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vendredi 28 septembre 2012

Le portage des enfants, M. Nageotte-Wilbouchewitch, 1903


[Lorenz] dit aussi que les femmes portent aussi bien les enfants à droite qu'à gauche ; si c'est exact en Allemagne, ce  n'est certes pas le cas en France, en Angleterre, en Russie,  l'on chercherait longtemps un enfant porté sur le bras  droit, surtout parmi les femmes du peuple que l'on voit  presque toujours chargées d'un nourrisson.

Les enfants ne sont pas toujours portés, beaucoup d'enfants pauvres passent leur temps au berceau, couchés plus ou  moins de travers, plus tard assis dans leur lit sur un plan à  peu près toujours incliné ainsi que le fait observer Lorenz,  que ce soit dans un sens ou dans l'autre, mais toujours le  même pour un enfant donné (...).

Référence

Marie Nageotte-Wilbouchewitch, Atlas-manuel de gymnastique orthopédique C. Naud, Paris, 1903, p. 34.

mercredi 26 septembre 2012

Éduquer les enfants, selon John B. Watson (1928)

 
Présentation du texte
 
John Broadus Watson (1878-1958) est un psychologue américain, fondateur du béhaviorisme. Selon lui, la psychologie devait se limiter à l'observation et à la mesure rigoureuse des comportements humains, sans prendre en compte introspection ni conscience. L'apprentissage constituait, pour Watson, un objet central d'étude du comportement en tant qu'il est une adaptation à des stimuli récurrents issus de l'environnement. Watson démontra les applications possibles de cette doctrine à l'éducation, par le biais de l'expérience du petit Albert. Il réussit, en effet, à conditionner un bébé à avoir peur d'un rat blanc, sans qu'il y ait, chez l'enfant, de crainte préalable.
John Broadus Watson

Dans les années 1920, Watson s'éloigna de l'université et de la fréquentation des autres scientifiques. À partir de 1922, il se tourna vers la presse populaire pour faire connaître ses idées béhavioristes. En 1928, il publia Psychological Care of Infant & Child, où il faisait part de ses convictions concernant l'éducation des jeunes enfants. Cette publication lança l'ère éducative behavioriste en Amérique. Selon Watson, la pratique éducative devait être rendue plus efficace en affranchissant les parents de l'inutile sentimentalité qu'ils manifestaient dans leurs rapports aux enfants. L'expression de l'affection était, selon Watson, infantilisante et empêchait l'enfant d'accéder à une véritable autonomie, valeur centrale de la culture américaine.

L'ouvrage de Watson devint un best-seller car les parents étaient impressionnés par son apparente autorité scientifique, bien que cet ouvrage ne se référât qu'aux premiers travaux de Watson sur le conditionnement des émotions. Le conditionnement de la peur chez le petit Albert conduisit, à travers la travail de Mary Cover Jones (1896-1987), au développement du premier essai d'intervention thérapeutique par renversement de la peur conditionnée. Cela anticipa la futur psychothérapie par modification du comportement.

La lecture des extraits suivants paraît, au début du XXIe siècle, relever d'une méthode d'éducation particulièrement cruelle, surtout lorsqu'elle s'applique aux tous jeunes enfants. Elle caractérise, cependant, la priorité, poussée à l'extrême, donnée à l'autonomisation précoce des petits, destinés à évoluer dans une société difficile et compétitive où il faut savoir régler, par soi-même, tous les problèmes. Watson associe d'ailleurs le caractère anti-social des individus et leur trop grande dépendance, voire leur faiblesse. Sa grande crainte, typiquement américaine, semble être celle de l'inadaptation.

Plus tard, en 1936, John B. Watson manifesta des regrets concernant l'écriture de cet ouvrage :

« Psychological Care of Infant and Child was another book I feel sorry about – not because of its sketchy form, but because I did not know enough to write the book I wanted to write. I feel that I had a right to publish this, sketchy as it is, since I planned never to go back into academic work. » (John B. Watson, 1936, p. 280)

Psychological Care of Infant and Child fut un autre livre pour lequel je suis désolé – non à cause de sa forme imprécise, mais parce que je n'en savais pas assez pour écrire le livre que je voulais écrire. J'avais le sentiment que j'avais le droit de publier cela, aussi imprécis que cela soit, puisque j'avais prévu de ne jamais refaire d'œuvre universitaire. »)

La question qui nous est aujourd'hui posée est la suivante :

- la société doit-elle se transformer pour rester vivable humainement (ce qui suppose l'acceptation de la notion d'une certaine nature et dignité humaines et le maintien d'une orientation politique commune)  ?

- Ou bien l'individu, enfant ou adulte, doit-il s'adapter de plus en plus à une société toujours en mouvement, régie par le seul principe de concurrence, c'est-à-dire la compétition permanente de tous contre tous  (ce qui suppose la plasticité illimitée de l'individu et la transformation progressive de l'humanité par sélections des meilleurs, c'est-à-dire des plus adaptés) ?


Version française

Une fois, à la fin d'une conférence tenue devant des parents, un chère vieille dame se leva et dit : « Dieu merci, mes enfants sont élevés – et j'ai eu la chance de profiter d'eux avant de vous rencontrer. »

N'exprime-t-elle pas là la faiblesse qui caractérise notre manière moderne d'élever les enfants ? Nous avons des enfants pour profiter d'eux. Nous avons besoin d'exprimer notre amour en quelque manière. La lune de miel ne durent pas toujours pour tous les époux et toutes les épouses, et nous la complétons d'une façon dont nous pensons qu'elle est inoffensive, en aimant, à mort, nos enfants. N'est-ce pas spécialement vrai de la mère actuelle ? Peu importe combien elle aime son mari, il est tous les jours absent ; son cœur est rempli d'un amour qu'elle doit exprimer en quelque manière. Elle l'exprime en couvrant d'amour et de baisers ses enfants – et elle pense que le monde devrait la louer pour cela. Et c'est ce qu'il fait. (…)

Il est vrai que les parents ont cessé de bercer leurs enfants pour qu'ils dorment. Vous trouvez le berceau et ses bascules posées sur lui, désormais, seulement dans les expositions de mobilier américain ancien. Vous vous direz que, sous ce rapport, nous avons, de toute façon, progressé. Cela est vrai. Le livre du Dr Holt sur les soins du nourrisson peut s'attribuer le mérite de cette évolution. Mais il est douteux que les mères eussent abandonné cette pratique si l'économie domestique ne l'eut exigé. Les mères ont estimé que, si elle commençaient à entraîner leur nourrisson dès la naissance, il apprendrait à s'endormir sans être bercé. Cela donna à la mère du temps pour les tâches ménagères, les commérages, le bridge et les boutiques. Le Dr Holt le suggéra ; la valeur économique de ce système était facilement reconnaissable.

Mais cela ne prend pas beaucoup de temps de caresser et d'embrasser le bébé. On peut le faire en le prenant de son petit lit, après la sieste, ou quand on le met au lit, et particulièrement après son bain. Quoi de plus plaisant pour la mère que d'embrasser son bébé potelé des pieds à la tête après le bain ! Et cela prend si peu de temps !

Revenons à la mécanique de l'amour et de l'affection. Les amours grandissent chez les enfants tout comme les peurs. Les amours sont construits et intégrés à la maison. Autrement dit, les amours sont conditionnés. L'on a chaque jour tout ce qu'il faut entre les mains pour mettre en place des réponses d'amour conditionnées. (…).

Nous devons coller à nos emplois, dans la vie commerciale et professionnelle, sans égard pour les maux de tête, de dents, l'indigestion et les autres petites maladies. Il n'y a personne pour nous materner. Si nous ne pouvons supporter ce traitement, nous devons rentrer chez nous, là où l'amour et l'affection peuvent de nouveau être réquisitionnés. Si, à la maison, nous ne pouvons obtenir assez de dorlotement, par des moyens ordinaires, nous nous mettons dans nos fauteuils, ou même dans nos lits. Là, alors, nous sommes dans une position sécurisante pour réclamer un dorlotement constant.

L'on peut voir le handicap en train de se construire dans la majorité des foyers américains. Voici l'image d'un amour de l'enfant conditionné à l'excès. L'enfant est seul, en train d'associer ses cubes, faisant quelque chose de ses mains et apprenant à contrôler son environnement. La mère entre. Le jeu constructif cesse. L'enfant marche à quatre pattes ou court vers la mère, l'enfant se saisit d'elle, grimpe sur ses genoux et met ses mains autour de son cou. La mère, consentante, caresse son enfant, l'embrasse, le serre dans ses bras. J'ai vu cette scène se poursuivre pendant deux heures de temps. Si la mère, qui a ainsi conditionné son enfant, tente de le poser, le hurlement d'un cœur brisé s'en suit. Les cubes et le reste du monde ont perdu leur pouvoir d'attraction. Si la mère essaie de quitter la pièce ou la maison, le cri d'un cœur brisé plus encore s'en suit. De nombreuses mères souvent s'esquivent de leurs maisons par l'arrière afin d'éviter une séparation pleine de larmes et de pleurs.

Désormais l'amour par conditionnement excessif est de règle. Faites le test en comptant le nombre de fois où votre enfant geint et hurle « Mère ». Partout dans la maison, tout le long du jour, l'enfant de deux ans et celui de quatre ans geint : « Maman, Maman », « Mère ». Désormais, ces réponses d'amour que la mère ou le père bâtissent par conditionnement excessif, en dépit de ce que peuvent dire le poète et le romancier, ne sont pas constructives. Ils ne se battent pas beaucoup pour leur enfant. Ils ne l'aident pas à dépasser les difficultés qu'il peut rencontrer dans son environnement. Par conséquent, tout le temps que l'on passe à la caresse et au dorlotement – et j'ai vu presque toutes les heures d'éveil de l'enfant consacré à cela – tout ce temps, l'on en dépouille l'enfant de celui qui devrait être consacré à la manipulation de son univers, à l'acquisition d'une habileté à utiliser ses doigts, ses mains, ses bras. Il doit avoir du temps pour démonter et remonter son univers. Même selon ce point de vue – qui consiste à dérober à l'enfant les occasions de conquérir le monde –, le dorlotement est une dangereuse expérience.

La mère dorlote l'enfant pour deux raisons. L'une d'elle, elle la reconnaît ; pour l'autre, elle ne la reconnaît pas, car elle ne sait pas qu'elle est vraie. Celle qu'elle admet est qu'elle veut que l'enfant soit heureux, elle veut qu'il soit entouré d'amour afin qu'il devienne un enfant gentil et de bonne nature. L'autre est que son être tout entier a un grand besoin d'exprimer de l'amour. Sa mère, avant elle, l'a entraîné à donner et recevoir de l'amour. Elle était affamée d'amour – d'affection, comme elle préfère l'appeler. Il s'agit, au fond, en elle, d'une réponse guidée par la recherche de sexualité, sinon elle n'embrasserait jamais l'enfant sur la bouche. À coup sûr, la justification qu'elle donne au fait de dorloter, d'embrasser l'enfant sur le front, sur le dos de la main, de lui donner une caresse sur la tête de temps en temps, serait la chaleur humaine nécessaire au bébé afin qu'il sache qu'il grandit dans une maison pleine de bienveillance.

Mais même si l'on admet que la mère pense qu'elle embrasse l'enfant pour la raison parfaitement logique qu'elle implante en lui la somme adéquate d'affection et de bonté, y parvient-elle ?

Le fait que j'ai exposé ci-dessus, c'est-à-dire que nous trouvons rarement un enfant heureux, est la preuve du contraire. Le fait que nos enfants sont toujours en train de pleurer et de gémir montre l'état malheureux et malsain dans lequel ils se trouvent. Leur digestion est gênée, et probablement tout leur système glandulaire est dérangé.


La mère ne doit-elle jamais embrasser son bébé ?

Il existe une façon avisée de se comporter avec les enfants. Traitez les comme s'ils étaient de jeunes adultes. Habillez-les, baignez-les avec soin et précaution. Ayez un comportement toujours objectif et gentiment ferme. Ne les prenez jamais dans vos bras et ne les embrassez jamais, ne les mettez jamais sur vos genoux. Si vous le devez, embrassez-les une seule fois sur le front lorsqu'ils vous disent bonne nuit. Le matin, serrez-leur la main. Donnez-leur une caresse sur la tête s'ils ont fait un travail extraordinairement bon ou une tâche difficile.

Essayez. En l'espace d'une semaine, vous verrez combien il est facile d'être, avec votre enfant, parfaitement objectif en même temps que gentil. Vous aurez totalement honte de la façon mièvre et sentimentale avec laquelle vous vous y êtes pris avec lui. (p. 81-82)

Si vous espérez qu'un chien grandisse pour devenir un chien de garde, un chien de chasse, un chien courant, utile à toute chose, et non pas un chien d'appartement, vous ne le traiteriez certainement pas comme vous le faites avec votre enfant. Quand j'entends un mère dire « Mon pauvre chéri», lorsqu'il tombe, se cogne l'orteil ou qu'il se fait autrement mal, je fais un ou deux pâtés de maison pour me défouler. La mère ne peut-elle s'entraîner, lorsque quelque chose arrive à son enfant, à regarder son mal en ne disant rien, et s'il y a une blessure, en la pansant d'une manière détachée ? Et de même, lorsque l'enfant grandit, ne peut-elle l'entraîner à aller chercher l'acide acétique et les bandages et s'occuper de ses propres blessures ? Ne peut-elle s'entraîner elle-même à substituer un mot gentil, un sourire, dans tous ses rapports avec l'enfant, au baiser et à l'embrassade, au portage et au cajolement ? Par dessus tout, ne peut-elle apprendre à se tenir à l'écart de l'enfant une grande partie de la journée, puisque le conditionnement à l'amour doit se faire de toute façon, même si l'on s'en garde scrupuleusement, au travers de l'alimentation et du bain ?

Je souhaite parfois que nous vivions dans une communauté de foyers où chaque maison serait pourvue d'une nourrice bien formée afin que les bébés soient nourris et baignés chaque semaine par une nourrice différente (p. 83). Il y a peu, j'ai eu l'occasion d'observer un enfant qui eut, pendant un an et demi, une nourrice bien trop tendre et compréhensive. Cette nourrice dut partir. Lorsqu'une nouvelle nourrice arriva, l'enfant pleura trois heures durant, se calmant, de temps en temps, seulement le temps de reprendre sa respiration. La nourrice dut partir à la fin du mois et une nouvelle nourrice arriva. Cette fois, l'enfant pleura seulement une demi-heure, lorsque la nouvelle nourrice le prit en charge. De nouveau, comme cela arrive souvent dans les maison bien organisées, la deuxième nourrice resta seulement deux semaines. Lorsque la troisième nourrice arriva, l'enfant s'approcha d'elle sans un murmure. D'une certaine manière, je ne peux m'empêcher de souhaiter qu'il soit possible, également, de faire tourner les mères, à l'occasion ! À moins qu'elle ne soit vraiment très avisées.

Il est certain qu'une mère, si nécessaire, devrait laisser son enfant pendant une période assez longue afin que le conditionnement excessif s'amenuise. Si vous n'avez pas de nourrice et que vous ne pouvez laisser l'enfant, laissez-le dans le jardin de derrière une grande partie de la journée. Mettez une barrière tout autour du jardin afin qu'il ne court aucun danger. Faites cela dès sa naissance. Lorsque l'enfant peut marcher à quatre pattes, mettez lui un bac à sable et assurez-vous de creuser de petits trous dans le jardin afin qu'il doive y entrer et en sortir en rampant. Laissez-le apprendre à surmonter les difficultés à l'écart de votre surveillance. (…).

En conclusion, vous rappellerez-vous alors, lorsque vous serez tentés de chouchouter votre enfant, que l'amour maternel est un instrument dangereux ? Un instrument qui peut infliger une blessure à jamais inguérissable, une blessure qui peut rendre l'enfance malheureuse, faire de l'adolescence un cauchemar, un instrument qui peut dévaster le futur professionnel de votre fils ou de votre fille adultes, ainsi que leurs chance de bonheur conjugal. (p. 87)

(…) La formation moderne nécessite toujours une vie ordonnée. Habituellement, de l'âge de un an à trois ans, les pédiatres spécifient qu'il faut donner du jus d'orange aux enfants qui se réveillent le matin. Les enfants qui dorment convenablement se réveillent à un certain horaire. L'heure du réveil peut facilement être fixé à 6h30. Il faudrait donner le jus d'orange à cette heure régulièrement chaque matin, et l'enfant devrait être mis sur les toilettes pour soulager sa vessie (uniquement). Remettez l'enfant au lit et permettez lui de s’asseoir dans le lit et de jouer calmement tout seul avec un ou deux jouets choisis. Il devrait être levé à 7h, nettoyé légèrement à l'éponge, habillé et il devrait recevoir son petit-déjeuner à 7h30 ; ensuite on devrait lui permettre de jouer bruyamment jusqu'à 8h, puis il devrait être mis sur les toilettes pendant vingt minutes ou moins (jusqu'à ce que les selles soient complètement évacuées). Le bébé, à partir de l'âge de huit mois, devrait avoir un siège de toilette spécial sur lequel il puisse être attaché en toute sécurité. Il faudrait laisser l'enfant dans les toilettes, sans jouet et la porte fermée. En aucun cas, il ne faudrait laisser la porte ouverte ou que la mère ou la nourrice restassent avec l'enfant. Il s'agit d'une règle qui est presque universellement transgressée. Si elle est transgressée, cela conduit à de la perte de temps, à de la discussion bruyante, et en général, à un comportement antisocial et dépendant. (p. 121-122)


Extraits originaux

Once at the close of a lecture before parents, a dear old lady got up and said, ''Thank God, my children are grown – and I had the chance to enjoy them before I met you.''

Doesn't she express the weakness in our modern way of bringing up children ? We have children to enjoy them. We need to express our love in some way. The honeymoon period doesn't last forever with all husbands and wives, and we eke it out in a way we think is harmless by loving our children to death. Isn't this especially true of the mother today ? No matter how much she may love her husband, he is away all day ; her heart is full of love which she must express in some way. She expresses it by showering love and kisses upon her children – and thinks the world should laud her for. And it does. (…)

It is true that parents have got away from rocking their children to sleep. You find the cradle with rockers on it now only in exhibits of early American furniture. You will say that we have made progress in this respect at any rate. This is true. Dr. Holt's book on the care of the infant can take credit for this education. But it is doubtful if mothers would have given it up if home economics had not demanded it. Mothers found that if they started training the infant at birth, it would learn to go to sleep withour rocking. This gave the mother time for household duties, gossiping, bridge and shopping. Dr Holt suggested it ; the economic value of the system was easy to recognize.

But it doesn't take much time to pet and kiss the baby. You can do it when you pick him up from the crib after a nap, when you put him to bed, and especially after his bath. What more delectable to the mother than to kiss her chubby baby from head to foot after the bath ! And it takes so little time !

To come back to the mechanics of love and affection. Loves grow up in children just like fears. Loves are home made, built in. In other words loves are conditioned. You have everything at hands all day long for setting up conditionned love responses. (…).

We have to stick to our jobs in commercial and professionnal life regardless of headaches, toothaches, indigestion and other tiny ailments. There is no one there to baby us. If we cannot stand this treatment we have to go back home where love and affection can again be commandeered. If at home we cannot get enough coddling by ordinary means, we take to our armchairs or even to our beds. Thereafter we are in a secure position to demand constant coddling.

You can see invalidism in the making in the majority of American homes. Here is a picture of a child over-conditioned love. The child is alone putting his blocks together, doing something with his hands, learning how to control his environment. The mother comes in. Constructive play ceases. The child crawls its way or runs to the mother, takes hold of her, climbs into her lap, puts its arms around the neck. The mother, nothing loath, fondles her child, kisses it, hugs it. I have seen this go on for a two-hour period. If the mother who has so conditioned her child attempts to put it down, a heartbroken wail ensues. Blocks and the rest of the world have lost their pulling power. If the mother attempts to leave the room or the house, a still more heartbroken cry ensues. Many mothers often sneak away from their homes the back way in order to avoid a tearful, wailing parting.

Now over-conditioning love is the rule. Prove it yourself by counting the number of times your child whines and wails ''Mother''. All over the house, all day long, the two-year-old and the four-year-old whine ''Mamma, Mamma'', ''Mother''. Now these love responses wich the mother or father is building in by over conditioning, in spite of what the poet and the novelist may have to say, are not constructive. They do not fight many battles for the child. They do not help it to conquer the difficulties it must meet in its environment. Hence just to the extent to which you devote time to petting and coddling – and I have seen almost all the child's waking hours devoted to it – just to that extent do you rob the child of the time which he should be devoting to the manipulation of his universe, acquiring a technique with fingers, hands and arms. He must have time to pull his universe apart and put it together again. Even from this standpoint alone – that of robbing the child of its opportunity for conquering the world, coddling is a dangerous experiment.

The mother coddles the child for two reasons. One, she admits ; the other, she doesn't admit because she doesn't know that it is true. The one she admits is that she wants the child to be happy, she wants it to be surrounded by love in order that it may grow up to be a kindly, goodnatured child. The other is that her own whole being cries out for the expression of love. Her mother before her has trained her to give and receive love. She is starved for love – affection as she prefers to call it. It is at bottom a sex-seeking response in her, else she would never kiss the child on the lips. Certainly, to satisfy her professed reason for coddling, kissing the youngster on the forehead, on the back of the hand, patting it on the head once in a while, would be all the petting needed for a baby to learn that it is growing up in a kindly home.

But even granting that the mother thinks she kisses the child for the perfectly logical reason of implanting the proper amount of affection and kindliness in it, does she succeed ?

The fact I brought out before, that we rarely see a happy child, is proof to the contrary. The fact that our children are always crying and always whining shows the unhappy, unwholesome state they are in. Their digestion is interfered with and probably their whole glandular system is deranged.

Should the mother never kiss the baby ?

There is a sensible way of treating children. Treat them as though they were young adults. Dress them, bathe them with care and circumspection. Let your behavior always be objective and kindly firm. Never hug and kiss them, never let them sit on your lap. If you must, kiss them once on the forehead when they say good night. Shake hands with them in the morning. Give them a pat on the head if they have made an extraordinary good job of a difficult task. Try it out. In a week's time you will find how easy it is to be perfectly objective with your child and at the same time kindly. You will be utterly ashamed of the mawkish, sentimental way you have been handling it. (p. 81-82).

If you expected a dog to grow up and be useful as a watch dog, a bird dog, a fox hound, useful for anything except a lap dog, you wouldn't dare treat it the way you treat your child. When I hear a mother say "Bless its little heart" when it falls down, or stubs its toe, or suffers some other ill, I usually have to walk a block or two to let off steam. Can't the mother train herself when something happens to the child to look at its hurt without saying anything, and if there is a wound to dress it in a matter of fact way? And then as the child grows older, can she not train it to go and find the boracic acid and the bandages and treat its own wounds ? Can't she train herself to substitute a kindly word, a smile, in all of her dealings with the child, for the kiss and the hug, the pickup and coddling ? Above all, can’t she learn to keep away from the child a large part of the day since love conditioning must grow up anyway, even when scrupulously guarded against, through feeding and bathing ?

I sometimes wish that we could live in a community of homes where each home is supplied with a well-trained nurse so that we could have the babies fed and bathed each week by a different nurse (p. 83). Not long ago I had the opportunity to observe a child who had an over sympathetic and tender nurse for a year and half. This nurse had to leave. When a new nurse came, the infant cried for three hours, letting up now and then only long enough to get its breath. This nurse had to leave at the end of a month and a new nurse came. This time the infant cried only half an hour when the new nurse took charge of it. Again, as often happens in well regulated homes, the second nurse stayed only two weeks. When the third nurse came, the child went to her without a murmur. Somehow I can't help wishing that it were possible to rotate the mothers occasionnally too ! Unless they are very sensible indeed.

Certainly a mother, when necessary, ought to leave her child for a long enough period for over-conditioning to die down. If you haven't a nurse and cannot leave the child, put it out in the backyard a large part of the day. Build a fence around the yard so that you are sure no harm can come to it. Do this from the time it is born. When the child can crawl, give it a sandpile and be sure to dig some small holes in the yard so it has to crawl in and out of them. Let it learn to overcome difficulties almost from the moment of birth. The child should learn to conquer difficulties away from your watchful eye. (p. 84) (…).

In conclusion won’t you then remember when you are tempted to pet your child that mother love is a dangerous instrument? An instrument which may inflict a never healing wound, a wound which may make infancy unhappy, adolescence a nightmare, an instrument which may wreck your adult son or daughter’s vocational future and their chances for marital happiness. (p. 87.) (…).

Modern training calls always for an orderly life. Usually from 1 year of age to 3 pediatricians specify that orange juice shall be given when the child wakes up in the morning. Children who sleep properly awaken on a schedule. The waking time can easily be set for 6:30. The orange juice should then be given regurlarly at that hour every morning, the child put on the toilet for the relief of the bladder (only). Put the child back to bed and allow it to sit up in bed and play quietly alone with one or two chosen toys. It should be taken up at 7 o'clock, sponged lightly, dressed and given its breakfast at 7:30 ; then allowed to romp until 8, then put upon the toilet for 20 minutes or less (until the bowel movement is complete). The infant from 8 months of age onward should have a special toilet seat into which he can be safely strapped. The child should be left in the bathroom without toys and with the door closed. Under no circumstances should the door be left open or the mother or nurse stay with the child. This is a rule which seems to be almost universally broken. When broken it leads to dawdling, loud conversation, in general to unsocial and dependent behavior. (p. 121-122).


Références

James B. Watson, Psychological Care of Infant & Child, Norton Press, 1928. 


Extraits de texte et éléments biographiques trouvés dans : 

 - Henry Jenkins (dir.), The Children's Culture Reader, New York University Press, New York et Londres, 1998, chapitre 29 : Against the Threat of Mother Love (1928), John B. Watson. 

- Carol Magai, Susan H. McFadden, The Role of Emotions in Social and Personality Development. History, Theory, and Research, coll. Emotions, Personality and Psychotherapy, Plenum Press, New York, 1995, p. 104. 

La version française des extraits originaux anglais est le fait de l'auteur de ce blog.

vendredi 21 septembre 2012

La surprotection parentale, selon D. Bailly, 2005


Plusieurs auteurs ont fait la constatation suivante : les parents des enfants inhibés et présentant des troubles anxieux ont eux-mêmes des taux significativement plus élevés de troubles anxieux, comparativement aux parents des enfants ne présentant qu'une inhibition comportementale et aux parents des enfants ne présentant ni inhibition comportementale, ni troubles anxieux.

Autrement dit, la présence chez les parents de troubles anxieux augmente le risque pour un enfant inhibé de développer lui-même des troubles anxieux. On sait maintenant que ce ne sont pas tant les troubles anxieux en eux-mêmes qui vont ici jouer un rôle, mais plutôt les attitudes de surprotection et d'hypercontrôle que l'on retrouve fréquemment chez les parents présentant des troubles anxieux.

Dans le cas du trouble anxiété de séparation, ces attitudes de surprotection et d'hypercontrôle semblent intervenir de façon à la fois directe et indirecte.

De façon indirecte, elles renforcent la stabilité de l'inhibition comportementale, ce qui augmente le risque chez les enfants inhibés de développer un trouble anxiété de séparation.

De façon directe, nous y reviendrons, elles interviennent elles-mêmes dans le développement du trouble anxiété de séparation en faisant obstacle au processus de « désensibilisation naturelle » que vivent habituellement les enfants vis-à-vis de la peur de séparation (…) (p.97-98).


Les attitudes de surprotection

Dans le même ordre d'idées, des attitudes parentales de surprotection, d'hypercontrôle et de critique exagérée peuvent aussi, directement ou en interaction avec d'autres facteur de risque, favoriser le développement de troubles anxieux chez l'enfant (22, 23).

- Les mises en garde, voire les interdictions répétées,
- le besoin constant d'avoir son enfant dans son champ visuel, de savoir où il est, ce qu'il fait, avec qui,
- les réactions inopportunes de précipitation dès qu'il lui arrive quelque chose,
- les pressions excessives concernant sa conduite

sont des attitudes fréquemment retrouvées chez les parents d'enfants présentant un trouble anxiété de séparation, en particulier chez les mères.

Comme on l'a vu, ces attitudes de surprotection et d'hypercontrôle sont susceptibles d'intervenir dans la genèse du trouble anxiété de séparation :

- soit directement,
- soit en favorisant le développement d'un style d'attachement anxieux,
- soit encore en interagissant avec le tempérament de l'enfant.

Plus globalement, les attitudes parentales de surprotection et d'hypercontrôle peuvent interférer avec les processus d'acquisition par l'enfant de compétences sociales et de stratégies de résolution de problèmes efficaces, entraînant ainsi chez lui des difficultés à faire face aux événements de la vie stressants.

Elles peuvent entraîner chez l'enfant des doutes sur sa valeur personnelle et un manque de confiance dans ses capacités de réussite (24).

- Acquérir l'estime de soi,
- apprendre à faire face aux événements de la vie,
- à résister aux pressions sociales,
- apprendre à s'affirmer,
- à négocier,
- à résoudre les problèmes interpersonnels,
- s'impliquer dans la vie communautaire,
- développer ses centres d'intérêts

sont autant de domaines au travers desquels l'enfant doit pouvoir appréhender ses propres limites mais aussi découvrir ses ressources personnelles pour y faire face.

Les enfants produisent spontanément des mécanismes d'adaptation. Ils sont inventifs pourvu qu'on les aide à mettre en mouvement leurs capacités créatrices ?

Au contraire, 

- en excluant la spontanéité des expériences vécues par l'enfant,
- en l'empêchant d'expérimenter ses propres capacités d'adaptation,
- en l'empêchant d'expérimenter son aptitude au compromis,

l'enfant va progressivement apprendre à faire ce qu'il pense qu'on attend de lui. Il va progressivement apprendre à ressembler à l'enfant imaginaire que les parents portent en eux, répondant à tout ce qu'ils attendent de lui. Ce faisant, l'enfant ne pourra fonctionner de manière adéquate qu'en référence au modèle de ses parents. Dans les situations requérant sa participation active, dans les relations de la vie quotidienne, à l'école ou ailleurs, il risque d'être mis en difficulté s'il ne trouve pas dans l'environnement les conditions nécessaires au maintien de son équilibre.

Les comportements de dépendance, d'agrippement et de recherche de proximité physique, qui se manifestent dans le trouble anxiété de séparation, peuvent ainsi être encouragés par les attitudes parentales. (…)

De telles attitudes de surprotection et d'hypercontrôle se rencontrent fréquemment chez les parents qui présentent eux-mêmes des troubles anxieux.

Mais elles peuvent aussi être induites par l'enfant : les réponses affectives et le style éducatif des parents dépendent en partie des caractéristiques individuelles de l'enfant. Elles peuvent ainsi être induites par les traits de tempérament que présente l'enfant. Avoir un enfant inhibé, timide et réservé peut conduire certains parents à le surprotéger en lui évitant toute confrontation aux situations qui le gênent et le mettent mal à l'aise, et ce d'autant plus que l'enfant est jeune.

De même, elles peuvent être induites par des événements tenant à l'histoire de l'enfant. Avoir un enfant fragile (ou pensé comme tel), prématuré, handicapé ou malade, ou un enfant « précieux », né après le décès d'un autre enfant, ou par insémination artificielle peut conduire certains parents à adopter envers lui des attitudes de surprotection anxieuse.

Mais vouloir toujours nourrir son enfant plutôt que de l'aider à apprendre à se nourrir c'est aussi risquer de e conduire à mourir de faim si l'on est plus là. (p. 128-130)


Référence

Daniel Bailly, La peur de la séparation. De l'enfance à l'âge adulte, Odile Jacob, Paris, mai 2005. La présentation du texte ici proposé est le fait de l'auteur de ce blog.

jeudi 20 septembre 2012

La surprotection maternelle selon D. Levy, 1943


Dans un travail sur la surprotection maternelle dans lequel il réunit la sensibilité du clinicien et le souci de contrôle et de systématisation de l'expérimentateur, D. Levy (1943) a essayé de décrire la genèse d'une relation enfant-parent particulière, et de comprendre les conséquences qu'elle a pour le développement de la personnalité.

À cet effet, Levy choisissait un certain nombre de « cas purs » permettant d'approcher la rigueur de l'étude bien contrôlée, et les étudiait ensuite en profondeur à la façon du clinicien.

En étudiant des mères surprotectrices, Levy trouvait que leur relation à leur enfant présentait trois caractéristiques :

- un contact excessif,
- des soins maternels prolongés,
- et un comportement qui empêche l'accession à l'indépendance,

et que cette surprotection se trouvait chez des mères qui souffraient d'un manque d'affection parentale dans leur enfance.

Leur attitude surprotectrice semble donc en rapport avec leurs propres expériences d'enfant et représenter une satisfaction substitutive de leur propres besoin d'affection.

Il faut cependant remarquer que le comportement surprotecteur semblait avoir des motivations diverses et que l'on a décrit différents types sont l'exemple donné ici est celui dans lequel la surprotection portait sur un enfant désiré et se manifestait dans un comportement affectueux.

Dans d'autres cas de surprotection, des mères luttaient avec des sentiments de rejet de l'enfant, dans d'autres encore la surprotection se trouvait associée à la domination ou à la faiblesse de la mère.

Concernant l'effet de ces types de surprotection, Levy constate que les enfants de mères surprotectrice-dominatrices tendent à être :

- dociles,
- soumis,
- polis,
- appliqués en classe
- et à avoir peu d'amis.

Les enfants de mères surprotectrices faibles, par contre, montrent une tendance à être :

- tyranniques,
- désobéissants,
- exigeants,
- à manquer de contrôle
- et à faire l'enfant gâté.


Référence

Winfrid Huber, Introduction à la psychologie de la personnalité, Pierre Mardaga, Liège, 1995, p. 134-135.

mercredi 23 mai 2012

Faut-il châtier corporellement les élèves à l'école ?, Augsbourg, 1862.


Monsieur le Directeur,

Permettez-moi de compléter aujourd'hui ce que je vous disais dans ma dernière lettre au sujet des congrès sans nombre qu'a vus éclore en Allemagne le mois de septembre. J'en ai omis un des plus curieux, et ce serait vraiment dommage de priver les lecteurs de la Revue Britannique des belles choses qui se sont dites à Augsbourg dans le Congrès des philologues, maîtres d'école, orientalistes et germanistes allemands. Cette savante assemblée de pédagogues a discuté avec une passion, une véhémence dignes d'une Chambre des députés français, la question de savoir : 

1° s'il était convenable d'infliger aux enfants des châtiments corporels ; 

2° de quel genre devaient être ces châtiments. 

Le soufflet, le bâton, les lanières et les verges ont trouvé des partisans convaincus et, disons-le aussi, d'intraitables adversaires. M. Dietsch, qui prit le premier la parole, déclara que l'assemblée devait d'autant moins se prononcer en faveur des châtiments corporels, que le gouvernement russe lui-même les avait interdits dans toutes les écoles de l'empire par motif d'humanité. 

À quoi M. Eckstein répondit qu'il était hors de propos d'invoquer l'exemple de la Russie, puisque dans tous les États allemands on avait pour principe d'éviter l'emploi des châtiments corporels, et qu'il s'agissait uniquement de savoir dans quels cas on pourrait donner un soufflet

Le conseiller de régence Firnhaber fit observer qu'un soufflet n'était pas un châtiment corporel ; qu'on ne désignait sous ce nom que ceux qui sont infligés avec un bâton ou quelque autre instrument semblable. « L'ordonnance de 1817, encore en vigueur dans le duché de Nassau, prescrit, dit l'orateur, comme instrument légal une courroie large de deux pouces et épaisse de trois. Mais j'ai trouvé les dimensions de cette courroie si variables, selon le caractère de chaque instituteur, qu'en vérité je ne saurais admettre l'emploi de cet affreux instrument ; je vote donc pour le bâton. » Ce bon M. Firnhaber !
Le professeur Schmitz, prenant la parole à son tour, s'exprime en ces termes : « Il faut établir l'éducation sur des bases chrétiennes. Or, il est dit dans la Bible : « Que celui qui aime son enfant le tienne sous la verge ! » En conséquence, je vote pour l'emploi des verges. » Cet excellent M. Schmitz!

Un autre membre du congrès eut beau lui faire observer que ce n'était là qu'une expression figurée pour dire qu'on doit être sévère envers l'enfant qu'on aime, il n'en voulut pas démordre. La Bible ne peut avoir tort, et, pour ne pas se perdre dans les interprétations, il est plus sage, selon lui, de la prendre au pied de la lettre. Des verges donc, des verges au nom du Christ et de la Bible !

Cependant le docteur Wiegand s'étant prononcé énergiquement contre l'emploi de tous ces moyens, y compris le soufflet, par cette raison assez péremptoire que « l'instituteur doit former la tête de l'enfant, et non la déformer en la frappant, » la docte et clémente assemblée finit par décider que le maître pourrait, en certains cas, et sous sa responsabilité personnelle, appliquer, non pas un soufflet, mais une calotte, comme disent les écoliers. Ce délicat euphémisme eut un succès complet, et la calotte fut votée d'enthousiasme.

Pourquoi donc ces messieurs, afin de prononcer en connaissance de cause, n'ont-ils pas essayé sur eux-mêmes chacun des moyens en discussion ? Pourquoi aussi les élèves n'étaient-ils pas représentés dans une réunion où s'agitaient des questions qui les touchent de si près ? Assurément leur avis n'eût pas été sans quelque valeur, et tous ces calotteurs à qui la main démange eussent trouvé à qui parler. L'enfant a, plus qu'on ne pense, le sentiment de sa dignité; il aime et respecte ceux qui l'instruisent, mais il ne tarde pas à prendre en haine et à mépriser ceux qui le frappent. Le maître qui se laisse aller à la colère s'amoindrit aux yeux de son élève à qui rien n'échappe, et auquel les châtiments corporels n'ont jamais appris qu'une seule chose : faire le mal sans hésiter dès qu'il ne craint plus les verges ou le bâton du maître.

Ce congrès de pédagogues frappeurs, vraiment instructif pour les jeunes élèves, — juvenes alumni ! — ne l'est pas moins pour leurs papas. N'est-ce pas ainsi que souvent les régents des peuples discutent entre eux sur la manière de les châtier sans les faire crier trop fort ? Il y a toutefois cette différence entre les enfants et les hommes, que les enfants repoussent énergiquement et sans discussion tout châtiment brutal, tandis que, depuis des siècles, leurs pères sont assez sots pour faire comme les anguilles et les grenouilles de Bruscambille qui disputent contre les cuisiniers, prétendant être écorchées les unes par la queue, les autres parla tête. O Menschen ! (ô hommes!) s'écriait souvent Weisshaupt, le fondateur de l'illuminisme. O Menschen ! répéterai-je après lui, vous serez donc toujours plus enfants que vos enfants !
Référence.
Abraham Rolland, « Correspondance d'Allemagne », Revue britannique, tome 5,  Paris, 1862, p. 213-215.

lundi 21 mai 2012

Les enfants sont mal élevés, selon le Dr Dally, 1869


Rien ne va plus, Mesdames, Messieurs ! Ah, les enfants, ma bonne dame, les enfants d'aujourd'hui... Ce genre de réflexions étaient vraisemblablement en cours en 1869, ainsi que la certitude de déjà tout savoir sur les enfants et la manière de les élever correctement.

(...)

Qu'on le sache bien, l'éducation morale commence, pour ainsi dire, avec la vie ; il n'y a sur ce point aucun doute, et les auteurs des travaux que nous avons examinés le reconnaissent unanimement. Les impressions si vives d'un enfant grandissent avec lui, et si, dès les premiers mois, vous n'avez pas dirigé vos enfants dans la voie de l'obéissance, du respect, de la régularité ; si vous avez cédé à tous leurs caprices, obéi à leurs cris, flatté leur gourmandise, vous avez encouragé leurs premiers pas dans la voie du mal.

Il y a là dans la société actuelle une plaie affligeante. Le nombre des enfants mal élevés, ou comme le dit si bien l'expression familière, des enfants gâtés, croît chaque jour ; ceux que l'on me permettra d'appeler nos anciens dans la vie en font souvent la remarque ; or, c'est dès la première enfance que se dessine, et chez les parents et chez les enfants, cette déplorable tendance. Rien n'est plus curieux à observer que l'étonnante disposition que montrent les plus petits enfants à connaître les faiblesses de ceux qui les entourent et à se rendre maîtres de la situation, en les exploitant; peu à peu ces tyrans instinctifs s'emparent de votre raison et finissent par vous gouverner par la pitié ou l'obsession qu'ils déterminent. On rejette sur leur jeune âge les fautes incessantes qu'ils commettent, et quand on veut réagir, il est trop tard, le mauvais pli est pris. « L'habitude où l'on est de se mal comporter en de petites choses qui reviennent souvent, dit Platon dans son traité de l'Éducation, fait qu'on en vient ensuite à violer les lois écrites. » (Lois, liv. VII.) Paroles mémorables dignes de servir de précepte à toute l'éducation morale.

Qui n'a présents à l'esprit de nombreux exemples de ces jeunes indisciplinés qui sont l'objet d'une admiration constante, dont on excuse toutes les fautes, et qui, bruyants, insolents, inhospitaliers, vaniteux, sont élevés dans des idées de supériorité de caste et de fortune, alors même que les préjugés de la naissance ou les réalités de la fortune n'ont aucune raison plausible !

En vérité, je ne sais à quoi attribuer le relâchement si fréquent des liens naturels de la famille et des devoirs réciproques de ses membres, mais je n'hésite pas à croire qu'il en résulte une augmentation notable de la perversité humaine et de la criminalité. Un enfant qui n'est pas élevé avec l'idée permanente qu'il n'a que des devoirs, emporte avec lui, dans le voyage de la vie, le germe d'une maladie morale.

La question qui maintenant se présente est de savoir si l'hygiène physique et morale de l'enfance est assez scientifique, assez positive pour lutter avantageusement contre l'ignorance, la superstition, les préjugés et surtout contre l'indifférence du public. Je n'hésite pas à répondre par l'affirmative. Tous les éléments sur lesquels repose l'art d'élever les enfants sont empruntés aux parties les plus rigoureuses des sciences biologiques. Nous savons comment un enfant naît, croit se développe ; nous connaissons exactement ses besoins et ses ressources ; nous évaluons, ligne par ligne, les phases de ses diverses évolutions ; nous savons ce qui l'attend, ce qui le menace, et de chaque chose ce qu'en peut espérer, ce qu'on doit craindre.

Référence.

Dr Dally, Observations sur le mémoire : L'éducation physique et morale de l'enfant, depuis la naissance jusqu'à l'achèvement de la première dentition, rapportées,  par fragment, dans : Louis-Auguste Martin, Annuaire philosophique, examen critique des travaux de physiologie, de métaphysique et de morale accomplis dans l'année, tome 6, Librairie Ernest Lachaud, Paris, 1869, p. 247-248.

dimanche 20 mai 2012

Les dangers du châtiment corporel excessif et nuisible, selon L. Cobb, 1847.



Le texte suivant présente les objections majeures, selon l'auteur, qui s'opposent au fait, pour un parent ou un maître, de punir un enfant corporellement. L'auteur évoque ici le bâton ou le martinet. Mais les objections seraient sans doute les mêmes concernant l'emploi encore actuel de la fessée par la main, qui présente les mêmes inconvénients et peut occasionner les mêmes douleurs...



Objections to the use of the rod. 
Objections à l'utilisation du bâton.


Objection I. — No parent or teacher knows, when he commences, how long or how severely he must punish a boy, before he will yield.

Objection I. – Aucun parent ou maître ne sait, lorsqu'il commence, combien de temps et avec quelle sévérité, il doit punir un garçon, avant que celui-ci ne cède.

Objection II.— When a boy does not readily yield to the flogging inflicted on him, the parent or teacher generally becomes angry.

Objection II. – Lorsqu'un garçon ne cède pas facilement à la correction qui lui est infligée, le parent ou le maître se met généralement en colère.

Objection III. — Because few, very few children ever do wrong for the sake of doing wrong, as such.

Objection III. – Parce que peu, très peu d'enfants font toujours le mal pour le plaisir de le faire en tant que tel.

Objection IV. — Because parents and teachers, when impatient or in anger very often punish their children or pupils for a trifling matter.

Objection IV. – Parce que les parents et les maîtres, lorsqu'ils sont impatients ou en colère,  punissent très souvent leurs enfants pour une bagatelle.

Objection V. — Because parents and teachers very often whip their children or pupils in anger or under excitement, when the anger or excitement has not been product by the crime or offence.

Objection V. – Parce que les parents ou les maîtres fustigent souvent leurs enfants ou leurs élèves sous l'effet de la colère ou de l'excitation, alors que la colère ou l'excitation n'a pas été provoquée par le crime ou le délit.

Objection VI. — Because parents and teachers who are in the constant habit of whipping their children or pupils, are very apt to be equally severe for unintentional as for intentional wrongs.

Objection VI. Parce que les parents et les maîtres qui ont l'habitude continuelle de fustiger leurs enfants ou leurs élèves, sont tout à fait capables de se montrer pareillement sévères pour les fautes non-intentionnelles comme pour les fautes intentionnelles.

Objection VII. — Because it very frequently, if not always, produces physical injury to the child on whom it is inflicted.

Objection VII. – Parce que cela cause très fréquemment, si ce n'est systématiquement, une lésion physique à l'enfant auquel il est infligé.

Objection VIII — Because there is so great a difference of opinion among parents and teachers about the proper age to commence or to leave off whipping.

Objection VIII. – Parce qu'il existe une si grande variété d'opinions, parmi les parents et les maîtres, lorsqu'il s'agit de déterminer l'âge approprié auquel commencer ou cesser la fustigation.

Objection IX. — It is one of the very greater causes of trouble in the domestic circle, particularly between the FATHER and MOTHER.

Objection IX. – Cela constitue l'une des plus grandes causes de problème au sein du cercle familial, particulièrement entre le PÈRE et la MÈRE.

Objection X. — Because all parents are opposed to having their children whipped by OTHERS, whatever their own practice may be.

Objection X. – Parce que tous les parents sont opposés au fait que leurs enfants soient fustigés par d'autres qu'eux, quelque puisse être leur propre façon de faire.

Objection XI. — It is an indirect system of giving a PREMIUM for LYING, particularly when the anticipated whipping has been preceded by THREATENING.

Objection XI. – Cela constitue un système indirect de PRIME au MENSONGE, particulièrement lorsque la fustigation anticipée a été précédée de MENACE.

Objection XII. — Because it is very often inflicted in consequence of the representations of others ; or, by the system of informers.

Objection XII. – Parce que cela est souvent infligé suite aux rapports d'autres personnes ; ou dans le cadre du système de dénonciation.

Objection XIII. — Because it is often practised by indiscreet teachers as AN EXAMPLE only.

Objection XIII. – Parce que cela est souvent utilisé, par des maîtres empressés, seulement pour l'exemple.

Objection XIV. — Because it DESTROYS OR PREVENTS the greater part of the enjoyment and pleasure which should exist between parents and children, and between teachers and pupils.

Objection XIV. – Parce que cela DÉTRUIT ou ENTRAVE, en grande partie, la gaieté et le plaisir qui devraient exister entre parents et enfants, ainsi qu'entre maîtres et élèves.

Objection XV. — Because both parents and teachers are apt, very often, to PUNISH HASTILY.

Objection XV. – Parce que les parents et les maîtres sont capables, très souvent, de PUNIR AVEC PRÉCIPITATION.

Objection XVI. — Because many indiscreet parents and teachers flog their children or pupils for "playing truant," or to compel them to go to school.

Objection XVI. – Parce que beaucoup de parents et de maîtres empressés administrent une correction à leurs enfants ou élèves pour avoir fait l'« école buissonnière », ou pour les contraindre à fréquenter l'école.

Objection XVII. — Because often, very often, it becomes the will of the parent or teacher — the matter of might or brute force merely.

Objection XVII. – Parce que, souvent, très souvent même, cela se résume à la volonté du parent ou du maître – c'est-à-dire à une simple question de puissance ou de force brutale.

Objection XVIII. — Because, nine times in ten, the least guilty are detected and punished for the violation of school regulations or other improper or mischievous conducts.

Objection XVIII. – Parce que, neuf fois sur dix, ce sont les enfants les moins coupables qui se font prendre et punir pour la violation de règles scolaires ou d'autres comportements inappropriés ou polissons.

Objection XIX. — Because parents and teachers often whip their children or pupils for deficiencies in their lessons.

Objection XIX. – Parce que les parents et les maîtres fustigent souvent leurs enfants ou leurs  élèves en raison d'insuffisances en matière de leçons.

Objection XX. — Because often, verv often, parents and teachers very indiscreetly and unjustly too, whip their children or pupils after they really regret having done the wrong act, are heartily sorry, and sincerely repent.

Objection XX. – Parce que, souvent, très souvent même, les parents et les maîtres fustigent, de façon très empressée et aussi, très injuste, leurs enfants ou élèves après qu'ils ont vraiment regretté avoir mal fait, qu'ils sont chaudement désolés et sincèrement repentants.

Objection XXI. — Because when children or pupils leave their home or school, they are to be REASONED with : not whipped or BEATEN.

Objection XXI. – Parce que, lorsque les enfants ou les élèves quittent leur maison ou leur école, ils doivent ÊTRE PERSUADÉS PAR LA RAISON, et non pas FUSTIGÉS ou BATTUS.

Objection XXII. — Because many teachers, who practise flogging, have the rods or ferulas on their desks, or carry them in their hands, by which they are led to inflict blows when they would not, if the rod or ferula were not on their desks or in their hands.

Objection XXII. – Parce que de nombreux maîtres, qui pratiquent la correction, ont sur leurs bureaux les baguettes ou les férules, ou les portent à la main, ce qui les conduit à infliger des coups, alors qu'ils ne le feraient pas, si cela n'était pas le cas. 

Objection XXIII. — Because it almost always produces revengeful feelings on the part of the child or pupil towards the parent or teacher. 

Objection XXIII. – Parce qu'il suscite presque toujours des désirs de vengeance du côté de l'enfant ou de l'élève à l'égard du parent ou du maître.

Objection XXIV. — Because the system of incessant flogging debases and hardens the mind and feelings of those parents and teachers who practise it, and causes them to become intolerant, dogmatical, and irritable, particularly the teacher ; who, usually, by the constant use of the whip or ferula, is levelled to the scale of mere tyrannical PEDAGOGUE, instead of being elevated to that of a noble dignified, and intelligent teacher. 
Objection XXIV. – Parce que le système de la fustigation incessante avilit et endurcit l'esprit et la sensibilité des parents et des maîtres qui l'utilisent, et les amène à devenir intolérants, dogmatiques, et irritables, et tout particulièrement le maître ; lui qui, normalement, par l'usage habituel du fouet ou de la férule, est mis au rang du simple pédagogue tyrannique, au lieu de s’élever à celui du maître noble, digne et intelligent.

Objection XXV. Because, in the hands of ill-disposed or evil-minded teacher, it is, and ever will be, the method by which they exhibit their spleen, malice or partiality, or wreak their vengeance on those pupils who may have, in some unguarded moment or from a sense of duty, spoken their opinion of their bad management in teaching or governing their school, or of their inability to teach some subjects in which they profess to instruct their pupils.

Objection XXV. – Parce que, dans les mains d'un maître mal-disposé ou mal-intentionné, c'est, et ce sera toujours, la méthode par laquelle ils manifestent leur mauvaise humeur, leur méchanceté ou leur partialité, ou assouvissent leur vengeance sur des élèves qui ont pu, en l'absence de surveillance ou par sens du devoir, exprimer leur opinion concernant leur  façon mauvaise d'enseigner ou de diriger l'école, ou leur incapacité d'enseigner certains sujets dans lesquels ils prétendent instruire leurs élèves.

Objection XXVI. – Because it is a well known, and generally believed fact, that, in those schools in which there is the greatest amount of whipping and other corporal punishhment
there is usually the very worst government and the very poorest order.

Objection XXVI. – Parce qu'il est bien connu, et généralement considéré comme un fait, que dans les écoles, en lesquelles est distribué le plus grand nombre de fustigations et autres châtiments corporels, il existe généralement la pire des directions et l'ordre le plus fragile.

(...) 

Objection XXVIII. – Because, nine times in ten, the practice of flogging has a degrading and debasing influence on those children or pupils who are flogged ; particularly, if it be done in the presence of fhe family or school.

Objection XXVIII. – Parce que, neuf fois sur dix, l'utilisation de la correction a une influence dégradante et avilissante sur les élèves qui sont ainsi corrigés ; particulièrement si cela est fait en présence de la famille ou de l'école toute entière.

Objection XXIX. – Because there is a greater amount of fighting and quarrelling, and less harmony in those families and schools in which flogging is thoroughly and constanly practised, than in those in which it is only occasionably or never practised ; or, where all are constrained to do what they should, by the influence of love, coupled with a conscientious sense of duty.

Objection XXIX. – Parce qu'il se trouve beaucoup plus de disputes et de querelles, et moins d'harmonie dans les familles et les écoles en lesquelles la correction est minutieusement et habituellement utilisée, que dans celles en lesquelles elle est utilisée seulement à l'occasion ou pas du tout ; ou bien dans lesquelles, où tous sont contraints de faire ce qu'ils doivent, sous l'influence de l'amour couplé à un sens conscientieux du devoir.

Objection XXX. – Because the practice of constant and daily whipping children or pupils, has an almost certain tendency to HARDEN the minds and feelings of those who are thus FLOGGED ; particularly, if it be done in the presence of the family or school. NO CHILD OR PUPIL SHOULD EVER, under any circumstances, BE PUNISHED in THE PRESENCE OF THE FAMILY or SCHOOL !

Objection XXX. – Parce que le fait habituel et quotidien de corriger les enfants ou les élèves suscite une tendance presque certaine à l'ENDURCISSEMENT de l'esprit et de la sensibilité de ceux qui sont ainsi CORRIGÉS ; particulièrement si cela est fait en présence de la famille ou de l'école tout entière. AUCUN ENFANT OU ÉLÈVE NE DOIT, en aucune circonstance, ÊTRE PUNI en PRÉSENCE DE LA FAMILLE OU DE L'ÉCOLE toute entière !

Référence. 

Lyman COBB (1800-1864), The Evil Tendencies of Corporal Punishment as a Mean of Moral Discipline in Families and Schools, Examined and Discussed, Mark H. Newman and Co., New York, 1847, p. 13, 54, 58, 64, 65, 68, 74 et 75.

Remarque.

1) Il est possible de traduire rod par « baguette », « bâton » ou « verge ».

2) « Correction » et « administrer une correction » traduisent ici flogging et flog; « Fustigation » et « fustiger » traduisent, quant à eux, whipping et whip.

3) « Fustiger » est employé ici au sens premier et vieilli de « frapper à coups de bâton, de verges, de fouet », et « corriger » au sens de « infliger un châtiment physique », selon l'édition du Dictionnaire de l'Académie Française de 1986.