Le Christ revenant du Temple avec ses parents, par Rembrandt, 1654, The Sylmaris Collection |
[Apocalypse
chap. 21,] v. 1 jusqu’au 9. (…) Qui est-ce qui pourrait exprimer
ou comprendre avec quel excès de bonté Dieu veut se communiquer
aux hommes ? Saint Jean « entend une grande voix qui
venait du trône » de Dieu qui réside dans le Ciel. Cette
voix, par sa grandeur, marque l’importance de la chose que Dieu
veut faire savoir ; et ce qu’Il déclare, c’est qu’Il
veut faire Sa demeure avec les hommes et vivre avec eux dans la
familiarité la plus intime.
Il
y a une distance infinie entre Dieu et la créature ; et
toutefois, dans le siècle [=monde, temps, vie] à venir, Dieu sera
avec les hommes ; et quoiqu’ Il soit leur Dieu, Il ne laissera
pas [=ne cessera pas] d’être Lui-même avec eux et habitera
avec eux comme ceux qui vivent ensemble dans une même tente, ce
qui marque une conversation [=fréquentation, compagnie, manière de
vivre ensemble] beaucoup plus familière que d’être seulement dans
une même ville ou dans un même palais. Car dans une même tente, on
se voit toujours, et l’on vit sans défiance [=méfiance] les uns
des autres et sans réserve [=prudence qui retient de dire ou de
faire].
Mais
cette privauté [=grande familiarité], si on peut s’exprimer
ainsi, et cette familiarité de Dieu avec Ses saints, ne servira
qu’à leur faire mieux connaître la majesté [=grandeur suscitant
le respect] de Dieu : ils L’adoreront sans cesse et
s’offriront sans cesse à Lui comme Ses prêtres et Ses victimes.
Cette
union intime que Dieu aura avec les bienheureux dans le Ciel est
figurée par celle qu’Il a, dans cette vie, avec Ses fidèles
serviteurs ; et celle-ci était figurée par le Tabernacle
[=Tente, lieu où était déposée l’arche d’alliance et où se
manifestait la Présence de Dieu au désert], par le moyen duquel il
protestait [=promettait fortement, assurait publiquement, déclarait
solennellement] qu’Il voulait faire Sa demeure au milieu de Son
peuple, qu’Il marcherait parmi eux, qu’Il serait leur Dieu et
qu’ils seraient Son peuple » (Lévitique 26, 11-12). C’est
aussi ce qu’Il promettait par son prophète : « Mon
Tabernacle sera avec eux, je serai leur Dieu et ils seront Mon
peuple » (Ézéchiel 37, 27), c’est-à-dire : ils
vivront en sûreté et en repos, sous Ma protection. Mais les
fidèles qui ont reçu la grâce du nouveau Testament [=de la
nouvelle Alliance], en qui Il habite par la charité et qu’Il
remplit de son Saint-Esprit, sont eux-mêmes Son Tabernacle et son
Temple : « Ne savez-vous pas — dit saint Paul —
que vous êtes le Temple de Dieu et que l’Esprit de Dieu habite en
vous (1 Corinthiens 6, 16) ? » « Vous êtes —
dit-il encore ailleurs — le Temple du Dieu vivant, comme Dieu dit
Lui-même — dans l’Écriture (Jérémie 31, 33 — :
“J’habiterai en eux et je m’y promènerai : je serai leur
Dieu et ils seront Mon peuple (2 Corinthiens 6, 16)”. »
C’est
ce qui se vérifiera encore bien plus lorsqu’après la résurrection
générale, Jésus Christ aura reçu Ses élus sans la Gloire
éternelle, et « que Dieu sera tout en tous » (1
Corinthiens 15, 28). Ce sera dans cette Demeure bienheureuse que
Son amour pour Ses élus s’épanchera sans réserve. Sa tendresse
pour eux sera si grande qu’il fera à leur égard ce que les
mères et les nourrices font à l’égard de leur nourrissons. Car,
comme elles essuient leurs larmes et qu’elles en peuvent pas
supporter qu’ils souffrent aucun mal qui les inquiète, de même
Dieu remplira les cœurs de Ses chers enfants de tant de douceurs
et de consolations qu’ils oublieront aisément toutes les
afflictions qu’ils auront endurées dans cette vie mortelle. Ainsi
l’on peut s’écrier avec le prophète roi [David] :
« Combien grande est l’abondance de Vos douceurs que Vous
avez réservées pour ceux qui Vous craignent (Psaume 30,
20) ! »
Tous
les maux seront éternellement bannis de cette sainte et heureuse
société ; on ne s’en souviendra plus, comme le péché en
sera entièrement exclu. La mort et les autres misères qui sont la
solde [le salaire] et le paiement du péché (cf. Romains 6, 23)
seront entièrement détruites et les saints qui en seront affranchis
verront avec un tressaillement de joie ce renouvellement de toutes
choses qui sera le dernier ouvrage [=la dernière œuvre] de Dieu. Le ciel et la terre
et les corps des élus seront renouvelés ; une vie éternelle
succédera à une vie mortelle, une vie bienheureuse à une vie
sujette à toutes sortes de misères.
La
vue de ces grands avantages sont bien capables de relever le
courage de ceux qui combattent encore ici-bas. C’est pourquoi
Dieu ordonne à saint Jean de les écrire et de rendre témoignage à
la certitude de Ses promesses. Qui n’excitera [=n’animera,
n’encouragera] donc pas sa foi, son espérance et son amour en les
entendant puisque c’est pour cet effet que Dieu commande de les
écrire et nous assure de leur vérité ? Il commande ici-bas
l’ouvrage [=la mise en œuvre] du salut de Ses élus par les
grâces qu’Il leur communique, par les épreuves et les afflictions
avec lesquelles Il les purifie.
Mais
lorsqu’Il les aura conduits à la Gloire qu’Il leur a destinée,
« tout [sera] accompli » (Jean 19, 30) et il n’y
a aura plus rien à faire ni à désirer pour eux. Dieu qui est
« le commencement et la fin » (Apocalypse 21, 6) peut
bien Se rendre garant de cet accomplissement puisque toutes choses
dépendent de Lui, que c’est de Lui qu’elles tirent leur origine,
que c’est par Lui qu’elles ont leur accroissement et leur
perfection.
Heureux
— s’écrit le prophète royal [David] — « heureux l’homme
que Vous avez choisi et que vous avez pris à Vous ; il habitera
dans Votre Palais (Psaume 64, 5). C’est là que vos élus « seront
enivrés de l’abondance de Votre maison et que Vous les ferez boire
du torrent de vos délices, car la source de la Vie est en Vous »
(Psaume 35, 9-10). Un autre prophète prédisant le bonheur du Règne
de Jésus Christ, invite toutes les nations à embrasser la doctrine
de l’Évangile et à rechercher Jésus Christ qui est la source de
la Vie :
Vous tous qui avez soif, venez aux eaux
[ ; vous qui n’avez point d’argent, hâtez-vous, achetez et
mangez : venez, achetez sans argent et sans aucun échange le vin
et le lait.] (Isaïe 55, 1).
Mais
il faut remarquer que Dieu n’invite aux eaux de Sa grâce que
ceux qui en sont altérés. Cette soif est un ardent désir d’une
âme qui connaît sa disette [=misère] et son besoin. Il renvoie
vides ceux qui se croient riches et répand ses richesses sur ceux
qui reconnaissent leur indigence [=manque, pauvreté]. « Heureux
ceux qui sont affamés et altérés de la justice parce qu’ils
seront rassasiés (Matthieu 5, 6). » Le Sauveur dit encore
ailleurs : « Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à Moi
et qu’il boive (Jean 7, 57). » Ceux donc qui désirent être
rassasiés et désaltérés et jouir enfin de la Gloire dans le
Ciel, il faut qu’ils soient altérés de la justice dans cette
vie, c’est-à-dire qu’ils la recherchent avec ardeur et qu’ils
aiment Dieu par-dessus [=au-dessus de] toutes choses.
Ce
sont ceux-là à qui Il promet ici de « donner à
boire de la source d’eau vive » qui désaltère pour
toujours : « car celui qui boira de l’eau que Je
lui donnerai — dit Jésus Christ — n’aura jamais soif, mais
cette eau deviendra dans [=en] lui une fontaine d’eau qui
rejaillira dans la Vie éternelle (Jean 4, 13-14). »
Mais
afin que nul ne s’imagine pouvoir l’acquérir par ses propres
mérites ou par ses propres forces, le Seigneur promet de donner « à
boire de cette eau vive gratuitement » et comme dit le
prophète, « sans argent et sans aucun échange » (Isaïe
55, 1) ; car personne ne mérite la Gloire éternelle qu’il
n’ait auparavant reçu la grâce de Dieu pour la mériter. « La
vie éternelle est une grâce de Dieu » (Romains 6, 1 »),
dit l’apôtre [=saint Paul] et quoique nous la méritions, en
effet, par nos bonnes œuvres, ces mérites et ces bonnes œuvres
sont encore des dons de la grâce de Celui qui « nous applique
à toute bonne œuvre afin que nous fassions Sa volonté, Lui-même
faisant en nous ce qui Lui est agréable par Jésus Christ
(Hébreux 13, 21).
Mais
ce n’est pas assez de reconnaître que nous n’obtenons point la
vie éternelle ni par nos mérites, ni par nos propres forces ;
il faut aussi se persuader que nous n’y arriverons point sans
beaucoup de vigueur [=force
pour agir] et de courage [=fermeté
qui fait endurer les souffrances et le difficultés]. Le
bonheur de l’autre vie n’est point pour les âmes lâches [=qui
manque de force pour agir, d’activité, et de fermeté dans les
épreuves] et paresseuse [=qui évite l’action] : la vie
d’un chrétien est une guerre continuelle qu’il faut soutenir
contre des ennemis puissants qui sont toujours occupés [=qui
songent et travaillent à] aux moyens de nous perdre. Nous
ne pouvons leur résister qu’en nous revêtant des armes de Dieu
que l’apôtre [=saint Paul] nous représente sous la figure des
armes ordinaires des soldats. Ces armes sont la vérité, la
justice, la foi, l’espérance et la parole de Dieu :
[C’est pourquoi prenez toutes les armes
de Dieu, afin qu’étant munis de tout, vous puissiez au jour
mauvais résister et demeurer fermes. Soyez donc fermes : que la
vérité soit la ceinture de vos reins, que la justice soit votre
cuirasse ; que vos pieds aient pour chaussure la préparation à
suivre l’Évangile de paix. Servez-vous surtout du bouclier de la
foi, pour pouvoir éteindre tous les traits enflammés du malin
esprit . Prenez encore le casque du salut, et l’épée spirituelle
qui est la parole de Dieu ; invoquant Dieu en esprit et en tout
temps, par toute sorte de supplications et de prières, et vous
employant avec une vigilance et une persévérance continuelle à
prier pour tous les saints .] (Éphésiens 6, 13-18)
Comme
ces ennemis ne nous donnent ni trêve ni relâche, nous devons aussi
être toujours préparés à résister avec ces armes : si nous
combattons généreusement avec une foi ferme et persévérante, avec
une espérance pleine de confiance en Dieu et un amour fervent qui
nous fasse préférer sa volonté à toutes les caresses et les
menaces du monde, nous remporterons une heureuse victoire
qui nous mettra en possession de tous ces biens ineffables que Dieu
réserve à ses enfants ; et en cette qualité, nous
deviendrons héritiers de Dieu et cohéritiers de Jésus Christ.
Source
Louis
Isaac Le Maistre de Sacy, L’Apocalypse de S. Jean traduite en
françois avec l’explication du sens littéral et du sens spirituel
tirée des SS. Peres et des Auteurs Ecclesiastiques,
dernière édition, Eugène Henry Fricx, 1703, p. 349-354.
L’orthographe
et la ponctuation ont été modernisés par l’auteur de ce blogue.
Les références scripturaires ont été quelquefois rajoutées quand
elles manquaient dans le texte original.
Psaume
de David, lorsqu’il était dans le désert de l’Idumée.
Ô
Dieu ! ô mon Dieu ! je veille et j’aspire vers vous dès que
la lumière paraît :
mon
âme brûle d’une soif ardente pour vous ;
et
en combien de manières ma chair se sent-elle aussi pressée de cette
ardeur !
Dans
cette terre déserte où je me trouve, et où il n’y a ni chemin,
ni eau,
je
me suis présenté devant vous comme dans votre sanctuaire,
pour
contempler votre puissance et votre gloire.
Car
votre miséricorde m’est plus précieuse que la vie :
mes
lèvres seront occupées à vous louer.
Ainsi je vous bénirai tant que je
vivrai ;
et
je lèverai mes mains vers le ciel en invoquant votre nom.
Que
mon âme soit remplie, et comme rassasiée et engraissée,
et
ma bouche vous louera dans de saints transports de joie.
Si
je me suis souvenu de vous étant sur mon lit,
je
serai occupé le matin de la méditation de votre grandeur.
Car
vous avez pris ma défense ; et je me réjouirai à l’ombre de
vos ailes.
Mon
âme s’est attachée à vous suivre ; et votre droite m’a
soutenu.
Psaume
62
(traduction
par Louis Isaac Le Maistre de Sacy)