Louis Isaac Lemaistre de Sacy, par Philippe de Champaigne |
[Apocalypse
chap. 14,] v. 13 jusqu’à la fin. « Alors j’entendis une
voix qui me dit du Ciel : “Écrivez : ‘Heureux sont les
morts qui meurent dans le Seigneur.’” »
Ceci
doit être, pour les fidèles, un sujet de grande consolation. Le
saint prophète [saint Jean] reçoit ordre d’écrire cette sentence
comme une vérité certaine et indubitable à laquelle on doit faire
beaucoup d’attention.
« Heureux — dit-il — ceux qui
meurent dans le Seigneur », c’est-à-dire qui meurent dans le
profession de sa foi et dans l’unité de son Corps. Cela regarde en
général tous les saints, et en particulier tous les saints martyrs
qui meurent pour l’amour de Lui.
Après
avoir montré quel est le sort funeste de ceux qui, renonçant à
leur foi, préfèrent un reste de vie périssable à une mort
glorieuse qui fait entrer dans la Vie éternelle, il déclare ici, au
contraire, que ceux qui demeurent attachés à Jésus Christ et qui
meurent dans cette sainte disposition, seront heureux. Et au lieu que
ceux-là seront éternellement tourmentés dans le feu et dans le
souffre (Apocalypse 20, 9-10 : « Mais Dieu fit descendre
du ciel un feu qui les dévora ; et le diable qui les séduisait,
fut jeté dans l’étang de feu et de soufre, où la bête et le
faux prophète seront tourmentés jour et nuit dans les siècles des
siècles. »), ceux-ci jouiront dans le Ciel d’un parfait
repos après quelques peines passagères.
Il est vrai — dit
le sage — « qu’ils ont paru morts aux yeux des insensés,
(…) mais cependant ils sont en paix » (Sagesse 3, 2-3) :
parce que leurs bonnes œuvres les suivent et les accompagnent
inséparablement en sortant de cette vie. Les biens de ce monde, les
parents et les amis nous abandonnent à la mort ; il n’y a que
nos bonnes œuvres qui nous suivent.
Et l’Esprit de Dieu assure que
c’est « dès maintenant », c’est-à-dire que le
bonheur des saints n’est point retardé jusqu’à la fin des
siècles, mais que les âmes purifiées de leurs tâches jouissent
aussitôt de la Gloire dans le Ciel.
Néanmoins, comme il n’y entre
rien de souillé, ceux qui meurent dans une profession sincère de la
foi chrétienne sans avoir achevé de se purifier de leurs
souillures, souffrent encore les peines du Purgatoire, selon la
doctrine de l’ Église, pour être en état de paraître devant
Dieu et de Le voir toute l’éternité.
Pour ce qui regarde les
martyrs, ils entrent incontinent [=sans attendre, tout de suite] dans
la Gloire et c’est leur faire injure, comme disent les Pères, que
de prier pour eux.
On
peut ici remarquer que la récompense est donnée aux mérites des
bonnes œuvres. Car, quoique nos mérites soient des dons de la grâce
de Dieu, Il ne laisse pas de [=Il ne manque pas de] nous les imputer
[=attribuer à, mettre au compte de, donner la responsabilité de]
comme étant de nous, bien que ce soit Lui-même qui nous « applique
à toute bonne œuvre (...) faisant en nous ce qui Lui est agréable par
Jésus Christ. »
Que
le Dieu de la paix qui a ressuscité d’entre les morts Jésus
Christ notre Seigneur qui, par le sang du Testament [=Alliance,
Pacte] éternel, est devenu le grand Pasteur des brebis, vous rende
disposés à toute bonne œuvre, afin que vous fassiez sa volonté,
Lui-même faisant en vous ce qui Lui est agréable par Jésus
Christ, Auquel soit la gloire dans tous les siècles des siècles.
Amen. (Hébreux 13, 20-21)
Source
Louis
Isaac Le Maistre de Sacy, L’Apocalypse de S. Jean traduite en
françois avec l’explication du sens littéral et du sens spirituel
tirée des SS. Peres et des Auteurs Ecclesiastiques,
dernière édition, Eugène Henry Fricx, 1703, p. 218-219.