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dimanche 6 janvier 2013

L'importance de la concorde civile, E. Jarra, 1937



I. La loi constitutionnelle polonaise de 1935 contient, en plus de la partie dispositive, une Déclaration qui renferme en dix articles les principes fondamentaux du régime polonais. L'un de ces articles, le neuvième, déclare que « l’État tend à unir les citoyens dans une collaboration harmonieuse au profit de l'intérêt commun ». Cet article nous amène à poser le- problème de l'intégration sociale de l'universalisme, de la concorde civique.

La question de la concorde civique est devenue particulièrement actuelle après la guerre, tant dans la théorie que dans la pratique du droit.

Nous la rencontrons par suite chez les théoriciens de tous les pays, comme Carré de Malberg, qui a parlé ici « de la poursuite unanime de certains buts communs de la même nation », comme Harold Laski, traitant de « l'harmonie raisonnable et continue », comme Giorgio del Vecchio, la nommant « la concorde civile ou l'unité parfaite », comme encore : Spann, Koellreutter, Mentzel, Swoboda, et beaucoup d'autres ; ajoutons que d'ordinaire cette idée se présente en liaison avec une deuxième idée parallèle du régime politique, celle du bien commun.

Son rôle dans la pratique n'est pas moindre. La loi fondamentale de l’État fasciste, la Charte du Travail de 1927, dans son point premier et principal déclare que la Nation Italienne est un organisme ayant des fins et moyens d'action supérieurs à ceux des individus, qu'elle est une unité morale, politique et économique, et le créateur du Fascisme rejetant la conception individualiste de l'État, voit dans l'unité des citoyens son caractère essentiel. C'est l'État qui instruit les citoyens dans la vertu civique, leur donne la conscience de leurs missions, les pousse à l'union, harmonise leurs intérêts dans la justice, leur transmet les conquêtes de la pensée, dans la science, dans les arts, dans le droit, dans la solidarité humaine.

Le mot d'ordre énoncé par Mussolini : « Tout pour l'État, rien contre l'État, rien hors de l'État ! » donne l'expression la plus nette de l'homogénéité de l'État fasciste.

C'est également la concorde civique que se propose pour but le régime national-socialiste, différent cependant du fascisme en ce qu'il reconnaît comme incarnation de cette concorde non l'État, mais la Nation, l'État ne devant servir que comme moyen d'atteindre ce but. Selon Hitler, « l'État est un moyen vers le but. Son but c'est de maintenir et d'appuyer la communauté d'êtres identiques physiquement et spirituellement ». En développant cette thèse, les commentateurs officiels des principes nationaux-socialistes voient le « totalitarisme » de l'État allemand dans la parfaite pénétration de toute la vie de la Nation et de l'État par une conception politique fondamentale unique, en opposition avec le « pluralisme » de l'état libéral neutre, qui admet de multiples conceptions du monde.

Le postulat de la concorde civique au nom du bien commun, postulat admis par les auteurs de la Constitution de la République de Pologne, est né en toute indépendance des modèles étrangers et possède son caractère propre.

Il apparaît tout d'abord avec force et constance chez Joseph Pilsudski; dans ses écrits, ses discours, ses ordres à l'armée, ses exposés et ses interviews, il critique le manque d'unanimité dans la Pologne d'avant les partages, il condamne les querelles, les disputes, les inimitiés partisanes, réclamant l'amour entre les frères, qui crée les liens les plus puissants : au nom de l'unanimité, il réclame la collaboration harmonieuse et loyale des hommes, des partis, des institutions en un seul front pour la reconstruction de la Patrie renaissante ; il réclame l'union la plus étroite et une solidarité telle qu'elle soit un devoir pour tous ceux qui font partie du groupe, et en même temps la collaboration si difficile à atteindre des parties, qui devraient sacrifier leur individualité au but commun.

Par suite, la Constitution polonaise, adoptant par le principe de la concorde civique, une position d'universalisme conforme à la conception moderne de cette notion, n'anéantit pas l'individu, mais bien au contraire le reconnaît et le soutient, puisqu'elle reconnaît son action créatrice comme « le levier de la vie collective » et lui assure la « possibilité de développer ses vertus personnelles » (points 1 et 2 de l'art. 5) ; avec cette réserve toutefois que, s'opposant à la doctrine de l'individualisme excessif, elle dote de droits l'individu, non eu égard à lui-même, mais eu égard au bien public, en décidant que les droits des citoyens à exercer une influence sur les affaires publiques seront mesurés d'après la valeur des efforts et des mérites dont ils auront fait preuve dans l'intérêt commun (1 art. 7).

Les directives de l'article 9, concernant la concorde civique, servent de point de départ pour d'autres décisions de la Constitution polonaise ; elles motivent également avec clarté l'abandon dans cette constitution de prescriptions que ce point de vue rend inutiles.

D'une part donc le représentant des citoyens, en tant qu'individus, et de leurs groupes est l'organe suprême de l'État : le Président. La tâche de la représentation nationale est d'exprimer non seulement la diversité des intérêts et des tendances qui pénètrent la population, mais également leur solidarité qui est le ciment de l'État ; le serment prêté par les députés avant de commencer à exercer leur mandat leur impose « comme premier devoir le souci de l'unité de l'État » (1, art. 39).

D'autre part, on comprend l'absence dans la constitution polonaise de prescriptions abolissant les droits et privilèges attachés à des titres héréditaires, ainsi que ces titres eux-mêmes, et cela, non pas parce qu'ils avaient été abolis formellement par la précédente Constitution de 1921, mais en vertu du principe même de la concorde civique, que contredisent d'une manière choquante les prétentions de la naissance.

Où faut-il chercher la genèse de cette idée de la philosophie du droit, de l'idée de la concorde civique, qui occupe une place si éminente dans la doctrine contemporaine et dans les régimes des États ? Les créateurs et les commentateurs de la constitution polonaise indiquent comme source immédiate l'idée de la solidarité sociale, et en particulier les travaux de Duguit et d'Hauriou.

Tout en relevant avec la plus grande estime les mérites de ces deux savants en ce qui concerne le fondement théorique de l'idée de la concorde civique, il convient cependant d'affirmer que cette idée possède un passé bien plus lointain et respectable que la théorie de la solidarité : ce passé, elle le possède en général dans l'histoire universelle de la philosophie du droit, et en particulier dans l'histoire de la pensée politique polonaise. C'est à montrer le développement de cette idée dans ces deux directions que nous allons maintenant nous attacher.


II. Sources classiques

L'idée de la concorde civique est née en Grèce : elle y atteignit déjà un haut degré de formation, et c'est de là qu'elle a ensuite exercé son influence sur la littérature politique européenne.

Dans les plus anciens monuments de la pensée grecque, chez Homère et Hésiode, la concorde apparaît comme l'idéal de la plus petite cellule sociale, sous la forme d'un accord chaudement recommandé : Concorde conjugale, familiale, domestique.

Mais c'est bien, par contre, la concorde civique que nous rencontrons expressément au Ve siècle, dans les régimes de Sparte, de Crète et d'Athènes, dont le nomos, la loi, devait être le facteur d'union de la communauté de l'État.

La concorde civique commence aussi à occuper une place sans cesse plus importante dans les réflexions des penseurs présocratiques : on l'appelle d'un terme spécial : ὁμόνοια, d'après la déesse de ce nom, symbole de la concorde dans l'État (1).

C'est ainsi qu'on peut déjà constater l'idée de l'harmonie sociale chez les Pythagoriciens, comme en témoigne Archytas de Tarente (Diels, Fragmente, I, 1922, 336), chez Héraclite d'Ephèse (Diels, nos 8, 10, 50, 51, 54, 114) et surtout chez Démocrite d'Abdère, qui considère la concorde civique comme le complément d'un bon régime politique et par suite comme le but de toute éducation et de toute science ; c'est seulement quand ils possèdent cette concorde que les États peuvent se permettre l'accomplissement de grandes œuvres, comme la conduite des guerres. L'unanimité des citoyens a pour but l'intérêt commun, et, du moment que « tout est contenu dans l'État », son intérêt doit être considéré comme l'intérêt suprême (Diels, Fragmente, II, 1922, nos 34, 191, 186, 90, 249, 33, 250, 255, 248, 252).

La théorie universaliste de la concorde civique a été développée dans l'enseignement de Socrate, de Platon et d'Aristote, et cela dans un temps dont Thucydide nous dit (III, 83) que l'intérêt privé y avait pris la première place, et par suite la disposition à faire peu de cas des buts de l'État, et à se servir de ce dernier pour la réalisation des caprices personnels.

Dans ce temps les Sophistes eux-mêmes, comme Gorgias (Diels, II, 1922, p. 249), Thrasymaque (Diels, II, p. 279), Antiphon (2), poussés, il est vrai, non par l'impulsion du bien commun, mais par le motif de l'intérêt personnel de l'individu, conseillent aux citoyens d'une même cité d'abandonner leurs querelles et de s'unir dans une conformité d'opinions ; les orateurs publics, comme Isocrate et Démosthène, condamnant la lutte des partis, prônent la concorde civique pour les avantages qu'elle apporte à l'État tout entier et pour la gloire immortelle qu'elle assure à ses nobles réalisateurs (Démosthène, Ἐπιστολὴ, 1,5 (1464) ; Ἀνδροτ. XXII, 77 (618) ; Τιμουρ. XXIV, 185).

La tragédie enfin, qui est dans tous les temps le sensible écho du milieu où elle naît, dans la Grèce du Ve siècle et du IVe siècle, par la bouche d'Eschyle, de Sophocle et d'Euripide, lance un haut et clair appel à la concorde civique :

« Et que jamais, dans cette ville, ne gronde la Discorde insatiable de misères ! Que la poussière abreuvée du sang noir des citoyens ne se paye pas, en sa colère, du sang de ces représailles qui font la ruine des cités ! Que tous entre eux n'échangent que des joies, remplis d'un mutuel amour et haïssant d'un même cœur ! À bien des maux humains il n'est pas d'autre remède ». (Euménides, v. 976-987).

Au milieu de ces appels unanimes à l'union et à la concorde civique, Socrate proclame le même mot d'ordre. Il réclame donc l'harmonisation dans l'individu de la morale individuelle avec la morale sociale ; il approuve le droit grec qui impose aux citoyens le serment de conserver l'unanimité ; enfin il ne passe pas sous silence cette vérité que la parfaite concorde civique coïncide avec le bien commun, puisqu'elle ne laisse subsister qu'une seule conception du bien, qui par la même cesse d'être individuel pour devenir général (3).

Platon est le premier philosophe qui ait donné une théorie systématique de la concorde civique, et, l'ayant incorporée dans la construction de son État idéal dont elle est le lien essentiel, il est devenu à jamais le représentant-type de la doctrine de l'universalisme politique. La concorde civique résulte chez lui de la conception fondamentale de l'État, considéré comme un individu, comme un homme agrandi, comme un organisme.

À l'harmonie de l'âme humaine doit répondre l'unité de l'âme de l'État, c'est-à-dire l'unanimité dans les âmes des citoyens qui le composent. Elle repose sur l'accord unanime dans la matière dont toute la communauté d'un État donné considère tous les principes de sa vie commune, sur un état de choses où le gouvernement a à faire avec l'activité homogène des citoyens, fondée sur l'harmonie des conceptions fondamentales et des sentiments réciproques. L'État, en tant qu'incarnation de l'idée de Souverain Bien, doit créer les méthodes de sa connaissance, proclamer par l'intermédiaire de ses organes les principes objectifs et absolus de la Vérité, et, en accord avec ces principes, diriger les citoyens, en formant leurs conceptions par l'éducation. La suppression de la famille individuelle et de la propriété privée dans la classe des dirigeants et dans celle des guerriers se fonde aussi sur le désir d'assurer à l'État l'unité.

La concorde civique postulée de cette manière est le moyen d'atteindre le but supérieur, final, de l'État idéal, but qui est le bien de l'ensemble.

« Nous ne fondons pas l'État, dit Platon, pour assurer le bonheur d'une classe par-dessus tous les autres hommes, mais pour assurer autant que possible ce bonheur à la totalité sociale de l'État. » (Rép. IV 420 B).

Le principe énoncé du primat du bonheur commun ne s'oppose pas cependant aux droits de l'individu au bonheur, mais le bonheur de l'individu ne sera pas réglé par une norme subjectivement individuelle, arbitraire, mais bien par une norme objectivement individuelle, c'est-à-dire correspondant à un individu donné ou à sa situation. Chacun recevra ce qui lui convient, et ainsi le tout sera beau. Les points de vue individuel et universel, appuyé sur des prémisses identiques, se rejoindront (4).

Aristote, lui aussi, tout en rejetant les excès de l'universalisme de Platon, comme la communauté des femmes et des biens, reconnaît comme Platon dans le citoyen une partie constituante de l'État, dont le principe fondamental est la concorde civique. Cela résulte indirectement de la définition de l'État comme une communauté parfaite, et par là même s'appuyant sur l'union de ses éléments et non sur leur divergence (Polit. 1, 2, 1252 b, 27 sqq). Cette interprétation trouve une confirmation directe dans le texte de la Politique, selon lequel l'union des dirigeants et des dirigés, et donc l'État, doit se présenter comme une totalité homogène formée de multiples parties (1, 5, 1254a, 27-31). Toutefois la concorde civique dans son rapport avec l'État possède également chez Aristote une définition concrète et même exhaustive : elle est dite un genre d'amitié qui signifie l'unanimité des citoyens dans la question des intérêts communs, l'aspiration vers les mêmes buts et la réalisation des décisions prises en commun (Eth. ad Nic. IX, 6, 1167a, 26sqq ; VIII, 1, 1155a, 22). Chez Aristote, comme chez Socrate et Platon, la concorde civique est au service du bien commun, but supérieur de l'État (Pol. I, I, 1252a, 1 sq ; Eth. N. VIII, 11, 1160a ; I, I, 1094b, 8 et 20 sqq).

Le stoïcisme grec, tout imprégné des idées de l'unité de l'esprit, de la nature, du logos, créait des conditions favorables à la construction de la théorie politique de la concorde civique. Parmi ses représentants romains, Cicéron admet que, comme dans l'harmonie de la musique, ainsi dans l'État, la concorde civique est le lien le plus sûr de l'ensemble (Rep., II, 42, 69) ; Marc Aurèle, admettant le principe de l'unité métaphysique de l'univers, en fait découler l'unité entre les citoyens d'un État donné, et aussi entre toutes les personnes raisonnables de l'espèce humaine (5).


III. L'enseignement de l'Église

Tandis que le monde antique mettait l'accent sur un seul facteur du développement social : la collectivité, l'ensemble, l'État, le christianisme élève indiscutablement la valeur de l'individu, valeur résultant de sa relation individuelle avec Dieu. C'est dans ces limites qu'est acceptée et que continue à se développer la théorie traditionnelle et universaliste du monde classique en ce qui concerne la concorde civique et le bien commun.

La source principale du christianisme, les Évangiles, bien que portant peu d'attention au domaine juridico-politique, trouve des mots expressifs qui montrent les effets menaçants pour l'État des querelles, et qui par là même recommandent l'union et la concorde civique : « Tout royaume divisé contre lui-même sera désolé, et toute ville ou maison divisée contre elle-même ne pourra subsister ». (Math. XII, 25; Luc XI, 17). L'unité sur terre et aussi au-dessus de la terre doit lier les membres de la communauté chrétienne (ut omnes unum sint, Jean XVII, 11 ; 20-23). Saint Paul continue à énoncer le principe de l'unité de tous les chrétiens, et condamne les disputes et querelles entre eux (Galates III, 28; Rom. XII : 4-5; Cor. II, XII, 20).

La patristique, développant systématiquement les principes du christianisme, accorde une place d'honneur à l'idée de la concorde civique.

Son plus illustre représentant, Saint Augustin, reconnaissant que la nation constituant l'État est l'association du groupe raisonnable, uni par la concorde unanime (concordi communione) dans les choses qu'il aime (Civ. Dei XIX, 24 et 17), introduit l'élément de la concorde civique dans sa définition de l'État. Cette concorde marque l'union des volontés humaines dans les affaires de la vie temporelle et doit toujours exister, si l'on veut qu'existe l'État. L'amour du bien commun, du bien de l'État, est une condition nécessaire du maintien de la concorde civique. Cela ne signifie cependant pas que, pour Saint Augustin, l'État puisse être un but en soi, qu'il puisse absorber l'individu ; au contraire, son but est la prospérité matérielle et morale de l'individu (Op. cit., XIX, 13, 14 et 16).

Le haut moyen-âge, en face de deux faits historiques : la papauté universelle et l'empire universel, donne de la concorde civique une conception qui dépasse le cadre de l'État, et se rapproche de celle des stoïciens.

De l'unité de la raison divine, du logos, on fait découler l'unité du genre humain, « corpus mysticum », dont les deux pouvoirs, regnum et sacerdotium, incarnés dans la seule Église, constituent un tout homogène, représenté par le Pape, en tant que vicaire du Christ. « Unum in terris caput esse tantummodo ». Cette idée est formulée par Hugues de Saint-Victor, Innocent III et même en plein XIVe siècle, par Jean XXII (6).

Celui qui exprime le mieux la doctrine de cette époque, et est en même temps le créateur d'un système encore actuel, Saint Thomas d'Aquin unit dans sa théorie de la concorde civique des éléments aristotéliciens aux éléments chrétiens. Il y a dans ce monde une unité suprême (unitas principalis) à laquelle toutes les autres sont subordonnées, sans en excepter les États : c'est l'Église, communauté d'ordre supérieur. L'État est la communauté terrestre parfaite : son constituant, l'homme, lui appartient par nature et lui est complètement subordonné (totus homo) comme à sa fin dans le domaine strictement terrestre. (S. T. II, 11, 61 et 65; De reg. princ. I, 1). La division des volontés peut toujours introduire ici le désaccord, si néfaste au groupe humain. Plus la vertu s'appuie sur l'unité, et plus elle est forte : plus elle cède aux querelles (discordiae), et plus elle est faible. (De reg. princ. I, 15; S. T. II, 11, 29, 1; II, 11, 37, 2). Une éducation civique organisée par des prescriptions législatives appropriées est le moyen pour l'État d'arriver à l'unité. C'est le bien commun, et non le bien de l'individu, qui est la fin suprême. En accord avec ce principe, le citoyen doit se subordonner au bien de l'État, qui est le bien d'une communauté parfaite. (S. T. II, 11, 26, 3; 39, 2; 68, I; I, 11, 90, 3).

Les modèles grecs cèdent la place chez Saint Thomas quand ils se rencontrent avec les principes de la doctrine de l'Église, disant que l'homme n'existe pas seulement pour l'État et que le bien de l'âme ne peut être subordonné à aucun autre. Par suite, selon ce maître de la scolastique, les relations juridiques de l'État avec l'individu ne concernent que le domaine terrestre : et le bien commun doit céder en face du bien de l'âme, puisqu'ils ne sont pas l'un et l'autre de la même espèce, « eiusdem generis ». (S. T. II, 11, 47, 10, 58 et 7) (7).

La théorie de Saint Thomas a été continuée par l'école scolastique jésuite du XVIe siècle à laquelle appartiennent Suarez, Molina, Bellarmin.

Ainsi est née la « philosophia politica perennis », sans cesse proclamée par l'Église, en particulier dans les questions de la concorde civique et du bien commun. Nous la retrouvons dans les déclarations de Léon XIII (8) et en particulier dans l'Encyclique de Pie XI, Quadragesimo anno (1931).

Condamnant le libéralisme et l'individualisme destructeurs de l'État, celle-ci reconnaît comme régime normal de la communauté celui qui lie d'un fort lien d'unité (animorum concordia, II, 1, 5) la multitude des membres de l'organisme social, et garantit ainsi la paix sociale et la collaboration humaine. Le but que doit éclairer la réconciliation sociale, c'est le bien commun, et les moyens pour l'atteindre sont la justice et la charité (III, 36). Ici aussi il est remarqué, en accord avec la position fondamentale de l'Église, qu'il ne faut pas attendre de l'activité de l'État le « salut universel » (II, 5), et l'on demande, aussi bien pour les citoyens individuellement que pour leurs familles, une juste liberté d'action, avec cette réserve qu'elle n'entrera pas en conflit avec les exigences du bien public et ne causera de tort à personne (I, 2).


IV. La Renaissance

La période de la Renaissance, toute pénétrée d'humanisme, doit par là même contenir bien des échos fidèles de la science antique dans tous les domaines de la philosophie du droit, et en particulier sur le problème de la concorde civique. Ce mot d'ordre est déjà celui des précurseurs de la Renaissance au Moyen-Âge.

Ainsi chez Dante, la concorde civique (concordia) trouve son fondement et sa justification dans le bien de la patrie, auquel tout citoyen doit se sacrifier (De Monar. I, 6; 15; II, 8).

Marsile de Padoue, se référant aux paroles de l'Évangile, reconnaît qu'un royaume divisé (regnum divisum) est facilement anéanti, mais en s'appuyant sur l'autorité d'Aristote, il réfute les prétentions des évêques de Rome à la plenitudo potestatis, prétentions qui introduisent dans l'État une différenciation, une désintégration (Defensor pacis I, 19, 3-4; ibid. 11-12; III, 1).

François Patrizi, de Sienne, qui est déjà un représentant de l'humanisme, appelle la concorde civique la souveraine et la reine des États (concordia-urbium domina ac regina) (De regno VIII, XIV, pp. 511-512).

Machiavel, en accord avec son réalisme, montre les dangers terribles qui menacent un groupe dissocié et privé de chef : divisé par l'inimitié, il est incapable d'aucune résistance; l'égoïsme de ses membres est pour lui plus nuisible que la rapacité de ses ennemis (Discorsi I, 57; Istor. Fiorent. V, 8). Le but de la concorde civique est le bien commun; puisque ce bien commun décide de la puissance de la Patrie, tout doit lui être subordonné ; quand il exige, on ne doit se laisser arrêter par aucun égard (Discor. II, 2; III, 16 et 41; I, 9). C'est ainsi que chez Machiavel l'État retrouve la valeur absolue qu'il avait dans la philosophie antique.

Le créateur de la science moderne de l'État, Jean Bodin, reconnaît comme une tâche de l'État l'établissement sur tout son territoire de la concorde civique (concordia), par laquelle il entend l'unité de convictions et de volonté chez tous ceux qui sont unis par cette concorde (De Rep. III, 330A). À cette tâche doivent concourir les lois et la concorde entre les pouvoirs administratifs, à l'exception des fonctionnaires subalternes, dont les querelles sont dans tout État profitables aux citoyens (IV, 447C). La crainte de Bodin devant les effets de la sédition va si loin que, bien qu'il pose en principe que la concorde civique a pour but le bien commun (communis omnium utilitas), il admet à titre de compromis que l'État soit gouverné par un petit groupe d'individus unis par une cordiale entente : leur gouvernement disposant de grands moyens et de la force, même s'ils devaient servir exclusivement des buts et des intérêts particuliers, est moins nuisible que la discorde (IV, 449C).


V. Période du droit naturel

Cette tendance, qui fait découler la société et l'État de l'autonomie de l'individu, de son libre consentement, d'un contrat avec les autres individus, tendance foncièrement individualiste, ne reste pas en arrière par rapport aux principaux défenseurs de l'universalisme en ce qui concerne le postulat de la concorde civique.

Ainsi Hugo Grotius reconnaît comme un caractère essentiel de l'État l'union par l'accord unanime (concordi communione. De iure b. ac p. I, 2, I, 5 et III, 3, 2, 2) et par la communauté d'intérêt (communi utilitate, I, 1, 14).

Althus reconnaît la concorde civique (concordia) comme indispensable à l'État, et par suite il recommande aux pouvoirs administratifs d'éliminer et faire disparaître toutes causes de luttes de partis et de séditions, et cela au nom de la fin dernière de l'État, le bien public (Politica), XXXI : De studio concordiae conservandae).

Hobbes, chez qui M. René Capitant a récemment relevé si justement certains traits de libéralisme (9), Hobbes exige cependant des citoyens non seulement l'accord de nombreuses volontés en vue d'un but unique, mais bien une seule volonté (una) de tous, volonté qui crée précisément l'État. (De cive, V, VI). Un tel État peut, par la peur de son pouvoir, contraindre la volonté des individus à l'accord et à l'unité, et empêcher qu'ils se séparent de l'État quand leur intérêt privé se trouvera en contradiction avec le bien commun, eu égard auquel ils se sont unis (De cive, V : VIII, IV, VI ; Leviathan, XVII, p. 85).

Locke reconnaît comme l'essence et l'union de la société le fait qu'elle possède une volonté unique; elle s'exprime par le pouvoir législatif, et par suite celui qui opposerait la force aux lois, serait un séditieux, réintroduisant l'état de guerre. Le bien public (public good), c'est le bien de chaque membre de la société dans les limites imposées par la concorde civique, qui force chaque individu à se soucier du bien de l'ensemble. (Of Govern, II, XIX, 212, 226, I, IX, 92, 93). Selon Spinoza, le meilleur État est celui dans lequel les hommes passent leur vie dans la concorde (concorditer) et observent les lois. Puisque seul est libre l'homme qui vit selon les indications de la raison, la paix et la concorde doivent être gardées, non par inertie, dans un esprit servile et animal, mais pour des motifs raisonnables, c'est-à-dire librement et avec confiance. La concorde (concordia), c'est l'accord raisonné et libre des citoyens dans les affaires de l'État. Spinoza l'identifie avec le bien de l'ensemble, avec sa prospérité. (salus communis. Tr. p. III, 10; V, 2, 4-6; Tr. t. p. XVI, 180, 10; Eth. IV, c 14-16).

Rousseau, enfin, ce défenseur radical de la démocratie, reconnu cependant dans ces derniers temps comme un représentant de l'étatisme, du centralisme (10), donne une justification à cette opinion surtout par sa doctrine de la concorde civique. L'essence du contrat social est, pour Rousseau, l'abandon par chaque individu, en commun avec les autres, de sa personne et de toute sa puissance à la direction supérieure de la volonté générale. Ainsi chaque membre devient une partie d'un tout indivisible : à la place de la personne isolée de chaque contractant, naît un corps moral et collectif, naît « l'unité ». La vie de l'État, c'est l'union de ses membres. Et quand l'intérêt commun est ébranlé, quand les intérêts particuliers se font sentir dans les influences des petits groupes, quand le nœud social commence à se relâcher, alors aussi l'État commence à s'affaiblir. (Contrat soc. II, 1, 3, 4; IV, 1). Il est difficile de formuler d'une manière plus nette l'idéal de la concorde civique.


VI. Kant et Hegel

Nos réflexions sur l'histoire de la concorde civique dans la philosophie générale du droit vont se terminer par l'examen des conceptions de deux penseurs dont l'influence se fait profondément sentir dans les systèmes juridico-politiques de l'heure présente.

Kant, que l'on a dans ces derniers temps mis en dehors du libéralisme et de l'individualisme (11), manifeste sa position universaliste particulièrement dans sa doctrine de' la concorde civique. C'est pour lui une idée à priori, que, dans l'état d'absence de droit, aussi bien les individus que les États ne pourraient être assurés contre les violences réciproques. La première affaire donc, dans laquelle chacun a dû prendre une décision, à moins de renoncer à toutes conceptions juridiques, ç'a été le principe de sortir de l'état de nature, dans lequel il se dirigeait par son jugement propre, de s'unir avec tous les autres, et de se soumettre à la contrainte extérieure et publique des lois. Le tout qui naît ainsi, c'est l'État, c'est-à-dire un être commun (res publica), uni par l'intérêt commun de tous. (Metaph. Anfangsgründe der Rechtslehre, §§ 43-45). Deux idées éclairent toute cette déduction, ainsi que la définition qui la clôt : celle de la concorde et celle de l'intérêt commun des hommes unis. La concorde civique (bürgerliche Eintracht, op. cit., Allg. Anmerkungen, 153, 327), traduite par M. Duguit comme « la volonté concordante », est reconnue par Kant comme le fondement de l'État et peut être réalisée par ce dernier même en employant des moyens de contrainte, de police. Cela se justifie par l'intérêt commun de tous, au service duquel se trouve l'ensemble des relations entre les citoyens unis dans l'État.

Chez Hegel, la société civile est le champ de bataille de l'intérêt privé de chaque individu avec les intérêts privés de tous les autres individus ; mais appuyer les différences sur la base de la généralité, de la totalité (Totalitât), c'est là ce qui constitue le fond et la force de l'État, et par suite aussi sa tâche. Car l'État c'est la réalité de la volonté substantielle, qu'il possède par l'élévation de la conscience individuelle au degré de généralité. L'État est donc en dernier ressort l'union puissante de l'indépendance individuelle et de la substantialité générale, c'est un tout organique et avant tout une unité spirituelle. (Grundl. d. philos, d. Rechts §§ 289, 258, Zusätze, p. 296).

De la conception hégélienne de l'État découle la conception du bien commun. La liberté de l'individu, réalisée par son existence dans l'État, consiste en ce que l'individu et ses intérêts particuliers ne possèdent leur entier développement et ne sont reconnus que quand ils passent dans l'intérêt général et le reconnaissent comme leur propre esprit substantiel, et quand ils agissent pour cet intérêt comme leur fin suprême. De cette manière l'intérêt privé et l'intérêt général se trouvent indissolublement liés, et la théorie de Hegel rejoint la conception antique de l'État (op. cit. § 260).


VII. Les traditions polonaises

Nous finissons par où nous avons commencé. La Pologne, tâchant de se tenir à la hauteur des courants de l'Occident, a, depuis des siècles, consacré dans sa littérature politique une place étendue au problème de la concorde civique, qui par suite possède chez elle sa tradition propre, indigène. Pour l'illustrer, nous allons caractériser ici ceux seulement de ses auteurs qui ont rencontré l'écho le plus notable dans la littérature de l'Occident.

C'est André Fricius, un auteur du XVIe siècle, qui mérite d'abord d'être nommé : Bodin se réfère à lui sous le nom déformé d' « Andréas Riccius » (12). Il est aussi mentionné par Burle Real de Curban, l'auteur de l' Histoire de la pensée politique à partir de Socrate jusqu'à Rousseau (13), qui lui assigne une place à côté d'autres écrivains polonais dont il fait mention : Goslicki, Olizarowski, et le roi Stanislas Leczinski.

Son œuvre principale, intitulée De Republica emendanda, constitue un ample système d'une théorie générale de l'État (1re édit. Cracovie 1551. 2e édit. Bâle 1554, 3e édit. Bâle 1559) : elle a été très vite traduite en français, en allemand et en espagnol à cause de ses idées humanistes. L'auteur définit l'État « comme un (unum) corps animal, dont aucun membre n'est au service de soi-même, mais dont tous les membres délibèrent en commun (commune), et utilisent leurs dons propres afin que le corps entier (toti) soit prospère ». Dans cette définition, il donne déjà une expression appropriée aux éléments qui nous intéressent de la concorde civique et du bien commun. De là résulte pour le citoyen le devoir de lutter contre l'individualisme inné chez l'homme, de triompher des désaccords et des querelles, d'atteindre à l'unité et à l'amour. La concorde civique a pour but le bien et l'intérêt de l'État, qui est comme une barque transportant tout les citoyens. (I, 1, 10; I, XI, 46-47; II, X, 124; I, XXVIII, 106).

Au même siècle appartient Laurent Goslicius (14) dont le livre, sous le titre De optimo Senatore, (1re édit. Venise 1568, et ensuite Bâle 1593) comporte principalement une théorie de politique générale et a obtenu un tel succès en Angleterre qu'il a été traduit plusieurs fois depuis 1607. Cet auteur considère la concorde civique (concordia) en toutes choses comme le seul moyen de conservation de l'État. Elle repose sur l'accord de toutes les classes de l'État en ce qui concerne le maintien de la liberté, des lois, de la justice, de la foi, de la religion et de la paix de tout l'État.

Le moyen le plus efficace d'y atteindre, c'est l'amour de la Patrie. Dans sa construction de l'État idéal, Goslicius accorde une place de premier plan au Sénat, institution devant maintenir l'équilibre entre les tendances : du roi à la tyrannie, de la nation à l'arbitraire et à l'anarchie. Le Sénat doit donc être par son activité le défenseur du bien commun.

Au XVIIe siècle, dans la période de rapprochement politique et culturel de la Pologne avec la France, une chaire à la Faculté de Droit de l'Université de Wilno est occupée par Alexandre Olizarowski, dont l'oeuvre, intitulée De politica hominum societate libri tres (1651), représente un système de philosophie sociale et propage d'une manière critique la science de Jean Bodin (15). Olizarowski voit la garantie du régime politique dans la concorde, c'est-à-dire dans le jugement collectif unanime de tous les éléments constitutifs de ce régime, nommément : les représentants des familles méritantes, du Sénat, de la chevalerie, des universités, des écrivains de talent, des orateurs, des poètes, et — dans la conception la plus large — dans l'amour de la Patrie chez tous les citoyens. Convaincu que ce principe n'admet aucune exception, il s'oppose à l'opinion de Bodin considérant que la discorde entre les charges inférieures est pour les citoyens un fait favorable.

Au XVIIIe siècle, c'est le roi Stanislas Leczinski (1677-1766) qui se trouve à la tête des théoriciens en Pologne de la concorde civique. Elle est chez lui, à côté de la raison et des lois, le frein de la liberté effrénée et la condition d'un excellent régime de l'État (16). De même que dans la nature les éléments contraires concourent à sa vitalité, de même dans l'État l'accord des contrastes (concordia discors) peut obtenir de grands résultats.

Le plus grand obstacle à la concorde est l'intérêt privé, contraire au bien commun, et qui prend sa source dans l'égoïsme (Glos wolny, wolność ubezpieczający, en pol. édit. 1903, p. 3, 7, 8, 111-112).

Vient enfin un penseur du XIXe siècle, qui nous relie au présent, Auguste Cieszkowski (1814-1894), qui a écrit en français : Du crédit et de la circulation, De la pairie et de l'aristocratie moderne », et qui est surtout connu pour son système de philosophie sociale, intitulé Notre Père et dont les volumes II, III et IV ont été si bien rendus en français par M. Paul Cazin (1927-29). La concorde civique possède ici sa source pratique dans l'amour de l'espèce, c'est-à-dire dans le fait de reconnaître son moi dans les autres ; dans le domaine métaphysique, elle signifie la préparation de l'esprit humain à la qualité de citoyen et de la société de l'Esprit absolu, dans laquelle se concentreront toutes les voies de l'Esprit : les arts, les sciences, les institutions sociales, à la fois distinctes et libres, et pourtant liées entre elles dans une saine unité.

Se rapprochant de Hegel dans son enseignement de l'Esprit Absolu unificateur, Cieszkowski s'oppose résolument au totalisme étatique de ce philosophe, en reconnaissant qu'aucun état de choses, fût-ce le plus idéal, s'il est imposé par les gouvernants, ne peut conjurer la fermentation dans la société, qui sent le besoin de sa collaboration appropriée dans les affaires publiques, car l'action propre est ici indispensable, ou tout au moins la contribution des gouvernés dans la mesure de leur situation, de leurs capacités, de leurs mérites. Donnant à l'individu, en opposition avec Hegel, sa valeur propre, notre auteur ne voit pas dans l'État la réalisation de l'individu, mais considère l'individu comme un élément composant de l'État.

De cette conception de Cieszkowski, qui harmonise l'individualisme et l'universalisme, est bien proche la pensée directrice de la Constitution de la République de Pologne, qui assure la possibilité du développement de l'individu dans les limites du bien commun et qui mesure les droits du citoyen dans le domaine public selon la valeur de son effort et de ses mérites pour ce bien.

Arrivé ainsi au terme de nos réflexions, nous nous croyons autorisé à affirmer que la Pologne, en introduisant dans sa Loi fondamentale le principe de la concorde civique et du bien commun, n'avait pas besoin de suivre et n'a pas suivi la trace de modèles étrangers contemporains, mais que, comme nous l'avions énoncé dans notre introduction, elle a pris ces principes dans son ancien et méritant héritage d'idées.


Notes

(1) Kramer H. « Quid valeat ὁμόνοια in litteris graecis ». Diss., Gottingae, 1915 ; Mühl Max, Untersuchungen, Klio, 1933, p. 43 ; Kaerst, Gesch. der Hellenism, I, 1917, p. 7 à 22 ; Meyer Ed., Forschungen, I, 1892, pp. 215, 235 ; Dittrich, Gesch. der Ethik, I, 1926, p. 135 sqq.

(2) Jacoby E., « De Antiphontis sophistæ περι ὁμονοιας libro », Diss. Berolini, 1908, p. 19, 41, 47; Jarra E., L'idée de l'État chez Platon et son histoire, 1918, pp. 66-67.

(3) Jarra E., op. cit., 1919, p 92

(4) Jarra E., op. cit. 1919, pp. 140-145 ; Wilamowitz-Moellendorff, Platon I2, 1920, p. 443 ; II, 1919, p. 210.

(5) Jarra E., « Marco Aurelio, Filosofo del Diritto », Rivista intern. di Filosofia del Diritto, 1932.

(6) Schneider W.-A., « Geschichte und Philosophie bei Hugo v. S. V. », Diss. Münster, 1933 ; Meyer Er. W., « Staatstheorien Papst Innocenz' III », Jenaer Hist. Arb., Bonn, 1920 ; Frotsher G., Die Anschauungen von Papst Johann XXII, etc., Jena, 1933.

(7) Travaux de : Renard R.-G., Kurz Ed., Wiegand H., Baumann I.-I., Grabmann M. Wittmann M., Schilling O., Rommen H.

(8) Tischleder P., Die Staatslehre Leos XIII, 1927.

(9) Archives de philosophie du droit, etc., 1936, pp. 46-75.

(10) Duguit, « J.-J. Rousseau, Kant et Hegel », Rev. du droit public et de la science polit. en France et à l'étranger, 1918, p. 17 ; Gurvitch : L'idée du droit social, 1932, p. 269.

(11) Duguit, op. cit., p. 33 ; Gurvitch, op. cit., p. 270 ; Swoboda : Die Neugestaltung des bürg. R., 1935, pp. 47 et 54.

(12) Par ex. De Rep. VI, 762.

(13) La science du gouvernement, v. VIII, p. 759.

(14) Jarra E., Wawrzynioc (Laurent) Goslicki, « Un philosophe polonais du droit au XVIe siècle », Thémis polonaise, Varsovie 1931 (en pol. et en franç.).

(15) Jarra E. : « Le bodinisme en Pologne au XVIIe siècle », Arch. de phil. du dr. et de sociol. Jurid., 1933, p. 120 sqq.

(16) Jarra E. : « L'idea dell' Assoluto nella filosofia giuridica polacca », Studi filosofico-giuridici, dedicati a Giorgio Del Vecchio, Modena, 1930.


Référence

Eugène JARRA, « La concorde civique et la constitution de la République de Pologne », Introduction à l'étude du droit comparé : recueil d'études en l'honneur d'Édouard Lambert. Partie 3-4, Sirey et LGDJ, Paris, 1938, p. 221-234.

Eugène Jarra fut professeur à la Faculté de Droit de l'Université Joseph Pilsudski de Varsovie. Ce travail parut simultanément sous une forme élargie dans la Thémis Polonaise, Varsovie, 1937.

vendredi 28 décembre 2012

La liberté dans le christianisme


Quel est le plus solide fondement de la puissance que l'Église exerce sur les âmes? 
 
C'est la révélation, c'est le dogme qui fait de Jésus-Christ un Dieu. C'est aussi ce dogme qui rend toute liberté religieuse impossible. Quand la religion est considérée comme émanant d'une révélation directe de Dieu, il ne peut plus être question de liberté de conscience.

Qu'est-ce que les défenseurs de l'intolérance opposaient au dix-huitième siècle, aux philosophes qui revendiquaient la tolérance ?

« Si chacun était libre d'adopter telle croyance qu'il juge convenable, il était inutile que Jésus-Christ descendit sur la terre. À quoi sert l'Évangile, si Dieu trouve bon que tout homme se fasse une religion à son gré (1) ? » 

La religion, dans cet ordre d'idées, devient une loi, loi imposée par Dieu même ; lui désobéir, est le plus grand des crimes, le crime de lèse-majesté divine. (...)

 Écoutons saint Ambroise, cet illustre Père que les ultramontains célèbrent comme un des premiers défenseurs de la liberté de l'Église ; on va voir si la liberté de l'Église est la liberté des croyants :

« Sous des princes chrétiens, l'on ne doit permettre que la profession de la vraie foi ; envers les idolâtres, les juifs, les hérétiques, en un mot, les ennemis de l'Église, il ne peut être question de tolérance. Le pouvoir confié aux souverains doit servir avant tout à soutenir la cause de Dieu, et à frayer aux hommes la route du ciel. En effet, les princes sont complices des crimes qu'ils ne punissent pas, et les crimes les plus, grands sont ceux qui se commettent envers le plus grand des êtres (2). » (...)

 « L'Église, dit saint Augustin, persécute en aimant et par amour. » Elle veut sauver malgré eux les malheureux qui, plongés dans l'erreur, sont exposés à encourir la damnation éternelle : « Si un hérétique meurt dans le péché, et si vous l'aviez pu sauver par la force, votre tolérance ne sera-t-elle pas une véritable haine? » (...)

En vérité, les croyances du christianisme orthodoxe semblent inventées pour tuer la liberté dans sa source. La révélation et le droit de penser librement sur la foi révélée sont évidemment incompatibles.

Cela ne suffit point. Dans son zèle aveugle pour le salut des fidèles, le christianisme traditionnel voudrait anéantir tout libre développement de l'activité individuelle, en brisant la nature humaine. N'est-ce point le désir de savoir, n'est-ce point la désobéissance du premier homme qui ont entraîné sa chute ? Cette chute n'a-t-elle point vicié notre nature, au point que pour la réparer, il a fallu l'incarnation et le sacrifice du Fils de Dieu ? 
 
Il faut donc briser cette nature corrompue, il faut tuer l'homme infecté du péché originel, afin que l'ange en lui l'emporte sur la bête.

Qu'est-ce à dire? Et que deviennent dans ce dogme ce que nous appelons les droits naturels ? S'ils sont naturels, ne faut-il point les répudier, les flétrir, comme tout ce qui tient à notre nature ?  

Ce que l'on exalte sous le nom de droits naturels, c'est, en définitive, le développement de la nature humaine, avec tous ses instincts, bons et mauvais, en supposant qu'il y en ait de bons. 

Or, loin de développer la nature corrompue par le péché, il faut l'anéantir, si l'on veut être chrétien. Un écrivain anglais qui a écrit un excellent livre sur la liberté, dit que dans la croyance du péché originel, telle que les protestants orthodoxes la comprennent, il ne peut pas être question de droits individuels (3). 

On peut hardiment joindre les catholiques aux calvinistes ; quoi qu'ils en disent, ils sont, au fond, du même avis. 

Nous parlons des vrais catholiques, de ceux des premiers siècles, et non des catholiques modernes qui, à force de vouloir accommoder le christianisme aux sentiments nouveaux de l'humanité, créent une religion nouvelle, une religion que saint Augustin aurait repoussée comme une hérésie.

Le monachisme a toujours été célébré comme l'idéal de la perfection évangélique. Et qu'est-ce que les moines pensaient de la nature et de ses droits ?

Les plus forts, les anachorètes, les saints du désert, auraient voulu l'anéantir ; ils lui refusaient même la satisfaction de ses besoins les plus légitimes, la nourriture et le sommeil. Tous détruisaient, autant que cela était possible à la créature, l'œuvre du créateur.

Nous disons que la liberté est un droit naturel, parce que Dieu nous a créés libres. Les moines n'avaient plus en leur puissance, ni leur corps, ni leur volonté. Ils tuaient la personnalité humaine. L'obéissance absolue est de l'essence de la vie monastique. Saint Basile dit qu'user de sa propre volonté, agir d'après son libre arbitre, est une chose contraire à la raison (4).
 
Peut-il y avoir une opposition plus radicale entre la perfection évangélique et ce que nous considérons comme le but de la destinée humaine ? Que l'on ne dise point que nous exhumons des excentricités pour critiquer le christianisme. Nous étudions le christianisme des premiers siècles, puisque c'est celui-là que l'on invoque pour en faire le précurseur de la Révolution.

Niera-t-on que la réprobation de la nature, que la destruction de l'individualité soient de l'essence du christianisme traditionnel ?

Qu'on nous explique alors comment il se fait qu'on retrouve ces tendances partout où il y a des fidèles disciples du Christ. 

Laissons là les saints du désert, puisqu'on les répudie. Répudiera-t-on aussi les moines mendiants, et à leur tête saint François, celui qui imita en tout son divin maître ? En quoi plaçait-il cette imitation ? Il demandait à ses moines de mourir à la vie naturelle, de se faire cadavres, pour renaître ensuite à la vie de l'âme (5). Peut-il être question de droits appartenant à des cadavres ? Leur droit, c'est de pourrir. C'est aussi l'unique droit du chrétien. 

Voici les derniers venus des disciples du Christ qui paraissent sur la scène : ils portent le nom de jésuites, pour marquer qu'ils sont par excellence les imitateurs de sa perfection. Il faut les écouter, ceux-là ; impossible de les répudier, car ils règnent. Tout le monde connaît la célèbre comparaison des jésuites avec un bâton ou un cadavre. Cela est déjà assez significatif. Nous venons de demander quel est le droit d'un cadavre ? Veut-on bien nous dire quel est le droit d'un bâton ?  Écoutons saint Ignace lui-même :

« Soyez persuadés, dit-il à ses disciples, que tout ce que le supérieur commande, c'est Dieu même qui l'ordonne; dans tout ce qu'il ordonne, il faut que l'ardeur AVEUGLE d'une volonté prompte à obéir vous porte SANS EXAMEN où ses ordres vous appellent... Déposez ENTIÈREMENT votre volonté, ABDIQUEZ, ABANDONNEZ, SACRIFIEZ VOTRE LIBERTÉ, que vous avez reçue du Créateur, à la discrétion de ses ministres. » 

 Tous les ordres religieux tendent à annuler l'individualité humaine ; mais saint Ignace avait raison de dire que les jésuites poussent cette vertu jusqu'à la perfection. 

« Celui qui veut entièrement s'offrir à Dieu, outre sa volonté, doit encore lui sacrifier son esprit, son jugement, et conformer son esprit au sien... Il faut être comme un CADAVERE, qui se laisse traiter comme on veut, ou comme un BÂTON qu'un vieillard porte en main, et dont il se sert pour aller il veut, et qu'il emploie comme il veut (6). »

Si la perfection des jésuites est l'idéal de la perfection chrétienne, telle que la conçoit le christianisme historique, elle nous montre aussi le fruit de cette prétendue perfection. Comment peut-il rester un atome de force individuelle chez des hommes qui ont pour but de leur vie de tuer toute individualité ? Il n'y a qu'une âme dans la compagnie de Jésus, c'est soi-disant celle du Christ, c'est en réalité celle du général ; tous les autres membres sont sans vie véritable, car ils n'ont plus d'existence propre; ce sont, à la lettre, des cadavres. Et l'on s'étonne que dans une compagnie qui cherche à accaparer tous les talents, il règne une si désolante médiocrité ! Ce sont des machines qui fonctionnent admirablement, mais ne demandez point le génie à des machines ; elles sont mises en mouvement, et elles marchent, c'est toute leur mission. Et si l'humanité entière entrait dans cette voie de perfection ! Que deviendrait alors la liberté qui nous est si chère? Nous aurions la liberté qui appartient aux engrenages d'une mécanique. Dieu nous garde de la perfection des révérends pères !


Notes

(1) Bergier, Dictionnaire de théologie, an mot, Intolérance.
(2) Ambrosii, Epist. XVII.
(3) John Stuart Mill, On Liberty, pag. 111
(4)  Voyez mon Étude sur le christianisme, 2e édition.
(5) Mortuox non vivos, ego volo meus sectatores. (S. Francisci, Colloq., 40, pag. 263.)
(6) Omer Joly de Fleury, Compte rendu des constitutions des jésuites, pag. 105-108.

Référence

François Laurent, Études sur l'histoire de l'humanité.  La Révolution française, première partie, Librairie Internationale, Paris, A. Lacroix, Verboeckhoven et Cie, Bruxelles, Livourne, Leipzig, 1867, p. 286-289.

mardi 11 décembre 2012

La logique révolutionnaire, selon K. L. von Haller, 1824


Karl Ludwig von Haller (1768-1854) était un juriste suisse, dont les positions théoriques étaient clairement contre-révolutionnaires. Dans le passage suivant, il montre, cependant, à quel point la Révolution française n'était pas allée au bout de sa logique, que toutes les conséquences n'avaient pas été tirées de ses principes. Il annonçait, alors, sans le savoir, bon nombre des réformes du XIXe et du XXe siècle : la citoyenneté accordée à tous, quelque soit leur origine, la suppression du système censitaire et l'établissement du suffrage universel, l'égalité juridique, civile et politique des hommes et des femmes, la suppression de la puissance paternelle, la suppression de la peine de mort. Reste encore à venir, pour nous, si l'on suit la logique de Haller, la suppression de tous les privilèges de la nationalité, l'égalité juridique, civile  et politique des enfants et des adultes, l'égalisation des niveaux de vie et la révision systématique de la Constitution à chaque génération... Faut-il donc être révolutionnaire jusqu'au bout ?...


Le second lieu commun, celui de soutenir que les principes philosophiques ont été poussés trop loin et mal appliqués (…) supporte tout aussi peu l'examen.

D'abord on ne peut pas dire que des principes aient été étendus trop loin, exagérés ou mal appliqués, dès que les conséquences se déduisent rigoureusement des prémisses ; et si les règles sont bonnes, elles doivent, comme les lois de la nature, se confirmer et se justifier toujours davantage par leurs résultats et par leurs effets.

Non, il n'est pas vrai que ces principes aient été exagérés ; mais tout a échoué parce qu'ils sont faux. Il serait au contraire facile de prouver que, précisément les conséquences les plus désastreuses, celles qui faisaient frémir plus d'un partisan du système, ne découlaient que trop rigoureusement des principes, et qu'il en serait encore résulté bien plus de maux et d'horreurs, si le cœur et un sentiment naturel à l'homme, moins mauvais que les systèmes dominants, ne se fussent de temps à autre révoltés contre les erreurs de l'esprit pour en arrêter l'application.

Autrement,...

- on eût vu renverser aussi la puissance paternelle,
- admettre dans le corps politique non-seulement les deux sexes, mais, comme le disait un fameux conventionnel (1), tout ce qui respire sur la terre ; Juifs, Bohémiens, criminels et vagabonds, par la seule raison qu'ils sont hommes (2) ;
- on eût vu détruire tous les privilèges légaux de l'âge, de la richesse, de l'indigénat, etc. ;
- ordonner l'égalité des fortunes, par conséquent le partage des biens (3),
- et changer la constitution à la naissance de chaque enfant, afin qu'il ne vécût point sous des lois qu'il n'aurait pas faites lui-même (4).

Pourquoi, par exemple, les femmes et les enfants ne jouiraient-ils pas de tous les droits politiques et ne seraient-ils pas admissibles à tous les emplois, puisqu'ils sont hommes aussi, qu'ils participent aux droits de l'humanité, et qu'ils sont tout aussi fondés à en réclamer la jouissance et la protection ?

Pourquoi la moitié du genre humain sera t-elle, par le seul fait de sa naissance, dans la dépendance de l'autre ?

Quel droit le père a-t-il de commander à ses enfants, si tout pouvoir, toute domination ne doit être que déléguée ?

Qui vous autorise ...

- à mettre des conditions à la faculté de voter, ou à celle de l'éligibilité ;
- à donner aux plus âgés et aux plus riches un privilège sur les plus jeunes ou les plus pauvres ;
- à juger enfin seul, des talents d'autrui,

… si tous les hommes naissent égaux endroits, s'ils sont les associés de la même communauté populaire ?

Comment une loi, ou même une constitution, peut-elle obliger ceux qui ne l'ont point consentie, dès que l'homme ne doit être lié que par sa propre volonté, et que celle-ci est de plus la source de toute justice ?

Nous défions qui que ce soit de réfuter ces conséquences et autres pareilles, sans abandonner en même temps les principes dont elles découlent (5).

Cependant elles n'ont pas été tirées, ou du moins ne les a-t-on pas mises en pratique.

Si donc tout n'ont pas péri dans cet affreux bouleversement, si quelques liens sacrés parmi les hommes ont été maintenus, nous ne le devons certes qu'à impossibilité physique, et à cette heureuse inconséquence dans le mal, qui, grâce à l'absurdité trop palpable, empêcha l'application rigoureuse des principes à de certains objets et à de certains rapports.


Notes

(1) Isnard, si nous ne nous trompons. 

(2) Qu'est-ce qu'un vagabond ? Comment le distinguer d'avec un voyageur ? Qui en décidera, s'il n'y a pas encore d'État formé ? Un criminel n'a-t-il pas encore des droits de l'homme ? Voilà ce que demandait Robespierre. L'absurdité n'était point dans la question, mais dans les principes qui la faisaient naître.

(3) Je sais que ce partage des fortunes n'est point établi dans les principes du système, et que ses partisans protestent même contre. Mais il n'en est pas moins vrai qu'il serait, jusqu'à un certain point, indispensable pour que ce système pût être mis à exécution ; car l'égalité des droits politiques ne peut coexister avec une trop grande inégalité des fortunes, parce que trop de citoyens deviennent dépendants des autres pour l'entretien de leur vie. Aussi, toutes les républiques du monde ont-elles cherché, du moins par des voies indirectes, à opérer cette division des fortunes. Si donc on veut subitement introduire dans un vaste empire une république philosophique, un corps de citoyens égaux, dont aucun ne soit supérieur à l'autre, il est avant tout nécessaire d'établir autant que possible légalité des fortunes. Babœuf et consorts étaient encore ici les plus conséquents de leur secte. Il faudrait même pouvoir abolir la puissance supérieure ou l'aristocratie des talents et des connaissances, car elle entraine de nouveau à sa suite une autorité qui n'est point déléguée par d'autres ; aussi a-t-on, pendant dix-huit mois, abattu en France les têtes de tous ceux qui se distinguaient par leur esprit, leurs vertus, leurs connaissances, leur considération et la confiance qu'ils inspiraient. Au reste, cet empire des talents, quoiqu'aussi susceptible, et même plus susceptible d'abus que tout autre, est à la vérité le seul que les philosophes aient encore en quelque façon reconnu ou ménagé, du moins en théorie, parce qu'ils s'en croyaient en possession exclusive, et qu'ils se donnaient pour les seuls prophètes du genre humain.

(4) C'est pourquoi Condorcet voulait une convention nationale tous les vingt-cinq ans. Voyez son écrit Sur les conventions nationales, 1791. Mercier disait également dès 1787, dans ses Notions claires [sur les gouvernements] : « Il faut tous les vingt-cinq ans une refonte générale des sociétés. »

(5) Dans quel embarras ne se sont pas toujours trouvés ceux qu'on appelait les modérés, lorsqu'en reconnaissant les prémisses, ils refusaient d'en admettre les conséquences ? Comme ils étaient obligés de se plier et se torturer l'esprit pour concilier leurs principes avec les règles de la prudence la plus ordinaire ! Ne les a-t-on pas vus contraints d'employer la force pour fermer la bouche à leurs adversaires ? Cette remarque instructive, que j'ai souvent faite pendant la révolution française et pendant celle de Suisse, m'a toujours convaincu que les jacobins les plus forcenés n'étaient au fond que les têtes les plus conséquentes, et que partant, ce ne sont pas eux mais les principes qui ont causé tout le mal.


Référence

Karl-Ludwig von Haller, Restauration de la science politique ou Théorie de l'état social naturel, tome I, Rusand, Lyon et Paris, 1824, p. 325-330. La mise en page du texte a été revue par l'auteur de ce blog.