Rechercher dans ce blogue

mardi 14 mars 2017

Quelques réflexions sur la mode, pape Pie XII, 1957


Répondant à leur désir, le Souverain Pontife a reçu en audience spéciale, les participants au premier Congrès international de l'Union latine de haute couture et leur a donné des directives précises en un long discours en italien, dont voici la traduction.

Eugenio Pacelli, dit Pie XII (1876-1958)
C'est de grand cœur, que Nous vous souhaitons paternellement la bienvenue, chers fils et filles, promoteurs et membres de l'« Union latine de haute couture ».

Vous avez désiré venir en Notre présence pour Nous rendre témoignage de votre filiale dévotion et, en même temps, pour implorer les faveurs célestes sur votre Union, en la plaçant, dès sa naissance, sous les auspices de Celui, à la gloire de qui doit tendre toute activité humaine, même celles apparemment profanes, selon le précepte de l'apôtre des Gentils : « Soit que vous mangiez, soit que vous buviez on quelque autre chose que vous fassiez, faites tout pour la gloire de Dieu » (1 Corinthiens 10,31).

Vous vous proposez d'affronter avec des vues et intentions chrétiennes un problème, aussi délicat que complexe, dont les inéluctables répercussions morales furent de tout temps un objet d'attention et d'anxiété chez ceux à qui il appartient par fonction, dans la famille, dans la société et dans l’Église, de s'employer à préserver les âmes des embûches de la corruption et toute la communauté de la décadence des mœurs : c'est-à-dire le problème de la mode, spécialement féminine.

Il est juste qu'à vos généreux desseins répondent Notre gratitude et celle de l’Église ; et Nous formons le vœu fervent que votre Union, née et inspirée d'une saine conscience religieuse et civile, obtienne, grâce à l'auto-discipline éclairée des artisans mêmes de la mode, le double but déclaré dans vos statuts : moraliser cet important secteur de la vie publique et contribuer à élever la mode au rang d'instrument et d'expression d'une véritable civilisation.

Désireux d'encourager une entreprise aussi louable, Nous accédons volontiers au désir qui Nous a été exprimé de vous exposer quelques pensées, en particulier sur la vraie façon de poser le problème et sur ses aspects moraux, en vous indiquant d'autre part certaines suggestions pratiques, propres à assurer à l'Union une autorité bien accueillie dans un domaine souvent si discuté.


I. CERTAINS ASPECTS GÉNÉRAUX DE LA MODE

Suivant le conseil de la sagesse antique qui indique dans la finalité des choses le critère suprême de tout jugement théorique et la sûreté des normes morales, il sera utile de se rappeler les buts que l'homme s'est toujours fixés en recourant au vêtement.

Sans aucun doute, il obéit aux trois exigences bien connues de l'hygiène, de la pudeur et de la bienséance. Ce sont trois nécessités si profondément enracinées dans la nature, qu'elles ne peuvent être ignorées ni contrariées sans provoquer répulsion et préjudice. Elles conservent leur caractère de nécessité aujourd'hui comme hier ; elles se trouvent chez presque toutes les races ; elles se révèlent sous toutes les formes de la vaste gamme, dans laquelle la nécessité naturelle du vêtement s'est concrétisée historiquement et ethnologiquement. Il est important de noter l'interdépendance étroite et solidaire entre les trois exigences, bien qu'elles résultent de sources diverses : l'une du côté physique, l'autre du côté spirituel, la troisième de l'ensemble psychologique et artistique.

Trois exigences commandent la nécessité du vêtement :

- l'hygiène...

L'exigence hygiénique du vêtement concerne principalement le climat, ses variations et d'autres agents extérieurs, comme causes possibles d'inconvénient ou de maladie.

II résulte de l'interdépendance évoquée plus haut que le motif ou, mieux, le prétexte hygiénique n'est pas valable pour justifier une licence déplorable, particulièrement en public et hors des cas exceptionnels de réelle nécessité ; dans ces cas, d'ailleurs, un esprit bien né ne saura pas se soustraire à la gêne d'un trouble spontané, exprimé à l'extérieur par une rougeur naturelle.

De même, une manière de se vêtir nuisible pour la santé, — dont plus d'un exemple est cité par l'histoire de la mode —, ne peut être légitimé sous prétexte d'esthétique ; comme, d'autre part, les règles communes de la pudeur doivent céder devant les exigences d'une cure médicale, qui, si elle semble les violer, les respecte au contraire lorsqu'on adopte les précautions morales voulues.

- la pudeur …

Tout aussi évidente, comme origine et but du vêtement, est l'exigence naturelle de la pudeur, entendue soit dans sa signification la plus large, qui comprend également la juste considération pour la sensibilité d'autrui envers des objets répugnants à la vue ; soit surtout comme protection de l'honnêteté morale et bouclier contre la sensualité désordonnée.

La singulière opinion qui attribue à la relativité de telle ou telle éducation le sens de la pudeur ; qui même le considère comme une déformation conceptuelle de l'innocente réalité, comme un faux produit de la civilisation et même comme un stimulant à la malhonnêteté et une source d'hypocrisie, cette opinion n'est appuyée par aucune raison sérieuse ; elle trouve, au contraire, une condamnation explicite dans la répugnance qui se produit chez ceux qui, parfois, osèrent l'adopter comme système de vie, confirmant ainsi la rectitude du sens commun, tel qu'il se manifeste dans les usages universels.

La pudeur, étant donné sa signification strictement morale, quelle que soit son origine, se fonde sur la tendance innée et plus ou moins consciente de chacun à défendre contre la cupidité générale d'autrui un bien physique personnel, afin de le réserver, avec un prudent choix de circonstances, aux sages buts du Créateur, placés par lui sous la protection de la chasteté et de la pudicité.

Cette seconde vertu, la pudicité, dont le synonyme « modestie » (de modus, mesure, limite) exprime peut-être mieux la fonction de gouverner et de dominer les passions, particulièrement sensuelles, est le rempart naturel de la chasteté, sa muraille efficace, parce qu'elle modère les actes étroitement connexes avec l'objet même de la chasteté.

Comme sa sentinelle avancée, la pudicité fait entendre à l'homme son avertissement dès qu'il acquiert l'âge de la raison, avant même qu'il apprenne la notion de chasteté et de son objet, et elle l'accompagne pendant toute la vie, en exigeant que des actes déterminés, honnêtes en eux-mêmes, parce que disposés divinement, soient protégés par le voile discret de l'ombre et par la réserve du silence, comme pour leur concilier le respect dû à la dignité de leurs fins élevées.

Il est donc juste que la pudicité, en tant que dépositaire de biens si précieux, revendique pour elle une autorité prépondérante sur toute autre tendance ou tout autre caprice et préside à la détermination des manières de se vêtir.

- la dignité de la personne...

Et voici la troisième finalité du vêtement, dont la mode tire plus directement son origine ; elle répond à l'exigence innée, sentie surtout chez la femme, de donner du relief à la beauté et à la dignité de la personne, avec les moyens mêmes qui pourvoient à satisfaire les deux autres.

Pour éviter de restreindre l'ampleur de cette troisième exigence à la seule beauté physique et, plus encore, pour soustraire le phénomène de la mode à l'ardent désir de séduction comme sa première et unique cause, le terme dignité est préférable à celui d'embellissement. Le souci de la dignité de sa propre personne provient manifestement de la nature et est par conséquent légitime.

En faisant abstraction du recours au vêtement pour cacher les imperfections physiques, ce que la jeunesse lui demande, c'est ce relief de splendeur, qui chante le joyeux thème du printemps de la vie et facilite, en harmonie avec les préceptes de la pudicité, les prémisses psychologiques nécessaires à la formation de nouvelles familles ; tandis que l'âge mûr entend obtenir du vêtement approprié un aspect de dignité, de sérieux et de joie sereine.

Dans tous les cas où l'on cherche à accentuer la beauté morale de la personne, la coupe du vêtement sera de nature à éclipser presque la beauté physique dans l'ombre austère où elle se cache, pour détourner d'elle l'attention des sens et concentrer au contraire la réflexion sur l'esprit.

Le vêtement, interprète des sentiments et des mœurs.

Le vêtement, considéré sous cet aspect plus vaste, a son propre langage multiforme et efficace, parfois spontané, et par conséquent fidèle interprète de sentiments et de mœurs, d'autres fois conventionnel et artificiel et par conséquent bien peu sincère.

De toute façon, il est donné au vêtement d'exprimer la joie et le deuil, l'autorité et la puissance, l'orgueil et la simplicité, la richesse et la pauvreté, le sacré et le profane. Le caractère concret des formes d'expression dépend des traditions et de la culture de tel ou tel peuple, tandis que leur variation est d'autant plus lente que les institutions, les caractères et les sentiments interprétés par ces modes sont plus stables.

Raisons de l'instabilité de la mode.

C'est à donner un relief à la beauté physique que s'applique expressément la mode, art antique, aux origines incertaines, complexe par les facteurs psychologiques et sociaux qui s'y mêlent, et qui a atteint maintenant une importance indiscutable dans la vie publique, soit comme expression esthétique des mœurs, soit comme désir du public et convergence de notables intérêts économiques.

Il résulte de l'observation approfondie du phénomène que la mode n'est pas seulement une bizarrerie de formes, mais un point de rencontre de divers facteurs psychologiques et moraux, tels que le goût du beau, la soif de la nouveauté, l'affirmation de la personnalité, le refus de la monotonie, non moins que le luxe, l'ambition, la vanité.

La mode c'est l'élégance, certes, mais conditionnée par un changement continu, de telle sorte que son instabilité même lui confère la marque la plus évidente. La raison de son changement perpétuel, plus lent dans les lignes fondamentales, très rapide en revanche dans les variations secondaires, devenues à présent saisonnières, semble devoir être recherchée dans la préoccupation de rompre le passé, facilitée par le caractère frénétique de l'époque contemporaine, qui a le terrible pouvoir de brûler en peu de temps tout ce qui est destiné à la satisfaction de l'imagination et des sens.

Il est compréhensible que les nouvelles générations, tendues vers leur propre avenir, — qu'elles rêvent différent et meilleur que celui de leurs pères —, éprouvent le besoin de se détacher de ces formes non seulement d'habillement, mais d'objets et d'ornements, qui rappellent avec plus d'évidence une manière de vivre que l'on veut dépasser.

Mais l'instabilité extrême de la mode présente est surtout déterminée par la volonté de ses artisans et guides, qui ont à leur disposition des moyens inconnus dans le passé, comme la production textile énorme et variée, la fertilité inventive des « modélistes », la facilité des moyens d'information et de « lancement » dans la presse, dans le cinéma, dans la télévision et dans les expositions et « défilés ».

La rapidité des changements est en outre favorisée par une sorte d'émulation mutuelle qui d'ailleurs n'est pas neuve — entre les « élites », désireuses d'affirmer leur personnalité par des formes originales d'habillement, et le public, qui se les approprie immédiatement, avec des imitations plus ou moins heureuses.

On ne doit pas négliger non plus l'autre motif subtil et décadent : l'étude des « modélistes » qui pour assurer le succès à leurs « créations », misent sur le facteur de la séduction, conscients de l'effet que provoquent la surprise et le caprice continuellement renouvelés.

Le facteur économique.

Une autre caractéristique de la mode d'aujourd'hui est que, tout en restant principalement un fait esthétique, elle a acquis d'autre part la propriété d'un élément économique de grandes proportions.

Aux quelques anciennes maisons de couture de haute mode, qui, de telle ou telle métropole, dictaient sans contestation les lois de l'élégance au monde de culture européenne, se sont substituées de nombreuses organisations, puissantes par leurs moyens financiers, qui, tout en satisfaisant les besoins de l'habillement, forment le goût des populations, en stimulant les désirs dans le but de se constituer des marchés toujours plus vastes.

Les causes de ce changement doivent être recherchées, d'une part, dans ce qu'on appelle la « démocratisation » de la mode, par laquelle un nombre sans cesse plus large d'individus cède à l'attrait impérieux de l'élégance, et, d'autre part, dans le progrès technique qui permet la production en série de modèles, coûteux sans cela, mais rendus maintenant d'acquisition facile sur le marché de ce qu'on appelle les « confections ».

De la sorte s'est créé le monde de la mode qui englobe des artistes et des artisans, des industriels et des commerçants, des éditeurs et des critiques et, en outre, toute une catégorie d'humbles travailleurs et travailleuses, qui tirent de la mode leurs moyens d'existence.

Influence sociale du « modéliste » [aujourd'hui : « styliste modéliste »].

Bien que le facteur économique soit la force motrice de cette activité, l'âme en est toujours le « modéliste », c'est-à-dire celui qui, par un choix génial des tissus, des couleurs, de la coupe, de la ligne et des ornements accessoires, donne naissance à un nouveau modèle expressif et qui plaît au grand public.

Il n'est pas nécessaire de dire combien est difficile cet art, fruit d'ingéniosité et d'adresse et, bien plus, de sensibilité à l'égard du goût du moment. Un modèle, dont on est certain de voir le succès, acquiert l'importance d'une invention ; on l'entoure du secret dans l'attente du « lancement » ; par la suite, une fois mis en vente, il obtient des prix élevés, tandis que les moyens d'information lui donnent une large diffusion, en en parlant comme s'il s'agissait d'un événement d'intérêt national.

L'influence des « modélistes » est si décisive que l'industrie textile se fait elle-même guider par eux dans l'organisation de sa propre production, aussi bien pour la qualité que pour la quantité.

Grande aussi est leur influence sociale par le rôle qui leur revient d'interpréter les mœurs publiques ; car si la mode a toujours été l'expression des usages d'un peuple, elle l'est aujourd'hui encore plus que lorsque le phénomène s'accomplissait comme fruit de réflexion et d'étude.

Mais la formation du goût et des préférences dans le peuple et l'orientation de la société vers le sérieux ou le décadent ne dépendent pas seulement des modélistes, mais bien de toute l'organisation complexe de la mode, spécialement des ateliers de couture et de la critique, dans ce secteur plus raffiné qui a comme clientèle les classes sociales les plus élevées, en prenant le nom de « haute couture », comme pour désigner l'origine des courants que le peuple suivra ensuite, presque aveuglément et comme par une obligation magique.

Or, en présence de valeurs si nombreuses et si élevées, que Nous avons énumérées ici en de rapides allusions, et qui sont mises en cause par la mode et parfois mises en danger, l’œuvre apparaît providentielle de personnes préparées techniquement et chrétiennement, qui se proposent de contribuer à affranchir la mode de tendances non recommandables ; de personnes qui voient en elle avant tout l'art de savoir habiller, dont le but est bien, quoique partiellement, de mettre en un relief modéré la beauté du corps humain, chef-d’œuvre de la création divine, de manière, toutefois, que ne se trouve pas offusquée, mais que soit au contraire exaltée — comme s'exprime le prince des apôtres — « la pureté incorruptible d'un esprit doux et tranquille, ce qui est d'un grand prix aux yeux de Dieu » (1 Pierre 3,4).


II. CONSIDÉRATIONS DU PROBLÈME MORAL DE LA MODE ET SES SOLUTIONS

Attitude positive de l’Église face au problème moral de la mode.

Et c'est justement à concilier, en un équilibre harmonieux, l'ornement extérieur de la personne avec l'ornement intérieur d'« un esprit doux et tranquille », que consiste le problème de la mode.

Mais existe-t-il vraiment — se demandent certains — un problème moral au sujet d'un fait aussi extérieur, contingent et relatif que l'est la mode ?

Et ceci admis, en quels termes le problème doit-il être posé, et suivant quels principes doit-il être résolu ?

Ce n'est pas ici le lieu de déplorer longuement l'insistance de plus d'un contemporain dans la tentative de soustraire au domaine moral les activités extérieures de l'homme, comme si elles appartenaient à un autre univers et comme si l'homme n'était pas lui-même le sujet, le terme et, par conséquent, le responsable devant le suprême ordonnateur de toutes les choses.

Il est bien vrai que la mode, ainsi que l'art, la science, la politique et les activités similaires, dites profanes, ont leurs règles propres pour réaliser les finalités immédiates auxquelles ils sont destinés ; toutefois leur sujet reste invariablement l'homme, qui ne peut se dispenser de faire tendre ces activités à la fin ultime et suprême, à laquelle il est lui-même essentiellement et totalement ordonné.

Le problème moral de la mode existe donc, non seulement en tant qu'activité génériquement humaine, mais, plus spécifiquement, en tant que s'exerçant dans un domaine où sont impliquées, plus ou moins directement, d'évidentes valeurs morales ; et, plus encore, du fait que les buts, honnêtes en eux-mêmes, de la mode sont davantage exposés à être obnubilés par les inclinations perverses de la nature humaine déchue par suite du péché originel, et changés en occasion de péché et de scandale.

Cette tendance de la nature corrompue à abuser de la mode amena la tradition ecclésiastique à la traiter plus d'une fois avec méfiance et avec de sévères jugements, exprimés par d'insignes orateurs sacrés avec une vigoureuse fermeté, et par de zélés missionnaires, voire avec la « mise au feu des vanités », qui, conformément aux usages et à l'austérité de ces temps, étaient estimés d'une éloquence efficace auprès du peuple.

De telles manifestations de sévérité, qui démontraient au fond la sollicitude maternelle de l’Église envers le bien des âmes et les valeurs morales de la civilisation, ne permettent cependant pas de déduire que le christianisme exige presque de renoncer absolument au culte ou au soin de la personne physique et de sa dignité extérieure.

Quiconque conclurait dans ce sens démontrerait qu'il a oublié ce qu'écrivait l'apôtre des Gentils : « Que les femmes aient une tenue décente, parées avec réserve et modestie » (1Timotée 2,9).

Mais la mode ne doit jamais fournir une occasion de péché.

L’Église ne blâme donc pas et ne condamne pas la mode, quand elle est destinée à la juste dignité et au juste ornement du corps ; toutefois, elle ne manque jamais de mettre les fidèles en garde contre ses faciles égarements.

Cette attitude positive de l’Église dérive de motifs bien plus élevés que ceux purement esthétiques et hédonistes adoptés par un retour de paganisme. Elle sait et enseigne que le corps humain, chef-d’œuvre de Dieu dans le monde visible, lequel est au service de l'âme, fut élevé par le divin Rédempteur à la dignité de temple et d'instrument du Saint-Esprit et doit être respecté en tant que tel.

Sa beauté ne devra donc pas être exaltée comme une fin en elle-même, encore moins de façon à avilir cette dignité acquise.

Sur le terrain concret, il est incontestable qu'à côté d'une mode honnête on en trouve une autre impudente, cause de trouble chez les esprits raisonnables, si ce n'est même incitation au mal.

Il est toujours ardu d'indiquer par des règles universelles les frontières entre l'honnêteté et l'indécence, parce que l'évaluation morale d'une parure dépend de nombreux facteurs ; toutefois ce qu'on appelle la relativité de la mode par rapport aux temps, aux lieux, aux personnes, à l'éducation n'est pas une raison valable pour renoncer « a priori » à un jugement moral sur telle ou telle mode, lorsqu'elle dépasse les limites de la pudicité normale.

Celle-ci perçoit immédiatement, sans presque même avoir été interrogée, où se trouvent l'impudence et la séduction, l'idolâtrie de la matière et le luxe ou seulement la frivolité ; et si les artisans de la mode impudique sont habiles dans une sorte de contrebande de la perversion, en la mêlant à un ensemble d'éléments esthétiques, honnêtes en eux-mêmes, la sensualité humaine est malheureusement encore plus adroite à la découvrir et prête à en subir l'attrait.

Une très grande sensibilité dans la perception de la menace du mal, ici comme ailleurs, ne constitue nullement un titre de blâme pour celui qui en est pourvu, comme si c'était seulement l'effet d'une dépravation intérieure ; c'est au contraire le signe de la pureté d'esprit et de la vigilance à l'égard des passions.

Mais si vaste et mouvante que puisse être la relativité morale de la mode, il y a toujours un absolu à sauver, après avoir écouté l'avertissement de la conscience qui constate le danger : la mode ne doit jamais fournir une occasion proche de péché.

Ce qui caractérise une mode impudique ou immorale.

Parmi les éléments objectifs qui concourent à former une mode impudique, il y a en premier lieu la mauvaise intention de ses artisans.

Lorsque ceux-ci se proposent de susciter par leurs modèles, des images et des sensations dénuées de chasteté, ils font preuve, même sans aller à l'extrême, d'une malignité larvée. Ils savent, entre autres, que la hardiesse en cette matière ne peut être poussée au-delà de certaines limites ; mais ils savent également que l'effet cherché se trouve à peu de distance de celles-ci, et qu'un habile mélange d'éléments artistiques et sérieux avec d'autres d'ordre inférieur sont plus aptes à surprendre l'imagination et les sens, tandis qu'ils rendent le modèle acceptable aux personnes qui désirent le même effet, sans toutefois compromettre — du moins, le pensent-elles — leur réputation de personnes honnêtes.

Toute épuration de la mode doit donc commencer par celle des intentions aussi bien chez celui qui fait le vêtement que chez celui qui le porte ; chez l'un comme chez l'autre doit être réveillée la conscience de leurs responsabilités à l'égard des conséquences fatales qui peuvent dériver d'un vêtement trop hardi, spécialement lorsqu'il est porté sur la voie publique.

Plus précisément, l'immoralité de certaines modes dépend surtout des excès aussi bien d'immodestie que de luxe.

Quant aux premiers, qui pratiquement mettent en cause la coupe, ils doivent être appréciés non pas selon le jugement d'une société en décadence ou déjà corrompue ; mais selon les aspirations d'une société qui apprécie la dignité et la gravité des mœurs publiques.

On a souvent l'habitude de dire et avec une sorte de résignation inerte, que la mode exprime les mœurs d'un peuple ; mais il serait plus exact et plus utile de dire qu'elle exprime la volonté et l'orientation morale qu'entend prendre une nation, à savoir faire naufrage dans le dérèglement ou bien se maintenir au niveau où l'ont élevée la religion et la civilisation.

Les excès de la mode ne sont pas moins néfastes, bien que dans un domaine différent, lorsqu'on lui assigne le rôle de satisfaire la soif de luxe.

Le faible mérite du luxe, comme source de travail, est presque toujours annulé par les graves désordres qui en dérivent pour la vie privée et publique. En faisant abstraction du gaspillage de richesses que le luxe excessif exige de ses adorateurs, destinés pour la plupart à être dévorés par lui, il a toujours le caractère d'une offense à l'honnêteté de celui qui vit de son travail, tandis qu'il révèle un cynisme d'esprit envers la pauvreté, soit en dénonçant des gains trop faciles, soit en semant des doutes sur la conduite de vie de celui qui s'en entoure.

Là où la conscience morale ne réussit pas à modérer l'usage des richesses, même honnêtement gagnées, de terribles barrières se dressent entre les classes ou bien c'est toute la société qui ira à la dérive, épuisée par la course vers l'utopie de la facilité matérielle.

Principes pour la solution du problème moral de la mode.

Le fait d'avoir fait allusion aux maux que le dérèglement de la mode peut causer aux individus et à la société ne signifie pas la volonté d'en comprimer la force expansive, ni de freiner l'inspiration créatrice de ses auteurs ni non plus de la réduire à la fixité des formes, à la monotonie ou à une sombre sévérité ; mais c'est lui indiquer le bon chemin, afin qu'elle atteigne le but d'être une fidèle interprète de la tradition civile et chrétienne.

Pour arriver à cela, quelques principes serviront, comme points de repère dans la solution du problème moral de la mode ; il est facile d'en déduire des règles plus concrètes.

1. — Prendre conscience de l'influence réelle de la mode.

Le premier est de ne pas donner trop peu d'importance à l'influence de la mode même, autant dans le bien que dans le mal.

Le langage de l'habillement, comme Nous l'avons déjà indiqué, est d'autant plus efficace qu'il est plus fréquent et compris par quiconque. La société parle, pour ainsi dire, par le vêtement qu'elle porte ; par le vêtement, elle révèle ses aspirations secrètes et elle se sert de lui, au moins en partie, pour édifier ou détruire son avenir.

Mais le chrétien, qu'il soit auteur ou client, se gardera de négliger les dangers et les ruines spirituelles, semés par les modes immodestes, spécialement en public, en raison de la cohérence qui doit exister entre la doctrine professée et la conduite même extérieure.

Il se rappellera la pureté élevée que le Rédempteur exige de ses disciples, même dans les regards et dans les pensées ; et il se rappellera aussi la sévérité manifestée par Dieu contre les fauteurs de scandales. À ce propos, on peut rappeler la page vigoureuse du prophète Isaïe, où est prophétisé l'opprobre réservé à la ville sainte de Sion pour l'impudicité de ses filles (Isaïe 3,16-24) et l'autre où le sublime poète italien exprimait, par des paroles brûlantes, son indignation contre l'indécence qui se propageait dans sa cité (Cf. Dante, Purgatoire, 23, 94-108.).

2. — Ne pas suivre aveuglément la mode, mais réagir fermement quand la conscience le demande.

Le second principe est que la mode doit être disciplinée et non pas abandonnée au caprice ou servilement suivie.

Ceci vaut pour les artisans de la mode — modélistes et critiques — auxquels la conscience demande de ne pas se soumettre aveuglément au goût dépravé que peut manifester la société, ou plutôt une partie d'elle, qui n'est pas toujours la plus digne de considération pour sa sagesse.

Mais cela a également une valeur pour les individus, dont la dignité exige qu'ils s'affranchissent, par une conscience libre et éclairée, de l'imposition de goûts déterminés, spécialement discutables dans le domaine moral.

Discipliner la mode signifie également réagir avec fermeté contre les courants opposés aux meilleures traditions. Le contrôle sur la mode n'infirme pas, mais au contraire corrobore le dicton : « la mode ne naît pas sans et contre la société », à condition qu'on attribue à celle-ci, comme il se doit, conscience et autonomie dans sa propre direction.

3. — Se laisser guider par le sens de la modération.

Le troisième principe, encore plus concret, est le respect de la « mesure », c'est-à-dire de la modération dans tout le domaine de la mode.

Si les excès sont les principales causes de sa déformation, la modération lui conservera sa valeur. Elle devra agir avant tout sur les esprits, en réglant l'ardent désir du luxe, de l'ambition, du caprice à tout prix. Les artisans de la mode se laisseront guider par le sens de la modération, spécialement les « modélistes », en dessinant la ligne ou la coupe et en choisissant les ornements d'un habit, persuadés que la sobriété est la meilleure qualité de l'art.

Sans vouloir aucunement ramener à des formes dépassées par le temps — qui, du reste, reviennent plus d'une fois comme nouveauté dans la mode — mais seulement pour confirmer la valeur permanente de la sobriété, Nous voudrions inviter les artistes d'aujourd'hui à contempler, dans les chefs-d’œuvre de l'art classique, certaines figures féminines de valeur esthétique indiscutable, où le vêtement, inspiré de la pudicité chrétienne, est un digne ornement de la personne, avec la beauté de laquelle il se fond comme en un unique triomphe d'admirable dignité.


III. SUGGESTIONS PARTICULIÈRES AUX PROMOTEURS ET AUX MEMBRES DE L'UNION

Et maintenant, quelques suggestions particulières pour vous, chers fils et filles, en tant que promoteurs et membres de l'« Union latine de haute couture ».

Il Nous semble que le terme même de « latine », par lequel vous avez tenu à désigner votre association, exprime non seulement une sphère géographique, mais surtout l'orientation idéale de votre action.

En effet, ce terme de « latin », si riche en significations élevées, semble exprimer, entre autres, la vive sensibilité et le respect pour les valeurs de la civilisation et, en même temps, le sens de la « mesure », de l'équilibre et du réalisme, toutes qualités nécessaires aux membres de votre Union.

Nous avons noté avec satisfaction que ces caractères ont inspiré les buts de vos statuts, que vous avez courtoisement soumis à Notre connaissance, et qui sont le résultat d'une vision complète du problème complexe de la mode, mais spécialement de votre ferme conviction de ses responsabilités morales. Votre programme est donc aussi ample que le problème lui-même, concernant tous les secteurs déterminant la mode : le milieu féminin, directement, avec l'intention de le guider dans la formation du goût et dans le choix de l'habillement ; les maisons « créatrices de la mode » et l'industrie textile afin que, dans une entente mutuelle, elles adaptent leur production aux sains principes professés par l'Union.

Et comme votre Union se compose d'organismes, qui ne sont pas simplement des spectateurs, mais agissent et dirions-Nous presque sont des pionniers dans le domaine de la mode, son programme s'occupe aussi, opportunément, de l'aspect économique, rendu à présent plus ardu par les transformations prévues de la production et de l'unification des marchés européens.

Former un goût sain chez le public.

Une des conditions indispensables pour atteindre les buts de votre Union est la formation d'un goût sain chez le public.

Entreprise ardue, en vérité, et parfois intentionnellement combattue, elle exige de vous beaucoup d'intelligence, beaucoup de tact et beaucoup de patience. Affrontez-la, malgré tout, avec hardiesse, avec l'assurance de trouver de bons alliés tout d'abord dans les excellentes familles chrétiennes, que votre patrie compte encore en grand nombre.

Il est clair que, dans ce but, vous devez vous appliquer principalement à conquérir à votre cause ceux qui, par la presse et d'autres moyens d'information, dirigent l'opinion publique.

Dans la mode, plus que dans toute autre activité, le peuple veut être guidé. Non point qu'il soit dépourvu d'esprit critique en fait d'esthétique et d'honnêteté, mais parfois trop docile et parfois paresseux pour employer cette faculté, il accueille d'emblée ce qui s'offre à lui, quitte à se rendre compte plus tard de la médiocrité ou de l'inconvenance de certains modèles. Il faut donc que votre action soit opportune.

En outre, parmi ceux qui guident à présent avec le plus d'efficacité le goût du public, une place prépondérante est occupée par les personnes célèbres, spécialement celles du monde du théâtre et du cinéma. Comme leur responsabilité est grave, votre action sera féconde si vous réussissez à en gagner au moins quelques-unes à la bonne cause.

Réagir contre l'esprit dit moderne, indifférent à l'aspect moral de la mode.

Une caractéristique propre à votre Union semble être l'étude sérieuse des problèmes esthétiques et moraux de la mode dans des rencontres périodiques, comme le présent congrès, à tendance de plus en plus internationale, persuadés comme vous l'êtes que la mode de l'avenir aura un caractère unitaire dans chacun des continents.

Appliquez-vous donc à apporter dans ces assemblées la contribution chrétienne de votre intelligence et de votre expérience, avec une sagesse convaincante telle que personne ne puisse soupçonner chez vous ni préjugés partiaux ni faiblesse de compromis.

La solide cohérence avec vos principes sera mise à l'épreuve par l'esprit dit moderne, qui ne supporte point de frein, et par l'indifférence même de beaucoup à l'égard du côté moral de la mode.

Les sophismes les plus insidieux, qui sont d'habitude répétés pour justifier l'impudicité, semblent être les mêmes partout. Un de ceux-ci s'appuie sur l'ancien dicton ab assuetis non fit passio, afin de présenter comme dépassée la saine rébellion des honnêtes gens contre les modes trop hardies.

Est-il donc nécessaire de démontrer combien l'antique dicton est déplacé dans une telle question. Nous avons déjà fait allusion, en parlant des limites absolues à sauvegarder dans le relativisme de la mode, au manque de fondement d'une autre opinion également fausse, selon laquelle la modestie ne s'accorde plus avec l'époque contemporaine, désormais affranchie de scrupules inutiles et nuisibles.

Certes, il existe, des degrés différents de moralité publique selon les temps, les caractères et les conditions de civilisation de chaque peuple ; mais cet état de fait n'invalide pas l'obligation de tendre à l'idéal de la perfection, ni n'est un motif suffisant pour renoncer aux hauteurs morales atteintes, qui se manifestent précisément dans la plus grande sensibilité qu'ont les consciences à l'égard du mal et de ses pièges.

Que votre Union s'engage donc avec ardeur dans cette lutte, qui vise à assurer aux mœurs publiques de votre patrie un niveau de moralité toujours plus élevé, digne de ses traditions chrétiennes.

Ce n'est pas par hasard que Nous qualifions de « lutte » votre œuvre visant à moraliser la mode, comme est une lutte aussi toute autre entreprise qui entend restituer à l'esprit la domination sur la matière. Considérée chacune en particulier, elles sont les épisodes distincts et significatif! de l'âpre et perpétuel combat, que doit soutenir ici-bas quiconque est appelé à la liberté par l'Esprit de Dieu ; un combat dont l'apôtre des Gentils décrit avec une exactitude inspirée le front et les troupes opposées : « Les désirs de la chair vont à l'en-contre de l'esprit, et ceux de l'esprit à l'encontre de la chair. Ils se font opposition l'un à l'autre, pour vous empêcher de faire ce que vous avez résolu » (Galates 5,17).

Énumérant ensuite les œuvres de la chair, en une sorte de triste inventaire de l'héritage de la faute originelle, il mentionne aussi l'impureté, à laquelle il oppose, comme fruit de l'Esprit, la modestie.

Engagez-vous généreusement et avec confiance, sans jamais vous laisser arrêter par la timidité, qui fit dire aux troupes peu nombreuses mais héroïques du grand Judas Macchabée : « Comment pourrons-nous si peu nombreux combattre contre une multitude aussi grande ? » (1 Macchabée 3,17). Que la réponse de ce grand soldat de Dieu et de la patrie vous encourage : « Vaincre une bataille ne dépend pas du nombre des soldats ; car c'est du ciel que vient la force» (ibid., 19).

C'est avec cette certitude basée sur le ciel que Nous prenons congé de vous, chers fils et filles ; et Nous élevons Nos prières suppliantes au Tout-Puissant, afin qu'il daigne prodiguer son assistance à votre Union et ses grâces à chacun de vous, à vos familles et, en particulier, aux humbles travailleurs et travailleuses de la mode.

En gage des faveurs célestes, Nous vous donnons de tout cœur Notre paternelle Bénédiction apostolique.

Référence

Pie XII, Discours au Congrès de l'Union latine de haute couture, 8 novembre 1957.

URL sources :


L'immodestie des toilettes féminines et des danses, selon l'épiscopat belge, 1914


Mgr Antoine Stillemans (1832-1916), évêque de Gand
Un grand nombre d’évêques de France viennent, par des notes officielles, de mettre les fidèles en garde contre les modes inconvenantes et les danses lascives. Voici, sur le même sujet, une lettre collective de l'épiscopat belge. Nous la recommandons aux méditations de tous.


Dimanche dans l'octave de l’Épiphanie,
Aux parents chrétiens,

En présence de l'immodestie de plus en plus accentuée de la toilette féminine, à l'heure où des danses dégradantes menacent d'envahir nos milieux chrétiens, les évêques belges estiment qu'ils ont le devoir d'avertir les consciences de leurs fidèles et de vous rappeler spécialement à vous, pères et mères de famille, que l'éducation et la préservation de vos enfants sont confiées à votre vigilance, et que vous êtes, pour une large part, responsables de leur avenir et de la dignité ou de la déchéance morale de leur vie.

En vain chercheriez-vous à vous dérober à vos obligations, en invoquant la tyrannie de la mode ou en essayant de vous abriter sous le couvert de l'opinion publique.

Le Christ n'est pas descendu parmi nous pour ratifier les abus d'un monde pervers, mais pour nous décider, par ses exemples et par ses enseignements, à les combattre.

La société païenne était, à l'heure de sa-venue, esclave des convoitises de l'or, de la volupté, de l'orgueil. Notre divin Sauveur les dénonça avec autorité et nous apporta sa lumière et la puissance de sa grâce, pour nous éclairer sur leur action pernicieuse et pour nous en garantir.

Le chrétien est disciple du Christ.

Il a l'ambition de le prendre pour modèle, d'adopter pour règle de vie son divin Évangile.

Vous êtes chrétiens, vous voulez rester fidèles aux engagements sacrés de votre baptême.

Prenez donc conscience de votre dignité, rompez ouvertement avec les mœurs païennes que le Christ a condamnées, et que nous, évêques pasteurs de vos âmes, chargés de le représenter auprès de vous, venons, à notre tour, publiquement réprouver.

Ces mœurs s'affichent aujourd'hui scandaleusement sous une double forme, dans les modes et dans les danses, qui ont pour but et pour unique effet de flatter les instincts sensuels.

Les modes : l’exiguïté des draperies, la transparence des étoffes, la forme du vêtement, la disposition suspecte des lignes imaginées par des couturiers sans scrupule, ne sont plus des moyens de vêtir harmonieusement la femme honnête, mais des artifices calculés pour la livrer à la convoitise.

Les danses : le théâtre, les cinémas, les lectures, les conversations des salons mondains offrent des dangers permanents, contre lesquels vous avez à, vous tenir toujours en garde.

Mais nous devons spécialement, au début de cette saison d'hiver, dénoncer à la vigilance des familles qui ont le respect d'elles-mêmes certaines danses lascives — il nous répugne de les appeler par leur nom, et nous estimons, du reste, ce soin superflu — auxquelles ni les jeunes gens, ni les jeunes filles, ni les personnes mariées ne pourraient se livrer ou se prêter sans ravaler leur dignité morale, sans mettre leur vertu et celle d'autrui gravement en péril.

Ces danses sont rigoureusement interdites : nous les réprouvons, nous les condamnons.

Époux chrétiens, vous vous êtes juré fidélité : ne vous ouvrez pas mutuellement la voie à la violation de vos serments. Vous avez sondé les désirs du cœur humain ; n'essayez donc.pas de vous persuader ou de faire croire qu'il est incorruptible.

Mères chrétiennes, pourquoi conduisez-vous vos jeunes filles dans le monde ?

Elles sont innocentes, candides, elles ravissent par le charme de leur modestie.

Dans leur inconscience, elles ne cherchent peut-être qu'à plaire, s'engouent de la mode, quelle qu'elle soit, sans beaucoup l'analyser, uniquement attentives à attirer vers, elles les sympathies dont leurs cœurs généreux ont besoin, trop inexpérimentées souvent pour apprécier la qualité des sentiments qu'elles inspirent.

Mais vous avez acquis une expérience qu'elles n'ont point.

Vous le savez, vous, et devez le savoir : l'essentiel n'est pas que votre fille, rencontre vaille que vaille un jeune homme qui, sur l'heure, s'éprenne d'elle, mais qu'elle trouve un époux digne d'elle et de vous, continuateur des traditions d'honneur et de foi que vous avez su maintenir dans votre foyer.

Ne la rabaissez donc pas au niveau de ces malheureuses qui mettent leur dignité à l'encan. Gardez-la, protégez-la, veillez sur la pureté de son imagination, sur la fraîcheur de ses affections, sur la grâce de sa parure virginale.

Écartez d'elle le décolletage osé, les artifices troublants, tout ce qui porte à la luxure et dégrade.

Jeunes gens, soyez loyaux, ne trompez pas les familles qui vous accueillent avec confiance. Ne mettez pas votre orgueil dans le succès de la séduction. Ayant le respect de la jeune fille, ne dites pas devant elle ce que vous n'oseriez dire en présence de votre mère.

Gardez intactes vos énergies. Ne souillez pas vos affections. Ne laissez pas s'amollir votre caractère. Faites, selon le mot du P. Lacordaire, la part plus large à votre cœur qu'à vos sens.

L'apologie de la débauche, lût-elle l'œuvre d'un académicien est le geste éhonté d'un impudique.

Chrétiens et chrétiennes de tout âge et de toute condition, vous avez une mission à remplir.

Le grand pape saint Léon nous a légué cette belle pensée : « On n'est pas bon quand on ne l'est que pour soi... Ce n'est pas être sage que de n'aimer que pour soi la sagesse. »

Il ne peut donc vous suffire, Nos très chers Frères, de ne point vous assujettir aux mœurs païennes; il faut employer votre vigueur à réagir contre elles, à enrayer leur marche, à faire reculer leur audace. Vous avez l'honneur d'appartenir au Christ.

Vous êtes enrichis de la grâce de la rédemption, vous possédez dans votre écrin de famille le code de l’Évangile.

Vous devez vous faire apôtres et opposer à la mode païenne la mode chrétienne ; à la volupté, la réserve ; à la licence de la passion, la docilité à l’Évangile et à l’Église.

« Ne prenez pas le monde pour modèle, nous dit saint Paul dans la liturgie de ce jour, mais soumettez vos inclinations mauvaises à l'action transformante de la vie nouvelle que la grâce du christianisme a versée dans vos âmes.

« Je vous en supplie, dit-il encore, au nom de la divine miséricorde, faites que vos corps soient dignes d'être offerts en hostie vivante, sans souillure, agréable à Dieu, hommage d'un culte spirituel. »

Nous prions les prêtres chargés de guider les consciences, les directeurs et les directrices des maisons d'éducation, des patronages, des associations chrétiennes, de vouloir s'inspirer de la parole de leurs évêques, et la faire pénétrer, avec autant d'énergie que de prudence, dans la conscience publique.

Nous invitons toutes les âmes religieuses sous le regard desquelles passeront ces lignes a dire une prière spéciale à la Très Sainte Vierge Marie pour obtenir qu'elle protège la chasteté chrétienne de nos foyer.

Que de familles, même foncièrement honnêtes, ont besoin d'être aidées !

Elles voudraient résister à l'entraînement des modes avilissantes et des plaisirs licencieux, elles en déplorent la vogue, mais cèdent à la peur de se singulariser.

Ce qui fait défaut, mais on n'ose se l'avouer, c'est le courage de traiter le vice de haut, et de le mépriser. Les volontés sombrent dans la lâcheté.

Parents chrétiens, nous avons entendu l'appel discret de vos cœurs ; nous vous avons placés en face de votre devoir.

À vous de nous obéir et de mettre résolument la vertu de vos fils et de vos filles, vos traditions d'honneur, la foi à l’Évangile, la soumission à la volonté formelle de vos pasteurs, au-dessus d'un misérable préjugé mondain.

Demandons tous à Dieu, pour la jeune fille, la fierté, sauvegarde de sa pudeur ; pour le jeune homme, la force d'être chaste ; pour l'époux, l'autorité qui veille sur la dignité de sa femme ; pour l'épouse, le respect de son époux ; pour les parents, la liberté chrétienne qui les affranchisse des exigences malsaines de l'opinion publique.

Nous vous en supplions, Seigneur, lisez dans le cœur de ce peuple qui est à genoux devant vous, et, du haut du ciel, poursuivez-le de votre miséricordieux amour : faites-lui discerner son devoir, et, quand il l'aura vu, donnez-lui la force de l'accomplir. Nous vous le demandons par Jésus-Christ. Notre-Seigneur.

DÉSIRÉ-JOSEPH, cardinal MERCIER, archevêque de Malines ;
ANTOINE, évêque de Gand ;
GUSTAVE-JOSEPH, évêque de Bruges ;
CHARLES-GUSTAVE, évêque de Tournai ;
THOMAS-LOUIS, évêque de Namur ;
MARTIN-HUBERT, évêque de Liège.

Référence

« Un lettre collective de l'épiscopat belge », dans Paroisse de l'Immaculée Conception de Paris, 4e année, n°24, février 1914, p. 4-7

lundi 13 mars 2017

Mgr Maurin condamne le tango et le fox-trot, Lyon, 1920


Louis-Joseph Cardinal Maurin (1859 - 1936)
Allocution de Son Éminence le Cardinal-Archevêque de Lyon à la clôture de la Retraite des Mères chrétiennes à la Chapelle de la rue Sainte-Hélène.

MESDAMES,

(…) Mais ce que vous pouvez, Mesdames, ce que vous devez absolument vous interdire, c'est de laisser s'introduire dans vos demeures des mises indécentes, c'est d'y laisser pratiquer des danses qui sont pour tout le moins très dangereuses, s'il est vrai qu'elles ne soient pas nécessairement coupables. 

Ce que vous devez également vous interdire, c'est de laisser aller sans contrôle dans des réunions mondaines, même appelées familiales, vos jeunes gens et jeunes filles qui sont encore sous votre tutelle.

Sans prétendre faire une énumération complète, m'en remettant pour tout le reste aux règles ordinaires de la Théologie et vous demandant avec instance de ne jamais vous départir d'une parfaite correction, je déclare condamnables et condamnées les danses connues sous le nom de tango, fox-trott et celles qui en dérivent alors même que l'on croirait pouvoir les exécuter d'une façon convenable. 

Car vous n'ignorez pas que les évêques ont le droit et parfois le devoir de condamner par une loi positive ce qui, même, sans être intrinsèquement mauvais, constitue un grave danger pour les âmes dont ils sont responsables devant Dieu.

Encore une fois, Mesdames, j'aime à le redire, vous faites partie de l'élite de la société lyonnaise. On sait que vous êtes chrétiennes et que, comme telles, vous êtes tenues d'observer religieusement les lois de l’Église. Je crois donc vous faciliter votre tâche en vous montrant clairement où est pour vous le devoir. Ma décision n'a été prise qu'après un mûr examen.

Si, comme je,l'espère, la règle tracée est fidèlement suivie, j'aurai conscience d'avoir rendu service aux âmes, à l’Église et à la France. (…).


Référence

Louis-Joseph Cardinal Maurin, « Allocution de Son Éminence le Cardinal-Archevêque de Lyon à la clôture de la Retraite des Mères chrétiennes à la Chapelle de la rue Sainte-Hélène », dans Semaine religieuse du diocèse de Lyon, 27e année, n°8, 16 janvier 1920, p. 115.

La nécessaire modestie vestimentaire des dames catholiques, Mgr Monaco La Valletta, 1878


Aux dames catholiques


Raffaele Cardinal Monaco La Valletta (1827-1896)
Nous appelons l'attention des dames catholiques sur les instructions suivantes que S.[on] Ém.[inence] le cardinal Monaco La Valletta, vicaire de Sa Sainteté, vient de publier pour leur gouverne :

I. — Qu'elles ne se proposent, dans la parure, que des fins honnêtes et légitimes qui puissent rendre l'action, non-seulement permise, mais même méritoire de la vie éternelle, et jamais des vues mondaines et de vanité, comme si c'était pour attirer les regards d'autrui, humilier les autres, les surpasser, les éclipser.

II. — Qu'elles aient un soin extrême de la modestie et de la décence dans leur habillement, ornement principal de la femme catholique, et qu'elles ne se permettent jamais, pour n'importe quel motif, soit l'exemple des unes, l'habitude des autres ou la coutume universelle d'admettre dans leur vêtement la moindre chose qui s'oppose à ces vertus, se souvenant toujours que c'est à Dieu et non pas au monde qu'elles auront à rendre compte de leurs actions.

III. — Qu'elles gardent aussi la simplicité, ayant en horreur des excès de luxe, et qu'elles se contentent de s'habiller en rapport avec la condition d'existence où Dieu les a placées, sans chercher de prétexte pour abonder en pompes inutiles.

IV. — Quand elles vont à l'église, et surtout quand elles s'approchent des Sacrements, qu'elles s'habillent sans recherche, sachant que, dans la Maison de Dieu, toute pompe mondaine est défendue.

V. — Qu'elles fixent, chaque année, sans jamais la dépasser, la somme à laquelle elles se restreignent pour les frais de toilette, conformément à leur condition et leurs moyens pécuniaires.

VI. — Qu'elles n'oublient pas l'obligation, imposée par l’Évangile, concernant l'aumône, et qu'elles s'évertuent à avoir ce superflu, qui appartient aux pauvres, en supprimant quelque objet de luxe.

VII — Qu'elles ne contractent jamais des dettes pour la toilette, mais qu'elles fassent et qu'elles gardent avec énergie le ferme propos de payer ponctuellement leurs comptes.

VIII. — Qu'elles travaillent de toute leur force, par de douces insinuations et surtout par l'exemple, afin que ces règles soient observées.

Que toutes les femmes catholiques se souviennent qu'elles ne pourront vivre selon la maxime du saint Évangile, ni se conformer aux intentions paternelles des Saints-Pères Pie IX et Léon XIII, sans prendre pour base l'accomplissement assidu des devoirs religieux ; que chacune donc, en particulier, fasse usage des pratiques quotidiennes suivantes :

1° la sainte Messe ;
2° la méditation ;
3° l'examen de conscience;
4° la visite au Très-Saint-Sacrement ;
5° le chapelet en famille;
6° la lecture spirituelle ;
7° la fréquentation des Sacrements. .

Ainsi fortifiées par la toute-puissante grâce divine, obtenue au moyen de la prière, qu'elles s'appliquent soigneusement à s'assurer à elles-mêmes le salut éternel, et coopèrent à celui d'autrui, prenant pour modèle la femme forte dépeinte dans les saintes Écritures, afin de se rendre fortes contre les séduisants attraits du luxe, cette grande plaie de la société ; fortes contre la terrible tyrannie du respect humain.

Rome, au vicariat, le 1er juillet 1878. 
 
R.[AFFAELE] Cardinal Vicaire.

Référence

Annales catholiques, tome 25e de la collection, tome 3, Paris, juillet-septembre 1878, p. 305-307.

dimanche 12 mars 2017

Sur les modes inconvenantes, Mgr Luçon, 1925


Louis-Joseph Cardinal Luçon (1842-1930)
Lettre pastorale de Son Éminence le Cardinal Luçon, Archevêque de Reims, au Clergé et aux Fidèles de son Diocèse.


NOS TRÈS CHERS FRÈRES,

Nous ne pouvons différer davantage de venir vous entretenir d'un abus que tous les gens sensés sont unanimes à déplorer : nous voulons parler des modes inconvenantes dans l'habillement des femmes.

Les publicistes, les conférenciers, les médecins ont eu beau protester, au nom de la morale, de l'esthétique et de l'hygiène, les plus hautes autorités ecclésiastiques au nom de la modestie chrétienne ; peine perdue : les traits de la satire, comme les arguments de la raison, se sont émoussés contre la tyrannie de la mode, le sentiment religieux lui-même n'a pas réussi à se faire obéir, et l'on voit des costumes et des nudités que la bienséance devrait interdire même dans la rue, pénétrer aujourd'hui dans nos églises et jusqu'à la Table Sainte, où elles sont plus déplacées que partout ailleurs. C'est ce qui nous met dans la nécessité de parler.

Il n'est point dans notre rôle, ni dans notre intention de critiquer sous le rapport de l'esthétique et de l'art ces manières extravagantes de s'habiller, et de faire ressortir ce qu'elles ont de ridicule et de contraire au bon goût dont notre pays s'est toujours glorifié d'être la meilleure école.

Nous ne les envisagerons point non plus sous le rapport de l'hygiène pour faire remarquer que certaines nudités ne sont pas sans danger pour la santé. Nous nous plaçons à un point de vue plus élevé.

I. – Nous observerons, en premier lieu, que les modes actuelles ne s'accordent pas avec l'honnêteté et la morale même simplement naturelle.

La modestie est la plus belle et la plus noble parure de la femme. Le respect de soi-même et le sentiment de sa dignité devraient lui inspirer le dégoût de ces costumes excentriques et de ces nudités qui semblent un défi à la pudeur, et qui ne conviennent qu'à des femmes auxquelles elles auraient honte de ressembler.

Si, il y a quelques années, elles avaient vu une personne en pareil accoutrement, avant qu'il fût devenu de mode, elles en auraient ri, et l'auraient peut-être méprisée ; à aucun prix, certainement, elles n'auraient consenti à l'imiter.

La mode n'a point changé le caractère intrinsèquement déshonnête de ces costumes indécents.

On réclame le relèvement moral du pays : ce n'est certes pas dans l'intention d'y contribuer qu'on a inventé et lancé les modes actuelles. Nées de la corruption, elles sont un des agents les plus efficaces de la dépravation des mœurs. Elles sont, par elles-mêmes, une provocation au mal, un excitant des passions. Nul ne peut de bonne foi en soutenir l'innocuité.

Ne laissez pas périr entre vos mains, femmes chrétiennes, ces belles traditions familiales de simplicité, de dignité de vie, de pureté de mœurs qui, dans les siècles passés, ont assuré l'honneur et le bonheur de vos foyers, et qui ont fait de la femme française le type de la distinction.

N'allez pas chercher vos modèles hors de chez nous. Depuis longtemps c'est la France qui donne le ton : maintenez-la digne de cette honorable prérogative.

En matière de toilette, le beau ne se sépare pas du bien, ni la distinction et l'élégance de la simplicité.

Veillez à ce que le costume de vos enfants soit toujours conforme aux règles de la décence, et ne permettez pas à vos filles de céder à l'entraînement des modes répréhensibles ; mais pour avoir l'autorité de leur faire accepter cette réserve, donnez-leur en vous-même l'exemple.

Tout se tient d'ailleurs : les concessions faites à la mode par trop de liberté et de frivolité dans le vêtement sont une brèche à la loi de la modestie ; par cette brèche s'introduira la facilité à se permettre toutes sortes de lectures, de spectacles, de divertissements, de fréquentations mondaines, au grand détriment des vertus domestiques et de la vie de famille.

II. En second lieu, il ne faut pas oublier que nous vivons en société et que nous avons les uns envers les autres des obligations, particulièrement celle de donner le bon exemple. Nous avons tous le devoir strict de ne pas scandaliser le prochain en le portant au mal par des exemples mauvais.

Ce devoir s'impose avec d'autant plus de rigueur que l'on appartient à une classe plus élevée de la société. Les classes inférieures, en effet, cherchent naturellement à se modeler sur les classes supérieures. Celles-ci doivent bien se garder de l'oublier, et ne donner jamais aux autres que des exemples qu'elles puissent imiter. Quelle autorité peuvent-elles avoir pour condamner dans le peuple un abus ou un désordre, si elles-mêmes se le permettent ?

Le peuple le comprend très bien : il a un sentiment inné, quoique confus peut-être, des convenances. Il se rend parfaitement compte que les personnes qui, à raison de leur naissance, de leur fortune, de leur culture, de leur profession, occupent dans la société un rang supérieur, sont obligées à une tenue en rapport avec la supériorité de leur rang ; et de même que l'étalage d'un luxe excessif et insolent sert de prétexte aux excitations anarchistes et révolutionnaires ; de même l'excentricité et l'indécence des modes tuent le respect que le peuple aurait pour les personnes des classes élevées, si elles avaient toujours une tenue digne de leur situation.

Les modes ridicules provoquent le mépris. Que les femmes auxquelles la Providence a donné parmi les autres un rang privilégié, évitent avec soin de donner prétexte à ce mépris ; qu'elles aient à cœur, au contraire, de mériter le respect par la dignité irréprochable de leur tenue : c'est un de leurs devoirs sociaux. :

III. Mais c'est surtout au sentiment religieux de nos femmes chrétiennes que nous voulons en appeler pour les détourner des modes indécentes ou même simplement inconvenantes.

De même que dans l'ordre des choses civiles, chacun tient à être vêtu selon que l'exigent les bienséances de son rang ou de son état, ainsi devons-nous observer dans l'ordre moral les bienséances de notre religion et de notre condition de chrétiens. Ces bienséances doivent se régler d'après les enseignements de notre foi.

Or, d'après les enseignements de notre foi, Dieu nous a fait l'honneur de nous créer à son image. Ne comprenons-nous pas l'obligation de respecter en nous cette divine ressemblance et de ne pas la déshonorer par une manière indécente de nous vêtir ?

Par le baptême Dieu nous a adoptés pour ses enfants. Si un enfant d'humble condition était adopté par un roi, ne serait-il pas tenu à ne porter que des vêtement s en rapport avec le rang auquel il aurait été élevé par une si haute faveur ? À combien plus forte raison, devons-nous honorer notre dignité d'enfants de Dieu, en nous interdisant toute mise qui ne s'accorderait pas avec une si surnaturelle condition ?

Nous devenons par la grâce sanctifiante les temples de l'Esprit saint, par la sainte Communion les sanctuaires vivants de la divine Eucharistie : est-ce que cela ne nous impose pas une tenue toujours digne des hôtes divins qui daignent nous honorer de leur visite et de leur présence permanente ?

« Ne savez-vous pas, dit saint Paul, que vos corps sont les temples de l'Esprit-Saint, les membres du corps mystique de Notre-Seigneur Jésus-Christ »: glorifiez donc et honorez par votre tenue extérieure Dieu présent en vous et en présence de qui vous êtes partout.

Enfin le Christianisme est essentiellement la religion de la Croix. Il comporte indispensablement une certaine gravité de mœurs, qui se résume en assujettissement de la chair à l'esprit. C'est à tous les croyants de son Évangile que Notre-Seigneur adresse ces. paroles : « Si quelqu'un veut être mon disciple, qu'il se renonce à soi-même, qu'il prenne ma croix et qu'il me suive. » Toute la vie du chrétien, son langage, sa tenue, ses mœurs doivent être marqués de l'empreinte de la Croix. Les modes frivoles et indécentes sont un retour aux mœurs païennes ; elles sont incompatibles avec l'esprit de l’Évangile, avec la morale chrétienne : une chrétienne doit se les interdire.

Nous exhortons donc nos fidèles diocésaines à ne pas se laisser entraîner au courant des modes inconvenantes, que réprouve le bon goût, aussi bien que la modestie naturelle à la femme honnête et sérieuse. Si les considérations que nous venons d'exposer ne réussissent pas à les convaincre et à les persuader toutes, nous ne doutons point qu'un grand nombre d'entre elles n'aient assez le sens chrétien pour en reconnaître la justesse et ne se fassent un devoir de s'y conformer.

Il est du moins un point sur lequel nous nous considérons comme certain de rencontrer une obéissance unanime : c'est que personne ne voudra plus se permettre de paraître à l'église avec ces toilettes inconvenantes, c'est-à-dire en robe décolletée ou les bras nus. S'il est un lieu où les modes frivoles et les nudités sont particulièrement déplacées, n'est-ce pas la Maison de Dieu ?

N'est-ce pas un inexcusable manqué de respect, pour ne point dire un défi ou une insulte à la sainteté de Dieu, que d'entrer dans son temple, et surtout de s'approcher des Sacrements dans une tenue si manifestement immodeste ? L'habitude qu'ont certaines personnes de ces sortes de toilettes les empêche sans doute de remarquer l'irrévérence qu'elles commettent en les portant jusque dans le lieu saint : Nous avons le devoir de le leur faire remarquer, et il n'en sera pas une qui, ainsi avertie, ne s'empresse, par respect pour la Maison de Dieu, de se conformer h nos recommandations.

En conséquence :

1° Nous exhortons instamment les femmes et les jeunes filles de notre diocèse à observer dans leurs vêtements les règles de la modestie chrétienne.

2° Elles doivent absolument s'interdire de paraître à l'église, surtout pendant les offices publics et pendant le saint sacrifice de la Messe, en robes décolletées ou les bras nus.

3° Elles ne seront pas admises dans cette tenue au saint Tribunal de la Pénitence ni à la sainte Table.

Et sera, la présente lettre pastorale avec le mandement qui la termine, lue et publiée au prône de la messe principale, dans les églises et chapelles de notre diocèse, le dimanche qui en suivra la réception.

Donné à Reims, en la fête de l'Assomption de la Sainte Vierge, le 15 août 1925.

+ L.-J., Cardinal LUÇON,
Archevêque de Reims.

Par Mandement,

J. LECOMTE, Camérier de Sa Sainteté,
V. G., Secrétaire Général.

Référence

Bulletin du diocèse de Reims, 53e année, n°35, samedi 29 août 1925, p. 273-276.

Un grave appel de l'Épiscopat de Belgique à propos des modes indécentes, 1925


Désiré-Joseph Cardinal Mercier (1851-1926)
Il y a quelques semaines, dans notre numéro du 3o août [1925] nous reproduisions la Lettre de Mgr Besson, évêque de Lausanne, sur le scandale des modes actuelles.

Nous reproduisons aujourd'hui cette Lettre collective vraiment émouvante des évêques de Belgique :

Mères chrétiennes, nous venons à vous avec confiance. Vous ne nous refuserez pas votre concours.

À plusieurs reprises, nous avons rappelé les lois de la modestie chrétienne et nous avons eu la consolation de constater qu'à l'intérieur des églises, au moins, et au banc de communion, vos jeunes filles et vous-mêmes vous vous êtes souvenues de la dignité de votre baptême et du respect qui est dû à la majesté de Dieu.

Même dans la maison de Dieu, cependant, tout n'est pas parfait encore, et nous ordonnons à MM. les curés de maintenir partout l'avertissement qui y a été affiché et que nous reproduisons ici :

Par respect pour la maison de Dieu, les dames et les jeunes filles sont priées de ne se présenter à l'église qu'en robe montante et fermée et avec manches descendant au-dessous du coude.

Les personnes qui ne seraient pas ainsi vêtues sont priées de ne pas s'approcher du banc de communion.

Nous supplions les mères de famille d'habituer leurs enfants, dès le jeune âge à la modestie et au respect de la dignité chrétienne.

C'est sur les jeunes enfants que nous appelons aujourd'hui tout particulièrement votre attention.

Vous avez un devoir de conscience de les élever et de les entretenir dans la pudeur. Vous devez les habiller avec réserve et exiger notamment que les robes des vos fillettes leur couvrent les bras et leur descendent au-dessous des genoux.

Nous enjoignons aux directrices des écoles et pensionnats catholiques de faire connaître aux parents cette prescription et de l'afficher dans les parloirs où sont reçues les familles.

Saint Paul, écrivant à Timothée à propos de la prédication de la morale évangélique, lui disait :

Des circonstances se présenteront où les fidèles auront peine à supporter le langage de la pureté de l’Évangile ; ils aimeront mieux consulter leurs convoitises et prêter l'oreille à des maîtres qui les flattent. Mais toi, disait le grand Apôtre à son disciple, sois vigilant quand même, fais ton devoir de héraut de l’Évangile ; prêche la parole de Dieu, insistes-y à propos et hors de propos, démontre, supplie, réprimande, aie recours à toutes les ressources de la patience et de ton enseignement apostolique.

Mères chrétiennes, en d'autres occasions, nous avons essayé de faire entendre à notre peuple fidèle, avec preuves à l'appui, les exigences de la modestie chrétienne ; nous avons adressé des reproches à ceux qui manquent.

Aujourd'hui, dociles aux exhortations du grand Apôtre, nous prenons volontiers l'accent de la prière et nous vous supplions de songer à vos responsabilités de mères chrétiennes ; ne dédaignez pas d'écouter avec une filiale déférence la parole autorisée de vos évêques.

Il y va de l'avenir de vos enfants, il y va du relèvement de la moralité dans notre pays.

Une réforme énergique dans l'éducation des jeunes enfants en préparera d'autres, dans le même ordre, pour la pureté de vos foyers et l'assainissement des mœurs publiques.

Mères chrétiennes, directrices et éducatrices de l'enfance, nous vous remercions par avance de votre dévoué concours et nous prions Dieu de répandre sur vos foyers.


+ D.-J Card.[inal] MERCIER, Archev.[êque] de Malines ;
+ GUSTAVE, Év.[êque] de Bruges ;
+ THOMAS-LOUIS, Év.[êque] de Namur ;
+ MARTIN-HUBERT, Év.[êque] de Liège et Eupen-Malmédy ;
+ ÉMILE-JEAN, Év.[êque] de Gand ;
+ GASTON-ANTOINE, Év.[êque] de Tournai.

Référence

La Tunisie catholique, 11 octobre 1925, p. 750-752

Lettre de Son Éminence, le cardinal Dubois, contre les danses immodestes, 1920


Louis-Ernest Cardianl Dubois (1856-1929), en 1920
Hier matin [dimanche 19 décembre 1920] a été lu en chaire, dans toutes les églises du diocèse, l'avertissement suivant du nouvel archevêque de Paris, « contre les modes indécentes et les danses inconvenantes ».

À plusieurs reprises, Notre vénéré prédécesseur, le cardinal Amette, a rappelé aux femmes et jeunes filles chrétiennes le devoir qui s'impose à elles de s'abstenir des modes indécentes et des danses inconvenantes.

Nous maintenons et faisons Nôtres les avertissements et les défenses de notre vénéré prédécesseur.

Nous conjurons Nos diocésaines de réagir contre les modes opposées à la décence chrétienne.

Nous rappelons qu'en conscience les femmes et jeunes filles chrétiennes ne peuvent, sous quelque prétexte que ce soit, prendre part aux danses inconvenantes, la plupart de nom et d'origine exotiques.

Nous rappelons aux confesseurs qu'ils doivent appliquer, sur ces points comme sur tous les autres, les règles de la théologie morale.

Nous avons confiance que les femmes et jeunes filles chrétiennes de Notre diocèse, dont Nous connaissons l'esprit de foi, la piété et la docilité, auront à cœur de donner partout le bon exemple.

Référence

Le Figaro, 66e année, 3e série, n°354, lundi 20 décembre 1920, p. 2.