un Lui convient selon la nature, et l'autre à raison de nos péchés (4).

Gardez-vous donc bien, âme timide et scrupuleuse, de tomber dans le gouffre du désespoir, Si vous avez péché, humiliez-vous [=abaissez-vous] devant Dieu, demandez-Lui pardon avec douleur et confiance, et souvenez-vous qu'Il aime infiniment les pécheurs.

Ô mon âme, que crains-tu ? Peux-tu te défier [=avoir peu confiance] de l'amour de Jésus-Christ après l'assurance qu'Il te donne qu'Il est venu principalement pour sauver les pécheurs ? Si tu as des peines d'esprit pour un péché véniel que tu as commis, quelle appréhension dois-tu avoir de tomber dans le désespoir qui est le plus grand de tous les péchés après la haine de Dieu ?

Ô mon Dieu et mon Père , je ne vous ai point connu jusqu'à présent. J'avais des impressions terribles de votre justice, mais je n’avais jamais compris la grandeur de vos miséricordes. Quelque énormes que soient mes crimes, ils n’égaleront jamais vos bontés. C'est pourquoi tout misérable que je suis, jamais je ne me défierai [=aurai peu confiance] de votre amour, et lorsque je verrai dans [=en] moi un abîme de misères, j'invoquerai l’abîme de vos miséricordes, puisque le plein se décharge dans le vide ; et que l'abondance ne cherche qu'à s'unir à l'indigence.


Paroles de l’Écriture

« Venez à moi vous tous qui êtes fatiguez et qui êtes chargez, et je vous soulagerai. » (Matthieu 11, 28)

« Les Publicains et les pécheurs se tenaient auprès de Jésus pour l’écouter et les Pharisiens en murmuraient. Cet homme reçoit les pécheurs , et mange avec eux.» (Luc 15, 1-2)

« Vous ne savez pas quel est l'Esprit qui vous doit animer. Le fils de l'Homme n'est pas venu pour perdre les hommes, mais pour les sauver. » (Luc 9, 55-56)

« Dieu a fait éclater Sa charité envers nous, en ce que, lorsque nous étions encore pécheurs sus-Christ a bien voulu mourir pour nous. » (Romains 5, 8)

« Dieu a tellement aimé le monde , qu'Il a donné Son Fils unique. » (Jean 3, 16)

« Dieu n'a pas envoyé Son Fils dans le monde pour condamner le monde, mais afin que le monde Soit sauvé par lui. (Ibid., 17)


Pour le Mercredi de la 3e semaine après la Pentecôte

Considération

De l'amour que nous devons porter à Dieu le Pasteur de l'Univers.


1) Que Dieu est grand, puisqu'Il a crée de si grandes choses ! Que Dieu est beau, puisqu'Il a créé de si belles choses ! Que Dieu est bon, puisqu'Il a créé de si bonnes choses ! Que Dieu est puissant, puisqu'Il a crée de rien ce grand Univers ! Qu'Il est sage, puisqu'Il le gouverne sans peine ! Qu'Il est libéral [=généreux], puisqu'Il nous donne tant de biens ! Qu'Il est charitable, puisqu'Il fait du bien aux bons et aux méchants ! Qu'Il est miséricordieux, puisqu'Il pardonne tant de crimes ! Qu'Il est Saint, puisqu'Il ne peut aimer le péché! Qu'Il est patient, puisqu'Il endure tant d'injures ! Qu'Il m'a fait de grâces ! Qu'Il m'a préservé de dangers ! Qu'Il m'a délivré de maux ! Qu'Il me promet de biens en l'autre vie !

2) Qui mérite mieux mon cœur que Lui ? Qui m'en offre un plus grand prix ? À qui le donnerai-je, sinon à Celui qui m'a donné le Sien ? À qui le vendrai-je, sinon à Celui qui l'a acheté au prix de Son sang ? À qui appartient-il, sinon à Celui Qui l'a formé et Qui lui donne la vie ?

Un méchant cœur vaut-il le sang d'un Dieu ? Vaut-il la vie d'un Dieu ? Vaut-il le cœur d'un Dieu ? Vaut-il le royaume d'un Dieu ?

3) Ô mon Dieu ! Je ne mérite pas de vivre, si je veux vivre pour d'autre que pour Vous. Je ne dois pas avoir un cœur, si j'aime quelque autre chose que Vous. « Ô je Vous ai trop tard aimé, beauté toujours nouvelle et toujours ancienne » (5). Ô je Vous a trop tôt offensé, bonté toujours aimable et toujours outragée. Je reconnais mon aveuglement. J'ai horreur de mes ingratitudes. Je déteste ma malice. Je ne puis plus souffrir [=supporter] mon cœur qui Vous a pu offenser. Je renonce à toutes les créatures que je Vous ai si lâchement et si honteusement préférées. Ô je Vous aimerai toujours, Dieu de mon âme. Je Vous servirai toujours, Dieu de majesté. Je ne Vous offenserai jamais, Dieu de bonté.


Paroles de l’Écriture

« Vous aimerez votre Seigneur et votre Dieu de tout votre cœur de toute votre âme et de toutes vos forces. » (Luc 10, 27)

« Dieu a fait paraître Son amour envers nous, en ce qu'Il a envoyé Son Fils unique au monde afin que nous vivions par Lui. » (1 Jean 4, 9)

« Aimons donc Dieu , puisque c'est Lui qui nous a aimés le premier. » (1 Jean 4, 10)

« Je vous aimerai mon Seigneur , qui êtes ma force. Le Seigneur est mon appui, mon refuge et mon libérateur, mon Dieu et mon soutien, et j’espérerai en Lui. » (Psaume 17, 2-3)


Pour le jeudi de la 3e semaine après la Pentecôte

Considération

Sur l'amour que Dieu porte aux hommes.


1) Dieu aime l'homme, parce qu'Il n'est que bonté de Sa nature, et que Son plaisir est de faire du bien, et que l'homme est Son ouvrage, Son image, Son sujet et Son enfant ; Il l'a racheté par le sang de Son Fils ; c'est le temple de Son Divin Esprit. C'est par ses soumissions qu'Il reçoit l'hommage de toutes les créatures ; c'est par la langue qu'Il en est loué ; c'est par son cœur qu'Il en est aimé ; c’est pour lui qu'Il a créé tout l'Univers : l'homme est la fin de tous Ses travaux, et il doit être un jour héritier de la gloire. Nous devons donc aimer Dieu, parce qu'Il nous aime, et L'aimer comme Il nous aime.

2) L'amour de Dieu est ancien car Il nous a aimés de toute éternité. Nous avons toujours été dans Sa pensée et dans Son cœur ; Son amour est aussi ancien que Lui-même. Il n'a jamais été sans nous aimer ; et comme Il a toujours été, Il nous a toujours aimés ; et comme Il sera toujours, Il désire toujours nous aimer.

Trouvez un ami qui vous ait aimé depuis si longtemps, et aussi constamment que lui. Les hommes commencent bien tard à aimer ; ils aiment peu ce qu'ils aiment, et leur amour est de peu de durée.

Dieu nous aime de toute éternité, Il nous aime infiniment, et désire nous aimer éternellement. Quoi qu'Il haïsse le pécheur, Il aime néanmoins son âme. Il l'a aimé jusqu'à lui donner Son Fils ; et ne cessera de l'aimer tant qu'il pourra faire pénitence, et détester son péché.

3) L'amour de Dieu est pur et désintéressé : Il nous aime sans avoir besoin de nous, sans rien attendre de nous, sans aucun mérite de notre part, sans aucune obligation de la sienne.

Il nous aime pour être aimé, et pour nous rendre heureux par Son amour ; car c'est l'amour qui nous unit à Dieu, et c'est dans cette union que consiste notre bonheur.

Où trouverez-vous un homme qui vous aime de la sorte ? Que cherchent les hommes en aimant, sinon leur plaisir et leur intérêt ? Quel avantage tirez-vous de leur amour ? Quand est-ce que vous avez été heureux en aimant les créatures ?


Pour le vendredi de la 3e semaine après la Pentecôte

Considération

Autres propriétés de l'Amour de Dieu.


1) Les hommes sont durs et difficiles à émouvoir. Leur amour est fier, arrogant, et impérieux. Il ne faut rien pour l'irriter et pour le changer en haine ; et ils haïssent ensuite autant qu'ils ont aimé.

L'amour de Dieu est tendre, doux et bienfaisant. C'est la douceur de l'amour. C'est un amour de père, de mère et de nourrice. Dieu n'aime pas tant qu'Il est l'amour même ; et comme l'amour ne se peut accommoder avec le faste et la grandeur, Il n'a rien d'impérieux : et parce qu'Il recherche l'égalité, d'un Dieu Il en a fait un homme, et d'un homme Il en a fait un Dieu. Il Lui a fait prendre notre nature, L'a obligé de nous donner la Sienne.

2) L'amour de Dieu est fort , et triomphe de toutes les difficultés. Y en avait-il de plus grande que de Se revêtir d'une chair mortelle et passible ? Que de naître dans une étable ? Que de passer Sa vie dans une boutique ? Que de mourir sur une croix comme un scélérat ? Y a-t-il rien de plus difficile que de rechercher l'amitié de Ses ennemis faibles et insolents ? Que de Se voir maltraité par Ses esclaves ? Que d'aimer des ingrats ? Que de faire du bien à des rebelles ? Voilà ce que vous étiez.

Et cependant Il vous a aimés : Son amour a surmonté toutes ces oppositions et tous ces obstacles. Ô que vous aimez peu ! Ô que votre amour est lâche [=mou, fragile] ! Qu'il faut peu de choses pour l'abattre et pour l'étouffer ! Hélas ! Il ne faut rien pour vous faire murmurer, et tomber dans l'impatience. Qu'avez-vous fait pour Dieu ? Qu'avez-vous enduré pour Lui ? Où est le sang que vous avez versé ? Quelles victoires avez-vous remportées ? N’êtes-vous pas de ceux dont parle le Prophète [David] : « Ils seront dispersés pour chercher à manger, et S'ils ne trouvent point de quoi se rassasier, ils murmureront »[Psaume 58, 17] ?

3) L'amour que Dieu nous porte est infini. Il nous aime de l'amour dont Il S'aime Lui-même, qui est infini. Il nous a faits et nous fait tous les jours des biens infinis. Il a souffert pour nous des maux infinis. Il a donné pour nous Son sang, qui est d'un prix infini. Il nous communique Sa grâce, qui est un trésor d'un mérite infini. Il nous prépare la gloire, qui est un bonheur infini.

Mesurez votre cœur avec celui de Dieu, et voyez si vous L'aimez comme vous êtes aimé. Ô quelle différence ! Et cependant Il n'y a rien qui ne Soit aimable dans Lui, et Il n'y a presque rien qui soit aimable dans vous.

Les paroles de l’Écriture sont à la fin de la Considération suivante.


Pour le Samedi de la 3e semaine de la de la Pentecôte.

Considération.

Sur le même amour de Dieu.


1) L'Amour de Dieu et universel, Il n'est point borné et limité comme le nôtre à de certaines personnes, par des sympathies et par des antipathies, par des inclinations et par des aversions. Le cœur de Dieu embrasse et enferme tous les hommes. Il n'y en a point qu'Il n'aime. Il n'y en a point à qui Il ne fournisse tout ce qui lui est nécessaire. Il n'y en a point qu'Il n'éclaire par Ses inspirations, qu'Il n'assiste de Sa grâce, à qui Il n'ait donné un Ange pour le garder. Il n'y en a point qu'Il n'ait racheté par le sang de Son Fils. Il n'y en a point qu'Il ne veuille sauver d'une volonté sincère et effective de Sa part. Il n'y en a point à qui Il n'en fournisse les moyens, et pour qui Il n'ait institué les Sacrements de Son Église.

2) Votre amour ressemble-t-il au sien ? Embrasse-t-il tout le monde ? Ne fait-il point des distinctions et des exceptions ? Aimez-vous tous vos frères, amis et ennemis ; de belle humeur, de méchante [=mauvaise] humeur ; commodes et incommodes [=faciles et pas faciles] ; bien ou mal faits de corps ou d'esprit ; ceux pour qui vous sentez de l'antipathie, autant que ceux pour qui vous avez de la sympathie ; ceux qui vous désobligent [=causent une peine ou un déplaisir immérité], comme ceux qui vous obligent [=sont agréables de sorte qu’on en ressente de la gratitude] ? Si vous exceptez un seul homme de votre charité, vous n'en aimez un seul par un motif de charité, mais par inclination et par amour propre.

3) Ô mon Dieu et mon amour ! Y eut-il jamais ingratitude comparable à la mienne, Vous m'aimez depuis que Vous êtes, et je Vous offense depuis le temps que je suis. Vous m'aimez de toute éternité d'un amour pur, d'un amour fort, d'un amour tendre, d'un amour désintéressé, d'un amour infini, d'un amour victorieux de toutes les antipathies que Vous devez avoir pour moi.

Et je ne veux point Vous aimer le peu de temps que j'ai à vivre. Je Vous aime faiblement ; je ne Vous aime que lorsque je sens du plaisir à Vous aimer ; je ne Vous aime que fort peu de temps ; et je mets des bornes à mon amour, n'aimant de tous les hommes que ceux qu'Il me plaît d'aimer.

Ô je désire Vous aimer désormais, mon Dieu , comme Vous m'avez aimé. Je Vous aimerai dès à présent, je Vous aimerai constamment, je Vous aimerai purement, je Vous aimerai tendrement, je Vous aimerai puissamment et généreusement, je Vous aimerai infiniment, je Vous aimerai éternellement, je Vous aimerai universellement dans tous les lieux, dans tous les temps, dans tous les états, dans toutes sortes de personnes, et dans l'accomplissement de toutes vos volontés.


Paroles de l’Écriture

« Je vous ai aimé d'une charité éternelle. » (Jérémie 31, 3)

« Mon Père vous aime. » (Jean 16, 27)

« Il veut que tous les hommes soient sauvés, et qu'ils viennent à la connaissance de la vérité. » (1 Timothée 2, 4)

« Ayant aimé les liens qui étaient au monde, Il les a aimés jusqu'à la fin. » (Jean 13, 1)

« Est-ce la mort de l'impie que je désire, dit Dieu le Seigneur, ou plutôt qu'il se convertisse et qu'il vive ? » (Ézéchiel 18, 23)


Cantique spirituel

Pour le même jour.


1) J’ai tout perdu, je n'ai plus rien à perdre. J’ai tout trouvé lorsque je me suis perdu. Je n'ai plus rien ni à chercher, ni à désirer. Je suis à Dieu, je n’appréhende [=je ne crains] plus rien. Je possède Dieu, je n'ai plus besoin de rien.

2) J'ai tout quitté pour Dieu. J'ai tout trouvé dans Dieu : mes désirs que j’avais bannis de mon cœur, se font trouvés [réalisés] en lui, comme les fleuves sans bruit, sans distinction, sans mouvement, sans violence, sans ces rivages étroits de plaisir et d’intérêt qui les tenaient resserrés sur la terre.

3) Dès lors que j'ai perdu la terre de vue, je suis entré dans l’océan de la Divinité. Je me suis plongé dans ces vastes abîmes de biens, de plaisirs, de paix et de repos. J'ai confondu mon être avec celui de Dieu. J'ai passé, ce [=il] me semble, du temps à l’éternité. Je ne sais plus ce que je suis, ni où je suis. Je ne vis plus ; je n'agis plus ; c'est Dieu qui vit dans moi ; c'est Dieu qui agit par moi.

Ô nuit sainte, sacrée et mystérieuse, où le Verbe s’unit à notre âme dans le silence de Ses pensées et de Ses désirs ! Que cette heure est douce, mais qu'elle est courte ! Que toute chair se taise en la présence du Seigneur,


Notes

(1) En fait, il s’agit d’une citation d’un opuscule d’un auteur anonyme, longtemps attribué à S. Thomas d’Aquin, De Beatudine, chapitre 7 : “Et notabile est, quod non dicit se emisse, sed invenisse, licet pretioso sanguine et aspera passione genus humanum comparaverit: quia intantum desideravit salutem generis humani, quod inventionem reputavit tali modo se posse hominem a potestate diabolica liberare, et ad beatitudinem aeternam ad quam creatus fuerat, revocare. Similiter notabile est, quod etiam omnes Angelos convocat ad congratulandum, non drachmae, non homini, sed sibi, quasi homo Dei Deus esset, et tota salus divina in ipsius inventione dependeret, et quasi sine ipso beatus esse non posset.” [« Il est remarquable qu’Il ne dit pas qu’Il ai achetée [la drachme] mais qu’Il l’a trouvée, même s’Il acquerra le genre humain par [Son] sang précieux et par une dure souffrance, parce qu’Il a désiré à tel point le salut du genre humain qu’il a considéré comme une trouvaille que, d’une telle façon, il puisse libérer l’homme de la puissance diabolique et le ramener à la béatitude éternelle pour laquelle il avait été créé. De la même façon, il est remarquable qu’il a aussi appelé tous les Anges à se réjouir, non pour la drachme, non pour l’homme mais pour Lui-même, comme si l’homme était le Dieu de Dieu et que tout le salut de Dieu dépendait de sa trouvaille, comme s’Il ne pouvait être heureux sans lui. »] Disponible sur en latin <https://www.corpusthomisticum.org/xtb.html#91196>, consultée le 12 décembre 2020.

(2) L’auteur fait peut-être allusion à la Somme contre les Gentils, livre 1, chapitre 75, n. 4-5 : Amplius. Quicumque amat aliquid secundum se et propter ipsum, amat per consequens omnia in quibus illud invenitur: ut qui amat dulcedinem propter ipsam, oportet quod omnia dulcia amet. Sed Deus suum esse secundum se et propter ipsum vult et amat, ut supra ostensum est. Omne autem aliud esse est quaedam sui esse secundum similitudinem participatio, (...). Relinquitur igitur quod Deus, ex hoc ipso quod vult et amat se, vult et amat alia. Adhuc. Deus, volendo se, vult omnia quae in ipso sunt. Omnia autem quodammodo praeexistunt in ipso per proprias rationes, (...). Deus igitur, volendo se, etiam alia vult.[« En outre, quiconque aime quelque chose en soi et à cause d’elle-même, aime par conséquent toutes les choses en qui il la découvre, de telle façon que celui qui aime la douceur à cause d’elle-même aime nécessairement tout ce qui est doux. Mais Dieu veut et aime Son être en Soi et à cause de Lui-même. Or tout autre être est par similitude une certaine participation à Son être, (...). Il en résulte donc que Dieu, du fait qu’Il se veut et S'aime Lui-même, veut et aime toutes les autres choses. [On peut dire] encore qu’en Se voulant, Dieu veut tout ce qui existe en lui. Or toutes les choses préexistent d'une certaine manière en Lui par leurs propres idées, (...). En Se voulant, Dieu veut donc aussi les autres choses. »] Disponible en latin sur <https://www.corpusthomisticum.org/scg1072.html#24192>, consultée le 12 décembre 2020.

(3) L’auteur fait peut-être allusion au Adversus Marcionem, livre 1, chap. 22 : “Omnia enim in deo naturalia et ingenita esse debebunt, ut sint aeterna, secundum statum ipsius, ne obvenientia et extranea reputentur, ac per hoc temporalia et aeternitatis aliena. Ita et bonitas perennis et iugis exigetur in deo, quae in thesauris naturalium proprietatum reposita et parata antecederet causas et materias suas, et primam quamque susciperet, non despiceret et destitueret, si antecedebat.” [«  En effet, dans un dieu, il faut que toutes choses soient naturelles et innées en sorte qu’elles soient éternelles, en accord avec sa condition, afin qu’on ne les considère pas comme accidentelles et extérieures, et en cela, temporelles et étrangères à l’éternité. Ainsi d’un dieu l’on exige la bonté inaltérable et intarissable qui, mise à disposition et en réserve dans le trésor de [ses] propriétés naturelles, devancerait ses causes et ses matières, et en les devançant, l’assumerait sans la dédaigner ni la délaisser. »] Disponible en latin sur <http://www.tertullian.org/articles/evans_marc/evans_marc_04book1.htm>, consultée le 12 décembre 2020.

(4) S. Thomas d’Aquin, Somme théologique, 2de partie de la 2e partie, question 21, article 2, conclusion et réponse : “Respondeo dicendum quod, sicut supra dictum est circa desperationem, omnis motus appetitivus qui conformiter se habet ad intellectum falsum est secundum se malus et peccatum. Praesumptio autem est motus quidam appetitivus, quia importat quandam spem inordinatam. Habet autem se conformiter intellectui falso, sicut et desperatio, sicut enim falsum est quod Deus poenitentibus non indulgeat, vel quod peccantes ad poenitentiam non convertat, ita falsum est quod in peccato perseverantibus veniam concedat, et a bono opere cessantibus gloriam largiatur; cui existimationi conformiter se habet praesumptionis motus. Et ideo praesumptio est peccatum. Minus tamen quam desperatio, quanto magis proprium est Deo misereri et parcere quam punire, propter eius infinitam bonitatem. Illud enim secundum se Deo convenit, hoc autem propter nostra peccata.” [« Il faut répondre que, comme il a été dit ci-dessus au sujet du désespoir, tout mouvement de l’appétit qui se forme conformément à une fausse compréhension, est en lui-même un mal et un péché. Or, la présomption est un mouvement de l’appétit, parce qu’elle implique une espérance désordonnée. Et elle se forme conformément à une fausse compréhension, comme le désespoir. De la même façon qu’il est faux, en effet, [de dire] que Dieu n’est pas indulgent pour les pécheurs ou qu’il n’entraîne pas les pécheurs au repentir, ainsi il est faux [de dire] qu’il accorde le pardon à ceux qui persévèrent dans le péché et qu’il donne avec largesse la gloire à ceux qui ne font pas d’action bonne ; c’est conformément à cette opinion que se forme le mouvement de présomption. Et, par conséquent, la présomption est un péché. Cependant, elle l’est moins que le désespoir, étant donné que le propre de Dieu, à cause de sa bonté infinie, est bien plus d’avoir pitié et de pardonner que de punir. En effet, avoir pitié et pardonner est en accord avec Dieu en Lui-même, mais punir, Il ne le fait qu’à cause de nos péchés. »] Disponible en latin sur <http://www.clerus.org/bibliaclerusonline/fr/g2w.htm#fx>, consultée le 12 décembre 2020.

(5) S. Augustin d’Hippone, Confessionum libri XIII, livre 10, chap. 27, n. 38 : “Sero te amavi, pulchritudo tam antiqua et tam nova, sero te amavi !” [Tard je T’ai aimée, beauté si ancienne et si nouvelle, tard je T’ai aimée. » Disponible en latin sur <http://www.augustinus.it/latino/confessioni/index2.htm>, consultée le 12 décembre 2020.



Référence

R. P. Jean Crasset (o.p.), Considérations chrétiennes pour tous les jours de l’année avec les évangiles de tous les dimanches, t. 3, nouvelle édition, Bruxelles, François Foppens, 1694, p. 51-68.

L'auteur de ce blogue a modernisé l'orthographe et la ponctuation ; il a ajouté les notes et est l'auteur de la version française des textes latins présentés ; il a précisé les citations tirées de l'Écriture, à la suite de chaque Considération (ces citations sont tirées de la Bible de Louis-Isaac Lemaistre de Sacy) ; il a indiqué entre crochets le sens de mots dont le sens a évolué depuis le dix-septième siècle.