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vendredi 30 novembre 2012

La titulature honorifique épiscopale


Depuis quelle époque et en vertu de quelle bulle, ou édit, les évêques français sont-ils qualifiés de Monseigneur ? La loi française leur reconnaît-elle cette qualification de nos jours ? Le titre de Monseigneur est-il donné aux évêques dans tous les pays catholiques ?

F. MÈGE. (col. 139)


Je ne sais en vertu de quelle loi ce titre fut donné aux évêques français ; mais voici ce que dit Duclos : « Avant l'anné 1635, non-seulement les évêques ne se monseigneurisaient pas, mais ils ne donnaient pas de Monseigneur aux cardinaux. (Collection de pièces rel. à l'Hist. de France, par Leber, t. VI, p. 49. )

P. CLAUER.


– Voici ce que je trouve, dans un ouvrage imprimé en 1693 sous le titre Des mots à mode et des nouvelles façons de parler, [3e édition, Claude Barbin, Paris, 1693, p. 149-153] par de Callières [François de].

– L'auteur, après avoir fait remarquer que la manie des titres a toujours été en augmentant jusqu'au moment où il parle, ajoute : 

« On ne s'est pas contenté des anciens, on en a créé de nouveaux ; l'Italie, fertile en ces sortes de productions, nous a donné l'Altesse, qui était inconnue en France il n'y a pas cent ans, les gens d’Église même, nonobstant la profession particulière qu ils sont obligés de faire de l'humilité chrétienne, si opposée à tous les vains titres du monde, s'en sont laissé éblouir ; les cardinaux, qui, après de faibles commencements fort connus dans l'histoire (ce fut par un décret du pape Urbain VIII, du 10 juin de l'année 1630), se voyent aujourd'hui si élevés, ont quitté, il n'y a pas soixante ans, les titres d'Illustrissimes et de Révérensissimes, pour prendre le titre pompeux d'Éminence ; leur ambition est montée jusqu'à se dire égaux aux rois et à prétendre la préséance partout sur les autres souverains ; et ils prennent le pas en Italie, dans leurs propres maisons, sur les princes dont ils sont nés les sujets. Cet amour des titres a passé, comme une maladie contagieuse, du clergé de Rome à celui des autres pays ; les évêques se traitent réciproquement de Monseigneur. Cela me fait souvenir qu'étant allé voir un évêque de mes amis, et ayant appris qu'il y avait d'autres évêques avec lui, je demandai ce qu'ils faisaient « Ils se monseigneurisent, » me répondit assez plaisamment un de leurs laquais. – Ils ne se contentent pas du titre de Monseigneur, ils trouvent très bon que leurs ecclésiastiques et tous ceux qui sont dans leur dépendance, y ajoutent le titre fastueux de Votre Grandeur et que ceux qui leur dédient des thèses leur donnent la qualité de Princes de l'Église, au lieu de celle de Pères, qui est la seule qu'ils doivent recevoir, s'ils veulent se conformer à l'exemple de leurs saints prédécesseurs ; il n'y a pas même jusqu'aux religieux, qui nonobstant les continuelles humiliations auxquelles leur règle et leur profession les obligent, ne se traitent entre eux de Votre Révérence. »

Il semblerait donc, d'après cette citation, que le titre de Monseigneur appliqué aux évêques date du XVIe siècle.

LE ROI.


– Les articles organiques du Concordat spécifient que les évêques n'ont droit à aucun titre. Ce n'est donc que par déférence qu'on continue à leur donner ceux de Monseigneur ou de Grandeur, auxquels ils n ont aucun droit légal. Voilà pour la France, j'ignore ce qu il en est dans les autres pays catholiques.

J. R. (col. 215-216)


« Les évêques statuèrent de se monseigneuriser, à l'exemple de Richelieu : Jamais aucun concile ne fut mieux observé, » dit le Diction. univ. de Boiste, (1847), au mot monseigneuriser.

(Guernesey.) S. M.


– C'est vers la fin du XVIIe siècle, comme on le peut voir dans Saint-Simon, que les évêques prirent, de leur propre autorité, le titre de Monseigneur. Jusque-là on les appelait Monsieur, en ajoutant le nom de la ville épiscopale : Monsieur de Meaux, Monsieur de Cambrai, étaient les qualifications que Bossuet et Fénelon ne trouvaient pas trop modestes pour eux (Mémoires de Saint-Simon, t. VII, 171, éd. Hachette) (1). Le concordat de 1802 ne reconnaît pas aux archevêques et évêques d'autre qualification que celle de Monsieur ou de Citoyen. Aucun acte officiel n'a modifié cette prescription qui, dans l'état actuel, est la seule légale. « Il sera libre aux archevêques et évêques d'ajouter à leur nom le titre de Citoyen ou celui de Monseigneur. Toutes autres qualifications sont interdites. » (Articles organiques, art. 12. )

(1) Voici le passage : « …Peu auparavant (il écrit ceci en 1709), dans une assemblée du clergé, les évêques, pour tâcher à se faire dire et écrire Monseigneur, prirent de se le dire et se l'écrire réciproquement les uns les autres. Ils ne réussirent à cela qu'avec le clergé et le séculier subalterne. Tout le monde se moqua fort d'eux, et on riait de ce qu'ils s'étaient monseigneurisés. Malgré cela ils ont tenu bon, et il n'y a point eu de délibération parmi eux sur aucune matière, sans exception, qui ait été plus invariablement exécutée. »

FRÉD. LOCK. (col. 279-280)


Référence

L'Intermédiaire des chercheurs et curieux, Maison de la Suisse Romande, Maison Cherbuliez, 2e année, Paris, 1865.


S'il est vrai que les évêques ne se soient donnée entre eux le titre de Monseigneur que vers la fin du règne de Louis XIII, comme le disent Duclos et de Caillères (et aussi [ Gilles André] De la Roque, Traité de la Noblesse [, Estienne Michallet, 1678, p. 311]), cela prouve qu'ils ont tardé bien longtemps à se donner à eux-mêmes le titre que tout le monde leur donnait depuis plusieurs siècles.

À la fin du XVIe siècle, D'Aubigné adressait sa Confession de Sancy « à Monseigneur l'évêque d'Évreux ; » Rabelais, dans ses lettres écrites d'Italie à l'évêque de Maillezais [Les lettres de François Rabelais escrites pendant son voyage d'Italie, nouvelle édition, François Foppens, Bruxelles, 1525, p. 1], appelait ce prélat Monseigneur ; le hérault d'armes de Bretagne, dans son récit officiel des funérailles de la reine Anne de Bretagne [Bretaigne, Récit des funérailles d'Anne de Bretagne, publié par L. Merlet et Max. de Gombert, Auguste Aubry, Paris, 1858, par ex. p. 50]donnait le titre de Monseigneur à tous les prélats qui ont pris part aux cérémonies funèbres ; Comynes adressait ses Mémoires [de Philippe de Commynes, publiée par Mlle Dupont, tome I, Jules Renouard et Cie, Paris, 1840, p. 1] à Monseigneur l'archevêque de Vienne. Enfin, l'état des officiers des quatre derniers ducs de Bourgogne, qui fait partie des Mémoires pour servir à l'histoire de France et de Bourgogne ([Julien-Michel Gandouin, Pierre-François Giffart], Paris, 1729, 2 vol. in-4°), constate que dès le XIVe siècle, le titre de Monseigneur était donné aux évêques et à quelques abbés.

B. SELSACH. (col. 329)


Référence

L'Intermédiaire des chercheurs et curieux, Maison de la Suisse Romande, Maison Cherbuliez, 4e année, année 1867-1868, Paris, 1868.


Voici une réponse qui m'est fournie par l'abbé de Marsy. Il publia en 1751 une traduction de l'italien, qu'il intitula en français : le Prince de Fra-Paolo, ou conseils politiques adressés à la Noblesse de Venise, par le père Paul Sarpi, de l'ordre des Servites, consulteur d'État et théologien de la République de Venise [, Berlin, 1751] . C'est, pour le dire en passant, un petit écrit fort remarquable et digne de l'historien du Concile de Trente, et je comprends que le père Le Courayer en ait dit : « qu'il il peut passer pour un chef-d'œuvre de politique. » Or, à la page 2, sur ce mot du texte : « Vos Excellences m'ordonnent. etc., » l'abbé de Marsy a mis cette note : « Les nobles de Venise ont usurpé ce titre, qui dans le fond n'appartient qu'aux ambassadeurs. Ils se le donnent réciproquement, et ils ont si bien qu'on ne peut guère le leur refuser, sans les offenser. C'est ainsi que nos prélats, à force de s'appeler Monseigneur les uns les autres, nous ont en6n amenés à leur donner ce titre. »

S. D. (col. 476-477)

L'Intermédiaire des chercheurs et curieux, Librairie de Joëln Cherbuliez, 5e année, année 1869, Paris, 1869.


Le titre Monseigneur. N'en abuse-t-on pas ? On ne l'accolait pas au nom du comte de Chambord. On disait simplement M. le comte de Chambord. Seulement dans son entourage, en parlant de lui, on le désignait ainsi : Monseigneur.

Aujourd'hui nous lisons toujours dans les feuilles royalistes : « Monseigneur le duc d'Orléans, Monseigneur le comte de Paris ». Je crois que dans ces circonstances cette qualification est contre l'ancien usage ; on employait ce titre en s'adressant directement à un prince, mais en parlant de lui on ne se servait que du mot monsieur ; M. le comte d'Artois, M. le duc de Berry. J'ai même sous les yeux un volume dédié a Louis XVIII (Les Bourbons, [ou précis historique sur les aïeux du roi, sur sa Majesté, et sur les princes et princesses du nom de Bourbon qui entourent son trône], Paris, Lepetit, 1815) où tous les membres de la famille royale sont le sujet de notices et où leurs noms ne sont pas même précédés du mot monsieur.

L'observation que je faisais tout à l'heure peut être aussi appliquée aux évêques. Jadis, en parlant d'eux, on ne leur donnait que du monsieur. On appelait Bossuet Monsieur de Condom, Monsieur de Meaux. Madame de Sévigné disait même d'une façon très peu révérencieuse : Monsieur de Rome. On peut lire dans les
Mémoires de madame [la comtesse] de Genlis, [sur le XVIIIe siècle et la révolution française, depuis 1756 jusqu'à nos jours, 2e édition, tome II, Ladvocat, Paris, 1825, p. 87], très au courant des usages : « À Sillery. je trouvai nombreuse compagnie... M. de la Roche-Aymon, archevêque de Reims... » 

Le Concordat n'accordait pas le titre Monseigneur aux évêques. Ils ne pouvaient prendre que le nom de citoyen ou de monsieur (art..XII des Articles organiques). Sous la Restauration, c'est cette dernière qualification qu'on employait en parlant d'un prélat. Les Conférences [Défense du christianisme ou Conférences sur la religion, tome I ; Le Clere et Cie, Paris, 1825] de l'évêque d'Hermopolis, premier aumônier du roi, imprimées en 1825, portent simplement comme nom d'auteur : M. D. Frayssinous. Mais si l'on adressait la parole à un évêque, on usait du titre de Monseigneur ; non les princes pourtant, qui ne se servaient que du nom de monsieur, comme M. le comte de Chambord dans une lettre célèbre. L'usage s'est modifié par les manières d'être d'un parti hostile tout ce qui tient à la religion, et il serait plus que discourtois, aujourd'hui, de ne pas donner en toute occasion le titre de Monseigneur aux évêques.

Quant à celui de Grandeur, à quelle époque a-t-il fait son apparition ?

Suivant
Littré il remonte à 1630, mais Littré ne cite aucune autorité à cet égard. Un livre assez amusant, Paris, Versailles et [les] Provinces, [au dix-huitième siècle, par M. Dugast de Bois-Saint-Just, 5e édition, tome I, Charles Gosselin, Paris, 1823, p. 239] offre le premier, sous une forme un peu gauloise, que Votre Grandeur était usitée au moment de la Révolution. Mgr de la Ferronnays, évêque de Bayonne, prêtre exemplaire du reste, avait émigré à Genève. « Son tailleur lui apporta une culotte, qu'il essaya devant lui, mais dans laquelle il ne pouvait entrer. – Mon cher, lui dit-il, tu vois bien qu'elle n'est pas faite à ma mesure. – C'est vrai, lui répondit le bon Suisse qui ne connaissait guère les finesses de la langue française, elle est un peu trop étroite pour le c... de Votre Grandeur. – Dis donc, mon ami, reprit l'évêque, pour la grandeur de mon c... Et, craignant de lui avoir fait de la peine par cette plaisanterie, il le paya comme s'il eût été content. »

POGGIARIDO (col. 738-739)

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Référence

L'Intermédiaire des chercheurs et curieux, XXIIIe année, nouvelle série, VIIe année 1890, Paris.


On sait qu'au XVIIe siècle, le titre de Monsieur, suivi du nom de l’évêché, était ordinairement donné aux membres de l'épiscopat. Bossuet fut d'abord Monsieur de Condom et ensuite Monsieur de Meaux. Fénelon fut Monsieur de Cambrai. Ce ne fut que plus tard que l'on donna aux évêques le titre de Monseigneur. Il semble que ce soit Balzac et Racan qui soient les pères de ce nouvel usage.

« Estant encore enfant, dit Balzac au R. P. dom André de Saint-Denis, j'avois grand commerce de lettres avec feu Monsieur Coeffeteau, évesque de Dardanie, nommé par le Roy à l'evesché de Marseille. Ce sçavant prélat se contenta toujours de
Monsieur dans nostre commerce. En ce mesme temps nous n'écrivions pas d'une autre sorte à Monsieur l'évesque de Luçon (Richelieu), qui fut depuis eslevé si haut au-dessus de toutes les qualitez et de tous les tiltres (...). Monsieur de Racan fust le premier qui me mist du scrupule dana l'esprit et qui me remonstra que la dignité d'évesque ne devoit point estre moins respectée par un vray chrestien que celle de duc et pair par un naturel François. Sa remonstrance me sembla fondée en raison, nous résolumes luy et moy de donner à t'advenir du Monseigneur à tous les evesques, sans excepter l'evesque de Bethleem, quoy qu'il logeat dans un trou de collège de Paris, quoy qu'il allest à pied par les rues, quoy qu'il fust luy mesme son aumosnier. (BALZAC, Discours à la suite du « Socrate chrétien », Paris, 1652, in-4, p. 210 ; et BALZAC, Œuvres, édit. Louis Moreau, t. I, I, p. 423, n. 2.)

On sait que les articles du Concordat proscrivirent le titre de Monseigneur.

« Il sera loisible aux archevêques et aux évêques, porte l'art. 12, d'ajouter à leur nom le titre de citoyen ou de monsieur. Toutes les autres qualifications sont interdites. »

Quelque Intermédiairiste ne pourrait- il pas nous indiquer si ce titre ne remontait pas plus haut ? 0n sait, en effet, qu'au moyen âge on avait l'habitude d'ajouter le titre de Monseigneur au nom des saints, et ainsi on dirait Monseigneur saint Nicolas, Monseigneur saint Godefroy.

ADOLPHE DÉMY. (col. 131)


D'après le signataire, M. Démy, il semblerait que Balzac, inspiré par Racan, serait le premier parrain de ce titre donné aux évêques. Je crois pouvoir démontrer qu'il y a, soit erreur, soit fausse conclusion.

Voici mes preuves.

Balzac est né en 1586 mort en 1655. Racan est né en 1589, mort en 1670. Or, à la naissance de Balzac, Malherbe était déjà un poète connu; et le fameux Du Perrier, dont la fille morte est restée immortalisée dans une des pièces de Malherbe que personne n'ignore, Du Perrier, un jour, lui soumet comme sien un sonnet qu'il vient de recevoir d'un grand personnage. Malherbe répond : « Bah c'est tout comme si c'était Monseigneur le grand-prieur de France qui l'eût fait. »

On n'ignore pas qu'un prieur était le supérieur d'un couvent, qu'ainsi un grand-prieur possédait (d'après le droit de régale) un grand nombre de couvents, au point de vue du revenu, quand il était laïque, ce qui était ici le cas le duc d'Angoulême était grand-prieur de France. S'il avait dit MONSEIGNEUR LE DUC, grand-prieur, – le titre s'appliquerait au prince; mais il dit : MONSEIGNEUR LE GRAND-PRIEUR, le titre s'applique à la dignité ecclésiastique.

On peut argumenter sur mon propre argument, mais on avouera qu'il est bon, parce qu'il prouve que le mot de
Monseigneur s'appliquait très bien à un mot d'Église, sans quoi Malherbe n'eût pas fait cette locution. Et s'il l'a faite, c'est donc lui qui a eu la première idée, non Racan ni Balzac.

Voilà donc Racan et Balzac détrônés ; il faut donc remonter à Malherbe.

Ce n'est pas tout : si Malherbe l'avait inventé, au lieu d'user des locutions en usage, il faudrait qu'on expliquât comment ce titre s'est vite
généralisé, rapidement. Des choses semblables ne s'improvisent pas, un beau matin, sur tout un vaste territoire, à l'égard de personnages haut placés, ce qui est le cas pour les évêques, surtout d'alors. Il fallait une ordonnance, un acte quelconque de l'autorité supérieure. Un auteur de génie inventera des expressions nouvelles, mais la langue officielle de tous ne saurait les admettre si vite, sans qu'il y en ait des traces dans les lois ou les actes officiels.

Je vais plus loin. La plupart des évêques étaient déjà nobles : leur donnait-on le titre de « Monseigneur » à cause de leur noblesse de famille, et non à cause de leur dignité épiscopale ? Il faudrait prouver qu'on refusait ce titre aux évêques non nobles, et que de ceux-ci seulement parle Balzac. Réduite à cette dimension, la question serait encore fort intéressante.

Mais j'y réponds en disant : même aux non-nobles, on donnait ce titre. Ainsi, voici sous mes yeux un livre fait par les ordres de « Monseigneur l'illustrissime et révérendissime Père en Dieu Claude Joly, évêque de..., puis d'Agen. » Né en 1610, curé de Paris et ami de Richelieu qu'il assista à sa mort, -– il mourut en 1678 après avoir été évêque longtemps. – Or, Claude Joly n'était pas noble, et on l'appelle « Monseigneur ». Son secrétaire signe après lui, comme aujourd'hui : par mandement de Monseigneur. » – Je trouverais ainsi de nombreux exemples. À l'époque où Joly fut fait évêque, quelle apparence que l'idée de Racan eût été universalisée, et fût devenue une réalité officielle ?

Qu'on ne m'objecte pas que Joly devenait noble par son titre de « comte d'Agen », car voici une autre liste où ces deux catégories d’évêques sont mêlées, et de la même date: Félix, évêque et comte de Châtons, – D. de Ligny, évêque de Meaux ; Gabriel, évêque d'Autun. – Étienne, évêque et prince de Grenoble – Jules, évêque de Tulle. – Je dirai même que ce Jules, évêque de Tulle, fut le successeur de Claude Joly à Agen ; et pourtant ce Jules Mascaron fut bien toujours « Monseigneur Mascaron », n'importe le titre de son siège.

Cette liste n'est qu'un extrait de celle des évêques qui examinèrent un traité de Bossuet, alors évêque de Condom, et précepteur du Dauphin. – En tête se trouve : « Approbation de Messeigneurs les archevêques et évêques. Le mot y est, et le traité y est dit : « composé par Messire J. B. Bossuet, évêque et seigneur de Condom. »

Le même ouvrage fait l'objet d'une lettre d'un cardinal de Rome, qui dit : « Havendo poi parlato con questi signori cardinali... J'en ai parlé avec Messeigneurs les cardinaux... » Puis, « Trovai il signor cardinale Brancaccio molto propenso a lodarne l'autore. J'ai trouvé surtout Monseigneur le cardinal Brancaccio très porté à en louer l'auteur... »

Le maître du Sacré Palais, qui donne l'approbation romaine, dit «  Il libro del signore di Condom... Le livre de Monseigneur de Condom. » Et ainsi de suite, d'autres textes semblables.

Mais ici je remarque que le traducteur de l'époque a mis : le livre de Monsieur de Condom. C'est dire que le langage français ne concordait pas toujours avec le langage de Rome en cette occasion ; mais c'est dire aussi que l'invention de Balzac ne pourrait se réduire qu'a avoir introduit en France, à titre général, un mot qui y était déjà employé, nous l'avons vu, qu'on avait tort de ne pas y employer assez, et qui était d'usage officiel en Italie.

Il faut donc en rabattre, et beaucoup, sur Balzac à ce sujet, puisqu'il a enfoncé une porte ouverte.

Bien plus, comment affirmer qu'on disait seulement Monsieur de Condom ou de Meaux, quand Rome disait : Monseigneur de Condom, et que déjà on avait dit Monseigneur Cl. Joly, Monseigneur Mascaron..., etc., etc. !

Quant à dire que les articles du concordat ont proscrit ce titre, c'est une erreur complète. Sur les 17 articles, pas un n'en parle.

Mais j'avoue que le 12e des articles organiques a été parfaitement cité. Cela me permet de relever ici une erreur très répandue, que l'ignorance ou l'esprit de secte entretient. On croit que les « articles organiques sont le « Concordat ». Ils le sont à peu près comme le factum d’Émile Henry était l'autre jour le réquisitoire du ministère public. Les délégués du Pape et de Bonaparte signèrent le Concordat le 15 juillet 1801. Bonaparte présenta aux Chambres et publia aussitôt en un seul volume, le 8 avril 1802, le Concordat et les Articles organiques.

Au reste, en défendant de donner aux évêques d'autres titres que ceux de citoyen ou de monsieur, le Premier Consul caressait secrètement te désir de se faire appeler sire et majesté ; et je ne comprends pas qu'on puisse dire indifféremment le citoyen évêque ou monsieur l'évêque, et qu'on ne puisse pas dire le citoyen préfet, le citoyen colonel.
Revenons à la question, en attendant d'entendre le prochain curé de la Madeleine dire au cardinal de Paris, le jour de son installation : « Monsieur le curé présente ses hommages au citoyen archevêque » ; car, en effet, il n'est rien dit pour les curés dans les articles organiques.

Oui, au moyen âge, on disait Monseigneur saint Jacques, Monseigneur saint Nicolas..., etc. Cela se comprend : la plupart des grands saints populaires furent des évêques ; de tous, et des vivant évêques comme des évêques canonisés, on disait Dominus, seigneur. Dans les grands monastères on a dit Domnus, d'où : Dom Guéranger, Dom Bosco (1).

J'ai dit plus haut qu'on disait aussi messire. Il est évident que le latin senior, italien signor, qui après tout veulent dire plus vieux et vénérable, sont traduits par seigneur, sieur, sire. Or, tandis que Monseigneur ne s'appliquait qu'aux évêques, canonisés ou vivants, – Monsieur, qui n'est qu'un diminutif, a donc pu s'appliquer au titre épiscopal: Monsieur de Meaux, pour Monseigneur Bossuet, évêque de Meaux ; mais jamais on n'a dit : Monsieur Bossuet, ni même Monsieur l'évêque tout court, mais le nom de la ville : Monsieur de Meaux, de Cambrai, etc., ou Monsieur, l'évêque de Meaux. On disait messire Bossuet, messire Claude Joly, comme je l'ai lu, et l'ai sous tes yeux (2).

Toutefois, ce mot : messire, s'appliquait à des personnages inférieurs, auxquels on ne pouvait donner du « Monseigneur ». Ainsi, on le disait d'un prieur de couvent, d'un curé titulaire ; et, dans certaines notices historiques que j'ai faites d'après d'anciens registres des siècles passés, j'ai eu à inscrire souvent : messire un tel, prieur, ou prieur-curé, ou curé, selon le cas.

Du temps de Bossuet, le clergé des paroisses disait toujours Monseigneur en parlant de son évêque. Je trouve dans les Annales de philosophie catholique, un bel article critique sur Bossuet, n° d'août et septembre 1893, p. 340 et suiv.

L'auteur cite le manuscrit d'un curé du diocèse de Meaux, qui nous a légué ses impressions et ses analyses sur les discours au clergé, les visites pastorales, etc., et qui dit toujours de Bossuet, son évêque : « Monseigneur nous a donne tels avis, – Monseigneur a ouvert le synode diocésain tel jour. », absolument comme nous dirions aujourd'hui dans le clergé français actuel. Et, remarquez-le, quelqu'envie de critiquer que puisse avoir ce prêtre, il ne dit jamais « Monseigneur » qu'avec le respect dû au titre. Si Balzac, à peine mort, eût été le parrain du cadeau d'un tel titre aux évêques, on trouverait une pointe de malice sur cette nouveauté, dans le curé qui trouve à redire aux actes de Bossuet, tout épiscopaux qu'ils soient. Que n'eût-il pas dit sur un titre de vanité !

« Monseigneur » n'est en définitive que le mot français de Dominus, qui a toujours été employa pour désigner les noms d'évêques. Donc, plus haut que Balzac, Racan et Malherbe, il faut chercher l'origine du « monseigneur » dans le moyen âge et dans les siècles antérieurs, dans le Dominus. Seulement, il faut séparer l'adjectif du nom : mon seigneur. Aujourd'hui encore cela se fait. Deux amis ou deux collègues se disent
mon cher seigneur.

(1) Mais on ne disait ainsi « Monseigneur » que des saints, anciens évêques. Des autres, on disait « Monsieur », comme je l'ai aussi sous les yeux dans un Bulletin archéologique : « Chapelle de Monsieur Saint Roch, de Monsieur Saint Jean, etc. »– Il peut y avoir eu mélange, mais tous les noms que j'ai examinés m'ont amené à la dite conclusion.

(2) Ici, je crois que le sujet de l'évêque disait : « Monseigneur », et on employait « Messire » surtout d'un évêque étranger auquel on n'appartenait pas. Ainsi, parisien, j'aurais dit « Monseigneur l'archevêque de Paris », et « Messire l'évêque de Versailles », avec cependant la possibilité de dire : « Monsieur de Versailles ». C'était affaire de goût et de politesse. Tous les textes étudiés me conduisent à cette conclusion.

L'ABBÉ PH. G. LABORIE. (col. 585-590)


Référence

L'Intermédiaire des chercheurs et curieux, 3e série, 3e année, volume XXIX, année 1894, premier semestre, Paris, 1894.


Maintenant lorsqu'il s'agit d'un évêque on dit : son Excellence Mgr... au lieu de Sa Grandeur Mgr X...

Pourquoi et depuis quand, exactement ??

M. (col. 916)


Le titre d'Excellence a été octroyé aux évêques par S. S. le pape Pie XI, pendant le cours de l'année 1931. Mussolini ayant étendu l'an dernier le titre d'Excellence à tous les préfets du royaume, le Vatican en a fait de même officiellement pour les évêques.
Chez nous, l 'appellation de « Votre grandeur » qui ne date cependant que du siècle dernier [XIXe siècle} a une dignité et une onction bien supérieures à cette d' « Excellence » qui s'applique aussi bien à de simples préfets de la Péninsule qu'aux Ministres des plus minuscules États. Pourquoi l'avoir changée ? Pour imiter l'Italie ? Les Anglais, plus traditionalistes ou plus indépendants ont refusé la nouvelle appellation et ils continuent à donner à leurs évêques du « His Grace et du « Lordship ».

Et ils ont joliment raison.

S.


C'est en vertu d'un décret de la S. C. de la Cérémoniale en date du 31 décembre 1930 que le titre d' « Excellence » est substitué à celui de « Grandeur ».

Voici l'essentiel de ce décret

«  Le titre d'« Excellence Révérendissime » réservé aux patriarches de l'Église Latine et Orientale, aux prélats dits : « di fiochetti », aux nonces et internonces apostoliques sera étendu aux archevêques et évêques soit résidentiels, soit seulement titulaires, ainsi qu'au maître de la Chambre Pontificale, aux prélats assistants au Trône, au Secrétaire des S. C. [Sacrées Congrégations] romaines, au Secrétaire du Tribunal Suprême de la Signature Apostolique, au Prélat doyen de la Sacrée Rote romaine et enfin au Substitut de la Secrétairie d'État. Nonobstant toutes dispositions contraires. »

[D E C R E T U M DE TITULO « EXCELLENTIAE REVERENDISSIMAE »

Ssmus D. N. Pius Papa X I , eo consilio ut dignitas eorum, qui cum inEcclesiæ gubernatione, tum in ipsa Pontificis Maximi Domo principes habent partes, maiore cotidie in honore sit, Purpuratorum Patrum percontatus sententiam, qui sacris cærimoniis regundis præpositi sunt, die 11 mensis Decembris huius anni, arcessito viro hac in pagina subsignato, qui Sacræ Congregationi Cærimoniarum est a secretis, decrevit :

Excellentiæ Reverendissimæ titulum, præter quam Patriarchis et Latinæ et Orientalis Ecclesiæ, præter quam Prælatis qui a flocculis vulgo appellantur, præter quam Nuntiis et Internuntiis Apostolicis, tribuendum quoque esse Archiepiscopis atque Episcopis sive residentialibus sive titularibus tantum, itemque Magistro Pontificii cubiculi, Prælatis qui assident vel sunt a secretis in Sacris Romanis Congregationibus, Secretario Supremi Tribunalis Signaturæ Apostolicæ, Prælato Decano Sacræ Romanæ Rotæ ac denique Substituto Secretariæ Status. Contrariis quibuslibet non obstantibus.

Datum Romæ, ex ædibus Sacræ Congregationis Cærimonialis, die 31 Decembris 1930.

Card. GRANITO PIGNATELLI DI BELMONTE, Ep. Ostiensis et Albanensis, Præfectus.
B. Nardone, Secretarius. Cf. A. A. S. n° 23, 1931, p. 22]


OLD BOOK. (col. 989-990)


Référence

L'Intermédiaire des chercheurs et curieux, 67e année, volume XCIV, Paris, 1931.


Le décret de la S. Congrégation du Cérémonial qui substitue, pour les évêques, le titre d'Excellence à celui de Grandeur, est du 31 décembre 1930.

Détail piquant relevé par M. Lanzac de Laborie. Le ministre Peyronnet, il y a 100 ans, [1832] estimant que le titre d'Excellence lui faisait trop peu d'honneur, exigeait qu'on lui dît : « Votre Grandeur ».

J. S.


Après s'être donné le titre de monseigneur (sous Louis XIV on disait simplement : monsieur l'évêque) le haut clergé a substitué, en ces derniers temps, l'appellation de son excellence à celle de sa grandeur. C'est une progression nouvelle dans les honneurs, grandeur est, en effet, indication de dimension ou, si l'on veut, d'élévation dans la hiérarchie. Excellence est une indication de qualité. Il y a une nuance.

A. D. X. (col. 37 et 38)


L' Action Française du 14 janvier 1932 reproduit dans sa Revue de la Presse un article de la Quinzaine religieuse de la Savoie d'où j'extrais le passage suivant :

« … chez nous, le titre de Monseigneur désignait à lui seul l'évêque du diocèse et..., quand on l'avait employé, il n'y avait plus à se tromper..., il s'agissait uniquement du chef du diocèse, il en était tout autrement au delà des Alpes.

Là, Monsignor équivaut à peu près à notre Monsieur et le moindre petit prélat de la cour romaine, le plus humble chanoine se croirait déshonoré de n'être pas qualifié de ce titre. Quand les prélatures romaines se vulgarisées dans nos diocèses français, les heureux dignitaires nouvellement promus n'ont pas estimé un des moindres avantages de leur rang le privilège d'être appelés comme l'évêque. de leur diocèse : Monseigneur.
Le titre de Monseigneur s'est vulgarisé en France comme en cour romaine. Il a fallu, à Rome surtout, distinguer les évêques et les fonctionnaires majeurs par un titre qui leur fut réservé. La cour romaine a jugé que ce serait celui d'Excellence, Eccelenza en italien.
Excellence remplace donc Monseigneur qui n'est plus digne d'un évêque et qui ne convient qu'aux prélats de moindre importance.
En s'adressant à l'évêque on doit lui dire : Excellence, au lieu de Monseigneur...
Dans cette évolution des titres, que devient celui de Sa Grandeur, qui était en usage chez nous et qui était tellement la marque de l'évêque français que le latin ne parvenait pas à le traduire, sinon par l'inélégant Amplitudo ?
Ceux qui ne savent pas le pourquoi des choses ont pu croire que le titre de Sa Grandeur avait été aboli par la décision romaine et remplacé avec avantage par Son Excellence. Cette dernière appellation remplace celle de Monseigneur, mais ne touche en rien à Sa Grandeur, sinon qu'elle s'y ajoute comme une variante dans le langage français.
Sa Grandeur doit rester dans les usages de notre pays parce qu'elle a l'avantage d'être exclusivement ecclésiastique. Son Excellence convient aussi à des personnages laïques quelquefois même très laïques. Ce titre risque de confondre l'évêque avec des ambassadeurs étrangers et des ministres ou des secrétaires d’États étrangers. Quand on annoncera Sa Grandeur, on sera sur de voir apparaître la Croix qui est le signe de sa suprême élévation. Le titre du cardinal est Éminence ».

V. DALFRINLOUP. (col. 77-78)


Référence

L'Intermédiaire des chercheurs et curieux, 68e année, volume XCV, Paris, 1932.

mercredi 28 novembre 2012

Le titre d'abbé, 1879



S'il faut en croire les chroniques, on voyait, au XVIIIe siècle, beaucoup de jeunes gens sans position prendre le costume et le titre d'Abbé, pour avoir leurs entrées dans le monde.

L'abbé Delille dans le salon de Madame Geoffrin.
Est-ce que, alors comme aujourd'hui, le port d'un vêtement ecclésiastique n'était interdit à quiconque n'avait pas été admis dans les ordres ? Pourquoi donnait-on le nom d'Abbé à des laïques, comme Jacques Delille, par exemple ?

M. FRABAL. (col. 547)


 



Aujourd'hui même le port du vêtement ecclésiastique n'est pas interdit à quiconque n'est point admis dans les ordres. Il y a des ecclésiastiques qui ne sont que simples tonsurés. 

– Mais, avant la Révolution de 1789, il y avait un grand nombre d'abbés qui n'avaient d'ecclésiastique que l'extérieur. On les rencontrait partout, voire même à la comédie, au bal. Un petit chapeau à cornes, un habit noir, brun ou violet, les cheveux coupés en rond : tel était leur costume. C'étaient le plus souvent des cadets de famille. nobles et pauvres, quelquefois aussi de riches roturiers, aspirant les uns et les autres à devenir abbés commendataires.

(Rennes.) P. c. c. : Le Roseau.

– Ce titre a toujours été donné à ceux qui, tout en se destinant à la prêtrise, n'ont reçu que les ordres mineurs. À raison de leur costume, qui n'était pas tout à fait celui des prêtres, on les appelait petits collets. De nos jours encore, j'ai vu porter souvent la soutane et le rabat à des jeunes gens qui, au sortir du séminaire, étudiaient pour entrer dans le ministère ; on les appelait abbés, ce qui n'a pas empêché quelques-uns d'entre eux de se marier, comme le poète Jacques Delille.

E.G.P. (col. 599)


Il y a encore aujourd'hui une foule de séminaristes ou de clercs, qui n'ont reçu que les ordres mineurs, comme M. Renan, et qui ne sont pas prêtres, mais qui portent la soutane et qu'on appelle abbés, par politesse. (…).

BALFRA.

– « C'est la Commende qui a introduit l'usage d'appeler un ecclésiastique « M. l'abbé » parce qu'autrefois, il y avait beaucoup d’ecclésiastiques pourvus de ce titre, et d'autres qui se l'attribuaient, sans l'avoir et auxquels on le supposait par politesse » (Abbé D. Matthieu, l'Ancien régime dans la province de Lorraine et Barrois, Hachette, Paris, 1879, p.77, note 2).

Le poète Delille était abbé commendataire de l'abbaye Saint-Séverin (Poitiers). Ce bénéfice lui rapportait annuellement 3500 livres. J'ai déjà cité, dans l'Intermédiaire, son arrivée en France avec sa femme ; il était diacre ou sous-diacre, et il dut avoir une dispense pour épouser sa très peu intéressante moitié. Il n'était donc pas laïque. Il suffisait, du reste, d'être tonsuré pour avoir un bénéfice. Le chevalier de Boufflers conserva ainsi ses abbayes de Longeville et de Belchamp, en entrant dans l'ordre de Malte. L'abbé Maury était abbé commendataire de l'abbaye de la Frenade (Saintes) ; l'abbé de Malvoisin possédait l'abbaye de Saint-Sauve (Amiens) ; un abbé de Sade avait celle d'Issoudun (Bourges), etc. Mais ces derniers étaient prêtres séculiers.

A. B. (col. 653)


– « Quand il y avait beaucoup d'enfants dans une famille noble, on en destinait un à l'Église : il commençait par obtenir les bénéfices simples, qui fournissaient aux frais de son éducation ; et dans la suite, il devenait prince, abbé commendataire ou évêque, selon qu'il avait plus ou moins de dispositions à l'apostolat.
C'était là le type légitime des abbés ; mais il y en avait de faux ; et beaucoup de jeunes gens qui avaient quelque aisance, et qui ne se souciaient pas de courir les chances de la chevalerie, se donnaient le titre d'abbé en venant à Paris.
Rien n'était plus commode avec une légère altération dans la toilette, on se donnait tout à coup l'apparence d'un bénéficiaire on se plaçait au niveau de tout le monde; on était fêté, caressé, couru ; car il n'y avait pas de maison qui n'eût son abbé.
Les abbés étaient petits, trapus, rondelets, bien mis, câlins, complaisants, curieux, gourmands, alertes, insinuants ; ceux qui restent ont tourné à la graisse ; ils se sont faits dévots.
Il n'y avait pas de sort plus heureux que celui d'un riche prieur ou d'un abbé commendataire ils avaient de la considération, de l'argent, point de supérieurs et rien à faire. (Brillat-Savarin, Physiologie du goût, variété 20, Flammarion, Paris, 1879, p. 277-278). »

G. G. (col. 755)

Référence

L'Intermédiaire des chercheurs et curieux, G. Fischbacher, Paris, 1879, 12e année.

mardi 27 novembre 2012

L'habit ecclésiastique parisien en 1844


L'habit est le vêtement extérieur, ce nom lui vient du mot latin habitus, manière de se tenir, ou de se montrer, ou d'être. 

Nous mettons une différence entre habit et costume, parce que nous croyons qu'il y en a une réelle ; mais nous prévenons que nos lois civiles ecclésiastiques confondent ensemble ces deux mots, et appellent, tantôt costume et tantôt habit, le vêtement propre, soit à l'état ecclésiastique, soit aux diverses congrégations religieuses.

Cependant les religieux n'ont qu'un seul costume, et ils ont deux habits, l'habit de chœur et l'habit de travail, ou l'habit ordinaire.

De même les ecclésiastiques n'ont qu'un seul costume, et cependant il y a à Paris trois espèces d'habit ecclésiastique :

l'habit ecclésiastique de grande et sévère tenue, qui consiste en soutane, rabat, ceinture, culottes courtes, ou pantalons et chapeau rond ou triangulaire, ou à larges ailes ; 

- l'habit ecclésiastique de tolérance, qui consiste en redingote noire, gilet, pantalon et cravate de même couleur, souliers et chapeau ordinaires ; 

- et l'habit ecclésiastique de moyenne tenue, qui consiste en soutanelle, pantalons ou culottes courtes, bas et chapeau ordinaires.

« L'habit ecclésiastique, porte l'ordonnance épiscopale du 25 octobre 1844, consiste dans la soutane, qui, hors de la paroisse, pourra être suppléée par la soutanelle ou par une redingote de couleur noire et de forme modeste. Ceux qui porteront la soutanelle ou la redingote, devront avoir tous les autres vêtements noirs, les cheveux ecclésiastiques, et le col de la chemise entièrement caché par un petit collet ou cravate noire. Il ne pourront se servir de bottes ni d'aucune chaussure qui y ressemble. »

(...) 

Référence

Dictionnaire raisonné de droit et de jurisprudence civile-ecclésiastique, tome 2, in Abbé MIGNE (éd.), Encyclopédie théologique, tome 37, Ateliers catholiques du Petit-Montrouge, Paris, 1849, p. 551

vendredi 23 novembre 2012

La calotte ecclésiastique, selon X. Barbier de Montault, 1877


I. — Autrefois, la calotte était souple et profonde ; elle n'épousait pas la forme de la tète. Depuis une centaine d'années, elle est ferme et arrondie ; elle prend juste sur la tête, ce qui la rend à la fois plus chaude et plus élégante.

Cette forme modifiée étant universellement adoptée, il n'est plus loisible d'en préférer une autre qui n'a pas sa raison d'être. En fait de costume, l’Église ne se laisse pas influencer par l'archéologie, dont les regards sont tournés vers le passé d'une manière trop persistante, comme s'il n'y avait rien ailleurs. Ainsi donc la clémentine à oreilles a fait son temps. La forme mondaine n'est pas pour cela plus acceptable et, pour plus d'un motif, le clergé devrait s'abstenir, surtout à l'église, du bonnet grec qui menace sérieusement de faire invasion et qui ne convient point à des Latins.

Les fabricants romains excellent à faire les calottes ecclésiastiques, et le chapelier du pape, qui est aussi celui du Sacré-Collège et de la prélature, montre en ce genre un talent tout particulier. 

La calotte romaine, un peu moins profonde que la française, exige des soins que nous ne donnons pas aux nôtres, qui peuvent être coupées et cousues par la première couturière venue. Il faut d'abord une poupée de bois, qui a l'aspect d'une tête. On y tend une peau d'un seul morceau, de manière qu'elle en prenne exactement le contour et ne fasse pas le moindre pli ; sur cette peau est appliquée la calotte elle-même, qui se compose de huit côtes triangulaires. En France, où l'on ne met que six côtes, la calotte bâille et on est obligé de l'ourler d'un galon au rebord inférieur, afin qu'elle serre mieux la tête. Précaution inutile. À Rome, les côtes se recouvrent mutuellement et chacune est fixée par une piqûre, laquelle se répète tout autour.

Au sommet est une petite boucle en ganse, qui sert à prendre et mettre la calotte; rien n'autorise à cet endroit une houppette de soie effilée, comme on le fait en quelques pays, par exemple, en Lombardie, Autriche. 

La peau, qui forme doublure, a l'avantage de rendre la calotte rigide. On ne s'aperçoit bien de cela qu'aux offices pontificaux, lorsque la calotte épiscopale est posée sur un plateau ; souple et à plis, elle n'y ferait pas si bonne figure. Il est évident que la question de goût a dû entrer pour quelque chose dans cette combinaison. 

Toutefois, la peau a un inconvénient : elle échauffe la tête et, par la sueur qui ne s'évapore pas, tend à faire tomber les cheveux, au moins à la partie antérieure. Quoi qu'il en soit, serait-ce bien à nous, Français, à nous plaindre, nous qui avions inventé, apparemment, pour une plus grande durée, la calotte en cuir bouilli, dont il ne reste désormais que de rares spécimens, conservés par quelques vieux chantres et curés ? 

II. — Le cuir bouilli finira par disparaître, comme aussi le bonnet de soie qui ressemble à un bas, le tricot et le velours. Le tricot est toujours grossier, même fait au petit fer, à moins qu'il ne se fasse au métier, mais alors il n'a plus assez de consistance, si on ne lui fait un rebord toujours disgracieux. 

Quant au velours, il appartient en propre au pape. Personne autre à Rome n'oserait l'usurper et l'on se rappelle l'étonnement (je dirais presque le scandale) causé par l'outrecuidauce d'un cardinal étranger qui, malgré les remontrances des maîtres de cérémonies, s'est obstiné à paraître à la cour avec une calotte de velours rouge. Que le clergé français, qui a trop tacitement adopté le velours à l'instigation sans doute des fabricants, en fasse donc désormais son deuil ! Ceux qui tiennent à cette étoffe auront du moins la consolation de la porter encore en culotte, suivant une tradition presque immémoriale qui n'a aucun inconvénient, puisque sous la soutane elle ne paraît pas. C'est ainsi que devraient toujours faire ceux qui ont encore au cœur quelque dilection pour des pratiques démodées ; qu'ils les cachent et nous respecterons l'incognito prudent. 

Les seules matières autorisées pour la calotte sont le drap et la soie. Il y a calotte d'hiver et calotte d'été ; la première, plus épaisse, à cause de la saison, se fait en drap fin ; la seconde, en soie, plus ordinairement en satin. Pour mettre à l'aise les ecclésiastiques qui ne se prêtent cas à ces minuties de détail et qui ne tiennent point à avoir une calotte de rechange, je m'empresse de leur dire qu'ils peuvent se contenter d'une seule calotte, mais alors on la prend plus volontiers en soie. Les religieux eux-mêmes en portent de la sorte, quoique, par état, ils aient renoncé à la soie, mais, à Rome, on juge que cet accessoire n'a pas, dans l'espèce, une importance suffisante et l'usage a prévalu sur la prohibition générale. 

III. — La forme et la matière étant déterminées, passons à la couleur qui varie selon le degré hiérarchique. La calotte admet cinq couleurs : blanc, rouge, violet, noir, brun. 

Le blanc est réservé au pape, mais pas d'une manière exclusive, car certains ordres religieux, comme les camaldules et les chartreux dont les vêtements sont blancs, portent des calottes de même couleur, à cette différence près que, pour eux, elle est toujours en laine.
Le pape Pie VI porte la calotte blanche

Depuis Pie VI, qui avait une belle chevelure poudrée, les papes ont constamment gardé la calotte de soie blanche, unie et sans aucun ornement. Auparavant, elle était affectée à l'octave de Pâques et aux offices pontificaux, où elle servait sous la mitre. 


La calotte usuelle était rouge, en satin l'été, en velours l'hiver et, pour cette saison seulement, garnie d'une étroite bordure de fourrure blanche. Pie IX a repris accidentellement l'usage du camauro, car tel est le nom de cette coiffure papale, dont la forme a aussi quelque chose de l'antiquité : cependant, excepté les cas de froid intense ou de maladie, cette calotte spéciale semble abandonnée. 

Les cardinaux ont la calotte rouge, comme premier insigne de leur dignité. Elle leur est remise solennellement par un garde-noble du palais apostolique. Espérons que bientôt nos enfants de chœur cesseront de s'en parer indûment. 

Pie IX a concédé, en 1867, la calotte violette aux évêques, mais combien en France l'avaient déjà prise, pour assortir au costume, sans attendre l'induit pontifical qui, seul, pouvait les dispenser du noir ! Deux défauts ont déjà modifié le type romain et je les signale pour qu'ils soient évités de ceux qui aiment la règle. Les piqûres doivent se faire en soie violette et non en soie rouge, qui ici n'est pas de mise : seulement, la doublure peut être, comme à la barrette, en rouge cramoisi, pourvu qu'il ne déborde pas à l'extérieur. Si l'on bordait d'un galon, il ne pourrait être que violet. La seconde erreur est une houppette verte, je ne sais vraiment pas sur quel principe on se fonde pour l'y implanter. La boucle terminale est simplement en ganse violette. 

 Le type de la calotte violette, lors de l'indult, a été fourni par le Vatican : on doit le respecter tel quel et ne pas l'altérer en aucune façon. Si, en dix ans, on l'a déjà ainsi substantiellement modifié, que sera-ce dans cinquante ans, où le souvenir de la concession ne sera plus connu que des seuls érudits ! 

Le reste du clergé, même la prélature à tous les degrés, n'a droit qu'à la calotte noire, unie, sans ornement d'aucune sorte, avec doublure de même couleur : cependant l'usage tolère pour les prélats de mantelletta un dessous cramoisi, et violet pour les prélats de mantellone. On peut donc sans scrupule se conformer à cette distinction qui établit des degrés dans les dignités respectives. 

Les franciscains de l'observance, qui emploient dans leurs vêtements la laine non teinte, ont parfois une calotte assortie ; cependant ils n'est pas rare de les rencontrer avec la calotte tout à fait noire, comme les autres réguliers qui ne considèrent pas en cela la cou leur de leur habit, autrement elle devrait être bleue pour les sylvestrins et brune pour les carmes. 

IV. — La calotte suppose la tonsure. Donc, à priori, elle sera systématiquement refusée à quiconque n'est pas tonsuré. Dans cette catégorie, se classent les sacristains, chantres, enfants de chœur, bedeaux, etc., en un mot, tous les laïques qui ont un emploi à l'église. J'en dirai autant des membres des confréries qui ont l'usage du sac. Leur tête restera nue ou, dans des cas déterminés, ils prendront la barrette. 
 
Cette loi est même étendue, dans toute sa sévérité, aux séminaristes, lors même qu'ils sont tonsurés et cela à cause de leur infériorité et sujétion. En Italie, on l'observe fidèlement. Un décret de la congrégation des Rites, précisant un point sur lequel on la consultait, a formellement interdit aux séminaristes le port de la calotte à la cathédrale et pendant les saints offices : on le trouvera dans la collection de Gardellini et dans mon recueil, ce qui me dispense de le citer.

X. Barbier de Montault, prélat de la Maison de Sa Sainteté.

Référence

La semaine du clergé, bibliothèque universelle du prêtre, nouvelle édition, tome X, partie II, n°43, 5e année, 15 août 1877, Société de librairie ecclésiastique et religieuse, Paris, 1899, p. 1361-1363.

Les enfants de chœur, selon X. Barbier de Montault, 1877


Dès lors que les enfants de chœur portent le costume ecclésiastique, à l'église seulement, ils doivent nécessairement en subir toutes les exigences. L’Église ne leur reconnaissant point un costume à part, ils n'ont aucun droit à agir différemment de tout le clergé. Je vais décrire minutieusement et dans toutes ses parties la tenue des enfants de chœur, telle qu'elle est réglée uniformément par le rite romain. Sur ce point en particulier, comme sur tous les autres, l'unité est très-désirable. 
 
 
 
 
I

1. Les souliers sont de couleur noire et à boucles. Pour les avoir constamment propres, il importe qu'ils ne servent qu'à l'église : on les tiendra donc au vestiaire pour les prendre au commencement de chaque fonction, après laquelle ils seront quittés. Garder les chaussures qu'on porte habituellement, c'est s'exposer presque toujours à les avoir malpropres, surtout en temps de pluie, ce qui ne convient pas à la dignité du ministère ni du sanctuaire. À plus forte raison réprouvera-t-on les sabots et les galoches, faits exclusivement pour marcher dans la boue ; or, il n'y en a pas à l'église, où ils en apporteraient infailliblement, sans parler du bruit qu'ils occasionnent. 
Le seul moyen d'avoir des souliers propres, c'est de les faire en cuir verni ou en veau d'Orléans : un coup de brosse ou de linge les remet vite en état, tandis que le cirage offre plus d'un inconvénient. 
Naturellement, la forme adoptée sera la forme usuelle : le soulier sera découvert, son talon sera bas, de manière à n'être pas retentissant sur le pavé et, pour le même motif, la semelle n'aura qu'une épaisseur moyenne. Ainsi façonné, ce soulier sera en rapport direct avec sa destination et se distinguera des chaussures vulgaires ou mondaines. 
La boucle, complément indispensable, se fera en acier poli, au cas où, par économie, ou ne pourrait l'acheter en argent. 
 
2. Les bas seront en laine noire. Je dis laine, car le coton prend mal la teinture et la soie serait un trop grand luxe. Quant aux autres couleurs, elles ne sont pas de mise. Les bas ordinaires, bleus, chinés, etc., sont bons ailleurs qu'à l'église, qui requiert plus de gravité et moins de mondanité. Ces bas spéciaux pourraient rester au vestiaire. 
 
3. La soutane se fait en drap ou en mérinos, jamais en soie. Comme à Rome, elle est tout d'une venue, sans coupure à la taille. Bien entendu, elle ne comporte pas la queue, qui est un signe de haute prélature, ni pour le même motif, des boutons, boutonnières, passepoils et parements de soie : tout cela s'assimile à l'étoffe de la soutane et se fait en laine. 
La couleur n'est pas déterminée, cependant la plus généralement admise est le rouge. Au cas où on adopterait le noir, que ce soit sans aucun de ces agréments de couleur qui n'appartiennent qu'aux prélats.
Une fois le choix fixé pour la couleur, il n'y a plus lieu de la modifier ou même d'admettre deux couleurs se succédant suivant les circonstances et les fête ; cette complication serait puérile et sans but. 
Peut-on prendre le bleu, le violet ? etc. Je n'y vois nul inconvénient au point de vue du droit. Toutefois, je ferai observer que le bleu est bien salissant et que le violet peut être considéré comme épiscopal, puisque tout le séminaire est déjà vêtu de cette livrée. Tout au plus le violet, par analogie, conviendrait-il aux enfants de chœur de la cathédrale (1). 
 
4. Cette soutane ne comporte pas de ceinture, ni noire, ni rouge, ni autrement, parce que, dans le clergé, le port de la ceinture est limité à certaines catégories d'ecclésiastiques et que les enfants ne rentrent dans aucune d'elles. 
 
5. L'enfant, pour toutes les cérémonies, y compris la messe basse, suivant la rubrique du missel, revêt le surplis ou la cotta. L'un et l'autre sont agrémentés de dentelles au corps et aux manches. La cotta, plus gracieuse, ajoute des dentelles aux épaulières et au jabot : cet ornement est de droit commun. 
Il importe d'avoir un bon modèle, pris à Rome même, comme aussi de plisser à la romaine. Ce n'est pas si difficile. M. le chanoine Pottier m'écrit que les enfants de chœur de la cathédrale de Montauban, grâce à son initiative, ont tous des cotta plissées par les lingères du pays, qui, après avoir tâtonné un peu, ont fini par bien faire. Le corps sera en toile plus ou moins fine. Le coton n'est pas interdit, mais le simple bon sens défend les mousselines, surtout quand elles sont fleuronnées : on dirait qu'on a transformé un rideau en cotta
 
6. Les cheveux seront coupés très-courts, avec les oreilles découvertes. C'est de tradition et non moins exigé par la plus stricte propreté. De la sorte, les enfants n'ont point cet aspect bourru et mal élevé que donne une chevelure longue et négligée. 
 
7. Ceux qui n'ont pas de tonsure seraient mal fondés à réclamer la calotte. Leur unique coiffure, quand ils ne sont pas en fondions, est la barrette à trois cornes, noire, semblable en tout à celle du clergé et dont ils se servent en se modelant sur lui. 
 
II 
 
Il ne suffit pas de montrer la règle. II importe encore essentiellement de combattre tout ce qui peut l'altérer. Je vais donc dire maintenant, d'après ce que j'ai vu, quels sont les fautes à éviter, fautes introduites par l'ignorance ou la fantaisie. Nos enfants de chœur ont trop sou.vent été considérés comme de vraies poupées qu'on habille à sa guise. Les religieuses et les mamans les ont bichonnés pour les faire jolis, leurs soins n'ont abouti qu'à les rendre maniérés et ridicules. Cette ordonnance capricieuse n'est point du domaine laïque ; et les marchands d'ornements seront toujours mal venus à proposer des modes nouvelles. L'Église a son type normal, dont on s'est beaucoup trop écarté, comme on va voir par cette trop longue liste d'abus. 
 
l. Les souliers rouges, usurpés en plus d'un endroit, sont personnels aux cardinaux, qui n'en usent que dans des cas déterminés, pour les plus grandes solennités. 
 
2. Les bas blancs supposent un costume blanc. Voilà pourquoi ils sont le privilège du Pape et des ordres religieux qui s'habillent en blanc, comme Chartreux, Dominicains, etc. 
 
3. L'aube a sa fonction rigoureusement fixée par la rubrique : elle se réfère au service immédiat de l'autel. Quelle différence y aurait-il alors entre le prêtre et son servant ? De plus, c'est un vêtement sacré. 
 
4. L'adoption de l'aube a amené celle de l'amict, autre linge béni dont la destination n'est pas susceptible de tant d'extension. 
 
5. Pour serrer l'aube à la taille, on a inventé le cordon rouge, mais surtout la ceinture de soie, bleue ou rouge, que le prêtre lui-même n'a pas le droit de prendre sur l'aube. La cotta oblige à supprimer ipso facto toutes ces anomalies. 
 
6. Parfois on garnit le tour du cou d'un col de velours rouge, apparemment pour faire plus beau. Vaine superfétation ! D'ailleurs le velours est un attribut papal. 
 
7. La calotte rouge doit être formellement bannie de nos églises, car elle constitue un insigne cardinalice. Mais ici tout semble matière à usurpation, tant il est vrai qu'on va loin quand on est sorti une fois de la légalité! 
 
8. Pas de gants, bien entendu, autre insigne de l'évêque officiant. Même en coton blancs, ils sont souverainement déplacés. Si les enfants ont les mains sales, qu'ils se les lavent et savonnent : toute sacristie bien organisée a son lavoir. 
 
9. Sur l'aube, on a mis bien des choses et de bien des couleurs. Je signalerai la mozette, pour laquelle il faudrait au moins un indult pontifical ; un chaperon, à capuchon et pointe triangulaire par derrière, souvenir d'un autre âge ; un collet rouge, même avec des glands d'or pour l'attacher en avant. Puisqu'on était si bien en train, comment se fait-il qu'on n'ait jamais donné aux enfants de chœur un rabat quelconque ? L'oubli est grave, car le rabat est la pièce capitale du costume français.
 
10. Pour les fonctions d'acolytes, nous trouvons encore des chapes ou même des dalmatiques de la couleur du jour. La lettre du cérémonial et l'esprit de l'Église sont loin d'autoriser de pareils écarts, qui diminuent d'autant le respect dû aux ornements sacrés. 
 
11. Enfin la barrette rouge, qui fait une fois de plus de petits cardinaux d'enfants dont le rôle est très-secondaire et d'ordre inférieur, devra disparaître et avec elle toute cette fausse pompe qui ne respecte aucun principe et toute cette vaniteuse exhibition qui ne vit que d'emprunts blâmables. La coutume ne parviendra jamais à régulariser ce qui est vicieux à l'origine même. Étudions davantage, pénétrons-nous mieux de la doctrine romaine et nous serons d'autant moins hardis à tenter de téméraires innovations.
 
X. Barbier de Montault, Prélat de la Maison de Sa Sainteté.
 
Note
 
(1) Si la soutane est échancrée en avant, selon le type romain, il sera bon d'adopter le collarino, espèce de faux-col noir, garni d'un collet de linge blanc, Mais cet appendice, qui est un perfectionnement du costume, n'étant pas toujours rigoureusement porté à Rome par les clercs, je n'ose en faire une obligation absolue pour nos enfants de chœur. En tout cas, que ce ne soit pas un prétexta pour exhiber la cravate.
 
Référence
 
La semaine du clergé, bibliothèque universelle du prêtre, nouvelle édition, tome X, partie II, n°47, 5e année, 12 septembre 1877, Société de librairie ecclésiastique et religieuse, Paris, 1899, p. 1489-1491.

L'image qui accompagne le texte est la reproduction de la partie gauche d'un tableau de Raffaello Frigerio (1875-1940),  Moine et enfant de choeur à la cave à vin.

mercredi 21 novembre 2012

Le col romain, selon J. A. Nainfa, 1926



Col romain (it. collaro) où l'on distingue la baverole souple et noire et le collier rigide et noir, recouvert, dans sa partie supérieure, d'un collet (it. collarino) de toile blanche empesée, interchangeable, unie et sans broderie.

 1. Les ecclésiastiques ayant vécu ou étudié à Rome ont peut-être noté que ce que nous appelons habituellement le col romain est, en effet, un col, mais qui n'est pas romain, si ce n'est, comme nous le verrons plus tard, par adoption.

Notre col romain, soi-disant, est constitué de deux parties, un cercle de lin blanc empesé – le col – et une pièce de tissu ou de soie, à laquelle le col lui-même est attaché par des boutons ou des agrafes, sorte de foulard auquel a été donné [en anglais] le nom quelque peu étrange de « rabbi », qui est probablement une corruption du mot français « rabat ».

Bon, cela est peut-être une surprise pour beaucoup, mais il n'en est pas moins vrai que ce qui est nous est connu [en anglais] sous le nom de « rabbi » correspond au véritable col romain, appelé à Rome collaro.

Le collaro romain est constitué d'une baverole souple et d'un cercle rigide fait de même matière. La partie rigide est, à proprement parler, le col dont la raideur est maintenue par une pièce de carton léger ou de cuir, glissée à l'intérieur. Afin de conserver la propreté du col, une bande interchangeable de lin blanc (le collarino) est placée par dessus et fixée à l'arrière par deux agrafes argentées.

C'est cette petite bande de lin qui est devenue la pièce rigide portée désormais, et qui a usurpé, parmi nous, le nom de « col romain ». Elle a si bien réussi son usurpation qu'elle a été adoptée presque universellement, non seulement dans notre pays, mais ailleurs, et même en Italie, comme la nouvelle forme du col romain. À Rome, désormais, personne ne trouve d'objection à son utilisation.

Et si nous estimons que cette forme nouvelle du « col romain » est plus facile à porter en tant que partie de l'habit civil des ecclésiastiques, nous avons toutes raisons de ne pas changer ce qui peut être considéré comme d'usage universel sur ce point. Le seul changement qui pourrait être suggéré aux ecclésiastiques et aux tailleurs serait de se débarrasser de ce mot juif particulier de « rabbi », qui est certainement hors de propos ici, et qui pourrait être avantageusement remplacé par le mot italien « collaro ». (1)

2. Bien que nous traitions exclusivement du costume prélatice, il n'est peut-être pas inutile de remarquer ici que le collaro, pour les prêtres et les autres membres du bas clergé, doit être entièrement fait de laine, la soie étant réservé au collaro des prélats et des dignitaires qui ont reçu un indult particulier à cet effet. A fortiori, le velours n'est jamais permis, ni même concédé.

Par conséquent, les bonnes sœurs et les pieuse dames qui, pour Noël, submergent les prêtres et séminaristes, en cadeau, de « rabbis », devraient prendre bonne note de cette règle et leur offrir seulement des collari de laine.

3. Le collaro est essentiellement un signe de prélature, lorsqu'il est d'une autre couleur que le noir (2). Les personnes qui portent, par privilège ou usage, la soutane rouge ou violette, sans être prélats, ne devraient jamais porter de collaro rouge ou violet, si cela ne leur est accordé par un indult apostolique. La même règle s'applique à tous ceux qui portent, comme livrée épiscopale, la soutane violette.

4. Le collaro papal est blanc, comme la majeure partie de son habit officiel. Celui des cardinaux est écarlate ; celui des évêques et des autres prélats est violet. (3) Lorsqu'un chapitre a reçu le privilège de porter des collari rouge ou violet, il ne leur est pas permis de les porter en dehors des limites de leur diocèse, (4) sinon dans les cas précisés par le Code de Droit Canon, au canon 409, §. 2. 

Notes 

(1) Le « col romain à simple bande », qui semble être en faveur en certaine partie du pays, et qui est vanté comme une « spécialité » par certains tailleurs pour ecclésiastiques, devrait être abandonné au clergé de l' « Église épiscopale ».

(2) Congrégation des Évêques et des Religieux, 1848. Amlphitan. Bref de Grégoire XVI, Eclesiasticos viros, 17 nov. 1843 [concédant à des abbés et chanoines le port du collaro violet, cf. document, p. 13].

(3) Les prélats religieux devraient porter le collaro de la même couleur que la soutane.

(4) Décrets cités ci-dessus. 


Version originale 

1. Ecclesiastics who have lived or studied in Rome may have noticed that what we usually call a Roman Collar is a collar indeed, but not Roman, except, as will be said later, by adoption.

Our Roman Collar, so-called, consists of two parts, a starched circle of white linen – the collar, and a piece of cloth or silk, to which the collar itself is fastened by means of buttons or hooks, a sort of stock which has been given the somewhat strange name of " rabbi " probably a corruption of the French word " rabat ". 

Now, it may be a surprise to many, but it is none the less true, that what is familiar to us under the name of " rabbi " is the true Roman collar, called in Rome collaro

The Roman collaro is made up of a loose breast-piece and of a rigid circle of the same material. The rigid part is properly the collar, and is maintained stiff by slipping into it a piece of light card-board or leather. In order to keep the collar clean, a changeable band of white linen (collarino) is placed over it and fixed behind with two silver clips.

 It is that small band of linen which has grown into the stiff affair now worn, and has usurped among us the name of " Roman collar. " And so well has it succeeded in its usurpation, that it has been adopted almost universally, not only in this country, but elsewhere, and even in Italy, as the new form of the Roman collar. In Rome now nobody objects to its use. 

And if we consider that this new form of the " Roman collar " renders it easier to wear as a part of the civilian dress of ecclesiastics, we have every reason not to change what may be regarded as the universal custom on this point. The only change that might be suggested to ecclesiastics and tailors would be to do away with that peculiar Jewish word " rabbi ", which is certainly out of place here, and could be advantageously replaced by the Italian word collaro. (1) 

2. Though treating exlusively of the prelatial costume, it may not be useless to remark here that the collaro, for priests and for other members of the inferior clergy, must be made entirely of woolen material, silk being reserved for the collaro of Prelates and of such dignitaries as have received a special indult to that effect. A fortiori, velvet is never allowed, nor even conceded.

Therefore, good sisters and pious ladies who, at Christmas time, overwhelm priests and seminarians with gifts of "rabbis", should take notice of this rule and offer only woolen collari. 

3. The collaro is essentially a sign of Prelacy, when it is made in another color than black. (2) Those who wear the red or purple cassock by privilege or custom, without being Prelates, should never wear a red or purple collaro, unless it is expressly granted by an Apostolic indult. The same rule applies to all who wear a purple cassock as a livery dress.

4. The Pope's collaro is white, like the main parts of his official dress. That of the Cardinalsis scarlet ; of Bishops and other Prelates, purple. (3) When a Chapter have received the privilege of wearing red or purple collari, they are not allowed to wear them outside the limits of their diocese, (4) except in cases mentioned by the Code of Canon Law, canon 409, §. 2. 

Notes

(1) The " single band Roman collar, " which seems to be in favor in some parts of the country, and is advertised as a " specialty " by certain clerical tailors, should be left to the clergymen of the " Episcopal Church. "

(2) Cong, of Bps. and Reg., 1848. Amalphitan. Gregory XVI. 's Brief, Ecclesiasticos viros, Nov. 17, 1843.

(3) Religious Prelates should wear a collaro of the same color as the cassock.

(4) Decrees quoted above.


Référence

John Abel NAINFA, Costume of Prelates of the Catholic Church, nouvelle édition révisée, John Murphy Company, Baltimore (Maryland), 1926, p. 54-56. La version française de ce texte est le fait de l'auteur de ce blog.

Le costume ecclésiastique


Il fut réglé d'abord par l'usage.

Le concile de Mâcon en 581 interdisait le vêtement court des soldats, c'était prescrire la toge, la soutane.

Le quatrième concile du Latran en 1215 défendait aux clercs de s 'habiller de rouge ou de vert : c'était en réserver la distinction aux cardinaux et aux évêques.

Il ne semble pas que ces derniers se soient jamais uniformément vêtus de vert et ils n'ont porté de vert que le chapeau dit pontifical, constituant leur insigne propre.

Le cérémonial de Clément VIII du 14 juillet 1600 a érigé en loi l'usage des évêques de s'habiller de violet. Mais les textes latins s'exprimaient « violaceus seu cælestinus » (Cérémonial pontifical de Paris de Grassi) et cela a permis durant plus de trois siècles de choisir entre le bleu et le groseille la nuance du goût de chaque pays ou de chaque personnage.

Le vert pour vêtement épiscopat ne peut venir que d'une fantaisie ou une altération de peintre, sauf le cas d'un prélat appartenant à quelqu'ordre spécial. 

Par décret du 24 juin 1933, la Sacrée Congrégation Cérémoniale a fixé, avec échantillon à l'appui, la nuance du violet à adopter désormais par tous les évêques et prélats, violet tirant sur le rouge. 

La mozette, réduction de la chape et de la cappa, a été de couleur indifférente jusqu'au XVIe siècle puis obligatoirement bleue ou violette.

La barrette qui procède du bonnet carré a subi des variations de modes. On en rentra une des quatre cornes que seuls, en bonne règle, et hors des cérémonies liturgiques, peuvent porter ceux investis du grade de docteur. 

Certains privilégiés, tels les chevaliers constantiniens de S. Georges, portent la barrette a quatres cornes. 

Depuis 1464 où la barrette rouge est réservée aux cardinaux, les évêques durent porter la barrette noire ; Léon XIII en 1888 leur accorda la barrette violette ; Pie IX en 1867 leur avait concédé la calotte violette. 

Il est possible que certains ecclésiastiques ou prélats de quelqu'un des Ordres religieux, militaires, ou nobiliaires aient eu l'habillement de couleur verte. 


Référence
 
L’intermédiaire des chercheurs et curieux, dirigé par
M. Carle de Rash, B. Duprat, Paris, 15-30 août 1936, n°1848, vol. XCIX, col. 652-653.