Plotin et Porphyre débattent d'astrologie, manuscrit médiéval |
Plotin
[est] le plus illustre représentant de l'école néo-platonicienne
d'Alexandrie, né à Lycopolis, en Égypte, en 204-205 ap. J.-C.,
mort en Campanie en 270.
L'étude
des doctrines en vigueur l'occupa sans doute assez longtemps,
puisqu'il avait atteint l'âge d'homme lorsque, suivant ses propres
expressions, il trouva dans Ammonius Saccas, qui enseignait alors à
Alexandrie, « le philosophe qu'il cherchait ». Plotin suivit ses
leçons pendant onze ans. Ce fut, vraisemblablement, peu de temps
après la mort de son maître qu'il fit une tentative infructueuse
pour aller étudier, dans la Perse et dans l'Inde, la sagesse
orientale. Il vint ensuite s'établir à Rome, où il consacra à
l'enseignement et à la rédaction de ses ouvrages les dernières
années de sa vie. Atteint d'une maladie qui l'empêcha de continuer
ses leçons, il se retira dans la Campanie.
Le
succès de Plotin et l'action que sa pensée exerça furent
considérables. Il comptait parmi ses nombreux auditeurs les
personnages les plus illustres, comme l'empereur Gallien et
l'impératrice Salonine, et les attaques mêmes dont il fut l'objet
prouvent, mieux que les éloges de ses disciples, l'influence de son
enseignement. Cette influence s'explique en partie par les caractères
de sa doctrine, où le paganisme vieillissant et le rationalisme
antique s'alliaient dans un dernier effort, et qui flattait d'autant
mieux les tendances mystiques et les superstitions de son temps,
qu'elle semblait les justifier par des spéculations plus
approfondies. Mais ce fut aussi, et surtout, à ses qualités
personnelles qu'il dut son autorité. L'étendue de son savoir, la
pénétration avec laquelle il jugeait les hommes, la dignité morale
et philosophique de sa conduite, l'austérité de sa vie, son
enthousiasme enfin et la sincérité de ses convictions, qui le
faisaient s'absorber jusqu'à l'oubli de soi, dans l'ardeur de la
recherche, devaient produire sur ses disciples une impression
profonde. Ils n'étaient pas éloignés de le considérer comme un
être surhumain, et les sentiments qu'ils éprouvaient à son égard
tenaient autant de la vénération, et presque de la crainte, que de
l'admiration.
Des
cinquante-quatre traités que Plotin avait composés sur diverses
questions, et qui datent tous des seize dernières années de sa vie,
quelques-uns seulement avaient été, de son vivant, communiqués à
son entourage. Après la mort de Plotin, son disciple Porphyre les
publia, dans l'ordre même où ils avaient été écrits, se bornant
à les répartir en six groupes de neuf traités, d'où le nom
d'Ennéades. On comprend, en les lisant, que Plotin lui-même n'eût
peut-être pas consenti à les laisser paraître sous cette forme.
Ils font l'impression de notes prises à la hâte, pour fixer les
résultats d'une pensée que sa subtilité devait rendre fugace. Les
répétitions et les négligences y abondent ; l'obscurité en
est souvent extrême et tient quelquefois autant à la concision et à
l'incurie de l'auteur qu'à la difficulté de la pensée. D'autres
passages contrastent par leur ampleur et la richesse du style, et
semblent écrits dans l'enthousiasme de l'inspiration.
I. Si la doctrine que professe Plotin porte le nom de néo-platonisme, bien qu'elle ne doive peut-être pas plus à Platon qu'à Aristote, aux stoïciens, à Philon ou même aux gnostiques, c'est qu'elle emprunte à la philosophie platonicienne son principe fondamental. Son point de départ est, en effet, la distinction du monde sensible et du monde intelligible.
I. Si la doctrine que professe Plotin porte le nom de néo-platonisme, bien qu'elle ne doive peut-être pas plus à Platon qu'à Aristote, aux stoïciens, à Philon ou même aux gnostiques, c'est qu'elle emprunte à la philosophie platonicienne son principe fondamental. Son point de départ est, en effet, la distinction du monde sensible et du monde intelligible.
Seulement,
tandis que Platon s'était efforcé de démontrer l'existence du
monde suprasensible et l'avait fondée, au moins en grande partie,
sur sa théorie de la connaissance, Plotin, soit qu'il regarde la
démonstration platonicienne comme définitive, soit que la réalité
du supra-sensible ne lui paraisse pas pouvoir être mise en question,
n'essaie même pas de la justifier.
Mais
Platon avait vu, dans le monde des Intelligibles, un tout complet et
parfait, se suffisant à lui-même et s'expliquant par lui-même. Le
bien n'était pour lui que le terme suprême de leur hiérarchie et
faisait partie intégrante du système des Idées.
Par
suite, l'Idée du bien elle-même n'était pas une unité absolue
excluant toute multiplicité ; comme toutes les autres, elle
contenait une pluralité de déterminations, elle renfermait, à la
fois, la limite et l'infini, l'un et le multiple.
Dans
la doctrine d'Aristote, la pensée divine, bien que n'ayant
qu'elle-même pour contenu, impliquait encore la dualité de
l'intellect et de l'intelligible, du pensant et du pensé.
Le
Dieu de Philon n'était pas, non plus, unité pure. Car, tout en
soutenant que nul attribut ne saurait lui convenir, Philon admettait
encore la personnalité de Dieu et son intervention dans le cours de
l'Univers.
Il
faut, au contraire, d'après Plotin, que le premier terme soit l'Un
absolument et sans restriction. Toute pluralité, dit-il, est
pluralité d'unités ; tout ce qui est n'est ce qu'il est que
par l'unité. L'Unité est donc première.
Mais
l'Un primitif ne saurait être la Pensée, ni même l'Être ou
l'Essence. D'une part, en effet, la pensée implique la dualité du
pensant et du pensé ; d'autre part, l'objet de la pensée, qu'on
l'appelle l'Un ou le Bien, est antérieur à elle, puisque, sans lui,
elle ne saurait s'exercer. La Pensée est bonne parce qu'elle
participe au Bien, comme elle est une parce qu'elle participe à
l'Un. L'Être ou l'Essence eux-mêmes impliquent toujours une
pluralité de déterminations. L'Unité pure est donc au-dessus de
l'Essence et de l'Être, comme elle est au-dessus de la Pensée. Le
simple Absolu est antérieur au composé, l'indéterminé au
déterminé.
Puisque
c'est la nécessité de nous élever au-dessus de toute multiplicité
et de toute détermination qui nous amène à poser l'Un, les seuls
caractères sous lesquels nous puissions le saisir sont purement
négatifs.
Quand nous disons qu'il est l'Un, nous n'exprimons pas ce
qu'il est, nous excluons seulement de lui toute multiplicité ;
il n'est rien de tout ce qui suppose détermination et limite ;
il est le transcendant, l'incompréhensible, l'infini. Sans doute, il
est aussi le souverainement réel et le souverainement positif, car
si nous affirmons sa transcendance absolue, c'est uniquement parce
que la plénitude de l'être ne saurait être compatible avec une
limitation ou une détermination quelle qu'elle soit. Mais, pour
exprimer ce contenu positif, les concepts les plus hauts seraient
inadéquats, puisqu'ils impliquent toujours la détermination et la
limite.
Quand nous affirmons que l'Un est transcendant et infini,
nous voulons dire seulement qu'il est au-dessus de toute réalité
déterminée et partielle. Il n'a ni limite, ni figure d'aucune
sorte. On ne peut donc pas dire qu'il possède la beauté. Il est la
cause de la beauté et, comme tel, au-dessus d'elle. Il n'a ni
volonté, car le vouloir est le désir et le besoin du bien ni
activité, puisque l'activité est l'effort du sujet vers un objet
qui réside en dehors de lui ou un état auquel il aspire.
Enfin, la Pensée même, non seulement, nous l'avons vu, ne constitue pas
l'essence de l'Un, mais est incompatible avec lui. Toute pensée est,
en effet, la réduction d'une multiplicité à l'unité, dans
laquelle, en outre, le pensant se distingue du pensé et reste sous
sa dépendance. Il n'est pas jusqu'à ce qui se pense soi-même qui,
pour se penser, n'ait besoin de soi-même, c'est-à-dire de son
aptitude à se penser. À plus forte raison, ne peut-on attribuer la
conscience à l'Absolu. Il faut même en exclure l'Être, car tout
être est un tout, c'est-à-dire renferme une pluralité incompatible
avec l'unité radicale ; tout être est déterminé, tandis que le
Principe est au-dessus de la détermination. Comme le non-être de
Parménide, l'Un primitif de Plotin est inaccessible à la pensée
aussi bien qu'à l'expression.
Cependant,
la nécessité logique qui nous oblige à poser l'Un nous permet de
reconnaître en lui un attribut positif, au moins en apparence. C'est
l'impossibilité de trouver le fondement de la multiplicité et du
limité ailleurs que dans l'Un infini qui nous a fait remonter
jusqu'à lui. L'Un est donc la condition ou la cause dernière, et
c'est la seule notion positive que nous puissions en avoir. Il est
l'infinie Causalité, la Force ou Puissance première (δύναμις
πρώτη [dunamis protè]) et, comme tel, le Bien. Mais, pas
plus que l'Un, le Bien n'est, à proprement parler, un attribut du
Premier ou un concept générique dont il ferait partie. De même,
l'activité ne lui appartient pas comme un prédicat. Dieu n'est pas
bon, il est le Bien ; il n'est pas une activité, mais
l'Activité ou la Causalité absolues.
Comment
les effets de cette causalité en procèdent-ils ? À cette question,
dont l'importance est capitale puisque c'est seulement après l'avoir
résolue que nous pourrons comprendre comment et en quel sens le
principe premier sert de fondement à une explication rationnelle des
choses, on chercherait inutilement dans les Ennéades une
réponse précise. Les images et les métaphores auxquelles Plotin
est obligé d'avoir recours chaque fois qu'il aborde ce problème
trahissent l'obscurité et l'indécision de sa pensée.
Il
faut, nous dit-il, exclure toute idée de devenir dans le temps. On
ne saurait admettre, non plus, que les choses procèdent de l'Un par
suite d'un acte de volonté, d'une décision intentionnelle, qu'on ne
peut concevoir en lui. C'est par la seule nécessité de sa nature
que le premier principe donne naissance au dérivé. Mais c'est
précisément sur le concept de cette nécessité naturelle que nous
tiendrions le plus à être éclairés, et nous devons nous contenter
ici de comparaisons et d'allégories. De même que tout être vivant,
arrivé à son point de perfection, en engendre un autre semblable à
lui, ainsi la réalité suprême se reproduit en des réalités
semblables quoique inférieures à elle. Exempte d'envie, la
souveraine bonté doit se communiquer avec une libéralité
inépuisable, sans subir par là ni amoindrissement ni altération.
Le
dérivé n'est pas, par rapport au Premier, ce que la partie est au
tout, mais ce que l'effet est à la cause. Il procède de celle-ci,
comme la plante sort de la racine, comme le froid se dégage de la
neige, comme émane du soleil le nimbe lumineux qui l'environne. De
la plénitude de l'Un s'épanche et déborde le flot des existences
dérivées.
Mais
la puissance qui procède ainsi de l'Un ne se sépare pas de sa
source ; il est présent partout et en tout par sa puissance
indivise et infinie. C'est une vie qui, émanée de lui, pénètre le
tout et investit chaque chose de la réalité qui lui appartient.
Est-ce
à dire que la création soit une émanation de l'absolu ? Non, si
l'on entend par là une diffusion substantielle de l'infini dans le
fini. Ainsi compris, l'émanatisme est explicitement répudié par
Plotin. Ce qui émane de l'Un n'est pas sa substance, mais seulement
l'effet de sa causalité infinie. Encore cette causalité est-elle,
pour lui, une dénomination extrinsèque, qui n'exprime que sa
relation à ses effets. Le nom de panthéisme dynamiste
s'appliquerait donc, plus exactement que celui d'émanatisme, à la
doctrine de Plotin. Pur phénomène de l'infini, le fini n'est que
par lui et en lui.
L'Un
n'est pas dans le multiple, car il demeure en lui-même et ne pénètre
pas dans les choses, mais le multiple est dans l'Un comme l'effet
dans la cause. L'immanence des choses en Dieu, c'est leur
effectuation toujours actuelle par Dieu. Dieu est donc partout sans
être nulle part, et précisément parce qu'il n'est nulle part ;
il est en toutes choses parce qu'il n'est en aucune ; il est
tout parce qu'il n'est rien.
Produit
de l'efficacité créatrice de l'Un, le dérivé en est la
reproduction affaiblie; il participe de l'Un sans être identique à
lui ; il est une copie, ou mieux, une ombre et une image du Premier.
Comme l'image que reflète un miroir disparaît quand s'éloigne
l'objet qui la produit, de même, sans la causalité persistante et
continuée du Premier, les existences dérivées s'évanouiraient.
L'Être
n'appartient à une essence que dans la mesure où elle est une ;
la plénitude de l'existence est en proportion de l'unité. Mais il
n'y a unité dans les choses qu'en tant qu'elles imitent l'Unité
primitive. La tendance à l'Être n'est, par suite, que l'aspiration
vers le Bien absolu, l'effort pour imiter ou contempler l'Un premier.
Il
faut, du reste, se garder de voir dans l'Univers l'objet de la
volonté ou de l'activité divines. Parfait en lui-même et renfermé
en lui-même, Dieu ne peut pas sortir de soi pour créer le fini ;
l'Univers n'est qu'une conséquence accidentelle, et comme un jeu de
l'absolu. Autant l'ombre qu'il projette sans le vouloir ni le savoir
le cède en perfection et en réalité au corps qu'elle accompagne,
autant les effets de l'Un lui sont inférieurs et indifférents.
Comme la cause est nécessairement plus parfaite que l'effet, plus
nous descendons dans la série des causes et des effets, plus est
grand le nombre des intermédiaires qui séparent les choses de la
cause première, et moins elles ont de perfection. En s'éloignant de
lui, la lumière projetée par l'Un pâlit graduellement pour expirer
à la fin dans les ténèbres du non-être. Le monde corporel reçoit
la lumière de l’Âme, l’Âme de l'Intelligence, celle-ci de
l'Un. Telles trois sphères concentriques qu'éclairerait un centre
lumineux. ̃
II.
Le premier terme de la hiérarchie des êtres dérivés ne peut être,
en effet, que l'Intelligence ou la Pensée. Car l'Un réside
immédiatement au-dessus de la Pensée ; il est la cause
transcendante qu'elle suppose. Il faut, d'ailleurs, que la première
des choses qui procèdent de lui soit Pensée, pour qu'il puisse se
réfléchir en elle. Effet le plus prochain de l'Un, l'Intelligence
ne saurait être aussi parfaite que lui, et la perfection de celui-ci
consistant essentiellement dans son unité, l'intelligence ne peut
exclure toute multiplicité. Mais étant, en même temps, de toutes
les choses dérivées, celle qui se rapproche le plus du Principe
primitif, elle doit contenir à la fois l'unité et la multiplicité.
Tandis que l'Un est au-dessus de toute activité, la Pensée est
l'activité primitive. Mais cette activité est absolument parfaite,
acte toujours identique à lui-même, sans mouvement ni altération.
Il n'y a donc, dans l'Intelligence, aucune distinction de la faculté
de penser et de la pensée, aucun passage de la puissance à l'acte,
parce qu'elle est absolument la Pensée. Les diverses formes de la
pensée discursive ne sauraient trouver place en elle. Elle est hors
du temps et demeure dans un présent éternel. Une telle Pensée ne
peut avoir pour contenu qu'elle-même, car les démarches nécessaires
pour tirer du dehors l'objet de sa contemplation introduiraient en
elle un devenir incompatible avec son concept. Mais, en se pensant
elle-même, elle pense aussi l'Un puisqu'elle est en lui et par lui.
Ayant
pour objet la réalité et identique à son objet, la Pensée est,
par conséquent, la plus haute des réalités créées. L’Être et
la Pensée, que Platon et Aristote avaient placés au sommet du monde
suprasensible, n'en sont pour Plotin que le second degré. La
première émanation de l'Un est, à la fois, la Pensée et la
Substance (οὐσἱα [ousia]) suprême.
Nous
pouvons de là déduire les déterminations plus particulières de
l'Intelligence. La Pensée est activité, vie, mouvement ; l’Être
est permanence immuable et intemporelle. Le mouvement et le repos
appartiennent donc à la fois à l'Intelligence, c'est-à-dire que
son mouvement lui-même, étant quelque chose d'essentiel et de
permanent, est repos. Bien que distincts, ces concepts sont,
cependant, en tant que déterminations de la même essence, une seule
et même chose. Nous devons donc considérer aussi l'identité et la
différence comme des propriétés de l'être.
En
revanche, ni les dix catégories d'Aristote, ni les quatre catégories
stoïciennes, ne sont applicables à l'Intelligence.
Elle
n'est pas quantité, car le nombre, aussi bien que la quantité
continue, sont des dérivés de l'être et n'appartiennent pas à
l'être en tant que tel ; elle n'est pas qualité, pour la même
raison.
L'Un
et le Bien ne sont pas davantage des catégories de l’Être,
puisque le Bien et l'Un transcendants sont au-dessus de lui et ne
sauraient être attribués à aucune des réalités inférieures, et
que, d'autre part, l'unité et la bonté dérivées appartiennent à
divers degrés aux divers êtres et, par conséquent, ne sont pas
leur genre commun.
Quant
à la beauté, c'est ou bien l'émanation et le reflet de l'Être ;
ou bien l'Être lui-même ; on bien, enfin, l'effet qu'il produit sur
nous. Dans le premier cas, elle n'est pas une catégorie, mais une
conséquence de l'Être ; elle se confond avec lui dans le second ;
dans le troisième, elle n'est pas distincte du mouvement.
De
même, la science appartient soit à la catégorie du repos, soit à
celle du mouvement, soit aux deux à la fois.
Ainsi
le repos, le mouvement, l'identité et la différence sont les seules
catégories primitives du suprasensible. De ces déterminations
fondamentales résultent les catégories dérivées nombre, quantité,
qualité, etc.
L'Intelligence
comportant une pluralité de déterminations, nous pouvons, au moins,
par abstraction, la concevoir à part de celles-ci. Le substrat
commun des catégories de l'Être apparaît alors comme illimité ou
indéterminé.
En
outre, si la puissance et l'acte ne sont jamais réellement séparés
dans la Pensée supra-sensible, ils restent toutefois logiquement
distincts, et c'est précisément ce qui nous autorise à lui
attribuer le mouvement et l'activité.
Mais
l'illimité, l'indéterminé, la puissance, substrat commun des
déterminations, n'est autre que la matière. Il y a donc une matière
dans l'Intelligence. Du reste cette matière intelligible n'a rien de
commun avec la matière sensible. La matière sensible est rebelle à
la forme, soumise à un perpétuel devenir, pur non-être. La matière
intelligible est, au contraire, une réalité éternelle comme
l'Intellect, tout entière pénétrée et vivifiée par l'influence
de l'Un. Il n'y a, en somme, rien de commun entre elles que le nom.
Et si l'on est fondé à employer un terme unique pour désigner
l'une et l'autre, c'est seulement parce que, dans l'Intelligence,
commence déjà à se manifester cette dégradation progressive de
l'Unité primitive, dont le terme dernier est la matière.
Impuissante
à embrasser dans son infinité l'unité absolue dont la causalité
infinie s'épanche sur lui, l'Intellect la décompose, pour la
saisir, en une multiplicité. La multiplicité est la condition de sa
pensée. Mais le multiple contenu dans la pensée, ce sont les
concepts ou les Idées.
Bien
qu'il adopte, en général, la doctrine platonicienne des Idées,
qu'il considère même, avec Platon, et pour les mêmes raisons que
lui, les Idées comme des nombres, Plotin s'en écarte, cependant,
sur un point capital, en admettant qu'il y a des Idées des êtres
individuels. Les propriétés différentielles des divers individus
ne peuvent, remarquait-il, s'expliquer par leur modèle commun. Il
résulte immédiatement de là que c'est la forme essentielle qui
individue, et non pas l'accident ou la matière. Remarque profonde,
qu'on regrette de voir contredite par d'autres passages où Plotin
affirme que les Idées n'ont que le général pour objet. Bien qu'il
y ait autant d'Idées que d'individus, leur nombre n'est pas infini.
Car le monde ne serait pas un être parfait s'il existait en lui une
infinité de choses individuelles.
Les
Idées ne sont pas seulement les objets de l'Intelligence, mais
l'Intelligence elle-même. Elles sont les parties que la pensée
réalise en elle et qui la constituent ; elles sont, comme elle,
des puissances spirituelles, des esprits pensants. Mais, en même
temps, elles lui sont subordonnées comme les espèces au genre, et
les sciences particulières à la science en général. La
multiplicité que contient ainsi l'Intelligence, et qui forme le
monde intelligible, est essentiellement différente de la
multiplicité sensible, car elle est, dans toutes ses parties,
pénétrée d'une indivisible unité. L'univers intelligible est un
tout organique et partout animé, mais son mouvement et sa vie sont
étrangers à tout changement, puisqu'il n'y a en lui ni temps, ni
espace, ni aucune des conditions du devenir et du mouvement
sensibles.
Tandis
que, dans le monde des phénomènes, l'unité et la multiplicité
s'excluent, que les parties de l'étendue sont les unes en dehors des
autres, les divers éléments du monde intelligible sont les uns en
les autres. Grâce à cette compénétration parfaite et a leur
parfaite intelligibilité, chacun transparaît en tous et tous en
chacun, et cette solidarité harmonieuse fait du monde intelligible
un être beau et bienheureux.
III.
L'Âme. Ce que l'Intelligence est à l'Un, l’Âme l'est à
l'Intelligence. L’Âme est une production de la Pensée, comme
celle-ci est une production de l'Un. Intermédiaire entre la Pensée
et le monde sensible, l’Âme est, dans son essence, nombre et forme
comme l'Idée, vie et activité comme l'Intelligence. Mais elle
confine au monde des corps qu'elle produit à son tour. Cependant, sa
parenté est plus proche avec la Pensée qu'avec l'univers sensible ;
elle appartient encore au monde intelligible. Éternelle et hors du
temps, bien qu'elle engendre le temps, elle est le plus extérieur
des cercles lumineux qui environnent la source de toute lumière.
Au-delà commence la région des ténèbres.
Cette
situation de l'Âme rend compte de tous ses caractères.
L'Intelligence est indivisible et, tant qu'elle demeure en elle,
l'Âme participe de cette indivisibilité. Mais il est dans sa nature
de sortir de son union avec la Pensée, de s'attacher au divisible,
au monde des corps, et de devenir ainsi sujette à la divisibilité.
Recevant de l'Intelligence, dont elle est l'image, les formes de
toute réalité, elle les communique au monde des corps, dans la
mesure où il est capable de les recevoir. il faut, sans doute, pour
cela qu'il y ait dans la nature de l'Âme quelque affinité pour le
corporel, et comme une sollicitude pour lui. Toutefois, à prendre
les choses à la rigueur, ce n'est pas l'Âme elle-même que concerne
la divisibilité, mais le corps qu'elle anime. Lui seul est dans
l'espace. En chacune de ses parties, l'Âme réside tout entière et
la division ne l'atteint pas.
Ce
que nous venons de dire s'applique immédiatement à l'Âme
considérée comme tout, c'est-à-dire à l'Âme du monde. C'est, en
effet, l'Âme universelle qui résulte immédiatement de l'action du
second principe, les âmes particulières dérivent de celle-ci. Bien
qu'elle soit la cause du monde sensible, l'Âme du monde existe en
soi, en dehors de lui. Elle ne possède ni la mémoire ni la
réflexion, qui ne peuvent jouer aucun rôle dans une pensée
absolument uniforme et à laquelle tous ses états sont toujours
présents. Elle est, de même, dépourvue de sensibilité. Dirigée
uniquement vers l'Intelligible, elle n'a pas besoin de réceptivité
pour le sensible. Enfin son influence sur le monde qu'elle crée est
une conséquence nécessaire de sa nature qui n'implique ni choix, ni
délibération. Il faut, cependant, admettre qu'elle possède une
sorte de conscience d'elle-même et de l'Univers.
Il
y a lieu, d'ailleurs, de distinguer deux Âmes du monde : l'une
supérieure et l'autre inférieure. La première, absolument
supra-sensible, ne pénètre pas dans le monde corporel et même
n'agit pas immédiatement sur lui. La seconde, image et effet de la
première, est unie au corps de l'Univers de la même façon que
l'âme humaine au corps humain. C'est elle qui fait entrer dans le
monde des phénomènes les formes qui, de l'Âme supérieure
s'épanchent sur elle ; son vrai nom est la Nature. Peut-être est-ce
uniquement à cette Âme inférieure qu'il faut attribuer la
conscience et la personnalité.
Comme
l'Intelligence est le lieu des Esprits et des Idées, de même l'Âme
universelle est le lieu des âmes individuelles. Son unité n'est,
pas plus que celle de l'Intelligence, amoindrie par cette
multiplicité. Car les âmes particulières ne sont que les diverses
formes phénoménales, et comme des points de vue spéciaux de l'Âme
du monde. Quoique distinctes individuellement, elles n'en sont pas
moins une seule et même chose, de même que la science est une dans
ses diverses parties, de même qu'une lumière unique éclaire les
endroits les plus divers.
IV.
Le monde sensible. Tandis que, du sommet à la base du monde
intelligible, les mêmes caractères subsistent tout en s'atténuant
de plus en plus, ils sont, dans le monde des phénomènes, remplacés
par leurs contraires. L'unité s'y résout en multiplicité ;
l'harmonie se change en opposition et en lutte ; la compénétration
mutuelle de toutes les parties devient extériorité spatiale ;
l'éternité est remplacée par le temps, la réalité véritable par
la pure apparence de l'être.
C'est
dans la matière qu'il faut chercher le fondement de cette
métamorphose. On ne peut, en effet, se refuser à admettre la
matière et expliquer sans elle le devenir. La destruction d'un être
particulier n'étant pas un anéantissement complet, ni la production
une sortie du néant, il faut qu'il y ait un substrat commun de ces
phénomènes. En outre, chaque corps particulier est une combinaison
particulière de forme et de matière, ce qui suppose, d'une part, la
forme pure, d'autre part, la matière informe.
Seulement
cette matière ne peut se concevoir que d'une façon toute négative.
Absolument dénuée de forme, la matière ne saurait posséder aucune
détermination quelle qu'elle soit. Elle n'est pas étendue, car
l'étendue ne lui appartient qu'en tant que la forme de l'étendue se
réalise en elle ; elle n'est pas volume, mais seulement ce qui
reçoit le volume, ou, suivant l'expression platonicienne, le grand
et le petit. Par suite, la matière n'est pas corporelle. Elle n'est
en somme que la simple possibilité de l'être, la pure privation,
l'indétermination et l'illimitation absolue; en un mot, le non-être.
Un
tel concept n'a sans doute rien de positif. Mais encore est-il
déterminé d'une certaine façon par son indétermination même, car
penser le rien ce n'est pas ne rien penser. Si Dieu est l'unité
de laquelle toute multiplicité est exclue, la matière, multiplicité
sans unité, est aussi éloignée que possible du principe premier.
Et
comme Dieu est le Bien, la matière ne peut être que le mal, le mal
le plus complet possible, le mal primitif et radical. On ne doit
pourtant pas dire qu'elle est le mal en soi, parce qu'il ne saurait y
avoir un tel mal. Une chose n'est mauvaise que comparée à celles
qui lui sont supérieures dans la hiérarchie des existences; le mal
n'est que moindre perfection.
Prise
à part et en elle-même, la matière n'est donc ni bonne ni
mauvaise. Mais comme elle est le plus bas degré de l'être, elle est
mauvaise à quelque point de vue qu'on s'établisse pour la
considérer, sauf celui de la matière elle-même. Où qu'on se place
dans la hiérarchie des choses, la matière est toujours au-dessous
et, par cela même mauvaise ; l'Un est toujours au-dessus et,
par suite, bon.
La
matière et le mal sont donc absolument nécessaires, ils existent
dès le premier moment dés amoindrissements progressifs de l'Un qui
constituent l'Univers. L'Intelligence elle-même n'en est pas
exempte. Chercher pourquoi il y a du mal dans le monde, ou demander
pourquoi il y a un monde, c'est tout un.
Placée
à la limite du monde intelligible, l'Âme éclaire naturellement ce
qui est au-dessous de lui ; elle s'unit à la matière. De cette
union résulte le monde des phénomènes. En pénétrant ainsi dans
la matière, l'Âme et la forme intelligible ne deviennent pas,
elles-mêmes, divisibles et sensibles. L'Âme se communique à la
multiplicité des corps et se reflète en eux sans cesser d'être une
et en soi. Telle une voix qui se transmet, sans se diviser, à tous
ceux qui l'entendent, ou un visage qui se réfléchit dans plusieurs
miroirs. Sans s'amoindrir, la forme se reproduit tout entière dans
les individus qu'elle détermine. Elle est, comme disaient les
stoïciens, la forme séminale des choses. La participation de
celles-ci à l'intelligible est une participation logique et non
matérielle ; l'intelligible est au sensible ce qu'est le genre aux
espèces en lesquelles il se divise sans perdre son unité.
L'extériorité mutuelle des parties du monde sensible, due à la
présence en lui de la matière, empêche seule cette analogie
d'aller jusqu'à l'identité.
Il
ne faut pas concevoir l'activité créatrice que l'Âme exerce sur le
monde comme semblable a l'activité humaine. La Nature opère sans
intention ni conscience. Le vague sentiment qu'elle peut avoir
d'elle-même est comme celui d'un être qui sommeille ; ses créations
ne sont en elle que comme des songes. Elle les accomplit avec la
sûreté de l'instinct que nulle réflexion ne détourne de son but.
Le
monde sensible a, lui aussi, pour origine, la nécessité naturelle
en vertu de laquelle l'Âme ne peut s'empêcher de projeter sa
lumière en dehors d'elle et d'introduire, dans la matière, la
détermination qui fait défaut à celle-ci. Cette nécessité,
éternelle comme l'Âme, exclut l'hypothèse d'un commencement et
d'une fin du monde. Mais, comme l'ont cru Platon et les stoïciens,
il faut admettre que le cours de l'Univers est périodique et que
chaque période cosmique, une fois terminée, se reproduit et ramène,
dans le même ordre, les mêmes événements.
Le
monde sensible n'est, sans doute, qu'une vaine fantasmagorie de la
vraie réalité. Mais il est pourtant l'effet et la manifestation
phénoménale de l'Âme et, comme tel, il doit avoir toute la beauté
et toute la perfection qu'il peut comporter. Si la morale de Plotin
est et ne peut être que celle du renoncement et de l'ascétisme, il
est encore trop profondément pénétré de la pensée grecque et il
tient trop au naturalisme hellénique pour ne pas essayer de le
défendre contre ses adversaires chrétiens et gnostiques.
C'est
en termes empruntés à la philosophie stoïcienne qu'il célèbre
l'ordre et l'harmonie du monde. Sans l'Âme, l'univers sensible ne
serait rien ; il n'existe que grâce à son influence continue.
Tenant d'elle tout son être, il est, comme elle, vivant et animé
dans toutes ses parties. En lui rien d'inerte et de mort ; c'est un
tout organique où l'opposition et la lutte des contraires sont
subordonnées à 1 unité de l'ensemble, comme les conflits des
personnages dans une pièce de théâtre. Il y a même plus
qu'harmonie, il y a connexion et solidarité complètes entre les
diverses parties de l'Univers. Et cette connexion ne résulte pas
d'une action physique ou mécanique de ces parties les unes sur les
autres, mais de l'attrait du semblable pour le semblable, de la
sympathie qui représente dans le monde sensible ce que sont, dans
l'Intelligence, la compénétration des concepts et des esprits ;
dans l'Âme universelle, l'unité des âmes particulières.
Comment,
demande Plotin aux gnostiques chrétiens, pouvez-vous prétendre
honorer les dieux invisibles en méprisant leur image visible ?
Comment admettre le règne de Dieu sur les âmes humaines, quand on
le nie sur l'ensemble de l'Univers qui manifeste encore plus d'ordre
et de raison ? Comment croire à l'immortalité de toutes les âmes
humaines, même des plus viles, et refuser au ciel et aux astres une
âme immortelle ? Il faut bien que le monde sensible soit inférieur
au monde intelligible, puisqu'il s'en distingue et qu'il y a en lui
de la matière, mais il représente son modèle, il exprime la vie et
la sagesse infinies, de la façon la plus parfaite qui se puisse
concevoir.
Le
même optimisme se manifeste dans les idées de Plotin sur la
Providence et le problème du mal.
Dans
le traité qu'il a consacré à ces questions, il vise surtout ceux
qui nient toute Providence et prétendent expliquer l'ordre du monde
par le hasard, et ceux qui, pour rendre compte du mal, admettent,
comme certains gnostiques chrétiens, l'influence d'un être méchant
ou attribuent à la matière une puissance et une activité capables
de faire échec à l'action divine.
Mais
il réprouve également la doctrine qui confond la Providence et la
fatalité et qui soumet à une nécessité inéluctable la liberté
humaine. Tout en affirmant que le monde est régi par la Providence
et aussi parfait qu'il peut être, Plotin maintient que la vertu est
libre et que l'activité morale de l'homme n'est pas soumise à la
destinée. Il juxtapose, il est vrai, ces deux thèses plus qu'il ne
les concilie et, sans doute, l'ensemble de son système et, en
particulier, la façon dont il conçoit la Providence rendaient-ils
cette conciliation malaisée.
La
Providence n'est, pour lui, qu'un autre nom de l'influence du monde
intelligible sur le monde des phénomènes. Cette influence
n'implique ni prévoyance, ni délibération. Il ne saurait être
question d'une sollicitude de la divinité pour les choses humaines.
Admettre la Providence c'est, en somme, reconnaître que ce monde est
le phénomène d'un monde supérieur et en procède par une nécessité
naturelle.
L'univers
sensible est donc le meilleur possible, étant donnée la place qu'il
occupe dans la hiérarchie des choses. Les imperfections qu'on croit
découvrir dans telle ou telle de ses parties sont nécessaires à la
perfection et à l'existence même du tout. Un tout suppose, en
effet, la systématisation harmonieuse de parties d'inégale valeur.
Le héros ne saurait être le seul acteur du drame ; il faut, à côté
de lui, des personnages vulgaires ; la plus belle des couleurs ne
suffit pas à faire un tableau ; l'organisme ne peut être constitué
tout entier par le plus parfait des organes, l'œil par exemple. La
production et la destruction, la naissance et la mort sont
nécessaires, car il n'y a pas harmonie et rapport sans opposition et
sans lutte. Enfin l'union de l'âme avec la matière ne paraîtra pas
une iniquité, si l'on remarque que ce n'est point une contrainte
extérieure qui plonge l'âme dans le corps, mais sa propre action et
la loi de sa propre nature. Le mal physique exige à peine une
justification. La souffrance et la douleur, lors même qu'elles ne
seraient pas les justes expiations de fautes passées ou commises
dans une vie antérieure, n'altèrent pas le bonheur de l'homme
vertueux ; la prospérité matérielle, les succès militaires ne
sont de vrais biens ni pour les individus, ni pour les peuples ;
souffrir n'est pas un mal véritable. Celui-là s'y résigne
facilement qui, apercevant les choses sous l'aspect de la nécessité,
voit dans les événements des conséquences nécessaires du cours de
la Nature. S'il parait plus difficile de justifier le mal moral,
encore faut-il remarquer qu'il est aussi, dans une certaine mesure,
la condition du bien. Car les châtiments qui atteignent le coupable
soit immédiatement, toute faute étant une déchéance, soit pendant
le cours de ses destinées futures, le détournent du péché et
augmentent sa vigilance morale. D'autre part, le vice fait ressortir,
par opposition, la valeur de la vertu. Sans doute, quoique les biens
extérieurs soient faux et illusoires, la prospérité matérielle
des méchants a souvent des résultats fâcheux, puisqu'il leur
arrive de faire un mauvais usage de la fortune ou du pouvoir.
Toutefois ce sont là d'inévitables conséquences de la nature
humaine. Ce n'est pas la Providence qu'il faut incriminer, mais
l'homme lui-même, et c'est à lui qu'il appartient de faire
disparaître cette sorte de mal ou d'en prévenir les inconvénients.
L'investigation
scientifique de la Nature ne pouvait avoir beaucoup d'attrait pour un
métaphysicien comme Plotin. Nous ne trouvons, dans les Ennéades,
que deux traités assez courts à y rattacher. L'un a pour objet
l'explication du rapetissement apparent des objets vus à distance ;
dans l'autre, Plotin critique la théorie stoïcienne de la
pénétration mutuelle du corps. S'il s'est attaché à étudier le
détail des phénomènes de l'Univers, il n'a eu, en le faisant,
d'autre but que d'y poursuivre l'application de ses idées sur la
nature du monde sensible.
Le
ciel reçoit, plus immédiatement que toutes les autres parties de
l'Univers, l'influence émanée de l'Âme et du monde intelligible.
Son âme est, par conséquent, beaucoup plus parfaite que celle de
l'homme. Son corps est le feu le plus pur et n'a qu'une analogie
lointaine avec le feu terrestre. Le seul mouvement qui puisse lui
convenir est le mouvement circulaire. Plotin invoque, sur ce point,
plus d'arguments encore que Platon et qu'Aristote. Les âmes astrales
surpassent aussi, de beaucoup, en pureté et en perfection les âmes
humaines. Les astres sont des dieux visibles, images des dieux
invisibles. Leur vie bienheureuse et uniforme se passe tout entière
dans la contemplation du monde supra-sensible. Le changement en étant
exclu, ni la mémoire, ni la délibération et le choix ne leur
appartiennent. Il est impossible, pour la même raison, de leur
attribuer aucune connaissance de ce qui leur est inférieur et aucune
intervention volontaire dans le cours des événements. L'action
qu'ils peuvent exercer sur la terre et la destinée des hommes n'est
pas celle que leur attribuent les superstitions astrologiques. Comme
l'influence de l'Âme s'exerce d'abord sur le ciel, puis s'étend aux
régions inférieures, et comme la connexion des diverses parties de
l'Univers fait de lui un tout sympathique, on peut admettre que les
choses de la terre subissent, en ce sens, l'action du ciel et des
astres. Ils produisent le chaud et le froid, agissant ainsi sur les
corps d'ici-bas et sur leurs dispositions. En outre, les affections
et les inclinations qui dépendent du corps sont influencées par
l'état général de l'Univers et spécialement par celui des astres.
Mais, finalité ou mécanisme, cette influence résulte toujours
d'une nécessité naturelle et non d'une intervention consciente et
voulue. Il serait absurde d'ajouter foi aux fables des astrologues et
de croire que les astres ont des affections et des inimitiés, qu'ils
sont heureux et bienveillants quand ils se rencontrent avec ceux
qu'ils aiment ; favorables ou défavorables, suivant qu'ils se
trouvent joyeux ou attristés de leur position dans le ciel ; utiles
ou nuisibles, parce qu'ils sont froids ou chauds. Il faut prendre la
même attitude à l'égard de la divination astrologique. Chacun des
êtres qui composent le monde sensible et chacun des événements qui
s'y passent, se trouvant, par suite de la connexion organique de
toutes les parties de l'Univers, dépendre de tous les autres, celui
qui est doué d'une science et d'une pénétration suffisantes peut,
des mouvements qui se produisent à un moment et dans un lieu
déterminés, déduire ce qui se passe dans les autres parties du
système cosmique, avec la même certitude qu'un homme expert dans
l'art de la danse peut conclure qu'à telle pose correspond tel
mouvement de la main ou du pied. Les astres sont comme un livre
céleste où l'on peut apercevoir, plus clairement encore que partout
ailleurs, les destinées futures des humains et l'état présent et à
venir de l'Univers en général. Ainsi comprise, l'astrologie est
possible et légitime sur toute autre base, elle n'est qu'imposture
ou illusion. À la question de savoir comment cette divination
rationnelle est compatible avec la liberté humaine, Plotin répond
que la décision reste libre, et que l'acte seul s'introduit dans la
chaîne des événements et le réseau continu des choses solution
qui laisse subsister la difficulté sous une autre
forme.
Tandis
que les dieux visibles émanent de l'Âme du monde supérieure, les
démons, intermédiaires entre eux et les hommes, procèdent de l'Âme
du monde inférieure. Ils résident dans la région située
au-dessous de la lune et au-dessus de la terre. Leur corps n'est pas
fait de matière sensible, mais ils peuvent, à l'occasion, en
revêtir un de feu ou d'air. Éternels comme les dieux, ils
contemplent, comme eux, le monde intelligible ; seulement ils
sont soumis aux passions, doués de mémoire et de sensibilité,
capables d'entendre les invocations. Certains d'entre eux ont même
un langage.
Comme
les astres, la terre est animée ; elle est aussi une divinité et un
être pensant. En outre, elle est douée d'une sensibilité qui, sans
doute, diffère essentiellement de la nôtre, puisqu'elle s'exerce
sans organes, mais qui, cependant, provoque en elle certains effets.
Comment comprendrait-on, sans cela, que les prières puissent être
entendues et exaucées ? D'ailleurs, l'influence de cette âme se
manifeste, non seulement dans l'organisme terrestre, mais dans la
production et la croissance des plantes : les âmes des végétaux
en procèdent.
Parmi
les âmes des animaux, les unes sont comme des irradiations
lointaines de l'Âme du monde, les autres sont des âmes humaines ou
plutôt des fantômes d'âmes humaines unis à des corps d'animaux.
V.
L'Homme. Avant de pénétrer dans la vie terrestre, -les âmes
humaines résident dans le monde supra-sensible. Immanentes à l'Âme
du monde, elles gouvernent avec elle l'Univers sans se mêler à lui
; elles contemplent, comme elle, l'Intelligence et l'Un ; elles sont,
comme elle, dépourvues de conscience, de mémoire, de raisonnement.
Mais de la loi générale en vertu de laquelle le supérieur se
communique à l'inférieur résulte, pour l'âme, la nécessité de
se tourner vers le monde sensible et de s'unir à lui. De même que
l'Âme universelle anime le corps entier de l'Univers, ainsi aux âmes
particulières est dévolue une partie déterminée du monde
corporel. Cette union de l'âme avec le corps est libre, en ce sens
qu'elle ne résulte pas d'une contrainte extérieure, et l'on peut
dire, à cet égard, qu'elle est une faute et une témérité. Mais,
à cette faute, l'âme ne saurait se soustraire. Au bout du temps
fixé, elle est fatalement entraînée par la loi de sa nature dans
le corps qui lui convient, sans qu'il y ait eu, de sa part, ni désir,
ni délibération, ni choix.
Originaire
du monde supra-sensible, l'âme ne peut être que spirituelle. On ne
doit donc pas, avec les stoïciens, la considérer comme une matière,
fût-ce la plus subtile de toutes. Mais la doctrine qui voit en elle
la forme ou l'entéléchie du corps n'est pas plus exacte. Car sa
véritable essence consiste précisément à être séparable du
corps. Elle n'existe dans toute sa pureté que quand elle
s'affranchit de son commerce avec lui. En pénétrant dans le
sensible, en effet, l'âme ne dépouille pas sa nature primitive.
Seulement, l'élément hétérogène qu'elle s'adjoint produit en
elle une sorte de dédoublement.
Il
y a, dans l'homme comme dans le grand monde, deux âmes l'une qui
continue à vivre dans le supra-sensible, l'autre qui participe seule
à la vie et aux affections corporelles. La première est ce qu'il y
a en nous de meilleur ; elle constitue l'essence propre de
l'homme. La raison divine est, non pas même au-dessus d'elle, mais
avec elle et en elle. Cette âme contient, elle aussi, deux éléments
dont l'un est, à son tour, subordonné à l'autre :
l'intellect, auquel appartient l'intuition immédiate de
l'Intelligible, qui aperçoit les Idées dans leur' unité, et la
pensée discursive qui, pour saisir l'Intelligible le développe et
le divise.
Comment
l'âme supérieure et l'intellect peuvent-ils être à la fois en
nous et au-dessus de nous ? Comment l'âme peut-elle jouer le rôle
d'intermédiaire entre le sensible et l'intelligible, si elle est
elle-même divisée en deux parties aussi distinctes que les termes
qu'elle doit unir ? Quels sont les rapports de l'intellect avec la
personnalité humaine ? Autant de questions sur lesquelles on
chercherait en vain, dans la doctrine de Plotin, plus
d'éclaircissements qu'on n'en trouve dans les systèmes de Platon et
d'Aristote.
Sur
les rapports mêmes de l'âme et du corps, ses idées ont dû rester
obscures, car c'est aux métaphores qu'il recourt pour les exprimer.
L'âme
n'est dans le corps, ni comme les choses sont dans l'espace, ni comme
la qualité est dans le sujet, ni comme les parties sont dans le tout
ou le tout dans les parties, ni, enfin, comme la forme dans la
matière. Elle réside plutôt en lui de la même façon que la force
active dans l'organe ou que le feu dans l'air échauffé et lumineux.
Tout en refusant d'admettre sur ce point l'opinion d'Aristote, Plotin
est d'accord avec lui pour reconnaître que l'âme, forme
immatérielle (εἶδος [eidos]), doit être exempte de
toute passivité. Le sujet des états passifs est le corps ;
l'âme ne fait que les apercevoir.
Dans
la sensation, par exemple, elle n'est pas atteinte par les
impressions que produisent les objets, elle saisit seulement l'état
réalisé par cette impression dans les organes ; ou plutôt, cet
état n'est que la condition grâce à laquelle l'activité spontanée
de l'âme pourra se manifester. C'est précisément parce qu'elle ne
peut être affectée par le corporel que la sensibilité a besoin,
pour s'exercer, des organes des sens qui servent d'intermédiaire.
Mais, sans doute, ces organes ne pourraient-ils jouer ce rôle, s'il
n'y avait déjà en eux quelque chose de psychique.
De
même, les désirs ne sont pas des affections de l'âme elle-même,
ni des états purement corporels ; ils se produisent dans l'ensemble
constitué par le corps et les parties inférieures de l'âme. L'âme
supérieure n'a que la représentation de ces désirs et le pouvoir
de les réprimer ou de les satisfaire.
C'est
encore à cet ensemble qu'il faut attribuer l'erreur, à laquelle
l'âme n'est pas sujette par elle-même, et peut-être aussi la
conscience. Car l'intellect et l'âme pensante peuvent agir en nous
sans que nous nous en apercevions ; la conscience n'est que le reflet
de l'activité spirituelle dans les facultés inférieures; c'est
une sorte de sensibilité.
En
revanche, la mémoire appartient à l'âme elle-même. Proposition
qu'il ne faut appliquer, sans doute, qu'à la mémoire supérieure
qui conserve les concepts, et non pas à celle qui a pour objet les
images sensibles. Quelle qu'elle soit, du reste, la mémoire ne peut
se trouver que chez les êtres soumis au devenir et au temps. On ne
saurait, par conséquent, admettre une réminiscence de la Pensée
pure.
S'il
s'écarte de Platon sur ce point, Plotin ne fait, au contraire, que
s'approprier ses idées en ce qui concerne l'âme désirante et le
θυμός [thumos] ; il leur donne, comme lui, pour organes,
le foie et le cœur. Toutefois, il ne veut pas y voir des âmes
distinctes. L'âme est indivise et agit toujours comme tout.
Les
difficultés surgissent à chaque pas quand on essaie de réunir en
un ensemble cohérent les théories psychologiques de Plotin. Et ces
difficultés sont insurmontables parce qu'elles tiennent au fond de
sa doctrine et à fa contradiction des deux tendances auxquelles il
obéit tour à tour.
Tantôt,
en effet, il semble considérer l'âme et le corps, ou la matière,
comme deux substances, deux choses en soi hétérogènes, et établit
entre elles la plus radicale des antithèses. Mais, par là même, il
rend impossible toute intelligence de leurs rapports. D'autres fois,
il affirme que le corps n'est que l'effet et la création de l'âme.
Seulement cette doctrine, à laquelle on pardonnerait, au besoin, de
ne pas avoir indiqué clairement comment la matière et les choses
procèdent de l'âme, ne nous permet pas de comprendre pourquoi il y
a ici entre la cause et les effets une opposition aussi complète, et
pourquoi le corps diffère bien davantage de l'âme que celle-ci ne
diffère de l'Intelligence et l'Intelligence de l'Un.
C'est
à la même incertitude fondamentale qu'il faut rattacher, en partie,
l'indécision de Plotin sur la question du libre arbitre. D'une part,
il soutient que l'activité rationnelle est seule libre, et que le
vice et le mal ne le sont pas ; d'autre part, il déclare que la
vertu est autonome, et que le mal doit être imputé à son auteur.
Quelquefois même il semble admettre que ce sont principalement,
sinon uniquement, les actions mauvaises qui dépendent de la liberté
humaine, et que l'âme est par soi, avant son union avec le corps,
exempte d'erreur et de fautes. Mais la conclusion qui résulterait de
ces prémisses est contredite par les passages où Plotin affirme que
l'âme, avant de descendre dans la vie phénoménale, choisit
librement sa destinée ultérieure. Nous avons déjà indiqué
comment il
essaie de concilier le libre arbitre avec le déterminisme auquel
sont soumis les actes humains comme éléments du monde sensible.
Puisque
l'âme préexiste à son union avec le corps, il n'y a pas de raison
pour qu'elle cesse d'être quand cette union est rompue.
L'immortalité de l'âme est la conséquence naturelle du système
que nous venons d'exposer.
Plotin
a néanmoins consacré à la démontrer un traité spécial, où il
reproduit, sans y ajouter beaucoup, les arguments du Phédon.
Il insiste seulement, d'une façon particulière, comme des doctrines
contemporaines l'y invitaient, sur l'impossibilité d'admettre la
résurrection de la chair. Il adopte aussi, sans y introduire de
modifications essentielles, les idées que Platon avait lui-même
empruntées aux pythagoriciens, sur les destinées futures de l'âme.
Comme
c'est leur inclination pour le sensible qui a été la cause
primitive de leur chute dans le corps, les âmes qui, parvenues au
terme de leur union avec lui, ne se sont pas affranchies de cette
inclination, sont entraînées par elle dans l'organisme qui convient
le mieux à leur disposition interne.
Les
plus perverses revêtent des corps d'animaux ou même de plantes ; la
plupart contractent une nouvelle alliance avec des corps humains ;
d'autres vont résider dans les astres, et chacune en celui dont la
position et le rôle dans l'Univers sont en harmonie avec ses
inclinations particulières ; quelques-unes, enfin, s'élèvent de
nouveau à l'existence supra-sensible.
D'ailleurs,
en choisissant ainsi leur démon et leur destinée, les âmes
obéissent à la loi éternelle de la justice. Leur vie future est
exactement ce qu'elle doit être pour rémunérer leur conduite dans
la vie présente. Les détails que nous trouvons à ce sujet dans les
Ennéades, la minutieuse précision avec laquelle Plotin
détermine la nature des châtiments qui doivent correspondre à
chaque genre de fautes et le ton dogmatique qu'il ne cesse de garder,
nous font quelquefois sourire et regretter la légère ironie et le
demi-scepticisme de Platon en pareille matière.
D'ailleurs,
les difficultés que soulevait la théorie de la transmigration des
âmes dans la doctrine platonicienne, subsistent dans celle de
Plotin. Les fonctions inférieures, la sensibilité, les passions
n'appartiennent pas à l'âme elle-même, mais résultent de son
union avec le corps. Elles doivent donc devenir impossibles quand
cette union est dissoute. Mais alors, comment comprendre que l'âme
puisse être entraînée dans un nouveau corps par la sensibilité ?
Qu'elle soit punie pour des fautes qui ne sont pas les siennes et qui
ne peuvent être imputées qu'à l'ensemble que la mort a détruit ?
Plotin déclare, il est vrai, que le lien qui unit l'âme supérieure
aux âmes inférieures, émanées d'elles, subsiste après la mort,
au moins chez celles qui ne sont pas affranchies de la sensibilité.
Mais on ne voit pas bien comment ce lien peut persister, une fois
séparées les choses qu'il unissait. D'autre part, comment les âmes
qui ont su se dépouiller de toute inclination pour le sensible et
qui, après la mort, retournent dans le monde intelligible,
peuvent-elles être récompensées des mérites qui appartiennent à
la personne, si la personnalité ne subsiste pas ?
VI.
Morale. Quoi qu'il en soit, une chose au moins n'est pas
douteuse : l'âme ne peut trouver son bien et son bonheur qu'en
revenant à son état primitif, en dépouillant tout attachement pour
le corps, en s'adonnant, de nouveau, tout entière, à la
contemplation du monde intelligible.
Et
ce qui est vrai de l'âme, l'est aussi de l'homme. Le souverain bien
est, en effet, pour chaque être, l'activité conforme à sa nature,
et la vraie nature d'un être composé de plusieurs parties, c'est la
plus élevée et la meilleure d'entre elles.
Du
reste, le bonheur ne peut consister ni dans le plaisir, ni dans la
tranquillité, ni même dans l'activité conforme à la nature si
l'on prend ces termes dans leur sens général, car, en ce cas, il
faudrait l'attribuer aux animaux et même aux plantes. Le bonheur est
l'apanage des êtres pensants. Il est une vie parfaite, et ne peut
consister que dans la pensée. L'activité de la pensée, en effet,
constitue précisément la vie dans son essence la plus pure et la
plus vraie ; elle est la vie primitivement. Les autres modes de
l'activité vitale n'en sont que des images plus ou moins affaiblies.
Comme
la véritable essence de l'homme est la pensée, le bonheur n'est pas
seulement pour lui un état passager et accidentel, mais la
réalisation de sa nature. Les choses extérieures ne sauraient avoir
aucune influence sur ce bonheur. Ni les maux qui atteignent ses
parents, ses amis, sa patrie, ni l'esclavage, ni la mort ne troublent
la félicité du sage. La prospérité la plus complète ne saurait
l'accroître, ni les infortunes les plus multipliées l'amoindrir.
Avec plus de rigueur encore que les stoïciens ne l'avaient fait,
Plotin maintient l'absolue indifférence des biens extérieurs.
Mais,
puisque c'est dans la pensée et la contemplation de l'Intelligible
que consiste le bonheur, l'âme humaine doit, pour le goûter, se
purifier de ce penchant pour le sensible qui a provoqué son union
avec le corps. La seule condition de la moralité parfaite est toute
négative : dès qu'est rompu le lien qui l'unissait au
sensible, l'âme s'élève de nouveau vers l'au delà, auquel,
conformément à la loi de sa nature, elle ne cesse pas de tendre.
Toutes les formes de l'activité morale n'ont pas d'autre but que cet
affranchissement ; toutes les vertus sont des purifications.
La
purification, d'ailleurs, n'implique pas l'ascétisme. Il faut moins
proscrire le plaisir et les passions que subordonner la sensibilité
à la raison ; le fait importe moins ici que les dispositions morales
; l'abstinence et les mortifications ne sont pas nécessaires à
celui qui est suffisamment détaché des choses sensibles, pour que
les plaisirs et les douleurs n'aient plus aucun intérêt à ses
yeux. Le sage n'a donc pas besoin, pour s'affranchir de la servitude
du corps, de recourir au suicide, et, bien qu'il soit excusable dans
certaines circonstances, on ne doit pas le préconiser.
Au
reste, le monde sensible lui-même peut, en un sens, contribuer à
notre perfectionnement moral. Car il est l'image du monde
intelligible et rappelle à l'âme l'Idée- qu'il a reçue en lui.
L'amour de la Beauté sensible doit nous préparer à l'amour de la
Beauté suprême et s'anéantir quand il l'a fait naître en nous.
Autant
le monde sensible le cède en vérité et en perfection au monde
intelligible, autant la théorie l'emporte sur l'activité pratique,
la vertu suprême sur les vertus éthiques. Celles-ci peuvent, il est
vrai; nous acheminer vers celles-là et contribuer à notre
purification ; il ne faut pas mépriser les vertus sociales qui
représentent, dans le monde sensible, ce que l'ordre et la mesure
sont dans l'âme.
Mais
on ne doit pas exiger du sage qu'il abandonne, pour se consacrer aux
affaires de l’État, la vie presque divine que lui garantit la
pensée pure. Bien que Plotin se déclare partisan de l'aristocratie
intellectuelle, et qu'il ait même songé un instant à réaliser la
cité idéale rêvée par Platon et à fonder une Platonopolis, la
politique n'a jamais tenu beaucoup de place dans ses préoccupations.
C'est
que l'activité pratique, quel qu'en soit le but, nous tient encore
attachés au monde extérieur ; celui qui s'y livre subit encore
l'attrait et comme la fascination (γοητεία [goèteia])
des choses sensibles. La pratique n'est, du reste, qu'une théorie
impuissante : ce que l'homme ne peut pas arriver à saisir d'une
façon purement intellectuelle, il le représente extérieurement
pour arriver à le contempler au moins sous une forme sensible. Le
but de la pratique est le bien. Mais le seul bien que l'âme puisse
vraiment posséder tout entier, c'est la contemplation ; la théorie
est la seule pratique qui lui convienne. La sagesse, la prudence et
la justice vraies consistent bien moins, comme l'a dit Platon, dans
une certaine conduite à l'égard d'autrui ou des choses, que dans
l'attitude de l'âme vis-à-vis d'elle-même et les rapports corrects
de ses diverses parties. C'est à l'activité de la meilleure d'entre
elles que l'homme vertueux devra subordonner toutes les autres.
Toute
connaissance théorique ne peut cependant nous procurer le bonheur.
La sensation, par exemple, n'atteint qu'un vain fantôme de l’Être
; c'est une de ces fonctions qui résultent, pour l'âme, de son
union à ce qui n'est pas elle. Et, quoique le monde sensible soit
une imitation du monde intelligible, quoique nous puissions nous
élever de la beauté sensible à la beauté intelligible, ou plutôt
pour cette raison même, le véritable rôle de la sensation et de
l'imagination sensible est d'amener l'âme à s'en détacher au plus
tôt. De la sensation à la pensée discursive, la distance est aussi
grande qu'entre le monde sensible et le monde intelligible.
La
pensée discursive réunit ou sépare les concepts, les idées et les
genres suprêmes. Sa fonction est la dialectique, dont Plotin parle à
peu près dans les mêmes termes que Platon. Propédeutique et
auxiliaire de la dialectique, la logique vulgaire n'est pas un savoir
purement formel et vide de contenu, car les lois des relations des
termes imitent celles des rapports des Idées dans l'Intelligence.
Grâce à la pénétration réciproque de toutes les parties du monde
intelligible, la dialectique peut retrouver le tout dans chacune, ou
le faire sortir de chacune, car il y est en puissance. Mais, par cela
même qu'elle distingue ce qui est uni, qu'elle divise le monde
intelligible pour le comprendre, la pensée discursive n'est pas la
forme la plus haute de l'activité mentale.
Elle
présuppose, d'ailleurs, la connaissance immédiate du
supra-sensible. Cette connaissance n'appartient pas à l'âme
proprement dite, mais à l'intellect. Possession immédiate de son
objet, intuition de la Pensée pure et, par suite, de l'Intelligible,
elle exclut tout devenir et toute discursion. La distinction même de
l'intelligence divine et de l'intelligence humaine s'évanouit en
elle, car, en retrouvant son essence pure, notre pensée redevient
une partie de la Pensée divine. Dans cette union, cependant, l'âme
conserve encore quelque conscience de soi, et, par suite, il reste en
elle quelque trace de l'influence du sensible, puisque c'est à
l'ensemble de l'âme et du corps qu'appartiennent essentiellement la
conscience et la personnalité.
Pour
parvenir à. la perfection suprême, il faut franchir un dernier
degré et s'élever jusqu'à l'intuition de l'Un. En dépassant la
Pensée même et en se purifiant des déterminations que suppose
encore la contemplation- de l'Intelligible, l'âme, arrivée à
l'indétermination absolue, à la simplification radicale (ἅπλωσις
[haplôsis]), peut recevoir en elle ce qui est en dehors et
au-dessus de toute limitation. Plus complètement encore que dans la
Pensée pure, la dualité du sujet et de l'objet s'évanouit alors.
Ce n'est donc pas le nom de science ou de connaissance qui convient à
un tel état, mais celui d'extase. Il n'y a plus dans l'âme ni
mouvement, ni vie, ni conscience, ni pensée ; elle est
au-dessus de la vertu, de la beauté et de la science ; elle
n'est plus âme, mais repos absolu et abandon en Dieu.
Subitement
illuminée par la lumière qui émane de Dieu et qui est Dieu même,
en contact immédiat avec lui, elle lui est indivisiblement unie.
Toute distinction de l'âme et de l'Intelligence et même toute
distinction de l'âme et de l'Un est abolie. Ce n'est pas une
intuition de Dieu, mais une existence divine. Cette existence ne
saurait se définir ni se décrire. Tout ce que le philosophe peut
faire, c'est de montrer aux autres la voie qui les y conduira, et peu
de mots suffisent pour résumer la seule méthode qu'il ait à leur
indiquer : il faut que l'âme se détache du sensible, se
retire dans les profondeurs de sa propre essence jusqu'à ce que,
n'étant plus qu'en elle, elle soit par cela même en Dieu. Il
convient, en outre, de ne pas poursuivre impatiemment la lumière
divine, mais d'attendre, dans le recueillement, qu'elle se manifeste.
Ce
n'est qu'à de rares intervalles et pendant de courts moments que le
philosophe peut s'élever à cette union extatique avec Dieu, à
laquelle la plupart des hommes ne peuvent se hausser même un
instant. L'âme ne se résout pas sans une sorte d'effroi à s'abîmer
dans l'indétermination. La tendance qui lui a fait abandonner son
existence supra-sensible persiste en elle et, tant qu'elle demeure
ici-bas, elle ne peut se détacher de la vie corporelle que pour un
moment.
VII.
La Religion. La métaphysique de Plotin est, avant tout, une
théologie, et sa morale une religion. Mais il lui était facile de
leur subordonner une théologie moins abstraite et une religion dont
la pratique fut plus accessible. Interprétés avec la liberté dont
les philosophes grecs avaient, depuis longtemps, donné l'exemple, et
que les exégètes juifs et chrétiens ne s'étaient pas refusée,
les mythes populaires et le culte traditionnel s'accordaient aisément
avec sa doctrine. Bien que les dieux et les démons, en effet,
procèdent tous du Dieu Un, ils sont indépendants de lui, à peu
près de la même façon que les âmes humaines, et l'unité
fondamentale des êtres dérivés n'exclut pas le polythéisme.
La
présomption ou l'étroitesse d'esprit, l'impuissance à concevoir
toute la richesse des manifestations de la causalité première
peuvent seules empêcher l'homme d'admettre tout un monde d'êtres
divins supérieurs à lui.
Émanation
la plus immédiate de l'Inconcevable, l'Intelligence est le premier
des dieux dérivés. Après elle, les Intelligences particulières,
douées d'une sorte de personnalité, forment encore une lignée de
dieux invisibles, au nombre desquels il faut mettre aussi l'Âme du
monde. Puis viennent les astres ou dieux visibles ; enfin les
démons qui habitent la région sublunaire, et qui n'ont plus qu'une
demi-divinité.
Tels
sont les êtres divins auxquels s'appliquent les mythes de la
religion grecque. En somme, le mythe présente, sous la forme de la
succession et de l'histoire, les rapports logiques de choses qui ne
sont pas dans le temps ; il suffit de le dépouiller de cette forme,
pour y retrouver la vérité qu'il exprime. Ainsi l'Un primordial est
figuré par Ouranos, le père des dieux ; Kronos, qui dévore ses
enfants, est l'Intelligence dont procède le- monde intelligible et
qui l'absorbe en elle. Zeus échappe cependant à Kronos, comme l'Âme
du monde se sépare du monde intelligible. La transparence de
celui-ci et la pénétration mutuelle de ses parties sont exprimées
par le mythe de Lyncée. D'une- manière générale, les déesses
figurent des âmes et les dieux des intellects : Héra symbolise
l'âme de la terre ; Déméter et Hestia, l'Âme du monde. Apollon
correspond à l'Un, conçu comme négation de la multiplicité ;
Hermès, à la forme intelligible (λόγος [logos]). La
fable de Narcisse est l'allégorie de la chute de l'âme captivée
par l'attrait du corps. Ulysse, échappant à Circé et à Calypso,
représente l'âme humaine se détachant du sensible, etc.
Les
pratiques religieuses populaires ne sont pas, non plus, dénuées de
tout fondement rationnel.
C'est
avec raison qu'on adore les idoles. La connexion sympathique de
toutes les parties de l'Univers fait que l'influence de chacune se
communique à toutes les autres et spécialement à celles qui lui
ressemblent. Comme l'image du Dieu est façonnée d'après le concept
qu'on a de lui, elle se rattache à lui comme le sensible se rattache
à l'intelligible. Sans doute, la divinité ne réside pas plus dans
l'image que l'intelligible dans le sensible, mais il n'en est pas
moins vrai que les idoles sont, plus particulièrement que les autres
êtres, le siège de l'influence qui émane des dieux.
C'est
encore à la corrélation sympathique de toutes les parties de
l'Univers qu'il faut avoir recours pour justifier la prière et en
comprendre l'efficacité. On ne saurait admettre que les dieux
entendent nos prières et les exaucent consciemment. Mais il n'est
pas impossible, ou plutôt même il est nécessaire, que l'acte de
celui qui prie provoque dans les autres êtres de l'Univers, et en
particulier dans les corps célestes vers lesquels la prière est
dirigée, des états correspondants qui peuvent, à leur tour,
produire des effets favorables au suppliant. Ces influences
réciproques ne sont pas mécaniques, mais dynamiques ; elles
résultent de l'attrait mutuel des choses et, conséquemment, elles
rendent possible non seulement l'efficacité de la prière, mais
aussi la magie.
Au
fond, tout n'est que magie dans les désirs et les aversions qui
rapprochent ou éloignent les êtres ; Éros est le plus
puissant des magiciens. Ce sont aussi des effets magiques que ceux du
sensible sur l'âme, de la musique et de la voix pour exciter la
pitié et la tendresse. Toute affection, tout appétit, tout instinct
même sont, au fond, des enchantements. Il n'y a donc pas de raison
pour nier la puissance des charmes et des sortilèges. Comme les
inclinations les plus naturelles recèlent des influences magiques,
de même les opérations que l'on désigne sous le nom de magie
peuvent avoir un fondement naturel. Nous avons déjà indiqué
comment Plotin essaie de justifier la divination.
Les
difficultés que soulève la doctrine que nous venons d'exposer,
l'obscurité d'un style qui ne fait trop souvent que dissimuler
l'incertitude de la pensée, expliquent, dans une certaine mesure, la
sévérité avec laquelle Plotin a été jugé par quelques
historiens.
Il
faut lui reconnaître, cependant, l'incontestable mérite d'avoir eu
nettement conscience de l'unité fondamentale des choses et essayé
de tout expliquer, dans le monde intelligible comme dans le monde
sensible, par un principe et une méthode uniques. Cet effort se
manifeste notamment dans sa tentative de déduction rationnelle des
catégories et dans sa théorie de l'individuation.
Mais
il reste dans son système une difficulté fondamentale, source
commune de la plupart des obscurités ou même des contradictions de
détail qu'on peut y signaler. C'est qu'il n'a, nulle part, indiqué
avec quelque précision comment l'inférieur procède du supérieur.
Il aurait pu, à la rigueur, se dispenser de montrer comment
l'Intelligence procède de l'Un, en invoquant l'impossibilité de
pénétrer la nature du principe suprême. Il aurait pu désavouer
d'avance aussi bien ceux de ses interprètes qui lui font attribuer à
Dieu une infinie liberté, que ceux qui lui en font exclure toute
contingence. Non seulement il ne l'a pas fait, mais il semble
autoriser la seconde hypothèse en déclarant que l'Un donne
naissance à l'Intelligence « par une nécessité de sa nature». Et
lorsqu'il s'agit de savoir comment l'Âme procède de l'Intelligence
et le monde sensible de l'Âme, c'est toujours au même principe que
Plotin a recours. Seulement les métaphores que nous avons indiquées
et quelques autres ne nous permettent pas de déterminer le concept
de cette nécessité naturelle.
Nous
savons, il est vrai, que le supérieur n'exerce pas sur l'inférieur
une action mécanique mais est-ce la finalité qui explique le
passage du primitif au dérivé ? Non, sans doute, puisque la
véritable cause du supérieur serait ainsi l'inférieur et qu'il
faudrait attribuer à l'Un lui-même une sorte de désir de
l'imperfection. La finalité explique l'aspiration des choses vers
Dieu, mais non pas leur émanation de Dieu.
D'une
manière générale, pour que le dérivé pût, de quelque façon,
résulter de son principe, il faudrait qu'il y fût contenu, soit en
puissance, soit en acte. Mais en Dieu il n'y a rien de potentiel ni
d'imparfait, il est tout réalité et tout acte. D'autre part, il
n'est en acte rien de déterminé, puisque toute limitation est
imperfection. Contrairement à l'opinion unanime des penseurs grecs,
Plotin a fait consister la réalité dans l'indétermination.
Mais
si l'Être est, à ses yeux, d'autant plus parfait qu'il est moins
déterminé, c'est que la limitation et la multiplicité sont, pour
lui, les caractères distinctifs du sensible, et qu'il en cherche le
fondement dans la matière. La matière est l'infinie multiplicité
qui s'oppose à l'Un infini et qui, à l'autre bout de la hiérarchie
des choses, n'est pas moins que lui une chose en soi.
On
a dit que la matière n'est, en dernière analyse, pour Plotin, que
l'infinie virtualité, la productivité illimitée, le pouvoir
créateur de Dieu ; que la suprême ἐνέργεια [energeia]
coïncide avec le suprême δύναμις [dunamis]. On peut,
sans doute, trouver dans Plotin tel passage qui semble justifier
cette interprétation.
Mais,
outre qu'elle nous ramènerait au mystère et à l'impossibilité
d'expliquer l'émanation, si nous nous en tenons à ses assertions
les plus fréquentes et les plus précises, nous devons considérer
la matière comme le principe de l'imperfection et du mal, et
reconnaître qu'il ne saurait, sous quelque forme que ce soit,
trouver place dans l'Un. D'ailleurs, si la matière n'était pas un
en soi, au même titre que l'Un, le sensible devrait se déduire de
l'Intelligible, le monde de l’Âme, comme l'Intelligence de l'Un et
l’Âme de l'Intelligence. Plotin, au contraire, exagère encore
l'opposition que Platon avait établie entre le monde sensible et le
monde intelligible. Tandis que l’Âme et l'Intelligence conservent
encore, plus ou moins atténués, les caractères de l'Unité
primitive, cette atténuation se change en opposition, et la
différence de degré devient différence de nature, quand nous
passons du monde intelligible au monde sensible. Et cela tient
uniquement à la présence, en celui-ci, du principe matériel.
La
façon dont il a conçu la matière se retrouve donc, semble-t-il,
dans les plus graves des difficultés auxquelles on se heurte quand
on essaie d'interpréter d'une façon cohérente la philosophie de
Plotin. Et, précisément pour cette raison, ces difficultés sont
insolubles ; la contradiction est à la base même de la
doctrine. La tentative de Plotin pour fonder une doctrine moniste sur
le dualisme platonicien était condamnée d'avance à échouer.
Bibliographie
Biographie
La
Vie de Plotin, par son disciple
Porphyre, souvent imprimée avec les Ennéades,
est à peu près la seule source digne de confiance. Eudoxie (dans
J.-B G. d'Ansse de Villoison , Anecdota Græca,
tome I, Venise, 1781,
p. 363), Eunape et Suidas ont aussi écrit des biographies de Plotin.
Éditions
des Ennéades :
-
Marsile Ficin (trad.), Plotini opera, latina interpretatio,
Florence, 1492.
-
Plotini platonici operum omnium philosophicorum
libri LIV, nunc primum græce editi, cum latina Marsilii Ficini
interpretatione et commentatione, Bâle, 1580, in-fol.
-
Plotini opera omnia, Porphyrii liber de vita Plotini,
cum Marsilii Ficini commentariis et ejusdem interpretatione
castigata. Annotationem in unum librum Plotini et in Porphyrium
addidit Daniel Wyttenbach ; apparatum criticum disposuit,
indices concinnavit G.-H. Moser : Ad fidem codicum mss. Et in
novæ recensionis modum græca latinaque emendavit, indices explevit,
prolegomena, introductiones, annotationes explicandis rebus ac
verbis, itemque Nicephori Nathanaelis antitheticum adversu Plotinum
et dialogum gr. scriptoris anonymi ineditum de anima adjecti
Fridericus Creuzer, Oxford, Typographeus Academicus, 1835, 3 vol.
in-4°.
-
A. Kirchhoff (éd.), Plotini opera, Teubner, Leipzig, 1856.
-
H. F. Müller (éd.), Enneades. Antecedunt Porphyrius, Eunapius,
Suidas, Eudocia de vita Plotini, I-II, Weidmann, Berlin,
1878-1880.
-
R. von Volkmann, Plotini Enneades. Præmisso Porphyrii de vita
Plotini deque ordine librorum eius libello, 2 vol., Teubner, Leipzig, 1883–1884.
-
M. N. Bouillet (trad. et com.), Ennéades de Plotin, chef de
l'école néoplatonicienne, traduites pour la première fois en
français, accompagnées de sommaire, de notes et d'éclaircissements
et précédées de la Vie de Plotin avec des fragments de Porphyre,
de Simplicius, d'Olympiodore, de SaintBasile, etc., Hachette,
Paris, 1857-1860.
Sur
la philosophie de Plotin :
- E. Zeller, Die Philosophie der Griechen in ihrer
geschichtlichen Entwicklung, tome 5 (partie III : Die
nacharistotelische Philosophie, 1ère moitie), souvent suivi dans l'exposé qui précède.
- J.
Matter, Histoire de l’école d’Alexandrie, comparée aux
principales écoles contemporaines, Paris, Hachette, 1840-1844.
- J.
Simon, Histoire de l’École d’Alexandrie, Paris,
Joubert, 1845.
- J. Barthélemy Saint-Hilaire, De
l'École d'Alexandrie, rapport à l'Académie des sciences morales et
politiques, précédé d'un Essai sur la méthode des Alexandrins et le
mysticisme, et suivi d'une traduction de morceaux choisis de Plotin, Librairie philosophique de Ladrange, Paris, 1845.
- É.
Vacherot, Histoire critique de l’école d’Alexandrie,
Paris, Ladrange, 1846-1851.
- K.
A. H. Steinhart, « Plotinus », in G. Pauly Wissova, W.
Kroll, K. Mihelhaus (éd.),
Realencyclopœdie der klassischen Altertumswissenschaft,
Stuttgart-Munich,
1893 ; Quæstiones
[ou Quæstionum] de dialectica Plotini ratione, fasciculus
primus,
specimen historiæ philosophiœ Alexandrinæ a se conscribendæ
memoriam
anniversariam inauguratæ ante hos CCLXXXVI [(286)] annos Scholæ
Provincialis Portensis,
C. A.
Klaffenbach, Naumbourg,
1829, in-4°
; Meletemata
Plotiniana,
ad celebrandam
memoriam anniversariam Scholae Portensis ante hos CCXCVII [(297)]
annos inauguratæ,
C. A. Klaffenbach, Naumbourg, 1840.
-
A. Richter, Neuplatonische Studien, Schmidt, Halle,
1864-1865.
-
H. F. Müller, Ethices Plotinianæ lineamenta, Berolini,
Berlin, 1867.
-
F. Ravaisson[-Mollien], Essai sur la métaphysique d'Aristote,
2 volumes, Imprimerie royale, 1837-1846.
-
A. Matinée, Platon et Plotin : étude sur deux théories
philosophiques, Hachette, Paris, 1879.
-
P. Mabille, De causa quæ finis dicitur, apud Platonem et
Plotinum, cum locis excerptis, Iobard, Dijon, 1880, in 8°.
-
E. Zeller, « Ammonius Sakkas und Plotinus », in
Archiv für Geschichte der Philosophie, tome VII, 1894, p.
295.
-
H. von Kleist, Zu Plotinos : Enneaden IV, 3. und 4, D. H. Zopfs
und Sohn, Leer, 1888 ; « Zu Plotinos : Enneaden III,
1 », in Philologus, Zeitschrift für das klassische
Altertum, n° 45, 1886 ; « Zu Plotinos : Enneaden
III, 4 », in Hermes, Zeitschrift für classische Philologie,
n°21, 1886.
Référence
G.
Rodier, « Plotin », in La grande encyclopédie :
inventaire raisonné des sciences, des lettres et des arts, tome
26, Société anonyme de la grande encyclopédie, Paris, 1885-1902,
p. 1120.
Les
éléments bibliographiques ont été précisés et détaillés par
rapport au texte original. L'ordre de leur citation est celui de ce même texte.