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mercredi 22 février 2017

Déclarations sur l'autorité des textes issus du second Concile œcuménique du Vatican (1962-1965)



Première notification
sur l'autorité des textes conciliaires :

29 novembre 1963

(Version modifiée d'un texte adopté, un mois auparavant, par la Commission doctrinale.)

Pericle Felici, cardinal (1911-1982)
Elle insiste déjà sur le « but pastoral du concile actuel » et distingue clairement entre « ce qu'en matière de foi et de mœurs le Concile définit de manière infaillible » et les « autres points que le Concile n'aura pas déclaré clairement comme tels »  et qui sont « exposés par le magistère authentique comme doctrine de l'Église. »

Le secrétaire générale du Concile, Pericle Felici, au même moment, distingue, de façon classique, doctrine et discipline et déclare que la « Constitution sur la Sainte Liturgie » et le « Décret sur les moyens de communication sociale » qui attendent d'être promulguées, ne traitent « que d'une matière disciplinaire ».


Nouvelle formulation
sur l'autorité des textes conciliaires :

6 mars 1964

(Portée à la connaissance du Concile avant le dernier vote sur le De Ecclesia, le 16 novembre 1964.)

Compte tenu de l’usage des conciles et du but pastoral du Concile actuel, celui-ci ne définit comme devant être tenus par l’Église que les seuls points concernant la foi et les mœurs qu’il aura clairement déclarés tels. Quant aux autres points proposés par le Concile, en tant qu’ils sont l’enseignement du magistère suprême de l’Église, tous et chacun des fidèles doivent les recevoir et les entendre selon l’esprit du Concile lui-même qui ressort soit de la matière traitée, soit de la manière dont il s’exprime, selon les normes de l’interprétation théologique. 

(La même réponse fut donnée le 15 novembre 1965 au sujet de la future constitution dogmatique sur la Révélation et sa transmission.)

Référence

Christoph Theobald, Le Concile Vatican II. Quel avenir ?, coll. « Unam Sanctam », nouvelle série, Éd. Du Cerf, Paris, 2015.


Pericle Felici, Notification sur l'autorité des textes conciliaires :

16 novembre 1964

On a demandé quelle devait être la qualification théologique de la doctrine exposée dans le schéma sur l'Église et soumise au vote. À cette question, la commission doctrinale a donné la réponse suivante: cf. ci-dessus, la notification du 6 mars 1964.

Référence

« Notifications faite au cours de la 123e congrégation générale », in Le Concile Vatican II, 1962-1965, Artège, 2012, p. 121



Paul VI, Audience générale, 12 janvier 1966 :


(…) L'héritage du Concile est constitué par les documents successivement promulgués au terme de ses discussions et de ses délibérations. Ces documents sont de diverses natures : il y a des constitutions, des décrets et des déclarations, mais tous ensemble, ils forment un corps de doctrine et de lois qui doit donner à l’Église ce renouveau pour lequel le concile a été décidé.

Connaître, étudier, appliquer ces documents, tel est le devoir providentiel de la période post-conciliaire.

Il faut faire attention : les enseignements du Concile ne constituent pas un système organique et complet de la doctrine catholique. Celle-ci est bien plus vaste, comme chacun le sait, et le concile ne l'a pas contestée ni modifiée substantiellement. Bien au contraire, il l'a confirmée, illustrée, défendue et développée par une apologie très autorisée, pleine de sagesse, de vigueur et de confiance.

C'est cet aspect doctrinal du Concile que nous devons noter en premier lieu, en l'honneur de la Parole de Dieu qui demeure unique et éternelle, comme la lumière qui ne s'éteint pas, et pour la consolation de nos âmes, à partir de la voix franche et solennelle de l'expérience du Concile dont la charge providentielle a été confiée par le Christ au magistère vivant de l’Église pour garder, pour défendre, pour interpréter le «dépôt de la foi » (cf. Humani generi , Acta Apostolicæ Sedis, 1960, p. 567).

Nous ne devons pas détacher les enseignements du Concile du patrimoine doctrinal de l’Église, mais bien voir comme ils s'insèrent en lui, comme ils sont cohérents avec lui, et comme ils lui apportent un témoignage, un accroissement, une explication, une application.

Alors, même les « nouveautés » doctrinales, ou disciplinaires du Concile apparaissent dans leurs justes proportions, elles n'entravent pas la fidélité de l'Église à sa fonction d'enseignement, et elles acquièrent ce sens vrai qui la fait resplendir d'une lumière plus forte.

Par conséquent, le Concile aide les fidèles, qu'ils soient enseignants ou enseignés, à surmonter ces états d'esprit – de déni, d'indifférence, de doute, de subjectivisme, etc. -- qui sont opposés à la pureté et la force de la foi.

Il constitue un grand acte du magistère ecclésial ; et celui qui adhère au Concile reconnaît et honore avec lui le magistère de l'Église ; ce fut la première idée qui poussa le Pape Jean XXIII, de mémoire bénie, à convoquer le Concile, comme il le dit bien en l'inaugurant : "ut iterum magisterium ecclesiasticum (...) affirmaretur" [« afin que soit affirmé de nouveau le magistère ecclésial »] ; « Notre but était, ainsi s'exprimait-il, en convoquant cette grande assemblée, de réaffirmer le magistère ecclésial » (AAS 1962, p. 786). « Ce qui importe le plus pour le Concile œcuménique, a-t-il poursuivi, est la chose suivante : que le dépôt sacré de la doctrine chrétienne soit plus efficacement gardée et exposée » (ibid P. 790.).

Il ne serait ainsi pas vrai de penser

- que le Concile représente un distance, une pause, ou, comme certains le pensent, une émancipation vis-à-vis de l'enseignement traditionnel de l’Église,

- qu'il autorise et promeut un conformisme facile vis-à-vis de la mentalité de notre époque dans ce qu'elle a d'éphémère et de négatif plutôt que [dans ce qu'elle a] de sûr et de scientifique,

- ou qu'il autorise quiconque à donner la valeur et l'expression qu'il croit aux les vérités de la foi.

Le Concile ouvre de nombreux horizons nouveaux aux études bibliques, théologiques et à [l'étude] des sciences humaines, il invite à rechercher et à approfondir les sciences religieuses mais sans priver la pensée chrétienne de sa rigueur spéculative, et ne permet pas que, dans l'école philosophique, théologique et scripturaire de l'Église pénètre l'arbitraire, l'incertitude, la servilité, la désolation, qui caractérisent de nombreuses formes de la pensée religieuse moderne, quand elle est privée de l'assistance du magistère.

Certains se demandent qu'elle est l'autorité, la qualification théologique que le Concile a voulu donner à ses enseignements, sachant qu'il a évité de donner des définitions dogmatiques solennelles, engageant l'infaillibilité du magistère ecclésial.

Et la réponse est connue de ceux qui se souviennent de la déclaration conciliaire du 6 mars 1964, répétée le 16 novembre 1964 : étant donné le caractère pastoral du Concile,

- il a évité de prononcer d'une manière extraordinaire des dogmes comportant la note d'infaillibilité ;

- mais il a néanmoins muni ses enseignements de l'autorité du magistère ordinaire lequel magistère ordinaire, si manifestement authentique, doit être accepté docilement et sincèrement par tous les fidèles selon l'esprit du Concile concernant la nature et les objectifs de chaque document. (...).

Source :

Version française et édition par l'auteur de ce blog.



Paul VI, Audience générale, 29 septembre 1976.

(…) La vérité de la foi, dans son expression authentique et autorisée, ne change pas avec le temps et ne s'use pas avec l'histoire.

Elle peut admettre, et même exiger, un langage pédagogique et pastoral vivant. Il pourra ainsi s'esquisser pour elle une ligne de développement, à condition qu'elle soit conforme à la célèbre et traditionnelle sentence de saint Vincent de Lérins (petite île en face de Cannes, dans la Gaule méridionale), moine du Ve siècle qui, dans son bref mais célèbre Commonitorium, a défendu la tradition doctrinale de l’Église selon cette formule : « Ce qui partout, toujours et par tous » a été cru doit être considéré comme faisant partie du dépôt de la foi. 

Qu'il n'y ait pas de libre invention, de modernisme ; que rien ne donne à la foi une interprétation étrangère à celle du magistère de l'Église.

Cette fixité dogmatique défend le patrimoine authentique de la Révélation, c'est-à-dire de la religion catholique. Le Credo ne change pas, il ne vieillit pas, il ne se dissout pas. (...)

Source : 




Jean-Paul II, Discours aux participants
à la réunion plénière du Sacré Collège des cardinaux,
5 novembre 1979.

(…) De cette manière, nous rejoignons toujours plus la perspective historique de la mission de l’Église qui s’unit pour nous à la perspective théologique de la foi, puisque cette « union dans la vérité et dans la charité », c’est-à-dire l’unité spirituelle liée à la dignité « de fils de Dieu » a été montrée à chaque homme et à tous les hommes.

Nous devons donc faire en sorte que cette formule synthétique, que le Concile nous a laissée dans sa constitution pastorale [Gaudium et spes, n°25 : « il y a une certaine ressemblance entre l’union des personnes divines et celle des fils de Dieu dans la vérité et dans la charité. »], unisse vraiment en elle tous les efforts particuliers qui constituent l’œuvre de la réalisation du Concile.

Dans sa réalité la plus profonde, cette œuvre est symbolisée par l’arbre de la vie, avec lequel l’homme autrefois a rompu son lien du fait du péché originel (cf. Genèse 3, 1-7), et qui, avec le Christ, a recommencé à se développer vigoureusement dans l’histoire de l’humanité.

Le Concile n’a pas tant dévoilé à nos yeux l’éternel mystère de ce développement, qu’il n’a mis en relief, d’une façon particulièrement pénétrante, son étape contemporaine.

C’est pourquoi l’obéissance à l’enseignement du Concile Vatican II est obéissance à l’Esprit-Saint, qui est donné à l’Église afin de rappeler, à chaque moment de l’Histoire, tout ce que le Christ lui-même a dit pour enseigner toute chose à l’Église (cf. Jn 14, 26).

L’obéissance à l’Esprit-Saint s’exprime dans la réalisation authentique des tâches indiquées par le Concile, en plein accord avec l’enseignement qui y est proposé.

6. On ne peut pas traiter de ces tâches comme si elles n’existaient pas. On ne peut pas prétendre pour ainsi dire, faire remonter à l’Église le cours de l’Histoire de l’humanité.

Mais on ne peut pas non plus courir présomptueusement en avant, vers des manières de vivre, de comprendre et de prêcher la vérité chrétienne, et finalement vers des modes d’être chrétien, prêtre, religieux et religieuse, qui ne s’abritent pas sous l’enseignement intégral du Concile ; intégral, c’est-à-dire entendu à la lumière de toute la sainte Tradition et sur la base du magistère constant de l’Église

[IT. : « cioè inteso alla luce di tutta la Santa Tradizione e sulla base del costante Magistero della Chiesa stessa. » LAT. : « intellegitur sub sanctae Traditionis lumine et quatenus ad constans Ecclesiae ipsius magisterium refertur. »].

Tâche grande et multiple que celle qui place devant nous l’impératif de la réalisation du Concile ! Elle demande une vigilance continuelle par rapport à l’authenticité de toutes les initiatives dans lesquelles s’articulera cette réalisation.

L’Église, communauté vivante des fils de Dieu unis dans la vérité et dans l’amour, doit faire un grand effort, en ce moment, pour entrer dans la vraie voie de la réalisation de Vatican II et se dégager des propositions contraires, chacune desquelles se révélant, en son genre un éloignement de cette voie. Cette voie seule — autrement dit l’obéissance honnête et sincère à l’esprit de vérité — peut servir à l’unité et en même temps à la force spirituelle de l’Église.




Joseph cardinal Ratzinger,  
Discours aux évêques chiliens,
13 juillet 1988

Le second concile du Vatican n’est pas abordé comme une partie de l’ensemble de la Tradition vivante, mais comme la fin de la Tradition et un redémarrage à zéro.

La vérité est que le Concile n’a défini aucun dogme et a voulu consciemment s’exprimer à un niveau plus modeste, simplement comme un concile pastoral.

Pourtant, nombreux sont ceux qui l’interprètent comme s’il était presque un super-dogme qui ôte toute importance au reste.

Cette impression est surtout renforcée par certains faits courants. Ce qui était autrefois comme le plus sacré – la forme transmise de la liturgie – apparaît d’un seul coup comme ce qu’il y a de plus défendu et la seule chose que l’on puisse rejeter en toute sûreté. On ne tolère pas la critique des options de la période post-conciliaire ; mais, là où les antiques règles sont en jeu, ou bien les grandes vérités de la foi – par exemple, la virginité corporelle de Marie, la résurrection corporelle de Jésus, l’immortalité de l’âme, etc. – on ne réagit même plus, ou alors avec une modération extrême. (…)

Tout cela conduit de nombreuses personnes à se demander si l’Église d’aujourd’hui est réellement celle d’hier, ou si on l’a remplacée par une autre sans les en aviser. La seule manière de rendre crédible Vatican II est de le présenter clairement pour ce qu’il est : une partie de l’entière et unique Tradition de l’Église et de sa foi. (…)

Néanmoins il est vrai que, dans le mouvement spirituel de la période post-conciliaire s’est manifesté un oubli, voire une suppression de la question de la vérité : peut-être touchons-nous ainsi le problème crucial de la théologie et de la pastorale d’aujourd’hui. La «vérité» est apparue comme une prétention trop altière, un « triomphalisme » que l’on ne pouvait plus se permettre.

Ce processus se vérifie d’une manière claire dans la crise affectant l’idéal et la pratique missionnaires. Si nous ne mettons pas l’accent sur la vérité dans l’annonce de la foi, et si cette vérité n’est plus essentielle au salut de l’homme, les missions perdent leur signification. En effet, on a déduit et on déduit encore que, pour l’avenir, on doit seulement viser à ce que les chrétiens soient de bons chrétiens, les musulmans de bons musulmans, les hindous de bon hindous, etc. Mais comment peut-on savoir quand quelqu’un est un «bon» chrétien ou un «bon » musulman?

L’idée que toutes les religions ne sont, à proprement parler, que des symboles de ce qui est, en dernière analyse, l’Incompréhensible, gagne rapidement du terrain dans la théologie et a déjà profondément pénétré la pratique liturgique.

Là où un tel phénomène se produit, la foi comme telle est abandonnée, parce qu’elle consiste dans le fait que je me rends à la vérité en tant que je la reconnais. C’est ainsi que nous avons toutes les raisons de retourner à une conception correcte sur ce terrain également.


Source :



Joseph cardinal Ratzinger
1991

Si quelque part, on en venait à former une « majorité » contre la foi de l’Église d’autres temps, ce ne serait absolument pas une majorité.

Référence :

Joseph cardinal Ratzinger, La Chiesa, Milan, 1991, p. 71.

dimanche 12 février 2017

Tous les saints s'entre-devront quelque chose, selon S. Thérèse de Lisieux.

 
Une novice lui disait :

« Vous êtes bien heureuse d'être choisie pour indiquer aux âmes la ''voie d'enfance'' » !

Elle répondit :

« Pourquoi en serais-je heureuse ? pourquoi désirerais-je que le bon Dieu se serve de moi plutôt que d'une autre ? Pourvu que son règne s'établisse dans les âmes, peu importe l'instrument. D'ailleurs, il n'a besoin de personne.

« Je regardais, il y a quelque temps, la mèche d'une petite veilleuse presque éteinte. Une de nos sœurs y approcha son cierge ; et, par ce cierge, tous ceux de la communauté se trouvèrent allumés. Je fis alors cette réflexion : qui donc pourrait se glorifier de ses œuvres ? Ainsi, par la faible lueur de cette lampe, il serait possible d'embraser l'univers. Nous croyons souvent recevoir les grâces et les lumières divines par le moyen de cierges brillants ; mais d'où ces cierges tiennent-ils leur flamme ? Peut-être de la prière d'une âme humble et toute cachée, sans éclat apparent, sans vertu reconnue, abaissée à ses propres yeux, près de s'éteindre.

« Oh! que nous verrons de mystères plus tard! Combien de fois ai-je pensé que je devais peut-être toutes les grâces dont j'ai été comblée aux instances d'une petite âme que je ne connaîtrai qu'au ciel !

« C'est la volonté du bon Dieu qu'en ce monde les âmes se communiquent entre elles les dons célestes par la prière, afin que, rendues dans leur patrie, elles puissent s'aimer d'un amour de reconnaissance, d'une affection bien plus grande encore que celle de la famille la plus idéale de la terre.

« Là, nous ne rencontrerons pas de regards indifférents, parce que tous les saints s'entre-devront quelque chose.

« Nous ne verrons plus de regards envieux ; d'ailleurs le bonheur de chacun des élus sera celui de tous. Avec les martyrs, nous ressemblerons aux martyrs ; avec les docteurs, nous serons comme les docteurs ; avec les vierges, comme les vierges ; et de même que les membres d'une même famille sont fiers les uns des autres, ainsi le serons-nous de nos frères, sans la moindre jalousie.

« Qui sait même si la joie que nous éprouverons en voyant la gloire des grands saints, en sachant que, par un secret ressort de la Providence, nous y avons contribué, qui sait si cette joie ne sera pas aussi intense, et plus douce peut-être, que la félicité dont ils seront eux-mêmes en possession ?

« Et, de leur côté, pensez-vous que les grands saints, voyant ce qu'ils doivent à de toutes petites âmes, ne les aimeront pas d'un amour incomparable? Il y aura là, j'en suis sûre, des sympathies délicieuses et surprenantes. Le privilégié d'un apôtre, d'un grand docteur, sera peut-être un petit pâtre ; et l'ami intime d'un patriarche, un simple petit enfant. Oh ! que je voudrais être dans ce royaume d'amour ! »

Référence

S. Thérèse de l'Enfant Jésus, Conseils et souvenirs

Dieu peut libérer le coeur raidi et convulsé, selon Romano Guardini


Le retour du fils prodigue, par Rembrandt, 1668
Dieu peut donner une nouvelle pureté au cœur souillé qui se tourne vers lui avec repentir. Dans l'être desséché comme un champs sans pluie. Il peut dégager les sources intérieures.

Quelquefois, tout y est blessé par la nostalgie ou par la douleur, ou par ces déchirures de tout l'être qu'aucun médecin ne saurait guérir, mais auxquelles le salutaire « doigt de Dieu » peut remédier.

Lui seul a le pouvoir de libérer ce qui est raidi et convulsé : la mauvaise volonté, le défi, la haine, l'endurcissement dans le mal, l'indifférence, la dureté, la froideur, la détresse muette qui sent avec désespoir que cet état est terrible et ne peut cependant en sortir.

Non, nous ne pouvons pas sortir de nous-mêmes. Il doit venir, l'Esprit libérateur, et nous conduire à travers la prison que nous sommes pour nous-mêmes jusqu'au large divin ! Il doit détendre ce qui est raidi, faire fondre la glace, et lui seul, souverain conseiller qui connaît tous les chemins, peut frayer une voie dans le chaos intérieur qui n'a ni porte ni issue. Il peut faire que l'on recommence à marcher, que, de nouveau, un but et une voie apparaissent. 

Référence

Romano Guardini, Le Dieu vivant, Artège, Perpignan, 2010, p. 137 (première traduction française : 1956).

mardi 10 janvier 2017

L'autel, le tabernacle et les lumières dans l'églises, selon M. de Corny, 1858


L'autel principal doit être élevé de trois marches, y compris le marche-pied.

Les rubricistes indiquent ce nombre de marches, et, effectivement, s'il y en avait plus ou moins de trois, le diacre et le sous-diacre ne pourraient pas se placer de la façon que réclament les règles tracées a chacun d'eux. Allégoriquement, on peut le rattacher à ces trois vertus principales qui servent à l'homme de degrés pour l'élever à Dieu. Il faut noter ici que nous nommons marche-pied la marche d'en haut, celle que le cérémonial appelle suppedaneum, et que quelques auteurs désignent par le nom de pallier.

On appelle vulgairement en France autels à la romaine les autels placés en avant du chœur et orientés dans le sens de l'église, de telle sorte que le clergé se trouve derrière l'autel : tel est, par exemple, l'autel de l'église de Saint-Sulpice à Paris. Cette dénomination est erronée. Les autels construits d'après l'ancienne tradition romaine, tels que ceux des grandes basiliques de Rome, sont placés, il est vrai, au bas du chœur, mais ils sont orientés dans un sens opposé à l'église, de telle sorte que le prêtre, en disant la messe, regarde le peuple et la grande porte de l'église. « Si altare sit ad orientem versus populum (dit la rubrique), celebrans versa facie ad populum, non vertit humeros ad altare cum dicturus est ''Dominus vobiscum ; orate, fratres ; ite, missa est'', vel daturus benedictionem : sed osculato altari in medio, ibi, expansis et junctis manibus ut supra, salutat populum et dat benedictionem [si l'autel est [tourné] vers l'orient, en direction du peuple, le célébrant, le visage tourné vers le peuple, ne tourne pas les épaules vers l'autel lorsqu'il a dit ''Le Seigneur est avec vous ; priez, frères ; allez, c'est l'envoi'', ou lorsqu'il a donné la bénédiction : mais alors qu'il a baisé l'autel au milieu, là, ayant étendu et joint les mains comme ci-dessus, il salue le peuple et donne la bénédiction]. » Le peuplé est alors derrière l'autel, et c'est devant le clergé que se célèbrent les mystères : dans une cathédrale, le siège de l'évêque serait alors sous l'abside en face de l'autel. Tel est le véritable autel a la romaine. Les autels derrière lesquels se trouve le clergé ont été introduits par les religieux qui, en assistant à l'office, ne voulaient pas être vus du peuple, et qui, comme les Dominicains, dérobaient même totalement au peuple la vue du chœur par des rideaux tirés aux côtés de l'autel. Il ne convient pas de suivre ce modèle dans les églises du clergé séculier, et surtout dans les cathédrales ; car l'esprit de la rubrique est que les cérémonies du sacrifice s'accomplissent devant le clergé, et pour les cathédrales, le cérémonial rend cela absolument nécessaire. Il y a des églises où l'on a accolé au bas du chœur deux autels : l'un regardant l'orient, l'autre tourné vers l'occident. Nous ne croyons pas cette combinaison fondée sur la tradition. Toujours est-il qu'il faudrait, dans ce cas-la, chanter la grand'messe à l'autel du côté duquel se trouve le clergé.

Comme tout autel, il doit être recouvert de trois nappes. La nappe de dessus ne doit pas seulement recouvrir la table de l'autel ; par les deux extrémités, elle doit tomber jusqu'à terre.

À la partie antérieure de l'autel, on adapte une tenture ou parement, que la rubrique nomme pallium, dont la couleur doit être, autant que possible, en rapport avec l'office, et dont la forme est assez semblable à celle des parements noirs qui étaient demeurés usités en France pour les offices funèbres. Toutefois, ce parement ne doit pas être garni d'une corniche de bois faisant saillie ; le cadre qui le soutient doit être placé sous l'étoffe.

(…) Le cérémonial des évêques, livre 1, chapitre 12, n°11, veut que les nappes totem altaris planitiem et latera contegant [couvrent toute la surface et les côtés de l'autel]. Elles sont, en effet, destinées, d'après les expressions usitées dans leur bénédiction, ad tegendum involvendumque altare [à couvrir et envelopper l'autel]. C'est le parement de couleur qui, cachant l'autel par-devant, achève de l'envelopper et complète la signification mystérieuse des nappes. Spirituellement, l'autel ainsi voilé, c'est Jésus-Christ invisible maintenant au monde et manifesté seulement en la personne de ses membres (...).

Sur l'autel doit être comme objet principal une croix avec des chandeliers de chaque côté. Une croix petite et peu apparente ne pourrait suffire. Cependant, s'il existait au-dessus de l'autel un grand crucifix, peint ou sculpté, il ne serait pas nécessaire de placer une autre croix entre les chandeliers.

(…) bien que la rubrique demande simplement une croix et que la Congrégtion des Rites eût décidé qu'une croix nue pouvait suffire, Benoît XIV enseigne qu'il faut s'en tenir à l'usage commun, et si bien justifié, qui veut sur la croix l'image du crucifix.

Quant au nombre des chandeliers, six est celui qui convient pour les messes solennelles.

Il ne parait pas convenable de le dépasser. Quand l'évêque officie, d'après une tradition qui a sa source dans l'Apocalypse et dans le mystère des nombres, on ajoute un septième chandelier ; mais que signifierait ce cierge supplémentaire, s'il se trouvait onzième ou treizième ? Il ne doit donc y avoir sur l'autel des cathédrales que six cierges. Il n'y en a pas d'avantage sur l'autel papal : on jugera par là de ce qui convient aux autres églises. (...)

Le cérémonial recommande une disposition dans laquelle les chandeliers différeraient de hauteur. Les moins élevés seraient aux coins de l'autel, les plus élevés seraient les plus rapprochés du crucifix, et le crucifix lui-même, ayant une base ou un piédestal arrivant à la hauteur des deux chandeliers voisins, devrait les dominer de la grandeur de la croix.

(…)

Au-dessus de l'autel, on place un dais ou baldaquin. Le cérémonial le prescrit formellement pour les cathédrales, et les décrets de la Congrégation des Rites approuvent qu'on le fasse aussi pour les autres autels et les autres églises. Cela doit surtout s'observer pour l'autel où réside le Saint-Sacrement.

Le Saint-Sacrement ne peut être déposé dans une église qu'à un seul autel choisi de façon à faciliter le culte de ce sacrement adorable, mais de façon aussi à ce que les cérémonies n'en soient pas gênées.

Les grands offices, en effet, ne doivent pas avoir lieu là où est la réserve du Saint-Sacrement, car la multiplicité des génuflexions qui seraient alors nécessaires et la prohibition de tourner directement le dos à l'autel apporteraient beaucoup d'embarras dans la cérémonie.

Voilà pourquoi, dans les cathédrales, on doit choisir, pour cette réserve, un autel différent du maître-autel, et dans les églises paroissiales où c'est ordinairement au maître-autel que le Saint-Sacrement réside, il faut l'en retirer pour un office pontifical ou pour toute autre grande cérémonie.

(…) Autrefois, en France , il y avait, dans les grandes églises, une chapelle pour le Saint-Sacrement qu'on appelait chapelle de la communion.

Le tabernacle, qui sera en bois doré ou en marbre et fermera à clef, doit être, à l'intérieur, revêtu de soie blanche ; le ciboire où sont les saintes hosties doit être aussi revêtu d'un voile blanc.

À l'extérieur, le tabernacle, quand il renferme les saintes espèces, se recouvre d'un conopée ou tenture de soie, qu'il est à propos de mettre, comme le parement de l'autel, en rapport avec la couleur de l'office.

Ce mot de conopée désigne une sorte de rideau ou courtine de soie abritant un lieu digne d'un respect particulier. (…) Le rituel prescrit d'en mettre un sur le tabernacle où est le Saint-Sacrement. (…) et c‘est là-même le signe qui avertit de la présence du Saint-Sacrement ; car les lampes peuvent s'allumer en l'honneur d'un saint et devant un autel ordinaire, tandis que le conopée ne s'applique jamais à un tabernacle vide. Toutefois, le rituel n'en marque pas la couleur, et Barufaldi a cru qu'il fallait lui donner la couleur blanche, ainsi qu'au voile qui recouvre le ciboire. Mais les rubricistes, après Gavantus, décident qu'il faut lui donner la couleur du jour, tout comme au parement antérieur, parce qu'il appartient a l'ornement de l'autel ; et cette opinion est si généralement reçue, et elle est suivie si constamment dans les grandes églises, qu'il faut s'y conformer, (...). Quand l'autel sera paré de noir, on mettra un conopée violet au tabernacle, auquel il ne convient pas d'adapter de signes de mort. (Gavantus et auctores.) Quant à la forme du conopée, on pourra la varier un peu selon la forme du tabernacle auquel on l'adapte.

Il est très convenable de peindre ou de sculpter sur la porte du tabernacle une image ou emblème du Sauveur, et cette porte ne peut être masquée par un vase de fleurs ou chose semblable. On ne doit rien renfermer dans le tabernacle que la réserve du Saint-Sacrement, et on ne doit placer dessus ni fleurs, ni statues de saints, ni reliques, mais le seul crucifix.

Devant chaque autel, et surtout devant les autels principaux, il serait convenable de disposer des lampes ; mais il est absolument prescrit d'en suspendre au moins une qui brûle jour et nuit devant le tabernacle du Saint-Sacrement.

Sur l'autel, on ne doit rien déposer que ce qui est prescrit par les rubriques. Il ne faut y placer ni le rituel, ni les lunettes, si ce n'est pour un instant, ni encore moins le mouchoir ou la barrette du prêtre. Il ne faut pas non plus attacher le manuterge à la nappe. (...)

Hors le temps de la messe, l'autel doit être recouvert d'un tapis ou voile en étoffe propre et convenable, et l'on ne doit pas y laisser les tableaux où sont inscrites quelques oraisons de la messe et qu'en France, on nomme vulgairement canons.

Le mode d'orner un autel le plus conforme au cérémonial, c'est de placer entre les chandeliers des reliquaires ou des statues de saints ; mais le cérémonial admet aussi qu'on le décore avec des fleurs.

Si l'on place des statues ou des reliques de saints sur l'autel, il faut mettre celles des saints dont la dignité est le plus élevée le plus près du crucifix, et considérer comme place d'honneur le côté de l'évangile, c'est-à-dire la droite du crucifix, par rapport au côté de l'épître, qui est la gauche du crucifix. On peut remarquer ici que le côté gauche de l'autel est celui de l'épître, et le côté droit celui de l'évangile. (…)

Au bas des marches du maître-autel qui descendent du côté de l'épître, il faut placer une crédence, c'est-à-dire une table plus longue que large, et qui doit être tournée non pas dans le même sens que l'autel, mais de manière à faire équerre avec lui. 1, 20 mètre de longueur sur 60 cm de largeur, est la mesure qu'on peut ordinairement lui donner.

On la recouvre, pour la messe haute, d'une nappe qui l'enveloppe entièrement et qui tombe de tous côtés jusqu'à terre.

Pour les messes basses, où cette crédence n'est pas nécessaire, il suffit d'avoir le lieu convenable pour y déposer la clochette, les burettes et le manuterge.

Du côté de l'épître encore, près des marches de l'autel, mais ordinairement un peu en avant d'elles, on établit le siège du célébrant : ce siège ne doit pas être un fauteuil, mais bien un banc qui peut avoir un dossier, et qu'on recouvre, surtout aux jours de fête, d'une étoffe verte ou d'une tapisserie. Il doit être assez long pour que trois personnes s'y puissent asseoir aux messes solennelles.

On couvre le pavé du chœur de tapis verts et les marches de l'autel d'un tapis plus riche.

À quelque distance en avant, selon la commodité des lieux, doivent se trouver les places du clergé, stalles ou bancs. (…)

Nous avons déjà dit que, dans les grand'messes, il était convenable d'allumer six cierges sur l'autel. Quatre cependant peuvent suffire.

Aux messes basses, on n'en doit allumer que deux, quelle que soit la dignité du célébrant, fût-il abbé, chanoine, dignitaire, ou vicaire-général. 

Toutefois, à la messe paroissiale ou de communauté aux jours de grande fête, ou si, dans une véritable solennité, on ne pouvait chanter la messe, à la messe basse qui serait célébrée au lieu de messe haute, on pourrait allumer plusieurs cierges.

En présence du Saint-Sacrement exposé, il doit y avoir toujours un assez grand nombre de cierges sans cesse allumés. L'instruction de Clément XI, en vigueur à Rome et en beaucoup de lieux, en porte le minimum à vingt. Ailleurs, on en demande au moins douze. 

On n'est pas tenu à exposer le Saint-Sacrement, mais on est tenu à ne l'exposer qu'avec un éclat convenable.

Nous avons parlé du cierge de l'élévation qu'on allume aux messes basses, depuis l'élévation jusqu'après la communion.

À l'élévation des grand'messes, ou des messes basses célébrées pour tenir lieu de messe solennelle, aux saluts et aux processions du Saint-Sacrement, des céroféraires portent et soutiennent des torches.

Aux offices funèbres, on allume des cierges autour du catafalque ou du corps du défunt, et on en distribue au clergé et quelquefois aux assistants.

Tous ces cierges, ceux qu'on bénit à la Chandeleur, ou qu'on brûle devant les images et les reliques des saints, et en général tous ceux qu'on allume comme acte de culte et pour suivre la tradition de l’Église, doivent être de cire.

La cire est un des symboles les plus expressifs fournis par la nature à l’Église pour exprimer allégoriquement l'humanité sainte de Jésus-Christ. Les plus anciens docteurs s'étendent sur la virginité des abeilles et sur la pureté de cette substance tirée du suc le plus exquis des fleurs, et ils rapprochent ces circonstances de la conception du Sauveur dans le chaste sein de Marie. La blancheur de la cire, laborieusement obtenue, signifie encore la gloire de Jésus-Christ, résultat de ses souffrances ; enfin, la flamme s'élançant du sein de cette colonne de cire qu'elle consume, c'est la divinité de Jésus-Christ se manifestant à travers ses œuvres et par le sacrifice même de son humanité, et illuminant le monde. Il ne peut être permis de troubler tous ces augustes symboles auxquels une place si importante appartient dans notre culte, et de composer les cierges avec la graisse, qui a toujours exprimé la vie de la chair et les instincts terrestres. (…)

Les cierges doivent être allumés avant et éteints après les offices par les acolytes, ou par le servant avant et après la messe basse.

On les allume ou on les éteint en commençant par le côté de l'évangile et par ceux qui seraient plus voisins de la croix.

Il faut, du reste, prendre le feu qui servira à allumer les cierges à quelque lampe dont la flamme serve déjà à l'exercice du culte.

On sait avec quelle rigueur il était défendu dans l'ancienne loi d'employer un feu profane pour l'usage de l'autel. Les raisons allégoriques de cette règle étaient trop saillantes pour que l’Église n'ait pas, elle aussi, attaché de l'importance à l'origine du feu servant à son culte. Le Samedi-saint encore, nous tirons avec cérémonie le feu d'une pierre, image de Jésus-Christ, et nous le bénissons solennellement. (...)

Outre les cierges, on allume dans l'église des lampes, lesquelles doivent brûler continuellement, même lorsqu'il y a des cierges allumés ; les lampes, en effet, sont un autre genre de luminaire qui se cumule avec les cierges.

Outre la lampe, ou les lampes en nombre impair qui brûlent devant le Saint-Sacrement, le cérémonial indique qu'il doit y en avoir une allumée devant le maître-autel, quand le Saint-Sacrement n'y réside pas, et engage à en allumer aussi devant les autres autels ou devant les images ou reliques des saints.

Référence

M. de Corny, Cérémonial romain rédigé d'après les sources authentiques, 3e édition revue et corrigée, Maison Méquignon Junior, Jouby, successeur, Paris ; Comoy et Gilliet, imprimeurs, Moulins, 1858, p. 1-13 et 30-34

lundi 9 janvier 2017

L'usage de quelques vêtements liturgiques, selon M. de Corny, 1858



La chasuble sert exclusivement à la célébration de la messe, sauf les exceptions qui concernent les chapitres et les cathédrales. On ne peut pas la prendre pour les saluts ni pour porter le Saint-Sacrement, car la chape est alors positivement prescrite.

(...)

L'étole s'emploie pour l'administration des sacrements, pour les bénédictions, pour les funérailles et pour la célébration de la messe. Le prêtre s'en revêt aussi pour recevoir la Sainte-Communion.

On peut, si c'est l'usage, s'en servir en prêchant ; mais on ne peut l'employer pour chanter les vêpres ou un office, quelque solennel qu'il soit, ni lorsqu'il s'agit simplement de présider à une cérémonie, ni comme signe de la charge curiale ou marque de juridiction.

(…) Dans beaucoup de diocèses de France, un usage de ce genre autorise à se servir de l'étole pour les prédications de la messe, désignées sous le nom de prône.

Les décrets les plus formels de la Congrégation des Rites , sanctionnés tout spécialement par l'autorité pontificale, tracent ces règles, en prescrivant aux Ordinaires d'éliminer toute coutume opposée, qui ne doit être regardée que comme un abus.

L'étole, en effet, dans l'économie de la liturgie, est un insigne d'ordre, qu'on revêt dans les actes où le caractère sacré est requis, et elle n'est pas insigne de juridiction, d'office ou d'autorité. Toutes les fois qu'on l'emploie avec l'aube, elle doit être croisée sur la poitrine. 
 
(…)

La chape est destinée à rehausser l'éclat de certaines cérémonies autres que la messe. On doit l'employer pour les processions et bénédictions du Saint-Sacrement, pour les processions solennelles, pour les vêpres chantées solennellement. Dans ce dernier cas, quelques-uns des prêtres ou clercs qui assistent le célébrant s'en revêtent également.

En général, toutes les fois que le célébrant est revêtu de la chape, il doit avoir à ses côtés des assistants qui en soulèvent les bords quand il marche ou quand il agit des deux bras, ou au moins le bord de droite quand il agit du bras droit.

(…)

L'habit de chœur, dont tous les clercs doivent user à l'église, est le surplis à larges manches, par-dessus une soutane touchant les talons par derrière et non pas relevée, et la barrette.

Le rochet, qui se distingue du surplis par ses manches étroites, est le vêtement des évêques et des prélats, et les chanoines n'en usent que par privilège et concession du Saint-Siège.

Les chanoines, du reste, ne doivent porter l'habit de chœur qui leur est propre que dans la cathédrale on collégiale dont ils sont chanoines, ou bien quand ils accompagnent et assistent l'évêque, et aux autres occasions où ils agiraient capitulairement. 

Hors ces cas, ils doivent porter l'habit de chœur commun à tous les clercs.

Les insignes canoniaux ont été établis par l’Église pour relever les fonctions canoniales, et non pas pour décorer les personnes des chanoines. Tout ainsi que le prêtre se revêt de la chasuble et des autres ornements sacerdotaux pour célébrer le saint sacrifice, le chanoine, pour faire dans la cathédrale cet office public, qui est la prière solennelle de l'Église, prend la mosette ou la cappa ; mais ces actes achevés, le prêtre ne conserve point sa chasuble pour des fonctions différentes ou pour ses actions personnelles, et le membre du chapitre n'a point à prendre les insignes du canonicat pour aller prêcher, faire le curé, le catéchiste, etc. Ces principes sont fort clairs, et il n'est pas étonnant que la Congrégation des Rites ait constamment répondu en ce sens aux consultations qui lui étaient proposées. (...)

Il ne doit y avoir qu'un seul habit de chœur dans une église, et les chantres et les enfants doivent eux aussi porter le surplis et non pas l'aube ni le surplis sans manches. L'usage de la calotte, qui n'est permis aux clercs et aux prêtres qu'avec des restrictions, ne peut convenir à ces enfants ; à plus forte raison, ne peut-on, par un étrange abus, leur donner la calotte et la barrette rouge, qui constituent un insigne dans l’Église. Ils ne peuvent se couvrir la tête que d'une barrette noire. Pour la couleur de la soutane, on peut conserver l'usage des églises. À Rome même, on admet pour les élèves des séminaires, ces diverses couleurs de vêtements, permises autrefois à tous les clercs.

Aux yeux de l’Église, on fait partie ou du clergé ou du peuple. Elle tolère, il est vrai, pour suppléer au petit nombre des clercs, que plusieurs laïcs soient introduits parmi eux, et fassent quelques-unes de leurs fonctions en portant leur habit ; mais, à ce moment, elle les accepte comme s'ils appartenaient réellement au clergé et non pas comme faisant un ordre intermédiaire : on ne peut donc pas leur constituer un costume spécial. Dans les pays du nord, où souvent on usait de fourrures, le vêtement de chœur qu'on mettait par-dessus, prit le nom de superpelliceum (super pelliceas vestes) ou surpelis et ensuite surplis. En Italie, on l'appelait cotta. Ces deux dénominations ont été conservées dans la langue liturgique, la première ayant prévalu dans le missel et le rituel, la seconde dans le cérémonial des évêques. La forme s'en est aussi un peu diversifiée selon les pays. En Italie, il est très court et fort plissé, soit pour le corps, soit pour les manches. Mais partout où l'on pratique la liturgie avec intelligence et fidélité, on n'a jamais songé à le décomposer en surplis solennel et surplis vulgaire, surplis des clercs et surplis des laïcs.

Quant à la barrette, elle doit être complètement noire, ainsi que la calotte. Lorsqu'on porte, comme à Rome, la barrette à trois cornes, l'angle dépourvu de corne se place au-dessus de l'oreille gauche. La barrette complète le costume ecclésiastique de chœur ; et lors même qu'on ne doit point avoir l'occasion de la mettre sur sa tête, par exemple à cause de l'exposition du Saint-Sacrement, on doit la porter à la main.

(…) En Italie, la barrette à quatre cornes est propre aux docteurs ; mais ils ne la portent que dans les actes académiques, et un prêtre docteur ne peut s'en servir à l'église (S. R. C. in Venusina, 7 decemb. 1844).


Référence

M. de Corny, Cérémonial romain rédigé d'après les sources authentiques, 3e édition revue et corrigée, Maison Méquignon Junior, Jouby, successeur, Paris ; Comoy et Gilliet, imprimeurs, Moulins, 1858, p. 18-30

lundi 12 décembre 2016

Comment, par la passion, le Christ a réconcilié les hommes avec Dieu, selon S. Thomas d'Aquin

Le Christ-Prêtre en Croix, 
Église Notre-Dame-de-la-Miséricorde
d' Ars-sur-Formans


Objections

1. Il n'y a pas de réconciliation entre amis. Or Dieu nous a toujours aimés : « Tu aimes tout ce qui existe et tu ne hais rien de ce que tu as fait (Sagesse 11, 25). »

2. La même réalité ne peut être à la fois principe et effet ; c'est pourquoi la grâce, qui est principe de mérite n'est pas méritoire.

Or l'amour de Dieu est le principe de la passion du Christ, comme le montre S. Jean (3, 16) : « Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique. »

Il ne semble donc pas que par la passion du Christ nous avons été réconciliés avec Dieu de telle sorte qu'il ait commencé de nous aimer à nouveau.

3. La passion du Christ a été accomplie par les meurtriers du Christ qui, de ce fait, ont gravement offensé Dieu.

La passion est donc pour Dieu un motif d'indignation plus que de réconciliation.

En sens contraire, il y a cette parole de S. Paul (Romains 5, 10) : « Nous avons été réconciliés avec Dieu par la mort de son Fils. »


Réponse

La passion du Christ est la cause de notre réconciliation avec Dieu sous deux rapports :

En tant qu'elle écarte le péché, par lequel les hommes sont constitués ennemis de Dieu, selon le livre de la Sagesse (14, 9) : « Dieu déteste également l'impie et son impiété », et selon le Psaume (5, 7) : « Tu hais tous les malfaisants. »

En tant qu'elle est un sacrifice souverainement agréable à Dieu

Car l'effet propre du sacrifice, c'est de nous rendre Dieu favorable. Ainsi un homme pardonne une offense commise contre lui, à cause d'un service agréable qu'on lui rend.

Aussi est-il écrit (1 Samuel 26, 19) : « Si c'est le Seigneur qui t'excite contre moi, qu'il soit apaisé par l'odeur d'un sacrifice. »

Et pareillement, que le Christ ait souffert volontairement, ce fut un si grand bien que Dieu, à cause de ce si grand bien trouvé dans la nature humaine, s'est apaisé au sujet de toute offense du genre humain, pour tous ceux qui s'unissent de la manière qu'on a indiquée au Christ qui a souffert.


Solutions

1. Dieu aime dans tous les hommes la nature que lui-même a faite. Mais il les hait quant à la faute commise contre lui, selon l'Ecclésiastique (12, 6) : « Le Très-Haut a les pécheurs en haine. »

2. On ne dit pas que le Christ nous a réconciliés avec Dieu en ce sens qu'il aurait commencé de nous aimer à nouveau, puisqu'il est écrit dans Jérémie (31, 3) : « Je t'ai aimé d'un amour éternel. »

C'est parce que la passion du Christ a supprimé toute cause de haine, aussi bien en enlevant le péché qu'en le compensant par un bien plus agréable.

3. Si les meurtriers du Christ étaient des hommes, de même le Christ mis à mort.

Or la charité du Christ souffrant a été plus grande que l'iniquité des meurtriers.

Et c'est pourquoi la passion du Christ a été plus puissante pour réconcilier Dieu avec tout le genre humain que pour provoquer sa colère.


Référence

S. Thomas d'Aquin, Somme théologique, 3e partie, question 49, article 4.

dimanche 11 décembre 2016

Comment, par la passion, le Christ a délivré les hommes du péché, selon S. Thomas d'Aquin



Le Christ-Prêtre en Croix, 
Église Notre-Dame-de-la-Miséricorde
d' Ars-sur-Formans


Objections


1. Délivrer des péchés est propre à Dieu, selon Isaïe (43, 25) : « C'est moi qui efface tes iniquités, par égard pour moi. » 

Or le Christ n'a pas souffert en tant que Dieu, mais en tant qu'homme. 

Donc nous ne sommes pas délivrés du péché par sa passion.

2. Le corporel n'agit pas sur le spirituel. 

Or la passion du Christ est corporelle, tandis que le péché n'existe que dans l'âme, qui est une créature spirituelle. 

La passion du Christ n'a donc pas pu nous purifier du péché.

3. Nul ne peut être délivré du péché qu'il n'a pas commis, mais qu'il commettra dans la suite.

Donc, puisque beaucoup de péchés ont été commis après la passion du Christ et qu'il s'en commet tous les jours, il apparaît que nous ne sommes pas délivrés du péché par la passion du Christ.

4. Une fois posée la cause suffisante pour produire un effet, rien d'autre n'est requis. 

Or, pour la rémission des péchés, on requiert encore le baptême et la pénitence. 

Il semble donc que la passion du Christ ne soit pas cause suffisante de la rémission des péchés.

5. Il est écrit dans les Proverbes (10, 12) : « La charité couvre toutes les offenses.» Et aussi (15, 27, de la Vulgate) : « Les péchés sont purifiés par la miséricorde et la foi. » 

Or la foi a beaucoup d'autres objets, et la charité beaucoup d'autres motifs que la passion du Christ.

En sens contraire, il est écrit dans l'Apocalypse (1, 5) : « Il nous a aimés et il nous a lavés de nos péchés dans son sang. »


Réponse

La passion du Christ est la cause propre de la rémission des péchés de trois manières.

Par mode d'excitation à la charité.

Car selon S. Paul (Romains 6, 8) : « La preuve que Dieu nous aime, c'est que, dans le temps où nous étions encore pécheurs, le Christ est mort pour nous. » 

Or, par la charité, nous obtenons le pardon des péchés, suivant cette parole (Luc 7, 47) : « Ses nombreux péchés lui ont été remis parce qu'elle a beaucoup aimé. »

2° Par mode de rédemption.  

En effet, le Christ est notre tête. Par la passion, qu'il a subie en vertu de son obéissance et de son amour, il nous a délivrés de nos péchés, nous qui sommes ses membres, comme si sa passion était le prix de notre rachat. 

C'est comme si un homme, au moyen d'une œuvre méritoire accomplie par sa main, se rachetait du péché commis par ses pieds. 

Car, de même que le corps naturel est un, alors qu'il consiste en membres divers, l'Église tout entière, Corps mystique du Christ, est comptée pour une seule personne avec sa tête, qui est le Christ.

3° Par mode d'efficience. 

La chair dans laquelle le Christ a souffert sa passion est l'instrument de sa divinité, et c'est en raison de sa divinité que ses souffrances et ses actions agissent dans la vertu divine, en vue de chasser le péché.


Solutions

1. Le Christ n'a pas souffert en tant que Dieu. 

Cependant sa chair a été l'instrument de sa divinité. 

De ce fait sa passion a eu, comme on vient de le dire, la vertu divine de remettre les péchés.

2. La passion du Christ est corporelle. 

Cependant elle reçoit une vertu spirituelle de la divinité à laquelle sa chair a été unie comme instrument. 

Par cette vertu la passion du Christ est cause de la rémission des péchés.

3. Par sa passion le Christ nous a délivrés de nos péchés par mode de causalité.  

Elle institue en effet la cause de notre libération, cause par laquelle peuvent être remis, à tout moment, n'importe quels péchés, présents ou futurs, comme un médecin qui ferait un remède capable de guérir n'importe quelle maladie, même dans l'avenir.

4. La passion du Christ, nous venons de le dire, est comme la cause préalable de la rémission des péchés. 

Il est pourtant nécessaire qu'on l'applique à chacun, pour que ses propres péchés soient effacés. Cela se fait par le baptême, la pénitence et les autres sacrements, qui tiennent leur vertu de la passion du Christ, comme on le dira plus loin.

5. C'est aussi par la foi que la passion du Christ nous est appliquée, afin que nous en percevions les fruits, d'après S. Paul (Romains 9, 25) : « Dieu a destiné le Christ à servir de propitiation par la foi en son sang. » 

Or, la foi par laquelle nous sommes purifiés du péché, n'est pas la foi informe, qui peut subsister même avec le péché, mais la foi informée par la charité

La passion du Christ nous est donc appliquée non seulement quant à l'intelligence, mais aussi quant à l'affectivité.

Et de cette manière encore, c'est par la vertu de la passion du Christ que les péchés sont remis.


Référence

S. Thomas d'Aquin, Somme théologique, 3e partie, question 49, article 1.