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mercredi 25 juillet 2018

Dieu veut faire Sa demeure avec les hommes et vivre avec eux dans la familiarité la plus intime, selon L. I. Le Maistre de Sacy, 1703




Le Christ revenant du Temple avec ses parents, par Rembrandt, 1654, The Sylmaris Collection
 

[Apocalypse chap. 21,] v. 1 jusqu’au 9. (…) Qui est-ce qui pourrait exprimer ou comprendre avec quel excès de bonté Dieu veut se communiquer aux hommes ? Saint Jean « entend une grande voix qui venait du trône » de Dieu qui réside dans le Ciel. Cette voix, par sa grandeur, marque l’importance de la chose que Dieu veut faire savoir ; et ce qu’Il déclare, c’est qu’Il veut faire Sa demeure avec les hommes et vivre avec eux dans la familiarité la plus intime.

Il y a une distance infinie entre Dieu et la créature ; et toutefois, dans le siècle [=monde, temps, vie] à venir, Dieu sera avec les hommes ; et quoiqu’ Il soit leur Dieu, Il ne laissera pas [=ne cessera pas] d’être Lui-même avec eux et habitera avec eux comme ceux qui vivent ensemble dans une même tente, ce qui marque une conversation [=fréquentation, compagnie, manière de vivre ensemble] beaucoup plus familière que d’être seulement dans une même ville ou dans un même palais. Car dans une même tente, on se voit toujours, et l’on vit sans défiance [=méfiance] les uns des autres et sans réserve [=prudence qui retient de dire ou de faire].

Mais cette privauté [=grande familiarité], si on peut s’exprimer ainsi, et cette familiarité de Dieu avec Ses saints, ne servira qu’à leur faire mieux connaître la majesté [=grandeur suscitant le respect] de Dieu : ils L’adoreront sans cesse et s’offriront sans cesse à Lui comme Ses prêtres et Ses victimes.

Cette union intime que Dieu aura avec les bienheureux dans le Ciel est figurée par celle qu’Il a, dans cette vie, avec Ses fidèles serviteurs ; et celle-ci était figurée par le Tabernacle [=Tente, lieu où était déposée l’arche d’alliance et où se manifestait la Présence de Dieu au désert], par le moyen duquel il protestait [=promettait fortement, assurait publiquement, déclarait solennellement] qu’Il voulait faire Sa demeure au milieu de Son peuple, qu’Il marcherait parmi eux, qu’Il serait leur Dieu et qu’ils seraient Son peuple » (Lévitique 26, 11-12). C’est aussi ce qu’Il promettait par son prophète : « Mon Tabernacle sera avec eux, je serai leur Dieu et ils seront Mon peuple » (Ézéchiel 37, 27), c’est-à-dire : ils vivront en sûreté et en repos, sous Ma protection. Mais les fidèles qui ont reçu la grâce du nouveau Testament [=de la nouvelle Alliance], en qui Il habite par la charité et qu’Il remplit de son Saint-Esprit, sont eux-mêmes Son Tabernacle et son Temple : « Ne savez-vous pas — dit saint Paul — que vous êtes le Temple de Dieu et que l’Esprit de Dieu habite en vous (1 Corinthiens 6, 16) ? » « Vous êtes — dit-il encore ailleurs — le Temple du Dieu vivant, comme Dieu dit Lui-même — dans l’Écriture (Jérémie 31, 33 — : “J’habiterai en eux et je m’y promènerai : je serai leur Dieu et ils seront Mon peuple (2 Corinthiens 6, 16)”. »

C’est ce qui se vérifiera encore bien plus lorsqu’après la résurrection générale, Jésus Christ aura reçu Ses élus sans la Gloire éternelle, et « que Dieu sera tout en tous » (1 Corinthiens 15, 28). Ce sera dans cette Demeure bienheureuse que Son amour pour Ses élus s’épanchera sans réserve. Sa tendresse pour eux sera si grande qu’il fera à leur égard ce que les mères et les nourrices font à l’égard de leur nourrissons. Car, comme elles essuient leurs larmes et qu’elles en peuvent pas supporter qu’ils souffrent aucun mal qui les inquiète, de même Dieu remplira les cœurs de Ses chers enfants de tant de douceurs et de consolations qu’ils oublieront aisément toutes les afflictions qu’ils auront endurées dans cette vie mortelle. Ainsi l’on peut s’écrier avec le prophète roi [David] : « Combien grande est l’abondance de Vos douceurs que Vous avez réservées pour ceux qui Vous craignent (Psaume 30, 20) ! »

Tous les maux seront éternellement bannis de cette sainte et heureuse société ; on ne s’en souviendra plus, comme le péché en sera entièrement exclu. La mort et les autres misères qui sont la solde [le salaire] et le paiement du péché (cf. Romains 6, 23) seront entièrement détruites et les saints qui en seront affranchis verront avec un tressaillement de joie ce renouvellement de toutes choses qui sera le dernier ouvrage [=la dernière œuvre] de Dieu. Le ciel et la terre et les corps des élus seront renouvelés ; une vie éternelle succédera à une vie mortelle, une vie bienheureuse à une vie sujette à toutes sortes de misères.

La vue de ces grands avantages sont bien capables de relever le courage de ceux qui combattent encore ici-bas. C’est pourquoi Dieu ordonne à saint Jean de les écrire et de rendre témoignage à la certitude de Ses promesses. Qui n’excitera [=n’animera, n’encouragera] donc pas sa foi, son espérance et son amour en les entendant puisque c’est pour cet effet que Dieu commande de les écrire et nous assure de leur vérité ? Il commande ici-bas l’ouvrage [=la mise en œuvre] du salut de Ses élus par les grâces qu’Il leur communique, par les épreuves et les afflictions avec lesquelles Il les purifie.

Mais lorsqu’Il les aura conduits à la Gloire qu’Il leur a destinée,  « tout [sera] accompli » (Jean 19, 30) et il n’y a aura plus rien à faire ni à désirer pour eux. Dieu qui est « le commencement et la fin » (Apocalypse 21, 6) peut bien Se rendre garant de cet accomplissement puisque toutes choses dépendent de Lui, que c’est de Lui qu’elles tirent leur origine, que c’est par Lui qu’elles ont leur accroissement et leur perfection.

Heureux — s’écrit le prophète royal [David] — « heureux l’homme que Vous avez choisi et que vous avez pris à Vous ; il habitera dans Votre Palais (Psaume 64, 5). C’est là que vos élus « seront enivrés de l’abondance de Votre maison et que Vous les ferez boire du torrent de vos délices, car la source de la Vie est en Vous » (Psaume 35, 9-10). Un autre prophète prédisant le bonheur du Règne de Jésus Christ, invite toutes les nations à embrasser la doctrine de l’Évangile et à rechercher Jésus Christ qui est la source de la Vie :

Vous tous qui avez soif, venez aux eaux [ ; vous qui n’avez point d’argent, hâtez-vous, achetez et mangez : venez, achetez sans argent et sans aucun échange le vin et le lait.] (Isaïe 55, 1).

Mais il faut remarquer que Dieu n’invite aux eaux de Sa grâce que ceux qui en sont altérés. Cette soif est un ardent désir d’une âme qui connaît sa disette [=misère] et son besoin. Il renvoie vides ceux qui se croient riches et répand ses richesses sur ceux qui reconnaissent leur indigence [=manque, pauvreté]. « Heureux ceux qui sont affamés et altérés de la justice parce qu’ils seront rassasiés (Matthieu 5, 6). » Le Sauveur dit encore ailleurs : « Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à Moi et qu’il boive (Jean 7, 57). » Ceux donc qui désirent être rassasiés et désaltérés et jouir enfin de la Gloire dans le Ciel, il faut qu’ils soient altérés de la justice dans cette vie, c’est-à-dire qu’ils la recherchent avec ardeur et qu’ils aiment Dieu par-dessus [=au-dessus de] toutes choses.

Ce sont ceux-là à qui Il promet ici de « donner à boire de la source d’eau vive » qui désaltère pour toujours : « car celui qui boira de l’eau que Je lui donnerai — dit Jésus Christ — n’aura jamais soif, mais cette eau deviendra dans [=en] lui une fontaine d’eau qui rejaillira dans la Vie éternelle (Jean 4, 13-14). »

Mais afin que nul ne s’imagine pouvoir l’acquérir par ses propres mérites ou par ses propres forces, le Seigneur promet de donner « à boire de cette eau vive gratuitement » et comme dit le prophète, « sans argent et sans aucun échange » (Isaïe 55, 1) ; car personne ne mérite la Gloire éternelle qu’il n’ait auparavant reçu la grâce de Dieu pour la mériter. « La vie éternelle est une grâce de Dieu » (Romains 6, 1 »), dit l’apôtre [=saint Paul] et quoique nous la méritions, en effet, par nos bonnes œuvres, ces mérites et ces bonnes œuvres sont encore des dons de la grâce de Celui qui « nous applique à toute bonne œuvre afin que nous fassions Sa volonté, Lui-même faisant en nous ce qui Lui est agréable par Jésus Christ (Hébreux 13, 21).

Mais ce n’est pas assez de reconnaître que nous n’obtenons point la vie éternelle ni par nos mérites, ni par nos propres forces ; il faut aussi se persuader que nous n’y arriverons point sans beaucoup de vigueur [=force pour agir] et de courage [=fermeté qui fait endurer les souffrances et le difficultés]. Le bonheur de l’autre vie n’est point pour les âmes lâches [=qui manque de force pour agir, d’activité, et de fermeté dans les épreuves] et paresseuse [=qui évite l’action] : la vie d’un chrétien est une guerre continuelle qu’il faut soutenir contre des ennemis puissants qui sont toujours occupés [=qui songent et travaillent à] aux moyens de nous perdre. Nous ne pouvons leur résister qu’en nous revêtant des armes de Dieu que l’apôtre [=saint Paul] nous représente sous la figure des armes ordinaires des soldats. Ces armes sont la vérité, la justice, la foi, l’espérance et la parole de Dieu :

[C’est pourquoi prenez toutes les armes de Dieu, afin qu’étant munis de tout, vous puissiez au jour mauvais résister et demeurer fermes. Soyez donc fermes : que la vérité soit la ceinture de vos reins, que la justice soit votre cuirasse ; que vos pieds aient pour chaussure la préparation à suivre l’Évangile de paix. Servez-vous surtout du bouclier de la foi, pour pouvoir éteindre tous les traits enflammés du malin esprit . Prenez encore le casque du salut, et l’épée spirituelle qui est la parole de Dieu ; invoquant Dieu en esprit et en tout temps, par toute sorte de supplications et de prières, et vous employant avec une vigilance et une persévérance continuelle à prier pour tous les saints .] (Éphésiens 6, 13-18)

Comme ces ennemis ne nous donnent ni trêve ni relâche, nous devons aussi être toujours préparés à résister avec ces armes : si nous combattons généreusement avec une foi ferme et persévérante, avec une espérance pleine de confiance en Dieu et un amour fervent qui nous fasse préférer sa volonté à toutes les caresses et les menaces du monde, nous remporterons une heureuse victoire qui nous mettra en possession de tous ces biens ineffables que Dieu réserve à ses enfants ; et en cette qualité, nous deviendrons héritiers de Dieu et cohéritiers de Jésus Christ.

Source

Louis Isaac Le Maistre de Sacy, L’Apocalypse de S. Jean traduite en françois avec l’explication du sens littéral et du sens spirituel tirée des SS. Peres et des Auteurs Ecclesiastiques, dernière édition, Eugène Henry Fricx, 1703, p. 349-354.

L’orthographe et la ponctuation ont été modernisés par l’auteur de ce blogue. Les références scripturaires ont été quelquefois rajoutées quand elles manquaient dans le texte original.


Psaume de David, lorsqu’il était dans le désert de l’Idumée.

Ô Dieu ! ô mon Dieu ! je veille et j’aspire vers vous dès que la lumière paraît  :
mon âme brûle d’une soif ardente pour vous  ;
et en combien de manières ma chair se sent-elle aussi pressée de cette ardeur  !

Dans cette terre déserte où je me trouve, et où il n’y a ni chemin, ni eau,
je me suis présenté devant vous comme dans votre sanctuaire,
pour contempler votre puissance et votre gloire.

Car votre miséricorde m’est plus précieuse que la vie :
mes lèvres seront occupées à vous louer.
Ainsi je vous bénirai tant que je vivrai ;
et je lèverai mes mains vers le ciel en invoquant votre nom.

Que mon âme soit remplie, et comme rassasiée et engraissée,
et ma bouche vous louera dans de saints transports de joie.
Si je me suis souvenu de vous étant sur mon lit,
je serai occupé le matin de la méditation de votre grandeur.

Car vous avez pris ma défense ; et je me réjouirai à l’ombre de vos ailes.
Mon âme s’est attachée à vous suivre ; et votre droite m’a soutenu.

Psaume 62
(traduction par Louis Isaac Le Maistre de Sacy)

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